Racine Et la Tragedie Grecque
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Racine et la tragédie grecque
Compte-rendu
De nos jours, la préoccupation pour la littérature classique reste assez vivante. Le paysage littéraire français se caractérise par sa diversité, sa richesse, ses valeurs incontestables. La littérature actuelle engendre l’évolution des siècles des grands écrivains français, une évolution remarquable au niveau des thèmes, des personnages, des histoires, des cadres physiques et mentales crées, des sources d’inspiration utilisées, parfois, comme des modèles déclarés.
Le Classicisme français, le courant littéraire manifesté au XVIIème siècle, se concentre autour des grands noms de la dramaturgie, comme Molière, Pierre Corneille et Jean Racine et reste une ressource inépuisable de formes et de contenus. La tragédie classique devient un symbole de la perfection formelle, où les règles des trois unités – l’unité d’action, l’unité de temps et celle de lieu, les principes de la vraisemblance et de la bienséance offrent au lecteur avisé une littérature de haut niveau artistique.
Nous nous proposons d’analyser les caractéristiques et les échos de la littérature classique, en général, et de la tragédie de Jean Racine, en particulier. Notre démarche se concentre autour du système dramatique classique et de la perspective racinienne sur la tragédie, en insistant sur les éléments qui individualisent la création de Jean Racine dans le paysage littéraire classique.
Une approche historique sur la littérature du XVIIème siècle va être complétée par la description de la tragédie classique en général. On se propose d’analyser en quelle mesure Jean Racine respecte le système théorique de la tragédie classique, si l’on le considère le grand représentant du Classicisme en France.
Pour la critique de l’œuvre, nous allons soumettre à l’analyse et comparer les sources d’inspiration pour la tragédie de Jean Racine, les influences grecques ou romaines, les mythes et la mythologie antique. On connait le fait que le dramaturge classique manifeste une admiration déclarée pour tout ce que l’Antiquité offre au niveau littéraire. Dans notre ouvrage, nous désirons mettre en balance les deux sources artistiques, les créations antiques grecques ou romaines.
Une approche détaillée sur l’écriture de Jean Racine se concentre autour de ses principes, ses règles, ses objectifs, ses histoires et ses personnages. Le personnage racinien fait preuve d’une structure unique, grâce aux nouveautés que le dramaturge introduit sur les passions et les forces intérieures d’un personnage. Il réduit en importance le rôle des dieux de la mythologie grecque, mais développe le pouvoir du personnage d’agir. Il devient partiellement responsable de ses choix, même si la fatalité du destin y est présente.
Nous nous proposons une analyse détaillée de la tragédie classique racinienne, par l’intermédiaire de trois créations représentatives du paysage littéraire classique : Andromaque, Iphigénie et Phèdre. Dépassant le territoire limité de la France, les trois tragédies raciniennes deviennent des symboles du classicisme européen.
Le dramatisme du théâtre racinien nait encore des controverses, puisqu’il réalise un mélange entre le passé et le présent, l’histoire et la modernité, la religion et le laïque. Ce mélange réussit lui rend la position de représentant du théâtre classique dans la littérature française.
La vie et l’œuvre de Jean Racine sont interprétés sous le signe de son éducation, reçue dans sa petite enfance au Port-Royal, du rapport au jansénisme et à la royauté. Les trois aspects représentent des étapes fondamentales dans le développement littéraire et personnel de Jean Racine, un symbole de la littérature française du XVIIème siècle.
Reconnue pour ses principes jansénistes, l’éducation reçue au Port-Royal met son accent sur l’avenir littéraire de Jean Racine, mais aussi sur sa révolte ultérieure. Le jansénisme, devenu à l’époque un véritable courant d’opinion, repose sur des principes rigoureux et austères à la fois. Inspiré de la conception de vie de Saint Augustin, le théologien Jansen reprend des fondements comme l’échec humain et l’impossibilité de l’homme de se sauver à son destin. Dès sa naissance, l’homme devient un être abîmé, qui attend toute sa vie la grâce divine. Selon les jansénistes, le côté spirituel domine le temps physique, ce qui imprègne une perception rigide sur le rôle de la littérature dans la vie des gens, susceptible de détourner l’individu de Dieu, tout ce qui compte vraiment dans la vie.
Même si le début littéraire de Jean Racine conduit aux premières disputes avec l’abbaye Port-Royal, ses créations portent l’empreinte du jansénisme. Ses personnages sont soumis au destin et leurs passions les détruisent. Le théâtre racinien crée des personnages suffoqués par des péchés comme l’orgueil, l’envie, le désir du pouvoir, l’amour, l’avidité. La tragédie Phèdre, dominée par l’idée du destin et de la fatalité, reste un symbole de la conception janséniste de Jean Racine, en tant que Athalie, la dernière tragédie racinienne met en premier plan la recherche dramatique de la divinité.
Néanmoins, Jean Racine n’est pas un écrivain qu’on pourrait associer totalement au jansénisme. Il marque son indépendance, il défend ses options pour le théâtre, il crée un monde littéraire nouveau. Le rejet du théâtre comme forme d’expression artistique représente la raison de la rupture entre l’auteur Racine et ses anciens enseignants, puisque l’auteur français n’imagine pas un monde quasiment perdu de point de vue moral et ses personnages ont encore des moyens pour se sauver.
Après une riche période littéraire, où Racine créé les tragédies qui l’imposent comme représentant du Classicisme français et de la tragédie classique, mais dominée par les disputes avec le Port-Royal, Jean Racine renonce au théâtre en faveur de ses maitres. Le fait qu’il a essayé d’harmoniser les deux aspects, l’éducation reçue d’un tout petit âge et le talent littéraire concrétisé plutôt dans le domaine du théâtre, reste l’œuvre écrite en secret, L’Abrégé de l’histoire de Port-Royal, une chronique du couvent. Elle sera publiée assez tard, après la mort de l’écrivain et la destruction du monastère.
Pour Racine, les créations des ancêtres latins et grecs représentent des sources inépuisables d’inspiration, lorsque l’Antiquité est une époque de la perfection. Il soutient la valeur d’Homère et de Virgile, dont les créations sont des chefs–d’œuvre et doivent servir comme étalon pour toute la littérature de l’époque. La nature doit devenir une importante ressource, puisqu’elle fait promouvoir la simplicité et la nature. Il compare, à l’exemple de sa contemporaine, La Bruyère, l’art à la nature, dont la principale caractéristique est la perfection.
L’imitation des œuvres des auteurs anciens, latins et grecs, ne signifie pas pour Racine de copier. Par contre, l’auteur doit faire preuve de beaucoup d’imagination et de talent pour réinterpréter des histoires, des mythes, des histoires anciennes.
Même si la critique littéraire rapproche l’œuvre de Jean Racine au jansénisme, sa manière de considérer la nature humaine l’éloigne définitivement. Il admire la complexité de l’être humain, de ses passions, de son pouvoir de renaitre et de se réinventer, voire dans les conditions austères du destin. Même si Jean Racine est l’adepte de l’idée de préméditation, par contre, il crée des caractères libres, optimistes, dont les passions se mélangent avec la raison.
Les mots-clés des anciens grecs qu’on retrouve aussi dans le théâtre classique de Racine sont la fatalité, le destin, la morale, les lois, la religion. La fatalité représente l’explication pour tous les événements qu’un personnage traverse. Les dieux sont considérés responsables pour le destin d’un personnage, parce qu’ils peuvent appliquer les principes de la morale, les lois de la religion. Si les héros d’Homère se montrent, parfois, garants de leurs actions, ce sont les dieux qui lui inspirent le courage ou la curiosité, la peur ou la réserve, en vue d’accomplir un destin.
En suivant Sophocle comme modèle, Racine réutilise l’idée de la lutte asymétrique qui se donne entre le caractère humain et les dieux. Le progrès de la philosophie marque aussi la réduction de l’importance du destin.
La tragédie grecque d’Euripide change le rôle des dieux dans l’accomplissement d’un destin. Ils perdent de leur importance, à la faveur des principes comme la liberté et la détermination humaine. Les causes du dénouement tragique des personnages deviennent le caractère du personnage et ses passions démesurées. L’idée de fatalité n’a pas entièrement disparue, mais il partage la responsabilité entre la divinité et les mœurs des personnages.
On retrouve cette évolution des principes du théâtre antique grec dans la diversité des tragédies raciniennes. Jean Racine reprend l’histoire grecque, les mythes, les caractères, la morale du destin des personnages et les transforme en inépuisables sources de littérature.
Jean Racine a été fasciné par la langue et la culture grecque. Les mythes grecs qu’il a réinterprétés dans ses tragédies représentent les pivots de son respect pour l’Antiquité grecque et pour le théâtre antique.
L’admiration pour la culture grecque, pour la musicalité de la langue, pour la profondeur des mythes, pour les grands créateurs tragiques – Eschyle, Sophocle et Euripide – a beaucoup influencé l’œuvre dramatique de Racine. Le respect pour la culture grecque et ses affinités avec l’Antiquité en général, grecque et romane à la fois, sont les fondements se retrouvent dans la tragédie racinienne.
Le terme classicisme est utilisé dès le XIXème siècle en français et il fait référence aux traits définitoires des œuvres littéraires antiques, reprises comme modèles au XVIIème siècle. À présent, le terme de Classicisme désigne la création littéraire des années 1660-1685.
Même si l’époque de Jean Racine est caractérisée par la dominante du théâtre, les classiques sont les adeptes de la pureté formelle et la séparation des genres. Contrairement au Baroque, où les genres littéraires étaient associés, le Classicisme insiste sur la pureté des formes et des registres. Le comique et le tragique ne peuvent pas être mélangés, selon les classiques, puisque chaque type d’écriture a ses valeurs et ses finalités.
Le but de la littérature, selon le Classicisme, est celui d’instruire et de plaire à la fois. Cette approche éducative sur la littérature représente un principe des ancêtres grecs, qui ont servi comme modèle pour la littérature classique. La préoccupation de plaire aux gens s’est manifestée aussi dès l’Antiquité, lorsque les pièces de théâtre jouées à scène ouverte devaient provoquer le plaisir des spectateurs. Le fait que les personnages représentaient des gens de classe sociale supérieure obligeait aussi à attirer l’attention et à ne pas heurter l’orgueil.
La littérature classique est une littérature moralisatrice. Une des finalités de l’art est d’instruire les gens, de leur provoquer un sentiment d’angoisse et de catharsis. Les mœurs des gens sont ironisées, en utilisant la plaisanterie, la satire, le rire comme outils et méthode d’éducation.
Le Classicisme reste dans l’histoire de la littérature une période ou l’équilibre, la raison et l’idéal humain de l’honnête homme se mélangent. Les principes de l’Antiquité sont préservés et valorisés grâce aux auteurs classiques, dont les dramaturges Molière, Corneille et Racine représentent des symboles.
Le Classicisme enregistre la renaissance de la tragédie, qui était même disparue dans sa forme pure, puisque la tragi-comédie et la pastorale l’avaient remplacée au XVIème siècle. La réapparition de la tragédie est due à plusieurs aspects de l’époque, qui ont favorisé l’épanouissement du théâtre en général et de la tragédie classique en spécial. Le XIIème siècle se caractérise par l’existence de meilleures conditions matérielles pour la mise en scène des pièces de théâtre, l’apparition des salles de théâtre, l’existence des acteurs professionnels et des troupes spécialisées. À cette époque-là, le théâtre devient une manière de passer le temps, un loisir préféré des gens cultivés. La vie à la Cour Royale encourageait le jeu des acteurs et appréciait les créations des écrivains.
La tragédie est un genre théâtral qui développe une action, qui met en scène des personnages de classe sociale élevée, qui a comme finalité d’émouvoir et d’instruire les gens. Dans une tragédie, les personnages s’exposent en vers, des alexandrins, sur un ton élevé.
Même si Jean Racine n’exprime pas de manière théorique et organisée sa conception sur le rôle et la structure de la tragédie, il affirme ses opinions dans les préfaces de ses œuvres.
Le dramaturge du XVIIème siècle affirme son admiration pour l’Antiquité grecque et admet la perfection de la forme proposée par Aristote pour la tragédie. Pourtant, au de-là des apparences formelles, Jean Racine change profondément la vision sur la tragédie, en imposant des éléments nouveaux dans le genre.
Le personnage tragique est dominé, par excellence, de ses passions. Chez Racine, les sentiments dominants restent la haine, la jalousie, l’envie, des éléments quasi présents dans l’économie du théâtre racinien.
La simplicité de l’action, que Jean Racine préfère en défaveur des intrigues trop complexes qui caractérisaient les tragédies de Pierre Corneille, répond aux règles antiques sur la tragédie. L’abondance des péripéties et des conflits rend la structure dramatique non conforme à ses origines. Le dramaturge soutient la nécessité de créer une action simple, où il n’existe rien de superflu ou d’artificiel. Les critiques littéraires observent une certaine tendance à l’époque, dont le théâtre de Racine fait partie, celle du rejet des créations trop amples, comme le roman-fleuve, en faveur du roman court.
À une action simple correspond un conflit simple, selon Racine. Il réussit de réinventer la tragédie antique et de la définir dans le Classicisme. La structure qu’il propose respect le principe de la logique et de la simplicité, où le nombre réduit de personnages doit être connu dès le début de la pièce. Il n’admet pas les surprises à travers le déroulement de l’action, il ne permet pas des confusions dans l’identité des personnages. Tout ce qui se passe sur la scène doit être réduit au minimum. Pour Racine, ce ne sont pas les mouvements physiques qui soutiennent le déroulement et le succès de la pièce, mais les passions fortes et tout ce qui change le personnage à l’intérieur.
La logique interne de l’action oblige, selon la conception de Jean Racine, de prévoir la fin du conflit même dès l’exposition. Selon le dramaturge, le spectateur doit avoir la possibilité d’anticiper le dénouement, à partir de premiers événements. Le fait que le dramaturge classique n’admet par la surprise comme élément perturbateur rend ses œuvres des modèles pour son époque.
Une approche nouvelle sur le personnage et le conflit tragique assure à Jean Racine le titre de symbole de la tragédie classique. La typologie des conflits est diverse et complexe. Même si l’auteur est adepte d’une action simple, rigoureuse, qui limite au maximum l’action, cependant, il imagine des sources diverses de conflits, à partir du domaine personnel, jusqu’au social et au politique. Le personnage ne peut pas se retirer du monde, il ne peut pas vivre seul et isolé son drame, il doit l’assumer au niveau personnel, qu’au niveau officiel, courtois, diplomate en même temps.
Le personnage racinien est cruel, perfide et avare. Ces aspects caractérisaient, en général, l’attitude des héros rationnels, de la tragédie classique. Chez Racine, tout personnage peut agir de la sorte, même s’il s’agit d’un être passionnel. Il n’établit pas des contraintes, des principes rigides dans la typologie des personnages, il crée l’impression des héros libres qui peuvent choisir leur manière d’agir. La dualité rend, en fait, le personnage complexe et vraisemblable.
Les héros raciniens sont dominés par l’orgueil, la passion, la haine, le désir, une palette assez large de sentiments qui provoquent l’évolution et la fin tragique. Sous l’empire des émotions négatives, le héros, vu dans sa complexité et sa dualité, cherche toujours les solutions les plus dures. Les deux éléments qui dominent l’être créé par Racine, la raison et la passion, engendrent des désirs différents. Ainsi, le personnage dominé par l’esprit ressent un désir ardent de dominer les autres, d’obtenir le pouvoir. Les affectifs luttent pour l’amour, pour la sensibilité et le bonheur à côté de ce qu’ils aiment. L’orgueil reste, pourtant, un trait général valable qui caractérise les héros classiques.
Le système de portraits raciniens vise le côté héréditaire des personnages. La lignée familiale devient un thème récurrent chez Racine, grâce aux liaisons qu’il établit entre les actions, les choix des personnages et leurs explications héréditaires. Racine répond aussi à la théorie d’Aristote, selon lequel le rôle de la tragédie est de peindre des familles illustres. Le fait de choisir des noms célèbres et de reprendre leur histoire assure, en général, le succès de la pièce. Jean Racine préfère d’encadrer dans ses histoires des personnages ayant un passé célèbre ou appartenant à des familles connues, puisqu’il peut justifier facilement son destin. La même passion pour un objet ou pour un être humain où les mêmes préférences des membres de la famille facilitent les justifications du dramaturge.
Andromaque est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine, conçue et imprimée à Paris, en 1668, la 3ème pièce de Racine, qui marque le véritable début de sa vie littéraire.
Les sources identifiées proviennent de l’Énéide, de l’Andromaque d’Euripide, de la Troade de Sénèque et de l’Iliade d’Homère. Le triomphe de la tragédie a été absolu mais, en mai 1668, Molière joue la Folle Querelle qui aspirait de critiquer les imperfections de la pièce. Andromaque défit ces insultes et reste la pièce la plus estimée de Jean Racine, le dramaturge classique.
La nouveauté d’Andromaque résulte de la manière authentique de considérer la tragédie de Racine, à laquelle s’adjoignent des interprétations comme le privilège de la passion et de la folie, fréquemment favorisés par le spectateur du XXème siècle.
Avec Andromaque, Racine montre la plénitude de son talent, qu’il n’avait pas réussi de montrer dans ses premières pièces. En contrecoup, cette tragédie marque une scission dans l’approche du tragique jusqu’alors dominant. Les critiques littéraires reprochent à Racine la barbarie de Pyrrhus, dont l’attitude envers Hermione n’est pas celle d’un homme intègre. Ces critiques ont eu une résonance réelle face au public de l’époque.
Racine a refusé de se défendre contre les critiques de l’époque, qui avaient remarqué que sa pièce suivait un modèle différent de celui du XVIIème siècle. Ils affirment que le côté tragique se définit à travers deux grandes dimensions: la première respecte les éléments classiques, comme la fidélité d’Oreste envers Hermione, qui peut aller jusqu’à la réduction de soi par le meurtre. La comparaison de l’appréciation des Grecs et de l’amour promis par Pyrrhus à Andromaque est un autre élément qui appartient à la tradition. Les choses changent lorsqu’Oreste ne tue pas Pyrrhus dans une lutte singulière et ne fait que joindre son coup meurtrier à ceux des autres. Son geste manque de célébrité. Son état de déséquilibre, qui explose pendant le dénouement pour justifier son tragique, cette attitude le rompt de tout renvoi à un agencement social que le déséquilibre et ne lui accepte plus d’arrêter. Elle le dégage d’une image sur le monde auquel il n’a pu s’adapter.
L’aliénation est un dénouement marqué par abandon. L’attitude des lecteurs du XXème siècle devient délicate, peut-être parce que la folie devient la dernière possibilité, à cause de l’inadaptation des personnages à la vie qu’ils mènent. Le personnage principal Oreste se transforme dans un être aliéné et le modèle de la tradition chevaleresque s’y termine. Le personnage d’Oreste engendre le portrait symbolique de la fin d’un monde épique, mémorable, qui dégage avec elle une véritable configuration du dramatique.
Simultanément, on remarque un autre domaine où le tragique souffre des changements, c’est la création d’une puissance supérieure aux hommes, représentée par la tombe d’Hector. Les valeurs chevaleresques disparaissent, grâce à l’apparition de la divinité. Chaque personnage, exceptant Andromaque, devient victime des revendications personnelles: Hermione prouve de l’orgueil exagéré, même si elle est éprise et provoque le changement en acceptant une atrocité absolue.
Oreste, avant de s’abîmer dans l’instabilité psychique, il représente le personnage fatigué, satisfait de cultiver une situation qui lui est propice, dont il n’est pas l’auteur. Son impuissance conduit au dénouement tragique. La condition que le héros Oreste veut décomposer restreint le jugement à une tromperie, puisque tout verdict ou toute action qui en résulte sont menés à des anxiétés insignifiantes qui, au lieu de dénouer les rivalités, font pivoter les enchaînements encore plus rapides et mènent les personnages vers leur mort.
La critique littéraire annonce comme source de la tragédie racinienne l’œuvre d’Euripide, mais affirme qu’il l’a même dépassé dans l’art du portrait de ses personnages et la dimension des caractères imaginés. Des moments célèbres de la pièce, comme la rencontre de Clytemnestre et d’Agamemnon, celle d’Achille et Agamemnon, dépassent en grandeur l’œuvre de l’Antiquité grecque.
Avec la tragédie Iphigénie, Racine revient aux sujets grecs et mythologiques qu'il avait délaissés depuis ‘’Andromaque’’ pour des tragédies historiques romaines comme Britannicus et Bérénice ou orientales Bajazet et Mithridate. Il récupère un événement des plus touchants de la vie de la famille abominée des Atrides, le sacrifice d’Iphigénie par son père, Agamemnon.
Phèdre est la dernière tragédie profane de Racine. Elle vient après Iphigénie, publiée en 1674. Elle est suivie d'un long apaisement qui dure douze ans, pendant lequel Racine se dédie au service du roi Louis XIV et à la religion. De nouveau, il préfère un thème de la mythologie antique interprétée par les poètes tragiques.
Racine est l’unique qui ait risqué un tel personnage sur la scène française, similaire au personnage Macbeth de Shakespeare. Ces deux personnages, encouragés vers le crime par une destinée tyrannique, animent un intérêt même plus fort qu'il est au naturel et qui découle, non du délit qu'ils ont provoqué, mais de la catastrophe qui les y rejet.
Jean Racine reste le symbole de la tragédie classique, grâce à son œuvre de haute qualité artistique, grâce à ses personnages mémorables et à ses histoires impressionnantes. Adepte des Anciens, le dramaturge classique saisit la complexité de la littérature antique, réinterprète les mythes et les éléments de la mythologie grecque et romaine, crayonne des personnages puissants, capables de définir toute une époque.
Ayant la chance d’une éducation complexe et diversifiée, sous la direction des Jansénistes de l’abbaye Port-Royal, Jean Racine oscille pendant sa vie entre l’acceptation ou le rejet du réel. La diversité des sources d’inspiration, soit d’origine grecque, soit romaine, soit le passé, soit le présent, soit la mythologie, soit la modernité, font de Jean Racine l’auteur qui représente et dépasse, en même temps, son époque.
Le système dramatique de Racine devient, à côté des créations de Molière et de Corneille, le symbole du Classicisme et du XVIIème siècle, puisqu’il respecte et enrichit les règles classiques, en imposant, à la fois, son style. L’histoire de Jean Racine nait de presque rien et réussit de créer le dramatique en jouant des sentiments des personnages. L’aspect psychologique de l’être humain construit toute la profondeur de la tragédie, chez Racine. Il ne fait pas recours à l’analyse psychologique, ni même à une action complexe, il détient le talent de mélanger les deux aspects et d’obtenir des créations uniques.
Avant l’analyse des tragédies raciniennes, on aurait pu se poser des questions sur la mimesis, le principe du Classicisme, qui peut mettre en danger l’originalité de l’œuvre. En utilisant des ressources artistiques diversifiées, soit de l’Antiquité grecque, soit de l’Antiquité romaine, les tragédies raciniennes réjouissent d’un aspect original, rafraichissant, parfois insolite, où seulement le nom ou l’histoire d’un héros illustre raisonne avec l’imagination de Racine.
Représentant du théâtre classique en général et de la tragédie en particulier, Jean Racine reste le symbole d’une époque où le respect pour le passé facilite la parution des créations originales, où le mélange de la mythologie et de l’aspect formel moderne fait possible la naissance d’une œuvre unique – la tragédie racinienne.
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UNIVERSITATEA _______________________________________
FACULTATEA ________________________________________________
LUCRARE DE LICENȚĂ/DISERTAȚIE
RACINE ET LA TRAGEDIE GRECQUE
Coordonator științific,
prof. univ……………….
Candidat,
………………………………
(localitate),
2016
Racine et la tragédie grecque
Contenus
Contenus …………………………………………………………………………………. p.2
Argument …………………………………………………………………………………. p.3
Chapitre I : Jean Racine et la culture grecque ………………………………………… p.5
I.1. Racine et son époque ………………………………………………… p.5
I.2. Mythes et mythologie grecque ……………………………………… p.8
Chapitre II : Le système dramatique de Racine ……………………………………… p.11
II.1. La littérature du XVIIème siècle : le Classicisme ……………….. p.11
II.2. La tragédie classique : historique, règles et personnages ……….. p.13
II.3. La conception de la tragédie chez Racine ………………………… p.19
Chapitre III : L’œuvre théâtrale de Racine ……………………………..……….……. p.26
III.1. Les sources grecques et latines de l’œuvre ………………………. p.26
III.2. Le personnage racinien …………………………………………… p.32
III.3. Andromaque ……………………………………………………….. p.37
III.4. Iphigénie …………………………………………………………… p.41
III.5. Phèdre ……………………………………………………………… p.45
Conclusions ……………………………………………………………………………… p.47
Bibliographie …………………………………………………………………………….. p.48
Argument
De nos jours, la préoccupation pour la littérature classique reste assez vivante. Le paysage littéraire français se caractérise par sa diversité, sa richesse, ses valeurs incontestables. La littérature actuelle engendre l’évolution des siècles des grands écrivains français, une évolution remarquable au niveau des thèmes, des personnages, des histoires, des cadres physiques et mentales crées, des sources d’inspiration utilisées, parfois, comme des modèles déclarés.
Le Classicisme français, le courant littéraire manifesté au XVIIème siècle, se concentre autour des grands noms de la dramaturgie, comme Molière, Pierre Corneille et Jean Racine et reste une ressource inépuisable de formes et de contenus. La tragédie classique devient un symbole de la perfection formelle, où les règles des trois unités – l’unité d’action, l’unité de temps et celle de lieu, les principes de la vraisemblance et de la bienséance offrent au lecteur avisé une littérature de haut niveau artistique.
Nous nous proposons d’analyser les caractéristiques et les échos de la littérature classique, en général, et de la tragédie de Jean Racine, en particulier. Notre démarche se concentre autour du système dramatique classique et de la perspective racinienne sur la tragédie, en insistant sur les éléments qui individualisent la création de Jean Racine dans le paysage littéraire classique.
Une approche historique sur la littérature du XVIIème siècle va être complétée par la description de la tragédie classique en général. On se propose d’analyser en quelle mesure Jean Racine respecte le système théorique de la tragédie classique, si l’on le considère le grand représentant du Classicisme en France.
Pour la critique de l’œuvre, nous allons soumettre à l’analyse et comparer les sources d’inspiration pour la tragédie de Jean Racine, les influences grecques ou romaines, les mythes et la mythologie antique. On connait le fait que le dramaturge classique manifeste une admiration déclarée pour tout ce que l’Antiquité offre au niveau littéraire. Dans notre ouvrage, nous désirons mettre en balance les deux sources artistiques, les créations antiques grecques ou romaines.
Une approche détaillée sur l’écriture de Jean Racine se concentre autour de ses principes, ses règles, ses objectifs, ses histoires et ses personnages. Le personnage racinien fait preuve d’une structure unique, grâce aux nouveautés que le dramaturge introduit sur les passions et les forces intérieures d’un personnage. Il réduit en importance le rôle des dieux de la mythologie grecque, mais développe le pouvoir du personnage d’agir. Il devient partiellement responsable de ses choix, même si la fatalité du destin y est présente.
Nous nous proposons une analyse détaillée de la tragédie classique racinienne, par l’intermédiaire de trois créations représentatives du paysage littéraire classique : Andromaque, Iphigénie et Phèdre. Dépassant le territoire limité de la France, les trois tragédies raciniennes deviennent des symboles du classicisme européen.
Le dramatisme du théâtre racinien nait encore des controverses, puisqu’il réalise un mélange entre le passé et le présent, l’histoire et la modernité, la religion et le laïque. Ce mélange réussit lui rend la position de représentant du théâtre classique dans la littérature française.
Chapitre I : Jean Racine et la culture grecque
I.1. Racine et son époque
La vie et l’œuvre de Jean Racine sont interprétés sous le signe de son éducation, reçue dans sa petite enfance au Port-Royal, du rapport au jansénisme et à la royauté. Les trois aspects représentent des étapes fondamentales dans le développement littéraire et personnel de Jean Racine, un symbole de la littérature française du XVIIème siècle.
Puisqu’il devient orphelin à 4 ans, la grand-mère paternelle l’amène à l’abbaye Port-Royal, où il reçoit une éducation restrictive, sous la direction des maitres jansénistes, des personnalités laïques qui ont choisi de se retirer du monde. Ayant un passé familial lié à la vie du monastère, Jean Racine devient rapidement un enfant protégé par ses enseignants, jusqu'à 15 ans, quand il commence les cours à un Collège de Beauvais.
Reconnue pour ses principes jansénistes, l’éducation reçue au Port-Royal met son accent sur l’avenir littéraire de Jean Racine, mais aussi sur sa révolte ultérieure. Le jansénisme, devenu à l’époque un véritable courant d’opinion, repose sur des principes rigoureux et austères à la fois. Inspiré de la conception de vie de Saint Augustin, le théologien Jansen reprend des fondements comme l’échec humain et l’impossibilité de l’homme de se sauver à son destin. Dès sa naissance, l’homme devient un être abîmé, qui attend toute sa vie la grâce divine. Selon les jansénistes, le côté spirituel domine le temps physique, ce qui imprègne une perception rigide sur le rôle de la littérature dans la vie des gens, susceptible de détourner l’individu de Dieu, tout ce qui compte vraiment dans la vie.
Même si le début littéraire de Jean Racine conduit aux premières disputes avec l’abbaye Port-Royal, ses créations portent l’empreinte du jansénisme. Ses personnages sont soumis au destin et leurs passions les détruisent. Le théâtre racinien crée des personnages suffoqués par des péchés comme l’orgueil, l’envie, le désir du pouvoir, l’amour, l’avidité. La tragédie Phèdre, dominée par l’idée du destin et de la fatalité, reste un symbole de la conception janséniste de Jean Racine, en tant que Athalie, la dernière tragédie racinienne met en premier plan la recherche dramatique de la divinité.
Néanmoins, Jean Racine n’est pas un écrivain qu’on pourrait associer totalement au jansénisme. Il marque son indépendance, il défend ses options pour le théâtre, il crée un monde littéraire nouveau. Le rejet du théâtre comme forme d’expression artistique représente la raison de la rupture entre l’auteur Racine et ses anciens enseignants, puisque l’auteur français n’imagine pas un monde quasiment perdu de point de vue moral et ses personnages ont encore des moyens pour se sauver.
Après une riche période littéraire, où Racine créé les tragédies qui l’imposent comme représentant du Classicisme français et de la tragédie classique, mais dominée par les disputes avec le Port-Royal, Jean Racine renonce au théâtre en faveur de ses maitres. Le fait qu’il a essayé d’harmoniser les deux aspects, l’éducation reçue d’un tout petit âge et le talent littéraire concrétisé plutôt dans le domaine du théâtre, reste l’œuvre écrite en secret, L’Abrégé de l’histoire de Port-Royal, une chronique du couvent. Elle sera publiée assez tard, après la mort de l’écrivain et la destruction du monastère.
La grâce royale que Jean Racine reçoit de Louis XIV, qui lui offre, en 1677, la responsabilité d’écrire l’histoire de la Cour de Versailles, rattache l’écrivain de la place de son éducation précoce. C’est le moment où l’auteur renonce à la littérature et implicitement au théâtre, il transforme sa vie radicalement et apporte sa contribution à la Cour Royale en vue de sauver l’abbaye Port-Royal.
La vie à la Cour lui apporte bien de bénéfices mais influence aussi la qualité de ses œuvres. Racine devient un écrivain royal, qui doit glorifier le Roi Louis XIV et d’autres noms influents de l’époque. C’est le moment où il écrit Alexandre le Grand, un œuvre qui souligne le pouvoir et l’influence du roi.
Son activité d’historien reste, à présent, quasi inconnue, puisqu’on a gardé des fragments seulement, dont Eloge historique du Roi sur ses conquêtes depuis l’année 1672 jusqu’en 1678.
L’époque de Jean Racine est dominée, à la fois, par Molière et Corneille, deux autres symboles de la littérature classique et du théâtre classique. Le conflit permanent entre les trois grands noms du théâtre classique a, pourtant, un élément de consensus. Ils soutiennent la suprématie de l’Antiquité versus la Modernité, un des sujets favoris de leurs contemporains. Si les auteurs modernes, comme Charles Perrault et Fontenelle, font l’éloge du progrès scientifique, Molière, Corneille et Racine soutiennent la supériorité de l’Antiquité.
L’admiration pour les modèles anciens comme Homère et Virgile, l’imitation de la nature, le respect pour les mythes grecs et romains des Classiques s’opposent aux principes des Modernes, qui refusaient de considérer l’imitation comme une manière de création, qui contestaient Homère comme modèle de l’Antiquité, dont la croyance au progrès de l’art et de l’humanité représentait l’élément central de la conception.
Pour Racine, les créations des ancêtres latins et grecs représentent des sources inépuisables d’inspiration, lorsque l’Antiquité est une époque de la perfection. Il soutient la valeur d’Homère et de Virgile, dont les créations sont des chefs–d’œuvre et doivent servir comme étalon pour toute la littérature de l’époque. La nature doit devenir une importante ressource, puisqu’elle fait promouvoir la simplicité et la nature. Il compare, à l’exemple de sa contemporaine, La Bruyère, l’art à la nature, dont la principale caractéristique est la perfection.
L’imitation des œuvres des auteurs anciens, latins et grecs, ne signifie pas pour Racine de copier. Par contre, l’auteur doit faire preuve de beaucoup d’imagination et de talent pour réinterpréter des histoires, des mythes, des histoires anciennes.
Même si la critique littéraire rapproche l’œuvre de Jean Racine au jansénisme, sa manière de considérer la nature humaine l’éloigne définitivement. Il admire la complexité de l’être humain, de ses passions, de son pouvoir de renaitre et de se réinventer, voire dans les conditions austères du destin. Même si Jean Racine est l’adepte de l’idée de préméditation, par contre, il crée des caractères libres, optimistes, dont les passions se mélangent avec la raison.
I.2. Mythes et mythologie grecque
L’éducation reçue à l’abbaye Port-Royal a beaucoup marqué la culture et même la structure cognitive de Racine. Au-delà de l’aspect théorique sur la littérature de l’Antiquité, l’écrivain a fait preuve d’une extraordinaire admiration pour les valeurs de ses ancêtres. Le théâtre classique de Jean Racine continue et réinterprète les grands mythes de l’Antiquité.
Les trois ans qu’il a étudié le grec et le latin, sous la direction des intellectuels jansénistes, ont édifié une source inépuisable pour l’œuvre de Racine. C’est une période unique dans sa vie, où il a découvert en même mesure la Bible et les classiques grecs comme Aristote, Sophocle et Euripide. Le latin, considéré comme la langue des contemporains classiques, est complété par la langue grecque, que Racine arrive à apprendre très bien.
La passion qu’il a développée pour la littérature de l’Antiquité grecque devient rapidement visible pour ses maitres, puisqu’il récite des passages entiers qui ont attiré son attention, il critique même le rôle des personnages qui ne gardent pas l’unité, il ironise les moments exagérés.
Le fait d’avoir obtenu un équilibre parfait entre le corps et l’esprit, est dû, à la fois, à l’admiration qu’il porte à la culture grecque. Il y découvre un monde dur, où l’être humain est condamné à vivre sous l’empire de ses passions, sans jamais trouver le silence et l’équilibre. L’élégance de la langue grecque, la musicalité des vers, les véritables études psychologiques de l’être humain sont des éléments d’origine grecque qui raisonnent dans le théâtre classique racinien.
Les mots-clés des anciens grecs qu’on retrouve aussi dans le théâtre classique de Racine sont la fatalité, le destin, la morale, les lois, la religion. La fatalité représente l’explication pour tous les événements qu’un personnage traverse. Les dieux sont considérés responsables pour le destin d’un personnage, parce qu’ils peuvent appliquer les principes de la morale, les lois de la religion. Si les héros d’Homère se montrent, parfois, garants de leurs actions, ce sont les dieux qui lui inspirent le courage ou la curiosité, la peur ou la réserve, en vue d’accomplir un destin.
En suivant Sophocle comme modèle, Racine réutilise l’idée de la lutte asymétrique qui se donne entre le caractère humain et les dieux. Le progrès de la philosophie marque aussi la réduction de l’importance du destin.
La tragédie grecque d’Euripide change le rôle des dieux dans l’accomplissement d’un destin. Ils perdent de leur importance, à la faveur des principes comme la liberté et la détermination humaine. Les causes du dénouement tragique des personnages deviennent le caractère du personnage et ses passions démesurées. L’idée de fatalité n’a pas entièrement disparue, mais il partage la responsabilité entre la divinité et les mœurs des personnages.
On retrouve cette évolution des principes du théâtre antique grec dans la diversité des tragédies raciniennes. Jean Racine reprend l’histoire grecque, les mythes, les caractères, la morale du destin des personnages et les transforme en inépuisables sources de littérature.
Jean Racine a été fasciné par la langue et la culture grecque. Les mythes grecs qu’il a réinterprétés dans ses tragédies représentent les pivots de son respect pour l’Antiquité grecque et pour le théâtre antique.
Provenant du terme grec «mythos», le mythe est, en fait, une histoire commune à un peuple, ayant un caractère légendaire. Pour les grecs, le mythe est «une histoire vraie qui s’est passée au commencement du temps et qui sert de modèle aux comportements des humains». Cette histoire peut raconter les actes de gloire d’un personnage, amplifiés par l’épopée héroïque et où les éléments de réalité et de fiction s’entremêlent.
Cette particularité de récit créateur développe le sérieux des mythes dans l'histoire des mortels, pour lesquels le mythe porte une double valeur: allégorique et éducative. Pour Denis de Rougemont, «un mythe est une histoire, une fable symbolique, simple et frappante». Par l’intermédiaire de ces histoires mémorables ou dramatiques s'expose une conception de l'univers autant qu'une interrogation sur l'homme. Le rocher de Sisyphe, le foie déchiré de Prométhée, le labyrinthe de Thésée, les travaux d'Hercule racontent des histoires à la fois claires et obscures.
Les spécialistes identifient plusieurs types de mythes :
les mythes cosmogoniques qui expliquent la naissance de l’univers,
les mythes théogoniques qui expliquent la progression dans la création du monde
les mythes anthropogéniques qui expliquent l’apparition de l’homme sur la Terre
les mythes historiques qui mélangent le sacré et l’histoire, pour expliquer l’apparition d’un peuple.
On considère le mythe un aspect vieux de la littérature, qui a été transmis oralement, d’une génération à l’autre. Cela fait possible l’existence de plusieurs versions, grâce au caractère de l’oralité. Ainsi, un mythe quelconque peut s’enrichir de sens, avoir de multiples connotations.
Le caractère oral du mythe le distingue du logos, qui représente un discours organisé, logique, cohérent, assumé, rationnel. Cette distinction prouve que, pour les classiques, l’Antiquité a été transmise par l’intermédiaire du mythe et du logos à la fois.
Le théâtre antique grec a trouvé sa continuation dans l’œuvre de Jean Racine, où les mythes sont repris et réinterprétés de manière originale. La tragédie grecque, en spécial, a une composition fixe, rigide, dont les thèmes évoluent de la religion à la politique ou à la place de l’homme dans la cité. Les acteurs et le chœur représentent deux éléments fondamentaux de la tragédie grecque. Le personnage illustré est soumis à la fatalité du destin, il n’a pas de liberté, ni de pouvoir pour agir contre. Son rôle est de susciter des sentiments de pitié et de provoquer la sensation de purification, de catharsis.
L’admiration pour la culture grecque, pour la musicalité de la langue, pour la profondeur des mythes, pour les grands créateurs tragiques – Eschyle, Sophocle et Euripide – a beaucoup influencé l’œuvre dramatique de Racine. Le respect pour la culture grecque et ses affinités avec l’Antiquité en général, grecque et romane à la fois, sont les fondements se retrouvent dans la tragédie racinienne.
Chapitre II : Le système dramatique de Racine
II.1. La littérature du XVIIème siècle : le Classicisme
La littérature du XVIIème siècle se développe sous le signe du Classicisme, un courant littéraire apparu comme réaction contre le Baroque, qui s’est manifesté au XVIème siècle et au début du XVIIème. Provenant du latin classicus qui signifie «de première classe», le terme «classique» caractérisait les « auteurs recommandes comme modèles ».
Le terme classicisme est utilisé dès le XIXème siècle en français et il fait référence aux traits définitoires des œuvres littéraires antiques, reprises comme modèles au XVIIème siècle. À présent, le terme de Classicisme désigne la création littéraire des années 1660-1685.
Le nom du Roi Louis XIV devient le symbole du Classicisme, puisque, à son époque, des écrivains se sont réunis sous le signe de la beauté, de l’équilibre et de la raison. La période se caractérise par la présence de quelques lois artistiques et morales adoptées par les classiques, comme la clarté du style, la sobriété, le désir d’instruire et de plaire et la considération de l’Antiquité comme modèle fondamental et source d’inspiration.
Le XVIIème siècle est marqué par Le Cid de Pierre Corneille, les Fables de La Fontaine, La Princesse de Clèves de La Bruyère, L’école des femmes, Le Misanthrope et Don Juan de Molière. Cependant, le XVIIème siècle reste dans l’histoire de la littérature française l’époque de la tragédie classique, où des pièces de théâtre comme l’Andromaque, Phèdre et Iphigénie de Jean Racine restent des symboles du Classicisme.
Un courant littéraire se distingue par l’existence de quelques traits définitoires communs, adoptés par les écrivains de l’époque. Ainsi, les classiques manifestent de l’admiration pour le style élégant et le langage clair et pur. Ils essaient d’instaurer des coutumes, à partir du domaine littéraire, où la langue française soit utilisée dans une forme similaire à celle de la Cour Royale. Le fait que les aspects de la langue ont beaucoup préoccupé les classiques devient visible dans la préciosité du style et le langage des personnages, illustrant des caractères célèbres de la classe royale.
Il y a dans la littérature du XVIIème siècle une vive préoccupation pour le culte de la raison. En utilisant les œuvres des écrivains antiques comme sources d’inspiration, les classiques gardent aussi l’intérêt pour l’équilibre et la mesure, des aspects qui caractérisent en particulier le théâtre classique, la comédie de Molière et la tragédie de Corneille et de Racine. Selon L’Art Poétique de Boileau, «le bon sens s’accorde avec la rime ».
Même si l’époque de Jean Racine est caractérisée par la dominante du théâtre, les classiques sont les adeptes de la pureté formelle et la séparation des genres. Contrairement au Baroque, où les genres littéraires étaient associés, le Classicisme insiste sur la pureté des formes et des registres. Le comique et le tragique ne peuvent pas être mélangés, selon les classiques, puisque chaque type d’écriture a ses valeurs et ses finalités.
Le but de la littérature, selon le Classicisme, est celui d’instruire et de plaire à la fois. Cette approche éducative sur la littérature représente un principe des ancêtres grecs, qui ont servi comme modèle pour la littérature classique. La préoccupation de plaire aux gens s’est manifestée aussi dès l’Antiquité, lorsque les pièces de théâtre jouées à scène ouverte devaient provoquer le plaisir des spectateurs. Le fait que les personnages représentaient des gens de classe sociale supérieure obligeait aussi à attirer l’attention et à ne pas heurter l’orgueil. Pour Molière, par exemple, qui soutenait l’importance du mélange entre l’utilité et le plaisir, «l’emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes ».
Une autre caractéristique de la littérature classique est l’idéal humain encouragé comme un homme intègre, qui se connait très bien et qui contrôle ses sentiments, ses passions, il est érudit et discret, il aime les gens et le bon goût. Presque tous les personnages classiques traversent de fortes passions, où la fatalité du destin et le pouvoir des dieux contrôlent les décisions du caractère. Pourtant, toutes leurs actions doivent être caractérisées par le bon sens, envers les autres, envers les spectateurs, envers eux-mêmes.
La littérature classique est une littérature moralisatrice. Une des finalités de l’art est d’instruire les gens, de leur provoquer un sentiment d’angoisse et de catharsis. Les mœurs des gens sont ironisées, en utilisant la plaisanterie, la satire, le rire comme outils et méthode d’éducation.
La fin du XVIIème siècle apporte en premier plan la querelle entre les classiques et les modernes, une dispute qui entamait l’admiration des classiques pour la littérature et les auteurs de l’Antiquité grecque et romaine.
Le Classicisme reste dans l’histoire de la littérature une période ou l’équilibre, la raison et l’idéal humain de l’honnête homme se mélangent. Les principes de l’Antiquité sont préservés et valorisés grâce aux auteurs classiques, dont les dramaturges Molière, Corneille et Racine représentent des symboles.
II.2. La tragédie classique : historique, règles et personnages
Le Classicisme enregistre la renaissance de la tragédie, qui était même disparue dans sa forme pure, puisque la tragi-comédie et la pastorale l’avaient remplacée au XVIème siècle. La réapparition de la tragédie est due à plusieurs aspects de l’époque, qui ont favorisé l’épanouissement du théâtre en général et de la tragédie classique en spécial. Le XIIème siècle se caractérise par l’existence de meilleures conditions matérielles pour la mise en scène des pièces de théâtre, l’apparition des salles de théâtre, l’existence des acteurs professionnels et des troupes spécialisées. À cette époque-là, le théâtre devient une manière de passer le temps, un loisir préféré des gens cultivés. La vie à la Cour Royale encourageait le jeu des acteurs et appréciait les créations des écrivains.
Définition de la tragédie
La tragédie est un genre théâtral qui développe une action, qui met en scène des personnages de classe sociale élevée, qui a comme finalité d’émouvoir et d’instruire les gens. Dans une tragédie, les personnages s’exposent en vers, des alexandrins, sur un ton élevé. Une première définition a été réalisée par Aristote, dans sa Poétique, au IVème siècle avant Jésus-Christ. Pour lui, « la tragédie est une imitation d’une action sérieuse, dans une forme dramatique, qui comporte des péripéties et une fin tragique, malheureux ».
Composition de la tragédie
Selon Aristote, une tragédie est composée de six éléments : la fable, les personnages, la diction, la pensée, le spectacle, la musique.
La fable ou l’intrigue de la tragédie représente le mélange cohérent, logique des péripéties des personnages. Les spécialistes insistent sur l’importance d’une intrigue bien construite dans la cohésion de la tragédie. Pour Aristote, la fable est un élément plus important que les personnages dans une tragédie, parce que leur rôle est de servir l’action.
Les personnages représentent les classes sociales élevées, dont les passions et les péchés servent de leçon aux gens simples. Leurs traits négatifs ne sont pas exagérés, par que les dramaturges envisagent d’émouvoir, de provoquer aux spectateurs des sentiments de pitié et de douleur.
La diction ou le style des personnages doit être élevé, le langage dramatique devait promouvoir l’élégance et la pureté langagière de la Cour Royale.
La pensée représente l’admiration pour la raison, pour l’équilibre, qui caractérise toutes les tragédies antiques.
Le spectacle désigne, en fait, le rationnement du théâtre, celui d’être joué sur une scène. Le terme peut avoir aussi une autre acception, puisque chaque mise en scène a pour but de transformer, de libérer des sentiments, de traiter des angoisses, de traiter et d’éduquer.
La mélodie présente la structure originaire de la tragédie, où le chœur est une part composante de la tragédie, à côté des acteurs.
Structure de la tragédie
Une tragédie est composée de quelques étapes obligatoires, nommées différemment par les spécialistes, comme l’exposition, le nœud et le dénouement ou la péripétie, la reconnaissance et la catastrophe, en fonction des principes appliqués.
L’exposition représente le début de la pièce, le moment où les spectateurs découvrent les personnages et leurs relations.
Le nœud est l’intrigue de la pièce, le conflit que les personnages doivent parcourir et, à la fin duquel, on transmet une morale.
Le dénouement représente les dernières séquences de la pièce de théâtre En principe, le dénouement finalise le conflit et trouve une fin tragique pour les personnages.
D’autre part, on identifie des éléments comme :
la péripétie qui désigne le passage d’une condition à son opposé
la reconnaissance ou le passage de l’inconnu au connu
la catastrophe représente, en fait, le dénouement de l’action
Les fonctions de la tragédie
La tragédie, comme forme du genre dramatique, accomplit des fonctions reconnues depuis l’Antiquité. Ainsi, on peut parler de la fonction morale, la fonction cathartique, la fonction éducative et esthétique.
La fonction morale se manifeste par la mise en premier plan des valeurs héroïques, comme le sens de responsabilité, l’audace, l’honneur, le respect.
La fonction catharsis est, peut-être, la plus importante, grâce à sa complexité. Ainsi, un objectif de la tragédie est celui de traiter, de soigner, de faire de la thérapie par l’intermédiaire de la fiction. Les passions que les personnages traversent, leurs histoires, leurs décisions, leur soumission à la fatalité du destin, tous ces éléments doivent choquer, provoquer des émotions fortes aux spectateurs, en vue de sentir, finalement, un sentiment de libération. Cette fonction complexe de la tragédie envisage de soigner les spectateurs de leurs propres passions, qui sont susceptibles de provoquer la même souffrance, la même fin.
La fonction éducative envisage de transmettre, dans une forme artistique, des valeurs humaines. La tragédie provoque le spectateur à méditer sur le statut de l’homme, sur l’idéal humain, sur le rôle de l’éducation dans les choix des personnages.
La fonction esthétique de la tragédie suit la conception d’Aristote, qui soutient que la finalité de la littérature est «de plaire et de toucher ».
Histoire de la tragédie classique
Le théâtre nait au Vème siècle avant Jésus-Christ, dans la Grèce Antique. Les célébrations dédiées à Dionysos, devenues des événements majeurs, se déroulaient sous forme de pièces de théâtre. Ainsi, ce genre littéraire devient une fête publique, sacre et laïque à la fois, religieuse et civique.
Les premières représentations de théâtre sont des tragédies. La Grèce Antique représente le berceau de la tragédie, où le théâtre est une reproduction allégorique du sacrifice. Le groupe théâtral était composé d’un cœur de 12, puis de 15 membres et d’un nombre réduit d’acteurs. Le tragique du destin des personnages était transmis à l’aide du chœur, qui augmentait le dramatisme de la situation. En temps, le nombre des choreutes diminue, en tant que le nombre des acteurs augmente.
Les dramaturges classiques redécouvrent la Poétique d’Aristote, dont les principes deviennent des règles rigides pour la tragédie classique. La première définition du théâtre appartient à Aristote, qui le considère imitation. Les noms consacrés de la dramaturgie grecque antique, comme Eschyle, Sophocle et Euripide, ont marqué l’évolution de la tragédie, du théâtre et de la littérature en général.
On enregistre une évolution dans la forme et l’approche sur la tragédie même dans la Grèce Antique. Ainsi, Eschyle est considéré le créateur de la tragédie, où la fatalité et les dieux occupent une place fondamentale dans le déroulement de l’action. Pour Sophocle, l’importance des dieux se réduit, en faveur du pouvoir des personnages. Pourtant, la lutte entre l’humain et le divin reste inégale. Dans la tragédie d’Euripide, les forces surhumaines se réduisent considérablement. Le désir humain affirme son pouvoir et son individualité. Il met le destin au jeu des passions humaines, qui réussissent de détruire le personnage, sans aucune intervention divine.
L’Antiquité latine est représentée par Plaute, Terence et Sénèque et respecte la même structure de la tragédie, le théâtre a les mêmes finalités et les mêmes fonctions, parce que le théâtre grec constitue un modèle et une source d’inspiration.
Pendant le Moyen Âge, le théâtre connait une période de déclin, à cause du contexte social bouleversé. L’intérêt de l’Église de faire connaitre aux gens la Bible impose les représentations à finalité instructive. C’est l’époque où se relance le théâtre comique, pour que, à la fin du Moyen Âge, un nouveau genre dramatique apparaisse, la farce.
Entre le XVème et le XVIème siècle, le courant artistique Baroque marque une période de succès pour le théâtre. Il se distingue de théâtre antérieur, par la présence des thèmes du changement, de l’illusion, de la mort. C’est une première approche sur le théâtre, vu comme un miroir de la réalité, en tant que la réalité devient une représentation de théâtre.
Le XVIIème siècle est marqué par trois grands noms de la dramaturgie, Jean Racine, Pierre Corneille et Molière. La tragédie classique devient le représentant de son époque, par son adhésion à l’absolutisme et à son attitude pessimiste. Les personnages deviennent des symboles pour la vie menée à la Cour Royale, leur destin est adapté aux faits contemporains. La tragédie classique respecte les règles de la tragédie grecque, la vraisemblance, la bienséance et la règle des trois unités – unité de l’action, du temps et de lieu. Le Classicisme reste la période de floraison du théâtre en général et de la tragédie, comme genre pur, en particulier.
La tragédie disparait dans sa forme enregistrée pendant le Classicisme. Le XVIIIème siècle est marqué par le drame bourgeois, en tant que le Romantisme méprise les usages classiques et les règles de la tragédie.
Les mythes grecs et romanes de l’Antiquité sont renouvelés et réinventés au XXème siècle, lorsque le théâtre de l’absurde crée une nouvelle approche sur les valeurs du passé.
Les règles de la tragédie classique en France
Les classiques ont découvert et appliqué les principes des auteurs de l’Antiquité grecque. Cela a fait possible l’emploi de la règle des trois unités, une structure assez rigide inventée par Aristote. Pourtant, les spécialistes montrent que le philosophe grec a imposé comme règles strictes l’unité de temps et l’unité d’action, la troisième étant développée au XVIème siècle :
«Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. »
La règle des trois unités s’impose en France au milieu du XVIIème siècle. Dans son Discours de la méthode, Descartes affirme que l’adoption de cette règle marque le début du Classicisme en France, où l’art en général et la littérature en spécial sont dominées par la raison, l’équilibre, le bon goût.
L’unité d’action suppose l’existence d’une seule intrigue principale dans la pièce de théâtre. Toute l’action doit se concentrer autour d’un élément central et cela permet au dramaturge de garder l’unité du ton. Cette règle assure la cohérence et la logique de l’action, mais elle ne permet pas à l’imagination de dépasser les limites de la raison.
L’unité de lieu suppose que l’action de la tragédie soit se passer dans le même endroit. Cette règle est beaucoup contestée par les contemporains, à cause des inadvertances entre les personnages, leur statut social et leur rôle dans la pièce.
L’unité de temps est la règle la plus contestée, puisque les événements doivent se succéder en 24 heures, parfois du lever au coucher du soleil.
Les critiques ajoutent d’autres règles à la tragédie classique, telles :
La bienséance, un terme qui apparait au XVIIème siècle, désigne le besoin de la tragédie de ne pas choquer les spectateurs, de point de vue moral ou esthétique. Le théâtre a des finalités comme l’instruction, le plaisir, la catharsis, mais il ne doit pas secouer les principes moraux, la sensibilité et les préjugés du public.
La vraisemblance oblige le dramaturge de créer des histoires quasi-réelles, où la vie des personnages semble possible. Les passions des personnages et leur destin, leur final, doit guérir les spectateurs de leurs propres passions. Cela oblige l’action de sembler réelle, pour obtenir l’effet de catharsis.
La tragédie classique trouve sa forme et sa source d’inspiration dans l’Antiquité. La structure de la tragédie, la règle des trois unités, la préoccupation pour la bienséance et la vraisemblance, les personnages complexes et diversifiés, font du théâtre classique, en général, et de la tragédie, en particulier, les symboles du Classicisme en France.
II.3. La conception de la tragédie chez Racine
Même si Jean Racine n’exprime pas de manière théorique et organisée sa conception sur le rôle et la structure de la tragédie, il affirme ses opinions dans les préfaces de ses œuvres. Ainsi, pour lui, la tragédie doit être «une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour, et qui, s’avançant par degrés vers sa fin, n’est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions de ses personnages.»
Le dramaturge du XVIIème siècle affirme son admiration pour l’Antiquité grecque et admet la perfection de la forme proposée par Aristote pour la tragédie. Pourtant, au de-là des apparences formelles, Jean Racine change profondément la vision sur la tragédie, en imposant des éléments nouveaux dans le genre.
La création dramatique de Racine est composée de 13 pièces :
neuf tragédies profanes : La Thébaïde (1664), Alexandre le Grand (1665), Andromaque (1667), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674) et Phèdre (1667)
deux tragédies sacrées : Esther (1689) et Athalie (1691)
une comédie : Les Plaideurs (1668)
Au XVIIème siècle, la tragédie était un mélange de galanterie et de romanesque, d’un côté, et d’héroïque, de l’autre côté. C’était la formule des tragi-comédies de Corneille, le contemporain que Racine allait critiquer plus tard. Racine suit les tendances, mais il affirme son originalité par le respect du réalisme, en défaveur de l’héroïsme et de la tendresse. Il préserve, pourtant, une préférence pour la coquetterie fine.
Dans l’atmosphère poétique que l’auteur crée, les personnages de Racine sont des demi-dieux, des princes, des rois, des grands hommes de l’Antiquité. Si, dans la tragédie antique, on amplifiait l’orgueil et l’exubérance des personnages, Jean Racine choisit de construire leur destin autour de l’infortune et de la tristesse absolue.
Au contraire de la conception de Pierre Corneille, son rival contemporain, Jean Racine soutient la nécessité d’une action simple, logique, facile, inspirée de la légende ou de l’histoire. Cette attitude fait preuve des sources que Jean Racine a utilisées, provenant de l’Antiquité. Il critique chez son contemporain, Pierre Corneille, le modèle romain de la tragédie, où l’action comporte plusieurs intrigues, assez entrecroisées, et la suite des événements devient difficile à prévoir. La multitude d’aventures extérieures que Pierre Corneille imagine dans ses tragédies lui semble un aspect de modernité. Racine, en effet, critique son écriture, en lui reprochant le manque de cohérence.
Le grand respect qu’il affirme pour les auteurs antiques devient visible dans la majorité de ses pièces, où les héros et leurs histoires redeviennent célèbres, grâce à l’écriture de Racine. Un élément de nouveauté pour son œuvre est le mélange qu’il a fait entre la mythologie et l’histoire présente, comme sources d’inspiration.
Les personnages raciniens sont soumis aux sentiments et aux passions qui les conduisent, finalement, à leur perte. Jean Racine n’est pas un fin psychologue, il ne suit pas, à travers l’action, les changements intérieurs de ses héros. Il est intéressé directement par leurs sentiments, leurs incertitudes. Son opinion sur l’amour va guider tous ses personnages, puisque l’amour est, par définition, une passion tragique, irréalisable, individualiste.
Le personnage tragique est dominé, par excellence, de ses passions. Chez Racine, les sentiments dominants restent la haine, la jalousie, l’envie, des éléments quasi présents dans l’économie du théâtre racinien.
La simplicité de l’action, que Jean Racine préfère en défaveur des intrigues trop complexes qui caractérisaient les tragédies de Pierre Corneille, répond aux règles antiques sur la tragédie. L’abondance des péripéties et des conflits rend la structure dramatique non conforme à ses origines. Le dramaturge soutient la nécessité de créer une action simple, où il n’existe rien de superflu ou d’artificiel. Les critiques littéraires observent une certaine tendance à l’époque, dont le théâtre de Racine fait partie, celle du rejet des créations trop amples, comme le roman-fleuve, en faveur du roman court.
À une action simple correspond un conflit simple, selon Racine. Il réussit de réinventer la tragédie antique et de la définir dans le Classicisme. La structure qu’il propose respect le principe de la logique et de la simplicité, où le nombre réduit de personnages doit être connu dès le début de la pièce. Il n’admet pas les surprises à travers le déroulement de l’action, il ne permet pas des confusions dans l’identité des personnages. Tout ce qui se passe sur la scène doit être réduit au minimum. Pour Racine, ce ne sont pas les mouvements physiques qui soutiennent le déroulement et le succès de la pièce, mais les passions fortes et tout ce qui change le personnage à l’intérieur.
La logique interne de l’action oblige, selon la conception de Jean Racine, de prévoir la fin du conflit même dès l’exposition. Selon le dramaturge, le spectateur doit avoir la possibilité d’anticiper le dénouement, à partir de premiers événements. Le fait que le dramaturge classique n’admet par la surprise comme élément perturbateur rend ses œuvres des modèles pour son époque.
Jean Racine soumet son œuvre dramatique à la règle de la tragédie classique concernant le respect des trois unités, initiée par le philosophe antique grec Aristote. Il admet le besoin de concentrer l’action, en vue de correspondre au maximum de temps admis. Cela demande un conflit simple, avec une seule intrigue, qui puisse permettre aux personnages de respecter leur destin. Le fait de concentrer les événements dans un problème unique permet aux pièces Andromaque et Iphigénie d’être considérées des symboles de la tragédie classique. Au contraire, Britannicus enregistre deux centres d’intérêt, qui se mélangent et s’entrecroisent. En Mithridate, l’auteur initie deux intrigues, une sur le plan affectif, l’autre sur le plan sentimental. Une pièce tout à fait différente de ce point de vue, dans l’univers racinien, est Athalie, où la légende et le quotidien subissent un mélange réussi. Au-delà de cette conception sur l’unité de l’action, les critiques littéraires applaudissent les réussites de Racine d’obtenir l’harmonie entre la simplicité et la cohérence.
L’action doit se passer en un seul jour, conformément aux théories d’Aristote, dont Jean Racine est adepte. Cette approche complète bien sa conception sur le besoin de simplicité, de clarté, de logique à l’intérieur des événements.
Quant à la règle de l’unité de lieu, Racine la respecte effectivement. Il soutient le besoin de créer des histoires qui doivent être jouées dans le même endroit, à cause de raisons organisationnelles. L’aménagement des places spécialisées pour la mise en scène du théâtre classique ou des amphithéâtres ne permettait pas aux acteurs et au chœur de changer de décor plusieurs fois.
La conception racinienne de la tragédie met en premier plan le respect des convenances sociales, des mœurs et des croyances des spectateurs. Le dramaturge ne veut pas choquer par l’évolution de ses personnages, il ne se propose aucune tension entre les coutumes de ses contemporains et les sujets qu’il développe.
En défaveur du réel, Racine est l’adepte du vraisemblable. Ainsi, son opinion sur l’effet souhaité de son œuvre répond aux règles classiques. Il imagine des héros légendaires soumis aux contraintes physiques et sociales similaires à son époque.
Pourtant, la formation et l’attachement au Port-Royal, le lieu de son éducation, l’oblige d’introduire le respect pour le réel, toute sa création oscillant entre l’extérieur et l’intérieur, le traditionnel et la nouveauté, la psychologie et la réalité.
Prenant comme modèle les mythes et la mythologie antique, soit-elle grecque ou romaine, Jean Racine déclare dans les préfaces de ses tragédies que les objectifs de sa création sont de plaire et d’impressionner. La Préface de La Thébaïde devient une preuve concrète de sa vision sur le but de l’écrivain, puisque Jean Racine y met en discussion le privilège d’un artiste de plaire au public.
Tous les personnages raciniens traversent de fortes émotions, à la fin desquelles le héros se transforme. La nouveauté de l’art de Racine est la préférence pour une «tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir d’une tragédie». Il mise sur les connexions affectives qui s’établissent entre les personnages et les spectateurs, où les deux catégories doivent souffrir à la fois. C’est cette souffrance qui justifie l’existence de la tragédie comme genre littéraire préféré, dans sa forme pure, dans l’Antiquité et puis, dans le Classicisme.
Pour le dramaturge classique, la fatalité ne préserve pas sa forme simple et extériorisée, de l’Antiquité grecque. Elle devient profonde, complexe, intérieure, on l’assimile au sentiment et à la passion qui ronge, qui transforme, qui détruit finalement le héros tragique. L’approche sur le destin et la fatalité est moderne, puisque Jean Racine trouve, au XVIIème siècle, l’individu responsable de son destin. Il reprend, en fait, la perspective de Sophocle et d’Euripide qui, depuis l’âge de l’Antiquité, ils commencent de partager la responsabilité du destin entre les dieux, les forces surhumaines, d’un part, et l’homme, d’autre part.
La vision racinienne sur la tragédie engendre, en même temps, initiative et inertie, éclat et dénouement. Racine fait un mélange, spécifique à la modernité, entre la lamentation de la tragédie antique et l’action du Classicisme, où les personnages se définissaient à travers la suite d’événements.
Une approche nouvelle sur le personnage et le conflit tragique assure à Jean Racine le titre de symbole de la tragédie classique. La typologie des conflits est diverse et complexe. Même si l’auteur est adepte d’une action simple, rigoureuse, qui limite au maximum l’action, cependant, il imagine des sources diverses de conflits, à partir du domaine personnel, jusqu’au social et au politique. Le personnage ne peut pas se retirer du monde, il ne peut pas vivre seul et isolé son drame, il doit l’assumer au niveau personnel, qu’au niveau officiel, courtois, diplomate en même temps.
Les sources grecques sont visibles au niveau des conflits créés dans l’œuvre racinienne. Les rivalités se manifestent soit au niveau familial, où le père s’affronte avec ses enfants (Agamemnon veut sacrifier Iphigénie), les frères sont adversaires (Néron et Britannicus), la mère trahit ses enfants (Néron et Agrippine). L’inceste et l’infidélité sont des thèmes assez présents dans la tragédie classique, en relation d’interdépendance avec les passions amoureuses déchirantes.
Un élément de forte individualité pour le théâtre tragique de Racine est le cadre social. Ses personnages ont une appartenance claire au cadre social, ils connaissent leurs origines et luttent pour leurs droits. Ce sont des reines et des rois, de noms célèbres de la Cour Royale qui agissent en concordance avec leur origine sociale. Les conflits se développent soit au niveau politique, lorsque les intérêts des personnages se dressent contre l’État, soit au niveau personnel, où l’histoire d’une famille devient une raison de conflit. La nouveauté de la tragédie racinienne devient l’entrecroisement des sources et des typologies des conflits, lorsque les passions privées affectent les enjeux de l’Etat. La tragédie de Jean Racine repose sous le signe de la ferveur, de la prédestination et du désir.
Les analystes littéraires contemporains, comme André Durand dans son Comptoir Littéraire, déclarent l’œuvre de Jean Racine complète, complexe, profonde, un chef-d’œuvre de construction. Même s’il respecte la règle classique des trois unités, Racine imagine de véritables crises passionnelles. Il ne se préoccupe pas, comme ses contemporains, d’analyser l’évolution et la transformation des sentiments, il choisit de déclencher l’action au moment de forte tension.
Cette technique caractérise la tragédie de Racine, où l’élément perturbateur ne fait que l’explosion des émotions. Celui-ci peut être une passion nouvelle, un changement politique, des troubles familiales ou même un autre personnage. Cette intervention demande une réaction rapide, une solution fortuite, ayant toujours des effets négatifs, voire tragiques sur le personnage.
La littérature de spécialité identifie même un scenario type pour les tragédies de Jean Racine. Ainsi, le personnage principal affirme, de manière tyrannique, son désir pour les biens des autres, soient-ils matériels, physiques ou spirituels, affectifs. L’antagoniste représente, lui aussi, un personnage fort, bien construit, que l’auteur définit mieux de point de vue spirituel. La lutte devient inégale, la spiritualité et le matériel mènent un conflit irréalisable où la fin d’un des personnages était déjà établie. Les héros manifestent leur pouvoir en vue d’accomplir leurs désirs, en manifestant du mépris et de la haine envers l’objet ou l’être humain désiré. Cette attitude provoque le déclin des personnages, en contact avec une autorité, représentée soit par le père, comme Minos, le père de Phèdre, soit par la mère, comme Néron et sa mère Agrippine, soit par les dieux, dans le cas de Phèdre et d’Iphigénie. Les deux tragédies religieuses, Esther et Athalie s’individualisent par l’apparition de Dieu comme maitre suprême qui décide le sort des personnages, indépendamment de leurs actions et de leur choix.
La démarche actionnelle engage tous les personnages dès le début de la pièce. Un événement étrange, inattendu secoue l’équilibre antérieur, parfois assez fragile, soit qu’il s’agit d’un équilibre physique ou émotionnel. Racine imagine des personnages nouveaux qui font leur apparition, comme Oreste qui arrive en Epire en Andromaque ou dans Phèdre où Hippolyte annonce l’abandon de Trézène, lorsque dans Athalie l’intervention du laïque dans la vie religieuse rompe l’équilibre de la cité.
Ces éléments ne constituent pas toute l’action, on les utilise comme prétexte pour déclencher les événements. La technique de Jean Racine fait pressentir, dès le début, le dénouement et la fin du héros. Cela s’inscrit dans son principe de ne pas heurter et choquer le spectateur. La tension est progressive et un moment capital provoque une chute nerveuse. Les personnages se déchainent et le final arrive. Parfois, Racine suggère plusieurs solutions et donne l’impression du choix. Pourtant, les héros font toujours des choix qui les mènent à une fin tragique.
La violence domine le scénario de la tragédie racinienne. Les personnages qui incarnent le rôle de victime portent toujours l’inconscience de leur sort, la confiance dans les autres, l’espoir dans leurs occasions de réussite. Le dramaturge classique atteint son objectif, en agissant de manière cruelle et violente. La fin de chaque tragédie remet en premier plan l’idée de préméditation, de fatalité, d’inertie et d’incapacité de changement. Les passions et leur dénouement doivent avoir un effet de catharsis sur les spectateurs, puisque l’art de Racine doit plaire et toucher à la fois.
Le tragique du destin est différent, chez Jean Racine. La solitude, la séparation d’un être cher, la maladie, la punition, la mort représentent des dénouements divers, mais tragiques à la fois. Il y a une structure tragique qui individualise le théâtre de Jean Racine, celui des personnages qui connaissent leur destin, qui deviennent responsables de leurs obligations, qui font preuve d’un contentement douloureux. Ils s’assument le destin mais, pour que le tragique soit épouvantable, ils espèrent de trouver des solutions et d’échanger leur sort.
On remarque, dans la création littéraire de Jean Racine, une vive préoccupation pour la forme. Ainsi, il adaptait la langue des héros et la tonalité en fonction de leur source, soit-elle grecque, romaine ou biblique, il respectait l’appartenance sociale et politique des personnages et de leurs histoires. Le dramaturge classique a manifesté un réel souci pour la perfection formelle, en tenant compte aussi des réactions du public. Le fait qu’il existe plusieurs variantes de chaque tragédie montre le respect de l’auteur pour le spectateur et pour la littérature.
Jean Racine choisit de continuer la tradition antique et renouveler le genre privilégié de l’Antiquité, la tragédie. Pour lui, cette époque reste une forte période d’épanouissement de la littérature et le lieu de naissance de la tragédie, dans sa forme la plus pure et la plus appréciée. La tragédie antique, dont il reprend la forme et enrichit les règles, devient son genre de succès. Il y trouve un univers dur, une vie cruelle qui répond très bien à ses besoins et à ses objectifs littéraires.
Jean Racine s’impose dans la littérature classique avec une excellente dramaturgie, dont les effets vont traverser les époques. La doctrine classique trouve son apogée dans la tragédie racinienne, forcement passionnelle et originale.
Chapitre III : L’œuvre théâtrale de Racine
III.1. Les sources grecques et latines de l’ouvre
La mythologie antique et ses mythes ont exercé une grande influence sur l’œuvre de Jean Racine. D’origine grecque ou latine, les sources antiques se retrouvent, plutôt en manière mélangée, dans huit des douze pièces dramatiques de Racine.
Dans les préfaces de ses créations, Jean Racine fait l’éloge de la culture antique, grecque et romane à la fois, en insistant sur la grandeur historique des héros et la beauté des histoires. Il trouve la littérature antique d’une valeur incontestable et toujours inépuisable. Il respecte aussi une des règles principales de la tragédie classique, à côté de la règle des trois unités, de la vraisemblance et de la bienséance, les théoriciens proposent la période de l’Antiquité comme source d’inspiration.
Le système dramatique racinien assure son originalité par le mélange réussi que l’auteur exerce entre le passé et le présent, la mythologie et la modernité. Le fait que les histoires antiques sont éloignées dans le temps lui semble suffisant qu’un personnage devienne insolite. De la même façon, il propose une action qui se passe en Turquie, dans sa tragédie Bajazet, mais dont la distance en espace doit suffire pour lui assurer le succès. Il justifie son opinion dans la Préface de la même pièce : «On peut dire que le respect qu’on a pour les héros augmente à mesure qu’il s’éloigne de nous».
Jean Racine réussit de créer des pièces de théâtre de référence dans la littérature classique, soit qu’il recourt à des sources de la mythologie antique, soit qu’il interprète le présent. Ainsi, dans la seule comédie de Racine, Les Plaideurs, les évènements se passent de son temps. Pourtant, le scenario de la pièce se retrouve dans l’œuvre d’Aristophane, Guêpes. Ce mélange entre le passé et le présent, où les faits contemporains et le passé historique s’entrecroisaient dans une création classique, devient possible puisque la comédie est considérée comme un genre dramatique mineur.
Les analystes observent qu’on ne peut pas dissocier les sources d’inspiration antique de Jean Racine. Il soutient la supériorité de l’époque, sans mettre en premier plan une région ou l’autre. Pourtant, l’éducation reçue au Port-Royal a beaucoup mis l’accent sur sa culture grecque, dont il a extrait ses héros en quatre tragédies célèbres. Ainsi, le mythe de l’Antigone et de ses frères devient une ressource pour la pièce Thébaïde, les tragédies Andromaque, Phèdre et Iphigénie trouvent aussi leurs origines dans la mythologie grecque, en tant que le caractère grec de Alexandre le Grand transperce dès le titre. Pourtant, il y a des analystes qui soutiennent qu’à l’origine d’Andromaque se trouve seulement Eneide de Virgile et la Troade de Sénèque et celle de Phèdre dans la tragédie Hippolyte d’Euripide. En opposition, on observe l’origine en totalité romaine des tragédies Britannicus, Bérénice et Mithridate, dont la source d’inspiration se trouve dans les Annales de l’historien Tacite.
Les deux sources d’inspiration d’origine antique se rejoignent, sous la même approche poétique où le passé garde le côté réel et authentique, mais s’enrichit aussi d’un côté fabuleux et mythifié.
On observe la différence de source grecque ou romaine dans la structure que le dramaturge construit pour ses tragédies. Ainsi, l’œuvre de son contemporain, le dramaturge Pierre Corneille, manifeste son admiration pour les intrigues complexes, qui ignorent la règle des trois unités ou les règles de la vraisemblance et de la bienséance, typiquement grecques. Les histoires complexes où l’élément surprise joue un rôle essentiel dans le développement de l’action sont associées à la littérature antique romaine. Jean Racine affirme son admiration pour les règles de la tragédie grecque et soutient sa supériorité grâce au côté intérieur qui doit s’imposer plus que la trame des événements.
Jean Racine a manifesté son désir de renouveler l’art antique, vue comme une étape de perfection dans la littérature et surtout dans le domaine dramatique. Même si le modèle grecque mettait l’héroïque en premier plan, Racine le refuse, au début de sa carrière dramatique. Dans la Préface de La Thébaïde, en 1664, il essaie de revenir au modèle grec, en choisissant une histoire héroïque.
Il est bien connu que Jean Racine a «choisi pour modèles» les personnalités de l’Antiquité, comme Homère, Virgile, Sénèque, Sophocle, Euripide. Il déclare son «estime» et sa «vénération» pour les anciens et leurs créations littéraires. Les sujets préférés à l’Antiquité étaient liés à la Mythologie. Le XVIème siècle transforme l’histoire présente en source de littérature. L’individualité de Racine assure un mélange entre les deux sources, où le héros réussit de capter l’intérêt du public, par sa force et sa complexité intérieure.
La source d’inspiration grecque marque aussi le statut des héros raciniens. La mythologie grecque promouvait des personnages nobles, dont les actions étaient même plus tragiques. Racine préfère les histoires et les héros les plus connus, puisqu’ils permettent d’exploiter les conséquences lyriques et vertueuses dans la mémoire du public. Ainsi, beaucoup de ses tragédies deviennent des véritables sources de plaisir pour les lecteurs ou les spectateurs cultivés. Chaque personnage devient, à son tour, le plus connu et le plus célèbre de la mythologie grecque, en admirant ainsi la culture générale du lecteur. Parfois, on a l’impression qu’il veut obtenir l’effet inverse, celui de l’ironie envers l’inculture des gens.
La Rome monumentale, la Grèce mythique, l’Orient ancien ou nouveau, l’Antiquité biblique deviennent des locations pour le déroulement de l’action. Le dramaturge classique est un grand créateur d’atmosphère, qui sait peindre chaque époque en ce qu’elle a de plus sublime. Les mœurs, les croyances populaires, les fonctions publiques, les histoires célèbres mettent à leur centre l’évolution et la transformation du personnage. Tous les endroits si éloignés, temporellement et géographiquement, construisent un univers spatial complexe et unitaire, dont la cohérence provient de l’art dramatique de leur créateur.
Le temps, l’espace et même les histoires connaissent une formule unique de fusion dans la tragédie racinienne. Il y a un mélange unique entre un sujet historique, une histoire d’amour ou un problème religieux. Cette originalité créatrice et innovatrice place la tragédie de Jean Racine sous le signe de chef-d’œuvre de la littérature classique.
Le fait que le théâtre racinien a une multitude de sources d’inspiration, de la mythologie grecque à la mythologie romaine, du passé au présent, de la vie profane aux profondeurs religieuses, est considéré un danger pour l’originalité de l’œuvre. Les sources peuvent obliger le dramaturge, selon la doctrine classique, d’imiter seulement, sans avoir le choix de transformer, d’inventer, de créer lui-même une histoire, des événements et des personnages originaux.
Jean Racine fait, au XVIIème siècle, des précisions remarquables sur son rôle, celui de créer de la littérature, non pas d’écrire l’histoire. Dans les Préfaces de ses œuvres, il présente ses principes sur le rôle de la tragédie, sur ses finalités, sur les histoires et ses héros mais, surtout, sur les choix qu’il faits et qu’il essaie de justifier devant son public. C’est le domaine de l’art, de la poésie qui lui rend la liberté de transformer la réalité en fonction des objectifs littéraires. Il admet même l’obligation de ne pas changer radicalement le destin d’un héros trop connu, en vue de respecter les règles classiques de la vraisemblance et de la bienséance. Il prend la liberté d’adapter, d’imaginer le parcours d’un personnage peu connu ou méconnu par le grand public.
Agissant au niveau individuel, pour transformer l’histoire des héros, à finalité artistique, Jean Racine affirme sa préoccupation pour conserver l’image et la cohérence d’une époque. Il peint les mœurs des gens, leurs préoccupations, leurs faiblesses, il refait d’une manière extraordinaire la couleur d’une époque.
La multitude des sources que Jean Racine utilise dans sa création contribue à la diversité de sujets, d’histoires, de héros célèbres dans la tragédie classique. Le dramaturge reconnait avoir adapté assez souvent le héros à l’histoire imaginée ou l’histoire à l’époque. Cette adaptation fait le théâtre de Jean Racine unique dans l’univers littéraire français, par sa diversité, sa complexité, sa profondeur et, en même temps, par la vision unique qu’il propose.
La préférence pour les sources antiques grecques est justifiée dans les Préfaces, devenues des ressources importantes sur l’art dramatique de Jean Racine. Il soutient la supériorité des histoires, devenues des modèles, par les similitudes qu’il observe avec sa vie en société. Ainsi, il remarque la même méchanceté, la même violence, les mêmes injustices et, pourtant, une élégance similaire dans la vie qu’il mène. Il recourt souvent à la mythologie, puisqu’il admire la clarté de composition, le tragique du destin, la beauté et le suspense que le jeu dramatique peut provoquer sur les spectateurs.
Au-delà d’une admiration déclarée pour tous les auteurs de l’Antiquité, Jean Racine s’éloigne des principes de composition d’Euripide et d’Aristote. Selon Racine, le personnage tragique doit sa beauté de construction aux traits exagérés de caractère, à une méchanceté qui l’individualise. Il préfère de créer des personnages complexes, qui choquent le public par leurs caractéristiques. Il devient plus proche de la condition de vraisemblance s’il appartient clairement à une catégorie, de personnages positifs ou négatifs par excellence.
L’attachement à la tragédie grecque devient très présent dans l’attitude de Jean Racine envers la fatalité, dont les Grecs étaient très attaches. La fatalité racinienne a la même structure présente dans les mythes et la mythologie grecque. Les personnages vivent un destin entièrement tragique, où les forces qui le décident sont nombreuses. Dana la tragédie Phèdre, la fatalité est provoquée par des forces extérieures, comme Venus et Neptune, des présences mythiques.
L’essence de la fatalité chez le personnage de Racine reste dans la lutte inégale et presque inutile qu’il mène avec ses adversaires. Parfois, il connait dès le début qu’il doit s’assumer le destin, mais son espoir devient même plus tragique. Les spécialistes identifient plusieurs types de manifestation de la fatalité chez Racine :
la passion d’un personnage, le plus souvent une ardeur passionnée, qui affecte la vie du héros et détruit l’équilibre initial. Les passions se trouvent au centre des préoccupations des écrivains classiques, par la force qu’elles présentent dans le changement comportemental des personnages. Jean Racine admire le pouvoir de la passion, vue comme élément intérieur et décisif, dans la transformation tragique de la vie.
le blasphème d’une famille, qui se transmet d’une génération à l’autre et qui impose la souffrance des personnages dès leur naissance. La fatalité devient une force qui affecte non seulement un personnage, mais des générations entières. Jean Racine met en évidence le pouvoir du mot, le pouvoir du blasphème et de l’héréditaire. Cette type de fatalité devient la plus grave, puisque le dramaturge n’imagine plus le personnage responsable de ses choix, de ses malheurs et de la punition des dieux pour l’insoumission, mais il condamne à un destin tragique des familles entières.
l’antipathie des dieux devient un élément récurrent dans la tragédie racinienne, inspirée de l’Antiquité grecque. Le héros racinien est maudit et présente des aspects qui annoncent le personnage du Romantisme.
En utilisant les formes grecques de la fatalité, Jean Racine met son accent, en intériorisant le tragique des événements. L’Antiquité grecque construisait une fatalité externe, absolue, sans aucune raison. Chez Racine, les aspects de la fatalité s’individualisent et sont assimilés de la passion, vue comme une maladie. Le tragique du héros racinien provient de lui-même, de sa lutte intérieure avec ses désirs. Le destin racinien est une lutte permanente entre l’ambition et le pouvoir, les personnages devenant son propre opposant.
Jean Racine a essayé de trouver un équilibre entre l’héritage qu’il a reçu par l’intermédiaire de la littérature antique et l’inspiration dont il fait preuve dans la création de ses personnages et de leur destin. Il choisit des modèles de la littérature grecque et romane, en vue d’offrir une perspective nouvelle sur leur destin, mais aussi pour justifier les similitudes des conflits. La différence d’époque ou d’espace n’affecte, selon Racine, la profondeur des souffrances humaines. L’éloignement en espace ou en temps assure l’aspect insolite du personnage et de son histoire, d’où provient le succès de la tragédie.
Le dramaturge classique respecte les règles de la tragédie grecque, il réinterprète les mythes et le destin des héros exceptionnels, en préservant leur caractère initial. Il impose son style et les personnages qu’il adopte des cultures lointaines ne sont pas artificiels. Ils deviennent représentatifs pour l’époque où ils vivent, ils ont des attitudes et des préoccupations semblables à celles de l’époque classique.
La forte culture générale, dont Jean Racine fait preuve à travers ses créations, lui a permis de découvrir les histoires de la mythologie assez tôt. Des dramaturges contemporains, il était le seul qui pouvait remarquer la clarté de l’action, la complexité d’un personnage, la subtilité de la langue, la diversité de l’atmosphère dans la langue d’origine, le grec.
Le mélange des sources assure l’originalité des tragédies raciniennes. On a observé que l’écrivain rend hommage, dans les Préfaces de ses tragédies, aux prédécesseurs de l’Antiquité. Cette attitude dévoile le respect pour leur œuvre, l’admiration pour un temps passé, la confiance dans les règles à suivre pour le succès d’une tragédie.
III.2. Le personnage racinien
« Racine tient à psychologiser la tragédie. Il nous peint des hommes aveugles et faibles. Faibles parfois jusqu'à la dissolution de leur personnalité. Toute l’œuvre de Racine proclame qu’il n’est pas de misère humaine à laquelle la littérature ne puisse donner noblesse et majesté.»
Cette approche sur le personnage racinien représente l’attitude de la critique moderne, pour laquelle les personnages de Racine sont trop dominés par les aspects psychologiques que par leurs actions. Racine rompt ainsi avec la tradition classique, qui laissait les actants se définir à travers l’action. Pour les critiques modernes, Jean Racine devient un artiste de la passion, de l’émotion, de la profondeur humaine.
Le personnage racinien a un double rôle, selon les affirmations de l’auteur classique. Il établit la liaison entre les spectateurs et le dramaturge, ses actions ayant comme but de plaire et de divertir à la fois. Cette perspective sur le personnage résume, en effet, l’idée de Racine sur le rôle de son art, qui doit émouvoir et plaire au public. Ainsi, le personnage assure le contact entre les instances narratives, lui-même le résultat d’une histoire, d’une hérédité, d’une famille.
Quant à Racine, il affirme sa théorie sur l’art littéraire, sur ses finalités et sur les types de personnages qu’il préfère, dans les préfaces de ses tragédies. Ainsi, «que ce soit un homme qui ne soit pas extrêmement juste et vertueux et qui ne mérite point aussi son malheur pas excès de méchanceté et d’injustice. Il faut que ce soit un homme qui, par sa faute devienne malheureux et tombe d’une grande félicité et d’un rang très considérable dans une grande misère.»
Cette attitude envers son héros prouve que Jean Racine imagine des personnages caractérisés par la coexistence des aspects opposés, tourmentés toujours entre la pensée et le sentiment. Cette lutte continue entre les deux éléments contradictoires provoque la chute du personnage, son destin tragique.
La critique littéraire observe, à partir de cette affirmation de Racine, que la tragédie classique en général, puisqu’elle reprend les mythes et la mythologie antique, imagine une lutte continue entre Eros et Thanatos, deux éléments de la mythologie grecque qui déchirent le personnage.
La dualité du personnage lui provoque aussi le caractère ambigu. La dualité dont Racine parle ne fait que mélanger les attitudes du personnage, les diversifier à travers l’action, en oscillant entre le bien et le mal, la passion et la raison, l’action ou l’inertie. Sa dualité se manifeste aussi au niveau de ses actions et de ses sentiments, en passant brusquement de l’amour à l’antipathie ou du calme à la colère. Racine emprunte cette théorie sur la complexité du personnage de la philosophie d’Aristote, un des maitres de l’Antiquité grecque.
Jean Racine respecte le principe de la cohérence dans la construction d’un personnage. Ainsi, les personnages qu’il crée sont bien ancrés dans la classe sociale dont ils font partie. Il adapte très bien ses actions, ses gestes, ses choix, en fonction des règles sociales qui lui imposent un certain statut. Le niveau de langue, le registre, la tonalité, montrent la position du personnage dans une hiérarchie sociale et les relations que les personnages établissent respectent cette proportion. Pour Jean Racine, le respect pour ces éléments représente le respect pour la règle classique de la vraisemblance. Les personnages doivent, elles-aussi, symboliser une époque, un niveau social et intellectuel, pour qu’elles paraissent possibles.
Le personnage racinien est cruel, perfide et avare. Ces aspects caractérisaient, en général, l’attitude des héros rationnels, de la tragédie classique. Chez Racine, tout personnage peut agir de la sorte, même s’il s’agit d’un être passionnel. Il n’établit pas des contraintes, des principes rigides dans la typologie des personnages, il crée l’impression des héros libres qui peuvent choisir leur manière d’agir. La dualité rend, en fait, le personnage complexe et vraisemblable.
Les héros raciniens sont dominés par l’orgueil, la passion, la haine, le désir, une palette assez large de sentiments qui provoquent l’évolution et la fin tragique. Sous l’empire des émotions négatives, le héros, vu dans sa complexité et sa dualité, cherche toujours les solutions les plus dures. Les deux éléments qui dominent l’être créé par Racine, la raison et la passion, engendrent des désirs différents. Ainsi, le personnage dominé par l’esprit ressent un désir ardent de dominer les autres, d’obtenir le pouvoir. Les affectifs luttent pour l’amour, pour la sensibilité et le bonheur à côté de ce qu’ils aiment. L’orgueil reste, pourtant, un trait général valable qui caractérise les héros classiques.
Le système de portraits raciniens vise le côté héréditaire des personnages. La lignée familiale devient un thème récurrent chez Racine, grâce aux liaisons qu’il établit entre les actions, les choix des personnages et leurs explications héréditaires. Racine répond aussi à la théorie d’Aristote, selon lequel le rôle de la tragédie est de peindre des familles illustres. Le fait de choisir des noms célèbres et de reprendre leur histoire assure, en général, le succès de la pièce. Jean Racine préfère d’encadrer dans ses histoires des personnages ayant un passé célèbre ou appartenant à des familles connues, puisqu’il peut justifier facilement son destin. La même passion pour un objet ou pour un être humain où les mêmes préférences des membres de la famille facilitent les justifications du dramaturge.
La passion représente un élément central dans la construction du personnage dramatique. Soit qu’il veut punir ses personnages, soit qu’il veut les admirer, Jean Racine met la passion au centre des préoccupations de ses héros. La dualité des personnages permet l’existence de plusieurs passions, chacune susceptible de secouer l’équilibre initial et transformer de manière radicale la vie précédente.
Le personnage racinien est comblé d’émotions, grâce au modèle de l’Antiquité grecque qu’il suit. La création de Jean Racine représente un cumul d’émotions, de passions, en forme évolutive. Le personnage souffre sur la scène pour provoquer la même souffrance aux spectateurs. La finalité classique de la tragédie, celle de catharsis, y trouve sa meilleure manifestation.
La passion provoque la déconcentration du personnage, la perte des limites et du pouvoir d’agir pour soi. Il devient l’esclave de sa passion, qui provoque finalement sa destruction. Le manque de contrôle sur soi et sur les autres, le désir irrationnel mènent la passion des héros à l’aliénation. Ce n’est pas la mort qui provoque le tragique des personnages raciniens, c’est leur déséquilibre, c’est leur crise intérieure, c’est la perte de soi et des autres.
Chez Racine, la passion se transmet sur la scène, où le jeu et le langage doivent coopérer pour obtenir l’effet désiré. La sécheresse du langage ne peut pas faire passer une histoire, soit-elle complexe et profonde. Ainsi, un support linguistique adapté au style et au niveau social du personnage réussit de créer une atmosphère spécifique et de provoquer le spectateur à souffrir à côté du personnage. Ainsi, Jean Racine a utilisé toutes les ressources stylistiques capables pour affirmer son style et pour faire valoir l’histoire et la trame d’événements que son personnage vit.
La tragédie classique, en général, et la tragédie racinienne, en particulier, se proposent d’engendrer toute une variété d’émotions et de sentiments humains. La complexité des histoires créées, la profondeur des personnages, le contenu des échanges, font possible l’exaltation d’une gamme diversifiée de sentiments dans la création classique. Il y a même une évolution temporelle entre les tragédies raciniennes et la préoccupation pour les aspects psychologiques.
La palette généreuse de sentiments présente dans la tragédie de Jean Racine évolue de l’affection à l’animosité, du bonheur au chagrin, de l’appétence à la déception. La conception racinienne soutient qu’un personnage de tragédie doit se construire à travers ses craintes, ses désirs, ses douleurs. Il n’existe pas de changement possible dans la vie d’un personnage, s’il n’a pas une source intériorisée.
Jean Racine construit le destin de son héros à travers cinq actes, considérés suffisantes pour la création d’une trame vraisemblable, puissante, rigoureuse. Le personnage racinien ne se construit pas comme suite à l’action, mais comme effet de ses vécus intérieurs. Il traverse plusieurs étapes, quasi-obligatoires, pour monter sur l’échelle de la tension dramatique, capable de monter au maximum le dramatisme de la pièce.
L’originalité de l’écriture racinienne devient visible dans la construction du personnage. Il suit un ensemble d’émotions, différentes, contrastées, opposées, susceptibles de peindre l’être humain dans toute sa complexité. Pour Jean Racine, il devient insuffisant de décrire les sentiments des personnages, il connait la nécessité de faire le spectateur vivre l’émotion à cote du personnage.
Ses personnages sont, parfois, un éventail de contrastes. Leur aspect complexe assure le succès auprès du public, si désireux de ressentir la souffrance et l’amour sur la scène. On remarque chez Racine une certaine ambiguïté du personnage, à cause de l’oscillation, parfois irréelle, entre les attitudes envers une situation ou un autre personnage.
Le héros de Jean Racine admire ses tourments. Il aime vivre dans une tension interminable, il soumet à l’analyse ses sentiments et les sources de ses émotions. Racine crée, ainsi, un être irrationnel doué de la raison. Même si le personnage peut paraitre manqué de cohérence, il assure sa complexité et son unité grâce à la passion qui justifie toutes ses actions et qui offre au personnage la liberté d’agir.
Dans son mémoire sur la tragédie racinienne, l’anglais Thomas Campbell identifie un ensemble de passions, susceptibles de créer des héros différents, uniques, profonds, complexes, originaux. C’est ce système qui rend les personnages de Racine célèbres dans la littérature classique française de véritables modèles pour la modernité, même s’ils représentent le résultat du mimesis classique de la tragédie antique.
III.3. Andromaque
Andromaque est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine, conçue et imprimée à Paris, en 1668, la 3ème pièce de Racine, qui marque le véritable début de sa vie littéraire.
Les sources identifiées proviennent de l’Énéide, de l’Andromaque d’Euripide, de la Troade de Sénèque et de l’Iliade d’Homère. Le triomphe de la tragédie a été absolu mais, en mai 1668, Molière joue la Folle Querelle qui aspirait de critiquer les imperfections de la pièce. Andromaque défit ces insultes et reste la pièce la plus estimée de Jean Racine, le dramaturge classique.
Les recherches des réalisateurs actuels confirment cet enthousiasme et qui ont proposé même une mise en scène plus fidèle à la tradition, où tout soutenait les apparences communes pour accentuer davantage la célèbre «chaîne des amours». La nouveauté d’Andromaque résulte de la manière authentique de considérer la tragédie de Racine, à laquelle s’adjoignent des interprétations comme le privilège de la passion et de la folie, fréquemment favorisés par le spectateur du XXème siècle.
Les personnages d’Andromaque
Andromaque – Veuve d'Hector, captive de Pyrrhus
Pyrrhus – fils d'Achille, roi d'Epire
Oreste : fils d'Agamemnon, amoureux d'Hermione
Hermione : fille d'Hélène, fiancée de Pyrrhus.
Pylade : ami d'Oreste
Cléone : confidente d'Hermione
Céphise : confidente d'Andromaque
Phoenix : gouverneur de Pyrrhus.
Résumé de la pièce
Dans le Premier Acte, le fils d’Agamemnon, Oreste, est délégué par les Grecs à Buthrote pour solliciter à Pyrrhus, suprême d’Épire, qu’il lui donne Astyanax, le fils d’Andromaque, qui y est arrêtée. Pyrrhus vénère Andromaque et abandonne sa bien-aimée Hermione, fille d’Hélène. L’espérance se ressuscite pour Oreste qui continue d’aimer Hermione. Pyrrhus a refusé la sollicitation d’Oreste, mais supplie Andromaque, pour la garantie de son enfant, qu’elle le marie.
Dans l’Acte Second, Hermione à laquelle Oreste exprime son affection, le refoule, et à cause du rejet de Pyrrhus, requête à Oreste de répéter sa demande. Pyrrhus pense et accepte de libérer Astyanax.
Le Troisième Acte présente Oreste qui se propose d’enlever Hermione, puisqu’il se rend compte qu’il ne peut pas accomplir son désir, en éloignant même davantage Pyrrhus d’Andromaque. Il est soutenu par son ami Pylade. Hermione réussit et repousse Andromaque, qui est apparue l’implorer de protéger son fils. Celle-ci supplie Pyrrhus, qui réitère son ordre. Elle se recueillie sur le tombe de son mari, Hector.
Dans le IVème Acte, elle se décide de se marier avec Pyrrhus, mais choisit de se tuer après la fête. C’est le moment où Astyanax regagne sa liberté. Hermione, ridiculisée par Pyrrhus, implore Oreste de le tuer, pour lui faire preuve de son amour.
Le Vème Acte représente le dénouement de l’action et soutient le tragique du destin des personnages. Oreste annonce Hermione de la mort de Pyrrhus. Au contraire de lui accorder sa main, déchaînée, elle le poursuite et se suicide. L’initiant, Oreste se transforme dans un être aliéné, lâchant Andromaque saisir le contrôle de la royauté.
Analyse de la pièce
Avec Andromaque, Racine montre la plénitude de son talent, qu’il n’avait pas réussi de montrer dans ses premières pièces. En contrecoup, cette tragédie marque une scission dans l’approche du tragique jusqu’alors dominant. Les critiques littéraires reprochent à Racine la barbarie de Pyrrhus, dont l’attitude envers Hermione n’est pas celle d’un homme intègre. Ces critiques ont eu une résonance réelle face au public de l’époque.
Racine a refusé de se défendre contre les critiques de l’époque, qui avaient remarqué que sa pièce suivait un modèle différent de celui du XVIIème siècle. Ils affirment que le côté tragique se définit à travers deux grandes dimensions: la première respecte les éléments classiques, comme la fidélité d’Oreste envers Hermione, qui peut aller jusqu’à la réduction de soi par le meurtre. La comparaison de l’appréciation des Grecs et de l’amour promis par Pyrrhus à Andromaque est un autre élément qui appartient à la tradition. Les choses changent lorsqu’Oreste ne tue pas Pyrrhus dans une lutte singulière et ne fait que joindre son coup meurtrier à ceux des autres. Son geste manque de célébrité. Son état de déséquilibre, qui explose pendant le dénouement pour justifier son tragique, cette attitude le rompt de tout renvoi à un agencement social que le déséquilibre et ne lui accepte plus d’arrêter. Elle le dégage d’une image sur le monde auquel il n’a pu s’adapter.
L’aliénation est un dénouement marqué par abandon. L’attitude des lecteurs du XXème siècle devient délicate, peut-être parce que la folie devient la dernière possibilité, à cause de l’inadaptation des personnages à la vie qu’ils mènent. Le personnage principal Oreste se transforme dans un être aliéné et le modèle de la tradition chevaleresque s’y termine. Le personnage d’Oreste engendre le portrait symbolique de la fin d’un monde épique, mémorable, qui dégage avec elle une véritable configuration du dramatique.
Simultanément, on remarque un autre domaine où le tragique souffre des changements, c’est la création d’une puissance supérieure aux hommes, représentée par la tombe d’Hector. Les valeurs chevaleresques disparaissent, grâce à l’apparition de la divinité. Chaque personnage, exceptant Andromaque, devient victime des revendications personnelles: Hermione prouve de l’orgueil exagéré, même si elle est éprise et provoque le changement en acceptant une atrocité absolue.
Pyrrhus, que l’affection ne protège pas, se replie sur son pouvoir de souverain, considéré la seule modalité de combler ses envies sans déchoir. Lorsqu’il admet son affection à Andromaque, il formule ses sentiments dans l’immortel «Brûlé de plus de feux que je n’en allumai» , de même que la répugnance envers le passé célèbre qui le tourmente. Cette croyance inopérante se transforme en intimidation. Pyrrhus essaie de rétablir son ego héroïque par un acte de dictature qui lui restitue l’offensive.
Oreste, avant de s’abîmer dans l’instabilité psychique, il représente le personnage fatigué, satisfait de cultiver une situation qui lui est propice, dont il n’est pas l’auteur. Son impuissance conduit au dénouement tragique. La condition que le héros Oreste veut décomposer restreint le jugement à une tromperie, puisque tout verdict ou toute action qui en résulte sont menés à des anxiétés insignifiantes qui, au lieu de dénouer les rivalités, font pivoter les enchaînements encore plus rapides et mènent les personnages vers leur mort.
L’enchainement compliqué des histoires d’amour, Oreste aime Hermione, elle aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, celle-ci aime Hector, est la formule d’une destinée lointaine, qui transforme tous les personnages en des «juste pécheurs». Si le complote est lié, par des amours inaccomplis, chaque personnage amplifie un contrecoup original qui produit le tragique de sa situation différente.
III.4. Iphigénie
La critique littéraire annonce comme source de la tragédie racinienne l’œuvre d’Euripide, mais affirme qu’il l’a même dépassé dans l’art du portrait de ses personnages et la dimension des caractères imaginés. Des moments célèbres de la pièce, comme la rencontre de Clytemnestre et d’Agamemnon, celle d’Achille et Agamemnon, dépassent en grandeur l’œuvre de l’Antiquité grecque.
L’histoire d’Iphigénie, fille aînée d'Agamemnon et de Clytemnestre, sœur d'Oreste et d'Électre, une simple fille complètement subjuguée à une vie qu’elle ne désire pas, qui doit être quittée par son père sur un autel pour que la guerre de Troie puisse être provoquée. Sa mère est née de Zeus et d’une mortelle, et son père, guerrier de renom et roi connu, est de la dynastie d'Atrée et de Tantale, les Atrides, que perpétue la destinée.
L’éclat, la naïveté et le contentement d’Iphigénie ont affecté des générations de créateurs. Jean Racine, un auteur de pensée classique, sans renoncer à exaucer le public sensible, il désire de satisfaire pareillement les gens cultivés, qui honoraient la supériorité des Anciens, en se tournant vers Euripide. Dans sa préface d’Iphigénie, il déclare «la vénération qu’il avait toujours eue pour les ouvrages qui nous restent de l’Antiquité», trouvant que l’imagination passait par la mimesis.
Avec la tragédie Iphigénie, Racine revient aux sujets grecs et mythologiques qu'il avait délaissés depuis ‘’Andromaque’’ pour des tragédies historiques romaines comme Britannicus et Bérénice ou orientales Bajazet et Mithridate. Il récupère un événement des plus touchants de la vie de la famille abominée des Atrides, le sacrifice d’Iphigénie par son père, Agamemnon.
Personnages d’ Iphigénie
Agamemnon – roi de Mycènes
Achille – opposé à Agamemnon
Ulysse – allié d'Agamemnon
Clytemnestre – femme d'Agamemnon
Iphigénie – fille d'Agamemnon
Ériphile – fille d'Hélène et de Thésée
Arcas – domestique d'Agamemnon
Eurybate – domestique d'Agamemnon
Aegine – femme de la suite de Clytemnestre
Doris – confidente d'Ériphile
Troupe de gardes
Résumé de la pièce
L’escadrille grecque, réunie à Aulis sous l’ordre d’Agamemnon, est maintenue dans le port depuis trois mois par un calme aplati. L’oracle, interrogé, réplique que les dieux ne permettent pas aux Grecs d’abandonner le port qu’au moment où Iphigénie, fille d’Agamemnon, est sacrifiée sur l’autel de Diane. Le maître des Grecs se subjugue à cette disposition dure et invite sa fille d’Argos sous l’apparence de l’unir, avant le démarrage de l’escadrille, à Achille, son promis. Mais l’affection paternelle enrobée par l’avidité, à rapidement retiré son empire. Attrapé de regrets, il expédie son domestique attaché, Arcas, avec disposition de faire inverser la voie de sa fille, en prétendant qu’Achille a changé de vue et que l’alliance prévue ne peut pas se réaliser.
Iphigénie arrive, imprévue, au camp des Grecs, conduite par sa mère Clytemnestre et d’Ériphile, jeune esclave ôtée par Achille. Agamemnon aperçoit dans cette complication la conséquence de la fortune. Il s’abandonne et prépare tout en vue du sacrifice. Arcas, en échange, montre à la reine le secret dangereux dont il a reçu la divulgation. Achille promet de protéger sa bien-aimée et de punir Agamemnon.
Iphigénie se laisse mourir car les dieux le requièrent et que la notoriété assurée à son père est à ce prix. Agamemnon, battu par les prières de son conjointe et l’affectante renonciation de sa fille, s’arrête de faire une nouvelle expérience pour repousser furtivement Iphigénie du campement. Ériphile, qui aime Achille, dans un chargement d’émulation prévient l’ecclésiastique Calchas. Les Grecs s’ameutent et s’opposent à l’échappée d’Iphigénie. Achille et Clytemnestre promettent de la protéger contre l’armée, mais elle sera, néanmoins, emportée à l’autel. Calchas la frappe du heurt mortel, au moment où il s’arrête. Un authentique éclaircissement de la divinité lui enseigne qu’il a mal saisi l’oracle, que le sang que les dieux sollicitent, c’est celui d’une autre Iphigénie, sortie de la même dynastie que la fille d’Agamemnon. Il s’agit d’Ériphile, arrivée à participer à la mort de son adversaire. Elle attrape le coutelas saint et se pénètre le sein. Instantanément, le vent se dégage, les rideaux des embarcations se branlent et préviennent que la déesse est contente.
Analyse de la pièce
L’aspect étonnant de l'action dans Iphigénie est maintenu par l’éclat du style, Racine ayant notamment traité l'écriture de cette tragédie, élaborée en cinq actes et en vers. En plus, avec 1796 vers, dont 1794 alexandrins et 2 octosyllabes, on la considère la plus étendue de ses tragédies profanes. La forme est couramment plus entretenue que d’habitude, le mot est moins impulsif et plus rationnel.
Le lexique contribue lui-aussi à la splendeur de cette œuvre extraordinaire, Racine ayant affermi aussi à ce degré la mesure élevée de sa pièce, qui a plus de points communs avec Phèdre et les tragédies sacrées qu'avec les pièces antérieures.
Iphigénie, caractérisée par son créateur même «vertueuse et aimable», elle devient continuellement la victime à laquelle on dissimule le sort qui l'attend, elle est moins innocente, simple, inculte, que celle d’Euripide. Elle est entourée de son père et de sa mère et elle n'est pas aussi humaine que celle du Grec. Le vernis aristocratique du XVIIème siècle lui accorde la subtilité et une juste connaissance de sa grandeur, elle devient un phénomène de grâce et de noblesse.
Si Iphigénie est une pièce d’un autre temps, on a toutefois l’impression qu'elle se déroule au cœur de notre réalité, qu’à travers des personnages mythologiques, c'est de l'être humain de tous les temps. Grâce à l’aptitude de son expérience, il créé un monde de passions et d’émotions impérissables.
Au-delà des principes propres au théâtre classique, Iphigénie suggère au spectateur une authentique allégorie de la société. En arrière de la tragédie familiale, se crayonne l’interrogation alambiquée sur l’intérêt universel et l’honnêteté sociale.
On devient spectateur au sacrifice d’une fille, qui est vouée à exaucer l’exigence de de triomphe des hommes. On peut imaginer, à partir de cette idée, une manifestation pas seulement féministe contre la guerre, la disposition combattante étant parfaitement présentée et critiquée.
On doit identifier l’omniprésence du sacrifice de la jeunesse dans les tragédies raciniennes, fondamental pour préserver l’ordre initial, politique, social ou économique. Iphigénie et son instant tragique, Ériphile, peut symboliser la double image d’une jeunesse en danger: si la fraude de celle-ci se formule par toutes sortes d’attitudes négatives, la première crée l’image d’une jeunesse qui sait s’adapter et réussit à se débrouiller.
Iphigénie est la première tragédie de Racine qui traite sur l’association entre l’ambition des hommes et les revendications des dieux. Les individus sont expressément soumis à une requête supérieure, abominablement contrôlé. Les conflits entre les personnages découlent de la diversité de leurs contrecoups devant le désir, la mystique obéissance d’Iphigénie, la diabolique révolte d’Ériphile et la résolution nettement humaine d’Achille, inspirée par l’honneur et l’amour. Le Père céleste sauve la jeune fille des conséquences fatales de l’impuissance de son père terrestre trop dévoué à sa victoire en ce monde. De cette dissemblance apparaît le désordre, quand il satisferait d’être attentif pour entendre distinctement la voix des dieux qui n’arrêtent de dialoguer.
Les personnages doivent affronter un choix moral, en choisissant l’humanite et contester la barbarie des dieux ou se subjuguer à une puissance absolue en immolant une victime innocente.
Au XXème siècle, on vit dans Iphigénie un phénomène, mais les critiques affirment promptement leurs réserves. Ainsi, Iphigénie devient trop sage et on l’accuse d’entraîner sur son père une pression cachée sous la prière. André Gide a commenté lui aussi la pièce : «Je relis avec ravissement ce chef-d’œuvre, pourtant un peu artificiel, un peu construit. On sent mieux cette sorte d'application qui, en dépit de sa perfection, donne à Iphigénie le caractère un peu d'un devoir admirablement réussi, mais qui reste un peu extérieur à Racine comme à moi-même, un peu œuvre d'art.»
III.5. Phèdre
L’œuvre d'Euripide constitue la source d’inspiration pour les tragédies les plus célèbres de Jean Racine de la fin de sa vie littéraire, dont Iphigénie et Phèdre. L’Antiquité grecque met son accent sur l’évolution du personnage, mais l’imagination racinienne créé des histoires mémorables. « Quand je ne devrais que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je lui dois ce que j'ai peut-être mis de plus raisonnable sur la scène.» La fatalité établit la trame de l’action, les gestes et la fin des personnages, soumis à des règles invisibles qui ont déjà décidé le tragique de leur destin.
Personnages de Phèdre
Thésée – fils d'Égée roi d'Athènes
Phèdre – femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé
Hippolyte – fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones
Aricie – princesse du sang royal d'Athènes, sœur des Pallantides, clan ennemi
Œnone – nourrice et confidente de Phèdre
Théramène – gouverneur d'Hippolyte
Ismène – confidente d'Aricie
Panope – femme de la suite de Phèdre
Gardes
Résumé de la tragédie
Le personnage Phèdre, la deuxième femme de Thésée, roi d’Athènes, expérimente une affection criminelle pour Hippolyte, le garçon de son mari. C’est le secret inévitable que lui extrait, comme suite à ses prières, Oenone, sa gouvernante. A l’époque où elle déclare ses sentiments, Thésée est parti et prochainement la résonance de sa mort se renverse dans Athènes. C’est Phèdre elle-même qui vient avertir Hippolyte. C’est à ce moment qu’elle lui déclare ses sentiments coupables. Hippolyte, effarouché, la dénie avec terreur et Phèdre, dégradée, promet de corriger cette humiliation.
Néanmoins, elle tente encore une fois de déterminer Hippolyte de l’accepter, en lui promettant sa couronne. Le fait que Thésée n’est pas mort se répand dans le pays. Hippolyte le conduit dès son arrivée. Phèdre décide de mourir, puisqu’il n’y a plus de résolution. Elle refuse même de voir son mari qui vient lui demander des explications. Sa servante trouve une manière d’accuser Hyppolite et met le père en impossibilité de déceler la vérité.
La mort d’Hippolyte se produit après la promesse de vengeance de son père. Neptune a fait émerger de la profondeur de la mer un monstre agressif et Hippolyte est mort de ses lésions, en soutenant sa naïveté. A la suite de cet événement, Phèdre, chargée de regrets, vient divulguer à Thésée la vérité et s’empoisonne, en décidant toute seule son destin.
Analyse de la pièce
Phèdre est la dernière tragédie profane de Racine. Elle vient après Iphigénie, publiée en 1674. Elle est suivie d'un long apaisement qui dure douze ans, pendant lequel Racine se dédie au service du roi Louis XIV et à la religion. De nouveau, il préfère un thème de la mythologie antique interprétée par les poètes tragiques.
Le personnage de Phèdre créé par Racine, est « le plus beau, le plus poétique, le plus complet qui soit au théâtre. Phèdre n’est point la victime de cette fatalité aveugle et impitoyable du paganisme qui chargeait souvent la plus rigide vertu d’un crime abominable dont elle n’avait pas plus la conscience que la volonté ». La destinée qui rejet Phèdre au crime et qui la châtie de l’inertie de son endurance et de la déficience de son caractère, semble irréelle et inexplicable.
Racine est l’unique qui ait risqué un tel personnage sur la scène française, similaire au personnage Macbeth de Shakespeare. Ces deux personnages, encouragés vers le crime par une destinée tyrannique, animent un intérêt même plus fort qu'il est au naturel et qui découle, non du délit qu'ils ont provoqué, mais de la catastrophe qui les y rejet. On dit que Racine était si vigoureusement persuadé de cette authenticité, qu'il déclare voire dans sa préface : « J'ai même pris soin de rendre Phèdre un peu moins odieuse qu'elle n'est dans les tragédies des anciens, où elle se résout d'elle-même à accuser Hippolyte. »
Conclusions
Jean Racine reste le symbole de la tragédie classique, grâce à son œuvre de haute qualité artistique, grâce à ses personnages mémorables et à ses histoires impressionnantes. Adepte des Anciens, le dramaturge classique saisit la complexité de la littérature antique, réinterprète les mythes et les éléments de la mythologie grecque et romaine, crayonne des personnages puissants, capables de définir toute une époque.
Ayant la chance d’une éducation complexe et diversifiée, sous la direction des Jansénistes de l’abbaye Port-Royal, Jean Racine oscille pendant sa vie entre l’acceptation ou le rejet du réel. La diversité des sources d’inspiration, soit d’origine grecque, soit romaine, soit le passé, soit le présent, soit la mythologie, soit la modernité, font de Jean Racine l’auteur qui représente et dépasse, en même temps, son époque.
Le système dramatique de Racine devient, à côté des créations de Molière et de Corneille, le symbole du Classicisme et du XVIIème siècle, puisqu’il respecte et enrichit les règles classiques, en imposant, à la fois, son style. L’histoire de Jean Racine nait de presque rien et réussit de créer le dramatique en jouant des sentiments des personnages. L’aspect psychologique de l’être humain construit toute la profondeur de la tragédie, chez Racine. Il ne fait pas recours à l’analyse psychologique, ni même à une action complexe, il détient le talent de mélanger les deux aspects et d’obtenir des créations uniques.
Avant l’analyse des tragédies raciniennes, on aurait pu se poser des questions sur la mimesis, le principe du Classicisme, qui peut mettre en danger l’originalité de l’œuvre. En utilisant des ressources artistiques diversifiées, soit de l’Antiquité grecque, soit de l’Antiquité romaine, les tragédies raciniennes réjouissent d’un aspect original, rafraichissant, parfois insolite, où seulement le nom ou l’histoire d’un héros illustre raisonne avec l’imagination de Racine.
Représentant du théâtre classique en général et de la tragédie en particulier, Jean Racine reste le symbole d’une époque où le respect pour le passé facilite la parution des créations originales, où le mélange de la mythologie et de l’aspect formel moderne fait possible la naissance d’une œuvre unique – la tragédie racinienne.
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