Programul de studii: LIMBA ȘI LITERATURA ROMÂNĂ – [614654]
Programul de studii: LIMBA ȘI LITERATURA ROMÂNĂ –
LIMBA ȘI LITERATURA FRANCEZĂ
LUCRARE DE LICENȚĂ
COORDONATOR, ABSOLVENT: [anonimizat]
2018
Programul de studii: LIMBA ȘI LITERATURA ROMÂNĂ –
LIMBA ȘI LITERATURA FRANCEZĂ
LA SENSUALITÉ ET LE M YSTICISME DE LA
FEMME AFRICAINE DANS LA POÉSIE DE
LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
COORDONATOR, ABSOLVENT: [anonimizat]
2018
DECLARAȚIE PE PROPRIE RĂSPUNDERE
PRIVIND AUTENTICITATEA LUCRĂRII DE LICENȚĂ
Subsemnatul TĂTAR N.I. EMANUELA , legitimat cu C.I. seria
MM nr. 734165 , CNP [anonimizat] , absolvent: [anonimizat],
Centrul Universitar din Baia Mare, Facultatea de Litere, programul de stud ii LIMBA ȘI
LITERATURA ROMÂNĂ -LIMBA ȘI LITERATURA FRANCEZĂ , promoția 2018 , în calitate de
autor, declar pe propria răspundere că lucrarea de licență , cu titlul LA SENSUALITÉ
ET LE MYSTICISME DE LA FEMME AFRICAINE DANS LA POÉSIE DE LÉOPOLD
SÉDAR SENGHOR , este rezultatul propriei activități intelectuale, pe baza cercetărilor mele
și pe baza informațiilor obținute din surse care au fost citate în textul lu crării și în bibliografie.
Declar că această lucrare nu conține porțiuni plagiate, iar sursele bibliografice au fost
folosite cu respectarea legislației române și a convențiilor internaționale privind drepturile de
autor.
Declar, de asemenea, că această lucrare nu a mai fost prezentată în fața unei alte
comisii de examen de licență .
În cazul constatării ulterioare a unor declarații false, voi suporta sancțiunile
administrative, r espective anularea examenului de licență .
Baia Mare Autor, (Prenume, Nume) Semnătura
Data: ________ Emanuela Tătar __________
Table des matiѐres
Argument ………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………….. .. 3
Chapitre I. Léopold Sédar Senghor, l'histoire d'une vie entre l'Afrique et l'Europe ………… 5
1.1. Une jeunesse marquée par la magie de la terre sénégalaise ………………………….. ………………. 5
1.2. L'œuvre de Léopold Sédar Senghor comme témoignage du métissage culturel ………………… 8
1.3. Léopold Sédar Sengh or et la naîssance du concept de «Négritude» ………………………….. …. 14
1.4. La Francophonie et sa place dans l'œuvre de Léopold Sédar Senghor ………………………….. . 19
1.5. Les rencontres de Léopold Sédar Senghor avec l'espace roumain ………………………….. ……. 22
Chapitre II. La sensualité et le mysticisme de la femme africaine dans la poésie de Léopold
Sédar Senghor ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……………………. 24
2.1. L'image de la femme noire dans la poésie senghorienne ………………………….. ………………… 24
2.2. Les multiples visions senghoriennes sur la femme ………………………….. ……………………….. 25
2.3. L'image de la femme noire à travers la Négritude et la post -Négritude …………………………. 29
2.4. L'image de la femme noire dans le volume «Chants d'ombres» ………………………….. ………. 33
2.5. À la découverte de la poésie «Femme noire» ………………………….. ………………………….. ….. 34
2.6. À la découverte de la poésie «Nuit de Sine» ………………………….. ………………………….. ……. 37
2.7. À la découverte de «l'Élégie pour la reine de Sab a» ………………………….. ……………………… 39
2.8. La féminitude de la négritude senghorienne ………………………….. ………………………….. ……. 43
Chapitre III. Représentations de l'image de la «femme noire» dans l'art négro -africain … 45
Conclusions ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……………………….. 52
Bibliographie ………………………….. ………………………….. ………………………….. …………………….. 54
3
Argument
«Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue
française» Léopold Sédar Senghor
Ce mémoire de licence est partagé en trois chapitres et analyse les aspects concernant
l'œuvre, les c oncepts et les thѐmes introduit s dans la littérature francophone par le poѐte
sénégalais Léopold Sédar Senghor.
Dans le premier chapitre, Léopold Sédar Senghor, l'histoire d'une vie entre l'Afrique et
l'Europe nous avo ns mis en évidence la vie et l'œuvre de Léopold Sédar Senghor, nous avons
présenté deux concepts importants, le concept de Négritude et la Francophonie à l'initiation
desquels le poѐte a apporté une contribution majeure. Nous avons mentionné aussi les rencontres
de Léopold Sédar Senghor avec l'espace roumain. Le deuxième chapitre La sensualité et le
mysticisme de la femme africaine dans la poésie de Léopold Sédar Senghor propose l' analyse des
multiples visions senghoriennes en ce qui concerne la femme noire et quelques aspects
concernant l'image de celle -ci à travers la Négritude et la post -Négritude, l'image de la femme
noire dans l'œuvre poetique senghorienne notamment dans le recueil «Cha nts d'ombre». Nous
avons analysé la poésie «Femme noire», le poѐme qui reflète le mieux la vision du poѐte
concernant la femme africaine qui représente pour Senghor une source créatrice d'une multitude
d'images artistiques et métaphores. Nous proposons pou r analyse le poѐme «Nuit de Sine », où
nous avons observé la fusion entre le village et l'image de la «femme Afriq ue» au moment de la
nuit tombée et «Élégie pour la reine de Saba», poѐme dédié à l'une des muses de Senghor . Nous
avons atteint quelques aspects en ce qui concerne la féminitude de la négritude chez Senghor. Le
troisième chapitre , Représentations de l'image de la «femme noire» dans l'art négro -africain met
en évidence l'opposition de s deux conceptions de la beauté en utilisant deux sculptures célèb res:
la Vénus de Milo et la Vénus de Lespugue et nous avons choisi de présenter aussi deux peintures
représentant des femmes noires et leur signification. Dans ce chapitre dédié à l'art, nous avons
présenté la sculpture Le Baobab et L e Pomier , hommage à l'homme d'art Senghor, et nous avons
mentionné la Fondation Léopold Sédar Sénghor à Dakar , Fondation créée par le poѐte même et
qui a un Cénacle européen francophone de poésie, art et lettres .
4
Léopold Sédar Senghor est un poѐte marqué par la sensibilité et la beauté de l'âme . Il y a
une relation profonde entre l'homme d'art et l'Afrique, son pays d'origine qui a gravé sur l'âme de
Senghor la magie de la natu re, la fascination pour le sacré , pour les figures de la terre, pour le
culte des divinités et par-dessus tout, pour la femme africaine. Dans notre mémoire de licence
nous avons présenté la grandeur et la splendeur que la femme noire a acquis dans l'univers
poétique senghorien et la fusion entre celle-ci et l'Afrique. Nous avons analysé les plus
importants poѐmes dans lesquels le thème principal est celui de la femme africaine et nous avons
soutenu nos idées à l'aide des vers .
5
Chapitre I. Léopold Sédar Senghor, l'histoire d'une vie entre
l'Afrique et l'Europe
1.1. Une jeunesse marquée par la magie de la terre sénégalaise
Celui qui allait apporter la gloire à son pays et à l'Afrique, Léopold Sédar Senghor, est né
le 9 Octobre 1906 à Joal, sur la « Petite Côte » du Sénégal. Il provie nt d'une famille qui appartient
à la noblesse. Son prénom S érère, « Sédar», signifie « qu'on ne peut humilier .»1 Son prénom
catholique, «Léopold », lui a été donné en souvenir de Léopold Angrand, riche commerçant
mulâtre, ami de son père. Il a passé son enfance dans une atmosph ѐre rustique , patriarcale
entouré par le souvenir de ses ancêtres et par les myst ѐres de la jungle.
La beauté et la sensibilité de la langue sér ѐre, appris e à l'aide de sa m ѐre a ouvert encore
plus l'int érêt de Senghor pour la poésie. Son oncle, pasteur dans la jungle est celui qui l'a initié
aux myst ѐres de la nature, au monde africain ancien . Il lui racontait des histoires étonnantes sur
l'appel de la terre et des ancê tres, sur les mœurs des bêtes sauvages et sur la marche des étoiles.
Le poѐte est vu comme un grand mystique et un religieux. Il a reçu une éducation religieuse de la
part des missionnaires français et par conséquent sa vie entière, fut marquée, par le trav ail, la
méthode, la discipline, l'organisation, la ponctual ité et le sens des convenances. Cette éducation
religieuse accompagné e par l 'amour vers la poѐ sie, ont constitué deux vocations importantes
pour Senghor: « J'avais une fort e inclination pour deux métiers : ceux de prêtre et de professeur.
Finalement, à la fin de mes études primaires , j'ai choisi de ne pas choisir : j'ai décidé d' être, en
même temps, prêtre et professeur .»2
Les ann ées de la jeunesse ont gravé dans son âme la magie des danses et des chansons
sacres . Le culte des divinités, des figures de la terre, les liaisons avec l'esprit des morts l'ont
fasciné. À sept ans il commence à apprendre la langue franç aise à l'É cole de la Mission
catholique de Joal , langue dans laquelle ultérieurement il allait composer son œuvre
impressionnante. Il poursuit ses études au Coll ѐge L ibermann puis au lycée de Dakar où il a
obtenu son baccalauréat; il bénéficie d'une bourse qui lui permet de fréquenter l e lycée Louis -le-
Grand à Paris. Senghor fait connaissance avec l'espace et la cu lture européenne face auxquel s ils
manifeste un grand intérê t. À Sorbone, il prépare sa licence en lettre s en choisissant comme
1 Selon l'article : Léopold Sédar Senghor, un exceptionnel homme de culture , par Amadou Bal, le 13 août 2015,
publié sur le site: http://baamadou.over -blog.fr/2015/08/leopold -sedar -senghor -1906 -2001 -un-exceptionnel -homme –
de-culture -par-amadou -bal-ba-http-baamadou -over-blog-fr.html, consulté en ligne le 15 novembre 2017.
2 Ibidem.
6
thѐme «L'Exotisme de Baudelaire » et en 1935 Léopold Sédar Senghor est l e premier Africain
qui devient «agrégé de grammaire. »3
Ainsi, l'âme de l'auteur des « poѐmes africains » éprouve un moment trѐs important où, à la
fascination de la vieille Afrique, vient se greffer sur la culture du passé et celle de l'Europe
moderne. C'est l'époque où il rencontre Damas , poète, écrivain et homme politique français,
cofondateur du mouvement de la N égritude et Césaire , écrivain et homme politique français, à la
fois poète, dramaturge, essayiste, et biographe, fondateur et représentant majeur du mouvement
littéraire de la N égritude . Une rencontre avec l'homme politique français Georges Pompidou
reste pour Senghor comme une ouverture d'esprit pour l'esp ace de la cul ture. Senghor avoue que
Georges Pompidou a eu une i nfluence prépondérante sur lui. C'est lui qui l'a converti au
Socialisme, qui l'a fait aimer Barrès, Proust, Gide, Baudelaire, Rimbaud, qui lui a donné le goût
de Paris, du théâtre et des mu sées. Il affirme: « Si je suis devenu curieux des hommes et des
idées, si je su is devenu écrivain et amateur d' art, si je reste un ami de la France, je le dois,
essentiellement, à mes anciens camarades de Louis -le-Grand .»4
Senghor obtient avant la Seconde Guerre Mondiale le titre d'enseignant au Lycée Descartes
à Tours puis au Lycée Marcelin Berthelot de Saint -Maur -des-Fossés . Dix ans plus tard , il est
professeur titulaire à l'École Nationale de la France d'Outre -Mer et enseigne les langues et les
civilisations africaines. En ce moment là son premier recueil de po ѐmes apparaît en 1945 sous le
titre «Chants d'ombre.» Senghor y présente son Royaume d'Enfance , un royaume perdu mais
reconstruit par le poѐte à travers l'amour pour son Afrique, par l'écriture et par l'effervescence de
la Négritude. Senghor com mence aussi une carri ѐre politique, il est nommé gramma irien et
juriste , chargé de la révision du texte de la nouvelle Constitution d e la République Française. I l
est élu député du Sénégal à l'Assemblée Constituante . Grâce au fait qu 'il soit en connexion
permanente avec son pays d'origine, il connaît de pr ѐs la vie et les aspirations de ses fr ѐres noirs,
il soutient leur lutte, il les encourage. Il est en suite élu en 1955 secrétaire d' État à la présidence
du Conseil avant de devenir en 1960 le premier Président de la République du Sénégal.
En 1948 Senghor publie son deuxiѐme recueil intitulé «Hosties Noires ». Les poésies de ce
recueil présentent les offrandes des Noirs, à côté des Blancs, pour le salut de l'humanité . C'est un
hommage aux tirailleurs sénѐgalais. Il paraît également son «Anthologie de la nouvelle poésie
nѐgre et malgache de la langue française » qui est « l'acte de naissance de la littérature africaine
3 Hervé Bourges, 2006, p. 7.
4 Selon l'article : Léopold Sédar Senghor, un exceptionnel homme de culture , par Amadou Bal, le 13 août 2015,
publié sur le site: http://baamadou.over -blog.fr/2015/08/leopold -sedar -senghor -1906 -2001 -un-exceptionnel -homme –
de-culture -par-amadou -bal-ba-http-baamadou -over-blog-fr.html , consulté en ligne le 15 novembre 2017.
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moderne .»5 Cette anthologie est précédée d'un avant -propos intitulé «Orphée Noir », écrit par
Jean-Paul Sartre. C'est un texte à la fois lyrique et philosophique dans lequel Sartre affirme que
«la Négritude, triomphe du Nar cissisme et suicide de Narcisse. »6 Dans ce texte , Sartre encourage
ses frères de race d'être plus vigilants et de continuer le combat pour leur affirmation sous les
yeux des Blancs qui les gardait en esclavage pendant plus de cinq siècles .
En 19 58 par aît les «Éthiopiques », le troisiѐme recueil de po ѐmes écrits avec le même amour
concernant les peuples d'Afrique. En 1961 l'œuvre de Senghor s'enrichit avec une nouvelle
collection de poѐmes: «Nocturnes .» Il est également l'année dans laquelle l'aute ur est porté à la
Sorbonne comme «doctor honoris causa », grade universitaire accordé à titre honorifique.
Docteur honoris causa de nombreuses universités, membre de l'Institut de F rance, il est élu à
l'Académie F rançaise le 2 juin 1983.
Senghor a été le « porte -parole d'une culture qui depuis des siècles n'a que le droit de se
taire et il a combattu toute sa vie pour le métissage culturel, non pas dans l'oubli des identités de
chaque peuple, mais au contraire dans leur confrontation féconde et leur enrichissement
mutuel. »7 Même si les intellectuels africa ins ne l'ont pas agréé, Senghor a toujours cherché à
discuter, à expliquer et à échanger, il a essayé de créer un monde de paix par le dialogue, il a
toujours rêvé à la civilisation de l'Universel.
Il a traversé le dernier si ѐcle de bout en bout: qu' on juge le chemin parcouru, entre les deux
guerres, par cet enfant de Joal, né sur la «Petite Côte », au sud de Dakar, jusqu'au lycée Louis -le
Grand, où il prépare avec Georges Pompidou l'École Normale S upérieure, puis l'agrégation de
grammaire, qu'i l est l e premier Noir à réussir. Les liens tissés au quartier Latin seront profonds,
comme en témoignent ces mots que lui écrit Pompidou aprѐ s son élection: «Mon cher Ghor, je
suis élu, la bataille a été rude . J'évoque avec la nostalgie le lycée Louis -le Grand: nous voici tous
deux chef s d'État, quel étrange destin. »8
Dѐs ses années d'étudiant à Paris, Senghor combat pour la reconnaissance des Noirs dans
une société française colonialiste et sou vent raciste. In venteur de la «Négritude », il en fera une
arme pour l'émancipation des peuples africains, convaincu que seules la fierté et la maîtrise de
son identité donnent à l'homme prise sur son destin.
5 Ibidem.
6 Léopold Sédar Senghor, 1972, p. 262.
7 Selon l'article: Léopold Sédar Senghor, Bibliographie, par Bibliothèque nationale de France direction des
collections département Littérature et art, 2006, publié sur le site:
http://www.bnf.fr/fr/outils/lr.resultats_recherche_simple.html?query=leopols+sedar+senghor&x=0&y=0 consulté en
ligne le 22 novembre 2017.
8 Hervé Bourges, 2006, p. 7.
8
«Senghor nous a quittés le 20 décembre 2001, à l'aube du XXI ѐ siѐcle. Le hasard a voulu
que sa mort sourvienne dans une période cruciale de l'histoire de l'humanité, à l'heure où sa
pensée devient plus que jamais actuelle. »9 Il nous a aidé à comprendre notr e époque et il nous a
encouragé à lutter pour un mond e plus humaine et dominé par la culture. En s'appuyant sur sa
capacité de changer le monde, Senghor nous montre que le poѐte peut organiser une œuvre
intelligible, il peut transmettre des messages clés pour changer des conceptions. Le journaliste
Hervé Bourges affirme que : «La complexité des phénomѐnes impose que quelques voix claires
s'élѐvent, qui renouent les fils de nos existences. Par sa conscience historique et par son verbe,
Léopold Sédar Senghor est l'une de ces voix exemplaires .»10
Poѐte engagé, grammairi en, Homme d'É tat et de culture, Léopold Sédar Senghor, nous
pouvons dire, qu'il e st à la fois Africain, Français et Noir. L'étude de l'œuvre de Senghor a un
rôle remacable, parce qu'il était «un penseur d'une grande envergure »11 comme l'avoue le
philosophe Mudimbe: «A suivre Senghor, même lorsqu'on refuse c ertaines de ses démontrations,
l'on admet que cet homme a l'art de réfléchir en avant et de réunir tendances et systѐmes. Et pour
l'honneur de la Négritude, l'on se remémore Kant qui disait: penser c'est réunir .»12
1.2. L'œuvre de Léopold Sédar Senghor comme témoignage du métissage
culturel
Léopold Sédar Se nghor se trouve parmi les écrivains du si ѐcle qui ont mêlé leur talent
littéraire avec l'activité politique. L'amour ardent pour la civilisation africaine trou ve son refuge
dans la grandieus e œuvre po étique, mais aussi dans ses écritures sociales et politiques, dans les
essais philosophiques et culturels, écono miques et celles de développement spirituel.
L'œuvre de Senghor a été tradui te dans plusieurs langues européennes et pas seulement. Nous
pouvons mentionner quelques titres: Chants d'ombre, Hosties Noires, Ethiopiques, Nocturnes,
Lettres d'hivernage, Élégies majeures , en ajoutant que l' essayiste Senghor a les mêmes ra cines
comme le poѐte Senghor, c'est -à-dire l'ancienne Afrique qui a contribué à la civilisation de
l'humanité. Senghor a consacré cette chose dans les études Ce que l'homme noir apporte (1939),
L' Afrique noire (1947), Contribution négro -africaine à la civilisation mon diale (1953), L'apport
de la poésie négre (1953), Esthétique négro -africaine (1956).
9 Ibidem.
10 Selon Hervé Bourges, 2006, p. 7.
11 Selon Valentin -Yves Mudimbe, 1982, p. 18.
12Ibidem.
9
L'auteur classe ses essais en 5 volumes: Liberté I – Négritude et humanisme , Liberté II – Nation
et la voie africaine du socialisme , Liberté III – Négritude et Civilisation de l'Univer sel, Liberté
IV – Socialisme africain et dé mocratique, Liberté V – Négritude et dialog ue des Cultures .
Senghor est un e âme sensible et chaud e, il possѐde une remarquable capacité oratorique et une
logique impressionante dans le discours. Parmi ces qu alités, nous citons les études de
Philosophie Classique qu'il a suivi es à la Sorbonne, l'étude d'Aristot e, de Platon, de Goethe, de
Hegel, de Marx, de Bergson, de Heidegger et – pas le dernier , son professeur d'anthropologie de
l' Institut d'Ethnologie de Paris, Paul Rivet.
Senghor exprime dans ses poѐsies aussi bien l'amour, voir l'érotisme que la solitude de
l'exilé (Chants d'ombre ), «Libération »: «Les torents de mon sang sifflaient le long des berges de
ma cellule./ C'était pendant mes nuits et des jours plus solitaires que la niut. »13, la sérénité et les
angoisses de l' homme parvenu au soir de sa vie (Lettres d'hivernage, Elégies majeures): «Et le
sursaut soudain »: «Or voi ci les cendres amѐres de mon cœ ur, comme une fleur séchée./ Toi
seule peux me sauver mon espoir, et ta présence/ Toi mon présent, mon indicatif mon imperfectif
/ Toi ma parfaite, non tes lettres, tes lѐvres soleil de l'éternel été./ Et je t'attends dans l'at tente,
pour ressusciter la mort »14 ou encore la dénonciation de l' Occident , en Hosties noires .
«Luxembourg 1939 »: «Ce Luxembourg où je ne retrouve plus ma jeunesse, les années fraîches
comme des pelouses./ Je ne reconnais plus ce Luxembourg, ces soldats qui montent la garde./ Je
vois tomber les feuilles dans les faux abris, dan s les fosses dans les tranchées / Où ruisselle le
sang d'une géné ration / L'Europe qui enterre le lavain des nations et l'espoir des races
nouvelles .»15
Nous pouvons trouver partout dans l'œuvre de Senghor le souvenir de son enfance. Sa
conceptio n sur le monde est inspirée par son enfance . Puisque l'enfance de l'écrivain a été le
moment de son immersion dans un univers naturel et culturel complexe, dont les valeurs le
marqu ѐrent à jamais. Senghor avoue que : «La moitié de mes po ѐmes m'ont été inspirés par deux
cantons, celui de Joal, où je suis né, et celui de Fimla, pr ѐs de Dy ilôr, où j'ai passé mon
enfance .»16 Senghor s'inspire dans la ré daction de son œuvre des rythmes t raditionnels africains.
«Dans mes poèmes, je parle souvent du Royaume d' enfance. C' était un ro yaume d' innocence et
13 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 38.
14 Ibidem, p. 248.
15 Ibidem, p. 82.
16 Hervé Bourges, 2006, p. 21.
10
de bonheur : il n' y avait pas de frontières entre les Morts et les Vivants, entre la réalité et la
fiction, entre le p résent, le passé et l' avenir »17, précise -t-il.
La racine sénégalaise tient en de ux mots: la naissance et la petite enfance. La structure sociale du
royaume de Sine, où se situent Joal et Fimla, est héritée de l'histoire des Sér ѐres, communauté
qui s'est emménag ée tardivement dans cette région, apr ѐs avoir abandonné l'ancien royaume du
Gabou.
Le souvenir de l'enfance marq ue une grande partie de l'œuvre de Senghor. C'est un e
enfance rurale à la fois, qui exprime l'idée de « vivre ce tte terre .»18 C'est -à-dire ne pas changer la
purité de la «Nature » (majuscule, la Nature comme processus de vie, comme processus de
création pemanente ), faire vivre la terre et vivre par elle, faire sentir une liaison entre soi -même
et la terre , vue comme un espace matriciel. Parfois, nous pouvons observer dans les poѐmes
nѐgres une perso nnification de la Nature, elle est associée à la femme. «La Nature est maternelle,
protectrice, nourriciѐre, repré sentante de la fertilité , elle y est reine, mais parce qu'elle est mêlée
par les mythes à l'histoire d'un peuple et à ses racines, elle y pose avec ses lois propres d'autres
valeurs premiѐres: le courage, l'honneur, la fidélité .»19
Le poѐte est assez discret en ce qui concerne se s sentiments. Il a de nombreux poѐmes
dans lesquels il fait un éloge à la femme ; «la femme est un tremplin d'où Senghor exalte son
africanité et son universalisme. »20 Elle, la muse du poѐte est décrite avec sensualité . Nous
pouvons indiquer quelques titre s comme: Femme noire , «Femme nue, femme noire / Vêtu de ta
couler qui est v ie, de ta forme qui est beauté! / J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains
bandait mes yeux./ Femme nue, femme obscure / Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du
vin noir, bouch e qui fais lyrique ma bouche / Femme nue, femme noire / Je chante ta beauté qui
passe, forme que je fixe dans l'Eterne l»21, Nuit de sine , «Femme, pose sur mon front tes mains
balsamiques, tes mains douces plus que fourrure »22, Pour Emma Payelleville l'infirmi ѐre, «Tes
yeux , le myst ѐre lourd des corps noirs. / Tes yeux pour leurs yeux transparents de pure eau / Tes
mains, sous la douc eur charnelle des corps noirs/ »23, Femmes de France , (à mademoiselle
17 Selon l'article : Léopold Sédar Senghor, un exceptionnel homme de culture , par Amadou Bal, le 13 août 2015,
publié sur le site: http://baamadou.over -blog.fr/2015/08/leopold -sedar -senghor -1906 -2001 -un-exceptionnel -homme –
de-culture -par-amadou -bal-ba-http-baamadou -over-blog-fr.html, consulté en ligne le 15 novembre 2017.
18 Hervé Bourges, 2006, p. 27.
19 Ibidem, p. 32.
20Selon André -Patient Bokiba, 2001, p. 9.
21 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 22.
22 Ibidem, p. 16.
23 Ibidem, p. 26.
11
Jacqueli ne Ca hour): «Femmes de F rance, et vous filles d' Europe / Laissez -moi vous chanter! Que
pour vous soien t les notes claires du sorong. »24
Senghor accorde une remarquable attention aux sons. Cette caracté ristique a ses racines
dans les chansons qui ont accompagné l' enfance du poѐ te où la poésie traditionnelle o rale a
fasciné son âme « dans une tradition qui ne sépare pas la musique instrumentale et la musique de s
mots: les po ѐmes sont tam -tams .»25 Il y a quelques instruments que Senghor évoque dans ses
poémes Nocturnes, parmi lesquels «kôra»: harpe -luth d'Afrique de l' Ouest au son délicat et
profond , «khalam »: instrument t raditionnel de l'élegie dans l'Ouest africain, sorte de guitare à
quatre cordes , «tama », c'est un instrument de percussion de la famille des membranophones
originaire d'Afrique de l'Ouest , «gorong »: tam-tam court avec un timbre grave , «tam-tam»:
tambour africain fabriqué en bois . «J'étais assis su r la prose d'un banc, le soir. / Les heures de
garde s'alignaient devant moi , comme sur une route la monotonie des poteaux ./ Quand j'ai senti
sur ma joue tiѐde le s rayons mordorés de ton visage .»26 Chants pour Signare , pour khalam .
L'instrument musical indiqué le plus souvent par le poéte est le tam -tam. « Le tam -tam est la voix
profonde d'Afrique, le cri de sa vie, le son qui at triste, anime, déchaîne l'onde sonore du tam -tam
est beaucoup plus qu'un mouvement vibratoire, c'est une force née de la nuit et de la terre, de la
jungle et de l'eau, pour les vivants et pour les morts, et qui se fait entendre à la chasse aussi bien
qu'au rituel de noces .»27 Le tam -tam africain est perçu comme la condition sine-qua-non de
toutes les formes d'expressions de l'art et d u culte, et le poѐte sénégalais qui e st doué de la
capacité d'être attentif aux «miliers de bruits et de murmures, distingue physiquement le tam -tam
de la rive adverse du tam -tam brumeux des mortiers, tout -là bas, ainsi que le nébuleux tam -tam
des cœ urs; quand il dit mon cœ ur est un tam -tam détendu et sans lune .»28
La poѐsie de Senghor est souvent a ssoci ée au «rythme » et à la «musique ». Ces sont les él ément s
qui donnent à la poѐtique nѐgre l'émotion, les nuances, intensifiant les sent iment s. Nous pouvons
dire que pour le po ѐte, le rythme occupe une place principale: «La qualité essentielle du style
poѐtique nѐgre est le rythme – la mélodie y tient une place secondaire, mais pas insignifiante.
Plus souvent que la rime, l'assonance , trѐs librement. Le rythme , est l'élément vital du language:
il en est la condition premiѐre, et le signe. »29 Le rythme montre que la plupart des poѐmes sont
destinés à être chantés ou déclamés. Le rythme, est comme le vers, c'est -à-dire libre, mais la
24 Ibidem, p. 92.
25 Daniel Delas, 2006, p. 13.
26Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 198.
27 Ibidem, p. 22.
28 Ibidem.
29 Léopold Sédar Senghor, 1950, p. 111.
12
différence est que le premier doi t être en tandem avec l'émotion . Les continuelles reprises
peuvent cons tituer à la fois une impression de monotonie, mais la reprise n'est pas synonyme ni
avec le redire ni avec la répétition. «Le mot est repris avec une variante, à une autre place, dan s
un autre groupe. Il prend un autre accent, une aut re intonation, un autre timbre. L'effet
d'ensemble est intensifié – non sans nuance. »30
Senghor chante dans ses po ѐmes la beauté de l'âme de ses frѐres noirs et il poursuit sa
lutte pour leur affirmati on, par exemple « Le Retour du fils prodigue » et « Drama Chanka » sont
parmi les poѐmes qui révѐlent une Afrique captive, crucifiée, qui aspire douloureusement à la
liberté. Il y a aussi des poѐmes o ù le poѐte dénonce la guerre: « Aux tirailleurs sénégalais morts
pour la France », «Écoutez -nous, Morts étendus dans l'eau au profond des plaines du Nord et de
l'Est/ Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs sénégalais. »31, «Désespoir d'un
volon taire libre », «Camp 1940 », et des thѐmes sociaux qui sont débattus dans «Poѐme
liminaire », «Le Congo », «Oho ! Congo couché dans ton lit de forêts, reine sur l' Afrique
domptée / Que les phallus des monts portent haut t on pavillon / Car tu es femme par ma tête par
ma langue, car tu es femme par mon ventre / Mère de toutes choses qui ont narines, des
crocodiles des hippopotames / Lamantins , iguanes , poissons , oiseaux, mère des crues nourrice des
moissons. »32, «A New York », «Priѐre de paix » et la boulversante «Lettre à la m ѐre.»
Senghor est le po éte d'une fascinante œuvre qui comporte une atmosphѐre de myth e et de
religion mais qui garde une tonalité païenne , une poétique d'un remarqu able exotisme, poésie où
rѐgnent l'âme et l'esprit. Nous pouvons dire que dans ses poѐ mes, les éléments qui composent la
nature, sont animés: les arbres et le vent, le ciel et le sable du désert, les pierres et l'eau, les
nuages, l'océan. Les ancêtres morts sont présents dans les actions quotidiennes: ils sont inclus au
flux éternel, ils accompagnent les vivants dans leur sommeil, mais aussi dans leur travail. Le
masque, dans ses multiples formes, symbolisent ceux qui n'ont pas de corps; les vivants se
cachent derrière lui, le couvrent de louanges, invoquent l'invisible.
Comme style de ré diger son œuvre, Senghor nous propose une formule poétique qui n'est
pas t rѐs souvent utilisée: c'est le verset biblique, de large respiration, riche d'idées, donnant
l'impression d'ode ou d'h ymne. En lisant l'œuvre de Senghor, nous découvrons l'utilisa tion de
plusieurs thѐmes. Parmi lesquels : le royaume d' enfance, la femme, le syncrétisme religieux, la
civilisation de l' universel, la fonction du poète, la mort . Dans ses poѐ mes il utilise un vo cabulaire
profane et religi eux: hostie s, pangoles , Tantum Ergo , «Je me rappelle les voix païennes rythmant
30 Ibidem, p.112.
31 Léopold Sédar Senghor , 1974, p. 80.
32 Ibidem, p. 132.
13
le Tantum Ergo / Et les proccessions et les palmes et les arcs de triomphe »33; un lexique exotique,
inhabituel qu'on tr ouve dans la réalité africaine: Dyâli, tyédo, signa res, quelques figures de style
comme: la personnification, l'allégorie, dans la représentation de l'Afrique : «est-ce là ton
message, Afrique?», l 'anaphore: «femme noire .»
Les «mots -clés», comme les nomme Armand Gu ilbert , ou les «mots-ciment », comme dit
Senghor , sont pris de la nature: «l'eau» qui est purificatrice, fraîche, glisse parmi les herbes,
brille sur les feuilles; «le vent » qui souffle calme, puis agité, fait trembler de frayeur les roses,
ensuite s'apaiser : «Toi Vent ardent Vent pur, Vent -de-belle -saison, brûle toute fleur toute pens ée
vaine… »34; «le soleil », maléfique, blanc, lance sur la terre la torpeur, mais libѐre les esprits; «la
nuit», tendre comme une femme aimante apporte la détente, la paix, la joie. C'est sont des mots
inspirés de la nature africaine, mais Senghor ajoute aussi des mots qui décrivent le corps
harmonieux de l'être nѐgre, les corps des champions des jeux rituels, le corps sensuel et séduisant
de la figure mystérieuse, féminine, qui a les lѐvres au parfum de fruit, les cheveux noirs, des
formes voluptueuses , «Et ta beauté me foudroie en plein cœ ur, comme l' éclair d'un aigle./ Fruit
mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouc he qui fais lyrique ma bouche .»35 Le mot
sang représente pour le poѐ te sénégalais le symbole de la vie universelle, « mon sang fidѐle qui
requiert fidélité .»36 Il y a aussi d'autre mots employés souvent, comme : «les yeux », souffrants,
dormants, troubles «les yeux battus de mon esprit »37, «tes yeux troubles – et j'y distingue, à
travers la vitre embuée, le pa ysage d' outre -océan de nos hiers »38; «les paupi ѐres», «ses paupi ѐres
comme le crépuscule rapide et ses yeux vastes qui s'emplissent de nuit »39; «la vois », «la parole »,
«le cri », «le cri sauvage du Soleil levant qui fait tressaillir la terre.»40
Les mots : Esprits, Aïeux, Morts, Ancêtres, Parents, donnent l'impression de surnaturel,
rappellent la présence de ceux qui ne vivent plus mais qui reviennent par l'esprit. «Auras -tu
oublié ta noblesse, qui est de chanter / Les Ancêtres , les Princes, les Dieux, qui ne s ont fleurs ni
gouttes de rosée? / Tu devais offrir aux Esprits les fruits blancs de ton jardin .»41
L'œuvre poétiq ue senghorienne est un mélange entre le travail, l'imagination du poѐte et le
mystѐre. N ous observons des informations ambiguës , mystérieuses qui découlent de l'histoire du
poѐte et de celle du monde dont il s'inspire. Senghor est l'homme trouvé au carrefour de l'Afrique
33 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 20 .
34 Ibidem , p. 8.
35 Ibidem, p. 22.
36 Ibidem, p. 30.
37 Ibidem, p. 48.
38 Ibidem, p. 42.
39 Ibidem, p. 45.
40 Ibidem, p. 44.
41Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 10.
14
et de l'Europe, de la réflexion philosophique, de la sensibilité et de la pensée poli tique. «Les
Dieux nous donnent le premier vers, c'est à nous de faire le reste» dit Valéry42; Senghor adopte
comme source d'inspiration des images bibliques, l'histoi re de l'Afrique, œuvres des philosophes
allemands, des poѐtes français, des figures histori ques ou mythiques de la Reine de Saba (élégie
qui chante la naissance du désir pour la femme éthiopienne et pr ésente ensuite sa satisfaction
dans un acte amoureu x qui conduit à la plénitude du sujet ; la figure de la reine , noire et
sensuelle représente l'Afrique Noire ), et du Chaka ( éloge à la lutte de deux meneurs d' hommes ,
dédié aux Martyrs bantous de l' Afrique du Sud ; Chaka est une méditation p oétique sur la
libération de l'Afrique ; poème dramatique par son sujet , composé des partitions «dialoguées »
comme le texte théâtral et ayant pour thѐme la mort d' un héros .) Senghor s'inspire aussi de ses
expériences de l'enfance, de ses amours juvéniles , de la lecture de Platon, des œuvre s des poѐtes
et des philosophes de l'Occident, de la présence de son é pouse et celle du paysage normand (dans
la deuxiѐme partie de son œuvre), le paysage social de la France.
Toutes ces expériences expliquent la présence des traditions, des rites, la présence des
particularités qui définissent son pays d'origine, mais toutefois demeure remarquable la touche
personnelle, l'originalité et la sensibilité propre; «l 'œuvre de Senghor est ouvertement
autobiographique, offrande lumineuse d'un homme à son pays, de son pays à un poѐte.»43
1.3. Léopold Sédar Senghor et la naîssance du concept d e «Négritude»
Le mouvement «La Négritude » initié et organisé par le trio d'intel lectuels nѐgres
Senghor, Damas et Césaire , à la fin des années 1930 est «un ensemble de valeurs culturel les
appartenant aux civilisations nѐgres et la modalité dont elles s'expriment dans la vie, dans les
institutions et d ans les œuvres des peuples noirs44.» «La Négritude » désigne: une certaine
attitude de l' homme noir face à son destin, la revendication d' une culture, d' une histoire et d' une
identité propre. Les colons occidentaux ont considéré que le peupl e noir n'a pas de culture, ni
d'histoire et qu'il est nécessaire, pour devenir éduqué, qu' il assimile les valeurs de la culture
occidentale. Senghor e t Aimée Césaire sont les promoteurs du mouvement de la Négritude, do nt
ils vont faire le nécessaire pour éluder ces perceptions, l'un s uivant une voie littéraire et l' autre
plutôt politique. «La Négritude » fut un concept révolutionnaire. C'était la revendication d'une
reconnaissance égale de s deux traditions culturelles. C'est un mouvement culturel, poétique et
politique . Ce concept qui, en 1930, était en révolte devant l'irrévérence dans laquelle les Nations
42 André -Patient Bokiba, 2001, p. 14.
43 Ibidem, p. 16.
44Léopold Sédar Senghor , 1986, p. 6.
15
occidentales maîtrisent le monde noir. La réalité de la civilisation négro -africaine a été relevée
par les poѐtes e t par les hommes de culture de la Négritude; ils se mirent à démontrer les valeurs,
défendues par les africanistes les plus connus de l'époque, M. Delafosse, R. Delavignette, M.
Griaule, Th. Monod le Pѐre Aupiais et s urtout l'allemand Léo Frobenius. Leurs études jointes
aboutirent à la proclamation d'une idée -force qui exigeait l' acceptation de la spécificité noire et
du droit à une différence constitutive d'une personnalité individu elle et collective originale: « la
Négritude, c'est l'ensemble des valeurs c ulturelles du monde noir, telles qu'elles s'expriment dans
la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. Je dis que c'est là u ne réalité: un nœud de
réalités. »45 Les apports de la cult ure française conduisent vers « une fécondation intellectuelle,
une greffe spirituelle, une a ssimilation qui permette l'assoc iation »46, il ne fallait pas se laisser
assimiler. La politique d'assimilation du syst ѐme colonia l était appel lée à dispar aître: «assimiler
et non être assimilés »47 avisait Senghor qui ne désirait pas faire du n ѐgre «une copie du blanc »48
fut-il français. Le syst ѐme colonial était de ce fait lui -même condamné: « la colonisation, fait
historique »49 n'est pa s mission civilisatrice, mais « contact entre deux civilisations; la définition la
meilleure du probl ѐme»50 ajouta it-il. Senghor soutient l'idée qu'il y a deux raison s pour lesquelles
la culture et l' histoire et la civilisation africaine ont été oubliées. La premiѐre cause est
l'esclavage et le colonialisme en Afrique e t la deuxiѐme est qu'il n' y a pas d' écrits pour l' essentiel
c'est-à-dire qu'il y a une culture africaine de tradition orale. L'homme n' est pas un « sauvage »
mais un être civilisé, c' est justement le colon qui a eu une attitude sauvage et irrespectueuse lors
de la colonisation.
Pour Senghor, le concept est équivalent avec une culture, avec un ensemble des valeurs
morales, politiques, écon omiques, intellectuelles, artistiques et sociales des peuples d'Afrique et
des minorités noires d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie. Pour lui, c'est un fait. Nous
pouvons dire que Sengho r cherche dans le concept de Négritude une façon de mieux comprendre
le monde. « Le Négre a les sens ouverts à tous les contacts, voire aux sollicitations les plus
légѐres. Il sent avant que de voir, il réagit immédiatemen t au contact de l'objet, aux ondes
qu'émet tent l'invisible. C'est sa puissance d'émotion, par quoi il prend connaissance de l'objet. Le
Blanc européen tient l'objet à distance, il le regarde, l'analyse, le tue – du moins le dompte – pour
l'utiliser. »51 Senghor avoue que le Négro -Afric ain sent l'objet d'une autre faç on, il remarque les
ondes et les contours, il est capable de le connaître profondément par l'assimilation. «La raison –
45 Léopold Sédar Senghor, 1945, p. 8.
46 Ibidem, p. 68.
47 Ibidem.
48 Ibidem, p. 92.
49 Léopold Sédar Senghor, 1977, p. 92.
50 Ibidem, p. 40.
51 Léopold Sédar Senghor, 1977, p. 92.
16
étreinte du Nѐgre, par -delà le visible, va jusqu'à la sous -réalité de l' objet, pour, au -delà du signe,
en saisir le sens .»52
Senghor a souvent affirmé que le choix du mot « Négritude » revient à Aimé Césaire mais
ils ont composé le sens ensemble. C ésaire donne une définition du terme: « La Négritude est la
simple reconna issance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de
notre histoire et de notre culture .»53 L'identité de Senghor est la source de son inspiration
poétique. C'est le résultat d 'un métissage culturel. L'auteur des poѐmes noirs a une double
culture : il appart ient à la noblesse Sérère, donc une culture africaine, mais puisqu' il dispose d'une
très grande culture frança ise, puisqu'il est membre de l' Académie française, agrégé de
grammaire, il pos sѐde aussi une culture française. Senghor est un français dit assimilé du fait de
son éducation et de sa culture. Senghor développe cette définition de son cofondateur, dans une
maniѐre p lus profonde et en deux visions : «Objectivement, la Négritude est un fait: une culture.
C'est l'ensemble des valeurs – économiques et politiques, intelectuelles et morales, artistiques et
sociales – non seulement des peuples d'Afrique noire, mais encore des minorités noires
d'Amérique, voire d'Asie et d'Océanie. »54 Senghor a écrit sur les peuples de l'Afrique noire qui
bâtirent des cultures, des civilisations, des arts, de tous ces spécialistes qui l a découvrirent et
commencѐrent à l'exalter dans leurs œ uvres. «N'est -il pas significatif que l'écriture de la premiѐre
civilisation indienne – celle de Mohenjo -Daro et de Harappa – qui florissait 2500 ans avant
Jésus – Christ, servît à exprimer une lang ue dravidienne: une langue Noire ?»55 Dans une vision
subjec tive, pour Senghor, la Négritude, c'est «l'acceptation de ce fait de civilisation et de sa
projection, en prospective, dans l'histoire à continuer, dans la civilisation nѐgre à faire renaître et
accomplir. »56 Nous pouvons remarquer que c 'est en somme la tâche que se sont fixée les
disciples de la Négritude, c'est -à-dire: assumer les valeurs de civilisation du monde noir,
actualiser et féconder ces valeurs , au besoin avec les apports étrangers, «pour les vivre par soi –
même et pour soi, mais aussi pour les faire vivre par et pour les autres, apportant ainsi la
contribution des Nѐgres nouveaux à la civilisation de l'Universe l.»57
La Négritude est un concept complexe, mais avant toute chose , Jacques Chevrier note
que la N égritude est «l'expression d'une race opprimée »58, garder pres que la même idée, Césaire
52 Ibidem.
53 Hervé Bourges, 2006, p. 77.
54 Léopold Sédar Senghor, 1977 , p. 270.
55 Ibidem.
56 Ibidem.
57 Léopold Sédar Senghor, 1977 , p. 270.
58 Selon Jacques Chevrier , 1984, pp. 39 -40.
17
dit « La Négritude mesurée au compas de la soffrance .»59 «Vous ignorez les restaurants et les
piscines, et la noblesse au sang noir interdite / Et la Science et l' Humanité, dressant leurs cordons
de police aux frontières de la N égritude / Faut -il crier plus fo rt? ou m'entendez -vous, dites ?/ Je ne
reconnais plu s les hommes blancs, mes frères / Com me ce soir au cinéma, perdus qu' ils étaient
au-delà du vide fait autour de ma peau. »60
L'apparition du mouvement de la N égritude date du moment de la ségrégation, vu e comme une
trahison mais qui est la cause d'une mobilisation de l'ensemble des riches ses culturelles du
peuple noir. Une autre source invocatoire de la « Négritude » c'était l'exclusion de l'assimilation
culturelle . Césaire la définit de cette maniѐre: « Elle pl onge dans la chair rouge du sol / Elle
plong e dans la chair ardente du ciel / Elle trouve l'accableme nt opaque de sa droite patience .»61
La création d'une Civi lisation de l' Universel par le métissage des cultures française et
africaine est l'objecti f du mouvement de la Négritude. Senghor est considéré par ses adeptes
comme un symbole de la coopération entre la France et le Sénégal.
Dans la multitude de ses poèmes, nous trouvons quelques images poétiques inspirées de
l'Afrique parmi lesquelles:
«La danse des Masques »; les Masques sont utilisé s dans les danses et les rites africains;
La mélodie du tam -tam africain;
La savane et le village africain qui est au cœur de la poésie noire;
Les rites, les cérémonies;
Les femmes, les devins, les griots qui tra nsmettent oralement de générations en
générations la culture africaine;
Les totems.
Les thѐmes de l a civilisation nѐgro -africaine sont: l'atmosphѐre, l'environnement agricol et
pastoral, où la population nѐgre garde ses rites et ses rythmes, où le contact avec les ancêtres est
permanent . «La poétique de la N égritude, constitue en effet un traitement particulier de la parole
en versets ou du moins en longs vers consolidés par des assonances et des répétitions, créant des
cadences, des reprises, des échos. »62 Senghor dit que par la N égritude, le peuple est immunisé
contre la haine. C'est -à-dire que ce concept révolutionnaire est responsable pour faire les peuples
59 Hervé Bourges, 2006, p. 78.
60 Selon Léopold Sédar Senghor, 1990 , p . 83.
61 Selon Aimé Césaire, 1983, p. 53.
62 Hervé Bourges, 2006, p. 83.
18
noires s'intégrer plus facile dans le context e européen, pour exposer sa culture, l'art, les
particularité s qui le définissent.
Le rôle social et politique de la Négritude est de lutter pour donner la liberté politique et
culturelle des nѐgres qui ont été plusieurs années oppressés, et de les encourager d'apporter leur
contribution à la civilisati on de « l'Universel.» Du point de vue de l'esthét ique, la Négritude
comporte des idées fortes , relatives à l'homme noir et à sa créativité, à son émotion et à sa
sensibilité. Tout à la fois, le nѐgro -africain s'exprime par l'image et également par le rythme.
«Le rythme, est l'architecture de l'être, le dynamisme interne qui lui donne forme, le systѐme
d'ondes qu'il émet à l'adresse des Autres, l'expression pure d e la Force vitale. Le rythme, c'est le
choc vibratoire, la force qui, à travers les sens, nous saisit à la racine de l' être.» Le rythme
s'exprime par les moyens les plus ma tériels et les plus sensuels: lignes, surfaces, couleurs,
volumes si nous parlons de l'architecture, sculpture ou peinture; accents en poésie et musique;
mouvement dans la danse. Mais, ce faisant, le rythme ordonne tout ce concret «vers la lumiѐre de
l'Esprit. Chez le Négro -Africain, c'est dans la mesure même où il s' incarne dans la sensualité que
le rythme illumine l'Esprit.63
Nous pouvons donner quelques titres d'études et d'essais où Senghor met l'accent sur la richesse
de la culture et de l'art africain: Ce qu'apporte l'homme n ѐgre, L'Afrique noire, Langue et poésie
négro -africaine, Esthétique négro -africaine, É léments constitutifs d'une civilisation d'inspiration
africaine, publiés dans plusieurs re cueils et revues.
La poésie de Senghor a une écriture sacrée , écriture du Verbe, une poésie en verset. Le
poѐte est comparé avec un messager des dieux, qui énonce des premises sur l'avenir; la prophétie
de Senghor c'est la Civilisation de l'Universel.
63Selon Jean -Louis Joubert, 1992, p. 103.
19
1.4. La Francophonie et sa place dans l'œuvre de Léopold Sédar Senghor
Le terme francophonie est apparu pour la premièr e fois vers 1880, lorsqu' un géogra phe
français, Onesime Reclus, l'utilise pour désigner l' ensemble des personnes et des pays parlant le
français. Nous parlons déso rmais de francophonie avec un «f » minuscule pour désigner les
locuteurs de frança is et de Francophonie avec un «F » majuscule pour figurer le dispositif
institutionnel organisant les relatio ns entre les pays francophones. «La France met à la
disposition du monde une langue adap tée par excellence au caractère universel de la pensée .
Notre langue et notre culture c onstituent pour un grand nombre d'hommes hors de France et hors
du Canada un foyer cap ital de valeurs, de progrès, de contacts et c' est tout à la fois notre
avantage et notre devoir de la pratiquer et de la répandr e.»64 (Charles de Gaulle, président de la
République française , 1958 -1969) .
Grâce à son statut de langue officielle (ou co -officielle) dans quelque 57 États répartis dans 29
pays, (parmi lesquels: France, Mali, Monaco, Niger, Bénin, République du Congo , Sénégal) le
français reste la deuxième langue du monde du point de vue de l'importance politique. Même si,
à l'exemple de l'anglais, il n'est pas la langue maternelle de tous les citoyens dans la plupart des
pays concernés, le français occupe des positions stratégiques privilégiées comme langue
administrative, langue des médias , langue d'enseignement, langue de l'armée, langue du
commerce , langue de la justice ou langue des affaires. Les plus importants pays francophones
sont: la France, la Belgique, le Monaco, le Canada, le Luxembourg, le Congo, la Suisse. «C'est
une belle langue à qui sait la défendre. Elle offre des trésors de richesses in finies. On dirait que
le vent s'est pris dans une harpe, et qu' il a composé toute une symphonie» (Yves Duteil, artiste
français, dans la chanson «La langue de chez nous » – Oscar 1986 de la chanson Française ).
Alors, c'est le 20 mars 1970 quand une nouvelle organisation intergouvernamentale est née,
fondée autour du partage de la langue française et chargée de promouvoir et de diffuser les
cultures de ses membres, et d'intensifier la coopération culturelle et technique entre eux.
Dans les dictionnaires des langues, n ous pouvons trouver plusieurs dé finitions du nom
«francophonie ». Le terme francophone et so n dérivé francophonie font partie d 'un champs
politique ou social . Le terme apparaît dans les dictionnaires à l'époque où la francophonie
commence à devenir une réalité en 1970 avec la création de L'A.C.C.T. (Agence de coopération
culturelle et technique), premier organisme intergouvernemental de la Francophonie.
64 Selon l'article : Une histoire de la Francophonie , par Organisation Internationale de la Francophonie, publié sur le
site: https://www.francophonie.org/Une -histoire -de-la-Francophonie.html , consulté en ligne le 11 janvier 2 018.
20
Les définitions que nous trou vons sont diffé rentes par rapport aux pays appartenant à la
francophonie. Le terme a plusieurs valeurs: valeurs géographique et sociolinguistique d'abord,
mais aussi valeur politique et culturelle.
La langue française occupe une plac e particuli ѐre concernant la construction et la
civilisation de l'Universel . Pour Sen ghor, la langue française est « une certaine mani ѐre de poser
les probl ѐmes et d'en chercher les soluti ons… une communauté spirituelle .»65 Comme
caractéristiques de la langue dans laquelle il exprime la plupart de son œuvre, l'auteur des
poѐmes noir s mentionne: « Qu'il s'agisse de morphologie ou de syntaxe, le français nous offre, à
la fois, clarté et richesse , précision et nuance ; les mots français sont clairs et précis. C'est qu'ils
ont tendance à l'abstraction, qui en fait un merveilleux outil du raisonnement. Et il n'est pas vrai
que l'abstraction ignore le réel; elle le réduit à son squelette, qui est son essence. Du moins pour
l'homme d'action .»66 Dans Le Génie latin , l'écrivain français Anatole Fr ance, utilise un terme que
Senghor aime citer « On ne raisonne justement qu'avec une syntaxe rigoureuse et un vocabulaire
exact…Je crois que le premier peuple du monde est c elui qui a la meilleure syntaxe .»67
La Francophonie est plus qu'une langue, elle est à l'avis de Senghor « une culture,
fondement d'un humanisme qui ne fut ja mais plus actuel qu'aujourd'hui. U ne façon rationnelle de
poser les probl ѐmes et d'en re chercher les solutions, mais toujours par référence à l'homme .»68
Senghor souhaite que la Francophonie n'existerait pas seulement dans le cadre de l'Hexagone, il
voit la langue français e comme un résultant de l'influence mutuelle de civilisations en contact: il
le nomme «métissage culturel.»69 Comme la Négritude est l'espoir que la reconnaissance de
chaque peuple dans sa différence et le dialogue culturel sont les uniques marches à suivre pour
resoudre les conflits, les inconvenients sans violence, la Francophonie est l'exp ression même ce
cette tolérance , cette acceptation partagée de cultures diverses.
Dans un ultime discours, de l'année 2000, Senghor disait: « L'ouverture de la
Francophonie n'est pas contradictoire avec l'enracinement dans la Négritude . Elle en est l'une des
composantes parmi d'autres. Francophonie et Négritude, à son expression dans la poésie et dans
les arts. Je crois également à la francité, mais intégrée dans la latinité et, partant, dans une
civilisation de l'Universel où la N égritude a déjà comm encé de jouer son rôle principal. »70
65 Hervé Bourges, 2006, p. 170.
66 Ibidem.
67 Ibidem, p. 171.
68 Léopold Sédar Senghor, 1977, p. 80.
69 Ibidem.
70 Hervé Bourges, 2006, p. 175.
21
Donc, le désir ard ent du poѐ te de contribuer à la civilisation d e l'Universel, commence par la
Négritude, par l'inté gration des noirs dans un espace culturel et libre et continue avec la
Francophonie qui est responsa ble d'approcher les peuples, de se respecter mutuellement. Lecas
Atondi -Monmondjo rappell e que: «si Senghor a inventé la N égritu de et enrichi le concept de la
Francophonie , pour ce brasseur d'idées, la N égritude s'entend comme une participation des
Négro -africains à la construction de la civilisation universelle et la F rancophonie les engagerait
ainsi dans la modernité .»71
Senghor voit la langue de Mol iѐre comme un « véhicule d'un universalisme humaniste,
respectueux des identités, à la recherhe de la diversité des expressio ns culturel les, philosophique,
artistiques. »72 Il a illustré la Francophonie par son œuvre littéraire et poétique. Le poѐ te noir a
une passion pour la langue française, c'est la raison pour laquelle il écrit ses poémes en utilisant
cette langue latine mais cependant il n'abandonne pas l'espace africain, il est s urtout engagé et
totalement dévoué à son Afrique. Senghor est inté ressa nt par son appartenance à l'art africain et à
la culture des ancêtres, mais aussi par la liaison, nous pouvons dire vitale, avec la vie spirituelle
de la France.
Les objectifs de la Francophonie sont: l'intensification du dialogue des cultures et des
civilisations, la promotion de l'éducation et de la formation, le rapprochement des peuples par
leur connaissance mutuelle, le renforcement de leur solidarité par des actions de coopération
multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies, la prévention, la gestion et le
règlement des conflits, le soutien à l'État de droit et aux droits de l'Homme, l'instauration et le
développement de la démocratie.
71 André -Patient Bokiba, 2001, p. 11.
72 Ibidem.
22
1.5. Les rencontres de Léopold Sédar Senghor avec l'espace roumain
L'œuvre impressionante de Léopold Sédar Senghor a suscité la curiosité du p oѐte et
traducteur Radu Cârneci qui a contribué à la découverte de l'œuvre senghorienne au public
cultivé. Parmi ses traductions de la littérature universelle nous pouvons trouver également la
traduction de volume «Hosties Noires, Poѐmes» , volume qui englobe des poésies tirées des
recueils : «Chants d'ombre», «Hosties noires», «Ethiopiques», «Nocturnes», «Lettr es
d'hivernage» et un «Poѐme Inédit». La traduction de Radu Cârneci comporte aussi un court
glossaire pour donner l'explication dans la langue roumaine de quelques termes spécifiques de la
langue africaine, termes que Senghor choisi t d'utiliser dans ses po ѐmes; par exemple les
désignations des instruments de musique (balafong, khalam, kôra, rîti), termes pour dé finir les
tam-tams (gorong, mbalakh, ndeundeu, tabala, tama, talmatt), termes qui désignent la végétation
africaine (adéra, kori ), termes qui désignent le chant ou le poѐme (taga, woy). Cette collection
des poѐmes senghoriennes comprend également dans la Préface «Les insignes de la grande
poésie» et «Quelques précisions à propos de cette édition» et en fin Radu Câ rneci propose une
Bibli ographie Sélective. C'est une édition bilingue qui a été publiée par les Éditions Univers,
București en 1976. Nous pouvons ajouter que le poѐte Léopold Sédar Senghor et Radu Cârneci
se sont connus; ce dernier est surnommé «Monsieur Senghor» parce qu'il a réussi à percer trѐs
bien dans l'univers senghorien et à réaliser une bonne traduction en comprenant les deux mondes,
les deux espaces du poѐte: l'espace africain et celui français.
Une autre transposition dans la langue roumaine font Sânziana Col fescu -Dragoș et Gheorghe
Dragoș dans une anthologie de lyrique negro -africaine intitulée «O șoaptă care cheamă vântul» .
La majorité des gens roumains n'ont pas entendu le nom du po ѐte sénégalais parce que,
malheureusement dans les programmes scolaires, l'é tude du po ѐte Léopol d Sédar Senghor n'est
pas comprise , mais chaque année le 20 mars les professeurs et les él ѐves organisent des
activitées qui visent la célébration de la «Journée internationale de la Francophonie» .
En 2006, pour célébrer le centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, au
Musée N ational de la Litté rature Roumaine, a été organisé La Conf érence «Léopold Sédar
Senghor le poѐte -président». Il y a eu une série de manifestations pour rendre hommage aux
événements liés à la vie littéraire de Senghor. Parmi les manifestations nous pouvons mentionner
la sortie du livre «Léopold Sédar Senghor – Genѐ se d'un imaginaire francophone» de Jean-
Michel Djian et la présentation du livre «Léopold Sé dar Senghor, De la Negritudine la civilizația
universului , o antologie de texte ale autorului» , livre traduit par Radu Cârneci et Mircea Traian
Biju et «Totem» , une anthologie de poésie francophone d'Afrique et des Caraïbes dont Léopold
23
Sédar Senghor fait partie ; la version roumaine coordonnée par Sânziana Colfescu -Dragoș,
Gheorghe Dragoș et Radu Câ rneci . Également il y a eu lieu des interventions en ce qui concerne
la contribution de Senghor au développement et à la propagation de la Francophonie dans le
monde, soutenues par l'écrivain Tunisien Abdelaziz Kacem, le poѐte Sénégalais Charles Carrere,
l'écrivain francophone Moussia Haulot, l'écrivain e et la compositrice Sarah Carrere, Ecaterina
Evanghelescu , la p résidente de l'Alliance Belgo -Roumaine . En 2013 la Roumanie a célébré une
vingtaine d'années depuis l'adhésion à L'O .I.F. (Organisation I nternationale de la Francophonie ).
Dans la capitale du pays a été fondée la premiѐre place de l'Euro pe dediée à la Francophonie. Le
20 mars 2017, le spécialiste Senegalais d'art plastique, Bara Diop a réalisé le buste de Senghor
qui sera placé sur la Place de la Francophonie.
Image 1. 1. Le bust e de Léopold Sédar Sénghor, réalisé par Bara Diop et placé sur la Place de la Francophonie,
13, rue Septembre, Bucarest .
La monume nt dédié au promoteur du mouvement de la Francophonie , mesure 50 cm et il est
réalisé en bronze et assis sur un piédestal en pierre naturelle.
24
Chapitre II. La sensualité et le mysticisme de la femme africaine
dans la poésie de Léopold Sédar Senghor
2.1. L'image de la femme no ire dans la poésie senghorienne
Dans l'univers poé tique de Senghor, il y a de nombreuses figures qui apparaissent :
certaines sont liées à la culture, à l'histoire africaine, à l'art, d'autres issus des souvenirs de
l'écrivain, ou de ses expériences. Mais, nous pouvons remarquer qu'il y a une figure très
importante , une figure solide qui éclipse toutes les autres ; c'es t la figure de la femme, «Senghor
organise sa poésie autour des diverses relations qu'il a entretenues avec la femme et selon la
vision poétique qu'il a développée tout au long de son expérience personnelle.»73
Lors de l'ouverture aux littératures «du gran d large » comme le dit Gilbert Durand,
l'horizon de la culture française s'est enrichi avec un élément significatif : l'image de la femme
noire, africaine. Concernant la littérature traditionnelle, notamment dans la littérature orale ,
l'image de la femme est sculptée comme un mod ѐle de la séduction et de la sensualité. Une
particularité qui se remarque chez Senghor à une premiѐre lecture c'est la fusion profonde, intime
des deux sentiments: l'amour de la patrie et celui de la femme chérie; la communi on de ces
sentiments devient un e seule sensation chargée de mystѐre, de symbolisme. Dans ses
déplacements à travers l'Europe, «ce moderne rhapsode de l'Afrique »74 n'abandonne pas dans sa
pensée l'image d e celle qu'il aime, la femme à la peau couleur de nuit, avec le corps souple, la
femme à l'âme sensible et pûre, la merveilleuse femme africaine. Senghor aime la femme , la
nature, la grandeur des montagnes, le grondement des eaux, les mystѐres de la jungle, la chanson
d'océan. Le poѐte vit un sentiment vi ril d'une grande pureté, l'amour est chez lui une émotion
d'une rare intensité.
L'image de la femme noire a presq ue toujours été une source d' inspiration dans l'œuvre
senghorienne, nous pouvons dire que c'est grâce au fait que dans les familles sérères, l'enfant
passe ses premiѐres années dans la famille maternelle, c'est aussi le cas de Senghor qui a grandi
dans une société matriarcalle, ento uré par les personnages féminin s de sa famille. Senghor, si
discret dans ses sentiments, décrit ses muses avec sen sualité. Il compose des hymnes à la femme
noire qui est l'avenir de l'homme. Le poѐ te a voulu immortaliser la femme noire dans «l'Éternel .»
73 Fernando Lambert , «La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor» , dans Nouvelles Étude s
Francophones, n° 1, vol. 22, 2007, p. 75.
74 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 15.
25
Elle est so urce de vie, protectrice, douce; la femme apporte la lumiѐre spirituelle, le calme, elle
est la conditio n de toute vie. Chez Senghor, l' évocation de la femme revient au clair obscur; la
femme noire est à la fois obscurité et lumière c'est -à-dire une figure complexe. Le syntagme
«femme obscure » du po ѐme «Femme noire », a un double sens: fem me noire et femme
mystérieuse. La sensualité et le mysticisme de la femme africaine prennent forme dans la poésie
senghorienne.
Senghor aime les femmes et nous pouvon s le remarquer dans ses poѐmes. Il s'est marié
une première fois avec Ginette Eboué en 1946, avec laquelle il a eu deux enfants, Félix et Guy.
Ginette est la femme qui a été la muse du poѐme «Chants pour Naëtt », qui avait été reno mmé
«Chants pour Signare » du volume «Éthiopiques. » Divorcé 10 ans plus tard, il s e remariera avec
Colette Hubert , secrétaire parlementaire, sa «Normande » comme il s'amusait à l'appeler; elle
l'appelait à son tour, amoureusement «Léopold », avec laquelle il a eu un fils, Philippe. Il a dédié
à Colette le poѐme «Elégie des Alizés » poѐme dans lequel celle -ci n'est jamais nommée. Elle est
suggérée dans une autre élégie : «Elégie pour Philippe Maguillen.» Dans ces é légies, elle est
invoquée comme «la blonde Normande. »75 «Epîtres à la Princesse » est le titre du poѐme écrit
par Senghor pour la grand -mère de Colette, la Marquise Joséphine Daniel de Bettevil le. Senghor
afirme que: « sans la femme, la vie ne vau drait pas la peine d'être vécue »76 et il n'oublie pas de
rendre hommage à la femme africaine .
2.2. Les multiples visions senghorienn es sur la femme
L'univers de la poésie senghorienne est soutenu par l'image de la femme; comme
Fernando Lambert affirme: «l'Afrique est femme et la Poésie est femme»77, Senghor attribue à la
femme différentes figures. L'image de la femme est présente dans l'imaginaire poét ique de
Senghor dѐs ses poѐmes de jeunesse «Poѐmes perdus» . Dans ces poѐmes, Senghor n'a pas encore
découvert la voix et la forme poétique qui définira ultérieurement son œuvre. Dans l'univers
poétique de Senghor, l'image de la femme établit une chaîne de visions senghoriennes: «Femme –
Mѐre -Amante -Épouse -Princesse -Reine.»78
La figure de la femme: la premiѐre poésie dans laquelle l'image de la femme est présente porte
le titre «Nuit de Sine» , poѐme issu du recueil «Chants d'Ombre » qui commence avec l'invocation
75 Issiaka Ahmadou Singare, 2012, p. 267.
76 Selon Joseph Roger de Benoist, 1998, p. 273.
77 Fernando Lambert , «La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor », dans Nouvelles Étude s
Francophones, n° 1, vol. 22, 2007, p. 75.
78 Ibidem, p. 76.
26
de la femme: «Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces plus que
fourrure»79 c'est la figure primordiale de la femme, la figure archétypale. Par l' utilisation des
possesifs «mon front» et «tes mains», l a relation entre l'homme et la femme devient plus intime,
puis les possesifs d eviennent «nous» et «notre», « Qu'il nous berce, le silence rythmé./ Écoutons
son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons/ Battre le pouls profond de l'Afrique dans
la brume des villages perdus. »80 Dans ce poѐme à la nuit, la femme tient un rôle intermédiaire
dans le mystѐre de la nuit qui rend possible la rencontre avec les Ancêtres, avec les morts
«Femme, allume la lampe au beurre clair, que causent autour les Ancêtres comme les parents, les
enfants au lit. »81
La figure de la mѐre: Senghor a trouvé la voix et la forme poétique qui lui convient, c'est -à-dire
le verset senghorien grâce auquel il réussit à modeler la figure de la mѐre qui est dans ses
poѐmes la premiѐre figure de la femme. Nous trouvons la figure de la mѐre au centre de la poésie
«Mѐre, sois bénie !», chaque séquence de ce poѐ me s'ouvre avec l'invocation de l a bénédiction de
la mѐre. Le poѐ te est en Europe, loin de sa mѐre et il a besoin de cette bénédiction pour retrouver
son enfance et la protection maternelle. Dans la poésie de Senghor, la mѐre est une figure
fondamentale, elle assure la transmission de l'héritage culturel, elle cherche à ancrer l'enfant à
une culture. Trouvé au milieu d'une civilisation étrangère, entouré par des gens de toutes les
races, le poѐ te veut seulement être reconnu par sa mѐ re comme l'enfant qui était avant de quitter
son territoire africain , sa famille ; «Reconnais ton fils à l'authenticité de son regard, qui est celle
de son cœur et de son lignage.»82
La figure de l'amante: Une figure complexe dans l'œuvre de Senghor est celle de la femme –
amante, figure q ui change d'un statut à l'autre , bien illus trée dans le poѐme «Femme noire» .
Senghor invoque au début la figure de la mѐre: «J'ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains
bandait mes yeux »83, puis elle a le rôle d'amante: « Et voilà qu'au cœ ur de l'Été et de Midi,/ Je te
découvre, Terre promise, du haut d' un haut col calciné/ Et ta beauté me f oudroie en plein coeur,
comme l'éclair d' un aigle .»84 Le po ѐme traduit la découvert de l'amour pour le poѐte qui vit l'Été
de son âge, la rencontre de celui -ci avec la femme. C'est une rencontre qui donne au p oѐte la
source de son in spiration pour créer des images voluptueuses: « les perles sont étoiles sur la nuit
79 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 16.
80 Ibidem.
81 Ibidem.
82Fernando Lambert, «La figure de la femme dans la poésie d e Léopold Sédar Senghor», dans Nouvelles Étude s
Francophones, n° 1, vol. 22, 2007, p. 77.
83 Léopold Sédar Senghor , 1974, p. 22.
84 Ibidem.
27
de ta peau […] A l' ombre de ta chevelure, s' éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes
yeux. »85
La figure de l'épouse: De la premiѐre apparition avec l 'image de la Femme, puis celle de la Mѐre
et de l'Amante, la figure de la femme évolue dans celle de l'Épouse. À la d écouvert e de cette
figure, les po ѐmes deviennent de plus en plus sensibles et plus discr ets. Nous trouvons
l'illustration de la femme -épouse dans le recueil «Lettres d'hivernage»; les po ѐmes de ce recueil
sont consacrés à Co llette, la femme du po ѐte, qui est loin de lui. Le lettre de l'épouse consti tue le
noyau du recueil parce qu'elle rétabli t la communication des amoureux: « Ta lettre de pain tendre,
douce com me le beurre, sage comme le sel […] Ta lettre telle une aile, claire parmi les mouettes
voiliers .»86 Les lettres que le po ѐte écrit à son épouse constituent des réponses aux questions qui
se posent les amoureux: «Que fais -tu? À quoi penses -tu? À qui?»87 Les poѐmes de ce recueil
nous montre comme nt Senghor cherche à l'intérieur de lui -même la femme aimée qui est dans le
lointain , il cherche son épouse dans le silence, il est dominé par la solitude , mais il trouve dans
son âme la figure de celle qu'il aime, de celle qui fait partie de con cœur: « Et tu es mon double
Sopé, le double de mon double. »88 Pour Senghor, l'épouse est plus q u'une compagne, elle donne
le sens à la vie du po ѐte: «Ta lettre sans quoi la vie ne serait pas vie/ Tes lèvres mon sel mon
soleil, mon air frais et ma neige. »89
La figure de la Princesse : «Aurais -tu oublié ta noblesse, qui est de chanter/ Les Ancêtres les
Princes et les Dieux , qui ne sont fleurs ni gouttes de rosée?»90 Ces vers sont extraits de la lettre
que Léopold Sédar Senghor a dédié à son ami Aimé Cesaire. La s implicité et la discrétion de
Senghor nous rendent surpris de trouver la figure de la Princ esse noble dans son œuvre, mais ce
n'est pas seulement la noblesse du sang mais aussi la noblesse de l'esprit. Dans l'histoire sér ѐre il
y avait une princesse nommée Sira Badral, la fonda trice d'un royaume dans le Saloum. Elle est
évoquée dans le po ѐme «Que m’accompagnent koras et balafong»: «Princesse, pour toi ce chant
d'or […] Princesse de quatre coudées! Au visage d'ombre autour de ta bouche de lumiѐre […] Tu
es ton peuple.»91 C'est la figure de la Princesse protectrice, nourriciѐre pour son peuple. À la
Princesse de l'Afrique lui correspond la Princesse de Belbourg (la Princesse du Nord) que
Senghor invoque dans le poѐme «Épitres à la Princesse» ; c'est une Princesse aimée
85 Ibidem.
86 Lépold Sédar Sengh or, 1974, p. 236.
87 Fernando Lambert , «La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor », dans Nouvelles Études
Francophones, n° 1, vol. 22, 2007, p. 79.
88 Lépold Sédar Senghor, 1974, p. 244.
89 Ibidem, p. 256.
90 Ibidem, p. 10.
91 Fernando Lamb ert, « La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor », dans Nouvelles Étu des
Francophones, n° 1, vol.22, 2007, p. 81.
28
profondement «Car ta seule rivale, la passion de mon peuple/ Je dis mon honneur.»92 Cette
Princesse du Nord est une source inspiratrice pour Senghor, elle lui partage la culture et
l'histoire; elle le rend à chanter la beauté, à découvrir les esprits.
La figur e de la Reine: Il existe, dans l'univers poétique senghorien une figure de la Reine qui
obsѐde le poѐte; c'est la figure de la Reine de Saba, nommée aussi l'Éthiopienne. La rencontre de
cette Éthiopienne avec le roi Solomon, est vue par Senghor comme le symbole de la rencontre de
l'Afrique avec un autre espace, hors du continent africaine, avec un autre peuple, une autre
culture et histoire; c'est le moment dont l'Afrique fait connaissance avec le monde tout en
apportant sa contribution; le moment de l'ouverture de la Négritude.
Senghor a consacré à la Reine de Saba l'un de plus beau poѐme d'amour, c'est -à-dire «Élégie
pour la Reine de Saba» , poѐme qui a été comparé avec l'un des livres de la Bible hébraïque :
«Cantique des cantiques.» L'élégie de Senghor comporte trois moments: la célébration de la
Reine de Saba et de sa beauté, l'attente et le désir pour rencontrer la Reine et l' accomplissement
du d ésir, la rencontre réal isée par la danse de la Reine, la danse qui contribue à l'union
amoureuse entre le poѐte et l'Éthiopienne.
La figure de la femme est souvent associée à celle de l'Afrique devant laquelle le poѐte
développe un sentiment d'amour ; «la femme renvoie le poѐte à l'Afriqu e et l'Afrique prend pour
lui la figure de la femme; la premiѐre occurence de ce phénomѐne senghorien est la
symbolisation de l'Afrique par la noire Soukeïna et celle de l'Europe par la blanche Isabelle .»93
Senghor voit ces deux figures comme «Les sœurs complémentaires: l'une est couleur de flamme
et l'autre, sombre, couleur de bois précieux .»94 Nous constatons que la figure de la femme, tout
au long de l'œuvre senghorienne, est associée aux éléments de la nature; la faune, la terre, la flore
de l'Afrique, mais le poѐ te l'associ e aussi aux références historiques ou bien cultur elles. Dans le
célѐbre poѐme «Femme noire», le corps de la femme s'identifie avec la «savane aux horizons
purs.»95 Chez Senghor nous pouvons trouver souvent un phénomѐne de féminisation de
l'Afrique; dans le poѐme «Congo» issu du recueil «Éthiopiques» , le fleuve y présent est féminisé;
le Congo est «reine sur l'Afrique domptée .»96 Il y a des r elations «fondées sur le modѐle de la
relation amoureuse entre l'amant et l'amante»97, qui s'établissent entre le fleuve et le poѐte, le
92 Lépold Sédar Senghor, 1974, p. 170.
93 Fernando Lambert, «La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor », dans Nouvelles Études
Francophones, n° 1, vol. 22, 2007, p. 82.
94 Lépold Sédar Senghor, 1974, p. 48.
95 Ibidem, p. 22.
96 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 132.
97 Fernando Lambert, «La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor», dans Nouvelles Études
Francophones, n° 1, vol.22, 2007, p. 83.
29
fleuve et la nature . Le fleuve féminisé est reconnu comme «Déesse au sourire étale sur l'élan
vertigi neux d e ton sang»98, la rencontre du poѐte avec la femme -fleuve se conclut, comme dans
la plupart des poѐmes senghorienes, par une union amoureuse qui illustre que l'Afrique se trouve
au centre de la création poétique de Senghor: «mon amante à mon flanc.»99
La figure de la femme est également associée à la poésie. Pour Senghor, ces deux sont
inséparables; nous le comprenons b ien par la conclusion de son poѐ me «Femme noire» par les
vers «Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel/ Avant qu e le destin jaloux
ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie .»100 L'Éternel signifie l'art, la poésie où
la beauté de la femme peut é chapper au temp s, à la mort et garder sa forme pour l'éternité.
La figure de la femme possѐde une trѐs grande importance dans l'univers poétique
senghorien; elle n'est pas seulement une source de vie qui «participe au cycl e d'un perpétuel
recommencement»101 elle est la muse d'Africain, elle transmet l'hé ritage culturel et historique, la
femme englobe, chez Senghor, la totalité des significations , et des symboles d'Afrique; la femme
s'identifie totalement à l'Afrique de l'œuvre senghorienne.
2.3. L'image de la femme noire à travers la Négritude et la post -Négritude
La femme noire est vue comme une muse , par les adeptes de la Négritude. Lépold Sédar
Senghor est le poète qui a accordé à la femme une attention particulière dans son œuvre
poétique. Il le déclare en ces te rmes: « Mon empire est celui d'Amour, et j' ai une faiblesse pour
toi femme »102; cette parole de l'auteur marque des corrélations idéologiques que le concepte de
Négritude fait avec la femme. La femme , noire et fragile se sacrifie pour sa socie té et elle arrive
à avoir peu d' égard pour son aspect physique qui, traduisant les limites criantes de sa vie, lui
apporte de la compassion aux yeux des occidentaux . Cette compassion attire de s préjugés ou de s
mépris, mais la poésie négritudienne réussit à transformer toute la dérision en admiration et en
célébration de la femme noire .
L'émancipation féminine met en évidence la grandeur de la femme noire «Elle est de
prédilection : Une puissance physique, au sens de la force de séduction reconnue à sa beauté. Une
puissance militante, au sens de son rôle évident dans le tissu social africain. Un visage de
98 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 132.
99 Ibidem, p. 134.
100 Ibidem, p. 22.
101 Fernando Lambert , «La figure de la femme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor » dans Nouvelles Études
Francophones, n° 1, vol.22, 2007, p. 87.
102 Léopold Sédar Senghor, 1945, p. 105.
30
l'universel, au sens senghorien du terme, comme aboutissement de tous les particularismes
culturels .»103
Dans le volume « Ethiopiques », la voix blanche dit à «Chaka » (poѐme dramatique à plusieurs
voix, dédié par Senghor aux martyrs bantous de l' Afrique du Sud ): I «Chaka, c' est bien à toi de
me parler de Nolivé, de ta bonne -et-belle fiancée / Au cœur de beurre des yeux de pétales de
nénuphar , aux paroles douces de source. / Tu l' as tuée la B onne -et-belle, pour échapper à ta
conscience.»; II «Chaka: Voici la Nuit qui vient, ma bonne -et-belle – Nuit…. »104
La beauté extérieure, est souvent décrite par le poѐte même si elle se confond avec la beauté
intérieure. Elle est alors l' épiphanie des formes harmonieuses. Elle est l' équili bre parfait des
formes visibles, «l'épiphanie » des formes équilibrées, l'harmonie parfaite des formes visibles.
Senghor a toujours apprécié les formes athlétiques, la souplesse féminine. La beauté se dévoile
dans toute sa spl endeur dans les vers suivants, de «Chants d'ombre »: «Ô Beauté classique qui
n'est point angle, mais l igne élastique élégante élancée ! /Ô visage classique ! Depuis le front
bombé sous la forêt de senteurs et les yeux larges obliques jusqu' à la baie gracieuse du menton
et/ L'élan fougueux des collines jumelles ! Ô courbes de douceur visage mélodique !»105 Le po ѐte
utilise l'adjectif «mélodique » pour décrire le visage au but de « prolonger l' analyse au niveau de
la création poétique elle -même »106 c'est-à-dire que la création poétique est mélodique. En outre,
concer nant la poésie, Senghor parle du chant; c'est pourquoi sa création est souvent une
symphonie avec des répétitions, avec des jeux mélodieux, euphoniques. La plupart des po ѐmes
négritudiens comporte une telle esthétique du rythme qui est très importante pour les poètes qui
entretien nent des relations avec le mouvement. Le rythme est celui qui donne à la poésie
négritudienne de dynamisme.
Senghor a donné une autre nuance à la coul eur noire par la création des oxymorons, par exemple
dans la présentation de l'image de la femme noire , dans le volume «Ethiopiq ues», le poѐme
«Chaka »: I «Ma négresse blonde d'huil e de palme à la taille de plume»; II « Ô ma nuit! Ô ma
Blonde! ma lumineuse sur les collines/ Mon humide au lit de rubis, ma Noire au secret de
diamant/ Chair noire de lumière, corps transparent comme au matin du jour premier .»107 Le
poète décrit la nuit avec un ton lyrique qui prend sa source dans les deux métamorphoses de la
nuit: d'un côté, elle s'identifie avec Nolivé, la femme aimée, d'un autre côté, elle correspond à la
103 Tié Emmanuel Toh Bi, «Lettres, Arts, Sciences Humaines et Sociales », dans Revue Africaine , (n°5), Éditions
L'Harmattan, février 2012 , p. 8.
104 Léopold Sédar Senghor, 1974, pp. 148 -161.
105 Ibidem , p. 42.
106 Tié E mmanuel Toh Bi, «Lettres, Arts, Sciences Humaines et Sociales», dans Revue Africaine, (n°5), Édit ions
L'Harmattan, février 2012, p. 7.
107 Léopold Sédar Senghor, 1974, p p. 150 -166.
31
lumière. La nuit, à l'intérieur du texte poétique, se trouve au cœur de la thématique du clair –
obscur dans les notations de s nuances évoqué es: «L'Afrique vivait là, au -delà de l' œil profane du
jour, sous son visage noir étoilé »108; cependant, l'utilisation de l'oxymoron contribue à donner
une certaine vitalité par rapport aux notations de couleur; il y a, dans la poésie senghorinne une
fusion, une identification e ntre le physique de la femme noire et la nature qui est source de vie .
«Oho! Congo couchée dans ton lit de forêts, reine sur l'Afrique domptée/ Que les phallus des
monts portent haut ton pavillon/ Car tu es femme par ma tête , par ma langue, car tu es femme par
mon ventre/ Mère de toutes choses qui ont narines, des crocodiles des hippopotames/ Lamantins
iguanes poissons oiseaux, mère des crues nourrice des moissons/ Femme grande! »109; si la
«Nature» ( majuscule, la Nature comme pr ocessus de vie, comme processus de cré ation
permanente ) est la femme, s'explique par le fait qu'elle est maternelle et nourriciѐre, généreuse et
protectrice. Senghor est en contact avec la réalité végétale, il se présentera toujours comme un
«paysan sérѐre »; il voit l'intimité des bosquets: « Mes regrets, ce sont les toits qui saignent au
bord des eaux bercé es par l'intimité des bosquets »110, les baobabs d'angoisse : «À travers Cayor et
Baol de sécheresse où se tordent les bras les baobabs d'angoisse »111, l'ivresse de la moisson
mûre: « J'y disparaissais, laboureur couché da ns l'ivresse de la moisson mûre »112; le poète fait
découvrir les éléments de la nature: bois, bosquets, fruits fabuleux, fleurs, fruits blancs, f ruits
mûrs à la chair ferme .
Senghor emprunte à la végétation des images pour représenter la femme noire : «Savane
aux horizons purs, savane qui frémis aux c aresses ferventes du Vent d'Est »113, en so ulignant que
la particularité de la beauté de la femme noire, c'est justement sa couleur noire et Senghor le
dévo ile dans son poème «Femme noire », au premier vers « Femme nue, femme noire .» Le poѐte
Samuel Martin Eno Belinga dans la dédicace à «La Prophétie de Joal » reprend les paroles de
Senghor: « À notre Dame de la Négritude/ Femme nue, Femme noire/ Mère éternelle/ Révélée
par le prophète de Joal .»114 Outre les adorations que la femme noire reçoit de la part du poète
noir, elle devie nt aussi un moyen de communication avec les ancêtres, avec les divinités
africaines : «Mânes ô Mânes de mes Pères/ Contemplez son front casqué et la candeur de sa
bouche parée de colombes sans tâches/ Comparez s a beauté à celle de vos filles/ Ses paupières
108 Ibidem, p. 72.
109 Ibidem, p. 132.
110 Ibidem, p. 6.
111 Ibidem, p. 14.
112 Ibidem, p. 44.
113 Ibidem, p. 22.
114 Selon Samuel -Martin Eno Belinga, 1975 , p. 5.
32
comme le crépuscule rapide et ses yeux vastes qui s'emplissent de nuit./ Oui, c'est bien l'aïeule
noire, la Claire aux yeux violets sous mes paupières de nuit .»115
La p uissance militante de la femme noire est constituée par certaines de ses qualités , qu'elle
manifeste à chaque rôle qu'elle a: épouse, mère et grand -mère, la femme noire est procréatrice,
nourrice, éducatrice et amazone. La femme noire n'est pas juste un être de sérénitude, d'abritude
et de bonheur, elle est chargée aussi d'une certaine spiritualité, de ce fait, Senghor lui offre un
syntagme plutôt biblique dans le poѐme Femme noire , en lui disant «Terre promise .» Dans le
même poѐme, le toucher de la femme noire éloigne le mal, dresse les mœurs tandis que les
besoins du corps sont satisfaits: « la douceu r de tes mains bandait mes yeux »116. La femme noire
est responsable d' instruire et d'éduquer la race africaine pour préserver ses particularités. C'est
par elle que l'homme découvre le monde extérieur, qu'il connaît l'univers, qu'il comprend la vie,
c'est par la femme que l'homme apprend à aimer, qu'il commence à sentir, qu'il vit . Nous disons
que la personnalité actuelle de Senghor représente la somme de tout l'humanisme, de toute la
sensibilité acquis e avec l'aide de la femme mère: «J'ai grandi à ton ombre .» 117
Le visage de l'universel est composé de l'idée que la femme africaine par sa beauté et par son
militantisme remet en question l'imaginaire des poètes noirs. En amenant une ouverture sur le
monde, elle est toute la signif ication de la civilisation de l' Universel ; elle éduque l'enfant à aimer
l'espèce humaine, à s' approprier ses éléments, à s'enrichir de ses différences pour se diriger vers
l'universel . Le sp écialiste en stylistique et poésie africaine, Tié Emmanuel Toh Bi avoue que:
«L'univers alité dont la femme noire est l' ancrage est celle d e la poésie, en général, et de celle
négritudienne, en particulier .»118 En ce qui concerne la poésie négritudienne et post –
négritudienne, la femme est inspiratrice, elle est la muse des poѐtes. L'auteur précédemment
annoncé sou ligne que les poètes africains associent la femme avec la fertilité et la mater nité,
avec l'hospitalité, mais aussi avec l'amour physique, la virilité. La femme est l'épicentre de la
conception d'amour africain.
«Pour le poѐte, le monde est davantage un livre ardent, o uvert; et la femme, un texte
ardent, exquis, deux hypostases qui justifient sa propre présence au monde. »119 Pour l'Africain, la
sensualité indique une maniѐre de communiquer avec le monde, l'une des expressions de sa
spiritualité. La femme africaine n'est pas seulement un objet sensuel ou esthétique; son image et
115 Léopold Sédar Senghor, 1974, p p. 44 -46.
116 Ibidem, p. 22.
117 Ibidem .
118 Tié Emmanuel Toh Bi, «Lettres, Arts, Sciences Humaines et Sociales», dans Revue Africaine, (n°5), Éditions
L'Harmattan, février 2012, p. 8.
119 André -Patient Bokiba, 2001, p. 9.
33
sa beauté physique correspondent à sa beauté spirituelle. La femme de la Négritude est tout
simplement adorée par les poѐ tes qui recréent son portrait et son corps à l'aide de la parole
associée au rythme de la vie. Ils admettent que la femme a une contribution remarquable
concernant la bibliographie de la poésie africaine.
2.4. L'image de la femme noire dans le volume «Chants d'ombres »
Le volume Chants d'ombre , publié en 1945 , regroupe des poèmes qui ont pour cadre la
France. Le titre de ce recueil a une double sign ification: Senghor choisit le «chant » parce que
dans la culture africaine, la création littéraire se transmet souvent oralement, en utilisant le chant
qui est, pour le poѐte, synonyme de poésie. L'autre terme qui ai de à la composition du titre,
«ombre» définit le mystère, l'inquiétude, le sacré, la couleur noire ou plus précisément, l'Afrique.
Dans ce rec ueil Senghor nous présente quelques thèmes parmi lesquels : le royaume d'enfance, la
femme, le syncrétisme religieux, la mort. Le volume peut être structuré en quelques parties: la
premiѐre cache la nostalgie d'auteur pour son Afrique aimée, l'admiration pour la culture noire ;
nous mentionnons les poѐmes «Joal », et «Le totem. » Cette partie contient aussi deux poѐmes
dédiés à Aimé Césaire , «Lettre à un poѐte » et à Pablo Picasso , «Masque nѐgre .» Dans la
deuxiѐme partie, le poète fait une synthèse entre le passé, c'est -à-dire son enfance, sa formation,
et le prése nt, c'est -à-dire l'interférence des deux cultures ( celle européenne et celle africaine ) en
mettant en relief l' esthétique nègre ; nous me ntionnons pour cette partie les poѐmes «Porte
dorée » et «Tout le long du jour… » Concernant la troisiѐme partie, il y a des poѐmes d'amour .
Parmi les titres significatifs nous retrouverons : «Femme noire », «Pour Emma Payelleville
l'infirmiѐre» et «Par-delà Éros ». La quatriѐ me partie surprend «Le retour de l'enfant prodigue »,
c'est-à-dire la rentrée à la maison paternelle après une longue absence , le détachement de
l'influence européenne.
Dans la poétique senghorienne, la femme semble représenter l'Afrique ; Geneviѐve Lebaud -Kane
note que: «symbole de l'Afrique, la femme noire est en même temps évo quée par les paysages
d'Afrique »120 en ajoutant l'idéé d'une possible «tautologie symbolique. »121 L'image de la femme
noire dans la poésie française de Senghor est prés entée à l'aide de quelques figures
emblématiques de la cul ture populaire négro -africaine: «Nolivé , ou en ajoutant diverses
120 Selon Geneviѐve Lebaud -Kane, 1995, p. 57.
121 Ibidem.
34
appelations: la Claire, Beauté, Terre promise, Savane , qui lui donnent une telle sublimation. »122
La femme noire qui est belle, nue, sensuelle, obscure et mystѐ rieuse est, chez Senghor, l'une des
représentations de l'Afrique.
Senghor est le créateur d'un hymne lyrique dédié à la femme noire. Nous pouvons voir
que dans se s poémes il n'utilise pas de déterminants, c'est -à-dire qu'il n'a pas une certaine muse,
mais les poѐmes s'adressent à toutes les femmes noires.
2.5. À la découv erte de la poésie «Femme noire »
Le poѐme «Femme noire », issu du recueil «Chants d'ombre » est une ode d'amour, dediée
aux beautés de la femme et à la terre africaine. Le poѐme est composé en vers libres disposés en
quatre strophes. Nous ajoutons qu'il englobe trois parties essentielles; l'auteur invoque la
présence de deux femmes: la mѐre et la femme aimée – le poѐte caractérise cette femme aimée,
sa beauté, sa sensualité, sa délicatesse en l'immortalisant pour l'éternité dans l'art, dans la poésie.
La femme noire est pour Senghor la source créatrice d'une multitude d'images artistiques et
métaphores. Elle est à la fois: «Terre promise », «je te découvre, Terre promise, d u haut d'un haut
col calciné»123, «fruit mûr», «Fruit mûr à la chair ferme, som bres extases du vin noir»124,
«savane », «Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est »,
«tamtam », «Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gr ondes sous les doigts du vainqueur»125,
«huile», « Huile que ne ride nul souffle, huile calme», et même «gazelle », «Gazelle aux attaches
célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau. »126 La femme souffre des métamorphoses;
elle est paysage, fruit, animal. Senghor greffe l'image de sa muse sur tout ce qui l'entoure.
Pour la poѐte, la femme occupe deux rôles essentiels: celui de nourrici ѐre, c'est -à-dire
mѐre: «J'ai grandi à ton ombre »127, et celui d'inspiratrice, c'est -à-dire muse : «bouch e qui fais
lyrique ma bouche»128 La femme est l'expression de la sensualité et de l'érotisme, de mysticisme.
Dans le premier vers, Senghor évoque la nu dité: «femme nue, femme noire », même nue, la
femme est chargée de mystѐres; la nudité dans les paroles du poѐte signifie la «couleur », la
«forme » qui vêt le corps de la femme: «vêtue de ta couleur qui est vi e, de ta forme qui est
122 Selon l'article : Léopold Sédar Senghor: le corps de la femme noire ou la géographie magique d’une terre, par
Jacqueline Michel, le 3 avril 2017, publié sur le site: https://www.brepolsonline.net/doi/pdf/10.1484/J.LLR.3.57 ,
consulté en ligne le 27 janvier 2018.
123 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 22.
124 Ibidem.
125 Ibidem.
126 Ibidem.
127 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 22.
128 Ibidem.
35
beauté.»129 L'adjectif «nue » désigne la plus importante caractéristique de la femme noire, c'est -à-
dire la pureté130. Le poѐte est fasciné par la beauté physique de la femme africaine, il parle de sa
grandeur, de sa forme «qui est beauté » qui est différente de celle de la femme européenne . La
forme de la femme est une scu lpture qui se laisse explorée « sous les doigts du vainqueur»; elle a
la «voix grave de contralto », qui reste dans l'esprit. Senghor emploie une hyperbole pour illustrer
la beauté de la femme africaine « et la beauté me foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un
aigle »; les yeux et les cheveux adoucis sent les peurs et les angoises: « À l'ombre de ta chevelure,
s'éclaire mon angoisse au x soleils prochains de tes yeux »; pour lui, la femme est symbole de paix
qui doit être honoré : «je chante ta beauté .»131
Le poѐme inspire part iculiѐre ment de la sensualité; les deux premiѐres strophes
représentent une initiation dans l'espace de l'amour. «J'ai grandi à ton ombre»132, l'enfant arrivé à
l'adolescence découvre les beau tés de la femme et la sensation d'amour «et voilà qu'au cœ ur de
l'Été et de Midi, je te découvre. »133 Également, dans l'imaginaire, même le s sens du lecteur sont
entraîné s: la vue « savane aux horizons purs »134, le toucher « la douceu r de tes mains bandait mes
yeux»135, le goût « fruit mûr à la chair ferme, sombres e xtases du vin noir»136, l'ouïe « ta voix
grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée .»137
Dans le cadre ce cette initiation amoureuse, il y a un champ lexical de l'ombre: ton ombre,
femme obscure, sombres extases du vin noir, la nuit de t a peau, l'ombre de la chevelure , mais il y
a de même une révélation lumineuse, donc le noir est associé à la lumiѐre : «ta beauté me fudroie
en plein cœur, comme l'écl air d'un aigle; les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau; les reflets
de l'or rouge sur ta peau qui se moi re, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes
yeux .»138
Le po ѐte donne au po ѐme «Femme noire » une musicalité frappante. La répétition
«femme nue, femme noire » ou «femme nue, femme o bscure » fonction ne comme un refrain de
chanson. Il y a aussi certaines allitérations en [f], [v] et [n], nasales et fricatives qui
correspondent à la force du vent « femme nue, femme noire/ vêtue de ta couleur qui est vent, de
129 Ibidem.
130 Selon l'article : Expose: Femme noire , par Adam, le 26 août 2011, publié sur le site: http://adama –
femmenoire.blogspot.ro/2011/08/exposefemme -noire.html , consulté en ligne 5 février 2018 .
131 Ibidem.
132 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 22
133 Ibidem.
134 Ibidem.
135 Ibidem.
136 Ibidem.
137 Ibidem.
138 Ibidem.
36
ta forme qui est beau té.»139 D'autres éléments qui confѐrent la musicalité sont les répétitio ns de
mots: beauté, «ta forme qui est beauté »140, «et ta beauté me foudroie »141, forme, «forme que je
fixe dans l' Eternel »142, cœur, «et voilà q u'au cœur de l'Été et de Midi»143, «me foudro ie en plein
le cœur.» La dynamique du poѐme est donné e aussi par le rythme binaire «femme nue, femme
noire » qui alterne avec celui ternaire « huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de
l'athlѐte, aux flancs des princes du Mali .»144
Le poѐme «Femme noire » est une expression intime, sentimentale et personnelle cela ressort du
fait que l'écrivain util ise le pronom personnel sujet «je» pour s'exprimer , et «tu » pour: «ta
couleur», «ta peau », «je te découvre», « ta beauté m e foudroie »; c'est un discours direct, qui
invoque son aimée. Le lyrisme consiste dans l'expression de plusieurs sentiments qui sont variés:
c'est la fascination, l'amo ur, la mélancolie, l'angoisse : «mon angoisse .»145
La strophe qui constitue la fin du po ѐme a une importance particuliѐre parce qu'elle prouve le
désir du poѐte de garder l'image de la femme noire dans «l'Éternel. » Ce qui annonce la fin e st
l'état d'angoisse qui est dû au thѐme de la fatalité et au temps passant « je chante ta beauté qui
passe /avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.»146
Le poѐte est devant un combat avec la mort et il milite pour fixer la beauté à jamais : «je chante ta
beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel. »147 La poésie a une composition circulaire
donné e par la reprise, dan s le dernier vers, des termes «vie» et «beauté», de le début du poѐme:
«ta couleur qui est vie/ ta forme qui est beauté»148, «je chante ta beauté qui passe/… les racines
de la vie.»149 Seulement la mémoire et l'écriture du poѐte permettent de fixer l'existence et la
beauté de la femme africaine dans l'éternité. La composition circulaire montre la cyclicité de la
nature et même de la femme qui acq uiert une fonction salvatrice « te réduise en cendres pou r
nourrir les racines de la vie »150, la femme régénѐre, elle ne meurt jamais vraiment .
Outre la mise en valeur des beautés de la terre d'origine et de la célébration des beautés
féminines, la poésie «Femme noire » a comme objectif de «renouer avec la poésie lyrique
139 Ibidem.
140 Ibidem.
141 Léopold Sédar Senghor , 1974, p. 22.
142 Ibidem.
143 Ibidem.
144 Ibidem.
145 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 22.
146 Ibidem.
147 Ibidem.
148 Ibidem.
149 Ibidem.
150 Ibidem.
37
traditionnelle .»151 Kashala Mwepu Kashadidi illustre dans le poѐme Fem me noire « l'intime
congruence entre la pensée et la poétique, trouve l'originalité de la négritude senghorienne et des
mythes de la création de l'auteur.»152
2.6. À la découverte de la poésie «Nuit de Sine »
«Nuit de Sine » est l' un des poèmes les plus connus d u recueil «Chants d'ombre », dans
lequel Senghor parle du Sénégal, son pays d'origine: Sine est une région mythique du Sénégal
très importante dans l'imaginaire et dans l'histoire du pays . Dans ce poѐme composé de quatre
strophes amples de versets musicaux, Senghor montre que le v illage est le lieu propice pour le
Noir de communiquer avec la nature et les ancêtres. C'est éga lement dans le village que les
Africains commencent à connaître les traditions, l 'initiation aux rites, les valeurs culturelles de
leur communauté .
La femme invoquée dans les deux premiers vers de la première strophe: «Femme, pose
sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces pl us que fourrure »153, représente
l'Afrique. C'est l'image de la femme maternelle, protectrice. Dans les vers suivants, Senghor
commence à présen ter le cadre de son village: « Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans
la haute brise nocturne/ À peine. Pas même la chanson de nourrice./ Qu'il nous berce, le silence
rythmé »154 l'atmosphѐre est douce, il y a le bruit d'une brise calme et «le silence rythmé » de la
chanson d'une nourrice, qui représente aussi l'Afrique. Ce silence rythmé concerne aussi les
danses de l'imaginaire de la négritude. En avança nt dans la lecture du poѐme, nous observons
que le silence règne sur le village: « Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre,
écoutons/ B attre le pouls profond de l' Afrique da ns la brume des villages perdus »155, c'est un
silence qui permet d' écout er le chant de l'Afrique, un silence si profond que les africain s peuvent
entendre leurs âmes « le pouls profond de l' Afrique »156, Senghor montre ici un imaginaire
spirituel entre les africains et l'espace africain.
Dans la deuxièm e strophe la nuit s'installe: « voici que décline la lune lasse vers son lit de mer
étale »157, une nuit profonde et spirituelle à laquelle participent tous: «Voici que s'assoupissent les
151 Selon l'article: Exposé : Femme noire , par Adama, le 26 août 2011, publié sur le site: http://adama –
femmenoire.blogspot.ro/2011/08/exposefemme -noire.html , consulté en ligne le 5 février 2018.
152 André -Patient Bokiba, 2001, p.10.
153 Léopold Sédar Senghor, 1974, p.16.
154 Ibidem.
155 Ibidem.
156 Léopold Sédar Senghor, 1974, p.16.
157 Ibidem.
38
éclats de rire, que les conteurs eux -mêmes/ Dodelinent de la tête comme l'enfant sur le do s de sa
mère/ Voici que les pieds des danseurs s'alourdissent, que s'alourdit la langue des chœurs
alternés .»158 L'image de l'enfant sur le dos de sa mère, c'est la vision d'une femme jeune et active,
l'image de la liaison forte qu'il y a entre une mère et s on enfant.
La strophe suivante montre le fait que tout le monde va dormir en contemplan t une Nuit prise par
le rêve: « C'est l'heure des é toiles et de la Nuit qui songe/ S'accoude à cette colline de nuages,
drapé e dans son long pagne de lait.»159 La colline représente les formes d'une fem me, c'est -à-dire
la féminité; «la pagne » est une piѐce traditionnelle portée par les femmes africaines. La Nuit
«drapée » envoie à l'idée maternell e qui est soutenue par le mot «lait », la nourritu re de l'enfant;
c'est-à dire: « la Nuit, l'Afrique, nous , nourris .»160
La strophe finale dont le cadre est plutôt spirituel, présente une communion entre les vivants et
les morts: « Femme, allume la lampe au beurre clair, que causent autour les Ancêtres, comme les
parents, les enfants au lit./ Écoutons la voix des Anciens d'Elissa. Comme nous exilés/ Ils n'ont
pas voulu mourir, que se perdît par les sables leur torrent séminal./ Que j' écoute, dans la case
enfumée que visite un refle t d'âmes propices .»161 La femme inv oquée par Senghor est toujours
l'Afrique qui allume le feu avec un e huile traditionnelle, puis les Ancêtres et les vivants dans un
air magique se mettent à parler autour du feu. Les «Anciens d'Elissa » est un peuple mythique du
Senegal, qui à été exilé; il évoque ce peuple en se souvenant de son exile en France. Senghor
sent qu'il a la dette de transmett re la culture des Anciens qui «n'ont pas voulu mourir »; il est en
contact avec les morts qui lui raco ntent des histoires dans une «case enfumée » qui réprese nte les
âmes des ancêtres. La rélation avec les morts est chargée de sensualité: « Ma tête sur ton sein
chaud comme un dang au sortir du feu et fumant/ Que je respire l'odeur de nos Morts, que je
recueille et redise leur voix vivante, que j'apprenne à/ Vivr e avant de descendre, au -delà du
plongeur dans le s hautes profondeurs du sommeil »162; l'image de la femme est toujou rs présente
par «le sein chaud », c'est une image de la mѐre protectrice, aimante, l'image de l a femme
Afrique , sens uelle et chaude comme la «dang » qui est pain traditionnel du Sénégal qui se mange
tout juste sorti du four . C'est une image comme chez Proust qui en goûtant une madeleine se
souvient de son enfance, chez Senghor, la «recherche du temps perdu » s'effectue par l'odeur des
morts et par le goût du pain. À la fin du poѐme Senghor nous annonce qu'il veut nous transmettre
158 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 16.
159 Ibidem.
160 Ibidem.
161 Ibidem.
162 Ibidem.
39
tout l'héritage avant de s'endormir pour toujours, avant de « descendre dans les hautes
profondeurs du sommeil .»163
Le poѐme «Nuit de Sine » décrit l'image de la tombée de la Nuit à la Mort dans un horizon
spirituel toujours cent ré sur la représentation de la femme noire, qui incarne la beauté la plus
sensuelle, dans une harmo nie de corps ou de son visage « femme, pose sur mon front tes mains
balsamiq ues, tes mains douces plus que fourrure »164, femme qui peut fournir l'apaisement dans
un cadre de nuit africaine, privilégié e pour la solitude à deux sous les «palmes balancées», dans
«la brise nocturne»165qui apporte «le silence rythmé »166, c'est l'image d'une Afrique personnifiée,
une Afrique au «pouls profond»167 de la «brume des villages perdus.»168 C'est un moment
unique , sensuel, d'une rare beauté.
2.7. À la découvert e de «l'Élégie pour la reine de Saba»
Un poème fondamental dans la poésie de Léopold Sédar Senghor c'est « Élégie pour la
reine de Saba », poѐme placé à la fin du recueil Élégies Majeures . Le poète et l'essayiste français
Jean-Luc Steinmetz note que ce poѐme a gardé une position finale tout au long des ses
différentes éditions : «L'Élégie pour la reine de Saba n' est pas datée. Senghor a toujour s affirmé
que son élaboration l' avait longtemps tenu oc cupé. Elle a été publiée dans l'édition illustrée de
1978 et dans l'édition originale de 1979. S a place, à la fin du recueil, n'a jamais varié depuis
1978.»169 Nous pouvons dire que ce poѐme, par sa place à la fin de l'ensemble de l' œuvre
poétique de Senghor , marque le but d'une allure magistrale. Senghor affirme lui -même
l'importance de cette élégie : «le plus souve nt, je vis mon poème avant de l'écrire : quelques jours,
quelques semaines. Parfois, ce sont plusieurs, voire des années. L' Élégie pour la Reine de Saba,
je l'ai vécue toute ma vie.»170
Senghor offre aux figures féminines une importance remarquable au fil de ses recueils,
ainsi nous observons un e «obsession» pour la reine qui apparaît à travers la mention de son
peuple dans le poѐme «À l'A ppel de la race de Saba » issu du recueil Hosties Noires puis dans un
poѐme issu du recueil Éthiopiques , nommé «L' Absente »: «Doucement elles m'ont chanté dans
163 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 16.
164 Ibidem.
165 Ibidem.
166 Ibidem.
167 Ibidem.
168 Ibidem.
169 Selon Jean -Luc Steinmetz, 2007, p. 694.
170Selon Léopold Sédar Senghor, 1993, Paris, p. 35.
40
l'ombre le chant de l'Absente, comme on berce le beau bébé de sa chair brune / Mais qu' elle
reviendrait, la Reine de Saba, à l' annonce des flamboyants »171 et dans «Élégie pour la Reine de
Saba »: «Ils m' ont dit les formes des femmes ainsi que des palmiers, et leur charme de gaze. /Et
la plus belle est la fille du Roi des rois, la Reine -Enfant, reine du Sud o mbreux et du matin en
l'an de l' ascension. »172
Nous pouvons remarquer l'image de la Reine de Saba également derrière les figures féminines ,
nobles et belles invoquées dans les poѐmes: «Femme noire », «Épîtres à la princesse », «Élégies
des Alizés », «Élégie de Carthage .» Nous pouvons dire que les qualités, le rythme et les attributs
de la Reine de Saba sont répandues dans l'entièreté de l'œ uvre senghorienne. La femme aimée
par Salomon , invoquée dans « Élégie pour la Reine de Saba », symbolise l'Afrique, la f emme
noire, la poésie et l'amour , qui sont les leitmotif s de la poésie de Senghor. Nous ajoutons que la
plupart des poèmes senghoriens portent l'image de la reine noire , sensuelle ; tous les poèmes
personnifiant l' Afrique sous des traits féminins ou les poèmes amoureux . La Reine représente
d'abord l' Afrique et l'Afrique constitue le décor principal de s poème s. C'est une Afriqu e-
matricielle qui incar ne souvent des f igures féminines noires variées parmi lesquelles la mère, la
sœur ou encore l'amie .
«La figure féminine ch ez Senghor est aussi celle de l' Autre, en tant que double inversé du
masculin »173 c'est-à-dire que les poèmes possèdent une dimension sensuelle , charnelle, sensible,
une dimension qui appartient au désir. Nous le verrons au sujet d' Élégie pour la Reine de Saba
qui présente la naissance du désir pour la femme éthiopienne et chante ensuite sa satisfaction
dans un acte amoureu x qui constitue l' épanouissement du sujet : «Quand ta bouche odeur de
goyave mûre, tes bras boas m'emprisonnent contre ton cœur et ton râle rythmé […] Oui! Elle m'a
baisé du baiser de sa bouche.»174
Les critiques soulignent souvent que l'Élégie pour la Reine de Saba est: «une succession de
recueils indépendants, mais un ensemble unique de textes.»175 Le poѐme se présente comme un
mélange entre les textes bibliques sur la rencontre de Sa lomon et de la Reine de Saba et des
thѐmes majeurs de la poésie senghorienne: la femme et le royaume d'enfance. Le poѐte revit l e
souvenir du premier baiser pur et innocent qu 'il a reçu de son premier amour, qu'il désigne
171 Léopold Sédar Senghor, 1956, p. 115.
172 Léopold Sédar Senghor, 1990, p. 74.
173 Selon l'article «Élégie pour la reine de Saba de Léopold Sédar Senghor: Du moi au Toi sur les ondes de l’Autre»,
par Juliette Akriche, le 18 décembre 2010; publié sur le site: https://mondesfrancophones.com/espaces/afriques/« –
elegie -pour-la-reine -de-saba-de-leopold -sedar -senghor -du-moi-au-toi-sur-les-ondes-de-lautre -»-introduction -au-
memoire -de-master/ , consulté en ligne le 13 mars 2018.
174 Daniel Delas, 2006, p. 335.
175Selon Birahim Thioune , 2014, p. 13.
41
Maïmoua, son amie, sa sœur: «Je dis banakh du baiser de ta bouche, ma bien -aimée Maï mouna
mon amie, ma sœur , son amour/ Et Maïmouna, mon amour, mon amante. »176 Le mot banakh
c'est une onomatopée qui imite le bruit du baiser. La reine noire est invoquée par la lumiѐre
qu'elle et que ses bijoux émanent: «Tu m'as visité […] ma Noire, à chaque printe mps solennel/
Ma Belle, quand la sѐve chantait […]/ Et toi, debout, le maska marguerite d'or sur ton phare de
front, comme un feu dans la nuit.»177 Le maska c'est un bijoux. Ce poѐme est dominé par un ton
passionn ant: «Tu délivras une parole: que je retourne sur mes pieds vers toi, vers moi -même ma
source/ Mon rêve amour du jardin de l'enfance»178 et les paroles rapportées introduissent des
thѐmes bien senghoriens: «le retour à la source, le retour au royaume d'enfance, et certes une
allée à la rencontr e de l'aimée mais est aussi un retour vers lui -même, le seul moyen pour
retrouver et garder vivante son identité , pour réaliser sa personalité »179 c'est-à-dire le poѐme a
une double dimension: la rencontre du poѐte avec son aimée , mais c'est aussi une ouverture vers
l'universel, un retour aux sources identitaires.
La bien -aimée, Maïmoua se métamorphose dans la Reine de Saba qui «dans la constellation
l'imaginaire senghorien symbolise la quintessence de la figure féminine, guide spirituel qui,
grâce à l'amour, garantit le salut.»180 Selon les sources historiques, la Reine de Saba était une
souveraine Éthiopienne qui apparait comme une très belle reine douée d'une grande sagesse ou
bien comme une attirante magicienne. Elle a entendu parler de la sagess e renommée de Salomon
et s'est déplacée à Jérusalem pour le connaître et pour lui donner un certain nombre d'énigmes à
résoudre . Dans son « Élégie pour la Reine de Saba », Senghor fait appel à cet épisode en
invoquant l' image de Salomon dans un chant consacré à la beauté de la reine noire qui peut faire
surgir une ѐre nouvelle prophétisée par le poѐte: «Moi, je te chante, comme le roi blo nd
Salomon, faisant danser dansant les cordes légѐres de ma kôra./ Et à l'Orient se lѐve l'aube de
diamant d'une ѐre nouvelle/ Car tu es noire et tu es belle.»181 Pour la tradition culturelle
occidentale, se pose souvent la question de la couleur noire concernant les femmes: Comment
une femme peut -elle être noire et belle en même temps? Mais ce problѐme a une réponse
évidente aux yeux de Senghor pour lequel la couleur noir e de la peau des femmes contribue de
manière considérable à la beauté de celles -ci. Senghor avoue que dans l'Élégie pour la Reine de
176 Daniel Delas, 2006, p. 333.
177 Ibidem, pp. 333 -334.
178 Ibidem, p. 334.
179 Selon Liana Nissim, 2006, p. 325.
180 Ibidem. p. 326.
181 Daniel Delas, 2006, p. 334.
42
Saba il continue de rendre hommage à la femme noire: «J'ai voulu dans cette élégie, chanter
mieux que je ne l'avais fait […] ce que représente pour moi la femme noire.»182
Dans la quatri ѐme strophe du po ѐme nous sommes introduits dans le monde de la danse
qui a lieu entre les amoureux dans une at mosphѐre sensuelle, magique où la Reine est vêtue
d'une «chasuble noire, striquée d'or vert consonant au cimier/ d ont la jupe est ouverte sur les
flancs, sur les jambes vivantes. »183 La danse est animée et accompagnée par «le parfum sombre
du gongo »184, les mouvements des amoureux sont de plus en plus intimes et ardents: «avançant
l'un vers l'autre, l' onde tremblante nous saisit / Nous poussa l'un vers l'autre : toi ondulant / Les
bras les mains, comme un e corbeille de fleurs signant l'offrande, et moi/ Autour d e toi, la tornade
de sable ardent en saison sèche, le feu de brousse. »185 Par le chant de la Reine: « Dis-moi, dis-
moi mon Sage mon Poète, ô dis -moi les paroles d' or/ Qui font poids et miracle dans mon sein »186
se produit une identification magique par les deux «fiancés au soleil et à la lune, ainsi que par la
signification de mort -renaissance que leur reconnaît le poѐme»187: «Que ton rythme et la mélodie
en disposent les sphères dans le charme du nombre d'or! […] et nous fûmes debout, et face à
face/ Comme lune et soleil, mains dans les mains, front cont re front, nos souffles cadencés […]
Des visages de lumière, quand tu reçus […] Le chant des pollens d' or dans la joie de notre mort –
renaissance. »188 Aprѐs une attente de «neuf nuits et neuf jours» l'union des amoureux se produit ;
une union heureuse grâce à laquelle la création d'un monde nouveau peut être réalisée : «Quand ta
bouche ode ur de goyave mûre, tes bras m'emprisonnent contre ton cœur et ton râle rythmé / Lors
je crée le poѐme: le monde nouveau dans la joie pascale./ Oui! Elle m'a baisé du baiser de sa
bouche / La noire et belle, parmi les filles de Jérusalem.»189
182 Léopold Sédar Senghor, 1980, p. 153.
183 Daniel Delas, 2006, p. 334.
184 Ibidem.
185 Ibidem.
186 Ibidem.
187 Liana Nissim, 2006, pp. 330 -331.
188 Daniel Delas, 2006, p. 335.
189 Ibidem.
43
2.8. La féminitude de la négritude senghorienne
Selon le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert , la «féminitude» est: « d'après la négritude ,
caractère propre à l'ensemble des femmes .»190 Le mot «féminitude » remonte à Simone de
Beauvoir et il est considéré comme un néologisme qu i prend sa source dans le mot «négritude»;
il s'agit de « femme et tude comme nègre et tude.»191 Si la Négritude est l'affirmation de l'identité
noire, de la même manière, la féminitude n'est que l'affirma tion de l'identité féminine et le
développement de la femme. La féminitude de la négritude concerne, chez Senghor, dans la
poétisation de la femme, cette poétis ation qui a vraiment contribué au mouvement du féminisme.
Senghor a été un écrivain véritablement marqué par le féminisme; dans son œuvre poétique, il a
popularisé la femme africaine en proclamant autant sa négritude qu e sa féminitude. Senghor a
milité pour la reconnaissance de la femme, qui a été auparavant ignorée ou non reconnue. Dans
la période de la Négro -Renaissance des écrivains panafricains par l'intermédiaire de leur
littérature, ont conduit aux mouvements de la négritude par la publication de quelques journaux
et revues parmi lesquels: Légitime Défense à Paris, L'Étudiant Noir, Présence Africaine à Paris
et à Dakar . Nous ajoutons que parmi les précurseurs, il n'existe aucun nom de femme en raison
du fait que la critique et les écrivains de l'époque n'ont pas accordé à la femme un intérêt
suffisa nt, ni comme écrivaine ni comme personnage littéraire , même si la littérature féminine
existait depuis longtemps et elle a subi du manque de reconnaissance.
Pour l'écriva ine Calix the Beyala, le mot «féminitude » concerne les désirs des femmes
pour l'a ffirmation, l'amour, le travail et la liberté, le désir pour la reconnaissance du fait d'être
Femme et pour l'acceptation de ce fait. Pour elle, la féminitude est « un mélan ge de féminisme et
de négritude »; en 2003 elle vienne d'écrire le roman « Femme nue, femme noire », en prenant le
titre d'après le poème de Senghor . Elle montre dans son roman que, dans l'Afrique c'est la femme
qui travaille, elle tient à souligner la suprématie de la femme noire sur l'homme noir, le fait que
la femme africaine fait son possible pour maintenir l'ordre et l'harmonie dans son univers.
190 Le Nouveau Petit Robert, 2008, p. 1025.
191 Selon l'article : La féminitude de la négritude senghorienne: «Femme noire», par Ngozi O Iloh et Osas Emokpae –
Ogbebor, 2014, publié sur le site: http://ethiopiques.refer.sn /spip.php?article1902 , consulté en ligne le 5 avril 2018.
44
Le titre Femme noire a été aussi une source
d'inspiration pour l'écrivain guinéen
Camara Laye pour son premier roman qui a
été dédié à sa mère: «L'Enfant noir » apparu
en 1956. Dans ce roman, l'enfant rend
hommage à la femme qui lui a donné
naissance. Sa mѐre symbol ise la femme
africaine qui a un rôle essentiel dans le
roman : «Femme noire, femme africaine, Ô
toi ma mère, je pense à toi… » «À ma mѐre »
est un extrait du roman, qui présente la
mère de l'auteur, qu'il l'appelle Daman : «Ô
Daman, Ô ma mère .» Le texte à un ton
doux et fait ressortir les sentiments de
reconnaissance et d'affection pour sa m ѐre.
Également, nous trouvons chez Senghor
une admiration pour la maternité et la
féminité des femmes. Il souligne souvent dans ses po ѐmes le rôle de la mѐre, la mѐre qui
symbolise l'Afrique. Senghor a nommé l'Afrique avec ses mots. Jean-Paul Sartre affirme que
«nommer une chose c'est la trans former »192. Senghor a nommé l'Afrique no ire avec justesse et
lucidité. Avec justesse, signifie «av ec les mots appropriés car mal n ommer les choses, a fait
remarquer Albert Camus, c'est rajouter au malheur du monde.»193 Avec lucidité, c'est -à-dire qu'il
«n'ignorait nullement les forces et les faiblesses de cette Afrique .»194
La féminitude soutient la proclamat ion de l'attitude féminine dans la même façon dont la
négritude soutient la proclamation de l'attitude nègre . Il y a une certaine ressemblance entre les
luttes des Noirs contre la c olonisation et celle des femmes pour l eur libération , pour leur
affirmation et pour leur égalité avec les hommes . La féminitude de la négritude senghorienne est
bien sûr une perspective masculine de l' origine du féminisme . La féminitude de Senghor exprime
le statut et la condition de la femme de son époque, la femme modeste et résignée, la femme
douce, soumise à l'homme.
192 Selon Jean -Paul Sartre, 1998, p. 17.
193 Selon Nassurdine Ali Mhoumadi, 2010, p. 12.
194 Ibidem. Image 2 .1. La couverture du roman Femme nue femme
noire de Calixthe Beyala .
45
Chapitre III. Représentations de l'image de la «femme noire» dans
l'art négro -africain
L'art négro -africain mil ite pour l'ouverture au monde. Les poѐtes noirs veulent
conceptualiser le Beau et la Vertu comme valeurs essentielles de la féminité. L'œuvre
senghorien ne présente la femme comme le «Beau pur » comme le dirait Kant. Chez Seng hor, la
femme ordinaire devient la femme mythifiée, la simple admiration de la femme noire tourne à la
vénération. La femme noire est, chez Senghor est un objet d'art. Elle est parfois pe inture,
sculpture, l'image du «tam -tam sculpté », elle se métamorphose da ns des instruments de musiqu e:
«tam -tam tendu qui grond es sous les doigts du vainqueur »195, elle est rythme e t chanson. La
femme noire est « une sculpture vivante en perpétuel devenir .»196
Ce n 'est pas seulement la femme noire qui souffre des métamorphoses, c'est aussi le po ѐte qui
agit en tant que peintre, sculpteur ou musicien. Il y a une correspondance entre l'artist e et l'objet
d'art. La femme noire est le symbole de la beauté noire, elle-même , par sa sensualité, par son
mysticisme, c'est une œuvre d'art. Elle incarne l'harmonie des formes, l'harmonie des couleurs et
des mouvements.
Dans son essai «Négritude, Arabité et Francité », Senghor met en opposition deux
conceptions de la beauté en utilisant deux sculptures: la Vénus de Milo et la Vénus de Lespugue .
La premiѐre, est une déesse de la Grѐce Antique, qui symbolise la beauté. C'est une « sculpture
photographique »197 de la femme méditerranéenne, de la femme blonde, parfaite, avec les formes
bien proportionées et équilibrées. Senghor considѐre que « les Vé nus grecques étaient sculptées
pour le plaisir des yeux et surtout de l'esprit. C'étaient des objets -ornements qui flattaient
l'orgueil du maître en entretenant un climat d'érotisme.»198
La scul pture, qui représente la déesse Aphrodite ou Vénus, la déesse de la beauté et de l'amour, a
été découverte au cours des années 1820 sur l'î le Mé los ou Milo , une île de la mer Égée et elle
est gardée de l'année 1821 jusqu'à aujourd'hui dans le musée du Louvre à Paris.
195 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 22.
196 Corinne Mencé -Caster, Raphaël Confiant, 2011, p. 6.
197 Ibidem, p. 66.
198 Léopold Sédar Senghor, 1969, p. 12.
46
L'absence des mains de la sculpture reste e ncore
un mystère . Il y a des chercheurs qui affirment
que dans l'Antiquité, les statues étaient
assemblées à l'aide de plusieurs pièces détachées
et avec le temps , les bras se sont disloqués et ont
disparu. Des autres disent qu 'en raison du manque
des bras, le nom de la déesse représentée par la
sculpture, ne peut être déterminé; ça pourrait être
Danaïde, Artémis ou bien une autre déesse
grecque. La chercheuse Virginia Postrel suppose
que la Vénus de Milo représente une prostituée
qui tenait entre les mains un rouet . Elle avoue
que: « sur les amphores on voit souvent les images
de prostituées avec un rouet entre les mains, c'est
ainsi qu'elles passaient le temps en attendant leurs
clients .»199 Même si la légende de la Vénus de
Milo est un sujet controversé , la statue reste
toujours une représentation de la sensualité et de
la beauté f éminine qui a été une source
d'inspiration et une muse pour de nombreux
artistes .
Concernant la Vénus de Lespugue, c' est une
statuette en pierre ou en ivoire qui remonte à la premiѐre civilisatio n du paléolithique supérieur.
la Vénus de Lespugue était sculptée comme symbole magique d e la fécondité des femmes. Si la
Vénus de Milo est seule ment un objet d'art descriptif, d'imitation de la femme, celle de Lespugue
est pl utôt un objet d'art « d'identification .»200
La déesse de Lespugue est composée par plusi eurs formes, mais si nous l'exam inons plus
attentivement nous décou vrons, comme note Senghor que : «ce sont une tête, un ventre, des seins,
des bras, des cuises. La V énus de Lespugue, c'est une image, mais ce sont avant tout des
rythmes.»201
199 Selon l'article : La Vénus de Milo: une prostituée avec un rouet entre les mains?, par le Times, le 17 mai 2015,
publié sur le site https://fr.sputniknews.com/culture/201505171016083642/ , consulté en ligne le 21 avril 2018.
200 Corinne Mencé -Caster, Raphaël Conf iant, 2011, p. 67.
201Léopold Sédar Senghor, 1969, p. 13 . Image 3 .3. Sculpture la Vénus de
Lespugue, Musée de l'Homme,
Paris.
Image 3. 1. Sculpture, La Vénus de Milo , Musée
du Louvre, Paris.
47
Image 3.2. Sculpture, La Vénus de Lespugue,
Musée de l'Homme, Paris .
Senghor consid ѐre que le rythme « c'est l'architecture de l'être, le dynamisme interne qui lui
donne forme […]. C'est le sceau de la Négritude .»202 C'est le rythme du «tam -tam sculpté », c'est –
à-dire de la femme noire qui rѐgne sur l'art, sur la musique, sur la peinture, sur la poésie
senghorienne. La statuette , haute de 147 mm qui a été découverte en 1922 à Lespugue en Haute –
Garonne, est conservée au Musée de l'Homme à Paris.
La forme de cette statuette semble avec celle de la femme africaine, la forme féminine, ovale: « il
y a des formes en ovale très allongé (les bras, les seins, les cuisses), des formes en ovale presque
sphérique (les fesses), et des ovales de proportion intermédiaire entre ce s deux extrêmes (la
tête). »203 Cette géométrie, cette forme ronde, circulaire, sans aucun e angle, sans acune ligne
droite, s'identifie avec la femme chantée par Senghor dans le volume «Chants d'ombre »: «Beauté
classique qui n'est point angle/… courbes de dou ceur.»204
202 Ibidem, p. 14.
203 Selon l'article : L'art de la préhistoire est une affaire bien trop importante pour être confiée aux préhistoriens –
une analyse de la face arrière de la Vénus de Lespugue par Christian Ricordeau, le 12 février 2012, publié sur le
site: http://www.quatuor.org/analyse -du-verso -de-la-Venus -de-Lespugue.html , consulté en ligne le 17 avril 2018.
204 Léopold Sédar Senghor, 1974, p. 42.
48
Le mystère de la femme noire se retrouve dans la peinture aussi . Le peintre Paul Gauguin
dans l'un de ses tab leaux, nommé Manaò Tupapau (L'esprit des morts veille ), représente une
jeune femme noire appellée Tehura , nue et allongée. Le peintre, comme Senghor, est fasciné par
le corps de la femme noire, qui est différent de celui des femmes occidentales. L'artist e a peint la
femme allongée sur son ventre, pour garder son mystѐre.
C'est une peinture à huile sur toile réalisée par Gauguin lors de son premier voyage à Tahiti. Au
premier plan il représente Tehura, sa compagne , qui est nue et allongée sur des draps à fleurs .
Image 3 .3. Tableau, Paul Gauguin, Manaò Tupapau, 1892, Buffalo, Albright -Knox Art Gallery .
Ce qui perturbe l'oeil du spectateur c'est la figure étrange plac ée au second plan . Ce personnage
habillé en noir représente le tupapa u qui signifie revenant ou fantôme et semble entrer dans la
chambre de Tehura.
Chez Gauguin, comme chez Senghor, le corps de la femme noire est très différent de celui des
européennes . Dans l'imagination du peintre, la jeune femme nue symbolise l'Ève . Pour garder le
mystère féminin, il n'a pas montré ses attributs de la féminité , comme par exemple dans La
Vénus d'Urbino , où Titien a peint les seins de sa muse blanche.
49
Un autre tableau représentant la femme noire, est celui de la peintre française Marie –
Guillemine Benoist. La peinture est nommée Portrait d'une négresse (ou Portrait d'une femme
noire ), s'inscrit dans le style du Neoclassicisme et se trouve au Musée du Louvre à Paris. Ce
portrait qui représe nte une jeune
femme noire, est considéré
comme un hommage au
féminisme et à l'abolition de
l'esclavage dans les colonies par
la Révolution F rançaise. La
femme est peinte dans une façon
qui s'oppose à sa condition de
l'époque. C'est -à-dire, l' être douce
et sensible, elle a eu la condition
d'une esclave, mais dans ce
tableau elle est assisse dans un
fauteuil drapé d'un riche tissu,
ayant le regard vers le monde,
vers les spectateurs, c'est une
ouverture qui était possible
seulement pour la femme blanche,
la femme bour geoise. Même si les
principes académiques de
l'époque affirmaient que: « le sujet
noir et la couleur noire étaient un
exercice rebelle à la peinture »205,
le peintre Marie -Guillemine Benoit
réussit à démontrer le contraire. Elle
réalise un chef -d'œuvre par les nuances de noire utilisées concernant la pigmentation de la peau.
Elle crée aussi un subtil contraste chromatique entre le blanc immaculé de la robe , le fond ivoire
et la peau de la femme. Le personnage féminin est d rapé dans des vêtements aux couleurs de la
République (bleue, blanche et rouge ), et répresente l es promesses concernant l'émancipation des
femmes et d es esclaves . Le sein nu qui surgit de sa robe renvoie à la figure de Marianne (figure
205 Selon l'article : «Portrait d’une négresse» de Marie -Guillemine Benoist, par Astrid de Brondeau, le 8 octobre
2013; publié sur le site:
https://lesyeuxdargus .wordpress.com/2013/10/08/portrait -dune -negresse -de-marie -guillemine -benoist/ , consulté en
ligne le 2 mai 2018;
Image 3.4. Marie -Guillem ine Benoist, Portrait d'une
négresse, 1800, Musée du Louvre, Paris .
50
féminine qui incarne la République F rançaise et les v aleurs contenues dans sa devise: «Liberté,
Égalité, Fraternité» ).
L'art a été à côté du po ѐte séné galais toute sa vie. Senghor a ét é constitué lui -même par
l'art; par l'art de donner des contours aux mots, par l' art de s'exprimer, par l'art de créer des
mouvements comme la Francophonie, par l'art de civiliser l'Universel. Grâce à son amour pour
l'art, Senghor a eu l'occasion de rencontrer certain es artist es parmi lesquels: Marc Chagall, l'un
des plus célèbres artistes installés en France au XXѐ siècle, Maria Elena Vieira Da Silva, une
artiste peintre portugaise considéré e
comme « l'un des chefs de file du
mouvement esthét ique dit du
paysagisme abstrait »206, ou le peintre
Alfred Manessier considéré comme
l'un des maîtres de la Nouvelle École
de Pari s. Tous ces artist es ont trouvé
dans l'œuvre de Senghor une source
d'inspiration.
Le 5 Octobre 2006, à
l'occasion du Centenaire Senghor il y
a eu lieu à Verson une cérémoni e:
«Hommage à l'homme de l'art »,
organisée à l'aide du Conseil
Régional de Basse -Normandie. À cet
événement s e sont rencontrés deux
artistes : la plasticienne normande
Anne Deshaies et le peintre
sénégalais Soly Cissé. Ceux -ci,
accompagnés par le Secrétaire
Général de l' Organisation Internationale
de la Franc ophonie, Abdou Diouf, le
Président du Conseil Régional, Monsieur Philippe Duron, le maire de Verson, Mo nsieur Michel
Marie, l'épouse de Senghor, Madame Colette Senghor et d'autres personnalités politiques et du
monde cultur el, ont inauguré la sculpture «Le Baobab et L e Pommier » d'Anne Deshaies.
206 Selon l'article : Maria Elena Vieira da Silva , par Marion Kalter, le 26 juin 2015, publié sur le site:
https://www.babelio.com/auteur/Maria -Elena -Vieira -da-Silva/218672 , consulté en ligne le 14 mai 2018.
Image 3.5 . Sculpture, Le Baobab et L e Pomier , Anne
Deshaies.
51
La sculpture se trouve dans le parc de la mairie et représente le moment de la rencontre de de ux
mondes, de s deux cultures, de deux êtres discrèt s, la rencontre de Léopold Sédar, c'est -à-dire le
baobab du Sine avec sa muse Colette, c'est -à-dire le pommier de Verson . Le poéte a été tout à la
fois sérère et normand. Il a gardé la s ensibilité et l'ém otion acquisées sur la terre de ses ancêtres
et il les a complétée s par la profondeur de l'amour qu'il a découvert sur la terre normande , «terre
de fraternité et de solidarité, terre d'ouverture et de générosité »207, comme l'appelle Abdou Diouf,
dans son discours pour l'inauguration de la sculpture à Verson.
Une autre preuve que l'âme du Senghor a été dominé par l'art est la création du poѐte lui –
même de la Fondation Léopold Sédar Sénghor à Dakar , fondée afin de contribuer au
développement de l'enseignement supérieur et de la culture en Afrique. La Fondation a aussi un
Cénacle européen francophone de poésie, art et lettres où la langue française est privilegiée et
réunit des artistes, des écrivain s ou des poѐtes qui sont appréciés pour leur talent. Cette année, le
5 Avril, le prix Senghor pour les Arts revient à un artist e roumain, Silviu Oravitzan qui a r éalisé
la peinture de l'icô nostase de l'Église orthodoxe «Schimbarea la Față » à Cluj.
207 Selon l'article : Centenaire Senghor , publié en Octobre 2006 sur le site o fficiel de la ville de Verson,
http://www.ville -verson.fr/vie -culturelle/leopold -sedar -senghor -et-verson/octobre -2006 -centenaire -senghor/,
consulté en ligne le 9 mai 2018.
52
Conclusions
Dans ce mémoire de licence nous avons découvert Léopold Sédar Sengor à travers son
œuvre impressionnante et à travers les concepts qu'il a adopté s, c'est -à dire la Négritude et la
Francophonie , des mouvements qui impliquent la tolérance, l'acceptation de l'identité et de la
culture des A utres, la reconnaissance de chaque peuple dans sa différence , le dialogue culturel ;
des concepts qui ont une remarquable expression dans la poésie et dans les a rts.
Le premier chapitre nous a donné l'opportunité de découvrir Léopold Sédar Senghor, un
excellent « rhapsode de l'Afrique », un véritable homme de culture, un homme d'une sensibilité et
d'une imagination exceptionelles, un poѐte qui n'abandonne pas dans sa pensée l'image de celle
qu'il aime, la femme à la peau «couleur de nuit », avec le corps souple, la femme à l'âme sensible
et pûre, la merveilleuse femme africaine qui constitue la muse du poѐte.
Dans le deuxiѐme chapitre nous avons approfondi la recherche concernant l'image de la
femme noire que Léopold Sédar Senghor a façonné dans ses poѐmes. Ce chapitre nous a permis
d'observer la sensualité avec laquelle l e poѐte décrit ses muses. Nous avons découvert qu'il y a
quelques visions senghoriennes qui traduisent l'image de la femme ; elle est à la fois Femme,
Mѐre, Amante, Épouse, Princesse et Reine . Pour chaque image nous avons mentionné des titres
appropriés et des vers qui montrent la figure féminine qui correspond. En analysant quelques
poésies du recueil «Chants d'ombres», nous avons découvert que le volume peut être structuré en
quelques parties : la premiѐre cache l'admiration pour la culture noire , la deuxiѐme partie,
comporte une synthèse que le poѐte fait entre le passé, c'est -à-dire sa formation, et le prése nt,
c'est-à-dire l'interférence des deux cultures en mettant en relief l'esthétique nègre , la troisiѐme
partie est dédiée aux poѐmes d'amour et la quatriѐme surprend le détachement de l'influence
européenne.
L'analyse que nous avons f aite sur le po ѐme Femme noire nous a permis de déc ouvrir que
Léopold Sédar Senghor a créé une véritable ode à l'amour, dediée aux beautés de la femme et à
la terre africaine . Chez Senghor, la femme occupe deux rôles essentiels: celui de nourriciѐre
c'est-à-dire mѐre et celui d'inspiratrice, c'est -à-dire muse . Elle est l'expression de la sensualité et
du mysticisme . Nous avons réalisé que le poѐte manifeste une fascination par la beauté physique
de la femme afr icaine, il parle de sa grandeur et de sa forme unique. Dans notre analyse nous
avons remarqué que la strophe qui constitue la fin du poѐme a une importance particuliѐre parce
qu'elle prouve le désir du poѐte de garder l'image de la femme noire dans «l'Éternel. » Ce qui lui
53
permet de fixer l'existence et la beauté de la femme africaine dans l'éternité c'est seulement l'art,
c'est-à-dire la poésie.
L'analyse que nous avons faite sur le poѐme Nuit de Sine nous a aidé s à découvrir que la femme
invoquée dans les premiers vers du poѐme représente l'Afrique ; c'est l'image d'une Afrique
personnifiée , présentée dans un moment unique , d'une rare beauté , à la tombée de la nuit.
Le troisième c hapitre de ce mé moire de licence nous a donné l'opportunité de découvrir
l'image que la femme noire a dans l'art. Nous avons constaté que la femme noire, est elle-même,
par sa s ensualité, par son mysticisme, une œuvre d'art ; elle incarne l'harmonie des formes,
l'harmonie des couleurs et des mouvements. Nous avons fait des recherches sur les deux
sculp tures que Senghor a mentionné dans son essai « Négritude, Arabité et Francité », la Vénus
de Milo et la Vénus de Lespugue et, regardant les image s de ces sculptures, nous avons observé
qu'elle s représentent deux figures féminines vraiment différentes. La Vénus de Milo est la
femme méditerranéenne parfaite, avec les formes équilibrées , que Senghor considère avoir été
sculptée seulement pour le plaisir des yeux, pour attirer l'attention des hommes. Concernant la
Vénus de Lespugue , nous avons observé qu'elle a plusieurs formes , particulièrement ovales, qui
représentent la féminité , la volupté de la fe mme africaine. Par ce chapitre nous avons découvert
que la femme noire était un e source d'inspiration pour les peintres Paul Gauguin e t Marie –
Guillemine Benoist qui ont représenté dans leur peinture la sensualit é et la beauté féminine .
Dans ce dernier chap itre de notre mé moire de licence nous avons constaté que le poѐte Léopold
Sédar Seng hor a eu une vie marquée par l'art et que ce fait a été célébré à l'occasion du
Centenaire Senghor par la sculpture Le Baobab et L e Pommier qui a une impre ssionnante
signification; elle représente le moment de la rencontre de s deux cultures : la culture sérère de
Senghor et celle normande de sa muse et épouse Colette .
54
Bibliographie
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Acest articol: Programul de studii: LIMBA ȘI LITERATURA ROMÂNĂ – [614654] (ID: 614654)
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