Problemes de Traduction Du Langage Religieux Du Roman La Faute de L’ Abbe Mouret de Zoladocx
=== Problemes de traduction du langage religieux du roman La Faute de L' Abbe Mouret de Zola ===
PROBLÈMES DE TRADUCTION DU LANGAGE RELIGIEUX DU ROMAN LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET DE ZOLA
Liviu Marcel Ungurean
Université „Ștefan cel Mare” Suceava
Roumanie
[anonimizat]
Dans son ouvrage « Le roman expérimental » paru en 1880 Émile Zola présente ses idées sur le roman en définissant l’observation et l’expérimentation comme méthodes de travail du romancier moderne :
« Eh bien ! en revenant au roman, nous voyons également que le romancier est fait d’un observateur et d’un expérimentateur. L’observateur chez lui donne les faits tels qu’il les a observés, pose le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages et se développer les phénomènes. Puis, l’expérimentateur parait et institue l’expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire particulière pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l’exige le déterminisme des phénomènes mis à l’étude ».
Emile Zola, Le Roman expérimental (1880)
Le roman « La faute de l’abbé Mouret » publié à Paris en 1875 fait partie de la série des Rougon-Macquart et se situe entre La conquête de Plassans de 1874 et Son excellence Eugène Rougon de 1876. Les deux personnages principaux sont l’abbé Serge Mouret – neveu du docteur Pascal Rougon et Albine – la nièce de Jeanbernat – dit le Philosophe.
Dans le jardin d’Eden Adam et Eve ont connu la beauté du Paradis. Dans le Jardin de Paradou Serge Mouret et Albine ont connu le frémissement de l’amour. C’est dans ce jardin mystérieux, dans ce « Paradis Terrestre » que l’abbé Mouret a commis sa « faute », la faute de donner libre cours à sa nature humaine et de tomber amoureux. Oubliant le monde, les deux amoureux ont vécu passionnément des heures de félicité. Mais le frère Archangias rappelle à Serge son statut de prêtre. Entre l’amour et le devoir, entre le plaisir et les remords Serge abandonne Albine sa bien-aimée et revient à la vie de prêtre. Il mène une vie ascétique en mortifiant ses sens par le jeûne et la prière et se consacre à Dieu corps et âme, en demandant le pardon divin. Séduite et abandonnée, Albine décide de renoncer à sa vie, et elle se suicide en portant avec elle, au-delà du tombeau, le fruit de l’amour.
Le roman a été traduit en roumain par I. Gr. Periețeanu en 1920 et par Ion Pas en 1927. Ce qui nous préoccupe dans notre étude c’est la traduction des termes religieux, la difficulté de rendre dans un espace majoritairement orthodoxe un univers religieux catholique, tout en gardant sa spécificité et ses différences.
Le titre du roman a été traduit de la même manière par les deux traducteurs – Greșeala abatelui Mouret – l’étymologie du mot abbé provenant du latin abbas, atis. Le terme abbé a plusieurs définitions:
abbé = vieux moine très avancé du point de vue spirituel, le terme étant employé dans l’orthodoxie pour désigner les moines qui se trouvent aux origines du monachisme oriental (notamment les Pères du désert, du Patérikon) .
abate (lat. abbas, atis, fr. abbé) = se numește superiorul unei mănăstiri catolice (similar cu starețul sau egumenul unei mănăstiri ortodoxe); e numit și prior.
abate =1. titlu dat superiorului unei abații; persoană care are acest titlu. 2. Titlu onorific acordat unor preoți catolici; persoană care poartă acest titlu. – din it. ab(b)ate .
De toutes ces définitions ce n’est que la dernière (2) qui nous pousse à traduire en roumain abate. À cela on peut ajouter éventuellement la synonymie du mot : ecclésiastique, prélat, père, pasteur, révérend, prieur, vicaire.
Dans la séquence : « […]on apercevait la seconde nappe, pliée en deux, si émincée, si claire elle-même, qu’elle laissait voir la pierre consacrée, encadrée dans l’autel de bois peint », pour « la pierre consacrée » on a deux variantes : Ion Pas traduit par « piatra sfințită » et I. Gr. Periețeanu par « piatra consacrată ». Du point de vue liturgique on a à faire à une pierre qui a subi une bénédiction (en roumain ierurgie). On considère que les deux solutions sont valables, mais il y a des nuances qui méritent d’être soulignées, comme par exemple la polysémie du verbe consacrer :
consacrer le pain et le vin = a sfinți pâinea și vinul
consacrer une église = a târnosi o biserică
consacrer un prêtre = a hirotoni un preot
La synonymie de l’adjectif consacré met en évidence la richesse des sens de ce mot qui peut mettre en difficulté le traducteur. Il doit choisir entre : sanctifié, canonisé, vénéré, glorifié ou voué à la divinité.
En ce qui concerne les livres de culte, dans la séquence « Puis, ouvrant le Missel, il redescendit, Une nouvelle génuflexion le plia ; il se signa à voix haute, joignit les mains devant la poitrine, commença le grand drame divin, d’une face toute pâle de foi et d’amour. », on a traduit le Missel par « Miselul » – I. Gr. Periețeanu et par « Ceaslovul » – I. Pas. Nous devons faire quelques précisions importantes :
Le Missel catholique est l’équivalent du Liturgikon orthodoxe et selon le dictionnaire que nous avons cité, c’est un « Livre liturgique qui comprend les trois liturgies avec leurs prières, les formules de congé, etc : Liturghier (n.) Liturghierul este cartea de slujbă care cuprinde rânduiala pentru preoți și diaconi la Vecernie, Utrenie și la cele trei liturghii ortodoxe : Liturghia Sfântului Ioan Gură de Aur, cea a Sfântului Vasile cel Mare și cea a Sfântului Grigorie Dialogul L.T. ».
L’Horologe ou Horologion est le « Livre liturgique qui comprend le typique de différentes heures des offices, les vêpres, les complies, les Matines etc. ; le Livre des Heures ; Ceaslov (n.) Ceaslovul este cartea care cuprinde rugăciunile din rânduiala slujbelor zilnice. // syn. Orologhiu (n.) Numele de Ceaslov sau Orologhiu (orar) vine de la precizarea timpului cînd se săvârșesc slujbele celor șapte laude bisericești care formează conținutul acestei cărți. DECR.
En conclusion la variante de I. Periețeanu – Miselul – est correcte.
Dans la séquence: « Une nouvelle génuflexion le plia ; » nous devons préciser que pour le mot génuflexion il y a dans le langage religieux le terme « métanie », dont le sens est expliqué dans le dictionnaire déjà cité : « Geste liturgique, qui consiste en une prosternation jusqu’à la terre, sur les genoux, accompagnée du signe de la croix. […]închinăciune. L’étymologie du mot métanie provient du grec metanoïa qui signifie « action de l’esprit de se détourner du monde terrestre pour s’élever à Dieu ; en reconnaissant ses péchés, ses faiblesses, avec l’espoir dans la miséricorde divine ». On a traduit génuflexion par « plecăciune » – I. Pas, et par « mătanie » – I. Periețeanu. Pour les raison que nous avons présentées, nous considérons que la solution de Periețeanu est meilleure.
Quant aux vêtements du prêtre, dans la séquence « La paroisse n’avait que trois chasubles, une violette, une noire et une d’étoffe d’or. », les deux traducteurs devaient traduire le terme « la chasuble d’or ». Ils ont choisi comme solution « patrafirul de aur ». Il faut préciser que « chasuble » est le synonyme de « phélonion », « vêtement liturgique ample, en forme de pèlerine sans manches, que le prêtre enfile par-dessus tous les autres vêtements liturgiques : felon (n.). Felonul închipuiește hlamida roșie cu care a fost îmbrăcat Mântuitorul în curtea lui Pilat (Matei XXVII, 38), dar mai simbolizează și puterea lui Dumnezeu, dreptatea și sfințenia Lui. LT. « Patrafir » est une forme ancienne de « epitrahil », en français « épitrachilion » qui signifie selon le même dictionnaire : « Vêtement sacerdotal que le prêtre enfile autour du cou, et dont il se sert pour l’ensemble des offices liturgiques ; l’une des multiples significations symboliques qui lui sont attribuées est celle de la grâce divine reçue par le prêtre, lors de son ordination : epitrahil (n.).epitrahilul este veșmântul liturgic cel mai important, deoarece fără el atât preotul cât și arhiereul nu pot săvârși nici un serviciu religios. LT.
Dans la séquence: « Le mystère d’amour, l’immolation de la sainte victime se préparait.»
I. Periețeanu traduit « l’immolation de la sainte victime » par « jertfirea sfintei victime ». Le calque lexical sainte victime – sfânta victimă – ne nous semble pas du tout inspiré. Dans ce cas, la solution traductologique de I. Pas « prinosul sfintei jertfe » nous semble la meilleure parce que « prinos » – mot d’origine slave – signifiait dans l’Antiquité don offert à la divinité, et l’immolation est un sacrifice non-sanglant, une offrande, une oblation qu’on apporte à Dieu. D’ailleurs la prière la plus importante de la divine liturgie c’est l’épiclèse pendant laquelle le prêtre invoque le Saint Esprit pour la consécration des Saints Dons : il dit : […]Nous t’offrons encore ce culte spirituel et non-sanglant et nous t’invoquons, nous te supplions et nous te prions : Envoie ton Saint Esprit sur nous et sur les Dons ici présents. Et fais de ce pain le Corps précieux de ton Christ. Amen. Et de ce qui est dans ce calice le Sang précieux de ton Christ. Amen. En les changeant par ton Esprit Saint. Amen. Amen. Amen. […]».
La traduction du langage religieux ne se soumet pas aux mêmes lois que toute traduction. La traduction du français en roumain de ce type de langage est un défi pour le traducteur, qui doit répondre à des questions comme par exemple : Comment traduire des termes du discours catholique ou protestant en roumain ?
Il y a aussi des contraintes dogmatiques et liturgiques : les textes de la Bible, les textes de la messe, les formules consacrées par la tradition, les noms des fêtes religieuses, les vêtements et les livres liturgiques etc. On doit y ajouter la grande portée affective du langage religieux et la subjectivité du traducteur, qui rendent encore plus difficile la transposition d’un texte d’une culture à l’autre, d’une littérature à l’autre, et parfois d’une religion à l’autre.
Un élément très important qu’on doit prendre en considération quand on analyse une ou plusieurs traductions c’est l’élément chronologique. Dans notre cas, les deux traductions dont on parle datent depuis 92 et respectivement 85 ans. Si l’on y ajoute les 45 – 52 ans passés depuis la parution de l’original du roman dont on parle (1875) jusqu’à la parution de ses traductions en roumain, on arrive à une distance appréciable dans le temps (plus de 130 ans). On observe une évolution dans le temps de la langue-source et de la langue-cible, évolution qui impose la nécessité d’une retraduction.
Bibliographie :
Romans :
Zola Émile : La faute de l’abbé Mouret, La Bibliothèque électronique du Québec, Collection À tous les vents,Volume 37 : version 2.0.
Zola Émile (1920) : Greșeala abatelui Mouret,(trad. I. Gr. Periețeanu), Ed. Librăria Universală Alcalay& Co. București.
Zola Émile (1927) : Greșeala abatelui Mouret, (trad. Ion Pas), Ed. Cugetarea, București.
Collections :
Collection Henri Mitterrand, Littérature – textes et documents – XIXe siècle, Ed. Nathan Paris 1986.
Dictionnaires :
Braniște Ene & Ecaterina (2001) : Dicționar enciclopedic de cunoștințe religioase, Ed. Diecezană, Caransebeș.
Dumas Felicia (2010) : Dictionnaire bilingue de termes religieux orthodoxes, français-roumain, Doxologia, Iași.
dexonline.ro/definiție/abate
Sigles :
LT. = Liturgica teoretică, pr. prof. dr. Ene Braniște, arhim. Prof. Ghenadie Nițoiu, pr. Prof. Gheorghe Neda, București, Editura I.B.M.O.R., 2002.
DECR = Dicționar enciclopedic de cunoștințe religioase, Ed. Diecezană, Caransebeș, 2001.
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