PREMIERE PARTIE : LES ENJEUX DE LA VIOLENCE PARTISANE 41 CHAPITRE PREMIER : Les tensions structurantes du système partisan. 45 SECTION I/ Les… [624060]

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SOMMAIRE
SOMMAIRE 1
SIGLES ET ABREVIATIONS : 2
INTRODUCTION GENERALE 8
PREMIERE PARTIE : LES ENJEUX DE LA VIOLENCE PARTISANE 41
CHAPITRE PREMIER : Les tensions structurantes du système partisan. 45
SECTION I/ Les configurations partisanes. 46
SECTION II/ Les représentations de la violence partisane. 91
CHAPITRE DEUXIEME/ La médiatisation de la violence partisane. 139
SECTION I/ L’emballement médiatique autour de la violence partisane. 143
SECTION II/ L’impact des images de la violence partisane sur l’opinion publique. 163
DEUXIEME PARTIE : LA PRODUCTION DE LA VIOLENCE PARTISANE. 193
CHAPITRE PREMIER/ La mobilisation des ressources de la violence partisane. 197
SECTION I/ Analyse des discours partisans de violence. 198
SECTION II/ Les techniques de la violence physique partisane. 259
CHAPITRE DEUXIEME/Les niveaux de la violence partisane. 280
SECTION I/ La routinisation de la violence partisane. 281
CONCLUSION GENERALE : 370
ANNEXES. 377
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES. 422

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INDEX GENERAL 473

SIGLES ET ABREVIATIONS :

AEME: Agence de l’Economie et de la Maîtrise de l’Energie
AFP: Agence Française de Presse
AFP : Alliance des Forces du Progrès
AJ/PADS : And Jef/Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme
APR: Alliance Pour la République
APS : Agence de Presse Sénégalaise
BCG : Bloc Centriste des Gaïndé
BDS : Bloc Démocratique Sénégalais
BMS: Bloc des Masses Sénégalaises
BPS: Bloc Populaire Sénégalais
BSS : Bennoo Siggil Senegaal
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CESTI: Centre d’Education des Sciences et Techniques de l’Information
CFD: Coalition des Forces Démocratiques
CGTDS: Confédération Générale des Travailleurs du Sénégal
CNG: Comité National de Gestion

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CNRA : Conseil National de la Régulation de l’Audiovisuel
CNTS: Confédération Nationale des Travailleurs du Sénégal
CORED: Comité d’Observation des Règles Ethiques et Déontologiques
CREI: Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite
DIC: Division des Investigations Criminelles
FAP: Fonds d’Aide à la Presse
FIDH : Fédération Internationales des Droits de l’Homme
FSD/BJ: Front pour le Socialisme et la Démocratie/ Benno Jubël
GRESEN : Groupe de Recherche et de Rencontre pour un Sénégal Nouveau
HCRT: Haut Conseil pour la Radio et la Télévision
LD/MPT : Ligue Démocratique/Mouvement pour le Travail
LONASE : Loterie Nationale Sénégalaise
LSDH : Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme
M23: Mouvement du 23 juin
MDP: Mouvement Démocratique Populaire
MRDS : Mouvement de la Réforme pour le Développement Social
MRS : Mouvement Républicain Sénégalais
NTS : Nouveau Type de Sénégalais
ONDH : Organisation Nationale des Droits de l’Homme
ONU : Organisation des Nations Unies

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ORTS : Office de la Radiotélévision Sénégalaise
PAI : Parti Africain de l’Indépendance
PAS: Politiques d’Ajustement Structurel
PDS : Parti Démocratique Sénégalais
PIT : Parti de l’Indépendance et du Travail
PRA : Parti du Regroupement Africain
PS : Parti Socialiste
PUR : Parti pour l'Unité et le Rassemblement
PVD : Parti de la Vérité pour le Développement
RADDHO : Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme
RESOCIT : Réseau d’Observation Citoyenne
RFI: Radio France Internationale
RFM: Radio Futurs Médias
RND : Rassemblement National Démocratique
RSI : Radio Sénégal International
RTS : Radiotélévision Sénégalaise
SAED : Société d’Aménagement des Eaux du Delta
SENELEC : Société Nationale de l’Electricité
SODEFITEX : Société de Développement des Fibres Textiles
SODEVA : Société de Développement et de Vulgarisation Agricole

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SOTRAC : Société de Transport du Cap-Vert
SUDES : Syndicat Unique des Travailleurs du Sénégal
TFM : Télévision Futurs Médias
UJTL : Union des Jeunesses Travaillistes Libéraux
UMS : Union des Magistrats du Sénégal
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
UNTS : Union Nationale des Travailleurs du Sénégal
UPS : Union Progressiste Sénégalaise
URD : Union pour le Renouveau Démocratique
UTLS : Union des Travailleurs Libres du Sénégal
WALF TV : Walfadji Télévision

Résumé :
Cette recherche étudie la violence partisane au Sénégal ( 1960-2014 ) à partir du paradigme du
constructivisme. La violence est un fait politiquement construit. La construction postule
l’existence d’une forme de rationalité politique dans le processus de déclenchement, de
développement et de finalisation des comportements violents des hommes politiques. Dans
cette perspective, nous cherchons, d’une part, à comprendre les multiples enjeux réels qui
fondent le choix de la violence par des hommes politiques. Il s’agit notamment des tensions
constitutives du système partisan, liées aux configurations des partis et aux représentations qui

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octroient à la violence une valeur stratégique et symbolique dans les relations partisanes. Par
conséquent, les hommes politiques, désireux de mobiliser, exposent, à travers les médias, leur
violence. D’autre part, nous mettons en lumière, les stratégies de mobilisation des ressources
discursives, matérielles ou techniques, peaufinées par les hommes politiques, dans un
contexte contraignant, pour rendre efficace la violence. Ces stratégies conditionnent les
niveaux de violence. Ainsi, il existe une violence routinière qui exprime les conflits confinés
dans le champ partisan et une violence radicale qui s’exporte lors des crises et les
mobilisations sociales.
Abstract:
This research studies the partisan violence in Senegal (1960-2014 ) from the constructivism
theory. Violence is a fact politically constructed. Construction postulates the existence of a
form of political rationality in the initiation process of developing and finalizing the violent
behavior of politicians. In this perspective, we seek, first, to understand the many real issues
that underlie the choice of violence politicians. This includes structuring the party system
tensions, configurations related parties and performances that grant violence a strategic and
symbolic value in the partisan relations. Therefore, politicians, eager to mobilize, trying to
explain, through the media, their violence. Moreover, we highlight, mobilization strategies of
discursive resources, material or technique refined by politicians in a binding context to make
effective violence. These strategies determine the levels of violence. Thus, there is a routine
violence that expresses the conflict confined to the partisan field and radical violence that
exports during social crises and mobilizations.

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On ne saurait s’intéresser à l’histoire et à la politique sans se rendre compte du rôle immense que la violence
n’a cessé de jouer dans les affaires et le comportement des hommes. Il paraît assez surprenant, à première vue
que, la violence ait si rarement fait l’objet d’une analyse ou d’une étude particulière (…). On voit à quel point la
violence et l’arbitraire qui en est inséparable peuvent être considérés comme des choses normales, et de ce fait,
négligées (…)1.

1Hannah Arendt, Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine , Paris, Calmann-
Lévy, 1972, p 11.

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INTRODUCTION GENERALE :

Même lorsque leur cruauté heurte profondément notre entendement, certains événements peuvent être
compréhensibles dans leur enchaînement. L’objectif étant posé, on peut recomposer analytiquement la
rationalité instrumentale, axiologiquement neutre, mise en œuvre pour l’atteindre2.

La violence doit être abordée comme constitutive des rapports sociaux. (…) Seule une lecture contextualisée des
phénomènes de violence peut permettre d’en faire apparaître le sens3.

2 Paul Zawadzki, « Travailler sur des objets détestables : quelques enjeux épistémologiques et
moraux », in Revue internationale des sciences sociales , n° 174, 2002, p 577.
3 Patrick Baudry, « La pathologisation de la violence », in VEI Enjeux , n° 126, septembre 2001, p 38.

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Justification de l’objet de l’étude :
Cette thèse est une étude portant sur la violence des partis politiques au Sénégal.
Généralement, le choix d’un objet de recherche est justifié par l’importance que lui accordent
les chercheurs qui expriment un jugement de valeur et des convictions. Parfois, la conjoncture
sociale ou politique (une émeute médiatisée par exemple) peut conforter le chercheur dans son
jugement. Cependant, nous privilégions l’objet violence en raison de son potentiel heuristique
très élevé. En effet, au Sénégal, la violence est un objet plus ou moins délaissé par les
politistes. Très peu d’efforts sont fournis pour analyser, décortiquer, comprendre les logiques
qui fondent les actions de violence (Cf revue de littérature). Cette thèse a donc l’ambition de
contribuer de façon décisive au développement de la recherche universitaire sur la violence
partisane au Sénégal.
Délimitation spatio-temporelle de l’étude :
Nous étudions la construction de la violence partisane de 1960 à 2014. La séquence
historique est longue. Elle couvre la période postindépendance (après 1960), celle de la
libéralisation politique ( 1974) et enfin l’avènement de la deuxième alternance ( 2012-2014 ).
Cette séquence historique décrit une trajectoire de la violence qui se produit dans la
compétition des partis politiques sénégalais. Certes, la période coloniale a permis
d’expérimenter un multipartisme et une compétition électorale. Mais, les acteurs furent
exclusivement des « blancs » ou des « métis ». La réforme politique permet la généralisation
de la citoyenneté française après la seconde guerre mondiale (1946) et l’entrée en force des
indigènes dans les partis politiques. Pourtant, la vie politique est déterminée par l’exigence de

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l’assimilation à la métropole4. L’après-indépendance (après 1960) a permis l’éclosion de
partis politiques centrés sur des questions nationales. Les réformes constitutionnelles de 1974
et 1981 ont consacré le retour du multipartisme. Les années 2000, 2012 et 2014 ont permis de
poursuivre le multipartisme.
Revue de littérature sur la violence partisane au Sénégal :
La violence des partis politiques peut être considérée comme une lacune dans la
recherche universitaire. La recherche universitaire demeure, de manière étonnante, trop
rarement consacrée à la violence politique, notamment la violence dans les partis politiques,
en dépit de l'importance qu'elle occupe dans l'histoire du Sénégal.5
Le Sénégal souffre d’un retard considérable en matière de recherche sur la violence
partisane, contrairement aux pays occidentaux. En effet, jusqu’ici, il n’existe pas de véritables
et d’abondantes études scientifiques consacrées à la violence partisane. Ce vide institutionnel
débouche sur une carence voire une pauvreté des publications. C’est là un défaut quantitatif,
qui n’empêche pas que la thématique de la violence partisane soit disséminée dans les
multiples analyses de la vie politique sénégalaise. Mais, il subsiste aussi un problème
qualitatif lié au type d’approche proposé. On peut avancer trois hypothèses pour comprendre
cette situation.

4 Antoine Tine, « De l’un au multiple et vice versa ? Essai sur le multipartisme au Sénégal (1974-
1996) », in Polis, Revue camerounaise de Science Politique , Vol 1, n 3, août 1997, pp 61-105.
5Gerti Hesseling, Histoire politique du Sénégal. Institutions, droit et société , Paris, Karthala ; Leiden,
Afrika-Studiecentrum, 1985 ; François Zuccarelli, La vie politique sénégalaise, 2 tomes : 1- 1789-
1940 ; 2- 1940-1988 , Paris, CHEAM, 1987 et 1988.

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1)- D’abord, le manque d’intérêt des politistes sénégalais pour l’étude de la violence
des partis politiques serait lié au caractère « répulsif » de cet objet. La violence, présentée
comme une agression physique et morale, serait naturellement un objet « mauvais »,
« détestable » ou « phobique », dépourvu de valeur et de signification particulière. Elle ne
mériterait donc pas que le politiste s’y attarde6. Associée à un imaginaire de complots et
de scélératesses, la violence en politique ne renverrait qu’à la « face sombre » de la vie
politique et se situerait du côté de la mort. La violence serait alors un « mal » banal et un
domaine privilégié des « jugements de valeurs ». Ce qui rend d’autant plus difficile
l’effectivité d’une « neutralité axiologique ».
2)- Ensuite, cette carence provient de ce que la violence en politique pourrait être
envisagée comme relevant d’une certaine expertise, sous la forme d’une analyse
empiriquement bien documentée. Les sciences sociales devraient produire des jugements
empiriquement établis sur les causes de la violence, pour le compte des pouvoirs publics ou
des organisations non gouvernementales.
Par exemple, en 2011, un travail sur la violence électorale a été publié : « Les
violences dans le processus électoral au Sénégal : 2000-2011 »7. Ce travail de recherche
présente deux insuffisances importantes.

6 Paul Zawadzki, « Travailler sur des objets détestables. Quelques enjeux épistémologiques et
moraux », in Revue internationale des sciences sociales , vol 4, n°174,2002, pp 571-580.
7 Sémou Ndiaye et alii, « Les violences dans le processus électoral au Sénégal : 2000-2011 », in
Rapport du LAREG , commandité par USAID, décembre 2011.

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1. La séquence temporelle est trop courte. Cela ne permet pas de donner de la profondeur
historique à l’étude. Une séquence temporelle plus longue permettrait d’éclairer les
continuités et les discontinuités en matière de violence partisane, lors des élections.
2. La dimension exclusivement électorale de la violence ne permet pas de restituer la
complexité et la diversité de la violence partisane.
La posture de l’expertise pousse à repérer les causes, les régularités, les forces, les lois
de la violence. Elle permet aussi de situer les différentes responsabilités, de mesurer les
conséquences de la violence partisane et de proposer des solutions. Le rapport du symposium
sur « la démocratie à l’épreuve de la violence politique au Sénégal »8 reprend globalement la
posture experte sur la violence partisane. L’objectif n’était pas de comprendre le processus de
la violence, mais d’identifier les causes de cette « pathologie »9 sociale et politique qui
« gangrène le fonctionnement de la démocratie sénégalaise ». Ce symposium organisé par le
collectif des victimes des violences pré-électorales de 2012 devrait permettre d’identifier des
axes de lutte contre la violence partisane au profit des pouvoirs publics.
L’explication causale de la violence pose une série de problèmes lancinants. Sur le
plan cognitif, elle n’éclaire pas correctement les enjeux politiques de la violence. La politique
n’est pas considérée comme un ressort de la violence. La violence, telle qu’elle est analysée
par l’approche causale, est « infra-politique ». Autrement dit, elle est engendrée par des

8 Symposium « la démocratie à l’épreuve de la violence politique au Sénégal », Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, 27-28 mai 2014.
9 Me Abdoulaye Tine et Mme Amsatou Sow Sidibé ont estimé que la violence est une pathologie du
système politique sénégalais.

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facteurs extérieurs, économiques10 ou psycho-sociaux11. Or, additionner les causes ne permet
jamais de comprendre le passage à l’acte violent. Aucune violence ne peut être expliquée
uniquement en se limitant aux causes. Dans cette perspective, Hannah Arendt estimait que :
« Dans le domaine des sciences historiques, la causalité n’est qu’une catégorie
totalement déplacée et source de distorsion. Non seulement, la signification véritable
de tout événement dépasse toujours toutes les “causes” passées qu’on peut lui
assigner, mais le passé lui-même n’advient qu’avec l’événement en question. […]
L’événement éclaire son propre passé, il ne saurait en être déduit ».12
Par ailleurs, l’explication causale de la violence comporte un paradoxe moral. Si l’on
considère que les individus sont mus par des forces qui les déterminent, ils ne sont pas sujets,
mais objets. S’ils sont objets, ils ne sont pas responsables. On ne peut pas reprocher à un
individu d’avoir commis un acte qui, de toute façon, est entièrement déterminé. Appréhender
les faits des hommes comme des choses, comme des faits objectifs ou naturels, cela revient à
se désintéresser de l’intention de l’action. La nécessité historique, mise en évidence par
l’explication causale, empêche la possibilité de penser la liberté et la responsabilité de l’auteur
de la violence.

10 L’analyse du phénomène révolutionnaire dans le sillage de l’approche comparative socio-historique
du politique de Barrington Moore reprend cette posture de la causalité économique. Les structures
économiques déterminent des situations révolutionnaires parfois violentes. Cf Barrington Moore , Les
origines sociales de la dictature , Paris, Maspero, 1969.
11 La violence est perçue comme une déviance historique. Cf James Davies, “Toward a Theory of
Revolution” in American Sociological Review , vol 27, 1962, pp 5-19.
12 Hannah Arendt, La nature du totalitarisme, Paris, Payot, 1990, pp 54-55.

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3)- Enfin, le caractère souvent très sensationnel de la violence pousse les médias à
s’emparer du sujet et à le traiter de manière événementielle et spectaculaire, en dictant ainsi
la dimension médiatique du « scoop » et l’actualité au recul analytique des politistes. Le
regard des médias sur la vie politique, c’est-à-dire « la manière dont les journalistes
professionnels sont conduits à rendre compte des événements politiques, à proposer des
interprétations, (…) à formuler des grilles de lectures (…) »13, ne produit pas des
connaissances théoriques et scientifiques sur la violence, des connaissances objectives et
désenchantées, avec la distanciation critique nécessaire. Néanmoins, le regard journalistique
permet de pendre les faits comme des objets qui procurent au chercheur des assises
empiriques à sa recherche. Il permet aussi d’analyser la capacité des hommes politiques à
agir ou à façonner leur environnement. Il existe une « surcharge médiatique » de la violence
en politique. Dans cette perspective médiatique, deux recherches importantes ont été menées
par deux journalistes : Marcel Mendy et Abdou Latif Coulibaly.
Marcel Mendy a publié : la violence politique au Sénégal de 1960 à 200314. L’ouvrage
fait un riche inventaire des actes de violence au Sénégal. C’est un véritable travail empirique.
Mais, sa portée théorique est très faible. D’ailleurs, la violence politique y est faiblement
conceptualisée. Elle est confondue avec la violence partisane.
Abdou Latif Coulibaly a publié : Sénégal Affaire Me Seye : un meurtre sur
commande15. Il a entrepris un véritable travail d’investigation. Il a fait la chronique de

13 Philippe Braud, Sociologie politique , Paris, LGDJ, 2006, p 10.
14 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , Conakry, Tabala, 2006.
15 Abdou Latif Coulibaly, Sénégal Affaire Me Seye : un meurtre sur commande , Paris, L’Harmattan,
2005.

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l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel sénégalais en 1993. Le témoignage
d’Ibrahima Diakhaté, un des co-auteurs de l’assassinat, a constitué la trame de l’ouvrage. Cet
assassinat est intervenu dans un contexte général de violences postélectorales. A ce niveau, la
violence n’est pas envisagée du point de vue de son assise théorique, de sa signification
politique et de ses différentes manifestations.
A notre connaissance, il n’existe jusqu’ici que deux études sur la violence partisane
menées dans le cadre de la recherche universitaire et dignes d’intérêt pour un politiste attaché
à la distance scientifique, celle notamment de la « neutralité axiologique » chère à Max
Weber.
Dans les années 2000, il y eut la publication d’un article sur la violence partisane au
Sénégal par un politiste sénégalais Alioune Badara Diop : « Espace électoral et violence au
Sénégal (1983-1993) : l’ordre public otage des urnes »16. C’est la violence électorale qui est
analysée et disséquée. L’approche théorique s’inspire du paradigme du comportement
collectif ou de la « frustration/agression »17. Les frustrations, c’est-à-dire les écarts entre les
attentes (la satisfaction escomptée de certains besoins) et la réalité vécue (la satisfaction réelle
de ces besoins), expliqueraient le passage à la violence. C’est une publication importante qui a
permis de comprendre certains aspects de la violence électorale liée au processus de
démocratisation au Sénégal, à la compétition entre les partis politiques et à la contestation de
l’ambition hégémonique du Parti Socialiste.

16 Alioune Badara Diop, « Espace électoral et violence au Sénégal (1983-1993) : l’ordre public otage
des urnes », in Afrique et Développement , vol XXVI, n° 1&2, 2001, pp 145-1993.
17 Ted Gurr, Why man rebel? Princeton, Princeton University Press, 1970.

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L’insuffisance de cette recherche réside dans sa dimension purement électorale.
L’analyse de la violence partisane manque d’ampleur analytique, car d’autres formes de
violences partisanes ne sont pas étudiées. La violence partisane se manifeste à l’intérieur des
partis politiques et entre les différents partis politiques. Elle oppose des militants d’un même
parti ou des partis antagoniques. Il y a plusieurs formes de violence partisane. La violence
partisane est donc complexe et polymorphe ; elle n’est pas toujours liée à des questions
électorales.
Les linguistes sénégalais s’intéressent également à la violence partisane. C’est plus
exactement la violence verbale qui est disséquée. Par exemple, Mouhamed Abdallah Ly a
publié : « Anthropologie et de l’imaginaire des discours politiques populaires : note sur la
violence verbale dans le débat politique au Sénégal »18. Il a entrepris une analyse de l’impact
de l’imaginaire social dans la production linguistique de la violence dans le débat politique au
Sénégal. C’est une véritable anthropologie du langage de la violence, à travers laquelle
l’auteur explore l’enracinement social et historique des mots et des images de la violence
utilisés dans les discours politiques.
Cadre théorique et conceptuel :
Le constructivisme est un paradigme dont le domaine d’application a connu une
extension appréciable depuis la publication des travaux de Berger et Luckman19. Il existe des

18 Mouhamed Abdallah Ly, « Anthropologie et de l’imaginaire des discours politiques populaires :
notes sur la violence verbale dans le débat politique au Sénégal », in Signes, Discours et Sociétés (en
ligne), publié en janvier 2012, consulté le 09 avril 2014 à 15h 45.URL.http://www.revue-signes.info/
19Peter Berger et Thomas Luckman, La construction sociale de la réalité , Paris, Armand Colin, 1996.

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courants ou des sensibilités du constructivisme : l’individualisme méthodologique20, le
structuralisme bourdieusien21, l’interactionnisme symbolique22, l’analyse stratégique23. La
variété des approches ne doit pas être comprise comme un signe d’incohérence de la
démarche constructiviste. Une approche intégrée et entrecroisée de ces différents courants
théoriques permet d’entrevoir une complémentarité entre ceux-ci et de rendre compte, plus
facilement, de la variété qui caractérise la violence. Il existe un consensus fort sur deux points
fondamentaux : 1)-l’adoption d’une méthode qualitative et 2)- l’étude des interactions sociales
et politiques comme objet privilégié.
La méthode qualitative se démarque de l’approche positiviste qui privilégie l’étude de
la nature, assimilée à une essence sociale et politique. En assignant une essence à la politique,

20 L’individualisme méthodologique est une démarche qui consiste à analyser les faits sociaux et
politiques à partir des actions, des réactions et des interactions entre les individus. Les structures et
institutions sociales reçoivent une signification à partir des intentions des acteurs.
21 Le constructivisme structuraliste de Pierre Bourdieu est à la jonction entre l’objectif et le subjectif.
La réalité objective désigne les structures inconscientes ou invisibles qui contraignent les actions des
individus. La réalité subjective signifie que les structures sociales sont socialement fabriquées et
transformées pour le compte d’un groupe social dominant qui veut organiser, contrôler et façonner les
relations individuelles. Les structures ne sont donc pas des facteurs extérieurs aux individus.
22 L’interactionnisme symbolique postule trois idées principales. D’abord, les individus agissent en
fonction du sens qu’ils accordent aux choses, aux valeurs et aux signes ou symboles. Ensuite, ce sens
est produit à partir des interactions sociales. Enfin, ce sens est manipulé ou modifié par le biais d’une
interprétation subjective destinée à permettre l’interaction, l’échange ou la relation.
23 L’analyse stratégique postule l’idée selon laquelle, les relations interpersonnelles sont caractérisées
par des rapports de pouvoir, où chaque acteur élabore des stratégies pour augmenter son pouvoir ou
pour se prémunir du pouvoir des autres. L’ensemble de ces stratégies s’agrègent pour devenir
un « système d’action concret ».

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on conçoit alors la violence comme un fléau extérieur à une communauté politique attachée
aux valeurs démocratiques. Une frontière est dressée entre le normal et le pathologique. On
peut caractériser la nature essentielle de la politique : dire ce qu’elle est et dire ce qu’elle n’est
pas.
La violence serait aussi déterminée par des lois observables qu’on peut quantifier.
Contrairement à une idée très répandue, la distinction entre méthode qualitative et méthode
quantitative ne dépend pas du type de données recueillies. Il ne suffit pas de traiter des
données qualitatives comme des idées, des notions, des concepts ou d’élaborer des jugements,
des théories et des analyses empiriques, pour considérer que l’on adopte une méthode
qualitative. De même, une méthode quantitative ne se caractérise pas, nécessairement et
uniquement, par des mesures comme des chiffres, des nombres et des statistiques. La mixité,
une tendance récente dans la recherche, rend désuète cette dichotomie fondée sur le type de
données.
« Des méthodes qui traitent à la fois des données qualitatives et quantitatives,
permettant un meilleur ciblage du recueil d’information ou la triangulation des
informations. Ces méthodes mixtes sont développées à l’intérieur d’un même type de
recherche, qualitatif ou quantitatif. Elles visent à améliorer la compréhension du
phénomène et éventuellement renforcer la validité interne de la recherche en
améliorant le recueil et le traitement des données ».24

24 Marie Josée-Avenier et Catherine Thomas, « Mixer quali et quanti pourquoi faire ? Méthodologie
sans épistémologie n’est que ruine de la réflexion ! », in Cahier de recherche , n° 2011-06 E4, 2011, p
4.

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La recherche qualitative se caractérise plutôt par le type de recherche qui définit un
cadre qualitatif que le chercheur doit respecter . Elle procède de manière inductive25. Il s’agit
de comprendre, de façon approfondie ou intensive, un terrain supposé spécifique. La première
étape consiste à mener une enquête de terrain exploratoire. La seconde étape conduit à
formuler une problématique de recherche. La troisième étape revient à proposer des
hypothèses de travail. La recherche qualitative conduit à la production d’un « savoir local »
qui signifie que la connaissance construite est étroitement liée aux réalités du terrain que le
chercheur isole et étudie. On comprend mieux pourquoi les constructivistes se refusent à une
comparaison qui serait une simple généralisation, qui se ferait uniquement par la
confrontation et la mise en relation des réalités étudiées. Mais, il subsiste une difficulté
sérieuse : comment peut-on décréter des « savoirs locaux » ou spécifiques avant de les avoir
comparés26 ? Les constructivistes ont trouvé la parade en adoptant le principe de précaution,
qui consiste à supposer que les résultats des études ne sont pas aisément transférables à des
situations ou à d’autres contextes.
Nous pensons que la comparaison constitue la suite logique de l’approche
constructiviste. La comparaison permet de vérifier la spécificité des terrains étudiés et de
tester la dimension généralisante ou universalisante des postulats constructivistes utilisés par
les chercheurs dans leurs études, pourvu que les conditions soient remplies.

25 Véronique Nguyên Duy et Jason Luckerhoff, « constructivisme/positivisme : où en sommes-nous
avec cette opposition ? », in Recherches qualitatives , Hors séries, n° 5, 2007.
26Giovani Sartori, « Bien comparer, mal comparer », in Revue internationale de politique comparée ,
vol 1, n° 1, 1994, pp 19-36.

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Le constructivisme propose d’appréhender les relations ou interactions entre individus.
Les constructivistes mettent en exergue deux attributs importants des interactions sociales et
politiques : 1)-leur conflictualité et 2)-la subjectivation/objectivation de la réalité.
Dans la science politique africaine, la « construction » est parfois opposée à la
« formation ». Les deux processus recouperaient deux réalités. La construction désigne « un
effort conscient pour créer un appareil de contrôle ». La formation renvoie à un « processus
historique en grande partie inconscient et contradictoire de conflits, de négociations et de
compromis entre différents groupes, dont les actes et les échanges, motivés par intérêt,
constituent la vulgarisation du pouvoir ».27
L’opposition entre « construction » et « formation » peut être dépassée. Les deux
réalités qu’elle désigne sont inséparables. En vérité, les réalités sociales et politiques existent
à travers un faisceau d’interactions humaines qui sont conflictuelles. Le conflit est renforcé
par le caractère instable et complexe des interactions.
1. L’instabilité désigne l’inconstance dans l’évolution des interactions humaines. Celles-
ci sont caractérisées, paradoxalement, par des ruptures et la continuité. Le dérèglement
ponctuel des routines politiques, des normes sociales de comportement, augmente les
tendances conflictuelles. D’où une absence de linéarité qui pose aussi un défi
particulier au chercheur. Il n’est pas toujours possible d’opérer une opposition radicale
entre des périodes de rupture et de continuité. L’étude de la violence ne peut ignorer
ce paradoxe qui rend difficile la comparaison historique, qu’elle soit qualitative ou

27 Bruce Berman et John Lonsdale, Unhappy Valley. Conflict in Kenya and Africa , Ohio, Ohio
University Press, 1992, p 5.

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quantitative. Il existe souvent des trajectoires paradoxales, des renversements de
tendance dans une évolution historique28.
1. La construction est un processus marqué par une grande complexité qui renvoie à la
diversité des acteurs, au nombre incalculable d’interactions, d’inter-rétroactions, à
l’enchevêtrement des intérêts et motivations personnels. Les institutions et les réalités
sociales sont le produit de multiples différents acteurs. La complexité signifie aussi la
variabilité des situations, des positions ou postures, des stratégies, des jeux et des
ressources mobilisées par les hommes politiques sénégalais (ressources symboliques,
matérielles, humaines).
Le constructivisme s’intéresse aussi aux univers subjectivés ou objectivés, fabriqués
dans le cadre des interactions et qui leur servent de supports. La sociologie constructiviste lie
donc objectivation et subjectivation des réalités sociales,29 et les considère comme deux
processus fortement imbriqués. La subjectivation décrit un processus d’intériorisation qui
renvoie aux formes de sensibilité, aux perceptions, aux prises de position et aux
représentations des acteurs. Bien souvent, les détracteurs du constructivisme en donnent une
version caricaturale qui réfute toute recherche d’objectivité. Ils l’associent au « relativisme »
ou au « subjectivisme »30. Le relativisme signifie que la réalité objective n’existe pas ou n’est

28 Michel Wieviorka, « Le nouveau paradigme de la violence », in Cultures & Conflits [En ligne]
29-30, 1998, mis en ligne le 16 mars 2006, consulté le 06 juillet 2015. URL : http://
conflits.revues.org/
29Nicolas Roussiau et Christine Bonardi, Les représentations sociales. Etat des lieux et perspectives ,
Hayen, Mardaga, 2001, p 40.
30 Marc Loriol, La construction du social , Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012.

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qu’invention ou convention et que les idées se valent. Le subjectivisme signifie que la réalité
est ce que l’on pense, croit ou décide, en tant qu’individu. D’ailleurs, pour certains analystes,
le constructivisme présente une contradiction logique : comment dire que la réalité sociale est
construite et considérer que certains phénomènes sont objectifs ?-Si le constructivisme postule
qu’il faut étudier uniquement les formes contingentes et historiques, comment délimiter
l’objectivité d’une recherche ?-Comment faire une recherche sur la violence, si l’on n’est pas
capable d’en délimiter les contours objectifs ?
Le constructivisme n’implique pas un hyper-relativisme dans lequel la recherche de la
« vérité » serait fluctuante, soumise aux manipulations des acteurs sociaux. L’approche
constructiviste ne se confond pas non plus avec le subjectivisme. Une construction aboutie
s’impose comme une contrainte difficile à dépasser et objective. Le monde social est constitué
de diverses constructions, plus ou moins objectivées. L’objectivation désigne un mouvement
qui transforme l’abstrait en concret.
Elle se rapporte à l’allocation d’images aux notions abstraites, à l’attribution d’une
texture concrète aux idées, à l’établissement d’une correspondance entre les objets et
les mots31.
Elle produit logiquement des institutions solides ou durables. L’objectivation est
différente d’une autre notion avec laquelle on la confond souvent : l’ancrage. Ce dernier
consiste à rendre familier ce qui, auparavant était bizarre, c’est-à-dire une « intégration

31Mogos Andrea Alina, Réalités sociales médiatisées. Représentations sociales des Roumains dans la
presse écrite française , Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, Paris,
Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis, 2009, p 36.

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cognitive qui vise une réduction des idées étranges à des catégories et à des images connues
et leur placement dans un contexte familier ».32
La signification de la notion de « violence » est polysémique. Cela en fait un concept
aux significations diverses et parfois contradictoires, un concept plutôt plurivoque, une sorte
de « grappe ». Elle gagne en extension, ce qu’elle perd nécessairement en précision.
L’étirement conceptuel de la violence se manifeste par l’extension de ses domaines. Outre le
politique, la violence est associée à plusieurs domaines tels que l’économique, le social,
l’anthropologique, le psychologique, le droit, l’histoire… Pour définir la violence en science
politique, on l’associe souvent à trois notions fondamentales : pouvoir, légitimité et
agressivité.
1. Violence politique et agressivité : la violence est une attitude agressive physique ou
symbolique. « (…) L’attitude (agressive) implique un pôle conduite (elle se traduit
par des comportements) et un pôle caractérisation (elle est une prise de position vis-à-
vis de l’objet) »33. L’agressivité désigne des : « attitudes et des comportements à la
fois dynamiques et destructeurs. Source de créativité aussi bien que responsable de
dommages ou altérations dans le système social. »34. Il existe une agressivité
symbolique qui s’exprime à travers les signes et une agressivité physique qui mobilise
le corps.

32 Ibid
33 Madeleine Grawitz, « Psychologie et politique », in Madeleine Grawitz et Jean Leca (sous la
direction de), Traité de science politique , tome 3, Paris, Puf, 1985, p 22.
34 Philippe Braud, Sociologie politique , Paris, LGDJ, 2006, p 699.

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2. Violence et pouvoir politique : la violence est une ressource du pouvoir. Une ressource
du pouvoir est un moyen par lequel s'instaure et s'affermit la domination. Elle est donc
un mécanisme de résolution du conflit, c’est-à-dire l’imposition d’une volonté
particulière. Le type de ressource mobilisée détermine la nature du pouvoir. La
violence caractérise le pouvoir coercitif par opposition au pouvoir non coercitif35 qui
mobilise d’autres ressources comme la persuasion, la séduction et la rétribution.
3. Violence politique et légitimité : la violence est la manifestation des conflits de
légitimité politique. Plus le pouvoir est légitimé, plus la violence est invisible. Lorsque
la légitimité d’un ordre politique donné est peu ou mal faite, lorsqu’elle se défait ou se
refait, lorsqu’elle est contestée, la violence (ré) apparaît, et le pouvoir se défend par la
violence. Les conflits de légitimité ne peuvent être régulés pacifiquement.
Le terme « partisan » désigne ce qui a trait aux partis politiques. Le parti politique est
un objet canonique de la science politique. La définition d’un parti politique renvoie à un
groupe, c’est-à-dire à un « ensemble d’individus ayant entre eux davantage de relations
qu’avec les autres, ou à tout le moins, un certain niveau d’interaction ».36 Le parti politique
cherche la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir politique. Trois critères
permettent de définir un parti politique : 1) un personnel politique ; 2) une activité
politiquement orientée vers la conquête et l’exercice du pouvoir ; 3) des interactions entre le

35 Pierre Clastres, La société contre l’Etat , Paris, Minuit, 1974.
36 Jean et Monica Charlot, « Les groupes politiques dans leur environnement », in Madeleine Grawitz
et Jean Leca (sous la direction de) , Traité de science politique , tome 3, p 431.

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personnel politique et son environnement social37. Comment se manifeste la violence
partisane ?
1/ La violence partisane a donc des acteurs et des cibles privilégiés : les professionnels
politiques. Les professionnels politiques sont des « hommes politiques » qui, selon la formule
de Max Weber, vivent de la politique et pour la politique38. La politique n’est pas une
activité occasionnelle, elle est permanente. Ces professionnels de la politique animent la
compétition pour le pouvoir politique.
2/ La violence partisane repose sur une motivation : la conquête et la conservation du
pouvoir. Ce critère permet de différencier la violence des partis politiques de celle d’autres
groupes politiques, comme les groupes de pression et les syndicats. Les groupes de pression
n’ont pas pour vocation de conquérir le pouvoir. Leurs actions de violence sont destinées
plutôt à influencer le fonctionnement du pouvoir.
3/ La violence partisane s’inscrit dans un contexte relationnel : un parti n’est pas un
« vase clos », une organisation non pas fermée, mais ouverte. Il est l’expression du
pluralisme, qui n’existe par la relation et la concurrence avec d’autres partis politiques La
spécialisation de l’activité des partis politiques n’induit pas leur isolement social. Il existe des
relations propres à la sphère politique (relations à l’intérieur des partis politiques et entre
partis politiques, relations entre hommes politiques et acteurs institutionnels) et des relations

37 C’est une définition mixte qui mêle à la fois une approche sociologique qui privilégie les notions de
« milieu » ou de « réseaux » et une approche entrepreneuriale inspirée de Weber et fondée sur le
primat de l’autonomie politique pure. Cf Daniel Louis-Seiler, Les partis politiques, Paris, Armand
Collin, 2000.
38 Max Weber, Le savant et le politique , Paris, Plon, 1959.

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étendues à la sphère sociale (relations entre partis politiques et mouvements sociaux, groupes
de pressions, médias, acteurs religieux…). Ces relations constituent proprement l’origine et et
la raison de la compétition partisane.

Méthodologie de terrain :
« Le propre de la méthode (…) est d’aider à comprendre au sens le plus large, non les résultats de la
recherche scientifique, mais le processus de recherche lui-même. » Madeleine Grawitz, Méthodes des
sciences sociales, Paris, Dalloz, 2001, p 15.

Nous voulons faire une sociologie politique en profondeur des acteurs. Une sociologie
des partis politiques au Sénégal est nécessaire. Elle permet d’éviter le piège d’une
« politologie de la carte postale »39, qui se résume à une pure description et à l’énoncé de
simples préjugés. Le terrain donne une profondeur historique, une crédibilité scientifique, une
épaisseur empirique et une chair sociale aux connaissances produites. La problématique de
notre thèse nous incite à recourir à une enquête de terrain qui comprend plusieurs étapes

39 L’expression appartient à Luc Sindjoun qui invite le politiste à dépasser le confort des explications
superficielles, dépourvues de toutes données empiriques.Cf Luc Sindjoun, L’Etat ailleurs, Entre noyau
dur et case vide , Paris, Economica, 2002, p 7.

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hiérarchisées : 1) l’exploitation des données empiriques ; 2) l’observation empirique ; 3) les
entretiens individualisés ; 4) une interprétation des données de l’enquête.
1. L’exploitation des données empiriques :
Très souvent, nous avons utilisé des enregistrements audiovisuels. Nous avons
visionné une centaine d’enregistrements contenant des discours et des émissions radio ou
télédiffusées. Les séances furent parfois longues, mais nécessaires et particulièrement utiles.
Dans cette tâche, la consultation des archives nationales fut d’une grande utilité. Enfin, nous
avons analysé des textes divers (tracts, fascicules, déclarations d’intention, statuts officiels de
partis politiques…). Cette première étape fut très générale. Elle a permis notamment de tâter
le terrain, de se faire une idée sur les pistes de recherche. La phase de l’observation empirique
nous a davantage rapproché des partis politiques, du milieu partisan, de ses acteurs, de ses
réalités.
2. L’observation empirique :
Nous avons accompli une série d’observations . Nous avons ainsi participé,
couramment, à des manifestations et à des réunions de partis politiques. Par exemple, nous
avons participé à la manifestation organisée par le « M23 » à Thiès durant la campagne
électorale, pour les élections présidentielles de 2012. Nous avons été aussi des témoins de la
répression policière de la manifestation organisée par le « Mouvement des tailleurs de Thiès »
en 2011. Des membres du parti Rewmi avaient pris part à cette mobilisation. Ainsi, nous
avons pu établir des contacts, recueillir des confessions et se rapprocher plus de la réalité.
Cela nous a permis d’observer de très près les attitudes, d’épier les conduites, d’être à l’écoute
des différents discours partisans, d’être un témoin privilégié de l’action partisane. Cette
démarche est insuffisante. En plus, il y a eu des entretiens individualisés qui nous ont permis

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de donner une dimension plus importante à l’enquête, de recueillir directement des
informations auprès des acteurs politiques.
3. Les entretiens individualisés :
L’entretien est une technique d’enquête privilégiée par la méthode qualitative. Il
permet de s’exprimer librement sur des thèmes définis. Deux séries d’entretiens ont été
menées auprès des personnes ressources de différents partis politiques ou groupes : des
« entretiens libres » et des « entretiens semi-directifs », plus structurés, élaborés à partir d’un
guide d’entretien. Concernant la première série d’entretiens libres, la population interrogée
concerne à la fois des responsables politiques, des militants des partis politiques, des
manifestants. Entre octobre 2012 et mars 2013, nous avons interrogé soixante (60) personnes,
essentiellement dans les régions de Thiès et de Dakar. Nous avons interrogé, en détail, dix
jeunes (10) qui ont participé aux « manifestations du 23 juin », vingt-cinq (25) militants de
partis politiques, dix (10) responsables politiques locaux, quinze (15) personnes sans
appartenance politique déclarée.
Pour la deuxième série d’entretiens semi-directifs, nous nous sommes intéressés
particulièrement aux partis politiques « Rewmi », « Alliance Pour la République » (APR),
« Parti Socialiste » (PS), « Parti Démocratique Sénégalais » (PDS) et « Alliance des Forces de
Progrès » (AFP). Dans cette perspective, nous avons interrogé vingt (20) militants par parti
politique. Ce qui fait, au total, cent (100) personnes interviewées. Les entretiens se sont
déroulés entre août 2013 et février 2014.
Les lieux de rencontre pouvaient être professionnels, familiaux et institutionnels.
Nous avons profité du stage de trois semaines effectué à la mairie de Thiès, lors d’une enquête

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sur les contribuables, commanditée par la Banque Mondiale, pour nouer des relations avec des
militants et des responsables politiques.

Figure 1 : répartition mensuelle des entretiens auprès des militants de Rewmi,
APR, PDS, AFP.

L’usage de l’entretien comporte un écueil important : la langue de bois des politiques.
Cette caractéristique des hommes politiques est exacerbée par la qualification morale de la
violence. En effet, la violence est perçue comme une inconduite, comme une anti-valeur
répréhensible, condamnable pénalement et moralement inacceptable. Elle est donc voilée par
une forme de pudeur, surtout lorsqu’elle est basée sur des motivations vénales. Très peu de
responsables politiques acceptent de s’identifier à la violence. Ils exigent de témoigner de
manière anonyme et cherchent toujours à masquer leurs intentions. Le risque pour le
chercheur est d’obtenir des réponses esquivées.
Les militants, acteurs des violences partisanes, se prêtent mieux aux entretiens,
lorsqu’ils sont approchés de manière informelle. Toutefois, il existe chez certaines personnes, 0510152025
août-13 sept.-13 oct.-13 nov.-13 déc.-13 janv.-14 févr.-14Série 1
Série 1

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une tendance à la vantardise, à l’ostentation, car elles associent à la violence des valeurs de
courage, d’audace, de détermination… Par conséquent, des précautions s’imposent pour
analyser et interpréter les données recueillies à l’occasion de ces entretiens. A ce niveau, il
n’existe pas de techniques applicables à toutes les situations. Nous avons usé de subterfuges,
de tact et de persuasion pour obtenir des informations. Les entretiens comportent, en plus des
informations fournies par les personnes interrogées, des éléments qualitatifs qui renvoient à ce
qu’ils peuvent dire et comment ou pourquoi ils le disent ou pas.
4. Une interprétation des données qualitatives :
L’interprétation des entretiens réalisés et des observations effectuées part du modèle
de « l’Analyse de Contenu »40. C’est une méthode qui cherche à rendre compte de ce qu’ont
dit les interviewés de la façon la plus fiable possible. C’est une technique de recherche pour la
description objective, systématique et qualitative des propos tenus par les enquêtés, contenus
dans les faits observés ou dans les discours. La procédure comprend la retranscription, puis le
codage des informations et enfin le traitement des données.
La première étape dite « retranscription » fait l’inventaire des informations recueillies
et les met en forme par écrit. Ce texte appelé « verbatim », représente les données brutes de
l’enquête. La retranscription organise le matériel d’enquête sous un format directement
accessible à l’analyse.
Le « codage » exploite les textes d’interview, les idées admises, les notes qui
consignent les faits observés et les discours énoncés. Il décrit, classe, répertorie et transforme
les données qualitatives brutes en fonction de la grille d’analyse, c’est-à-dire en fonction des

40 B. Berelson, Content Analysis in Communication Research , The Fee Press, 1952.

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critères et des indicateurs que l’on appelle catégories d’analyse. Les unités de codage, encore
appelées unités d’analyse, établissent la façon de coder les catégories d’analyse. L’unité
syntaxique est une phrase ou un groupe de mots du verbatim des interviews ou des notes
d’observation. Elle peut être une unité verbale (les mots principaux d’une phrase) ou une unité
lexicale (mots-clés substantifs, adjectifs, verbes, noms…). L’unité sémantique interprète
l’idée exprimée par les répondants et en dégage la signification.
Le traitement des données qualitatives mêle un point de vue sémantique et une
approche statistique. Dans le cas du traitement sémantique, l’analyse étudie le sens des idées
émises ou des mots énoncés. Il mêle l’approche empirique (les faits observés), l’approche
lexicale (les mots utilisés) et l’énonciation (le sens qu’il leur donne). Ce type de traitement de
données s’adapte mieux à l’analyse des entretiens approfondis, caractérisés par de très longs
développements et des digressions. D’abord, nous avons repéré les mots-clés qui sont
récurrents, puis nous avons cherché à déterminer le sens exprimé par les idées de façon
explicite ou implicite.
Le traitement statistique permet d’analyser les données qualitatives. Le sens des
interviews et des observations est traité par le moyen de la visualisation graphique des
données à travers des diagrammes. Le traitement statistique nous a permis d’éclairer les
grandes tendances historiques en matière d’allégeances et d’identifications partisanes au
Sénégal.

Problématique :

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« La problématique renvoie à ce qu’on cherche à expliquer, ce avec quoi on le
mettra en relation et le type de relation qu’on envisage entre les deux premiers
éléments. »41
L’articulation entre construction politique et violence repose sur l’idée selon
laquelle la violence n’est pas une nécessité ou une fatalité politique. Elle constitue plutôt un
choix possible, un risque politique réaliste42, lié au caractère volontaire, contingent et
conflictuel des interactions politiques. L’expérience de la construction politique est
étroitement liée au risque de la violence43. De fait, la politique et la violence constituent deux
domaines qui sont très souvent confondus.

41 Raymond Quivy et Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales , Paris, Dunod, 1995, p
87.
42 La notion de « risque » s’oppose à celle de la « nécessité ». Le risque désigne un phénomène perçu
comme dangereux, une représentation de la tragédie politique, phénomène politique qui est éventuel (il
se réalise de temps en temps) et plus ou moins prévisible. Un phénomène est dit nécessaire lorsqu’il se
réalise toujours, à tous les coups.
43 Cette thèse s’oppose radicalement à celle de Hannah Arendt. Pour Hannah Arendt, la violence est
anti-politique. Donc, la violence doit être exclue du domaine politique, car elle est une menace contre
celui-ci. La violence se rattache principalement à une justification qui empêche de penser le politique
selon ses effets. La violence se fonde sur une vision instrumentale ou sur la nécessité historique. Or, en
politique, les types de rapport instaurés de manière immanente par les modes d’action comptent plus
que les buts et moyens. C’est à une posture phénoménologique des effets politiques et antipolitiques
de la violence à laquelle Arendt nous invite. Arendt établit une double distinction entre l’acte violent et
l’action politique.L’action politique pure se distingue de l’acte politique violent. La première révèle les
principes de base d’une communauté humaine fondée sur l’idée d’interaction. L’action violente
n’éclaire pas les principes de base d’une communauté politique, mais obstrue l’espace politique. Elle
entraine la confiscation de l’action politique. Cf Hannah Arendt, Du mensonge à la violence ,
trad.G.Durand, Paris, Calmann-Lévy, 1972.

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La démocratie préconise une « forclusion de la violence »44. Ce principe signifie que
les acteurs politiques doivent renoncer à la violence dans leurs relations. Ce renoncement à la
violence s’appuie sur une valorisation des règles publiques et des procédures comme l’acte
électoral. La « civilité électorale »45 signifie que l’élection est perçue comme un facteur de
civilisation, de modernité politique, de citoyenneté, de pluralisme et de paix. Elle serait un
refus de la force brutale, le règne du droit et de la paix. Le rite électoral rejette l’agressivité
politique46. En effet, le vote fait appel à une mystique fondée sur la volonté souveraine du
peuple et sur le sentiment d’appartenance à une communauté de citoyens. Le vote s’apparente
alors à un « rite de communion », de célébration d’une unité psycho-sociologique (nation) et à
un mécanisme d’enregistrement des opinions et des frustrations sociales.
Il convient de ne pas confondre démocratie et démocratisation, pour éviter du coup
une survalorisation et une absolutisation du principe de la « forclusion de la violence ». La
démocratie est un idéal-type au sens où l’entend Max Weber, c’est-à-dire une abstraction qui
aide à comprendre certains phénomènes observés, sans prétendre que les caractéristiques de
ceux-ci se retrouvent parfaitement et toujours dans ces phénomènes. Il s’agit donc d’une
forme d’idéalisation qui n'a qu'une simple valeur logicienne. Nous ne saurions déduire la
réalité à partir d’un idéal-type.

44 Ce concept traduit en réalité une philosophie de la « non-violence ». C’est le refus de reconnaître la
légitimité de la violence qui fonde le concept de « non-violence ». Et il importe non seulement de
refuser de légitimer la violence, mais encore il faut la délégitimer.
45 Olivier Ihl, « La civilité électorale : vote et forclusion de la violence en France », in Cultures &
Conflits, 09-10 (Printemps-été 1993).
46 Philippe Braud, Le comportement électoral en France , Paris, PUF, 1973.

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Par contre, la démocratisation désigne une construction historique du consensus sur le
pluralisme politique. Comme toute construction, la démocratisation est un processus politique
instable, incertain et très complexe, qui expérimente de multiples tensions, dont la résolution
requiert parfois l’usage de la violence. Il ne faudrait pas réduire artificiellement les tensions,
les indéterminations et le jeu de ses variables à un jeu de quilles ou à un exercice aléatoire.
Déjà, à propos des sociétés politiques européennes occidentales, considérées comme des
« success story » ou des trajectoires politiques réussies, Philippe Braud nous avertit que le
processus de construction de la démocratie pouvait s’accommoder de la violence politique,
sans être menacée dans sa survie47. La violence politique est donc souvent un phénomène
sous-jacent à la démocratisation. Pour certains acteurs, elle peut être la seule réalité qui
apparaît sur la scène publique.
L’approche constructiviste a surtout contribué à promouvoir l’idée selon laquelle la
violence est un comportement rationnel. Le chercheur peut ainsi analyser, interpréter et
comprendre la violence. Dans les sciences sociales, le concept de rationalité caractérise
généralement un comportement fondé sur l’usage de la raison.
Il existe deux niveaux de rationalité : 1) la rationalité du dessein ou but, qui désigne
des choix avisés, comportant des objectifs perçus comme favorables et des intentions jugées
cohérentes. 2) la rationalité opérationnelle renvoie à l’utilisation de méthodes, de moyens
efficaces pour atteindre les buts. Il s’agit d’une rationalité instrumentale qui adapte des
moyens en vue d’une fin (ce que Max Weber nomme la « rationalité en finalité »).

47 Philippe Braud (sous la direction de), La violence politique dans les démocraties européennes
occidentales , Paris, L’Harmattan, 1993.

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La rationalité est limitée. Les acteurs ne bénéficient pas toujours de toutes les
informations pour prendre des décisions rationnelles et agir en toute connaissance de cause.
Le décideur n’est pas sûr que ses choix aboutissent aux conséquences qu’il avait envisagées.
Il évolue le plus souvent dans un environnement contingent. La contingence décrit des
« carrières » qui désignent « des séries de choix sous contrainte, effectués en situation et pour
partie, déterminés socialement et historiquement. D’une certaine façon, place est laissée aux
aléas, à l’incertitude-qui est celle des acteurs qui ne connaissent pas la fin de l’histoire, mais
aussi aux effets de composition propres aux situations d’interdépendance »48.
Cependant, la violence est souvent considérée comme une déraison ou un délire. Elle
serait un phénomène volcanique. La violence renvoie alors à un désastre naturel, à une
explosion, à une « éruption irrationnelle d’agression aveugle »49. La fureur ou la cruauté
seraient les moteurs de la violence. La fureur conduit l’homme « à accomplir des actes sans
raisonner, sans parler, sans réfléchir et sans prévoir les conséquences »50. La cruauté « est
totalement ludique, (…) le sens disparaît entièrement au profit du non-sens, il s’abolit dans la
jouissance pure, dans la désocialisation complète du sujet, réduit à son animalité »51. Dans
ce cas, peut-on trouver un sens à la violence qui semble s’enraciner dans l’absurde ? Absurde,
la violence ?

48 Annie COLLOVALD et Brigitte GAÏTI, La démocratie aux extrêmes. Sur la radicalisation
politique, Paris, La Dispute, 2006, p 32.
49 Rod Aya, “Theories of Revolution reconsidered: Contrastng Models of Collective Violence”, in
Theory and Society , vol.8, 1979, pp 39-99.
50 Hannah Arendt, Du mensonge à la violence , op cit, p 163.
51 Michel Wieviorka, « La cruauté », in Le Coq-héron , vol 3, n° 174, 2003, p 115.

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« (…) L'absurde en lui-même est contradiction. Il l'est dans son contenu, puisqu'il (…)
est vrai que l'on ne peut imaginer une vie privée de tout choix. De ce simple point de
vue, la position absurde, en acte, est inimaginable. Elle est inimaginable aussi dans
son expression. Toute philosophie de la non-signification vit sur une contradiction du
fait même qu'elle s'exprime. Elle donne par là un minimum de cohérence à
l'incohérence, elle introduit de la conséquence dans ce qui, à l'en croire, n'a pas de
suite. La seule attitude cohérente fondée sur la non-signification serait le silence, si le
silence à son tour ne signifiait. L'absurdité parfaite essaie d'être muette »52.
Dire que la violence n’a pas de sens, témoigne donc d’une méconnaissance de ce que
signifie le concept de sens et de la diversité de la violence. Le sens de la violence peut
désigner tour à tour une intention, une volonté, un choix, une perception, un jugement, un
calcul, qui s’expriment toujours en relation avec un contexte social ou politique particulier. En
outre, la violence est un phénomène protéiforme. Il serait ainsi très réducteur de l’appréhender
comme une simple manifestation cruelle et de ne pas y déceler, par son intermédiaire, une
construction sociale ou politique plurielle.
« Derrière les apparences de la pure gratuité, de la violence pour la violence, la
cruauté la plus extrême peut fort bien renvoyer à des significations qui font sens, au
moins du point de vue de l’auteur. (…) Un crime peut fort bien avoir été accompagné
de cruautés apparemment inutiles, mais qui relevaient en fait d’une certaine logique,
et notamment avaient une portée symbolique »53.

52 Albert Camus, L’homme révolté , Paris, Gallimard, 1951, pp 16-17.
53 Michel Wieviorka, « La cruauté », op cit, p 174.

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Jusqu’où peut-on comprendre la violence ?-Notre volonté de comprendre toujours la
violence ne relève-t-elle pas d’une ambition démesurée ou naïve ? La compréhension
implique une « pensée élargie » qui désigne « la capacité de penser en se mettant à la place
de tout autre avec lequel nous partageons la même humanité » 54. Dans les cas de violences
extrêmes comme les génocides, cette pensée élargie est absente chez les bourreaux qui
considèrent leurs victimes comme des choses, des animaux et des démons qu’il faut éradiquer
ou exterminer55. Cette violence est mystérieuse. Elle n’est pas impossible à comprendre.
Néanmoins, elle constitue une difficulté redoutable qui éprouve notre faculté de penser le
tragique.
Il convient de repérer et d’analyser en profondeur les comportements rationnels des
hommes politiques en matière de violence. La question qui mérite d’être posée est celle-ci :
Comment les hommes politiques sénégalais cherchent-ils à rationaliser leurs luttes violentes ?

Hypothèses :
Les hommes politiques sénégalais font le choix de la violence qui comporte toujours
des enjeux multiples. Les enjeux désignent des aspirations ou des objectifs auxquels les
hommes politiques accordent une valeur particulière. Les enjeux sont construits à partir de
problèmes politiques réels, suscitent des controverses ou des tensions, incitent à la
mobilisation. Ensuite, les hommes politiques s’efforcent, à travers des pratiques rationnelles,
de produire la violence partisane, sous ses formes physique et verbale. L’analyse de la

54 Paul Zawadzki, op cit, p 578.
55 Ibid.

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construction de la violence partisane comporte donc deux aspects importants : 1) les enjeux de
la violence partisane et 2) la production de la violence partisane.
Hypothèse 1:
Au Sénégal, la construction des enjeux de la violence partisane révèle deux tendances :
1)-les tensions qui structurent le champ partisan ; 2)-la médiatisation de la violence.
Les tensions structurent le système partisan sénégalais. Elles désignent des conflits
violents dus à l’extrême fragilité du consensus politique sur les règles du jeu de la
compétition. D’abord, les configurations partisanes, c’est-à-dire les réseaux de relations
humaines qui existent à l’intérieur des partis et entre les partis, sont caractérisées par de
nombreux conflits de pouvoir qui mobilisent la violence comme mécanisme d’arbitrage
politique. Une lecture sociologique des identifications et des allégeances partisanes montre
que le lien qui unit les militants à leurs formations politiques est fondé, le plus souvent, sur
des motivations d’ordre économique et identitaire. Cette situation expose les militants à être à
la solde d’entrepreneurs de la violence. La faiblesse du consensus politique sur les institutions
démocratiques et les règles électorales, constitue une source importante de tensions entre les
partis politiques sénégalais. Elle donne lieu à un choc des ambitions et des stratégies
politiques que la démocratie a du mal à réguler.
Par ailleurs, il existe des tensions symboliques entre les acteurs politiques dont l’enjeu
principal est l’imposition de la violence partisane. Les hommes politiques s’opposent sur la
valeur à accorder à la violence dans leurs relations. Les mots imposent des justifications de la
violence contradictoires. Pour certains, la violence est surtout un moyen efficace qui a le
pouvoir d’affaiblir, d’humilier et d’éliminer un adversaire ou un outil pour résister à la
« tyrannie ». Pour le camp du pouvoir, la violence est davantage une ressource politique

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précieuse pour conserver sa domination politique. Elle est traduite par des mots tels que la
« force publique », « l’ordre public » ou la « discipline ».
Du reste, les hommes politiques veulent rendre visible la violence. Elle leur assure la
mobilisation des militants. Pour réussir cette entreprise, les hommes politiques sénégalais se
tournent vers les médias. Les médias tendent à être des objets de manipulation politique et de
construction de la violence. Ils jouent le jeu des partis politiques. Ainsi, les médias
s’emballent et diffusent à grande échelle les scènes de violence. Le grand public est souvent
attiré, fasciné par les images de la violence. Ces images exercent des effets directs sur les
téléspectateurs ou lecteurs. Cependant, ce pouvoir des médias doit être nuancé. De plus en
plus, il existe des systèmes qui réglementent les conditions de diffusion des images et de
régulation de la violence partisane. En outre, les téléspectateurs peuvent aussi faire valoir leur
« libre arbitre » pour rejeter et condamner les images de violence.
Hypothèse 2 :
Les hommes politiques mobilisent différentes ressources qui leur permettent d’exercer
la violence avec efficacité. Les discours partisans incitent à la violence. Ils portent sur le
pouvoir. L’analyse montre que les discours sont souvent argumentés, qu’ils utilisent des
rhétoriques et recourent à l’émotion. Les discours de la violence oscillent entre le « logos » et
le « pathos ». Ils peuvent utiliser un vocabulaire guerrier, révolutionnaire ou sécuritaire. Les
discours partisans déterminent aussi les attributs, les fonctions et les rôles de la violence.
L’usage de l’émotionnel dans les discours partisans permet de mobiliser les mots de la haine,
de la colère, de la souffrance, mots exprimés dans les insultes et les injures politiques. Le
registre de l’émotion ne se limite pas seulement aux insultes et injures. Il s’appuie aussi sur

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une construction symbolique du territoire où l’espace, qui sert de cadre au discours partisan,
évoque une mémoire douloureuse, un trauma historique ou un passé héroïque.
L’utilisation des armes et le recrutement des nervis, fauteurs de la violence, constituent
des moyens pour exercer efficacement la violence partisane. Les armes sont des outils qui
permettent d’intensifier la violence. Les nervis ou miliciens sont recrutés le plus souvent dans
le milieu de la lutte sénégalaise et sont préposés à être des gardes du corps au service des
hommes politiques. Ils participent à la plupart des actions de violence.
Il y a différents niveaux de la violence partisane. D’abord, il existe une violence
partisane routinière liée aux nombreux conflits qui restent confinés dans le champ partisan.
Ces conflits, qui existent entre les partis politiques et à l’intérieur des partis politiques, sont
institutionnels (violence anomique), électoraux (violence électorale), identitaires (violence
fanatique) et économiques (violence mercenaire).
Ensuite, les hommes politiques sénégalais espèrent des gains politiques de leurs
actions de violence. Ils profitent des opportunités ouvertes par le contexte social ou le système
politique pour entreprendre une radicalisation de la violence. Dans des situations de crises
sociales importantes, les opposants tentent d’instrumentaliser et de contrôler les mobilisations
sociales. L’objectif est de faire pression sur le pouvoir, afin d’entamer des marchandages
politiques. Les tenants du pouvoir veulent surtout réprimer les opposants pour assurer leur
survie politique.
Cette surenchère de la violence partisane engendre des traumatismes. Les victimes
estent en justice et font pression sur les autorités politiques, pour la reconnaissance et la
réparation des dommages subis. Mais, cet effort bute le plus souvent sur une forme
d’impunité dont bénéficient certains hommes politiques, à cause de leur statut qui les protège.

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Pour contourner ces difficultés, les hommes politiques sénégalais proposent aux victimes la
compensation financière.
Nous étudions les enjeux de la violence partisane (PREMIERE PARTIE) et la
production de la violence partisane (DEUXIEME PARTIE).

PREMIERE PARTIE : LES ENJEUX DE LA VIOLENCE PARTISANE

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« L'enjeu, dit le dictionnaire, c'est l'argent que l'on met en jeu en commençant la
partie et qui doit revenir au gagnant et, par extension, ce que l'on peut gagner ou
perdre dans une compétition (…) »56.

La définition des enjeux est importante pour comprendre ce qui se joue au cœur des
violences partisanes, pour trouver une signification aux jeux de pouvoir. Le mot enjeu est
employé sans restriction dans la vie courante. Tout est susceptible de devenir un enjeu
politique de nos jours. L’enjeu politique est banalisé à telle enseigne qu’il est difficile de

56 Daniel Gaxie et Patrick Lehingue , Enjeux municipaux , Paris, PUF, 1984, p 9.

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donner un sens précis à cette notion. Cependant, si l'enjeu semble relever de l'évidence, il urge
de dégager ses caractéristiques. Qu’est-ce qu’un enjeu politique ?-A quoi reconnaît-on un
enjeu politique ?-Quelles sont les conditions d’existence d’un enjeu politique ? L’enjeu
politique repose sur trois éléments fondamentaux :
1)- La croyance dans la valeur de la « mise » ou du « trophée politique », objet des
jeux de pouvoir. « Si les enjeux politiques sont considérés comme importants bien que de
manière très inégale selon les époques et selon les agents, c'est qu'ils présentent de l'intérêt
dans la mesure où ils affectent ou sont perçus comme affectant les intérêts, c'est-à-dire une
part (variable) de ce qui importe non seulement aux joueurs, mais aussi à une partie
(variable) des spectateurs. »57. La valeur de l’enjeu politique est donc constitutive des
représentations des hommes politiques qui ne sont jamais les mêmes ;
2)-Les enjeux émergent à partir des problèmes politiques réels, générateurs de
controverses, de tensions, de compétitions, appelant de la part des acteurs politiques des jeux
d’alliance et d’opposition58 ;
3)-Les enjeux suscitent de la part des hommes politiques une mobilisation générale
pour donner force expressive à leurs demandes, aspirations, désirs et besoins, sous le regard
de l’opinion publique, en profitant de la caisse de résonance médiatique59.
Au Sénégal, les manifestations de la violence partisane présentent deux enjeux
fondamentaux. Il s’agit, d’une part, des tensions durables qui sont d’ordre institutionnel (les

57 Daniel Gaxie et Patrick Lehingue , op cit, p 32.
58 Jacques Chevalier, Questions sensibles , Paris, PUF, 1998
59 Ibid.

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configurations partisanes) et symbolique (les représentations de la violence) et, d’autre part,
de la médiatisation de la violence qui exprime un enjeu de communication.
Les tensions au sein des partis et entre les partis politiques constituent un premier
enjeu majeur des violences partisanes au Sénégal. Le recours à la violence témoigne des
dissensions profondes, des désaccords entre les acteurs politiques. Ces dissensions sont
protéiformes. Elles soulèvent de nombreux problèmes intriqués et très complexes : la
distribution des avantages matériels et symboliques à l’intérieur des partis, les
positionnements identitaires, les résultats électoraux, la mise en œuvre des réformes
institutionnelles, les justifications de la violence….
Par ailleurs, les promoteurs des violences partisanes cherchent à mobiliser leurs
partisans. Dans cette perspective, les médias sont sollicités pour rendre visibles les actions de
violence. L’espace médiatique de la violence partisane est caractérisé par une pluralité de
discours. Les images de violence qui circulent dans les médias sont construites, dotées d’une
signification particulière et peuvent fasciner les téléspectateurs.
Nous analyserons successivement les tensions structurantes du système partisan
sénégalais (chapitre I) et la médiatisation de la violence partisane (chapitre II).

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CHAPITRE PREMIER : Les tensions structurantes du système partisan.

La démocratisation sénégalaise génère un type de conflit particulier : les tensions
politiques. Les tensions politiques désignent des conflits qui ne sont pas susceptibles d’être
résolus pacifiquement dans un premier temps, en raison de la profondeur du désaccord et
parce qu’ils manifestent une extrême fragilité du consensus sur la légitimité des solutions ou
des arbitrages définis par les institutions démocratiques. A chaque fois que le consensus
politique est faible, voire mal fait ou se défait pour se refaire, il subsiste des blocages ou des
impasses politiques. On parle davantage de tensions durables ou de crises permanentes et de
dissensions pour signifier la résolution violente des conflits de pouvoir sur la scène politique.
Le système partisan sénégalais expérimente de multiples tensions. Ces tensions
s’expriment à travers les configurations des partis politiques. Ainsi, les allégeances et les
identifications partisanes, qui sont fondées sur des logiques économiques et identitaires, sont
en contradiction avec le principe de participation politique. La participation, dans un parti,
suppose un socle idéologique commun. Au contraire, les partis politiques sénégalais sont
structurés autour de multiples factions. Les règles démocratiques promues officiellement ne
parviennent pas à réguler la compétition que se livrent les différentes factions. En outre, les
tensions qui structurent le système partisan sont aussi liées au processus de démocratisation.
En effet, les jeux, les ambitions et les stratégies des hommes politiques tendent à fragiliser le
consensus politique. Ces conflits, qui portent sur la légitimité des institutions et des règles qui
organisent la compétition partisane, sont souvent résolus au moyen de la violence.
Les hommes politiques s’opposent aussi sur le sens et la valeur à donner à la violence.
Les contradictions portent sur les représentations de la violence. Les interprétations et les

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justifications de la violence partisanes’entrechoquent. Certains partis cherchent à euphémiser
ou à ignorer l’ampleur de leur propre violence. D’autres veulent surtout stigmatiser leurs
adversaires pour justifier une violence contre eux.
Les tensions s’expriment à travers les configurations partisanes (Section I) ou les
représentations de la violence (Section II).
SECTION I/ Les configurations partisanes.

Les partis politiques peuvent être considérés comme des structures d’un système
d’interactions et de tensions politiques. Selon l’expression de Norbert ELIAS , les relations
partisanes forment une « configuration » de rapports interdépendants, dont l’enjeu est le
contrôle du jeu et l’exercice du pouvoir. Le terme de « configuration » est l’affirmation d’une
relation antagonique entre des figures différentes. Il est proposé comme un outil conceptuel
pour gérer la contrainte sociale et permet d’accorder une attention particulière aux équilibres
et aux ruptures d’équilibre entre les rapports de force. Norbert ELIAS s’en explique en
utilisant le modèle du jeu de cartes :

« Quatre hommes assis autour d’une table pour jouer aux cartes forment une
configuration. Leurs actes sont interdépendants. (…) il est évident que le déroulement
du jeu découle des interpénétrations des actes d’un groupe d’individus
interdépendants. (…). Ce qu’il faut entendre par configuration, c’est la figure globale
toujours changeante que forment les joueurs ; elle inclut non seulement leur intellect,
mais toute leur personne, les actions et les relations réciproques. Comme on peut le

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voir, cette configuration forme un ensemble de tensions. L’interdépendance des
joueurs, condition nécessaire à l’existence d’une configuration spécifique, est une
interdépendance en tant qu’alliés mais aussi en tant qu’adversaires »60.

Le terme « configuration » désigne un réseau de relations humaines. Ce qui relie les
personnes au sein d’une configuration, ce sont les interdépendances. L’interdépendance
désigne une relation interactive entre des individus ou des partis politiques antagoniques. Ils
peuvent exercer l’un contre l’autre une contrainte mutuelle et une adversité en raison de leur
interdépendance.
Les configurations partisanes s’organisent autour de relations d’adversité en vue de
conquérir ou d’exercer le pouvoir politique. Ces relations de compétition manifestent des
déséquilibres dans l’interdépendance entre des individus ou des groupes d’individus. Ces
antagonismes au sein des configurations partisanes peuvent se transformer en tensions
permanentes, en conflits violents, lorsque le gain de la victoire pousse certains acteurs à
contourner les règles du jeu, ou à en introduire d’autres, complexifiant davantage les
interactions.
C’est la raison pour laquelle les configurations partisanes ne sont jamais des entités
statiques. En réalité, elles se transforment de façon permanente. Elles émergent de façon
processuelle d’une configuration antérieure, évoluent au gré des activités des personnes qui la

60- Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ? Contributions à la sociologie de la connaissance ,
trad. de l’allemand par Michèle Hulin. Avant-Propos de Roger Chartier, Paris, Fayard, 1993, p. 157.

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composent, et peuvent continuer à évoluer ou à se transformer de façon radicale pour donner
naissance à un autre type de configuration.
L’étude des configurations partisanes s’intéressent principalement aux identifications
et allégeances partisanes d’une part (PI) et, d’autre part, à la démocratisation et aux
compétitions partisanes (PII).

PARAGRAPHE 1 / Identifications et allégeances partisanes.

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« C’est que les partis politiques sont, dans une société traversée par des clivages multiples, des lieux de
réactivation des appartenances plurielles des individus (…) et d’instrumentalisation des ressources
diverses pour conquérir ou renouveler la légitimité sociale ».61

La violence est une ressource du pouvoir à la disposition d’acteurs qui l’utilisent
contre des adversaires, pour conquérir et conserver le pouvoir. Elle manifeste une relation de
pouvoir entre un individu A, disposant d’un intérêt particulier pour le recours à la violence, et
un individu B qui subit cette violence.
La nature des allégeances fabriquées par les partis politiques sénégalais devient une
question cruciale pour comprendre les violences partisanes. La loyauté et l’identification du
militant à son parti d’appartenance est une dimension fondamentale des violences partisanes.
L’allégeance partisane renvoie à un acte de soumission, de fidélité, de loyauté et d’obéissance
du militant. Elle traduit une construction fondée sur les modes d’identification et
d’engagement des militants.
Le parti politique est nécessairement une organisation politique hiérarchisée, cohérente
et globalement unitaire. Il y a un lien de dépendance hiérarchique entre les leaders politiques
et les militants qui exécutent les décisions, en se mobilisant pour faire élire les leaders. Tout
parti politique est un groupe structuré, ordonné, discipliné, reposant essentiellement, comme

61 Antoine Tine, « Allégeances politiques et légitimation démocratique. Eléments pour une théorie de
la pluralisation des identifications partisanes au Sénégal. », in Polis. Revue camerounaise de science
politique, vol 7, numéro spécial, 1999-2000, p 11.

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l’explique Julien Freund, reprenant entre autres Max Weber, Nicolas Machiavel et Carl
Schmitt, sur les dialectiques « commandement-obéissance » et « ami-ennemi ».62
L’APR, actuel parti sénégalais au pouvoir prévoie dans ces dispositions statutaires une
section intitulée « Discipline ». L’article 20 stipule que : « la discipline dans le parti est une
exigence envers tous les militants. Les initiatives et actes de nature à entacher l’image du
parti sont fortement proscrits. Les contrevenants à ces dispositions peuvent faire l’objet de
sanctions disciplinaires. ». Les sanctions disciplinaires peuvent aller du simple avertissement
à une mesure aggravante, comme une exclusion définitive.
La démocratie tente d’atténuer la relation « commandement-obéissance », en
préconisant la participation des militants. La participation politique est un attribut essentiel de
la démocratie. Elle atténue le risque d’un détournement de la volonté populaire au profit des
dirigeants politiques. Ce risque est plus aigu au niveau des partis politiques qui auraient une
tendance naturelle à l’oligarchie63. La participation politique requiert l’exercice d’une liberté
d’expression et d’opinion, l’exercice d’un droit de critique, par lesquels les militants donnent
leurs avis dans des discussions politiques.

62 Julien Freund, L’essence du politique , Paris, Sirey, 1986 (1965).
63 Roberto Michels, Les partis politiques : essais sur les tendances oligarchiques , Paris, Flammarion,
1971.

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Les organes de base des quatre principaux partis politiques64 se ressemblent. Ces
organes doivent permettre la consultation et garantir l’autonomie des militants. Les principaux
organes de base sont : la cellule, le secteur, la section, le comité, la fédération…
L’article 9 du statut de l’AFP qui présente la cellule, stipule que : « la cellule est la
structure de base du parti, au niveau des quartiers, dans les villes comme dans les villages.
La cellule est un organe de recrutement, de mobilisation, d’information des militants du
parti.». La dimension consultative apparaît davantage dans l’article 10 qui présente le
collectif de quartier ou de village en ces termes : « (…) Le collectif recueille les avis et les
suggestions des militants ».
L’organisation du PS65 prévoie comme organes de base : le comité, la section et la
coordination. Le comité est : « la cellule de base du Parti Socialiste. Il est une unité de
voisinage et un organe de proximité. (…) Il recueille les avis et les suggestions des militants.
Il prend en compte l’ensemble des besoins des populations ».
L’organisation interne du PDS66 obéit à la même logique institutionnelle. Au sein de
ce parti, il existe des organes politiques de base comme la cellule, la section, le secteur, la

64 Il s’agit dans l’ordre de l’APR parti au pouvoir, du PDS, du PS et de l’AFP. Cet ordre prend en
compte les résultats du premier tour des élections présidentielles de 2012. Même si ces formations
politiques ont constitué des coalitions larges et hétéroclites dans le cadre de ces élections. On peut
affirmer que ces quatre partis ont acquis des positions dominantes dans les coalitions par rapport aux
autres partis membres dont le poids électoral est souvent négligeable.
65 Disponible sur le site web du parti.http://www.ps-sénégal.com/ consulté le 1er octobre 2013 à 14h
29.
66 Disponible sur le site web du parti : www.pds.sn/ consulté le 1er octobre 2013 à 14h 25.

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fédération…qui constituent des espaces d’échange, de dialogue et de critique contributive à
différents niveaux : régional, départemental, communal et rural.
Enfin, l’APR prévoie comme structures de base : le comité, la section, la coordination
communale, la coordination rurale, la délégation départementale, la convention régionale et la
délégation des Sénégalais de l’extérieur67. Au niveau de chaque organe de base, il existe une
Assemblée générale qui fait office d’organe de délibération et de courroie de transmission des
instances supérieures.
Les dispositions institutionnelles internes des différents partis offrent l’image d’une
gouvernance démocratique qui donne une place prépondérante aux militants. Mais, la réalité
politique est beaucoup plus complexe. La ruse des partis politiques sénégalais les amène à
privilégier un système d’allégeance partisane informel qui révèle une faible autonomie
politique des militants. Il existe des tensions entre le cadre institutionnel ou formel et les
pratiques politiques.
Les partis politiques sénégalais ne sont pas des lieux privilégiés de gouvernance
participative. Les critiques à l’égard de la démocratie interne des partis politiques sont
nombreuses. Antoine Tine qui analyse le fonctionnement du PS, parti au pouvoir durant
quarante ans, déclare :

«Même s’il y a, dans ce parti, une organisation très structurée et un grand effort de
recrutement dans les couches populaires, le sommet ne dépend pas de la base, les

67 Statuts disponibles sur le site web de l’APR : www.apr-yaakaar-ccr.com/ consulté le 1er octobre
2013 à 15h.

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militants n’ont pas un rôle décisif dans le fonctionnement et les orientations du parti.
En fait, la base n’y émerge pas à titre de partenaire et de puissance dans l’action
politique du parti. Elle est le réceptacle des desseins hégémoniques d’un « bureau
politique » et de classes dominantes. La masse peut être considérée comme une
matière première ».68

La critique peut être perçue comme sévère. Elle révèle la domination des décideurs
politiques sur les militants. L’explication de cette domination réside dans les modes
d’identification. Ce sont les motivations politiques, les perceptions, les intérêts, le rapport des
militants à l’action politique, qui conditionnent leur importance dans l’organigramme des
partis politiques. Le travail de la classe dirigeante consiste à exploiter les identifications
partisanes pour en faire des instruments de domination et de violence.
L’analyse sociologique du militantisme partisan sénégalais permet d’éclairer
davantage le contenu des allégeances partisanes. Au Sénégal, les motivations économiques et
identitaires fondent le plus souvent les identifications partisanes .
D’une part, dans un contexte de pauvreté et de misère, il existe une stratégie de
captation des ressources publiques par le biais de l’engagement partisan. Intégrer une
formation politique, y militer durablement permet d’espérer une récompense. D’autre part,

68 Antoine Tine, « De l’Un et du Multiple, vice versa ? Essai sur le multipartisme au Sénégal (1974-
1996) », in Polis, Revue camerounaise de science politique , vol 1, n°3, août 1997, p 234.

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l’invention de la politique au Sénégal est conditionnée par les logiques sociales, qui
produisent des référents identitaires, par lesquels les acteurs s’orientent et s’engagent.69
Par exemple , sur cent militants interrogés, soixante-onze (71%) ont souligné des
raisons économiques pour justifier leur engagement, vingt-cinq (25%) ont avancé des
arguments identitaires et enfin quatre (4%) ont estimé que l’idéologie fonde leur engagement.
Parmi ces quatre militants, un seul était capable de donner une signification à l’idéologie de
son parti d’appartenance (le ¼).70
Au Sénégal, la religion constitue la ressource identitaire dominante dans
l’identification des militants. Par exemple, sur les vingt-cinq militants qui manifestent une
identification identitaire, dix-neuf (soit 76 %), ont estimé que la religion était un élément
principal de l’appartenance à un parti, cinq (soit 20%), ont insisté sur la co-appartenance
ethnique avec les décideurs du parti et un seul militant (soit 4%), évoque l’affinité
géographique comme critère de son engagement.71

Figure 2 : fondements identitaires de l’engagement partisan.

69 Alioune Badara Diop, Logiques sociales et démocratie électorale au Sénégal. Essai de
reconstruction et d’interprétation d’une trajectoire de crise : l’exemple du Fouta Toro , Thèse pour le
doctorat en science politique, Bordeaux, Université Bordeaux IV, 2002.
70 Source : entretiens semi-directifs réalisés auprès des militants de l’APR, du PDS, du PS, de l’AFP
et de Rewmi entre août 2013 et février 2014 (voire introduction).
71 Ibid.

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Globalement, le Sénégal comprend deux grandes religions révélées : le christianisme
et l’islam. L’islam, religion dominante connaît plusieurs pôles confrériques qui se répartissent
en plusieurs autres familles religieuses. Le pluralisme religieux semble bien établi au Sénégal.
fondements identitaires de l'engagement
partisan
affinité religieuse
affinité ethnique
affinité géographique

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« L’islam sénégalais donne sa substance et sa forme au politique (…) ».72 Il existe un rapport
historique entre l’islam confrérique et le pouvoir politique.73
Le but ultime des fondateurs des religions, de ceux qui ont promu les éléments et le
sentiment du religieux, a toujours consisté à rendre les hommes plus aptes à l’obéissance, aux
lois, à la charité et à la société civile. Le travail religieux consiste à produire des liens de
dépendance et de soumission. L’islam développe une perception rigide de l’allégeance. Elle
est fondée sur l’obéissance et la discipline dogmatique au guide qui dispose ainsi d’une
autorité entière. Le fidèle devient un soumis.
La relation entre le fidèle et le représentant de la divinité constitue une figure de ce
système d’allégeance. Cette allégeance est façonnée par la structure de la foi. Celle-ci est
bâtie sur la croyance en un Etre supranaturel et transcendant dont les qualités principales
sont : la perfection, la grandeur, la véracité, la sainteté et la droiture. Le représentant de la
divinité est l’émanation de ces attributs divins et la voie à suivre pour les atteindre. Son
autorité divine est incontestable. Le fidèle qui a consenti à la foi doit se soumettre pour
espérer la félicité.

72 Christian Coulon, Le Marabout et le Prince , Islam et pouvoir au Sénégal, Paris, Predone, 1981 , p
298.
73 Ces rapports remontent à la période coloniale. Les colons se sont appuyés sur la légitimité sociale
des marabouts de l’arachide pour asseoir leur pouvoir et leur contrôle sur la population. Bien que
l’administration française ait pu privilégier le modèle du gouvernement direct (direct rule) fondé sur la
logique de l’assimilation, la durabilité de la colonisation passait aussi par la construction d’une forme
de légitimité, dont elle ne disposait pas, dont les marabouts étaient l’incarnation. Son initiateur était
Paul Marty.

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Dans le champ confrérique musulman, le système d’allégeance entre le fidèle et le
prophète évolue vers une relation entre le taalibé (disciple) et le « cheikh » (guide). Ce dernier
est considéré comme le digne héritier du prophète. A ce titre, il hérite de son autorité divine.
Le taalibé lui doit aussi loyauté, fidélité, obéissance et entière soumission dans la vie ici-bas.
Dans la socialisation de la confrérie mouride, le « jebbelu » ou le pacte d’allégeance
constitue un des piliers. Il fonde l’identité du mouride. Il consiste à répéter le serment fait par
Cheikh Ibra Fall à son guide Cheikh Ahmadou Bamba. Le « talibé » mouride se confie à son
marabout en ces termes :

« Denke naala sama bope, aduna wa allakhira. Lo ma ndiguel ma jef ko ma teere ma
baayi. (Je te confie mon âme et mon esprit ici et dans l’au-delà. Je ferai ce que tu
m’ordonnes et je m’abstiendrai de ce que tu m’interdis) ».74
Par contre, le contrat qui est à la base de l’obligation politique nécessite l’exercice de
la critique et du doute. L’autorité politique n’est ni absolue, ni dogmatique. Elle est
contingente. Pour se reproduire, elle accepte des remises en question. Par conséquent, le
pouvoir politique et la religion établissent des rapports d’obligation contradictoires et
incompatibles entre les individus. Tenter de les unir, revient à créer une situation instable et
semer les graines de la violence.

74 Vernazanni Aurora, « Un réseau religieux à portée sociale et aux enjeux politiques ? Les Baye Fall
du Sénégal entre Touba et Dakar », in Rencontre nationale des jeunes chercheurs en études africaines ,
Paris, France, 11-12 janvier 2013, p 3.

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Le modèle islamique de l’allégeance est instrumentalisé, manipulé et réadapté dans le
champ partisan par des entrepreneurs politiques ou des militants. Les deux modèles-
islamique et politique- de construction des allégeances s’entrechoquent mutuellement. Il y a
un transfert des représentations religieuses qui fondent l’allégeance, créant ainsi une
complexité, une ambiguïté et une tension permanente dans les relations entre militants et
chefs politiques.
Il existe deux niveaux de transfert. Le premier consiste, pour un groupe religieux, à
étendre son domaine traditionnel de références, de repères et d’actions en se constituant en
parti politique ou en soutenant activement un parti politique. Plusieurs partis politiques ont
une connotation religieuse marquée. Aujourd’hui, le guide religieux mouride Serigne
Mouhamadou Kara Mbacké Noreyni a institué un parti politique dénommé Parti de la Vérité
pour le Développement (PVD). Ce parti a participé aux élections législatives de 2012. Il a
obtenu 48553 voix, soit 2,47% du suffrage universel75. Plusieurs autres dignitaires religieux
affiliés à des familles confrériques ont participé à ces élections. Certains ont obtenu des
résultats probants. Il s’agit du Mouvement de la Réforme pour le Développement Social
(MRDS), dont le chef de file est l’imam Mbaye Niang, de la coalition « Faxaas » dirigée par
un fils du guide religieux mouride, Cheikh Béthio Thioune.
Le soutien politique se manifeste souvent par des consignes de vote ou « ndiguel ».
C’est une véritable rupture dans l’interprétation de la fonction, de la place du guide religieux
et de l’islam dans la société sénégalaise. Une nouvelle génération de marabouts, qualifiés de
« marabouts mondains », apparaît. En plus de revendiquer la spiritualité des maîtres soufis, ils

75 Résultats publiés par le Conseil constitutionnel le 12 juillet 2012.http://www.aps.sn/ consulté le 21
mars 2013 à 14h53.

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sont aussi animés de motifs économiques et politiques. Généralement, ces marabouts
bénéficient d’un important soutien au sein de la jeunesse urbaine. Cheikh Béthio Thioune
avait soutenu le PDS lors des élections locales de 2009. Ses disciples avaient envoyé des
messages téléphoniques à leurs frères et sœurs pour leur demander de retirer leurs cartes
d’électeur et d’attendre le signal du marabout, en vue des élections locales du 20 mars. Le
« ndigueul » (consigne de vote) tant attendu est tombé lors du « Maoloud » (commémoration
de la naissance du Prophète). Cheikh Béthio Thioune ordonna à ses talibés de voter la liste de
la « Coalition Sopi 2009 » à Dakar. Dans les années 1990, le Mouvement Tidjane des
« Moustarchidines » était très proche de l’opposition sénégalaise. Par exemple, il militait dans
la Coalition des Forces Démocratiques (CFD).
Le second niveau de transfert concerne surtout l’activité du militant. Le militant qui
adhère à un parti politique peut reconduire le modèle d’allégeance religieuse. Il n’opère pas
toujours une distinction entre l’obligation religieuse dogmatique et l’obligation politique
souple. Les deux ordres sont confondus. Autrement dit, le militant voit à travers le dirigeant
politique, non pas simplement un homme animé par la quête du pouvoir, mais un
coreligionnaire uni au même marabout.
Le dirigeant politique conscient de cela, ce transfert actif de l’obligation religieuse
dans la sphère politique, pousse à cultiver quotidiennement la fibre confrérique à bon escient.
Les visites effectuées par certains dirigeants politiques auprès des chefs confrériques sont
l’occasion de théâtraliser et d’activer cette dimension confrérique. Abdoulaye Wade n’hésitait
pas à s’agenouiller devant le Khalife général des Mourides. La scène vise à confondre les
deux systèmes d’allégeance religieuse et politique.

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L’accès aux richesses économiques constitue un facteur décisif de l’identification et de
l’orientation politique des militants. Le militantisme « alimentaire » est l’expression
caricaturale des motifs économiques de l’engagement politique. Il est un phénomène stable,
structurant les relations partisanes. L’appropriation des richesses constitue le gros enjeu des
phénomènes partisans.
Cependant, il n’existe pas une spécificité culturelle sénégalaise du clientélisme
politique et électoral. L’argent est devenu un ingrédient indispensable aux organisations
partisanes. La politique est aussi une activité fondée sur des incitations ou des rétributions
matérielles aux militants qui ont accepté d’offrir leur soutien en échange des récompenses.
Au Sénégal, l’ampleur de cette pratique clientéliste est considérable. Il y a plus
d’hommes politiques vivant par la politique que d’hommes politiques vivant pour la
politique76. Ces deux figures sont différentes. En vivant par la politique, l’individu tire ses
revenus de l’activité politique. Il n’a aucune autre source de revenus. Il dépend financièrement
de sa fonction politique. Au contraire, l’homme politique vivant pour son activité est
financièrement indépendant. Il est beaucoup plus guidé par ses convictions.
Sur soixante-onze personnes qui ont expliqué leur engagement par des motifs
économiques, trente-cinq (plus de 49%) ont déclaré avoir trouvé un emploi grâce à l’activité
militante, principalement au niveau de la collectivité locale. Trente personnes (plus de 42 %)
ont affirmé qu’elles tiraient l’essentiel de leurs revenus de la redistribution des avantages

76 Max Weber, Le savant et le politique , Paris, Plon, 1959.

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matériels au sein des partis politiques. Enfin, six personnes (soit un peu plus de 8%) ont
estimé qu’elles avaient déjà un emploi rémunéré avant de militer dans un parti politique.77

Figure 3 : niveau de dépendance économique des militants par rapport aux partis.

77 Source : entretiens réalisés au près des militants de l’APR, du PS, du PDS, de l’AFP et de Rewmi.

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La ruse conduit la classe dirigeante à maintenir l’illusion d’un jeu démocratique, à contourner
l’exigence de la formation idéologique des militants. Les « étiquettes idéologiques » sont
davantage des habits d’apparat, un cosmétisme politique. Les hommes politiques sénégalais
pratiquent l’octroi de prébendes ou d’avantages pour récompenser des militants loyaux. Cette
politique de générosité permet de redistribuer les biens économiques, en échange de soutiens
et de la loyauté. Elle permet à la classe dirigeante sénégalaise de mobiliser leurs militants.
Cela débouche sur l’instauration du clientélisme politique.La rareté des biens économiques

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rend sélectif l’accès au marché. Seuls les acteurs qui disposent d’un pouvoir d’achat suffisant
peuvent se procurer les biens économiques rares. Ainsi, la sélectivité est le facteur régulateur
du marché dont le moteur est la rareté. Cependant, le contexte politique sénégalais ne se prête
pas nécessairement à la logique du marché et de la sélection. Il existe deux contraintes qui
pèsent sur les partis politiques et contredisent l’option en faveur du marché politique.

1)-D’abord, les partis politiques mènent une politique de massification et
d’élargissement de leur base sociologique. Une plus grande représentativité sociale augmente
les chances d’accéder rapidement au pouvoir. Dans cette perspective, les partis politiques
sénégalais ressemblent de plus en plus à des « partis attrape-tout »78. Le souci majeur de ce
type de parti politique est de rassembler le plus grand nombre d’électeurs potentiels sur un
programme large. Le parti au pouvoir depuis 2012, l’APR, et la coalition qui gouverne,
« Beno Bok Yakaar », se montrent toujours très actifs en ce qui concerne la massification.
Jadis le PDS79, aujourd’hui l’APR, profitent des opportunités politiques pour encourager le
débauchage de militants d’autres partis politiques et la transhumance. Mais, les positions de
domination qui procurent les capacités financières ne sont pas figées, en raison du caractère
concurrentiel de la démocratie multipartisane. Le changement politique entraîne
systématiquement une remise en cause des allégeances. La « transhumance politique » traduit
le changement des allégeances des militants au profit d’autres partis qui gèrent le pouvoir.

78 L’expression appartient à Otto Kirchheimer.
79 Après l’arrivée au pouvoir du PDS en 2000, Idrissa Seck a été considéré comme le théoricien de la
massification politique. Le PDS a encouragé la transhumance politique.

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2)-Ensuite, il existe, au sein de la société, une demande importante de clientélisme
politique. Elle se crée et se renforce à chaque fois que les lieux d’enrichissement dans la
société sont obstrués et que l’Etat, par l’intermédiaire des gouvernants, affiche des signes
extérieurs de richesse. Cette situation conduit à cristalliser les espoirs d’enrichissement autour
de « l’Etat néo-patrimonial » et des partis politiques qui en sont les intermédiaires naturels.
Les discussions tenues lors d’une réunion des membres du parti politique « Rewmi » à
Thiès, dans le quartier de Diakhao80, confirment bien cette tendance. L’ordre du jour
consistait au recensement de tous les militants au chômage ou sans activités rémunératrices.
La liste établie devait être soumise au nouveau maire d’arrondissement de la ville de Thiès
nord, Alassane Ndiaye, qui promettait de financer des activités lucratives. Conscient de la
rude concurrence qui existe au niveau de son parti, le nouveau maire voulu surtout s’appuyer
sur une clientèle politique pour construire sa légitimité et marchander avec l’instance
dirigeante. Plusieurs autres réunions du même genre se sont tenues dans le quartier, initiées
par d’autres responsables locaux.
En définitive, l’inflation de la demande de clientélisme dans un contexte de pauvreté,
de misère sociale et de massification engagée par certains partis politiques, intensifie la
concurrence entre les militants. Les tensions sont nombreuses et les luttes politiques pour
l’accès aux biens matériels au sein du parti se radicalisent.

80 En 2010, nous avons eu la chance d’assister à quelques réunions politiques de quartier sans pour
autant dévoiler notre intention, ni notre statut de façon à pouvoir recueillir des informations sans
grandes difficultés. C’était dans le cadre d’une observation participative en rapport avec des
recherches menées pour le compte du mémoire de DEA.

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La construction de la démocratie institutionnelle et électorale est aussi une source
importante de tensions entre les partis politiques. Ces tensions sont dues à la fragilité du
consensus politique.

PARAGRAPHE 2/ Démocratisation et compétitions partisanes.

La démocratisation désigne un processus historique de construction du consensus sur
les valeurs démocratiques. Le consensus est un accord sur les valeurs. La particularité de cet
accord, c’est son caractère informel. L’idée d’un « consensus par recoupement »81 repose sur
la possibilité d’ajustement des opinions, des intérêts des uns et des autres et sur l’impératif de
l’intégration politique. Il ne dérive donc pas nécessairement de la procédure du vote, ni de la
majorité électorale. Le consensus emprunte souvent d’autres mécanismes étrangers au
formalisme électoral. Il exclut toute tendance à l’unanimisme social ou politique. Ainsi, il
suffit que les acteurs s’entendent sur la priorité à accorder aux questions politiques.

L’accord qui est à la base du consensus peut revêtir des significations différentes. Le
consensus démocratique doit manifester la libre expression des citoyens et être issu de

81 John Rawls, Libéralisme politique , Paris, PUF, 1995.

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convictions bien pesées. Il nous semble très difficile de croire à l’idée d’un consensus
spontané, naturel, qui surgirait ex nihilo. Le consensus est toujours une affaire de
construction, d’interation politique. Quelle que soit la qualité ou la valeur intrinsèque des
règles, des normes, celles-ci pour être acceptées, doivent être expliquées et légitimées. Du
coup, la discussion est nécessaire à l’édification du consensus.

Le consensus politique s’attache à la légitimité du pouvoir et à son mode d’exercice.
Aujourd’hui, la démocratie comme régime politique, est devenue l’objet privilégié du
consensus politique. La question centrale de la modernité politique et de la recherche du
consensus démocratique, selon Habermas, est celle-ci : « où la procédure démocratique
puise-t-elle la force qui génère sa légitimité ? »82.

Le pluralisme démocratique n’est pas un frein à l’expression d’un consensus politique.
Le pluralisme ne signifie pas une simple juxtaposition des positions différentes, s’opposant de
manière irréductible. La recherche du consensus doit être compatible avec la vision d’un
pluralisme démocratique agonistique et instable. La durabilité d’une démocratie libérale se
mesure à sa capacité à inventer sans cesse des pôles pluriels ou « polyarchiques » (Robert
Dahl) de négociation, de dialogue, de discussion,83 de compromis et de consensus, qui
assurent de manière permanente la recherche d’une unité politique.

82 Dominique Rousseau, « Penser le droit avec Habermas », in Revue de Droit public et de la science
politique en France et à l’étranger , n° 6, nov.-déc 2007.
83 J. Habermas, Espace public : archéologie de publicité comme dimension constitutive de la société
bourgeoise , Paris, Payot, 1997.

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Le consensus démocratique bute sur l’incertitude dans la détermination des positions
de pouvoir. L’institutionnalisation de l’incertitude caractérise la démocratie électorale et
pluraliste, un régime politique dans lequel la dévolution du pouvoir politique se réalise grâce à
une compétition multipartisane.

Le changement politique ou l’alternance permet de pacifier les relations politiques et
supprime les frustrations que pourraient engendrer des dérives impérialistes et hégémoniques.
Au Sénégal, l’absence d’une alternance a provoqué, durant quarante ans, des violences
partisanes menées par l’opposition qui s’estimait lésée par l’hégémonie politique du PS84. Les
élections ressemblaient davantage à de simples rituels destinés à perpétuer l’hégémonie du
parti socialiste au pouvoir. On peut considérer que l’alternance permet le changement
politique sans la violence :

« Il existe d’ailleurs que deux institutions politiques, celles qui permettent un
changement sans qu’il y ait effusion de sang, et celles qui excluent cette possibilité
(…). Pour ma part, je préfère appeler « démocratie » le type de gouvernement qui peut
être révoqué sans violence et réserver à l’autre, l’appellation de tyrannie. »85.

L’intensité du consensus démocratique est variable. Les phases de la construction
démocratique ont une incidence sur le niveau du consensus politique. Dans la phase de
transition, le consensus est précaire. Il est fragilisé par la ruse des acteurs politiques et leur

84 Alioune Badara Diop, « Espace électoral et violence au Sénégal (1983-1993). L’ordre public otage
des urnes », op cit.
85 Karl Popper, in Sémou Pathé Gueye, Du bon usage de la démocratie , Dakar, NEAS, 2003, p 158.

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volonté d’instrumentaliser les règles démocratiques. Ces jeux politiques débouchent sur un
contournement de la démocratie, favorisant un déficit de régulation qui entraîne
nécessairement un déchaînement de violences.

La démocratie n’admet pas la dérive hégémonique qui signifie une domination
autoritaire. Un parti politique hégémonique tend, jusqu’à l’obsession, à conserver le pouvoir,
tentation contre laquelle la politique par son exigence pluraliste s’oppose : « la politique
repose sur un fait : la pluralité humaine »86.

« Un parti dominant est un parti qui gagne une série de mandats populaires
consécutifs (au moins trois, selon Sartori) dans le cadre de véritables élections, des
élections qui sont exemptes de fraudes majeures. Dans ce cas, les partis d’opposition
échouent simplement à modifier le choix des électeurs et à déloger le parti au pouvoir.
Dans le cas des partis hégémoniques, des élections sont organisées mais leur résultat
l’est également (par la fraude électorale ou d’autres moyens) : les autres partis ont le
droit d’exister, mais […] la possibilité d’une rotation du pouvoir n’est en aucun cas
envisagée ».87

La politique, répétons-le, s’enracine dans la pluralité humaine (pluralité des identités,
pluralité des intérêts, pluralité des opinions), c’est-à-dire à la fois relation, sociabilité et

86 Hannah Arendt, Qu’est-ce que la politique , texte établi par Ursula Ludz, trad. de l’allemand et préfacé par
Sylvie Courtine-Denamy, Paris, Seuil, 1995, p. 39.
87 Giovanni M. Carbone et Annabelle Larouche St-Sauveur, « Comprendre les partis et les systèmes
de partis africains. Entre modèles et recherches empiriques », in Politique africaine, vol 4, n° 104,
2006, p 17.

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unicité88. La pluralité ne s’oppose pas à l’unicité : « La pluralité du genre humain ne se réduit
pas à la multiplication des exemplaires d’une espèce ; elle est la paradoxale pluralité d’êtres
uniques »89.

Le pluralisme partisan permet une démultiplication des centres d’intérêt politique ou
des pôles de pouvoir, portés par des partis politiques qui aspirent à conquérir le pouvoir, à
l’exercer et à le conserver.

Le passage à la démocratie est une phase incertaine. Une lecture néo-institutionnaliste
du changement démocratique90 insiste beaucoup sur les héritages institutionnels et politiques
légués par les régimes autoritaires antérieurs (« path dependence » ). Ces éléments survivent
en période de transition, entraînant une hybridité du régime politique. La transition n’est donc
jamais une table rase de la tradition autoritaire. L’institutionnalisation de la démocratie est
largement dépendante des institutions autoritaires précédentes91. Les choix, les motivations et
les calculs politiques effectués reproduisent le conflit institutionnel. Le conflit est inhérent au
changement démocratique, qu’il soit parachuté d’en haut, ou qu’il débouche sur une
révolution sociale.

88 Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne , Agora, (1958), 1983, p 42.
89 Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne , op. cit, p. 232.
90 Mamadou Gazibo, « Le néo-institutionnalisme dans l’analyse comparée des processus de
démocratisation », in Politique et Sociétés , vol 21, n° 3, pp 139-160, 2002.
91 Michel Bratton et Nicholas Van de Walle, Democratic experiments in Africa: Regime transitions in
comparative perspective , Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

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Le passage à la démocratie provoque la confrontation des camps divergents et des
oppositions en concurrence. Pour le camp du pouvoir, la démocratie est une équation
politique. Par contre, l’opposition perçoit la démocratie comme une opportunité politique dans
la conquête du pouvoir. Par conséquent, les conflits permettent d’élaborer des stratégies
d’actions et de mobilisations qui conduisent à des affrontements violents entre acteurs
politiques. Quelles sont les ambitions des différents acteurs du jeu politique ?-Quelles sont les
stratégies politiques qui sont mises en œuvre par les partis politiques ?

L’hégémonie politique constitue l’ambition fondamentale de la classe dirigeante. Dans
cette optique, les tenants du pouvoir tentent de conserver durablement les positions de
domination en sabordant la compétition politique. La « stabilité hégémonique »92 devient le
credo du pouvoir. La théorie de la « stabilité hégémonique » pose un certain nombre de règles
permettant le maintien d’un système économique et politique. Pour qu’un système
économique et politique puisse bien fonctionner, il faut nécessairement un pouvoir
hégémonique, capable de prendre des décisions et de réguler le jeu politique. L’absence de
cette puissance hégémonique conduirait à une déliquescence et à une faillite du système
politique qui s’exposerait à une fragmentation et à une décomposition.

Dans le contexte des transitions démocratiques africaines et sénégalaises, le pouvoir
s’est approprié cette idée. L’instauration et le maintien de la démocratie ont été possibles

92 Ce concept est usité en théorie des relations internationales. Si c’est Charles Kindleberger qui a
formulé ce principe, ce sont les auteurs réalistes tels que Stephen Krasner et Rober Keohane qui lui ont
donné un contenu plus précis. Pour ces derniers, un Etat hégémonique possède les caractéristiques
suivantes : la capacité de créer des normes internationales et de les faire respecter, la volonté de la
faire, une prédominance décisive dans les domaines économiques, technologiques et militaires.

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grâce au succès d’une certaine stabilité hégémonique qui a conduit la classe dirigeante à ne
pas hésiter à entrer en démocratie.

L’ambition politique de l’opposition s’oppose à celle de la classe dirigeante. L’objectif
est la destruction et la reconstruction d’une nouvelle hégémonie politique. La conquête du
pouvoir nécessite une telle option politique et débouche naturellement sur un choc des
ambitions politiques . Il se prolonge inévitablement en choc des stratégies politiques.

Ce choc des stratégies politiques se fonde néanmoins sur un socle commun :
l’institutionnalisation procédurale de la démocratie. La démocratie n’est pas considérée
seulement comme une fin politique, un processus à construire, mais aussi un ensemble de
règles et d’institutions opérationnelles. Elle est un moyen de régulation juridique et politique,
une mise en forme des stratégies partisanes de conquête et de conservation du pouvoir
politique, grâce à des normes et à des procédures publiques.

Il y a une ligne de démarcation, une frontière politique artificielle entre les
« conservateurs » et les « réformistes ». Réformisme et conservatisme constituent les deux
marqueurs politiques du choc des stratégies politiques. Le conservatisme est fondé sur la
« ruse unitaire de la démocratie ».93 La ruse unitaire s’appuie sur un paradigme monopoliste
et se fixe comme objectif le rétrécissement des choix politiques dans un contexte de

93 Antoine Tine, De l’un et du multiple, et vice versa ? …, op cit.

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pluralisme démocratique apparent. Elle vise à supprimer le paradigme concurrentiel94 de la
compétition multipartite.

La ruse unitaire entraîne logiquement une « hybridation »95 du régime politique
sénégalais. Les régimes politiques hybrides reposent sur une « façade compétitive ». Ils ne se
définissent pas directement par référence à un modèle, mais plutôt par leurs capacités à
feindre la conformité au modèle démocratique libéral et à la compétition. Ils recourent à un
ensemble de stratégies qui proclament, mais n’appliquent pas les principes du régime dont ils
se réclament.

La ruse favorise une prolifération de surface des partis politiques pour tromper les
observateurs internationaux. Le multipartisme crée une logique du nombre et des chiffres qui
se transforment en mythes. Le nombre de partis politiques n’est pas toujours un indicateur
pertinent d’un pluralisme partisan. Le piège consiste à préjuger de l’effectivité de la
démocratie, à partir de l’immédiateté trompeuse du nombre.96

En lieu et place d’une démocratie électorale, il existe un « autoritarisme électoral ». Il
consiste à organiser régulièrement des élections, tout en s’assurant de leur non transparence et
de l’iniquité des règles d’organisation. Ainsi, les forces de l’opposition peuvent être exclues

94 Luc Sindjoun, « Elections et politique au Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité
hégémonique, politique d’affection », in African Association Political Science , vol 2, n° 1, pp 89-121.
95 Larry Diamond, « Elections without democracy: Thinking about Hybrid regimes », in Journal of
Democracy , vol 13, n°2, 2002, pp 21 -35.
96 Ibid.

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de la compétition. Les libertés publiques sont restreintes, certaines fractions de l’électorat sont
privées de suffrage, des électeurs sont intimidés, des achats de voix sont effectués. Avec la
complicité de l’administration, le pouvoir organise une fraude électorale en manipulant les
lois électorales. Le harcèlement des opposants conduit le pouvoir à recourir à la violence
ouverte durant l’élection.

La ruse unitaire hypothèque chaque jour les chances d’une alternance politique rapide
« bien qu’une victoire de l’opposition ne soit pas impossible, elle requiert un degré de
mobilisation, d’unité, de compétence et d’héroïsme qui surpasse de loin ce qui serait
normalement nécessaire dans une démocratie ».97

Au Sénégal, l’ingénierie du multipartisme est sélective et discriminatoire. Elle a
consisté d’abord à limiter le nombre de partis politiques autorisés. Les révisions introduites
par la loi 75- du 9 juillet 1975 et la loi constitutionnelle 76-01 du 19 mars 1976 , créent trois
formations politiques qui correspondent aux trois courants idéologiques imposés par Senghor.
Il s’agissait des courants : 1/ socialisme et démocratie, 2/ libéralisme et démocratie, 3/
communisme ou marxisme-léninisme. Désormais, aux termes de l’article 3 de la constitution
de 1963 :

« Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage universel. Ils sont au
nombre maximum de trois et doivent représenter des courants de pensée différents. Ils
sont tenus de respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie

97 Larry Diamond, “Elections without democracy. Thinking about Hybrid regimes”, in Journal of
democracy , vol 13, n°2, 2002, p 24.

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et de se conformer à ceux dont ils se réclament dans leurs statuts. Les conditions dans
lesquelles les partis sont formés, exercent et cessent leurs activités sont déterminées
par la loi. »

Ensuite, la loi constitutionnelle 78-60 du 28 décembre 1978 révisant la constitution, a
parachevé le pluralisme sélectif en créant un quatrième courant politique. Alors, naquit le
Mouvement Républicain Sénégalais (MRS). Au total, la restauration du multipartisme
déboucha sur l’existence officielle et légale de quatre formations politiques. L’Union
Progressiste Sénégalaise (UPS) prit l’option socialisme-démocratie, le Parti Démocratique
Sénégalais (PDS) adopta le courant libéralisme-démocratie, le Parti Africain de
l’Indépendance (PAI) se réclama du marxisme-léninisme et enfin le Mouvement Républicain
Sénégalais (MRS) se positionna en tant que centre-conservateur.

L’option politique en faveur d’un multipartisme sélectif est perçue comme un garde-
fou contre une prolifération anarchique des partis politiques, qui affaiblirait et dévaloriserait la
démocratisation du système politique sénégalais. Dans cette veine, l’exposé des motifs de la
loi 76-01 du 19 mars 1976 portant révision de la constitution, stipule clairement :

« L’actuel article 3 de la Constitution consacre dans notre pays le principe du
pluralisme des partis sans aucune limitation. S’il apparaît que le régime de parti
unique, pourtant, de plus en plus largement admis dans de nombreux pays du monde,
particulièrement en Afrique, n’est pas souhaitable pour le Sénégal et que le pluralisme
des partis politiques est une garantie du libre exercice de la démocratie par les
citoyens dans la diversité des opinions, on peut penser, cependant, qu’une

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prolifération des partis politiques peut également constituer un péril mortel pour le
bon fonctionnement de la démocratie.

Il est donc apparu souhaitable, tout en conservant le principe du pluralisme, de limiter
son exercice, en précisant qu’il ne pourra exister simultanément, dans notre pays, plus
de trois partis politiques correspondant à des courants de pensée officiels » .

Le principe d’un multipartisme limité ne manque pas de pertinence. En effet, la
prolifération des partis politiques peut nuire progressivement à l’efficacité, à
l’approfondissement et à la stabilité de la démocratie. La multiplication à outrance des partis
politiques contribue à la fragmentation du système politique. Ensuite, l’inflation des partis
politiques crée souvent une confusion. Il y a un problème de lisibilité institutionnelle et
idéologique.

Cependant, si le principe de limitation du pluralisme démocratique est
compréhensible, la démarche n’est pas nécessairement démocratique. L’imposition unilatérale
d’une limitation des partis politiques relève d’une approche discriminatoire et arbitraire. Elle
n’obéit pas à la démocratie libérale. Cette démarche de Senghor révèle une stratégie de
construction hégémonique du parti socialiste alors au pouvoir. Elle est fondée sur le contrôle
des adversaires politiques. Il y a bien une ruse politique qui vise deux objectifs :
la décomposition et la recomposition du champ politique sénégalais. La décomposition
consiste à trier sur le volet l’opposition politique, en la séparant en deux camps, la « ligne
dure » et la « ligne souple ».

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Le premier camp regroupe les partis les plus critiques et les plus subversifs. Il s’agit
des partis marxistes-léninistes et nationalistes qui ont une tradition contestataire. Ils sont très
liés aux mouvements syndicaux estudiantins. Des partis politiques comme le Rassemblement
National Démocratique (RND), And Jef/ Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme
(AJ/PADS), s’inscrivent dans cette tendance.

La ligne souple est moins critique, moins sévère et surtout plus conciliante. Par
exemple, dès sa création le 8 août 1974, le PDS s’est auto-désigné « parti de contribution »,
plutôt que parti d’opposition. Le parti s’est affirmé comme une excroissance de l’UPS. Le
choix pourrait être lié à la trajectoire politique de son leader, Me Abdoulaye Wade98. Il a
milité dans le Parti du Regroupement Africain (PRA-Sénégal), avant de se rapprocher de
l’UPS, qu’il quittera plus tard, à la suite de son échec à l’élection pour le poste de
coordinateur à Kebemer.

La stratégie de décomposition de l’opposition conduit à l’isolement de la « ligne
dure », confinée désormais dans la clandestinité et l’illégalité. Ce statut imposé par Senghor
révèle sa volonté de délégitimer l’action de ces partis politiques aux yeux de l’opinion
publique nationale et internationale.

L’objectif est de disqualifier l’action violente des partis clandestins, qui ruine la
qualité de la démocratie, fondée sur le renoncement à la violence et sur la paix. Le discours
démocratique préconise la dévolution pacifique du pouvoir politique. Par conséquent,
Senghor cherche surtout à présenter l’opposition comme « l’ennemi » de la démocratie,

98 Antoine Tine, De l’Un et du Multiple, et vice versa ? … op cit.

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ennemi à combattre et à abattre. Il s’agit donc d’isoler les membres du jeu démocratique et
d’exercer la répression politique des « partis clandestins ».

La recomposition politique constitue l’autre facette de la ruse unitaire et de la
construction de l’hégémonie politique. Elle consiste à se rapprocher des partis d’opposition
légalement constitués et à les incorporer dans le parti au pouvoir. La recomposition fait la
promotion de la cooptation politique comme mode de recrutement du personnel politique.
Cette option avait déjà prouvé son efficacité redoutable entre 1960 et 1974.

En effet, en dépit du caractère constitutionnel du pluralisme politique, Senghor a réussi
à instaurer un monopartisme politique grâce à l’entreprise de cooptation politique. Celle-ci a
débouché sur le ralliement de plusieurs partis politiques à l’UPS. Entre 1964 et 1966, le PRA-
Sénégal fusionne avec l’UPS. Le ralliement s’est fait en échange de postes dans le bureau
politique de l’UPS et de trois portefeuilles ministériels pour ses leaders Abdoulaye Ly à la
santé, Amadou Mokhtar Mbow à l’éducation nationale et Assane Seck aux affaires
culturelles.

L’hégémonie politique de l’UPS passe aussi par la ruse électorale. La mise en œuvre
de la démocratie représentative exige l’organisation d’élections. L’élection est un élément
d’institutionnalisation de la démocratie représentative. Par conséquent, l’élection est un
passage obligé de la démocratisation. Des élections libres, concurrentielles et transparentes
sont des indicateurs de l’existence d’un consensus politique. L’ingénierie électorale produit
des règles imposant une équité électorale et une transparence entre les différents candidats.

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Le Sénégal a très tôt été initié au pluralisme électoral. De 1871 jusqu’à son
indépendance en 1960, le pays a connu des élections pluralistes avant de vivre, dans ce
domaine, une sorte d’éclipse avec l’avènement du parti unique de 1964 à 1973. A partir de
1978, les élections redeviennent pluralistes. Ainsi, lors des élections législative et
présidentielle de 1978, il y avait trois partis en lice : le Parti Socialiste (PS-parti au pouvoir),
le PDS et le PAI (opposition légale).

Pour autant, le caractère pluraliste et libre de ces élections était chimérique. Le secret
du vote n’était pas effectif, puisque l’isoloir n’était pas obligatoire. Les candidats de
l’opposition n’avaient pas accès aux médias d’Etat (ORTS), qui avait pour mission essentielle
« d’informer selon les canaux de la vérité officielle »99.

La neutralité de l’administration territoriale, chargée de superviser les élections, est
remise en cause, tant elle est suspectée. Parallèlement, la machine électorale du PS se déploie
comme un véritable rouleau compresseur. Le marketing électoral de ce parti est presque
exclusivement basé sur l’achat des allégeances partisanes et sur le contrôle politique de la
masse paysanne, par le truchement des sociétés de commercialisation de la production
agricole comme la Société d’Aménagement des Eaux du Delta (SAED), la Société de
Développement et de Vulgarisation Agricole (SODEVA), la Société de Développement des
Fibres Textiles (SODEFITEX)…. Les organisations d’appui au monde paysan devinrent des
structures de patronage et de captation des voix paysannes.

99 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit. p 40.

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Au cours des premières élections, l’efficacité de la ruse électorale fut indéniable. Le
PS arriva largement en tête. Le parti au pouvoir a eu la mainmise sur toutes les mairies, sauf
la localité d’Oussouye, remportée par le PDS. Les résultats des élections législatives se
présentaient ainsi : sur un total de 1.566.250 inscrits, dont 967.481 suffrages valablement
exprimés, le PS obtint 790. 799 voix (soit 81,74%). Le PDS eut 172.948 voix (soit 17,88%).
Le PAI fut dernier en recueillant 3.734 voix (soit 0,38%). Les résultats de l’élection
présidentielle confirmaient les mêmes tendances. Senghor enregistra 82,5% des suffrages,
Abdoulaye Wade obtint 17,4% et enfin Mahjemout Diop ne recueillit que 0,1%.

La ruse unitaire, mise en œuvre par Senghor, connut une nouvelle dimension avec
l’arrivée au pouvoir d’Abdou Diouf, à partir de 1981, grâce à la magie de l’article35100 de la
constitution de 1963. Le réajustement de la stratégie de ruse unitaire, par Abdou Diouf,
s’effectua sur fond de rupture et de continuité.

La rupture a été possible par un plus grand nombre de concessions démocratiques. Le
multipartisme devint intégral. La loi 81-16 du 6 mai 1981, portant révision constitutionnelle,
modifia l’article 3 de la constitution de 1963. Elle supprima la limitation des partis politiques
à des courants idéologiques. La procédure de création des partis politiques fut facilitée.

Les formations politiques, jusqu’ici contraintes à la clandestinité, accédèrent enfin à
l’espace public et furent plus visibles. Douze nouveaux partis politiques furent légalement
constitués à partir de 1981. Le Rassemblement National Démocratique (RND) de Cheikh

100 Cet article posait le principe de la succession du Président de la République en cas de « vacance
du pouvoir » par le Premier ministre.

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Anta Diop fut reconnu. Des partis de « gauche » firent également leur entrée dans le jeu
politique : le Parti pour l’Indépendance et le Travail (PIT), la Ligue
Démocratique/Mouvement pour le Parti du Travail (LD/MPT), le Mouvement Démocratique
Populaire (MDP) de l’ex Président du Conseil Mamadou Dia.

La procédure de création d’un parti politique instituée par la loi 81-17 du 6 mai
1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989.

L’acte de reconnaissance d’un parti politique est délivré par le Ministère de
l’Intérieur à tous les groupements de citoyens sénégalais qui désirent s’organiser dans
un parti politique. La démarche de reconnaissance d’un parti politique doit être
effectuée par la personne morale du parti (le président ou le secrétaire général
suivant le cas).

Pour les documents à fournir, il s’agit : d’une demande de reconnaissance ou
d’enregistrement adressée au Ministre de l’Intérieur ; de deux (2) exemplaires des
statuts dont chaque page de l’original est apposée d’un timbre fiscal d’une valeur de
mille (1000) FCFA ; de quatre (4) exemplaires du procès-verbal de la réunion
constitutive, de quatre (4) exemplaires de la liste des membres fondateurs avec
l’indication de leur prénom, nom, profession et domicile ; d’une copie de la carte
d’identité nationale des trois principaux responsables ou dirigeants du parti et des
extraits du bulletin n°3 du casier judiciaire des trois (3) principaux responsables du
parti.

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Cependant, il doit être précisé dans les statuts du parti, son engagement à respecter,
ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Les règles
relatives à l’organisation du parti à tous les niveaux doivent être précisées, ainsi que
la mention des signes distinctifs du parti, à savoir le symbole, l’emblème, la ou les
couleurs, la devise, l’idéologie (facultative) et la dénomination exacte avec le siège.
La procédure d’attribution du récépissé au demandeur peut durer plusieurs mois
parfois. Par ailleurs, on constater le coût économique très faible de la procédure.

Sur le plan social, quatre syndicats virent le jour : La Confédération Nationale des
Travailleurs du Sénégal (CNTS, affiliée au PS), l’Union des Travailleurs Libres du Sénégal
(UTLS, proche du PDS), la Confédération Générale des Travailleurs Démocratiques du
Sénégal (CGTDS) et le Syndicat Unique et Démocratique des Enseignants du Sénégal
(SUDES).

En définitive, l’ouverture démocratique fut parachevée avec la libéralisation du secteur
de la presse. Désormais, en plus de la « Radiotélévision Sénégalaise » et du quotidien « Le
Soleil », qui sont des médias d’Etat contrôlés par le pouvoir, le Sénégal compta de nouveaux
groupes de presse comme« Sud Quotidien », « Dunya »…

Le processus de libéralisation démocratique était profond et important par son étendue
et son ampleur. Il répondait à une demande démocratique sans cesse croissante et intense qu’il
fallait contrôler pour ne pas risquer de faire vaciller le pouvoir. La même logique sous-tendait

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l’ouverture démocratique : faire des concessions démocratiques nécessaires à la survie du
régime, tout en veillant à les contrôler.

La libéralisation démocratique a permis de fragmenter et de fragiliser une opposition
disparate et dispersée. Le PDS, principal adversaire du pouvoir, n’est pas parvenu à constituer
avec les autres partis d’opposition une coalition forte autour de son leader Abdoulaye Wade.
Le PS profita des divisions au sein de l’opposition sénégalaise. Son chef continuait à être le
maître du jeu politique. Le PS procéda à la cooptation de certains membres de l’opposition.
Par exemple, plusieurs députés rallièrent le PS. A la fin de l’année 1982, le PDS ne comptait à
l’Assemblée nationale que dix députés sur dix-huit députés initialement inscrits.

Le parti majoritaire profita de cette ascendance incontestable pour déterminer les
règles électorales, afin de favoriser la réélection d’Abdou Diouf. Dans cette optique, un
nouveau code électoral favorable au PS fut voté à l’Assemblée nationale à partir de 1982. La
loi 82-10 du 30 juin 1982 continua de rendre facultatif le passage à l’isoloir. L’identification
de l’électeur par le biais de la photo d’identité était aussi facultative. Les coalitions électorales
étaient interdites. Enfin, le mode du scrutin législatif fut modifié unilatéralement. Une partie
des députés est élue à la représentation proportionnelle, alors que l’autre partie est élue à la
majorité simple.

L’autoritarisme électoral permit à Abdou Diouf de conserver son ascendance sur ses
concurrents lors des élections législatives et présidentielles de 1983. Abdou Diouf obtint
83,45% des suffrages, alors que son adversaire Abdoulaye Wade n’engrangea que 14,79% des
suffrages. La suprématie d’Abdou Diouf fut confirmée lors des élections présidentielles
contestées de 1988. Le candidat sortant Abdou Diouf obtint 73,20% des suffrages, contre

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25,80% pour Abdoulaye Wade. Les élections législatives permirent au parti socialiste au
pouvoir de gagner cent onze sièges, soit 79,94% des suffrages, contre huit sièges pour le PDS,
soit 13,97% des suffrages.

Le multipartisme intégral et la libéralisation démocratique initiés par Abdou Diouf,
ont permis de consolider l’hégémonie politique du PS qui resta longtemps au sommet de
l’Etat : pendant quarante (40) ans, de 1960 à 2000.

Cependant, cette tactique politique révéla des contradictions fondamentales,
contribuant à affaiblir le pouvoir en place et à instaurer une crise permanente. Ainsi,
l’opposition ne manqua pas de profiter de la situation pour opérer une contre-ruse tout aussi
efficace.

La contradiction fondamentale résida dans le choix de s’opposer à la démocratie, tout
en voulant l’utiliser pour conserver le pouvoir. La ruse unitaire fut intenable sur le long terme,
parce qu’elle constitua une simplification de l’idée de démocratie. Or, la réalité d’un régime
démocratique est plus complexe, à telle enseigne que le formel ne subsiste pas en dehors du
sens. On peut affirmer que la procédure finit par devenir affaire de culture.

L’opposition sénégalaise s’est engouffrée dans cette idée de simplification de la
démocratie. Elle a compris que l’ouverture démocratique pourrait lui offrir une formidable
tribune pour dénoncer les entorses et les graves manquements démocratiques, tout en
continuant à participer à la compétition démocratique. L’objectif n’était donc pas de

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boycotter101, mais d’enfoncer le régime dans ces propres contradictions, pour l’amener à
opérer des réformes politiques et institutionnelles importantes. L’opposition dite clandestine a
profité du peu de liberté d’expression qui lui était concédé102, pour s’attaquer violemment au
pouvoir en place :

« Souvenons-nous que 1974-1975 est une période où le mouvement revendicatif de
masse est en net recul. Le régime de Senghor vient d’en finir avec toutes les
organisations démocratiques qu’il a dissoutes ou interdites. L’opposition semble
bâillonnée. Le premier acte du théâtre pseudo-démocratique est joué sous le signe de
la contradiction. Seul l’organe de « And Jeff », Xarébi, tient haut le drapeau de la
résistance dans la clandestinité ».103

A ce jeu de ruse, Abdoulaye Wade et le PDS se sont particulièrement illustrés.
Principal opposant à la construction hégémonique du PS, Me Wade a participé à toutes les
élections. Il a dénoncé les fraudes électorales et a harcelé le pouvoir.

Par exemple, lors des élections de 1978, Abdoulaye Wade a contesté l’absence
d’isoloir qui constituait une entorse au secret du scrutin. Il a saisi la Cour suprême qui a

101 Il est arrivé quand même que le PDS décida de boycotter l’élection, mais cela n’a duré qu’un laps
de temps.
102 L’opposition disposait d’organes de presse écrite et les utilisaient comme des instruments de
critique du pouvoir socialiste : « Taxaw », « Le Démocrate », « Jaay Doolé bi », « Sopi »,
« Faagaru »…
103 Landing Savané, in Jaay Doolé bi (Le prolétaire), du 17 1er au 15 mai 1981, p 3.

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statué en faveur du parti au pouvoir. Dans la foulée des élections de 1983, le PDS et trois
autres partis d’opposition contestèrent les résultats des élections, dénonçant une « mascarade
électorale » et une « comédie grotesque ». Ils décidèrent alors de saisir la Cour suprême pour
annuler le vote. La Cour suprême rejetta la requête de l’opposition.

En plus de la stratégie de harcèlement, l’opposition s’est attelée à construire son
programme de campagne électorale autour de la nécessité de contester les fraudes électorales
et les nombreuses dispositions du code électoral qui fragilisaient l’équité et la transparence de
la compétition politique. L’objectif était de discréditer le pouvoir devant l’opinion publique
nationale et internationale, afin de l’amener à faire davantage de concessions sur l’ouverture
démocratique.

L’efficacité des mobilisations politiques sur le thème de la lutte contre la
« confiscation du pouvoir » a contraint le pouvoir socialiste à la formation d’un
« gouvernement de majorité présidentielle élargie » en 1991. En 1992, un Haut Conseil de la
Radio et de la Télévision (HCRT) est mis en place. Il était chargé de permettre un égal accès
des partis aux médias d’Etat.

En outre, une commission est mise sur pied pour réviser le code électoral. Le nouveau
code comportait des dispositions plus libérales. Par exemple, désormais, l’électeur est tenu de
s’identifier à l’aide d’une carte d’identité comportant obligatoirement sa photo. L’isoloir
devint aussi obligatoire. L’opposition fut impliquée dans le processus électoral (confection
des listes électorales, distribution des cartes d’électeur, dépouillement des suffrages). Au
final, le code électoral fut considéré comme « le meilleur code du monde… » .

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Les stratégies de « décomposition » et de « recomposition » comportaient aussi des
risques politiques et des contradictions importantes. En fragmentant et en fragilisant
l’opposition sénégalaise, le PS s’exposait à des troubles internes dans son parti. En effet, le
système traditionnel de recrutement politique s’appuyait sur le vivier du parti au pouvoir. Il a
toujours existé au sein du parti dominant, des réseaux clientélistes efficaces qui s’appuyaient
sur l’influence des grands notables locaux. La cooptation des membres de l’opposition
engendra une redistribution des cartes, des rôles et des positions dans le parti socialiste. Elle
permit à Abdou Diouf de réduire l’influence des notables du parti dont l’emprise augmentait.

La politique d’élargissement ou de massification de la majorité présidentielle
complexifia davantage les relations entre militants à l’intérieur du parti socialiste. Les espaces
conflictuels se multiplièrent à cause de la redistribution des avantages matériels et
symboliques. L’adversité entre les « militants de première heure » et les « militants de
dernière heure » se radicalisa. Les premiers revendiquèrent une légitimité historique et
sociologique alors que les seconds réclamèrent une légitimité technocratique et
générationnelle

Le caractère extrêmement composite et hétéroclite des nouveaux adhérents, ainsi que
leur nombre élevé, alourdissaient considérablement le fonctionnement du parti. A l’approche
des élections, des mouvements de soutien, qui s’apparentaient plus à des réseaux clientélistes,
se créaient. En définitive, les arbitrages politiques devenaient de plus en plus difficiles et
créaient systématiquement des frustrations, des tensions. Ces frustrations fragilisaient l’unité
du bloc hégémonique. Le parti au pouvoir gagnait de nouveaux soutiens politiques, mais
perdait ceux des militants historiques.

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A la veille de l’élection présidentielle de 2000, le PS avait déjà enregistré de
nombreuses défections. Djibo Kâ et Moustapha Niass, deux figures importantes, ont quitté le
parti, pour créer leurs propres formations politiques. Le premier créa l’Union pour le
Renouveau Démocratique (URD). Le second mit sur pied l’Alliance des Forces de Progrès
(AFP). L’arbitrage d’Abdou Diouf en faveur d’Ousmane Tanor Dieng, expliquait la décision
de ces deux personnalités.

La fragilité du consensus politique, inhérente à la transition démocratique, peut
resurgir dans un contexte de consolidation démocratique, marqué par la réalisation de
l’alternance politique. Comment expliquer que le consensus politique de la démocratie soit
souvent fragile, constamment remis en cause, malgré la survenance des deux alternances
démocratiques ? Les alternances au Sénégal auraient-elles donné naissance à une « révolution
passive » comme semble le penser Robert Fatton ? 104

L’alternance est importante dans un processus démocratique. Elle est associée aux
idées de rupture et de changement. Elle indique une maturité démocratique. La maturité
démocratique manifeste un consensus politique fort sur les principes, les règles et les valeurs
démocratiques. Le consensus politique signifie que la démocratie a une emprise sur l’action
des acteurs politiques.

Le Sénégal a espéré très longtemps une alternance démocratique. L’efficacité de
l’hégémonie politique du parti socialiste, durant quarante ans, a brisé tout espoir d’un

104 Robert Fatton, The making of a Liberal Democracy: Senegal’s Passive Revolution 1975-1985 ,
Boulder, Co; Lynne Rienner, 1987.

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changement politique rapide. Mais, au soir du 19 mars 2000, le Sénégal connut sa première
alternance dans une histoire politique marquée par des ruses unitaires d’embrigadement du
pluralisme. Les conditions du déroulement du scrutin en 2000, la transparence et le calme qui
l’ont caractérisé ont fait naître chez beaucoup d’intellectuels sénégalais une forme d’euphorie
naturelle :

« La transparence de l’élection et le calme dans lequel elle s’est déroulée, ont
renforcé davantage la surprise de ceux qui s’y attendaient le moins, au point que le
Sénégal fut qualifié exagérément la vitrine démocratique de l’Afrique. A coup sûr,
l’élection présidentielle qui s’est déroulée du 28 février au 19 mars, constitue un
moment historique dans ce pays, par son caractère inédit et par son impact éventuel
au niveau international (…) »105.

Douze ans après la première alternance politique qui a permis l’accession au pouvoir
d’Abdoulaye Wade, le Sénégal enregistra une autre alternance avec la victoire de Macky Sall,
ancien Premier Ministre. La décision du candidat du PDS de reconnaître sa défaite et de
féliciter dans la foulée son adversaire politique, a été saluée comme un signe supplémentaire
de la « maturité démocratique » du Sénégal.

105 Alioune Badara Fall, « La démocratie sénégalaise à l’épreuve de l’alternance », in Afrilex, 2006, p
4.

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En fait, la lecture du changement politique au Sénégal a donné lieu à une
« historiographie ondulatoire »106. Elle oscille entre un idéalisme politique fondé sur
l’exceptionnalité de la démocratie sénégalaise et un scepticisme politique basé sur l’idée d’un
« statuquo », marqué par l’illusion d’un changement. Il a existé donc deux extrêmes dans la
lecture de la démocratie sénégalaise. La « belle histoire » démocratique qui a privilégié
l’image d’une démocratie en constant progrès et la « révolution passive » qui a désacralisé la
démocratie sénégalaise.

« Les évolutions de la politique sénégalaise depuis l’indépendance se sont
accompagnées d’oscillations non moins importantes dans la littérature d’analyse qui
en traite. Dans un premier temps, des travaux ont montré l’ancienneté de
l’enracinement des pratiques démocratiques au Sénégal.

Il s’agissait là d’une histoire politique, centrée sur les villes et sur élites évoluées. Par
la suite, à rebours des approches habituelles qui analysaient les confréries
musulmanes en zone rurale comme des systèmes d’exploitation (…). A la fin des
années 1970, à l’ère des autocratismes triomphants, le retour précoce au
multipartisme et le départ volontaire du Président Léopold Sédar Senghor en 1980,
remplacé par son jeune Premier Ministre, Abdou Diouf, ont consacré l’idée d’une
success story sénégalaise.

106 Tarik Dahou et Vincent Foucher, « Le Sénégal, entre changement politique et révolution passive.
Sopi or not sopi? », in Politique africaine , vol 4, n° 96, 2004, pp 5-21.

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Rapidement, pourtant, cette première transition a déçu : la crise des années 1980 (…),
le début du conflit en Casamance a suscité une relecture critique de la vie politique du
pays (…) L’élection présidentielle de février-mars 2000 est survenue à un moment où
le régime de Diouf semblait à bout de souffle (…) Cette alternance politique (…) a
revivifié une lecture idéaliste et linéaire de la vie politique du Sénégal (…) Quatre ans
après l’alternance, (…) l’enthousiasme est à nouveau retombé, le dépit est à la
hauteur des espérances suscitées par l’alternance (…) ».107

Privilégier l’approche de la belle histoire, conduit à sombrer dans l’angélisme et à
négliger la complexité de la démocratie sénégalaise. Par contre, se cramponner à une lecture
de la « révolution passive », débouche sur l’utopie du « statu-quo », qui voudrait que rien ne
change même si tout semble changer. Mais, c’est une approche intenable. Les trajectoires
démocratiques ne sont jamais figées et ne sont pas soumises à des schémas rigides. Il y a bien
une part de changement. En réalité, tout changement politique oscille entre continuité et
rupture. Le changement n’est jamais un processus linéaire. Par contre, il est toujours partiel,
ambigu, inachevé. Certaines composantes de la réalité politique peuvent changer plus vite que
d’autres, qui prennent plus de temps à se transformer.

Les partis politiques ne s’affrontent pas seulement sur le terrain institutionnel. Ils
s’opposent aussi sur la signification ou la valeur à accorder à la violence.

107 Tarik Dahou et Vincent Foucher, op cit, pp 5-6.

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SECTION II/ Les représentations de la violence partisane.

« Par le biais de représentations, (…) tout un chacun, à travers son discours (…), participe à légitimer
ou, au contraire, à dénoncer certaines formes de violence. Il s’agira alors d’identifier et d’analyser ces
stratégies discursives et de les replacer dans leur contexte de production et de réception. En quoi
cette mise en scène de la violence participe-t-elle de la construction ou, au contraire, de la contestation
d’une définition de la violence ? »108.

Les représentations, ne renvoient pas toujours à des mythes, à des symboles, à des
préjugés, mais aussi à des réseaux ouverts de significations, en transformation constante. Les
représentations sont essentiellement une source intarissable de sens et de significations
imaginaires. L'imaginaire social désigne un magma de « significations imaginaires
sociales »109. Par ce terme, on peut comprendre des axes d’organisation du monde qui
distinguent le permis de l’interdit, le pensable de l’impensable, le vrai du faux, le légitime de

108Alexandra Roger, « Dire, (d)écrire, représenter la violence », in Note introductive de l’appel à
contribution du Colloque international du Centre de Recherche Interdisciplinaire en Histoire, Histoire
de l’Art et Musicologie (CRIHAM), Limoges, 24-25 Septembre 2015, p 1.
109 Cornélius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société , Paris, Seuil, 1975, pp. 480-481. Le
philosophe et psychanalyste français, d’origine grecque, affirme fort justement que « l’institution de la
société est chaque fois institution d’un magma de significations imaginaires sociales, que nous
pouvons et devons appeler un monde de significations […]. La société fait être un monde de
significations et est elle-même par référence à ce monde de significations… Et ce n’est que
corrélativement à ce monde de significations institué à chaque fois, que nous pouvons réfléchir la
question posée plus haut ; qu’est-ce que l’ « unité » et l’ « identité », c’est-à-dire l’ eccéité d’une
société, et qu’est-ce qui tient une société ensemble. Ce qui tient une société ensemble, c’est le tenir
ensemble de son monde de significations ».

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l’illégitime. Par exemple, en matière de violence, une position courante insiste sur la
distinction entre « agression » et « résistance ». « L’agression » est considérée comme un abus
de la violence, alors que la « résistance » devient un acte de « survie et d’autodéfense ». Les
représentations prennent en compte la variété des situations de la violence et surtout le
problème concernant sa finalité.
Les représentations sociales organisent, structurent et rendent cohérents les rapports
symboliques des hommes politiques sénégalais avec la violence. La notion de violence
symbolique entretient un grand flou et une certaine confusion dans la communauté
scientifique. Pierre Bourdieu, qui a popularisé ce concept, comprend la violence symbolique
comme la dimension contraignante du processus symbolique110. Il s’agit, pour Bourdieu, de
souligner l’emprise des structures symboliques dans la constitution et l’énonciation de
l’univers social. Ainsi, la violence est symbolique, parce qu’elle désigne un processus de
production et de reproduction des positions de domination au sein des champs sociaux. Pierre
Bourdieu ramène la violence symbolique à la contrainte du pouvoir symbolique. C’est une
contrainte sociale masquée. Mais, cette violence symbolique renvoie au pouvoir d’influence.
Il s’agit de la capacité de faire faire ou de faire dire quelque chose à quelqu’un, sans recourir
à la violence physique. Elle est un mécanisme d’intériorisation inconsciente de l’ordre social
et politique préétabli.
La violence symbolique désigne donc la symbolique de la violence. La symbolique
renvoie aux structures de production de sens et aux objets investis de sens. L’usage des objets

110 Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction. Eléments pour un théorie du système
éducatif, Paris, Minuit, 1970.

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symboliques, des représentations collectives permet de remplir trois fonctions fondamentales,
élaborées en rapport avec le pouvoir politique qui les formalise et les exprime :
1) l’interprétation et la construction de la réalité de la violence partisane : c’est une
façon de penser et d'interpréter le monde de la violence ;
2) l’orientation des comportements des hommes politiques : les représentations de la
violence partisane sont porteuses de sens. Elles aident les militants à communiquer entre eux
et elles engendrent en retour des attitudes, des opinions et des comportements violents ;
3) la justification de la violence partisane : elle concerne les relations entre groupes
partisans et les représentations que chacun va avoir vis-à-vis de l’autre, justifiant a postériori
des prises de positions et des comportements violents.
Ces différentes fonctions de symbolisation de la violence constituent ce que Pierre
Bourdieu nomme le pouvoir symbolique. Quel contenu précis peut-on alors donner à la notion
de pouvoir symbolique ?-Quelle est sa pertinence pour éclairer les enjeux de la violence
partisane au Sénégal ?
« Le pouvoir symbolique comme pouvoir de constituer le donné par l'énonciation, de
faire voir et de faire croire, de confirmer ou de transformer la vision du monde et,
par-là, l'action sur le monde, donc le monde, pouvoir quasi-magique qui permet
d'obtenir l'équivalent de ce qui est obtenu par la force (physique ou économique),
grâce à l'effet spécifique de mobilisation, ne s'exerce que s'il est reconnu, c'est-à-dire
méconnu comme arbitraire.
Cela signifie que le pouvoir symbolique ne réside pas dans les “systèmes
symboliques” sous la forme d'une “illocutionary force”, mais qu'il se définit dans et

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par une relation déterminée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent,
c'est-à-dire dans la structure même du champ où se produit et se reproduit la
croyance. Ce qui fait le pouvoir des mots et des mots d'ordre, pouvoir de maintenir
l'ordre ou de le subvertir, c'est la croyance dans la légitimité des mots et de celui qui
les prononce, croyance qu'il n'appartient pas aux mots de produire. »111.

Le pouvoir symbolique a une réalité objective déterminée. En effet, les réalités
symboliques forment des « structures structurées »112. Les structures structurées désignent
des moyens ou des objets de communication. Elles constituent les produits de la
communication. De même, elles conditionnent le processus de la communication, assurent
l'intégration sociale en inculquant des schèmes communs d'appréhension du monde. Les
structures structurées assurent la visibilisation et l’expression du sens de la violence.
Le pouvoir symbolique a également une réalité subjective propre : les « structures
structurantes »113 qui sont des instruments de connaissance et de construction du monde
objectif. Elles désignent les mécanismes de production du sens de la violence partisane.
Les structures structurantes ont ainsi une efficacité propre qui tient à ce que l'appréhension du
monde politique qu'elles permettent en la modélisant, assure à l'ordre social, une légitimité qui
renforce son évidence. C’est une efficacité performative qui se rattache aux effets particuliers
des mots de la violence sur les partis politiques. L’efficacité performative fait exister la

111 Pierre Bourdieu, « Le pouvoir symbolique », in Annales ESC , vol 32, n° 3, 1977, p 410.
112 Ibid.
113 Ibid.

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violence dont elle parle. L’efficacité performative porte au jour l’énonciation de la violence
au moyen de la parole elle-même. C’est précisément en justifiant la violence qu’on la rend
acceptable.
Comme le disaient Bourdieu et Passeron : « Tout pouvoir de violence symbolique, i.e.
tout pouvoir qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en
dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force, ajoute sa propre force,
i.e. proprement symbolique, à ces rapports de force ».114
En ce sens, les structures symboliques contribuent bien à la construction du monde
politique et aux rapports de force qui le constituent, puisque le monde politique tient
précisément dans cette relation entre des structures objectives et des structures subjectives qui
retraduisent les rapports de force. Ce pouvoir de constitution du politique est précisément ce
en quoi consiste l'efficacité symbolique.
Les institutions politiques sont, en effet, historiques, contingentes et n'ont rien de
nécessaire. Elles n'existent qu'en raison des intérêts particuliers qu'elles représentent. Les
structures symboliques ont précisément pour fonction d'imposer la légitimité des rapports de
force qui existent dans la vie politique.
L’affirmation de ce pouvoir symbolique s’effectue dans un contexte de conflit et de
pluralisme concurrentiel des représentations (légitimations) symboliques. Il peut exister autant
de discours qu’il y a d’acteurs politiques en jeu. Le parti majoritaire et les partis d’opposition
construisent des discours de la violence qui s’entrechoquent, créant une tension permanente et
rendant la compétition partisane conflictuelle.

114 Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, op cit, p 18.

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Les représentations ont une fonction symbolique importante : la justification de la
violence. On peut aborder la question de la violence par l’examen de ses justifications,
verbales ou non verbales, à partir de ce que les hommes politiques en disent ou à partir de ce
que leurs comportements suggèrent. Mais, peut-on justifier l’agression violente qui relève de
l’arbitraire, donc de l’injustifiable ?
La justification ne signifie pas une valorisation morale des agressions violentes. En
vérité, la justification renvoie plutôt à l’utilisation d’« euphémismes », de stratégies
discursives et de subterfuges rhétoriques qui masquent l’idée d’arbitraire constitutive de
l’agression violente. Elle tend également à « stigmatiser » des adversaires que l’on cible, afin
de faire accepter l’exercice de la violence contre eux.

« Les organisations qui préconisent une stratégie d’action violente ont besoin de
militants convaincus de la justesse de la cause et du bien-fondé des moyens employés.
Les mobiles idéologiques ne sont pas, loin de là, les seuls à intervenir, mais ils doivent
être affichés pour servir au moins de masque, surtout à l’égard des tiers. En effet, le
risque est permanent de voir disqualifiées des luttes politiques menées avec violence :
manifestants indignés ou vulgaires vandales ? Organisations clandestines ou mafias ?
Impôt révolutionnaire ou grand banditisme ? Rabaissé avec succès au niveau d’une
criminalité de droit commun, le recours à la violence politique décourage bien des
sympathies, et fait perdre des soutiens actifs »115.

115 Philippe Braud, violences politiques , Paris, Seuil, 2004, p 65.

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Les représentations de la violence partisane sont produites dans un contexte politique
et institutionnel constitué par le pouvoir. Elles renvoient donc à l’imaginaire du pouvoir
politique. Elles sont invoquées pour justifier l’existence de la violence dans et entre les partis
politiques. Comme le souligne un responsable116 communal de l’APR à Louga, qui renchérit
sur le risque de la violence dans les partis politiques, en affirmant :

« Quand on décide d’embrasser la carrière politique, il faut aussi se préparer à la
violence. La politique est un peu semblable à la lutte. Les affrontements sont presque
inévitables, parce que les intérêts et les ambitions sont différents et il n’y a pas
toujours un esprit de dépassement de la part des uns et des autres. Certains sont prêts
à tout pour défendre leurs intérêts. Quand on est à l’extérieur, on ne comprend pas
toujours cette violence… Il y a des hommes politiques qui aiment les rapports de force
et qui ne vous laissent pas le choix. Regardez, par exemple, ce que Wade a fait durant
la dernière élection présidentielle. Si les jeunes de Y’en a marre et nous-mêmes nous
n’avions pas eu le courage de l’affronter dans la rue, il aurait fait passer sa loi des
25%… ».

La scène politique sénégalaise est marquée par la volonté d’accéder au pouvoir. En
effet, l’organisation, le fonctionnement et le but des partis politiques sont marqués par les
enjeux de conquérir, d’exercer ou de conserver le pouvoir. L’espace partisan est une sorte de
laboratoire où les hommes politiques sénégalais expérimentent sans cesse des manifestations

116 Il a souhaité se confier à nous sous le couvert de l’anonymat.

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de violences fondées sur des représentations du pouvoir. A ce titre, le pouvoir est une
« structure structurante », c’est-à-dire qu’il désigne un instrument symbolique de
connaissance et de construction du sens de la violence. La violence fait sens pour les partis
politiques qui cherchent à conquérir, à exercer et à conserver le pouvoir.
Dans les représentations des hommes politiques sénégalais, le pouvoir est l’univers des
rapports de force. La conquête du pouvoir engendre des relations conflictuelles, réelles ou
potentielles, portant sur les intérêts et/ou les opinions, motivées par la quête de ressources
économiques, symboliques ou coercitives pour imposer une volonté hégémonique. Le pouvoir
politique est un pouvoir d’injonction en quête de légitimité sociale117. L’utilisation de la
violence est rendue acceptable et justifiable par le recours à des ressources de domination. Il
est vrai que la dimension conflictuelle du pouvoir est indéniable. Les conflits de volonté,
d’intérêt et d’opinion sont inhérents au pouvoir politique.
Mais, la violence ne se conçoit pas sans la politique pour laquelle elle devient un
instrument ou un moyen, et non une fin. La violence est la continuation, la poursuite, la
manifestation, la réalisation du politique par d’autres moyens. Autant, la violence est un pur
acte politique, autant la politique est aussi un acte de violence. Tout pouvoir politique se
fonde en partie sur des rapports de force.
L’opposition entre « amis/ennemis »118 constitue une figure du pouvoir politique.
L’identité du politique se conçoit aussi à travers l’identification de l’« Autre » comme ennemi
réel ou imaginaire. Elle est une marque du pouvoir politique, laquelle s’exerce dans des

117 Philippe Braud, Sociologie politique , Paris, LGDJ, 2006.
118 Julien Freund, L’essence du politique , Paris, Sirey, 1965 ; Carl Schmitt, La notion de politique.
Théorie du partisan , Paris, Calmann-Lévy, 1972.

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situations de conflictualité, d’adversité, marquée par l’utilisation de la violence contre
l’adversaire politique. La politique peut devenir alors une affaire « nécropolitique ».119
Cependant, cela ne saurait signifier, selon Hannah Arendt, que le pouvoir et la
violence se confondent. L’exercice du pouvoir n’est pas nécessairement violent. Le pouvoir
s’appuie aussi sur des dispositifs de régulation des conflits et de coordination des actions
humaines120. Ramener le pouvoir à la violence serait réducteur. En définitive, le pouvoir est
partagé entre le conflit et la régulation, entre l’intégration et la désintégration, entre la division
et l’unité.
Les effets de représentation du pouvoir politique pour l’interprétation, l’orientation et
la justification de la violence partisane s’expriment à travers deux idées importantes : 1)- une
croyance forte du personnel politique en l’efficacité de la violence : le pouvoir de la violence
(P 1) et 2)- la légitimation de la violence du pouvoir de l’Etat : la violence du pouvoir (P 2).

119 Achille Mbembe, « Nécropolitique », in Raisons Politiques, n° 21, février 2006, pp 29-60.
120 Hannah Arendt, Du mensonge à la violence , op cit.

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PARAGRAPHE 1/ Le pouvoir de la violence partisane.

« (…) L’ordre le plus efficace est celui qui vient appuyer le canon du fusil, qui impose
l’obéissance immédiate la plus complète. (…) ».121
« Elle va tuer sûrement, ou elle va tuer peut-être, ou bien elle est seulement suspendue sur
l’être qu’à tout instant elle peut tuer (..). Du pouvoir de transformer un Homme en chose en le
faisant mourir procède un autre pouvoir et bien autrement prodigieux, celui de faire une chose
d’un Homme qui reste encore vivant. ».122

L’idée de « pouvoir de la violence » se heurte à une opinion, selon laquelle, le Sénégal
serait le pays du « maslaha »123, où les conflits sont souvent résolus pacifiquement. Sur un
registre symbolique, il existe des représentations culturelles qui fondent l’image du
« sénégalais épris de dialogue, de consensus et de paix »124. Cette représentation culturelle est
compatible avec à l’idée que l’on se fait de la politique comme art de la discussion et du
dialogue. Le dialogue est donc conçu comme une action politique. Il y a une croyance
populaire sénégalaise, selon laquelle : « reroo amul ñaaka wax tan a am (Aucun conflit ne

121 Hannah Arendt, Du mensonge à la violence , op cit, p 144.
122 Simone Weil, L’Iliade ou le poème de la force , dans La Source grecque , Paris, Gallimard, 1953,
pp 12-13.
123 Littéralement ce terme signifie : art de la discussion, de la négociation et des concessions.
124 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p. 11.

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peut résister à la force du dialogue) ». C’est une croyance forte sur la vertu pacificatrice de la
discussion.
Le dialogue ou la discussion entre les partis politiques renvoie à des processus
d’entente pacifique entre acteurs qui échangent des arguments rationnels dans la perspective
de la recherche d’un consensus général. Le pouvoir politique s’appuierait sur la discussion
plutôt que sur la force des muscles. La vérité jaillirait de la lumière de la discussion. Elle
mettrait un terme à la violence physique des forces politiques. L’espace public devient le
cadre approprié de cette véritable éthique du dialogue et de la discussion, une éthique de la
« démocratie discursive ».
Amsatou Sow Sidibé, candidate à l’élection présidentielle de 2012 et conseillère du
Président de la République, déclara : « Ce sont les faibles qui s’adonnent à la violence. Le
débat d’idées avec des propositions concrètes, des questions concrètes, intéressent les
populations… ».125
Cependant, se limiter à définir la politique comme l’art de la discussion et comme un
espace totalement pacifié, c’est réducteur. Cette conception perçoit la violence comme une
réalité étrangère à la politique et une déviance. Ceux qui ne sont pas capables de tirer profit
des rouages de la discussion et qui s’adonnent à la violence constitueraient naturellement le
« maillon faible ». La violence serait « l’arme des faibles ».

125 Symposium « la démocratie à l’épreuve de la violence politique au Sénégal », Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, 27-28 mai 2014.

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En réalité, la politique est aussi structurée par les rapports de pouvoir. Elle oscille
entre des moments de tension et d’apaisement, entre la paix et la guerre126. Les conflits de
pouvoir politique ne débouchent pas toujours sur une résolution pacifique. La violence et la
discussion constituent deux mécanismes de résolution des conflits politiques. La résolution
des conflits politiques renvoie à l’imposition d’une volonté, d’un intérêt ou d’une idée. Cela
signifie que la discussion ne supprime pas nécessairement les rapports de force.
La violence et la discussion constituent un couple inséparable. En effet, la pacification
de l’espace politique est un processus, une construction et non une essence universelle et
éternelle. Elle implique le passage d’un état de conflit et de violence à un état de paix et de
tranquillité précaire, susceptible d’être remis en question constamment. La pacification
suppose l’existence de tensions politiques.
Parallèlement, la violence n’est pas une conduite figée dans le temps. Son coût
matériel et humain est souvent lourd à supporter pour les acteurs politiques. Elle débouche
nécessairement sur des discussions en vue d’une sortie de crise. La discussion est
naturellement le point d’orgue de toutes les crises et violences.
Dans cette perspective, le pouvoir de la violence ne réside pas dans sa faculté de
persuasion, ni de séduction ou de manipulation. La violence cherche à imposer une volonté
particulière et à soumettre d’autres volontés. C’est une action sur des actions éventuelles ou
actuelles, présentes ou futures. Elle agit sur le champ de possibilité des comportements des
sujets agissants. Elle détourne, rend difficile, limite, contraint, empêche d’autres actions.

126 Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations , Paris, Calmann-Lévy, 1962 ; Dario Battistela,
Paix et guerre au 21ème siècle, Paris, Editions Sciences Humaines, 2011.

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Le pouvoir comme élément de justification de la violence induit une double attitude
qui s’entremêle : d’une part, les hommes politiques sénégalais, engagés dans une compétition
pour la conquête du pouvoir politique, expriment des attitudes pratiques sur les conséquences
et les résultats de la violence et, d’autre part, ils se font des représentations symboliques sur
les effets de la violence.
La violence suscite des effets de peur, de crainte, de psychose ; elle peut parfois
provoquer un état de vulnérabilité. La violence fait peur parce qu’elle peut être redoutable,
déstabilisatrice, dévastatrice et traumatisante. Le prix de la violence, c’est la mort. La violence
engendre également des blessures morales, physiques et des dégradations matérielles.
Pour celui qui regarde une scène de violence sans en subir les effets directs, ce n'est
pas toujours le réel advenu et perçu qui fait peur, mais bien le réel en tant qu'il est anticipé par
l'imagination. La peur est donc bien une peur du réel à survenir. Par conséquent, elle n'est
jamais aussi présente que lorsqu'elle est proche dans le temps ou en rapport avec le lieu. C’est
la raison pour laquelle, la violence est dotée d’un véritable pouvoir de dissuasion. Elle est une
menace constante.
En définitive, la violence peut provoquer un état actuel ou anticipé de vulnérabilité des
personnes. La vulnérabilité renvoie à une forme de précarité. La vulnérabilité ne signifie pas
seulement un état de domination, d’oppression, d’exploitation, d’assujettissement. Elle
désigne aussi un état instable et risqué. L'idée de vulnérabilité fait référence à un seuil où l'on
sera en situation d'incapacité à réagir.
On peut distinguer, dans les situations de vulnérabilité, deux seuils de vulnérabilité :
celui qui affecte les sujets eux-mêmes et celui qui affecte la capacité politique ou l’aptitude à

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la pratique politique. Les deux niveaux sont étroitement liés, sans qu’ils ne se confondent
toutefois.
Les dirigeants du PDS ont, pour la plupart, expliqué leur échec à l’élection
présidentielle de 2012 par le niveau de violence qui aurait dissuadé certains militants. Il y a eu
des craintes chez certains électeurs potentiels d’être pris dans l’engrenage des affrontements
partisans. Pour les militants du PDS, l’opposition aurait orchestré une violence inouïe contre
leurs principaux responsables lors des évènements du 23 juin 2011 et de la campagne
électorale qui a suivi.
Cette situation aurait installé une psychose chez certains militants, craignant pour leur
vie. Jadis, le PS avait pris l’habitude d’intimider ses adversaires à chaque période électorale.
La violence orchestrée par les militants socialistes pouvait dissuader les membres de
l’opposition à participer massivement aux joutes électorales. Les bourrages d’urne, les
expéditions punitives contre certains responsables de l’opposition, permettaient au parti
socialiste au pouvoir (1960-2000) de fragiliser les soutiens politiques en faveur de
l’opposition.
En réalité, l’abstentionnisme a des significations multiples : désintérêt pour la chose
politique, défiance à l’égard du personnel politique, faiblesse de la culture politique…). Il y a
un lien direct entre la violence et le niveau de participation politique. Un environnement
politique instable et pernicieux favorise l’exclusion de certains adversaires politiques.
Cette situation concerne l’ensemble des partis politiques engagés dans les élections.
Par exemple, les zones qui ont été les plus exposées à la violence partisane (Dakar et sa

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banlieue) ont enregistré de faibles taux de participation127. La crainte des affrontements
démobilise certains militants. Dans le département de Bignona, les attaques courantes de
groupes armés « non-identifiés » on terrorisé les électeurs et ont contraint l’administration à
annuler le scrutin présidentiel dans certaines « zones à risque ».
Les hommes politiques sénégalais ont conscience du pouvoir de la violence. La
compétition pour le pouvoir expose les uns et les autres à la peur des affrontements ou de la
médisance. Il existe une véritable « politique de la peur de la violence », c’est-à-dire un usage
délibéré de la violence pour terroriser et manifester symboliquement une position de
domination ou de puissance. Elle varie selon qu’on se trouve en situation d’agression ou de
résistance.
Les confidences faites par Maguette Guèye, un jeune militant de Rewmi, sur les
violences du 9 mars 2014 au Cybercampus de Thiès, renseignent sur la peur que peut susciter
la violence ou la menace de la violence :
« Ousseynou Gueye qui est responsable des jeunes dans le parti et très proche
d’Idrissa Seck, était en conflit avec les principaux responsables départementaux. Il
s’agit de l’adjoint au maire, Diattara, et le maire de Thiès ouest, Maimouna Dieng. Il
contestait le choix des candidats désignés aux élections locales de 2014 et soutenait
mordicus qu’il fallait se référer à l’arbitrage d’Idrissa Seck.
Il avait visiblement préparé son coup, puisqu’il détenait sur lui quelque chose qui
ressemblait à du pompe à gaz. Mais, c’était en réalité une mixture faite de cendre,

127 Au niveau national le taux de participation n’atteint que 55% selon les résultats publiés par le
conseil constitutionnel dans sa séance du 06 mars 2012.

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d’eau et d’un peu de piment. En plus, il avait demandé à quatre de ses frères de faire
irruption dans la salle, si la situation tournait mal. Ils sont très costauds.
Lorsqu’il a brandi la mixture, la foule a subitement paniqué. C’était le branle-bas de
combat et le sauve-qui-peut. Il y a eu une bousculade générale. Une scène digne d’un
film américain. Avec ce leurre, il a réussi à déstabiliser ses adversaires.
L’assemblée générale n’a pas pu se poursuivre normalement, car responsables et
militants se sont dispersés. Ensuite, c’est la presse qui a exagéré en parlant
d’affrontements et d’échanges de coups. Seulement, les gens ont paniqué trop vite. Le
gars a réussi son coup politique. Il est coutumier des faits. C’est la raison pour
laquelle, il est très craint par certains responsables ou militants »128.
Les militants développent aussi des représentations pour évoquer et signifier les effets
de la violence. Ces représentations sont fondées sur les croyances religieuses, sur la place et
l’importance du corps et sur le rapport au genre.
Du point de vue de la religion, la violence fait visiblement plus peur. L’idéologie
religieuse valorise l’esprit plus que la matière, l’âme humaine plus que le corps, le préjudice
moral plus que le préjudice physique. L’âme humaine est l’entité représentative de la dignité,
de l’honneur de l’être humain. Quand elle est prise pour cible par la violence, la personne est
fragilisée. Par exemple, une moquerie peut profondément atteindre l’homme dans son
honneur et dans sa dignité.

128 Propos recueillis en mars 2014 dans le cadre des nombreux et réguliers contacts informels que
nous avons eus avec ce monsieur tout au long de notre enquête.

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Au cours des entretiens réalisés129, certains militants ont développé une vision
abstraite des effets de la violence, influencés par le discours religieux. Pour eux, la violence
est dangereuse puisqu’elle dispose d’un pouvoir maléfique. La violence porte atteinte à des
valeurs humaines fondées sur l’honneur et la dignité. Quand la dignité humaine est bafouée
par la violence, certaines valeurs sont atteintes comme la « sutura » (discrétion), le « djom »
(honneur), le « keersa » (pudeur). Il faut craindre la violence, car « dafa niakk keersa te dey
xawi saa sutura » (la violence est impudique et elle humilie), déclarent en chœur certaines
personnes.
L’idéologie matérialiste conçoit le corps humain comme un élément crucial. Le corps
est sacralisé. Le corps est aussi le réceptacle de la dignité humaine. Son intégrité doit être
préservée. Le préjudice physique est dévalorisant pour la victime. Le droit positif sénégalais
entérine ce discours protecteur du corps. De ce point de vue, c’est un « droit des corps », qui
régit et protège le rapport du corps au monde. Le corps devient une sorte de « sanctuaire ».
La constitution sénégalaise de 2001 stipule dans son article 7 que : « La personne humaine est
sacrée. Elle est inviolable. (…) Tout individu a droit (…) à l’intégrité corporelle, notamment
à la protection contre toutes mutilations physiques ».
Dans ce cas, la dangerosité de la violence a trait à sa faculté à provoquer des
traumatismes physiques importants, à menacer les activités du corps telles que : marcher,
s’asseoir, dormir, manger… Il y a une éthique du respect des activités du corps. Lorsque
l’usage de la violence y fait obstacle, elle est perçue comme une conduite traumatisante. C’est
une approche plutôt pragmatique du pouvoir de la violence partisane.

129 Entretiens approfondis et libres réalisés auprès des militants politiques entre octobre 2012 et mars
2013.

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Le genre est l’un des principaux facteurs de la perception, plus ou moins grande, de la
dangerosité de la violence et de la gravité des actes violents. Le rapport à la violence partisane
diffère selon qu’on est une femme ou un homme. Par exemple, les femmes politiques sont
plus exposées à la peur de la violence. En effet, la violence est souvent assimilée à l’univers
de la virilité130, de la domination masculine (Pierre Bourdieu). L’imaginaire social identifie la
femme au « sexe faible », à la personne dépourvue de défense.
Le lien entre femmes et violence reste envisagé sous l’angle de la victimisation des
femmes. Le mouvement féministe a beaucoup contribué à cette lecture. En effet, au niveau
politique et juridique, les femmes sont systématiquement reconnues comme des victimes de la
domination masculine. La violence subie par les femmes constitue l’objet de toutes les
attentions.
C’est une façon de masquer la responsabilité des femmes dans les actes de violence, en
les pensant comme des victimes de la violence des hommes et de la domination masculine.
Les pouvoirs publics ont opéré une hiérarchisation des luttes et l’adoption de programmes
destinés à la prise en charge des violences faites aux femmes131.
C’est la principale raison pour laquelle, les femmes politiques sénégalaises expriment
cette vision brutalisée et masculinisée de la violence, vision caricaturale et réductrice Une
femme politique, D. Diop (37 ans), responsable de Rewmi à Thiès Nord, confie :

130 L’expression en wolof « goor fiit », littéralement le courage est une qualité masculine, dénote de
cette représentation.
131 Fanny Bugnon, La violence politique au prisme du genre , thèse de doctorat en Histoire, Angers,
Université d’Angers, novembre 2011.

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« En tant que femme et mère de famille, il y a des choses que je ne peux pas me
permettre. D’ailleurs, je ne peux pas supporter les effets physiques et moraux de la
violence. Je n’imagine même pas ce que diraient mon mari, mes enfants ou mes
voisins de quartier, s’ils devaient apprendre que j’ai été mêlée à des actes de violence,
ou que j’ai été victime de la violence. On va, certainement, me taxer de femme sans
vergogne, récalcitrante à l’autorité de son mari. Je risque même de déstabiliser mon
ménage. Mon mari était longtemps hésitant avant de m’autoriser à faire de la
politique. Au moindre problème, il risque de m’exiger de quitter la scène politique.
C’est pour toutes ces raisons que je m’éloigne autant que possible de toutes violences
d’où qu’elles viennent. Et j’invite toutes les femmes politiques à faire de même.
Contrairement aux hommes, nous ne devons pas nous mêler des affrontements
partisans. Lii ci djigg goor djiguu ci djiguen (La violence peut s’accommoder des
hommes, mais elle ne convient certainement pas aux femmes) »132 .

La peur que les femmes ressentent vis-à-vis de la violence des partis politiques serait
une contrainte majeure à leur participation à la chose publique. Le désintérêt qu’elles
manifestent pour la compétition politique tient, parfois, à la vie politique telle qu’elle est
exercée par les hommes. Les violences qui ont entouré les pratiques politiques au temps des
partis uniques, qui ont accompagné la naissance des partis politiques, jusqu’à la libéralisation
des régimes, n’ont pas favorisé l’émergence des femmes.

132 Propos recueillis lors d’un entretien libre réalisé en juin 2013.

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Par exemple, une enquête133 analyse les représentations des femmes qui constituent
des obstacles à leur engagement politique. Dans cette veine, la politique est perçue comme un
univers « immoral » marqué par les affrontements violents :

« Au niveau de l’échantillon-témoin homogène que nous avons considéré comme
potentiellement représentatif de la conscience populaire, la quasi-totalité des
enquêtées considère qu’il est ingénu de croire qu’il est possible de faire prévaloir
l’éthique dans un domaine où il est courant de voir des familles s’entre-tuer, des amis
se trahir et des pays basculer dans la guerre civile.
Pour illustrer de tels propos, les enquêtées ont beaucoup fait référence aux violences
régulières lors des renouvellements d’instances de certains partis, aux attaques
mutuelles de certains frères de la même famille confrérique, qui ont soutenu des partis
différents… ».134

Il existe une réelle volonté de mettre en scène, de faire la représentation symbolique du
pouvoir de la violence. On parle volontiers de « théâtrocratie »135 de la violence, de l’exercice
de la violence par les apparences, par la dramatisation et par la relation au spectacle.

133 Aminata Touré, « La politique au quotidien. Enquête qualitative », in Friedrich Ebert
StiftungBibliothek , Dakar, décembre 1999, pp. 47-65.
134 Ibid, p 51.
135 Georges Balandier, Le pouvoir sur scène , Paris, PUF, 1980.

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Concrètement, un pouvoir se manifeste politiquement par une mise en scène qui s’attache à
signifier la fonction, la place et l’efficacité de la violence dans la compétition politique.
La théâtrocratie du pouvoir de la violence partisane exprime une culture de la violence
chargée de représentations militaires. La violence physique et la sanguinolence qui la
caractérise comportent des références propres à l’univers de l’affrontement militaire.
L’exaltation de la violence est une forme explicite d’hostilité à l’égard des adversaires
politiques. Elle valorise une brutalisation des consciences.
La brutalisation est une forme de banalisation des représentations de la guerre ou,
davantage, un culte de la guerre, de la souffrance et de la violence. Dans cette perspective, la
perception de la guerre devient presque une chose acceptable. La banalisation de l’expérience
guerrière est un phénomène qui manifeste la terreur à un niveau ordinaire136. Les acteurs
politiques tentent, à travers la brutalisation, de donner un sens aux rapports de pouvoir.
Dans ce cas, les effets politiques explicitement recherchés dans la brutalisation sont :
l’exemplarité du châtiment, l’édification des spectateurs et le rappel de la puissance de
l’auteur de la violence qui démontre son pouvoir de « faire mourir » ou de « laisser vivre ».
L’humiliation de la victime constitue l’ultime effet recherché. La victime est exposée dans un
état de faiblesse extrême ; elle est dominée et dégradée137.

136 Emmanuel Taieb, Du spectacle au secret. Les exécutions publiques entre technologie de pouvoir
et sensibilités France 1870-1939 , thèse de doctorat de science politique, Paris, Université Paris 1,
novembre 2006.
137 Ibid.

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L’histoire politique sénégalaise foisonne de faits qui montrent que la violence vise à
administrer aux adversaires une souffrance mémorable destinée à intimider, à provoquer la
vulnérabilité. L’agression de l’opposant Talla Sylla est très emblématique de cette forme
ostentatoire de la violence partisane. Marcel Mendy fait le récit de cette forme de violence en
ces termes :

« Ce dimanche-là, 5 octobre 2003, s’entretenant au cours d’une émission avec le
journaliste Mame Less Camara, (…) Talla Sylla n’a pas été tendre avec le régime
libéral de Me Abdoulaye Wade (…). Il fustigera notamment les reniements du pouvoir
par rapport aux promesses électorales. Et point d’orgue de sa diatribe anti-wadienne,
il invitera le chef de l’Etat à rendre le tablier étant donné la violation de son serment
constitutionnel dont il s’est rendu coupable. (…)
Après l’émission, Talla regagnait tranquillement son domicile (…). Le soir, vers vingt
et une heure, (…), il décide de se rendre non loin de chez lui, (…) au restaurant Le
Régal, célèbre lieu de rendez-vous du Tout-Dakar politique et des affaires. Le temps
d’échanger quelques mots avec le maître des céans, il reçoit un appel téléphonique qui
l’oblige à sortir du restaurant.
(…) Il s’en est allé (…) A deux cents mètres du Régal, du côté de l’agence Alliance
sécurité, un commando de trois gros bras faisait le guet, apparemment bien informé
de l’agenda du jeune leader politique.
(…) Quand Talla se retrouve à leur hauteur, brusquement, les occupants dudit
véhicule s’en extraient. Et sans crier gare, ils se ruent sur lui, tels des fauves sur une

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proie. Talla Sylla n’a pas eu le temps de réaliser ce qui lui arrivait. Des coups
ponctués d’insultes débitées avec rage, pleuvaient sur sa tête, sur son visage, sur tout
son corps. A une cadence vertigineuse.
Il avait l‘impression de recevoir les feux de la Géhenne, tellement il souffrait le martyr
entre les mains de ses impitoyables agresseurs. Comme un punching-ball, le leader de
Jef Jël subira la loi de ces loubards, (…). Puis soudain : un, deux, trois détonations.
Sa boîte crânienne avait-elle explosé (…) ? Que non.
Pour tenir en respect, dissuader le vigile de la boutique d’à côté d’intervenir et de
couvrir leur retraite, les loubards avaient tiré des coups de feu en l’air (…) ».138

L’efficacité politique de la « théâtrocratie de la violence » provient du regard que les
citoyens portent sur la violence. Ce regard assure la relation entre visibilisation et politisation,
entre publicité et effets politiques. Il y a une culture de masse qui passe par une «
spectacularisation de la vie urbaine », c’est-à-dire la transformation en spectacle digne
d’intérêt de tous les événements importants de la ville. La sphère publique est structurée de
telle sorte qu’elle appelle une volonté de constater visuellement ce qui survient139.
Le paysage visuel des citadins sénégalais est donc empli d’attroupements, de
rassemblements spontanés et de mouvements de foule. L’information est, en partie, obtenue

138 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, pp 193-194.
139 Emmanuel Taieb, op cit.

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dans la rue. Il existe un désir de voir par soi-même et de s’attrouper pour former une foule
regardante. La rue est donc le lieu du regard et un espace de circulation de l’information.
L’attaque de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur par des « nervis » est symptomatique
de cette caractéristique de la société sénégalaise. En effet, au cours de l’agression qui s’est
déroulée en plein jour, une foule de badauds s’est formée aux alentours et à proximité des
différents protagonistes pour regarder la scène macabre. Les auteurs de cette attaque contre le
maire Barthélemy Diaz ont choisi ce moment de la journée et ce lieu public pour attirer sur
eux le regard de la rue. Le public venu acclamer et applaudir les protagonistes n’était pas
nécessairement un public politiquement conquis, mais des spectateurs désireux de satisfaire
une curiosité.
Paradoxalement, en cherchant à faire peur, à intimider, à soumettre, la violence peut
susciter l’orgueil des militants, leur témérité, leur résistance. Elle contribue alors à fabriquer
des « héros », des « martyrs », des « résistants ». Le centre du pouvoir de la violence se
déplace du côté de la victime. Le pouvoir de cette dernière est sa capacité à s’opposer à la
violence de « l’agresseur » par le moyen d’une nouvelle violence. Les rapports de force entre
« l’agresseur » et le « résistant » sont redéfinis.
Face à une situation de vulnérabilité, la violence peut être perçue comme une
« praxis »140. Autrement dit, elle est conçue par les acteurs comme un moyen, une pratique
destinée à transformer, à infléchir la situation des victimes. Ces dernières utilisent la violence
pour échapper aux mains du dominant, pour sortir de cette spirale infernale d’humiliation,

140 Franz Fanon, Les damnés de la terre , Paris, La Découverte, 2002.

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pour exister tout simplement. La violence débarrasserait les dominés de leur complexe
d’infériorité, de leurs attitudes désespérées.
Le désir de continuer à vivre est menacé par la violence de « l’agresseur ». La violence
est perçue comme la seule forme d’action réellement efficace en vue de renverser la polarité
de cette violence intériorisée. Ce qui signifierait l’échec de la domination symbolique de
l’adversaire, qui se retrouve à son tour face à la violence collective ou individuelle.141
La violence devient le ciment de la lutte politique, lutte partisane, lutte collective. Elle
conduit l’individu à dépasser ses préoccupations personnelles pour se consacrer à son
existence dans un groupe ou un parti politique. La nouvelle « humanité » politique se
construit une identité à travers la reconnaissance dans la lutte partisane ou « l’indentification
partisane ».
Au Sénégal, les manifestations violentes le 23 juin 2011 contre le projet de loi
instituant l’élection du Président avec 25% des suffrages, ont été des prétextes au
déchainement de violences, justifiées par l’idéal de défendre la démocratie et la Constitution.
Le cri de ralliement des manifestations violentes contre le régime de Wade fut : « Touche pas
à ma constitution ! ». On a célébré et interprété ces évènements comme la vigueur de la société
civile, la vitalité de la démocratie sénégalaise, la reconquête d’une citoyenneté démocratique
jadis « introuvable »142.

141 Ibid.
142 Alpha Amadou Sy, Le 23 juin 2011 au Sénégal (ou la souveraineté reconquise) , Dakar,
L’Harmattan Sénégal, 2013.

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Les évènements du 23 juin 2011 ont donné lieu à une réinterprétation imaginaire de
l’émergence d’un nouvel homme sénégalais, attaché aux valeurs de la démocratie, bref un
« Nouveau Type de Sénégalais » (NTS). L’image magnifiée du militant dominé, opprimé et
agressé, qui, au lieu de fuir, de se soumettre, décide d’affronter son « ennemi », est
significative.
Les propos tenus par Fadel Barro, coordonnateur du mouvement « Y’en a marre », qui
a été très actif lors des évènements du 23 juin, confirment cette interprétation. Il déclara :

« Le 23 juin est une date symbolique et historique pour le Sénégal. En ce sens que
nous avions su provoquer avec les autres forces vives de ce pays des émeutes pour
arrêter un projet de loi qui était sur le point de remettre en cause nos acquis
démocratiques, qui voulait remettre surtout en cause l’option républicaine du Sénégal
(…)
Ainsi, le Nouveau Type de Sénégalais (NTS) forme une masse critique de citoyens
responsables, capables de dire « non » aux dérives à travers l’action. Et on ne reste
pas seulement dans nos salons pour dire non, mais on s’organise pour l’exprimer sur
le terrain et dans la rue et contester la manière dont le pays est gouverné ».143

143 Extraits de l’interview accordé par Fadel Barro au magazine burkinabé « Mutations » dans le
cadre de la commémoration de la naissance du mouvement « Y’en a marre ».

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Jadis, la faculté des jeunes émeutiers de résister à la violence courante du pouvoir par
la violence qu’ils manifestaient dans la rue, avait aussi été magnifiée. En effet, dans les
années 1980, ceux que l’on appelait « les cadets sociaux » :
« Expriment les déceptions de la génération de l’après indépendance : de très
mauvaises perspectives d’emploi dans un contexte économique marqué par
l’endettement de l’État et l’ajustement structurel, un budget de l’éducation en baisse,
un secteur informel qui ne permet de vivre qu’au jour le jour et où la petite
délinquance semble offrir la voie de survie la plus réaliste. Leur état d’esprit les incite
à rejeter toute autorité religieuse, qu’ils considèrent comme pratiquement vendue au
gouvernement, ainsi qu’en font épisodiquement foi les instructions données à
l’occasion des élections. »144.

Cette contre-violence serait une source intarissable de créativité, d’inventivité sociale
et politique. C’est ce que pense Antoine Tine, quand il affirme :

« (…) Les jeunes investissent la rue, manifestent d’autres formes de créativité
politique et sociale. Du reste, la violence non contrôlée des jeunes des villes, étudiants
et chômeurs, contournait l’espace des partis politiques et ne signifiait pas une
adhésion aux discours de l’opposition. Elle était plus l’expression d’un ras-le-bol d’un

144 D.B Cruise O’Brien, « Le contrat social sénégalais à l’épreuve », in Politique africaine , n°45,
mars 1992, pp 17-18.

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prolétariat urbain marginalisé et révolté par les attitudes ostentatoires d’hommes
politiques-pouvoir et opposition confondus- insensibles à la misère sociale ».145

A un niveau individuel, la résistance à la violence est un moyen d’apparaître comme
un héros ou un martyr aux yeux de l’opinion. Après la mort du nervi Ndiaga GUEYE, suite à
l’attaque de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur, qui a ciblé Barthélemy Diaz, Jean-Paul Diaz a
tenu, dans une conférence de presse, à décrire son fils sous les traits d’un « héros national ».
La violence de l’opposant du PDS est réinterprétée et magnifiée en ces termes :

« (…) C’est une attaque caractérisée contre une institution de l’Etat. Maintenant, face
à cela, quelle devait être la réaction ? On peut fuir en abandonnant l’institution de
l’Etat. Deuxième attitude, on fait face comme un homme et Barthélémy Diaz a adopté
la posture d’un héros… ».

A sa sortie de prison, Barthélémy Diaz, qui est désormais perçu par son père et une
partie de l’opinion publique sénégalaise comme un « héros national », se considère victime
d’une machination politique, visant à l’offrir en « sacrifice ». Il justifie sa riposte et signifie
sa « bravoure » en ces termes :

145 Antoine Tine, De l’un au multiple, vice versa …, op cit, pp. 186-187.

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« Ce qui s’est passé devant la mairie, c’est regrettable. Mais, ce n’est qu’une partie de
ce qui s’est passé. Des gens sont venus encore une fois de plus pour exécuter un
sacrifice humain. Mais, je le dis et je le répète une fois de plus, je pense que depuis
que Macky Sall est arrivé au pouvoir, on entend plus de sacrifices (…).
Je sais de quoi je parle, c’est malheureusement un sacrifice humain qui a mal tourné.
(…) C’est Abdoulaye Wade qui est à l’origine de ce sacrifice humain. (…) Les vrais
commanditaires sont Abdoulaye Wade, Ousmane Ngom et Cheikh Tidjane Sy (…) ».

Le pouvoir politique sénégalais construit des représentations qui interprètent et
justifient à sa façon, selon les ressources à sa disposition, la violence contre des adversaires
politiques.

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PARAGRAPHE 2/ La violence du pouvoir.

« (…) Max Weber, qui enracine le politique dans la violence prend le soin de nous rappeler qu’il s’agit
de la violence légitime. Or, que peut désigner le terme de violence légitime sinon une violence habillée,
réinterprétée et magnifiée par les mots, signes et les symboles ? »146.

Le pouvoir politique est un pouvoir d’injonction socialement légitime147. L’injonction
signifie que : « la sanction est garantie par la menace ou le recours à la contrainte
physique ».148 Sa légitimité traduit son acceptabilité par ceux qui subissent la violence.

146 Frédéric BON, « Langage et politique », in GRAWITZ Madeleine et LECA Jean , Traité de
science politique , Paris, PUF, 1985, p 538.
147 Philippe Braud, Sociologie politique , op cit.
148 Philippe Braud, Sociologie politique , op cit, pp 36-37.

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Aujourd’hui, l’Etat est devenu la figure moderne du pouvoir politique au point de se
confondre à celui-ci. Cette situation n’a pas toujours prévalu, car le pouvoir politique s’est
manifesté sous d’autres formes, soit de façon personnalisée, soit de manière diffuse.
Il existe deux arguments contre l’idée de justification de la violence par l’Etat.
D’abord, l’évolution historique de l’Etat est marquée par une tendance à la monopolisation de
la violence physique149. Elle consacre l’imposition progressive d’un centre politique sur des
périphéries. La monopolisation étatique de la violence signifie que l’Etat doit être la source
unique d’émanation, d’expression ou de manifestation de la violence physique. Ce qui
suppose une limitation et une régulation de la violence dans l’espace social et politique. Le
monopole de la violence débouche sur un principe d’interdiction du recours à la violence
physique pour tout acteur non-étatique.
Mais, l’Etat détient-il de manière absolue et incontestable le monopole de la violence
physique ? Existe-t-il des limites au pouvoir de l’Etat ? Les éruptions périodiques de violence
ou de protestation qui affectent le pouvoir politique de l’Etat, menacent et nuancent
l’hypothèse du monopole de la violence physique légitime. « Ces formes d’action (…)
politique rappellent la fragilité des mécanismes institutionnels et culturels censés pacifier
l’espace public ».150
Par exemple, les violences collectives contre l’Etat sont courantes. Leur intensité
varie. Certaines sont de faible intensité : barricades, jets de pierres… D’autres, par contre,

149 Norbert Elias, La dynamique de l’Etat en Occident , Paris, Calmann-Lévy, 2001.
150 Olivier Ihl, « La civilité électorale : vote et forclusion de la violence en France », art cit, p 2.

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sont plus graves, puisqu’elles débouchent sur la remise en cause du fonctionnement des
institutions politiques.
Le monopole de la violence ressemble davantage à une construction imaginaire qui
permet de justifier une prétention hégémonique du pouvoir politique. La réalité sociologique
de l’Etat est caractérisée par des rapports de force. Le pouvoir s’exerce par l’entremise des
partis politiques qui naissent des clivages de la société.151
Cela nous amène à poser quelques questions : Comment le pouvoir justifie-t-il le
monopole de la violence ?-Quelles sont les implications de ce monopole de la violence
physique ?
L’institutionnalisation de l’Etat se manifeste par la définition de buts collectifs,
d’objectifs généraux et d’idéaux justes, par la mise sur pied de structures formelles qui
régulent et contrôlent la conformité des actions des individus aux règles. Dans cette
perspective, on met en place des incitations, des sanctions, des punitions qui conditionnent les
comportements des gouvernés et des gouvernants.
Les gouvernants se présentent donc comme des exécutants de la volonté générale152.
La volonté générale n’est pas la somme des volontés particulières. Elle n’est pas aussi
l’élément commun qui résulte des volontés individuelles. La volonté générale, comme volonté
d’Etat, est l’expression de la raison politique d’un Etat qui veille au bien commun des

151 Stein Rokhan, Citizens, Elections, Parties , Oslo, University Press, 1970.
152 Eric Weil, Heigel et l’Etat , Paris, Librairie Jean Virn, 1974.

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citoyens ou à l’intérêt général. Au nom de la volonté générale, l’Etat revendique le statut de
garant ultime de la paix civile153.
L’institutionnalisation du pouvoir politique semble donc s’opposer à toute idée
d’agression violente émanant exclusivement de l’Etat. L’agression est un usage arbitraire,
abusif et personnalisé de la violence. Elle est perçue comme une action liberticide et
arbitraire. Elle est présentée comme l’exploitation du faible. C’est certainement ce qui
explique qu’elle soit stigmatisée, clouée au pilori, vilipendée. Les agressions causent aussi le
désordre social, la dérégulation, le chaos et l’anarchie.
« L’Etat est toujours médiatisé par les hommes »154 qui ont des motivations et des
intérêts particuliers. Il n’y a pas toujours une identité entre les intérêts de la particularité posés
comme universels et les intérêts du bien public. Le pouvoir de l’Etat devient dangereux et
nuisible quand la particularité qui l’exerce en abuse et en profite.
L’Etat est violent dans la mesure où il nie la prétention à l’universalité des autres
particularités. Il l'est aussi, car pour consolider son universalité, il finit par agresser tous ceux
qui se dressent sur son chemin et s’opposent à lui.
Le fonctionnement de l’Etat sénégalais, de Senghor à Macky Sall, en passant par
Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, est caractérisé par les rapports de pouvoir et de
domination. L’Etat est identifié à un groupe dominant qui s’accapare des ressources du
pouvoir. Le pouvoir devient un instrument de personnalisation et de domination. L’Etat

153 Thomas Hobbes, Le léviathan (1651) , traduction de François Tricaud, Paris, Sirey, 1971.
154 Jean-François Médard, « Le modèle unique de l’Etat en question », in Revue internationale de
politique comparée, 2006/4, volume 13, p 683.

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appartient aux vainqueurs, aux forts. La distinction entre les intérêts de l’Etat et ceux du parti
au pouvoir s’obscurcit. En s’adressant à l’opposition qui critiquait son manque d’ouverture,
Abdoulaye Wade se défend en déclarant :
« Moustapha Niass a dit qu’il prêchait pour le dialogue, pour la concertation. Mais, je
voulais simplement lui dire que la démocratie c’est que le gouvernement doit
gouverner et l’opposition s’opposer. C’est cela qui est régi par la constitution. Je ne
suis pas obligé d’aller le consulter. S’ils (les opposants) constituaient une très grande
force, à ce moment, même par stratégie politique, je suis obligé de les consulter. Mais
aujourd’hui, je n’ai pas besoin d’eux… ».155

Ce modèle qui s’exprime à travers la métaphore du « phénix »156, se prolonge dans le
présidentialisme à outrance. La figure du Président de la République est la clef de voûte des
institutions. Il existe une surestimation de la personne du Président, autour de laquelle tout
gravite. Jusqu’ici, les Présidents de la République ont eu une conception de l’Etat fondée sur
la prééminence de leurs partis d’origine et sur l’exclusion d’une partie de l’opposition.
Même si le Sénégal a expérimenté des « gouvernements élargis d’union nationale » en
1991 et en 1993, la gestion des affaires de l’Etat n’est pas nécessairement inclusive. La
concertation s’inscrit davantage dans une logique de théâtralisation politique et de pacification
sociale. Elle n’est pas toujours mise en œuvre dans une logique délibérative et consensuelle.

155 Allocution faitele 19 mars 2011 lors de la commémoration du 11ème anniversaire de la première
alternance démocratique au Sénégal.
156 Alioune Badara Diop, Sénégal, une démocratie du phénix ? Paris, Crepos-Karthala, 2009.

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Avant 2000, les différents appels au dialogue lancés par le Président Abdou Diouf aux partis
d’opposition, cherchaient beaucoup plus à « amadouer » certaines formations politiques afin
de renforcer la domination du PS sur la vie politique sénégalaise.
Les nombreuses critiques formulées à l’encontre des pouvoirs « socialistes »,
« libéraux » et « apéristes », mettent en lumière la logique des rapports de force politique et la
personnalisation du pouvoir. Il y a une continuité de ce mode de gouvernance politique.

« La question posée après l’alternance était de savoir si les nouveaux dirigeants
regroupés autour d’Abdoulaye WADE allaient ou non rompre avec le mode de
gouvernement qui a caractérisé le Sénégal de Senghor à Abdou DIOUF, marqué par
les traits suivants : un pouvoir présidentiel prédominant grâce à une centralisation
politique et administrative, une logique clientéliste, la cooptation de personnalités
politiques susceptibles de renforcer le leadership présidentiel, un souci constant de
promouvoir l’image du président sur la scène internationale en raison de la forte
dépendance du régime envers les ressources extérieures. La réponse proposée évoque
une continuité dans la démarche des trois présidents sénégalais. ».157

Le présidentialisme exacerbé qui caractérise la logique de fonctionnement des partis
politiques au pouvoir, malmène régulièrement certains secteurs-clés comme le parlement, les
médias et la justice.

157 Momar-Coumba Diop, « Le Sénégal à la croisée des chemins », in Politique africaine , n° 104,
décembre 2006, p 104.

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« (…) Le parlement reste une caisse de résonance ou un surga158 de l’Exécutif. (…).
Les médias d’Etat sont strictement contrôlés par le parti au pouvoir dans des
conditions qui rappellent, par leur sévérité, celles qui prévalaient à la fin des années
1980. Le principe d’indépendance de la justice a été malmené par l’Exécutif.
Les hommes qui ont tenté d’arracher la vie à Talla SYLLA, le dirigeant du Jëf Jël,
suite à la diffusion d’une de ses chansons contestataires, courent toujours, malgré
l’enquête de la gendarmerie. Les jeunes proches du PDS qui ont été jugés et
emprisonnés pour avoir assassiné le juge Babacar SEYE en 1993, ont été amnistiés
dans des conditions troublantes159 (…) ».160

Les débuts de la présidence de Macky Sall semblent s’inscrire dans une continuité de
ce système présidentiel hégémonique. Le chef de file de l’Alliance Pour la République (APR)
a lancé à ses compagnons le slogan de « la patrie avant le parti ». Il entendait signifier qu’il
incarnait le pôle universel de l’Etat et l’intérêt général, sans renier, pour autant, la préminence
du présidentialisme.
Ainsi, il entendait n’exclure personne de la gestion du pouvoir, ni les membres de son
parti, ni ceux de l’opposition. Mais, ce discours ne renonçait ni à la cooptation politique ni à
la transhumance. Dans ce système d’hégémonie présidentialiste, le parlement demeurait, de

158 Toute personne vivant sous l’autorité de quelqu’un.
159 Abdou Latif Coulibaly, Sénégal. Affaire Me SEYE : un meurtre sur commande , op cit.
160 Momar-Coumba Diop, « Le Sénégal à la croisée des chemins », in Politique africaine , n° 104,
décembre 2006, p 115.

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manière stable, soumis aux desidérata du « Prince », en dépit d’une composition très variée au
sein de la nouvelle majorité présidentielle.
La violence se pare de l’autorité du droit pour se camoufler. Le droit se donne comme
la seule source qui légitime la violence. L’Etat se sert du droit pour couvrir ses exactions.
Quand l’Etat s’entoure du droit, il est possible de qualifier la violence qu’il exerce de force de
l’Etat. Alors, les sanctions engagées contre ses citoyens s’insèrent dans le cadre du respect des
procédures, des lois et autres règlements explicites. La force de l’Etat respecte la légalité et
devient aussi légitime.
La force de l’Etat est valorisée, légitimée, justifiée sur la base d’un ordre juridique et
politique dont l’Etat serait l’expression. L’Etat tire sa légitimité de sa capacité à transcender
l’égoïsme et les conflits individuels et à être le garant ultime de l’épanouissement du corps
social et politique.
Cependant, il est courant que le déploiement de la force de l’Etat soit suspecté, non
seulement par les hommes politiques, mais aussi par l’opinion publique. La multiplication des
bavures policières, l’impunité dont les forces de l’ordre semblent bénéficier, peuvent amener
certains à douter de la légalité et de la légitimité de la force de l’Etat. De plus en plus, ce qui
est présenté comme relevant de la « force publique » par les pouvoirs publics sénégalais, est
perçu comme un usage disproportionné et arbitraire de la contrainte publique.
Le droit ne parvient pas toujours à supprimer l’idée de violence arbitraire de l’Etat. Le
droit est le produit des rapports de force dans la société à un moment donné de l’histoire. Ces
rapports sociaux concrétisent les contradictions et les conflits entre les groupes d’intérêt et les
partis politiques.

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Il existe une grande défiance des Sénégalais vis-à-vis des gouvernants censés garantir,
chacun à son niveau, la légalité et la légitimité de la force publique. Par exemple, une enquête
d’opinion en 2004 161 sur l’état de la démocratie sénégalaise révèle une mauvaise réputation
des autorités politiques. S’agissant des parlementaires, trois sénégalais sur cinq ( 3/5) pensent
que les élus sont corrompus et représentent leurs intérêts particuliers. En ce qui concerne les
magistrats, sept personnes sur dix ( 7/10) interrogées manifestent une confiance toute relative.
Enfin, en dépit de la confiance que les enquêtés manifestent à l’égard de l’institution
présidentielle, ils jettent un regard critique sur les rapports que les fonctionnaires de la
présidence entretiennent avec la chose publique. Le pouvoir sénégalais est souvent suspecté
d’agressions violentes contre l’opposition. « L’ordre public » et le « pouvoir disciplinaire »162
sont les deux figures qui permettent de justifier la violence partisane.

« La violence d’Etat est légitimée par le souci de protéger l’ordre public contre les
fauteurs de troubles : la provocation justifie la répression. ».163

Le concept de l’ordre public comporte une dimension abstraite et une dimension
normative164. Il désigne un système de valeurs, de normes, de comportements à défendre par

161 Babaly Sall, Kay Zeric Smith, « Libéralisme, patrimonialisme ou autoritarisme atténué : variations
autour de la démocratie sénégalaise », in Afrobarometre , n°36, avril 2004.
162 Michel Foucault, Surveiller et punir , Paris, Gallimard, 1975.
163 Philippe Braud, Sociologie politique , op cit. p 426.

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l’Etat. Sous cet angle, l’ordre public renvoie à une conception maximaliste qui l’identifie à
une fonction sociale publique. La fonction sociale de l’ordre public, c’est la défense des
valeurs sociales. L’ordre public est pensé comme un mécanisme réparateur et défensif qui
consolide les acquis démocratiques.
Généralement, les sources de l’ordre public sont fragiles sur le plan juridique. Les
conditions dans lesquelles doit s’exercer la force publique sont également floues. En l’absence
d’une définition matérielle, d’un contenu explicite, l’ordre public devient juridiquement
incertain, variant selon les faits, les circonstances et les interprétations des hommes politiques.
C’est donc une « notion vague, complexe, changeante et quelque peu mystérieuse ».165
Les actes de l’Etat sénégalais en matière de maintien de l’ordre public reflètent très
souvent la volonté des hommes politiques qui décident et agissent pour leur propre compte.
L’irruption des motivations partisanes est favorisée par le flottement et l’incertitude du
concept d’ordre public. Le parti au pouvoir instrumentalise la « force publique » pour en faire
un mécanisme de contrôle et de domination politique de l’opposition.
Par exemple, le Parti Démocratique Sénégalais a instrumentalisé la réglementation sur
les manifestations publiques comme un moyen de pression politique sur les partis
d’opposition. En 2007, le Président de la République, Abdoulaye Wade, accusait les leaders

164Anne Mandeville, Les autorités responsables du maintien de l’ordre public. Eléments pour une
analyse politique du système britannique du maintien de l’ordre public , thèse de doctorat en science
politique, Toulouse, université des sciences sociales de Toulouse 1, 1994.
165 Alain Plantey, « Définition et principe de l’ordre public », in R Polin (sous la direction de),
L’ordre public , Paris, PUF, 1995, p 27.

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des partis d’opposition de privilégier une contestation médiatique et de ne pas être assez
courageux pour l’affronter directement.
Aujourd’hui, au Sénégal, la classe dirigeante au pouvoir, l’APR et ses alliés, a toujours
transformé le maintien de l’ordre public comme un moyen de répression et d’agression
politique contre l’opposition. Les autorités centrales justifient la répression et la non-
autorisation des manifestations politiques par leur caractère illégal, dans la mesure où elles
sont interdites par le préfet. En réalité, il y a une sorte de perversion insidieuse de l’esprit du
régime juridique de la déclaration préalable qui favorise la liberté de manifestation, consacrée
par l’article 10 de la constitution sénégalaise. Dans la pratique, on est plus proche d’un
régime d’autorisation, qui confère un rôle trop important au préfet, s’arrogeant un pouvoir
d’appréciation de l’opportunité de la manifestation.
Durant la transition démocratique, le maintien de l’ordre public a souvent permis à
Senghor, puis à Abdou Diouf, de justifier les agressions contre l’opposition. Par exemple, les
émeutes postélectorales de 1988 ont débouché sur la mise en œuvre des « pouvoirs de police
extraordinaires ». Il s’est agit principalement de « l’état d’urgence » qui a suspendu l’autorité
du Parlement.
Le décret n°88 229 du 29 février 1988 pris par Senghor a instauré le « couvre-feu » à
Dakar. Il a surtout permis de cautionner l’arrestation des leaders de l’opposition à savoir
Abdoulaye Wade, Boubacar Sall, Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye, Abdoulaye Bathily et
Amath Dansokho. Abdoulaye Wade, très virulent contre le pouvoir socialiste, fut la principale
cible de Senghor. C’est pourquoi, il fut condamné dans un premier temps à un an
d’emprisonnement.

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Par le procédé juridique de « l’état d’urgence », Senghor a réussi à faire passer ses
opposants pour des « ennemis » de la nation, de la République, de l’Etat, de l’intérêt général
et de l’ordre public. Grâce au droit, il a pu qualifier, stigmatiser et cibler ses adversaires.
Le « pouvoir disciplinaire » est un pouvoir de surveillance dont le modèle est le
panoptique166. Le panoptique permet à un individu, logé dans une tour centrale, d’observer
tous les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour, sans que ceux-
ci ne puissent savoir qu’ils sont observés. Le pouvoir disciplinaire a pour effet, un « dressage
» des individus. Pour ceux qui s’écartent de la norme, les dispositifs disciplinaires peuvent
conserver des formes violentes. La violence s’applique aux individus catégorisés comme
délinquants. La prise en charge de la déviance et de la délinquance peut s’exercer de manière
violente sur les individus qui s’écartent de la norme.
La prison peut être interprétée comme une figure du pouvoir disciplinaire. En réalité,
l’univers carcéral est un lieu d’exercice d’un pouvoir disciplinaire et d’une violence pénale.
La prison est une institution sociale spécialisée dans la coercition et la privation de liberté
individuelle des hommes et le contrôle totalitaire de leur mode de vie, par l’isolement dans un
espace clos et la prise en charge de tous les besoins des reclus.
L’expérience de la prison porte une atteinte à « l’image de soi ». Le rituel de l’entrée
dans l’institution, la fin de la maîtrise du temps, la privation de l’intimité, la position de
subordination permanente, sont autant de facteurs qui contribuent à faire de la prison un lieu
de souffrance physique, psychologique et de violence. L’enfermement est ressenti comme une
torture psychologique.

166 Michel Foucault, Surveiller et punir , Paris, Gallimard, 1975.

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Il y a une sorte de mise en scène des agressions du pouvoir à travers l’emprisonnement
des adversaires de l’opposition. Le plus souvent, elle se manifeste par des détentions
arbitraires ou légalement douteuses, obtenues à la faveur d’une instrumentalisation de la
justice. Elle permet d’avoir une manifestation des rapports de force ayant pour enjeu le
pouvoir politique.
L’enfermement soumet les adversaires politiques à des conditions dures, afin de les
briser moralement et psychologiquement dans un lieu éloigné des regards indiscrets. Le choix
de la structure pénitentiaire est parfois significatif de la volonté du parti au pouvoir d’exercer
cette violence sur ses adversaires. Certaines prisons sont réputées être plus austères que
d’autres.
Dans l’histoire politique du Sénégal, plusieurs exemples permettent d’illustrer cette
technique d’agression. De Senghor à Diouf, en passant par Wade et aujourd’hui Macky Sall,
le milieu carcéral est le lieu d’exercice d’une violence partisane symbolique « intra-muros »,
dissimulée voire invisible. C’est une méthode d’intimidation, de repression contre certains
membres de l’opposition.
Entre 1960 et 1980, le système senghorien a procédé à l’emprisonnement de plusieurs
membres de l’opposition clandestine ou légale et parfois des membres du parti majoritaire.
Par exemple, en 1962, une crise politique a éclaté au sommet de l’Etat, opposant le camp de
Senghor, Président de la République et celui de Mamadou Dia, Président du Conseil167.
Senghor a accusé Mamadou Dia « d’atteinte à la sûreté de l’Etat ».

167 Le vote d’une motion de censure d’un groupe de députés favorables à Senghor contre le
gouvernement, le 14 décembre 1962, a précipité la crise. Mamadou Dia a ordonné la gendarmerie de
faire évacuer l’Assemblée nationale afin de faire respecter la décision du Bureau Politique qui devait

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Après un bref procès de cinq jours, le Président du Conseil ainsi que quelques-uns de
ses partisans, comme Valdiodio Ndiaye168, Joseph Mbaye169, Ibrahima Sarr170 et Alioune
Tall171, sont condamnés à la prison dans une enceinte fortifiée à Kédougou.
Aujourd’hui, des témoins privilégiés de cette crise de leadership entre Léopold
Senghor et Mamadou Dia, font état d’un piège tendu par le premier qui souhaitait, ni plus ni
moins, éliminer politiquement un adversaire au sein du parti unique. Par exemple, Amadou
Lamine Sakho, ancien secrétaire particulier d’Ibrahima Seydou Ndao172 a affirmé que :
« Senghor voulait garder Dia et ses compagnons tellement longtemps en prison qu’à leur
sortie, ils n’auraient plus de forces pour continuer à mener des activités politiques ».173
Globalement, Léopold Senghor a usé, sous son magistère, de l’instrument carcéral
comme moyen d’exercice d’une violence partisane. Le professeur Assane Seck a, lui aussi,
subi cette forme de violence. Il relate ses mésaventures :

statuer sur le différend plus tard. Un groupe de députés se réunissent dans le domicile de Lamine
Gueye, favorable à Senghor. Le lundi 18 décembre, le gouvernement est renversé.
168 Responsable politique socialiste, ancien maire de la ville de Kaolack et Ministre des finances en
1962.
169 Responsable socialiste et Ministre de l’Economie rurale en 1962.
170 Ancien leader syndicaliste, responsable socialiste et Ministre de la Fonction publique et du Travail
en 1962.
171 Responsable socialiste et plusieurs fois nommés Ministre dans le gouvernement de Mamadou Dia.
172 Ibrahima Seydou Ndao fut maire de Kaolack, président du parlement territorial sénégalais entre
1952 et 1959 et président honoraire de l’Assemblée nationale.
173 Propos tenus lors d’une émission de la radio « RFM » le samedi 15 juin 2013.

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« (…) Moi j’ai été arrêté ici, humilié, enchaîné, et transféré en Casamance (…)
pendant 24 heures, attaché en soute (…). J’ai été transporté comme cela (…). Et après
5 mois de prison, un jour on me dit « non-lieu », parce qu’ils n’ont pas pu trouver les
armes que j’étais supposé amasser en vue de faire un coup d’Etat (…) C’était en 1961
(…) J’ai, de nouveau, été transféré à Dakar, puis libéré et placé en résidence
surveillée (…) ».174

Abdou Diouf a également utilisé, dans une large proportion, la violence carcérale
contre ses opposants, dans le cadre d’un règlement de compte politique. Abdoulaye Wade,
mais aussi les autres opposants d’obédience « marxiste » (Landing Savané, Amath Dansokho,
Abdoulaye Bathily) en ont fait les frais. Après les troubles électoraux de 1988, le pouvoir
socialiste a ordonné l’emprisonnement d’Abdoulaye Wade. L’empressement avec lequel cette
arrestation s’est déroulée a rendu perplexe l’opinion publique.
La déclaration du Président Abdou Diouf au cours d’une conférence de presse en avril
1988, renforce l’idée d’une instrumentalisation de la justice : « Pensez bien que cela n’a pas
été de gaieté de cœur que j’ai fait arrêter Abdoulaye Wade ». L’emploi du pronom personnel
« Je » signifie une implication personnelle du Président, en violation du principe de la
séparation des pouvoirs.
L’organisation non gouvernementale Amnesty International a dénoncé des détentions
massives et arbitraires, des disparitions de membres de l’opposition sénégalaise. Mody Sy, un
député du PDS est arrêté en mai 1993. Il aurait souffert de sévices multiples durant sa garde à

174 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p 39.

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vue. Le 18 février 1994, les responsables des deux principaux partis d'opposition, Me
Abdoulaye Wade et Landing Savané, respectivement secrétaires généraux du PDS et de l’And
Jef/Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme (AJ/PADS), ont été arrêtés à leur
domicile par la police. Au cours des jours suivants, un troisième député du PDS, Pape Oumar
Kane, et deux autres militants du même parti, ont également été incarcérés à la prison centrale
de Dakar. Le chef d’inculpation pour ces cinq détenus est « l'atteinte à la sûreté de l'Etat »175
Abdoulaye Wade, quand il fut au pouvoir de 2000 à 2012, a reconduit cet héritage
politique. En fin politicien, il s’est beaucoup appuyé sur la machine judiciaire et carcérale
pour exercer une violence contre des hommes politiques perçus comme des adversaires issus
de son propre parti ou de l’opposition. Durant son mandat, beaucoup d’opposants et de
journalistes furent emprisonnés.
Les opposants ont accusé le pouvoir d’avoir instrumentalisé la Division des
Investigations Criminelles (DIC), considérée comme une véritable « police politique »,
destinée à harceler et à exercer une violence psychologique sur certains adversaires. Les
accusations judiciaires portent le plus souvent sur « l’atteinte à la sûreté de l’Etat » pour
sanctionner les critiques contre l’Etat. Dans la procédure pénale sénégalaise, l’accusation
« d’atteinte à la sûreté de l’Etat » permet de réduire considérablement les droits du prévenu.
La mise sous « mandat de dépôt » et la « garde à vue » du prévenu sont automatiques.
Dans cette veine, l’affaire Jean-Paul Diaz constitua une parfaite illustration. Pour avoir
affirmé que « le Président est un mécréant », le chef de file du Bloc des Centristes Gaindé
(BCG) fut interpelé un vendredi de Pâques à la sortie de la cathédrale de Dakar. Malmené,

175http://www.amnesty.org/ consulté le 15 mars 2013 à 12h07.

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puis forcé à monter sur un véhicule, on le conduisit aux locaux de la DIC. Son incarcération
dura plus de trois semaines. L’accusation portait sur le « complot et l’atteinte à la sûreté de
l’Etat ».
Dans une interview accordée à un journaliste français, Jean-Paul Diaz est revenu sur
cette affaire. Il déclara ironiquement :

« Ils disent (les gens du régime) que j’ai fait un complot alors qu’il n’y a pas eu de
coup d’Etat, il n’y a pas d’armes, il n’y a pas de gendarmes, il n’y a pas de militaires,
il n’y a pas de complices, il n’y a pas de comploteurs. Dans ce cas, comment je peux
tout seul comploter pour renverser le pouvoir en place ? ».

L’affaire Idrissa Seck constitua sans doute un bégaiement de l’histoire et une réplique
de la crise de 1962, opposant Mamadou Dia et Léopold Senghor. Compagnon de longue date
d’Abdoulaye Wade, Idrissa Seck est devenu Premier Ministre. En 2005, il est tombé en
disgrâce auprès du Président de la République. Il existait une brouille politique entre les deux
personnages. Idrissa Seck est accusé, dans un premier temps, par Abdoulaye Wade, de
détournement de fonds dans l’exécution des chantiers de Thiès, puis « d’atteinte à la sûreté de
l’Etat ». Sa détention dura sept mois et prit fin sur un « non-lieu », sur la base de deux
ordonnances délivrées par la doyenne des juges et la commission d’instruction de la Haute
Cour de justice.

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Huit ans après les faits, l’intéressé qualifia son emprisonnement « d’agression
judiciaire violente »176. Il fut arrêté manu militari par des éléments des forces de l’ordre.
Plusieurs de ses compagnons ont subi cette violence. Yankhoba Diattara, un collaborateur du
maire de Thiès Idrissa Seck, a, par exemple, été conduit en prison, torse nu et enchaîné, alors
qu’il rendait visite à son mentor à la prison centrale de Rebeuss. Il fut soupçonné de
complicité « d’atteinte à la sûreté de l’Etat ».
En dépit du « non-lieu » dont Idrissa Seck a bénéficié dans l’affaire des « chantiers de
Thiès », l’entrepreneur Bara Tall fut incarcéré pour « collusion frauduleuse » avec le maire de
Thiès. Bara Tall, un proche d’Idrissa Seck et un habitant de la ville de Thiès, dirigeait
l’entreprise Jean Lefèbre qui a participé, avec une quarantaine d’autres entreprises, aux
chantiers de Thiès, fut accusé de « surfacturations » en 2004.
Sa proximité avec Idrissa Seck lui aurait permis de détourner les fonds publics investis
dans les chantiers, en prévision de l’organisation de la fête de l’indépendance. Ces accusations
lui ont valu un séjour carcéral à la prison de Rebeus. Finalement, la justice sénégalaise a
reconnu qu’il n’existait pas de fondements juridiques aux accusations de corruption.
En 2014, l’affaire Karim Wade cristallisa les soupçons de procès politique et manifesta
la volonté du pouvoir disciplinaire d’exercer une violence psychologique et carcérale contre
un adversaire politique. L’analyse de ce dossier politico-judiciaire gagnerait à être
précautionneuse et nuancée. Cependant, on peut rappeler quelques faits objectifs qui
confortent l’idée de risques de manipulation politique de la justice. Le débat juridique sur le

176 Interview accordée au « Groupe Futurs Médias » le 27 mars 2013, dans le cadre de la célébration
de l’an 1 de la deuxième alternance.

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statut du prévenu et sur la compétence de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite
(CREI) ou sur sa « procédure inquisitoire »177, noie complètement le débat politique.
Après son élection comme Président de la République du Sénégal, Macky Sall avait
déclaré qu’il fallait instaurer une rupture dans la gestion des fonds publics, en favorisant la
culture de la réddition des comptes. Cette rupture devait se traduire par la répression des délits
financiers. Dans cette veine, la CREI fut mise sur pied en 2012. Cette juridiction spéciale
jugea Karim Wade, ancien Ministre d’Etat.
Ainsi, en dépit des dénégations du Président de la République, qui déclare ne pas
vouloir tirer les ficelles politiques, il existe naturellement un soupçon d’inéquité et de
partialité. L’exigence de reddition doit certes s’appliquer à tous, quelles que soient les
appartenances politiques ou sociales. Or, la procédure de la CREI est jusqu’ici sélective. Elle
s’apparente à une « justice des vainqueurs ». Seuls les membres du PDS sont inquiétés (Karim
Wade, Abdoulaye Baldé, Oumar Sarr, Ousmane Ngom).
D’anciens responsables politiques libéraux, devenus des « transhumants » politiques,
soupçonnés de corruption,178 ne sont pas encore traduits en justice. Des responsables
politiques du parti au pouvoir sont, pour la plupart, d’anciens dignitaires du PDS. A ce titre,
ils sont aussi comptables du bilan du PDS et sont susceptibles de rendre compte. En outre, la
CREI est une juridiction politique. Sa mise en place résulte du pouvoir de l’exécutif et de
l’influence du ministère de la justice qui peut réactiver ou réinventer, à sa guise, un organe de
répression.

177 Cette méthode indique que le prévenu est coupable tant qu’il ne pourra pas prouver l’origine licite
de ses biens.
178 C’est notamment le cas d’Awa Ndiaye, ancienne responsable du PDS à Saint-Louis.

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Les représentations de la violence partisane gagnent à être accessibles au grand public.
C’est pourquoi, les hommes politiques se ruent vers les médias qui assurent la visibilité de la
violence.

CHAPITRE II/ La médiatisation de la violence partisane.

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« (…) L’étude des relations (…) entre les médias et la politique s’est consacrée
presque exclusivement (…) à la question des effet »179.

Les actions de violence imposent aux hommes politiques une communication
permanente, pour deux raisons principalement. D’une part, l’efficacité de la violence tient
parfois à sa nature spectaculaire. Elle n’est presque jamais une affaire silencieuse. Elle suscite
le regard des gens. C’est pourquoi, les auteurs de violence recherchent la visibilité, le
sensationnel et la mise en scène (théâtrocratie de la violence). D’autre part, l'image de la
violence est le véhicule d'une intention communicative, tendant à présenter le locuteur
comme l’intermédiaire et le retranscripteur d'une réalité qui le surpasse. L’image de la
violence est un acte de communication qui met en relation des groupes ou des personnes. Il
existe des rapports sociaux dans lesquels les différents individus inscrivent leurs pratiques. La
diffusion de l'image renvoie principalement à deux processus sociaux qui permettent de
délimiter le contexte social ou politique de l'image.
Le « producteur » de l’image cherche à maîtriser les conditions de réception de son
œuvre en construisant son spectateur. L'image de la violence oriente l'attention et la lecture du
téléspectateur. Elle construit le téléspectateur par lequel elle souhaite être regardée. En effet,
l'image construit, puis suggère et enfin fait intégrer un point de vue au téléspectateur ou au
lecteur. C’est la raison pour laquelle, l’image de la violence produit des rapports sociaux.

179 Francis Balle, « Médias et politique », in GRAWITZ Madeleine et LECA Jean, Traité de science
politique, Paris, PUF, 1985, p 574.

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La « réception » ou l’intériorisation du sens construit de l’image de la violence est le
second processus social. Une image n'est intégrée qu'à travers des « codes culturels » qui
appartiennent aux récepteurs et qui sont contenus dans l'image. L'enjeu est donc la restitution
des « pactes de réception iconique », c'est-à-dire cet ensemble « des stipulations, présentes ou
non dans l'image, inscrites dans sa texture aussi bien que dans son contexte, qu'il faut
identifier et décrire pour comprendre la réception des œuvres… ».180
Les médias constituent un espace de circulation, mais surtout un mécanisme
d’intériorisation des mots et des images de la violence partisane. Les hommes politiques
utilisent les médias pour atteindre et soumettre les citoyens. Donc, les médias apparaissent
davantage comme des relais de la construction partisane de la violence.
Pour mobiliser et inciter à la violence, les partis politiques sénégalais utilisent l’espace
des médias. Cette relation entre les partis politiques et les médias est basée sur des
représentations politiques. Celles-ci postulent l’idée de l’influence des médias dans la
formation des opinions et leur perméabilité à la propagande des partis politiques.
Les hommes politiques attribuent aux médias un véritable pouvoir d’influence. C’est
pourquoi les médias deviennent pour eux des outils privilégiés dans leur carrière et dans leurs
actions. En même temps, les médias sont considérés comme des éléments de manipulation
politique. Les médias subissent des contraintes qui les prédisposent à être des agents qui
jouent le jeu des partis politiques, désireux, avant tout, de mobiliser leurs partisans et de
promouvoir leur cause.

180 J-C Passeron, Le raisonnement sociologique. L’espace non-popérien du raisonnement naturel ,
Paris, Nathan, 1991, p. 274.

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Une sociologie du « journalisme en train de se faire »,181 une sociologie de la pratique
des médias, permet donc d’éclairer les logiques qui expliquent la disposition des médias à la
construction partisane de la violence.
Les contraintes sont organisationnelles, techniques et économiques. Elles se rapportent
à l’aptitude des médias à créer la nouveauté, le scoop, le sensationnel. En outre, les délais de
production, le format des émissions, le rapport aux sources d’informations constituent aussi
des contraintes pour une analyse ou une interprétation approfondie de la violence partisane.
Par ailleurs, les relations que les médias tissent avec le public, constituent une clé de
l’explication et de la compréhension des violences partisanes. A la différence des revues
scientifiques souvent subventionnées, les journaux, les stations radio et les chaînes de
télévision doivent se préoccuper de leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. Ils doivent tenir
compte des demandes de ces derniers. Le traitement de l’information tire vers le grand public
et obéit à des nécessités de satisfaire l’audimat.

Dans cette veine, de plus en plus soumis à la logique d’une « information
marchandise », dont la vocation première est d'être, avant tout, rentable, un bon nombre
d’observateurs dénoncent la dérive commerciale et capitaliste des entreprises de
l'information. La logique du scoop (règle n° 1 : « être les premiers »), les effets de la
conformité (règle n° 2 : « ne jamais rater une information diffusée par la concurrence »), la loi
de l'audimat (règle n°3 : « toujours viser le plus large public »), ont placé les rédactions en
état d'urgence.

181 Cf. Eric Neveu, Sociologie du journalisme , Paris, La Découverte, 2004.

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La médiatisation de la violence partisane comprend l’emballement médiatique autour
de la violence partisane (Section I) et l’impact des images de violence partisane sur l’opinion
publique (Section II).

SECTION I/ L’emballement médiatique autour de la violence partisane.

L’emballement médiatique renvoie globalement à une surmédiatisation ou à une trop
grande exposition médiatique des images de la violence partisane. Le concept de
« l’emballement » comme outil d’analyse du traitement médiatique renvoie à la métaphore de
l’explosion de la communication.

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Le discours sur « l’emballement médiatique » utilise des comparaisons et des images
sur le mode « mécaniste » ou « naturalisant ». Ainsi, l’emballement est comparé à un effet
« d’auto-excitation collective (…) d’accumulation des couvertures, dans un phénomène de
surenchère et d’autostimulation collective »182 ou à une « embardée médiatique ».
C’est le temps de la surenchère médiatique, le temps des commentaires détaillés qui se
multiplient. L’image de la « boule de neige » illustre l’emballement médiatique et la
production d’images frappantes et d’informations sensationnelles :
« Les grands médias concurrents, qu’ils soient audiovisuels ou écrits, se sentent
obligés de reprendre cette information, car ils ne veulent surtout pas donner
l’impression d’être en retrait ou à la traîne. Ils se sentent obligés de surenchérir sur
cette information, de donner davantage de détails. Mais, donner davantage
d’informations, cela demande du travail, des investigations, des recherches : donc,
cela prend du temps. Or, dans un tel contexte, le temps est une donnée fondamentale
puisqu’il y a déjà eu une exclusivité, une avance prise par un média dominant. Pour
rattraper leur retard relatif, les médias concurrents ne veulent surtout pas perdre de
temps.
Qu’est-il facile de faire dans un délai si court ? De la surenchère par les
commentaires. On va aller interroger des gens dans la rue, faire des interviews
d’experts, rédiger des éditoriaux basés sur des images mentales fortes (…) C’est ainsi
qu’un deuxième média va embrayer, et ensuite un troisième va vouloir en faire plus,

182 Pascal Froissart, « Mesure et démesure de l’emballement médiatique. Réflexions sur l’expertise
en milieu journalistique », in MEI (Médiation Et Information) Revue Internationale de
Communication , n° 35, 2012, p 147.

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un quatrième encore davantage… Il y a donc un effet d’emballement et de surenchère
qui fait un peu “boule de neige”, jusqu’à ce que la bulle éclate ».183

Le contexte économique difficile, dans lequel évoluent les médias sénégalais, renforce
cette frénésie, cet emballement pour la violence partisane. La rentabilité économique de la
presse écrite est incertaine. Dans ces conditions, l’emballement médiatique autour des
évènements politiques, tels que les violences partisanes, assurent aux quotidiens une hausse
ponctuelle de leurs tirages. De ce point de vue la presse écrite sénégalaise est
économiquement déficitaire :

« Malgré la floraisonde titres, le modèle économique de ces entreprises est
structurellement déficitaire. Selon des études menées sur le secteur, les chiffres de
vente de la presse quotidienne et des magazines représentent seulement 2 milliards
par an. Il est imprimé en moyenne 200 000 exemplaires par jour, soit à peine
l'équivalent d'un grand titre comme The Nation au Kenya, et le taux de vente des
journaux se situe en moyenne entre 50 et 60%. Un pourcentage qui est loin de pouvoir
satisfaire les charges d'impressions et frais de rédaction »184.

183 Ibid.
184 « La presse sénégalaise malgré son dynamisme est menacée de disparition. Les chiffres qui font
peur. », (En ligne) http://www.leral.net/ in Moustapha Barry, Médias et pouvoir au Sénégal depuis les
indépendances (1960) , thèse de doctorat en Information et Communication, Paris, Université Panthéon
Assas, 2012, p 301.

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Les indicateurs de la crise sont nombreux et variés. Le faible niveau d’alphabétisation
de la population adulte (environ 29%) n’est pas un atout pour croître les ventes. Le faible
pouvoir d’achat des citoyens sénégalais ne les incite pas toujours à acheter des journaux. Ils
préfèrent emprunter les journaux.
Ainsi, un seul exemplaire d’un journal est utilisé par plusieurs personnes. De plus, les
gens préfèrent écouter les revues de presse radiophoniques pour s’informer. Le système de
distribution des journaux est déficitaire. Seules quelques grandes villes du pays sont
concernées : Dakar, Thiès, Kaolack, Saint-Louis…
C’est principalement le réseau informel qui assure la distribution des journaux, privant
ainsi la presse écrite d’une rente financière importante. Le coût du papier reste très élevé. En
2000, il s’évaluait à quatre cent cinquante mille FCFA (450 000)185. Les ressources
publicitaires se raréfient. La plus grande part de la manne financière de la publicité, environ
huit milliards de FCFA, provient de l’affichage et des publicités à la radio et à la télévision186.
Les ressources complémentaires sont faibles.
Par exemple, le Fonds d’Aide à la Presse, crée par le Président Abdou Diouf en 1980,
a permis d’institutionnaliser la pratique de la subvention publique au bénéfice de la presse. En

185 Frank Wittmann, « La presse écrite sénégalaise et ses dérives. Précarité, informalité, illégalité »,
in Karthala/Politique africaine , 2006-1, n° 101, pp 181-194.
186 Ibid.

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2013, cent quatre-vingt-neuf (189) organes de presse ont reçu une subvention totale de sept
cent millions de FCFA (700 000 000).187
L’audiovisuel est fragilisé économiquement. Cela peut expliquer la frénésie des
principales chaînes de télévision et des stations de radios, pour le divertissement, les scoops et
le sensationnel.
L’emballement de l’audiovisuel autour de la violence partisane devient une réalité
incontestable dans le secteur et connaît deux modes d’expression : L’info-spectacle
(Paragraphe 1) et la dramatisation (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1/« L’info-spectacle » dans la médiatisation de la violence
partisane.

« C’est l’avènement du pouvoir comme spectacle et simulation. L’âge des medias impose le
pouvoir permanent des images, et donc la contrainte de fonder sur elles le pouvoir (…) il (le

187 Cf. Déclaration du Directeur de Cabinet du Ministre de la Communication et de l’Economie
numérique, vendredi 11 juillet 2013 devant la presse.

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pouvoir) recourt à cette fin aux moyens du spectaculaire, aux images capables de renforcer
l’adhésion et de mettre en mouvement les sujets ».188

« L'info-spectacle », c'est la mise en scène de la violence sans une volonté ou sans une
capacité réelle des médias de mieux encadrer les logiques à l'œuvre dans le phénomène,
permettant ainsi au public de participer à cette compréhension. Le spectacle met l’accent sur
ce qui est nouveau ou inédit, sur ce qui sort de l’ordinaire. Il s’agit donc de rendre compte
d’un « évènement médiatique ». Dans le jargon journalistique, un « évènement » est
spectaculaire quand c’est une information digne d’intérêt, qui suscite la curiosité, qui
déchaîne les émotions et qui frappe l’imagination. Il est surtout un fait spectaculaire qui
exerce une attraction sur le journaliste. La violence est toujours un évènement médiatique, dès
lors que les faits sont rapportés d’une façon inédite et spectaculaire.
Les médias rendent compte de l’événement de la violence partisane d’une façon
détaillée, croustillante et captivante. La logique économique et commerciale des médias
implique qu’ils soient, dans la grande majorité, des marchands de « l’info spectacle ».
Le spectacle médiatique amplifie davantage la portée des violences partisanes. Les
médias recherchent le scoop et la couverture la plus sensationnelle. Les caméras des
différentes chaînes de télévisions filment les meilleurs angles. Il y a une compétition ardue
entre les différentes chaînes pour captiver.
L’expression « fait-divers » est une illustration de ce besoin exprimé des médias, de
cette passion insatiable du spectaculaire. Dans le cas d’émeutes, de violences de rue, le

188Georges Balandier, Le détours , Paris, Fayard, 1997, p 11-13.

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traitement du fait-divers varie en intensité et met en scène le spectacle par la seule
accumulation des évènements.
Au Sénégal, les chaînes de télévision « Télévision Futurs Médias », « Walf Tv » et
« 2Stv » se sont livrées à une concurrence rude pour rendre compte des violences du 23 juin
2011. Des « éditions spéciales » furent programmées pour montrer les affrontements entre
policiers et manifestants. Elles ont duré toute la journée, jusque tard dans la nuit. L’ensemble
des reporters furent mobilisés pour suivre les déplacements des policiers et des manifestants à
Dakar et dans la banlieue. Dans les régions, les correspondants furent aussi sollicités. Les
théâtres des opérations étaient nombreux : devant l’Assemblée nationale, dans les différents
domiciles des responsables politiques du Parti Démocratique Sénégalais, dans les principales
artères de Dakar où les manifestants faisaientt la loi…
Tout était fait pour naturaliser la violence, c’est-à-dire en donner une lecture précise,
objective, réelle, détaillée et vivante. L’ambition était double : d’une part, couvrir vaille que
vaille un évènement politique pour ne pas perdre un audimat indispensable à la survie
économique et financière et d’autre part, donner l’image d’une neutralité à l’égard des
belligérants, en se réfugiant derrière le principe journalistique de la « sacralité des faits ». Les
médias sénégalais justifient l’info-spectacle par l’objectivisme du « fait brut » : « les faits
parlent d’eux-mêmes » ou « les faits sont sacrés ». En restituant les évènements selon les
sources disponibles, le journaliste se retranchait derrière ces sources pour devenir le
rapporteur de ce qu’il perçoit et de ce qu’on lui dit.
Des témoignages furent recueillis et plusieurs images des violences partisanes furent
diffusées en boucle. Par exemple, les trois chaînes de télévision ont diffusé tour à tour les
images :

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1)-du saccage du domicile du Ministre Farba Senghor ;
Filmer des jeunes qui incendiaient en direct des véhicules d’un Ministre et
saccageaient son domicile constituait une puissante incitation à la violence et un moteur de
l’agressivité chez certaines personnes. D’ailleurs, dans la foulée, les domiciles d’autres
responsables du pouvoir étaient aussi saccagés comme celui de Seynabou Wade à Colobane.
Les « Permanences » du PDS étaient aussi attaquées à Fatick, à Kebemer, à Dakar.
Illustration 1 : domicile du Ministre Farba Senghor saccagé (source Tfm).

2)-la tentative de lynchage de Farba Senghor, conspué par une foule de
manifestants, mais protégé par des policiers ;
Braquer sa caméra sur une tentative de lynchage public d’un Ministre de la République
(Farba Senghor), peut être interprété, par une partie du public, comme un feu vert pour
s’attaquer à tous les pontes du régime et aux symboles rattachés au parti au pouvoir.
Illustration 2 : tentative de lynchage du Ministre Farba Senghor.
Impossible d’afficher l’image.

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Illustration 3 : Farba Senghor sauvé in extremis par des éléments de la police .
3)-de l’agression d’Alioune Tine.
Donner la parole à un homme politique (Cheikh Tidjane Gadio) qui accuse
directement un adversaire politique d’avoir agressé Alioune Tine, sans fournir les preuves de
Impossible d’afficher l’image.
Impossible d’afficher l’image.

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ses allégations, contribue davantage à semer le trouble dans les esprits et à autoriser la
« vendetta politique ».
Illustration 4: agression d’Alioune Tine (source 2Stv)

La médiatisation de ces évènements constitua, en partie, une spectacularisation de la
violence par les mots et par les images. En exposant la violence brute, en donnant la parole
indistinctement au plus grand nombre des acteurs politiques, les médias livrèrent au public
une construction de la violence partisane. Il revint alors au public de se faire une opinion, de
découvrir le sens caché de la violence partisane et de décider d’y répondre favorablement ou
défavorablement.
Le 23 juin 2011, le journaliste de la « TFM », Khalifa Diakhaté, qui présentait une
« édition spéciale », interrogeait Ibrahima Ndiongue, leader de la « coalition politique des
indépendants » qui est proche du pouvoir. Il commençait en ces termes :
Impossible d’afficher l’image.

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« (…) Si vous êtes en train de suivre la TFM vous voyez certainement les images en
direct. Des images qui se passent de commentaires. Ce sont des images qui parlent
d’elles-mêmes comme on dit. Un coup de crosse à l’oreille, voilà le résultat : c’est que
du sang (…) Ce sont les faits, c’est factuel. Nous sommes en train de décrire les faits
avec des images à l’appui. Nous n’inventons rien, Monsieur Ndiongue, les faits sont
sacrés (…) et nous avons la chance d’avoir des images. ».

Les journalistes favorisaient l’« info-spectacle », en cherchant davantage à arrondir les
angles, privilégiant ce qui était immédiatement accessible ou spectaculaire. Ils renonçaient à
l'analyse (qui exigeait de la recherche, de la distance et du temps) au profit de l'anecdote (qui
accrochait ou qui divertissait), de l'image, du commentaire (où l'opinion devennait
l'argument). Les journalistes affectionnaient les certitudes. Mais, ils se heurtaient à la
complexité sans cesse accrue du thème de la violence partisane qui suggérait l’incertain,
l’insaisissable, l’improbable189.
Le traitement de l'actualité des violences partisanes restait confus, abstrait ou peu
significatif, car les journalistes, par manque de hauteur et de profondeur historique,
négligaient de rappeler les origines, les antécédents, l’histoire et la chronologie des violences
partisanes. Ces éléments pourraient permettre de mieux comprendre les continuités ou les
discontinuités des violences partisanes au Sénégal.

189 Thierry Watine, « Journalisme et complexité », in Les Cahiers du Journalisme , n°3 juin 1997.

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Par exemple, une grande partie de la presse sénégalaise estimait que les violences du
23 juin 2011 constituaient la période la plus sombre de l’histoire politique du Sénégal. On
négligeait ainsi les violences de 1968, celles de 1988 et surtout la répression de la
manifestation de l’opposition en 1963. Cette dernière avait fait une quarantaine de morts.
Dans la presse écrite, comme à la télévision, la violence partisane était abordée dans la
rubrique des « faits-divers ». La violence partisane ne trouvait plus sa place dans les tiroirs
journalistiques classiques où l'on continuait de s’enfermer par commodité. Les rubriques
classiques de l'information, favorisées par la standardisation des tâches, étaient devenues
parfois inadaptées à l’analyse de la violence partisane.
La variété qui caractérise la violence, renforcée par la multiplication des sources,
condamne les journalistes, par manque de recul théorique, à un « papillonnage »
approximatif190. Cette attitude débouche sur des lieux communs ou des contresens. Le
manque de spécialisation et de compétence des acteurs de la presse généraliste sénégalaise ne
permet pas d’analyser le phénomène de la violence partisane avec toute la profondeur requise.
Les journalistes qui sortent des écoles de formation telles que le Centre d’Etude des Sciences
et des Techniques de l’Information ne bénéficient pas toujours de compétences spécialisées
dans les domaines économique, social et politique. Les journalistes doivent faire preuve d'une
polyvalence accrue et ne peuvent pas sauter sans compétence avérée, d’un sujet à l'autre. Il est
courant qu’un journaliste traite successivement des questions sportives, culturelles,
économiques et politiques.

190 Thierry Watine, « Journalisme et complexité », in Les Cahiers du Journalisme , n° 3, juin 1997.

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Il existe des réserves aux difficultés des médias sénégalais à produire une
interprétation de la violence partisane. D’abord, la nature et la portée du journalisme
sénégalais ne sont pas homogènes. Il existe un journalisme de « news » et un journalisme de
« magazine ». Le premier type s’attache à une actualité brûlante, répétitive et sans possibilité
de recul. Le second type exige davantage de profondeur dans l’analyse et dans le traitement
de l’information. Depuis quelques années, pullulent des magazines qui traitent des questions
de fond dans les domaines social, économique et politique : « Nouvel Horizon », « Réussite »,
« La Gazette »…
Ensuite, tous les journalistes sénégalais n’affichent pas le même idéal ou la même
vision de leur métier. Tous n’ont pas le même souci de la complexité. Par exemple, les
journalistes pourraient être répartis en quatre profils-types191.
1) Les « enquêteurs » traitent l’information en profondeur et évitent les préjugés. Par
exemple, Abdou Latif Coulibaly a incarné, durant des années, cette posture de journaliste-
enquêteur ou de journaliste d’investigation avec les publications de plusieurs travaux
importants sur la vie politique sénégalaise.
2) Les « reporters » se limitent à la simple relation des faits.
3) Les « éducateurs » se présentent souvent comme des agents du changement.
4) Les « séducteurs » ont pour objectif d’intéresser le public par tous les moyens.
Il existe même une sorte de dilemme dans les positions des journalistes : 1) choisir
d’exposer les faits bruts de la violence sans commentaires ni volonté de comprendre ; 2) tenter

191 Ibid.

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de produire un discours autonome sur la violence. Les deux options conduisent au même
résultat : les médias échappent difficilement aux manœuvres des hommes politiques qui, en
plus de vouloir spectaculariser la violence, poussent à sa dramatisation.
Dans quelle mesure l’emballement médiatique a-t-il contribué à la dramatisation de la
violence ?

PARAGRAPHE 2/ La dramatisation de la violence partisane.

La dramatisation est un « jeu de langage », ou une mise en scène théâtrale, par laquelle
les acteurs grossissent délibérément l’importance ou les conséquences des violences
partisanes, présentées comme des faits inédits qui retiennent l’attention du public. Souvent,
elle est relayée par les discours des acteurs politiques désireux de mobiliser et d’inciter à la
violence, en stigmatisant les adversaires politiques.
La réflexion s’appuie sur un contexte politique précis, celui des émeutes ou violences
de la rue survenues à la veille de l’élection présidentielle de 2012. La violence s’est
manifestée massivement dans la capitale sénégalaise, du fait d’une mobilisation importante.
Elle s’est produite de différentes manières, en suivant différentes motivations.

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Ces différentes caractéristiques révèlent que les hommes politiques ont, en partie,
réussi à donner une cohérence, une logique à ces violences éparpillées et désordonnées.
Nous étudions ici deux secteurs des médias : la presse écrite et la télévision. La
première (la presse écrite) se singularise par la portée des titres et la présence de photos qui
mettent en scène la violence. La seconde (la télévision) utilise principalement l’image.
L’image est captivante, vivante, dynamique et est associée au son. Les médias ont su mener à
bien leur projet de dramatisation. Le choix des titres (lorsqu’il s’agit de la presse écrite) ou
des images de violence diffusées en direct (lorsqu’il s’agit de la télévision) est révélateur du
niveau d’orchestration et dedramatisation de la violence partisane.
La dramatisation de la violence partisane est surtout le fait des médias eux-mêmes qui
sont en concurrence. Les titres sont, sous l’angle du traitement journalistique de l’information,
porteurs, accrocheurs et permettent, sans doute, de rentabiliser la vente des journaux. Les
titres des journaux évoquent, à propos des violences pré-électorales, des images ou des
représentations exagérées de la réalité.
Par exemple, réagissant aux violences pré-électorales et à la répression policière,
Aminata Mbengue Ndiaye, responsable nationale des femmes socialistes, déclara dans le
« Quotidien » que : « Wade peut aller jusqu’à 1000 morts ».
Le chiffre faramineux avancé par Aminata Mbengue Ndiaye faisait froid dans le dos.
Il arrive même que des guerres intenses n’enregistrent pas autant de morts. Pourtant, les
chiffres parlent, évoquent des images fortes et des représentations hyperboliques. En
l’occurrence, le chiffre de « 1000 morts » révélait un niveau de violence particulièrement
élevé, qui était totalement en déphasage avec la réalité. D’ailleurs, le bilan des victimes liées
directement aux violences pré-électorales de 2012 n’atteignait pas le seuil de vingt morts.

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L’auteur de cette affirmation n’ignorait pas la réalité des faits, mais il avait délibérément opté
pour la dramatisation de la violence.
Cette sortie médiatique d’Aminata Mbengue Ndiaye était une réaction aux propos du
Président Abdoulaye Wade. Présidant la « journée de la promotion de la femme » au Grand
Théâtre, Abdoulaye Wade en profita pour dédramatiser les scènes de violences qui avaient
déjà fait cinq morts parmi les manifestants. Il les compara à une « brise de mer » qui est « un
vent léger qui secoue les feuilles des arbres, mais elle ne devient jamais un ouragan (…) Un
ouragan ne secouera jamais le Sénégal ».
Très souvent, il existe un conflit discursif entre les membres du pouvoir et les
opposants. Les premiers désirent vaille que vaille rendre invisibles les violences partisanes qui
menacent l’autorité politique. Les seconds trouvent intéressante la dramatisation des scènes de
violence, car elle met à mal le pouvoir.
Ce conflit se prolonge au niveau des médias sénégalais, rendant périlleuse et
polémique la dramatisation de la violence partisane. La dramatisation de la violence intéresse
les autorités politiques chargées du maintien de « l’ordre public ». Celles-ci considèrent la
mise en scène exagérée de la violence comme la cause du développement de la violence et
d’une psychose de l’insécurité. En effet, le sentiment d’insécurité se radicalise.
Par ailleurs, trop de violence peut conduire à un rejet de la dramatisation de la violence
et restreindre le champ de réponses des attentes en matière de sécurité. Une trop grande
exposition médiatique des violences partisanes peut lasser le public et le convaincre de
détourner son attention vers d’autres types d’informations.

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En dépit des difficultés, les hommes politiques sénégalais réalisèrent leur volonté de
dramatiser les images de violence. Abdoulaye Bathily, interrogé par un journaliste de la
« Télévision Futurs Médias », à propos des scènes de violence contre le projet de loi instituant
la vice-présidence et l’élection du Président de la République à 25%, versa aussi dans la
dramatisation, en déclarant :

« C’est un évènement extraordinaire comme vous l’avez si bien dit (il s’adresse au
journaliste). Un coup d’Etat d’une telle envergure n’a jamais été perpétré contre le
peuple sénégalais. Et c’est ce qui explique la mobilisation devant la place Soweto et à
travers tout le pays ».

L’opposant Cheikh Tidjane Gadio profita du temps d’antenne qui lui était donné sur la
« Télévision Futurs Médias » pour faire le récit de la violence subie par Alioune Tine,
coordinateur de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme et
du « Mouvement du 23 juin ». Les mots choisis reflétèrent une volonté de dramatiser les
scènes de violence. En effet, ils décrivent une violence inouïe, censée causer la mort :

« (…) Arrivés à hauteur du lycée Lamine Gueye, nous avons marché pour rejoindre
nos camarades et à notre grande surprise, les nervis de Farba Senghor ont
déboulonné. En ce moment, il y avait rien, tout était calme. Ces nervis sont venus ; ils
nous ont abrégés d’injures.

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Nous avons continué à marcher et à partir d’un certain moment, ils ont foncé sur moi
et sur Alioune Tine. (…) Alioune Tine a été littéralement massacré devant moi, attaqué
violemment et sauvagement. Il a été battu avec des coups de pied, des bâtons… A la
limite, ces gens n’auraient eu cure si Alioune Tine tombait raide mort ».

Les journaux sénégalais rivalisèrent de titres, au risque de se répéter, pour décrire la
tournure « préoccupante » de la campagne électorale qui fit basculer le pays dans la violence,
avec notamment une capitale sénégalaise en « état de siège »192 : « Le Sénégal à feu et à
sang »193 selon le Populaire, « le chaos qui avance à grands pas »194 d’après la Tribune,
« Ça dégénère ! »195 pour l’As, « État d’urgence… de dialogue »196 selon Sud Quotidien,
« La policecasse du…candidat »197 s’exprime Walf Grand Place, « Silence, la police
tire »198 affirme Rewmi, « La brise sanglante de Wade » soutient Le Quotidien.199

192 Présentation des principales informations des quotidiens sénégalais du lundi 20 février 2012,
source Agence de Presse Sénégalaise (APS).http://www.aps.sn/ consulté le 16 mars 2013 à 23h38.
193 Ibid.
194 Ibid.
195 Ibid.
196 Ibid.
197 Ibid.
198 Ibid.
199 Ibid.

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Illustration 5 : « Unes » de la presse écrite sénégalaise.

Peut-on parler d’un « Sénégal à feu et à sang » quand les violences touchent
principalement quelques endroits de la capitale et d’autres grandes villes ? L’image d’un pays
dévasté par des « violences extrêmes », incontrôlées et faisant d’innombrables morts, est
forcément exagérée. La « violence extrême » est une forme d’action spécifique qui se situe
dans un « au-delà de la violence ». C’est une violence outrancière sans bornes. Le génocide
rwandais du 10 avril 1994 a constitué le prototype de ce phénomène.
La violence extrême renvoie à un très grand désordre, à une confusion totale, à une
rupture intégrale du lien social et à une dissolution des procédures de régulation politique. La
violence extrême est une violence barbare, sauvage. C’est l’horreur et l’épouvante.
On parle souvent de « chaos » pour décrire la situation dans certains pays victimes de
guerre civile et de violence. Il y a un effondrement et une implosion de l’Etat central. L’Etat
devient un enjeu de lutte de pouvoir entre des factions rebelles qui disposent chacune d’une

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parcelle de la souveraineté nationale200. Luc Sindjoun considère aussi que la crise de l’Etat en
Afrique doit être entendue comme une crise du monopole de la violence physique légitime. Il
affirme :
« La bellico-prévalence dans les Etats africains, entendu comme vulgarisation des
conflits civils, est un indicateur par excellence de l’échec de la revendication avec
succès par une entreprise à caractère institutionnel du monopole de la violence
physique légitime (…). L’Etat cesse d’être un monopole de la violence pour devenir un
oligopole de la violence ou un concurrent militaire ».201
La violence reflète des tensions et des débats entre les acteurs politiques dans la
société sénégalaise. Ces débats sont axés sur trois points :
Premièrement, les violences pré-électorales seraient la traduction d’un désordre. Le
désordre exprime l’incapacité du système politique sénégalais à assurer l’ordre politique et la
sécurité publique.
Deuxièmement, il y a, dans la société sénégalaise, une rupture interne entre les
hommes politiques qui bafouent les règles démocratiques et les défenseurs de la société civile.
Les violences partisanes constituent une menace à la possibilité d’une intégration politique.
Troisièmement, le milieu politique sénégalais est perçu comme le lieu d’émergence de
conflits violents et de nouveaux acteurs (exemple de « Y’en a marre ») qui affirment et

200 Stéphane Rosière, Géographie politique et géopolitique , Paris, Ellipses, 2007.
201 Luc Sindjoun, « L’Afrique au prisme des relations internationales », in Gazibo et Thiriot Céline
(sous la direction de), Le politique en Afrique. Etats des débats et pistes de recherches , Paris,
Karthala, 2009, pp 322-323.

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pratiquent leur citoyenneté. La violence y est comme la manifestation de la transformation
d’une société appelée à redéfinir les espaces de la démocratie, quoiqu’elle le fasse de façon
tardive.
La police ne vise plus seulement à instaurer l’ordre public, mais à « casser du
candidat » et à empêcher la libre expression de la citoyenneté . Cette idée n’est pas totalement
fausse, mais elle dramatise une situation nettement plus complexe, dans laquelle la violence
des manifestants est aussi une réalité indéniable. Le policier Fodé Ndiaye est mort dans
l’exercice de ses fonctions de maintien de l’ordre public, aucours d’une manifestation de
l’opposition, à la suite de la publication, par le Conseil constitutionnel, de la liste des
candidats admis à se présenter à l’élection présidentielle de 2012.
Les hommes politiques sénégalais recourent aux médias pour convaincre, séduire et
mobiliser les militants et les citoyens dans les luttes violentes pour le pouvoir. Quel impact
peut avoir les images de la violence sur l’opinion publique ?
SECTION II/ L’impact des images de la violence partisane sur l’opinion
publique.

« La question médias et violence enchevêtre constatations intuitives et discours savants. Chacun (…)
peut apporter sa part de vérité. Elle se prête aisément à des opinions contradictoires qui apparaissent,
les unes et les autres, logiques et irréfutables. (…) Chacun peut trouver dans le stock des recherches,
une interprétation ou une théorie qui illustre son argumentation ou renforce ses convictions ».202

202 Thierry Vedel, « Médias et violence, une relation introuvable ? », in Cahiers de la sécurité , 20,
2ème trimestre, 1995, p 11.

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Les hommes politiques cherchent systématiquement à rendre visibles et intelligentes
leurs actions politiques. Ils cherchent à contrôler, à maîtriser et à dompter tous les autres
acteurs qui deviennent des instruments politiques. Les hommes politiques pensent qu’il y a
une influence directe des médias sur la formation des opinions et sur les attitudes.203
La violence se manifeste dans l’espace public. L’espace public est un cadre très
concurrentiel, voire conflictuel. Les médias deviennent un espace public, investi par des
acteurs politiques engagés dans un conflit pour la conquête et la conservation du pouvoir. Les
médias sont des instruments d’orchestration de la violence partisane. Les luttes de pouvoir se
prolongent au cœur même de l’espace médiatique.
L’étude de l’impact des images de violence emprunte deux voies. 1)-D’abord, pour
certains, les images de violence peuvent inciter à des pensées agressives chez le spectateur.
Ces pensées sont transformées en comportements agressifs.
« Les dangers politiques qui sont inhérents à l’usage ordinaire de la télévision
tiennent au fait que l’image a cette particularité qu’elle peut produire ce que les
critiques littéraires appellent l’effet de réel, elle peut faire voir et faire croire à ce
qu’elle fait voir. Cette puissance d’évocation a des effets de mobilisation. Elle peut
faire exister des idées ou des représentations, mais aussi des groupes ».204

203 Richard E. Langelier, « L’influence des médias électroniques sur la formation de l’opinion
publique : du mythe à la réalité », in LexElectronica , vol 11, n° 1, 2006.
204 Pierre Bourdieu, Sur la télévision , Paris, Raisons d’agir, 2002, pp 20-21.

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2)-Ensuite, pour d’autres, les images de la violence partisane suscitent auprès de
certaines personnes des comportements agressifs d’imitation. Fascinés par les images de la
violence, ils imitent et passent à l’acte.
L’influence des médias est conditionnée par plusieurs facteurs. D’abord, le degré de
pénétration des médias. Plus les médias sont présents dans la société et encadrent l’espace
social, plus leur influence s’accroît. Le niveau de présence des médias dans la société est
conditionné par le nombre de radios, de chaînes de télévision et de journaux qui assurent le
maillage du territoire national.
Dans cette perspective, l’espace médiatique sénégalais s’est considérablement enrichi
et étoffé. Il fut pendant longtemps réduit à l’existence d’un seul groupe de presse d’Etat,
contrôlé par le parti au pouvoir, et à quelques organes tenus par l’opposition clandestine. De
1960 et 1980, le tableau médiatique du Sénégal se résumait à l’existence de quelques organes
contrôlés par l’Etat. Dans un contexte de parti unique (1963-1974), cette presse d’Etat avait
pour mission unique de refléter la pensée politique du gouvernement ou du parti au pouvoir.
Elle devait aussi, conformément à la politique définie par le Ministère de l’information et de
la communication, assurer l’éducation des masses205.
La presse écrite comprenait un quotidien, « Dakar-Matin » (1961-1970), devenu « Le
Soleil » (1970), des mensuels comme « Sénégal magazine », « Sénégal documents » et
« Actualités du Sénégal ». « Sénégal magazine » est devenu plus tard « Sénégal aujourd’hui ».

205 Moustapha Barry, Médias et pouvoir au Sénégal depuis les indépendances (1960) , thèse de
doctorat en Information et Communication, Université Paris 2 Panthéon Assas, mars 2012.

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Le mensuel « Sénégal documents » diffusait des textes réglementaires, des lois et des
commentaires du gouvernement. « Actualités du Sénégal » s’intéressait aux informations à
caractère culturel et cinématographique. La parution de ces organes était, pour la plupart,
irrégulière.
L’audiovisuel d’Etat était composé d’une télévision nationale, d’une radio (Radio
Sénégal), lancées en 1972, de plusieurs radios régionales (la Voix du nord à Saint-Louis,
Tamba Fm au Sénégal oriental et la Chaîne IV à Ziguinchor).
Aujourd’hui, la scène médiatique compte de nouveaux acteurs, grâce à la politique de
libéralisation adoptée par le Président Abdou Diouf en 1981, poursuivie par son successeur,
Abdoulaye Wade.
En 2012, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) a recensé dix
chaînes de télévision (Radiotélévision Sénégalaise, Walf TV, 2STV, Radio Dunya Vision,
Télévision Futurs Médias, CANAL INFO NEWS, AFRICABLE, SEN TV, TSL, LAMP
FALL).206
Les agences de presse sont au nombre de trois : Agence de Presse Sénégalaise, APA
NEWS et PANA PRESSE. Les radios commerciales sont nettement plus nombreuses. En plus
des radios communautaires et des radios à vocation régionale, on peut citer quelques stations
de radio qui disposent d’une couverture nationale : Radio Sénégal International, Radio Futurs
Médias (RFM), DUNYA, SUD FM, WALF FM…

206www.cnra.sn/ consulté le 19 octobre 2013 à 11H 28.

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La presse écrite n’est pas en reste. Les quotidiens et les mensuels pullulent : « Le
Quotidien », « L’Observateur », « Walf Quotidien », « Le Populaire », « L’As »,
« L’Enquête », « Sud Quotidien », « Le Soleil », « Libération »…La presse en ligne
spécialisée commence à se développer. On peut citer : Leral.net, netali.net, seneweb.com,
rewmi.com…
Ensuite, le niveau de crédibilité des médias est un autre facteur important de
l’influence des médias. Un peu partout dans le monde, des études et sondages indiquent une
tendance à la méfiance et à la suspicion d’une partie importante du public, à l’égard des
médias. Les dérives des journalistes dans la couverture de certains évènements politiques ainsi
que leur promptitude parfois à propager des informations non vérifiées et fausses, ont
beaucoup entamé leur crédibilité.
En 2012, un sondage réalisé par le Cabinet international de communication (Intercom)
a donné les résultats suivants :

« A Dakar, dans la catégorie des radios commerciales, c’est Zik FM (…) qui est la
plus écoutée. Ensuite vient la RFM et à la troisième place Walf FM. Alors que sur
l’échelle nationale, c’est Walf FM qui arrive en tête suivie par Sud FM et la Radio
Sénégal internationale (RSI).
Chez les quotidiens, au plan national, c’est L’Observateur qui est premier, ensuite
Walf Grand Place. Et pour les sites d’informations générales, dans l’ordre on a : APS,
Seneweb, puis Leral.net. Dans la catégorie des chaînes de télévision publiques et

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privées, au plan national et à Dakar, c’est la RTS qui arrive en tête, suivie de Walf TV.
La 2sTV arrive en troisième place » .

Il faudrait quand même relativiser ces sondages dont la fiabilité ainsi que la
méthodologie employée sont parfois douteuses. Pour autant, au-delà des imperfections des
sondages, nous pouvons noter que le niveau de crédibilité des différents médias est très
variable. C’est la télévision la plus crédible qui dispose de la plus large audience et du plus
grand pouvoir d’influence.
L’influence de la médiatisation de la violence partisane se mesure aussi par la
fascination que les images de violence peuvent exercer sur les téléspectateurs (Paragraphe 1) ;
un effet de fascination que les médias et les pouvoirs publics tentent de réguler (Paragraphe
2).

PARAGRAPHE 1/ La fascination des images de la violence partisane.

« Où qu'il y ait violence, le spectateur n'est jamais bien loin. On le retrouve au pied du gibet où sont
pendus les criminels. On le voit autour du bûcher où sont brûlés hérétiques ou sorcières; sur la place
du marché où est écartelé le régicide. On le rencontre aux portes des prisons, dans la foule déchaînée
qui réclame un prisonnier pour le lyncher en pleine rue. On le retrouve suivant la meute qui court vers
les maisons des persécutés, quand le pogrome éclate. Et on le voit sur les gradins des Sports violents,

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dans les cinémas où passent les films d'horreur, devant son écran de télévision quand sont diffusées les
images de guerre. Les spectateurs de la violence sont loin d'être une espèce disparue207. »

Jusqu’ici, les différents arguments avancés se fondent globalement sur l’influence des
médias dans la formation de l’opinion publique. Ces arguments poussent les hommes
politiques sénégalais à inciter à la violence partisane, par le biais de la mise en scène
d’images de la violence.
Pour analyser cette influence, une série d’entretiens a été menée auprès de militants de
partis politiques ou simples manifestants, durant 15 jours, du 1er au 15 août 2013. Nous avons
pu retrouver quelques personnes qui ont accepté de revenir sur les évènements du 23 juin
2011 et surtout sur ce qui les a véritablement poussés à rejoindre les mouvements dans la rue.
La question qui leur a été posée est la suivante : Qu’est-ce qui vous a convaincu de participer
aux manifestations du 23 juin 2011 ?
Tous les interviewés ont été en contact avec la télévision avant de prendre leurs
décisions. Ils ont tous été exposés aux témoignages tenus par les hommes politiques et aux
images de la violence diffusées en boucle sur les différentes chaînes de télévision. Ceux que
nous avons interrogés ont pris contact avec ces images et discours qui les ont fascinés
La fascination des images de la violence partisane est rendue possible par les chaînes
de télévision, qui ont opté pour une forme « d’objectivité » qui s’appuie sur la sacralité des
faits. D’où une volonté de photographier le réel, de saisir la réalité vivante et de la proposer

207 Wolfgang Sofsky, Traité de la violence , Paris, Gallimard, 1998, p 93.

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telle qu’elle est au public, d’une manière dépouillée et précise, en l’absence de commentaires
ou d’interprétations journalistiques.
La TFM a consacré énormément de temps à la couverture des violences du 23 juin
2011. Plusieurs éditions spéciales ont exposé en direct les images de violence dans les
principales artères de Dakar et devant l’Assemblée nationale. La chaîne de télévision a
envoyé des reporters sur le terrain, auprès des policiers et des manifestants.
Qu’est-ce qui a fasciné exactement dans les images de la violence partisane ? Ce
furent les spectacles brutaux de la violence et les justifications qui sous-tendent la mise en
scène des images de la violence. La fascination désigne le pouvoir d’attraction des images de
la violence partisane. Dire que les spectacles de la violence partisane fascinent, c’est admettre
que les images de violence exercent des« effets directs » sur les comportements des
spectateurs et tendent à inciter à la violence. Les « effets directs » des images de la violence
partisane peuvent être l’excitation et la stimulation.
L’excitation : assister à des scènes de violence induit une excitation susceptible, à tout
moment, de se traduire par des manifestations agressives. Les spectacles de la violence créent
du sensationnel, donnent la sensation d’être courageux, endurant, résistant. Les spectacles des
« courses-poursuites » avec la police peuvent exciter certaines personnes et les inciter à la
violence. Ce fut le cas de Gora KANE , un manifestant du 23 juin 2011 à Dakar (25 ans,
menuisier métallique). Il déclara sans ambages :

« Je crois que j’avais juste la nostalgie des courses poursuites avec la police. Le matin
du 23 juin, lorsque j’ai vu les images à la télévision, je me suis tout de suite dit que je

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devais aller manifester. C’est dans ma nature je pense, j’aime contester même pour un
rien. J’aime courir pour échapper aux policiers, en sachant que je peux être arrêté à
tout moment. C’est excitant. Cela me procure de l’adrénaline à coup sûr. Parfois, par
chance, on peut échapper à la police. D’ailleurs, jusqu’ici, je n’ai jamais été
interpellé
Le plus curieux, c’est que souvent je n’y gagne pas grand-chose. Je n’ai pas d’intérêt
immédiat. N’empêche, je rate rarement ces situations. Dès que j’ai connaissance de
l’organisation d’une manifestation de grande ampleur, je me précipite pour y
participer. C’est une habitude tenace chez moi. Je pense que c’est parce que j’aime
l’odeur des grenades.
Ce jour-là, je savais que ça risquait de mal tourner et de dégénérer devant
l’Assemblée nationale. Les policiers étaient déjà en place dans les grandes artères. Et
ils paraissaient prêts au combat. Ça allait être chaud sur Dakar.
Finalement, je ne me suis pas trompé du tout. J’ai énormément couru et parfois même
je me suis essoufflé. Nous avons reçu beaucoup de grenades et le plus amusant, c’est
que les policiers nous jetaient désormais des pierres. C’est un fait rare. Un policier a
même failli me blesser à la tête, mais heureusement, j’ai pu feinter la pierre. Ce n’était
pas passé très loin. Quand j’en parle, j’en ai encore un peu la frousse. Le soir, je suis
tranquillement rentré chez moi sans que la famille n’en sache rien ».

La stimulation : le spectacle de la violence stimule la propension à l'agressivité
surtout chez des individus préalablement frustrés. Chez certains interviewés, on note une

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haine et un dégoût profond vis-à-vis de certaines personnalités publiques et d’institutions
politiques. Il y a, à ce niveau, des frustrations qui se manifestent par un rejet et un discrédit.
Deux manifestants, Seydou Ndiaye (24 ans, étudiant) et Sadibou Fall (41 ans, militant
du PS) indexent deux personnalités : Abdoulaye Wade et Farba Senghor.
Seydou Ndiaye déclara :
« Vous savez, j’ai toujours été contre Abdoulaye Wade. J’ai toujours pensé qu’il
menait ce pays vers des problèmes. C’est un homme qui aime les conflits. Il disait
qu’il n’enjamberait jamais des corps pour arriver au pouvoir, mais tout cela c’est de
la foutaise. (…) Il a déclaré la guerre à son peuple pour installer son fils au pouvoir.
C’était inacceptable. Le Sénégal ne pouvait pas devenir une monarchie. Surtout pas
cela. Le vieux était devenu incontrôlable et il fallait mettre un terme à tout ceci.
On a trop laissé faire, car les Sénégalais sont trop tolérants parfois. Cette fois-ci, ce
projet de loi ne devait pas passer. Il fallait s’opposer quitte à y laisser ma vie. A partir
de ce moment, j’ai su que le devoir m’appelait, (beesu xaaré ku déwul do Goor) ».208

Sadibou Fall ne cacha pas sa rancœur contre Farba Senghor. Il trouva même une forme
d’apaisement à l’idée de savoir que Farba Senghor a subi la violence des manifestants. Il
déclara sans ambages :

208 Littéralement cela signifie que le jour de la bataille, celui qui n’accepte pas de mourir est un
« lâche ».

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« (…) Il y avait trop de monde et nous avons reculé en arpentant l’Avenue pasteur.
C’est à ce moment que nous avons fait face à un barrage policier. Nous n’avons même
pas eu le temps de riposter. C’est allé très vite.
Lorsque j’ai vu à la télévision la fuite de Farba Senghor, et le reportage d’Ahmet
Aïdara qui montrait le saccage de sa maison, j’ai éprouvé un sentiment de joie et de
fierté. Ce que je n’ai pas eu la chance de faire, d’autres l’ont fait à ma place. J’aurai
aimé y être. Ce gars est un lâche et un arrogant. Je ne l’ai pas digéré et je ne le digère
toujours pas d’ailleurs. C’était bien fait pour lui.
Il a fait beaucoup de tort aux Sénégalais. Malgré tout, le vieux l’a toujours maintenu
dans le parti et dans le gouvernement. Il narguait les Sénégalais. Il a de la chance, on
aurait dû le tabasser. Aujourd’hui, je ne comprends pas toujours pourquoi il est libre
comme l’air, on doit l’emprisonner… ».

Il arrive souvent que les frustrations sociales ne soient pas dirigées contre des
personnes, mais contre une institution ou un service public. Dans cette perspective, la police
nationale sénégalaise a suscité la colère des manifestants. Ainsi, regarder des policiers en
mauvaise posture, malmenés, chahutés, peut stimuler les manifestants. Un manifestant, Abdou
NDIAYE (32 ans), se montra particulièrement agressif contre les policiers. Il affirma que :

« Les policiers armés jusqu’aux dents n’avaient même pas honte d’attaquer les
manifestants avec des grenades lacrymogènes. Ceci m’a révolté et a fait remonter des
douloureux souvenirs, car moi-même j’ai déjà été victime de la brutalité policière

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quand j’étais encore étudiant [il montre une cicatrice à la tête]. J’ai reçu un coup à la
tête et je me suis évanoui. Depuis ce jour, j’ai porté une certaine haine à ces gens
(policiers). Donc, je dirai que ma décision de manifester était une façon de m’attaquer
aux brutalités policières ».

Enfin, les images qui mirent en scène l’encerclement de l’Assemblée nationale par des
milliers de manifestants, scandant « Y’en a marre », visiblement prêts à s’attaquer
physiquement à l’institution parlementaire et à ses membres, pouvaient aussi stimuler
certaines personnes frustrées par le fonctionnement de cette institution politique. Un
manifestant, Pape NDIONE (24 ans, étudiant), affirma :

« J’ai voulu manifester seulement contre les députés. Mon problème n’était pas
Abdoulaye Wade, mais bien ces gens qui seraient les élus du peuple. Ils ne sont là que
pour leurs propres intérêts et ceux de leurs familles. Ils n’ont rien à foutre du peuple.
Comment ont-ils pu penser voter un seul instant cette loi ? Je n’en revenais pas.
Lorsque j’ai vu sur la TFM des gens massés devant l’Assemblée nationale, je me suis
dit qu’ils se sont trompés de cibles. Il fallait plutôt se rendre aux domiciles des
différents députés du PDS, les séquestrer et si on les trouvait pas chez eux, tout
saccager au passage comme on a fait avec Farba Senghor.

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Comme ça, ils (Les députés du PDS) n’auraient pas le temps d’aller voter la loi. Il
fallait s’en prendre uniquement aux députés du PDS. On connaît tous où ils habitent et
où ils fréquentent. (Boy woté loi da nga koy taal209).
En tout cas, c’est dans cet esprit que j’ai décidé d’aller manifester. Le seul regret que
j’ai, c’est que je n’ai pas pu réaliser mon désir. Lorsque les gars du PDS ont su que
leurs domiciles étaient visés, ils ont pris leurs précautions et les policiers avaient déjà
commencé à assurer la sécurité. Ce ne sont que des poltrons. Ils sont prompts à
montrer leur richesse, leurs voitures de luxe, à bavarder et à manquer de respect aux
gens ».

Les images de la violence partisane fascinaient aussi, car elles parvenaient à imposer
une adhésion sans restriction des manifestants aux justifications de la violence. Il existait un
processus complexe d’interprétations des images et discours sur la violence.
On peut légitimement penser ou croire que ces interprétations sont personnelles. En
réalité, elles interagissent avec les discours, les images de violence diffusées en boucle sur les
chaînes de télévision. Les individus ne créent pas, n’inventent pas un sens à la violence, mais
ils sont fascinés par le sens de la violence partisane qu’ils découvrent.
Les images de la violence suggèrent et conditionnent des idées et des attitudes. Elles
jouissent d’une force attractive réelle. Quand se révèle le sens caché de la violence, il ne reste
plus qu’à adopter deux attitudes : 1)-approuver et adhérer ; 2)- désapprouver et rejeter. Dans

209 Cela signifie : pour voter une loi, il faut avant tout avoir l’esprit à cela {sous-entendu, quand sa
propre case brûle, on n’a pas le temps d’aller faire autre chose).

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le cadre de notre enquête, les individus auxquels nous nous sommes adressés ont tous adhéré
au sens de la violence.
Certains manifestants ont un penchant pour la justice ou à un certain idéal de justice,
qu’ils cherchent à défendre et à promouvoir. Ils se considèrent comme des « défenseurs des
causes des faibles » et rejettent tout ce qui, à leurs yeux, constitue une injustice. Ce qui est
perçu à travers les images de la violence, c’est avant tout le spectacle de la lutte contre
« l’injustice politique ». Le combat pour la restauration de la justice est un motif important
pour rejoindre la mobilisation dans la rue et faire face à la violence du pouvoir. Moussa
MBAYE (35 ans, marchand ambulant à Dakar) déclara :

« Je n’avais aucune envie d’aller manifester dans la rue. J’ai un commerce à faire
tourner et une famille à nourrir. Les hommes politiques sont tous pareils. Dieu a fait
que le matin vers 11h je pense, j’étais rentré à la maison pour prendre quelque chose.
Et c’est là que j’ai vu à la télé des images qui montraient des policiers en train de
tabasser un jeune garçon. Il y avait aussi un homme qui avait les habits entachés de
sang.
Là, j’ai senti que mon sang n’a fait qu’un tour et la colère m’a envahi. J’ai estimé que
c’était une injustice et je ne supporte pas l’injustice. Je n’aime pas voir des personnes
sans défense être malmenées. Pour qui, (les policiers) se prenaient-ils pour faire
cela ? Il n’y a pas de loi dans ce pays. J’ai renoncé à repartir à mon lieu de travail et
sans dire un mot à ma femme, j’ai tout de suite décidé d’aller manifester ».

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D’autres développent un penchant pour le patriotisme. Les convictions que l’on
défend, la fierté d’appartenir à une communauté politique mise en danger, justifient le recours
à la violence. Les images qui mettent en scène une « mobilisation exceptionnelle » contre un
projet de révision constitutionnelle, peuvent fasciner. Dans cette perspective, Ousmane SENE,
un jeune manifestant (26 ans, étudiant) affirma :

« Je pense que les images que j’ai vues défiler à la télévision le matin du 23 juin ont
réveillé en moi un sentiment de patriotisme. Pendant très longtemps, j’ai beaucoup
critiqué les Sénégalais pour leur laxisme et leur fatalité (Yalla baxna rek210…). Wade
l’a su, c’est pourquoi il s’est foutu des Sénégalais en disant qu’ils n’étaient intéressés
que par l’argent.
Quand j’ai vu des gens oser affronter les flics avec de simples pierres contre des
grenades et des chars à eau de l’autre côté, je me suis dit automatiquement que les
Sénégalais ont pris leur courage à deux mains pour faire face au régime d’Abdoulaye
Wade. J’ai su que c’était un moment historique qui se déroulait et il ne fallait surtout
pas rater le coche.
Je me suis dit qu’en manifestant dans la rue, je le faisais avant tout pour mon pays.
Sur le champ, je n’ai pas beaucoup pensé à ma famille. La seule chose qui me
préoccupait, c’était d’en découdre. Mais bon, j’ai souffert quand même et j’ai
beaucoup couru pour échapper aux flics. Dieu merci, je n’ai pas été arrêté… ».

210 Cela renvoie à une attitude fataliste par laquelle on s’en remet exclusivement à la divinité.

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Sur cette même rhétorique patriotique, un autre manifestant, Alassane FAYE (28 ans),
interpréta les violences du 23 juin 2011 comme l’expression du patriotisme. Il est fasciné par
les mobilisations violentes :

« Je suis un Sénégalais et fier de l’être. Je ne pouvais pas être d’accord avec la
tournure que Wade voulait donner à la trajectoire du pays. Le Sénégal est une
démocratie et devait le rester. Il n’était absolument pas question d’une dévolution
monarchique du pouvoir.
Quand j’ai vu la formidable mobilisation et la témérité des manifestants et parfois des
personnes beaucoup plus âgées que moi, je me suis senti brusquement en accord avec
eux. Désormais, je ne me sentais plus seul dans mes convictions. Des gens étaient
prêts à sacrifier leurs vies pour le Sénégal. Ce n’était pas toujours le cas. Quand on
était blessé, c’était à nos dépens. Les gens ne levaient pas le plus petit doigt. Cette fois
ci les choses semblaient changer. Il y avait donc moins de risques. Le peuple était
dehors et j’avais le devoir de le rejoindre et de faire face au PDS… ».

Les acteurs politiques qui justifient la violence à partir de sa mise en scène dans les
médias, fascinent aussi les manifestants du 23 juin 2011. Ainsi, il y a une forme de sympathie,
d’empathie à l’égard d’acteurs engagés dans la lutte politique violente. Par exemple, un
manifestant, Moussa CISSE (33 ans, marchand ambulant ) afficha ouvertement sa proximité
avec le mouvement « Y’en a marre ». Il déclara sa fascination pour ce mouvement. « Y’en a

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marre », principalement composé de jeunes et dont les figures de proue incarnaient tous une
forme de jeunesse active et contestataire :

« Je suis pro Y’en a marre, même si je ne suis pas un militant actif du mouvement. Je
me sens très proche de leurs convictions et de leurs actions. Lorsque j’ai vu leur
rassemblement devant les grilles de l’Assemblée nationale, déterminés à barrer la
route à Abdoulaye Wade, mes derniers doutes ont été levés. Je n’avais plus vraiment
de craintes et d’hésitations. Le temps de l’action était venu.
Contrairement aux politiciens qui passent leur temps à bavarder, « Y’en a marre »
préconise des actions concrètes. Wade est un homme qui aime les rapports de force et
qui ne recule pas facilement. Il faut être déterminé comme lui.
J’ai pu rejoindre le rassemblement de Y’en a marre à temps. Mais, les policiers ont
chargé et nous ont brutalisés. C’est en rentrant chez moi que j’ai vu à la télé les
brutalités contre Thiaat et Malaal Talla. Malaal a été roué de coups par un groupe de
policiers qui l’ont traîné par terre au point d’enlever son pantalon et pourtant il avait
brandi ses deux bras en l’air en signe de paix. Cela m’a fait très mal au cœur et j’en ai
voulu beaucoup aux policiers. Ce sont de vraies brutes. Ils ne réfléchissent pas. Mais,
c’est le Sénégal… ».
Un autre manifestant, Alioune NDOUR, développa une forme d’empathie à l’égard
d’un homme politique, Cheikh Bamba Dièye. Il trouvait en cette personne des qualités de
courage, d’audace qui le fascinaient. Ce qui le poussait à se mettre à sa place et à se substituer
virtuellement au personnage. Dans ce cas, l’acte de Cheikh Bamba Dièye, qui a consisté à

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s’enchaîner aux grilles de l’Assemblée nationale, a été valorisé. C’est pourquoi, le manifestant
est fasciné par Cheikh Bamba Dièye :

« J’étais en train de discuter avec des amis autour d’une séance de thé. On se trouvait
dans le salon d’un ami et la télévision était allumée. C’est alors qu’on a montré au
journal du soir Cheikh Bamba Dièye qui s’était enchaîné aux grilles de l’Assemblée
nationale. Je crois que c’était la TFM. C’était le 22, la veille des évènements. Ils ont
expliqué qu’il protestait contre le vote d’un projet de loi d’Abdoulaye Wade qui devait
intervenir le 23 juin.
Cette image m’a interpellé, je dirais même qu’elle m’a profondément choqué et ému.
J’ai alors pris conscience de la situation et j’ai même admiré le courage et l’audace
de cet homme politique. Là, j’ai dit à mes amis que, demain, inchallah, j’irai
manifester devant l’Assemblée nationale. Cette loi ne devait pas passer en aucune
façon. C’était impensable et inadmissible.
Abdoulaye Wade se foutait pas mal des conditions de vie des Sénégalais et il voulait
coûte que coûte installer son fils à la tête du pays. L’heure était grave et le temps de
l’action était venu. Je me suis dit que je n’avais plus rien à perdre. Il fallait répondre
à l’appel de la nation et se sacrifier si cela était nécessaire. Aujourd’hui, je suis fier
d’avoir participé à cette journée mémorable. J’ai dû respirer l’odeur du gaz
lacrymogène… mais bon ce n’était pas grave… ».

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Le pouvoir d’influence et de fascination des images et discours de la violence
partisane appelle de plus en plus à une vigilance des pouvoirs publics et une régulation du
secteur des médias sénégalais.

PARAGRAPHE 2/ La régulation des images de la violence partisane.

L’approche par les usages des images de la violence partisane, mises en scène par les
médias, oriente le regard vers ce que les gens font avec les images de la violence partisane
plutôt que vers ce que les images de cette violence font aux gens. Elle conduit à aborder la
question de la régulation des images de la violence. La notion de régulation renvoie à des
institutions, à des procédures et à des logiques qui assurent l'intégration du groupe,
l’ajustement, la conciliation et la pacification des relations politiques.
Pendant longtemps, les études sur la violence et les medias furent, pour la plupart,
axées sur la question des « effets directs » des messages et des représentations de la violence
sur les comportements des individus (modèle de la fascination). Dans l'ensemble, ces travaux
sont le plus souvent traversés par la crainte de voir la violence partisane se répandre à cause
des contenus véhiculés par les médias . Agressivité et imitation sont les deux notions-clefs sur
lesquelles reposent les travaux de plusieurs chercheurs.
Dans « Violence et terreur dans les médias », rapport publié par l'Unesco en 1989,
George Gerbner recense, puis présente les travaux effectués sur la violence et les médias selon

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trois grands axes : 1)- les recherches concernant les politiques des médias ; 2)-les recherches
sur les contenus diffusés par les médias et 3)-les recherches sur l'impact de ces contenus sur
l'individu ou sur la société.
Mais, en ce qui concerne la télévision, cette influence est plus complexe qu’il ne
paraît. Les médias n’ont pas toujours l’efficacité nécessaire et suffisante pour modifier
significativement les attitudes ou les comportements des utilisateurs des médias. La télévision
peut accroître l’agressivité des individus, mais il n’y a jamais d’imitation pure. Il existe plutôt
des réinterprétations individuelles ou collectives du message violent.
Les « effets directs » des images de la violence partisane sur les téléspectateurs sont
incertains. L’approche par les « usages » relativise fortement le modèle de la fascination des
images de la violence. Elle permet de formuler un autre problème qui lie la violence partisane
et les médias. La violence partisane ne se manifeste plus de la même manière.
Il existe au Sénégal des usages institutionnels et individuels qui limitent le pouvoir des
images de la violence partisane diffusées dans les médias. On peut distinguer trois tendances
dans la façon dont la question des usages des images de la violence est abordée. 1)- D’abord,
on peut estimer que les pouvoirs publics doivent intervenir pour réglementer le contenu des
programmes diffusés et leurs conditions de diffusion. 2)-Ensuite, une position intermédiaire
consiste à préconiser une « autodiscipline des médias ». 3)-Enfin, on peut considérer que
chaque individu doit pouvoir se déterminer librement par rapport au spectacle de la violence
partisane.
Il existe une structure pour réguler la presse audiovisuelle : le Conseil National de
Régulation de l’Audiovisuel. Le CNRA est un garde-fou contre certains dysfonctionnements
notés dans les programmes des organes de l’audiovisuel. Il publie des « mises en demeure » et

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des « avis trimestriels » qui constatent et répriment les dysfonctionnements. La présence de la
violence dans les programmes constitue souvent un grief contre les organes de l’audiovisuel.
Dans ce cas, ce sont des propos des hommes politiques tenus dans des débats radiodiffusés
qui font l’objet de mise en demeure.
Dans une émission-débat sur la « Sen Tv », diffusée en direct, le responsable de
l’APR, Ahmet Susan Camara, a reçu un violent coup de poing de la part d’un responsable du
PDS avec qui il débattait. La chaîne de télévision a dû procéder à l’interruption momentanée
de ses programmes.
Les années 2011 et 2012 furent marquées par un déchaînement de la violence
partisane au Sénégal. Les chaînes de télévision ont largement diffusé les images de violence.
Cette attitude a provoqué la réaction du CNRA qui a publié des « avis ». Trois « avis
trimestriels » ont été publiés en 2011, en 2012 et en 2013.211
Les avis du CNRA comportent régulièrement des réprimandes et des admonestations
contre les images de violence ou propos de violence diffusés par les médias du secteur de
l’audiovisuel. Depuis l’élection présidentielle de 2007, la tendance persiste. Cela révèle un
autre facteur, à savoir l’inefficacité de la régulation de l’audiovisuel.
Pourtant, le CNRA dispose de pouvoirs très étendus en matière de sanctions. Ces
pouvoirs de sanction peuvent aller de la simple « mise en demeure » à la « demande de retrait
définitive de l’autorisation d’émettre ».

211 Disponibles sur le site : www.cnra.sn/ consulté le 25 octobre 2013 à 21h 34.

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Avis (octobre-novembre, décembre) 2011 (janvier-février-mars 2012) publié le 30 avril
2012.

« Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (…) après avoir délibéré
en sa séance du 26 avril 2012 et en raison des contraintes liées entre autres,
aux dernières échéances électorales,

DECIDE :

De rendre publics par le présent avis les dysfonctionnements constatés au
cours du 4ème trimestre de l’année 2011 et du 1er trimestre de l’année 2012, à
travers les organes de communication audiovisuelle, ainsi que les
recommandations formulées pour y apporter des correctifs.

DYSFONCTIONNEMENTS :

(…) 6/ L’atteinte aux institutions de la République, la forte médiatisation des
propos irrévérencieux, la violence verbale des politiques ainsi que la diffusion
en boucle d’images de manifestations violentes durant les périodes de
précampagne et de campagne électorales et entre les deux tours ;

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7/ La diffusion de propos ethnicistes, stigmatisants ou faisant appel aux
confréries dans certaines émissions et discours politiques (…)

RECOMMANDATIONS :

Face à de tels manquements, qui constituent une violation des dispositions des
textes législatifs et réglementaires en vigueur au Sénégal dans le domaine de
l’audiovisuel, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel
recommande :

(…) 4/ De faire preuve de plus de rigueur et de professionnalisme dans la
conduite d’émissions interactives, de débats et de faits-divers pour éviter la
diffusion de propos portant atteinte aux institutions, à la morale et à la dignité
de la personne humaine. (…) ».

Avis trimestriel n° 2013/02 du 22 juillet 2013 (avril-mai-juin).

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« PREAMBULE :

(…) Les débats politiques relayés ces derniers temps par les médias
audiovisuels se déroulent dans un climat pollué par des propos pour le moins
discourtois, voire obscènes, injurieux et irrévérencieux.
De tels propos émanant aussi bien de personnalités publiques que de citoyens,
dans le cadre de débats ou de controverses politiques, sont de nature à porter
atteinte à l’honneur, à la respectabilité et à la dignité de personnalités et
acteurs de la vie politique, économique et sociale du pays.
De plus, il est noté constamment la diffusion d’images ayant un caractère
particulièrement violent, de nature à heurter la sensibilité du public, en
particulier celle des jeunes. (…)
C’est conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi n° 2006-04 du 04
janvier 2006, et après en avoir délibéré en sa séance du 18 juillet 2013, que le
Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel rend public le présent avis
portant sur les dysfonctionnements et manquements relevés dans les
programmes des différents organes de communication audiovisuelle. (…).

DYSFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS :
Au cours de la période, les dysfonctionnements et manquements constatés ont
trait :

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1/ A la diffusion, sans que les téléspectateurs aient été mis en garde, d’images
choquantes et difficilement soutenables pour le jeune public :
-La dépouille mortelle d’un enfant retrouvé aux Parcelles Assainies, dans les
éditions du journal en wolof du 8 avril 2013 de la TFM.
-Le corps à même le sol d’un présumé voleur, battu à mort par des conducteurs
de moto Jakarta et de l’image de l’un des présumés auteurs des violences,
menottes aux poignets, conduit par la police, au cours des journaux télévisés
du 13 avril 2013 sur Walf TV (…).
4/ A la persistance de la diffusion de propos pouvant être interprétés comme
des appels à la violence et à l’insurrection, ou portant atteinte aux institutions
et à la dignité humaine.
5/ A la propagande politique déguisée et la diffusion de propos pouvant mettre
en danger l’équilibre national.
Le rôle des médias s’avère crucial dans la préservation de la démocratie et de
l’unité nationale, autant ils peuvent en être des vecteurs de fragilisation par
l’amplification de prises de parole et d’exacerbation de comportements gros de
conflits, pouvant produire des résultats désastreux pour l’équilibre et la paix
sociale.
A cet égard, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel rappelle que la
reprise par certaines franges de la classe politique, de propos désobligeants,
injurieux et/ou diffamatoires, mettent le diffuseur en situation de violation des
dispositions (lois et cahiers de charge) qui régissent les activités des médias ;

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le principe de la fixation préalable (enregistrement avant diffusion) engage la
responsabilité personnelle et directe de l’éditeur audiovisuel. (…) ».

Attributions du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel :

Dispositions relatives aux contrôles et aux sanctions :

Article 26 / En cas de manquement aux obligations prévues par la présente loi,
ainsi que par les conventions et cahiers de charges, le Conseil National de Régulation
de l’Audiovisuel fait des observations ou une mise en demeure publique aux
contrevenants.

En cas d’inobservation de la mise en demeure, le Conseil National de
Régulation de l’Audiovisuel peut prendre une sanction qui peut consister en la
suspension totale ou partielle d’un programme. Il est tenu, en fonction de la gravité
des griefs, de procéder aux sanctions suivantes :

– suspension d’un à trois mois de tout ou partie des émissions ;

– sanction pécuniaire de deux à dix millions de francs ;

– pénalité quotidienne de retard de cent mille francs à cinq cent mille francs
CFA en cas d’inexécution d’une décision du Conseil National de Régulation de
l’Audiovisuel.

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Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel peut également proposer à
l’autorité ayant délivré l’autorisation, une réduction de six mois à un an, de sa durée
ou un retrait définitif de ladite autorisation.

« L’autodiscipline » désigne un régime de responsabilité des médias qui permet de
contrôler directement les contenus des messages et images diffusés. Les médias ont désormais
la responsabilité d'assurer eux-mêmes leur contrôle, en s’inspirant de quelques principes
éthiques. Les télédiffuseurs veillent eux-mêmes à l'application de « codes de bonne conduite »
pour tout ce qui concerne la diffusion d'émissions contenant de la violence.
Une telle mesure est généralement acceptée par les professionnels des médias. Ainsi,
ils sont en mesure d'arbitrer les conflits entre la liberté de création, les normes sociales et les
nécessités du spectacle. Cette autodiscipline permet aux médias de se protéger eux-mêmes.
En effet, les mécanismes institutionnels de régulation butent sur la résistance et
l’indifférence des acteurs du secteur. Souvent, ces derniers sont tiraillés entre un pragmatisme
économique et professionnel qui les conduit naturellement à couvrir la violence. L’équilibre
est très complexe et précaire. Mais, bien souvent, le pragmatisme prend le dessus sur
l’idéalisme moral. Cela peut expliquer la récurrence des critiques du CNRA à l’endroit des
médias.
La libéralisation du secteur de l’audiovisuel s’est accompagnée de la création de
médias politiques. C’est, certainement sous le régime de la première alternance, que la

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tendance s’est le plus affirmée. Visiblement, très en colère contre les critiques et
l’acharnement, dont il serait injustement victime, le Président Abdoulaye Wade avait averti
qu’il créerait ses propres organes de presse pour instaurer un équilibre médiatique.
Ainsi, en plus du journal le « Messager » qui était très proche de Farba Senghor, la
chaîne de télévision « Canal info news » était, selon certains, la propriété de Karim Wade. La
ligne de conduite de ces médias se fonde essentiellement sur des attaques personnelles dures
contre les adversaires du PDS. Par exemple, lors du conflit entre Idrissa Seck et Abdoulaye
Wade, « le Messager » s’est particulièrement illustré par des attaques en règle contre Idrissa
Seck.
Au Sénégal, le pouvoir de régulation est aussi exercé par le Comité pour l’Observation
des Règles d’Ethique et de Déontologie dans les médias. Ce dernier est une structure
d’autorégulation mise en place par les journalistes eux-mêmes. Cette structure a été créée en
remplacement du Comité pour le Respect de l’Ethique et de la Déontologie (CRED).
Le CORED a pour objectif de veiller au respect des conditions d’accès et d’exercice
de la profession de journalisme. La structure s’est dotée de pouvoirs de sanctionner
positivement ou négativement les journalistes et techniciens de la communication. En cas de
violation d’un principe régissant la corporation, les sanctions peuvent aller d’un avertissement
au retrait de la carte de presse. Le comité de direction est composé de vingt et un membres. La
saisine de la structure exclut le recours aux juridictions de droit commun selon « l’article 20 ».
Bacary Domingo Mané, président du Cored, a fustigé l’attitude des médias sénégalais
dans l’affaire Cissé Lô. La mise en scène des images de l’attaque du domicile du député de
l’APR et surtout la diffusion de propos jugés irrévérencieux, prêtés à Moustapha Cissé Lô, ont
semé la fureur à Touba et ont semblé relever de « l’ignominie », selon le président du Cored.

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« Après les devinettes, c’est l’ère du journalisme mouchard : celui qui consiste à
publier dans la presse des conservations privées, parfois avec des détails qui heurtent
la sensibilité. Des éléments audio sont diffusés sur la toile et parfois repris par la
presse traditionnelle.
S’ils ont échappé à la mort biologique, ils sont par contre frappés de plein fouet par la
mort sociale. Livrés au jugement des autres, ils sont obligés d’affronter
quotidiennement le regard accusateur des voisins, amis, camarades…
Aujourd’hui, des sites sont créés, parfois dirigés par des gens qui ne savent ni lire ni
écrire en français. D’autres font la pluie et le beau temps dans les rédactions, parce
qu’ils manient bien la langue de Kocc Barma et assimilent hélas nos plateaux de
télévision à des scènes de théâtre où parfois la dérision et l’impertinence deviennent
des qualités qui leur ouvrent les portes du monde des stars ».

La « sélectivité individuelle » signifie que les téléspectateurs sélectionnent les
messages, en fonction de leurs compétences sociales, de leurs dispositions cognitives ou de
leurs convictions politiques. Cette position, qui valorise le libre arbitre, est souvent de nature
morale ou philosophique. Elle suppose la capacité de chaque individu à privilégier son esprit
critique. Cette position est souvent assortie du souhait d'une « éducation à l'image ».

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« Pourtant, l’expérience, et les recherches, ont prouvé que le même message, adressé
à tout le monde, n’est jamais reçu de la même manière. Tout simplement parce que le
récepteur, très vite, a su établir une distance, voire une résistance à l’égard du
message, par l’intermédiaire de ces choix politiques, religieux, culturels.
Autrement dit, contrairement aux craintes déjà soulevées par la radio, la télévision ne
manipule pas les publics. C’est d’ailleurs l’autonomie relative du récepteur qui
constitue la grande leçon du dernier siècle. (…) Cela ne veut pas dire que la télévision
n’a pas d’influence, bien sûr mais il s’agit d’un processus plus complexe, en tout cas
interactif et non unilatéral ».212

212 Dominique Wolton, (sous la direction de), La télévision au pouvoir , Paris, Universalis, 2004, p 7.

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DEUXIEME PARTIE : LA PRODUCTION DE LA VIOLENCE
PARTISANE.

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« Je voudrais suggérer ici une autre manière d'avancer vers une nouvelle
économie des relations de pouvoir, qui soit à la fois plus empirique, plus
directement reliée à notre situation présente, et qui implique davantage de
rapports entre la théorie et la pratique. ».213

L’idée de la production de la violence partisane permet de comprendre et d’articuler
pouvoir politique et violence des partis politiques, en se demandant : « le pouvoir, comment
s’exerce-t-il ? »214. Il s’agit d’ajouter à la réflexion sur les enjeux de la violence partisane, une
analyse, qui porte un regard pragmatique ou technologique sur la violence, en posant la
question : « comment ça se passe ? »215. La production de la violence partisane désigne alors
la manière par laquelle des hommes politiques sénégalais maîtrisent l’exercice de la violence

213 Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir », in Dits et Ecrits , tome IV, 1982, p 225.
214 Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir », art cit, p 233.
215 Ibid.

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partisane et la pratiquent d’une manière réfléchie et rationnelle, en élaborant minutieusement
des stratégies et des techniques.
Les actes de violence partisane sont produits grâce à la mobilisation d’importantes
ressources symboliques (les discours), humaines (les « professionnels de la violence ») et
matérielles (les armes). Les discours permettent d’exprimer la violence verbale. Ceux-ci
expriment une agressivité qui débouche sur une guerre des mots. La violence verbale peut
apparaître comme une ressource du pouvoir, dans la mesure où elle permet de préparer, de
provoquer, de déstabiliser et de cautionner l’agression physique d’adversaires politiques.
C’est une incitation et un encouragement à la violence physique.
Les armes et les « professionnels de la violence » assurent l’exercice efficace de la
violence physique. La violence physique se manifeste par une destruction matérielle ou une
atteinte à l’intégrité du corps. Le corps humain est devenu, dans la modernité, un des plus
puissants marqueurs sociaux. Il est la cible privilégiée des violences. La violence devient le
travail d’un corps sur des corps. Il y a une interaction entre des entités corporelles qui
produisent des conséquences physiques et psychologiques importantes.
Les actes de violence physique désignent la mise en œuvre d’une « microphysique du
pouvoir »216. La microphysique du pouvoir suppose que le pouvoir est une stratégie de
domination et de résistance. Elle se matérialise par des dispositifs, par des manœuvres, par des
tactiques, par des techniques, par des ruses. Les actes de la violence physique sont donc des
instruments politiques privilégiés de la conquête du pouvoir.

216 Clément Lefranc, « Michel Foucault. Une microphysique du pouvoir », in Les Grands Dossiers
des Sciences humaines , vol 3, n° 30, 2013, pp 29-29.

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La violence physique utilise le corps comme espace d’agressivité physique. On peut
considérer le corps comme la cible privilégiée des violences partisanes. La violence physique
s’exerce sur les corps.
En recourant ainsi à des comportements qui montrent la dimension matérielle de la
violence partisane, et cela indépendamment des systèmes de légitimation théorique qui les
qualifient, on se donne les moyens d’avoir un fil conducteur pour analyser empiriquement la
violence partisane.
Dans ce sens, on retiendra comme définition de la violence physique, celle que
propose Nieburg : « Des actes de désorganisation, destruction, blessures, dont l’objet, le
choix des cibles ou des victimes, les circonstances, l’exécution, et/ou les effets acquièrent une
signification politique, c’est à dire tendent à modifier le comportement d’autrui dans une
situation de marchandage qui a des conséquences sur le système social »217.
La violence partisane est conditionnée par la capacité des hommes politiques à
mobiliser des ressources (Chapitre premier), lesquelles influent sur les niveaux de la violence
(Chapitre second).

217 Nieburg, Political violence.The behavioral process , New York, St Martin’s Press, 1969, p 13.

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CHAPITRE I/ La mobilisation des ressources de la violence partisane.

La question de la mobilisation des ressources est cruciale, car elle incite à passer du
« pourquoi » des actions de violence (question relative aux causes de la violence), au
« comment » des actions de violence (question relative aux paramètres internes de la
violence).

Dans la sociologie de l’action collective, la théorie de la mobilisation des ressources a
constitué un tournant décisif pour l’analyse de l’éclosion et du déclin des mouvements
sociaux. Elle apparaît comme une critique contre la théorie du comportement collectif en
perte de vitesse et qui a basé tout son argumentaire sur les facteurs psychosociaux qui
déterminent le comportement des membres des mouvements sociaux218. La mobilisation
désigne « le processus par lequel un groupe mécontent assemble et investit les ressources
dans la poursuite de buts propres ».219

218Ted Gurr, Why man rebel? Princeton University Press , 1970; James David, «Towards a theory of
Revolution », in American Sociological Review , n° 6, 1962.
219 Antony Oberschall, Social conflict and social Movements , Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1973,
p 28.

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Les partis politiques mobilisent leurs partisans et promeuvent leur cause à l’aide des
meilleures stratégies disponibles. Au Sénégal, les acteurs de la scène politique rivalisent
d’ingéniosité pour accéder aux ressources, c’est-à-dire aux « stocks hétérogènes d’avoirs, de
savoirs, d’images qui constituent les munitions de tactiques et stratégies de luttes. »220. Les
« professionnels de la violence », les armes et les discours sont mobilsés par les hommes
politiques pour inciter leurs partisans à recourir à la violence physique ou pour radicaliser
celle-ci.
Nous faisons l’analyse des discours de la violence partisane (Section I) et des
techniques de la violence partisane (Section II).

SECTION I/ Analyse des discours partisans de violence.

« L’analyse du discours s’intéresse aux formes et aux modalités d’expression des messages (…) en
rapport avec des cadres sociaux (…) Il s’agit d’une démarche fondée sur la linguistique, mais qui
insiste sur le lien entre le discours et le social, entre le verbal et l’institutionnel, entre les mots, les
figures, les arguments et ceux qui les énoncent et les interprètent. »221

220 Eric Neveu, « Répertoires d’action des mobilisations », in Cohen Antonin, Lacroix Bernard et
Riutort Philippe (sous la direction de), Nouveau manuel de science politique , Paris, La Découverte,
2009, p 500.
221 Simone Bonnafous et Alice Krieg-Planque, « L’analyse du discours », in Stéphane Olivesi (sous
la direction de), Sciences de l’information et de la communication. Objets, savoirs et discipline ,
Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2013, pp. 223-238.

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Le discours est une production linguistique, pourvu de sens précis, au même titre
d’ailleurs que les romans, les poèmes, les récits, bref toutes les œuvres littéraires. Mais, entre
le discours et ces genres littéraires, il existe une grande différence. Par exemple, le discours
s’oppose au récit. Le discours est non pas le résultat, mais le processus de production de sens.
Les conditions dans lesquelles le discours est produit sont aussi prises en compte. Le contexte
social ou politique est crucial dans l’élaboration du discours.
L’énoncé du discours découle de la formulation orale ou écrite qui fait sens. Il
correspond à ce que les linguistes appellent la « phrase nucléaire », c’est-à-dire la plus petite
unité syntaxique du discours.
Il existe plusieurs formes de discours selon que celui-ci touche à tel ou tel domaine :
économique, religieux, politique… Le discours partisan a, souvent, pour objet, le pouvoir
dans la cité. Dans cette veine, il désigne une forme discursive par laquelle un acteur, en
l’occurrence un homme politique, cherche l’obtention du pouvoir dans la lutte politique contre
d’autres adversaires. Deux conséquences découlent de cette approche : d’une part, les
éléments qui caractérisent la relation de pouvoir se retrouvent dans l’énoncé discursif, d’autre
part, le discours porte sur les ressources du pouvoir comme la violence. La relation au pouvoir
présente trois aspects : « irréflexivité », « asymétrie » et « transitivité ».
1)-La relation au pouvoir est irréflexive. Autrement dit, le titulaire du pouvoir ne peut
pas être en même temps le destinataire du pouvoir. En effet, la réflexivité signifierait que le
chef donne des ordres pour lui-même et c’est lui qui doit les exécuter.
2)-L’asymétrie de la relation au pouvoir implique l’impossibilité d’un échange
réciproque des fonctions du titulaire et du destinataire. Autrement dit, le titulaire ne peut pas
devenir destinataire et le destinataire ne peut aussi devenir le titulaire. Le chef d’un parti

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politique reste chef pour toute la période pour laquelle il est élu. La règle de l’asymétrie veut
que le rapport entre ces deux éléments soit unidirectionnel : le titulaire commande et le
destinataire obéit.
3)-La transitivité signifie que le pouvoir est relation, interaction, échange. Si a est en
relation avec b (aRb), b est en relation avec c, alors on peut dire que a est en relation avec c
(aRc).
Par ailleurs, le pouvoir comporte un ensemble de ressources par lesquelles, l’homme
politique parvient à imposer sa volonté ou ses intérêts à ses adversaires politiques. Ces
ressources sont de plusieurs ordres : les ressources juridiques, les ressources économiques, les
ressources symboliques et les ressources coercitives. Ces dernières se résument
fondamentalement à la violence, source du pouvoir. Le discours devient soit une pure
expression de la violence, soit une pure légitimation de la violence.
Le discours politique cherche parfois à inciter à la violence. Il n’est pas simplement
l’expression de la violence, mais devient un ordre de légitimation de la violence. C’est un
moyen par lequel le recours à la violence devient non seulement désirable, mais aussi
souhaitable, voire nécessaire. Le discours politique est une véritable entreprise de construction
langagière, de production de sens de la violence. C’est cette dimension symbolique qui nous
intéressera particulièrement. En effet, nous chercherons à analyser la morphologie et le sens
des discours développés par les hommes politiques sénégalais pour justifier ou légitimer la
violence partisane.
L’analyse des discours partisans s’intéresse d’une part, à la logique et aux rhétoriques
des discours partisans (P 1) et, d’autre part, à l’appel aux émotions violentes (P 2).

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PARAGRAPHE 1/ Logique et rhétoriques de la violence partisane.

Il existe une opinion commune selon laquelle, dans la lutte politique quotidienne, les
conflits discursifs se déroulent au-delà de toute convention ou règle. L’improvisation et la
spontanéité semblent être les caractéristiques principales des discours des hommes politiques.
Au-delà du désordre de surface, il subsiste un ordre de profondeur relatif aux enjeux
de l’exercice ou de la conquête du pouvoir politique. Les discours des partis politiques sont
construits, préparés en fonction des objectifs qui leur sont assignés.
Mais, il ne faut pas hypostasier l’ingéniosité discursive du personnel politique. Le
discours partisan n’est pas une production intellectuelle objective, débarrassée de tout intérêt
social, politique ou partisan. L’environnement dans lequel évoluent les hommes politiques
sénégalais, les circonstances auxquelles ils sont confrontés, conditionnent le contenu ou
l’orientation du discours. Il s’agit du format médiatique, du positionnement idéologique, des
rôles et des fonctions officielles…
Les observations réalisées auprès des hommes politiques sénégalais, l’analyse de leurs
différents discours prononcés dans des contextes de déchaînement de la violence, nous ont
conduits à constater l’existence d’une cohérence interne des discours partisans. Les discours
sont des « communications sur mesure » destinées à inciter à l’action et à la violence.
L’analyse des discours partisans nous permettra de repérer les traces et les indices
encourageant à recourir à la violence, en suivant l’enchaînement logique créé par l’énoncé
discursif. Cette cohérence repose sur deux éléments fondamentaux : d’une part, la logique
argumentative et, d’autre part, les rhétoriques du discours partisan.

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L’argumentaire du discours partisan renseigne sur l’intention, sur les objectifs de
l’orateur. Son analyse permet de détecter une entreprise d’incitation à la violence. En
analysant l’argumentaire des discours des hommes politiques sénégalais, nous avons
découvert une construction actantielle.
L’approche actantielle permet d’examiner les acteurs et de ne pas les appréhender de
l’extérieur, mais plutôt à l’intérieur même du système de relations politiques créé par les
discours. Chaque actant est défini par les relations qu’il entretient avec les autres actants.
Mais, qu’est-ce que réellement un actant ?-Comment se construit-il ?-En quoi consiste les
relations créées par l’actant ? Les réponses à ces questions permettent sans doute de lever le
voile sur cette notion centrale et de comprendre comment se construit la légitimation de la
violence dans les discours des hommes politiques sénégalais.
Malgré le changement qui affecte les noms ou les attributs, les actions et les fonctions
des personnes demeurent constantes dans les discours. Les discours prêtent toujours les
mêmes fonctions à des personnes de postures différentes. Une femme, un homme, un
opposant, un membre du pouvoir, peuvent successivement apparaître dans un discours
politique comme un héros. Par conséquent, il est possible d’étudier les discours à partir des
fonctions des personnes. Les actants désignent des personnages abstraits assurant la
dynamique du discours. Il existe à ce niveau une représentation humaine des valeurs, des
caractères, des objets, des concepts, des forces de la nature.
Les actants ne sont pas éclatés, éparpillés et désordonnés. Ils sont distribués dans un
discours de façon systémique et interactive, créant ainsi un sens politique bien précis. La
distribution de ces rôles peut se présenter de la manière suivante : un objet (une personne, un
bien spirituel ou moral) désigne un destinateur et est transmis à un destinataire qui en

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devient le bénéficiaire. La recherche de l’objet est menée par un sujet qui rencontre dans sa
recherche, des personnages qui lui viennent en aide, des adjuvants , et des personnages qui
s’opposent à lui ou contrarient sa quête ou son projet, des opposants .
Entre ces six actants, s’instaure un système de relations définissant trois axes. 1)- Le
premier axe est celui du désir et de la quête. C’est la relation sujet-objet où l’un se définit par
rapport à l’autre. 2)- Le second axe est celui du savoir et permet de connaitre le contenu et le
bénéficiaire de l’objet : c’est la relation destinateur-destinataire. 3)- Enfin, le troisième axe est
celui des rapports de force pour l’exercice et la conquête du pouvoir politique : c’est la
relation adjuvants-opposants222.

222 Ibid.

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Figure 4 : Modèle général des discours politiques d’après l’approche actantielle223.

223 Jorge Palma, « Le modèle actantiel, méthode d’analyse du politique », op cit, p 32.

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ADJUVANT
SUJET
OPPOSANT

Avec l’aide de L’acteur principal Malgré
qui (éditeur qui
quoi du message) quoi

DESTINATEUR
OBJET
DESTINATAIRE

Au nom de Ce que l’acteur Pour
Qui, principal qui,
Quoi veut quoi

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DESTINATEUR
ANTI-OBJET
DESTINATAIRE

Au nom de Ce que l’acteur croit Pour qui, quoi selon
Qui que l’adversaire veut l’acteur
quoi

ADJUVANT

ANTI-SUJET
OPPOSANT

Avec l’aide de qui, L’adversaire tel que l’acteur Malgré qui, quoi

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Quoi (selon l’acteur) le perçoit l’adversaire mène
Son action (selon l’acteur)

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Le discours partisan présente l’ensemble des conditions requises pour le
déclenchement de la violence. Chaque condition est prise en charge par un des six actants.
Chaque actant est défini, qualifié par l’émetteur du discours, qui dispose pour cela d’un
outillage conceptuel large. Globalement, les conditions nécessaires au déclenchement de la
violence partisane sont au nombre de six :
1/Désirabilité : le recours à la violence doit être voulu ou désiré, recherché par les
acteurs. On peut même noter chez certains, une forme d’excitation et d’enthousiasme à l’idée
de participer à des actions violentes.
Le critère de la désirabilité de la violence est pris en charge par « l’actant objet »224.
Celui-ci est souvent défini par le désir de violence et de changement. Le changement a une
connotation d’amélioration et une charge émotive fondée sur les idées de progrès et de
développement. Le changement consiste à dépasser un état préalable jugé suranné et non
souhaité, au profit d’un état nouveau qui apporte une évolution qualitative souhaitable. Le
changement fait miroiter un bien-être ou plus exactement un mieux-être social, économique
ou politique. Toute attitude qui s’oppose au désir de changement est considérée comme une
« anomalie », une « injustice », qui doit être vaincue par la violence s’il le faut. La nécessité
du changement favorise le recours à la violence.
Au cours de l’année 1989, pour inciter à « l’insurrection populaire » contre le pouvoir
socialiste, l’opposition a centré son discours sur les tensions politiques entre les autorités
sénégalaises et certains pays frontaliers comme la Mauritanie, la Guinée Bissau et la Gambie.
La situation politique précaire constituait naturellement une menace pour le peuple sénégalais,

224 Jorge Palma, op cit.

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qui aspirait à un changement d’attitudes et de politique étrangère envers les pays limitrophes.
Ce changement, pour l’opposition, passait nécessairement par la chute du pouvoir socialiste
jugé « incompétent », « laxiste » et trop « conciliant ».
Par exemple, en août 1989, dans un éditorial du « Sopi » (changement) intitulé
« Briser l’encerclement », Ousmane Ngom, lieutenant d’Abdoulaye Wade, déclarait :

« (…) Mortifié au vu des humiliations insoutenables et répétées dont notre pays est
l’objet depuis quelques temps de la part de ses voisins (…) Ce qui est plus désolant et
effrayant, c’est la passivité et l’impuissance de nos dirigeants (…) Leur caractère
amorphe face aux multiples crises que connaît le pays, ont réveillé l’audace de nos
voisins et aiguisé leurs appétits annexionnistes. Dès lors, ils (nos dirigeants)
constituent, objectivement, un danger pour la patrie et il convient de s’en débarrasser
au plus vite ».

2/Utilité : celui qui accomplit l’acte de violence doit le considérer comme quelque
chose d’utile. L’utilité ne se réduit pas à la satisfaction d’un besoin économique qui
découlerait d’un rapport coût/gain. Elle peut s’appuyer sur le sentiment altruiste de rendre
service et sur l’exigence d’efficacité.
Le critère de l’utilité de la violence est manifesté par « l’actant destinateur ». Le
destinateur permet véritablement de déterminer les fondements, les éléments justificatifs qui
révèlent l’utilité ou non de la violence. L’objectif est de présenter la violence comme un fait,
non pas naturel ou même économique, mais politique et sociologique. A ce niveau, ce ne sont

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pas les actants-personnes qui sont privilégiés, mais les valeurs sociales et politiques qui se
rattachent au pouvoir.
Par exemple, Idrissa Seck considère que la contestation violente de la candidature
d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de 2012 est utile et juste, car c’est le modèle
démocratique sénégalais qui est menacé. Il déclarait :

« Le combat du M23 est un combat juste. La cause du M23 est une cause juste. Le
combat contre le népotisme, contre la dévolution monarchique du pouvoir, contre la
violation de notre constitution par un mandat illégal, le combat pour la transparence
et la régularité du processus électoral, le combat pour que toutes les organisations
non gouvernementales qui le souhaitent puissent être observatrices de nos élections.
(…) Le combat pour éviter tout report de la date de l’élection, le combat pour le
respect du calendrier électoral, ce combat-là est un combat juste. Cette cause-là est
une cause juste. (…) ».225

Selon Idrissa Seck, la démocratie serait gravement menacée par les visées
monarchiques et despotiques d’un homme cherchant à se maintenir au pouvoir. Le danger
serait de voir s’effondrer tout le consensus historique qui a marqué l’histoire de la démocratie
sénégalaise. La chose est impensable et nécessite une mobilisation exceptionnelle.

225 Discours prononcé à Thiès le 09 février 2012, en compagnie des autres chefs de l’opposition, dans
le cadre de la mobilisation du « M23 » contre la candidature d’Abdoulaye Wade.

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3/Ciblage : la violence vise précisément une victime et parfois un « bouc-émissaire »
sur qui on pourra déverser son agressivité. Il s’agit du domaine d’exercice de la violence. Il y
a une délimitation du cadre d’exercice de la violence.
Le critère du ciblage débouche dans l’argumentaire discursif sur la détermination de la
relation entre « l’ami » et « l’ennemi », entre le « gentil » et le « méchant ». Il permet de
tracer une frontière objective, par laquelle on peut identifier facilement pour qui et contre qui,
la violence est mise en œuvre. C’est « l’actant Anti-sujet » ou « l’Anti-objet » qui définit ce
critère. L’Anti-sujet est celui qui est désigné par l’émetteur du discours comme faisant
obstacle à la réalisation du projet politique. Il est aussi diabolisé et méprisé dans le discours,
dans le but de déchaîner sur lui la violence des individus.
Par exemple, Abdoulaye Wade a cristallisé la colère de l’opposition qui contesta sa
candidature à l’élection présidentielle de 2012. Ses adversaires construisèrent l’image d’un
homme « querelleur » et « violent », d’un homme téméraire qui est prêt à tout pour assouvir
sa soif de pouvoir. Ses anciens compagnons, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho et
Moustapha Niasse versèrent dans la diabolisation. Le leader de la Ligue
Démocratique/Mouvement Pour le Travail (LD/MPT) qualifia Abdoulaye Wade de
« dictateur ». Le fondateur du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT), Amath Dansokho,
plus sévère, le compara à un « tyran », à un « voleur » et à un « assassin »226. Son ancien
Premier Ministre et soutien lors du deuxième tour décisif de l’élection présidentielle de 2000,
Moustapha Niasse, le considéra comme un « délinquant politique »227.

226www.AMWSENTV.com/ consulté le 12 juillet à 13h26.
227 Extrait de l’interview accordé à : www.carRapide.com/, consulté le 12 juillet 2014 à 13h 26.

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Idrissa Seck, compagnon historique et ancien Premier Ministre d’Abdoulaye Wade, dit
à propos de lui :

« (…) Abdoulaye Wade lui a compris que trois sénégalais sur quatre l’ont rejeté. C’est
d’ailleurs pour cela qu’il a tenté une modification constitutionnelle pour permettre
une élection à 25% de l’électorat exprimé. Et c’est précisément la mobilisation
exceptionnelle du 23 juin du peuple sénégalais qui a permis (…) de rejeter cette
révision constitutionnelle.
Je crois être (…) l’un des hommes politiques qui connaissent le mieux Abdoulaye
Wade. Il a un grand courage physique et c’est un combattant. Il ne partira que s’il voit
la détermination des trois sénégalais sur quatre qui le rejettent. (…) Mais, il n’obéira
à ces trois sénégalais sur quatre que s’il voit, s’il perçoit, s’il ressent chez nous la
même détermination que la sienne à se battre (…). Mais, il n’ira jamais jusqu’à
affronter ce qui vient d’arriver au colonel Momar Al Kadhafi. Si nous savons être
déterminés, si nous savons être unis (…) et lui faire face de manière déterminée, dans
ces conditions-là, il partira (…) »228.

La diabolisation d’Abdoulaye Wade n’a pas commencé en 2012, avec la contestation
de sa candidature à l’élection présidentielle. De Senghor à Diouf, les militants et les

228 Discours d’Idrissa Seck lors du meeting du « M23 » à Thiès le 9 février 2012.

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sympathisants socialistes ont toujours peint leur adversaire de « nittu fitna »229. Ils ont
construit l’image d’un homme obscur, d’un esprit malicieux qui chercherait à troubler l’ordre
et la bonne marche d’un pays attaché à la paix et au consensus. Par exemple, Aida Mbodj,
ancienne militante du PS, comparait Abdoulaye Wade à « Fantômas ».230
Jadis, Abdoulaye Wade et le PDS ont beaucoup versé dans la diabolisation pour
caractériser leur adversaire Abdou Diouf. Par exemple, le chef de file du PDS a affublé
Abdou Diouf du sobriquet de « Aay gaaf plus (une personne qui porte malheur) » dans le
« Sopi » n° 65. Il entendait dresser une liste non exhaustive des « moussiba (malheurs),
ndiakhoum (bévues) et d’autres calamités dont souffrait le peuple, et qu’Abdou Diouf
provoquait par sa seule présence à la tête de l’Etat ».

4/Opportunité : le recours à la violence dépend des circonstances favorables ou
défavorables du moment, des forces ou des faiblesses de l’adversaire. Les rapports de force en
place sont décisifs. Les erreurs de l’adversaire pourront ainsi être exploitées sans grands
risques.
Le critère de l’opportunité est exprimé par « l’actant adjuvant ». A ce niveau, il ne
s’agit plus de personnes, mais des erreurs commises par l’opposant et susceptibles de
l’affaiblir. L’exercice de la violence contre ses adversaires doit lever l’obstacle de la peur, de
la crainte des représailles qui inhibent toute action politique.

229 Terme wolof qui signifie littéralement en français : un homme belliqueux.
230 Personnage de fiction coécrit par Pierre Souvestre et Marcel Allain. Il incarnait un génie du crime,
maître de tout et de tous.

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Lors du rassemblement du 23 juin 2011 devant l’Assemblée nationale, Landing
Savané, chef du parti AJ/PADS, déclara à un journaliste :

« C’est un vieil homme (Abdoulaye Wade) qui n’a pas compris que le moment de se
retirer a sonné, qui a voulu par ses tripatouillages de la constitution et par ses
manœuvres extrêmement sinueuses tromper les Sénégalais. Mais, cette fois-ci, c’est lui
qui se trouve piégé. Je ne vois pas comment il pourra surmonter l’épreuve à laquelle il
est confronté. S’il est logique, il doit être conséquent avec lui-même (…) et poser son
tablier, libérer le pays (…) C’est fini pour Wade ».
La vieillesse du Président de la République, Abdoulaye Wade, constituerait, aux yeux
de l’opposition, la première grande faiblesse qu’il fallait exploiter. La vieillesse renvoyait à
l’image d’un homme affaibli, sénile, déclinant, qui ne suscitait plus de la crainte à ses
adversaires. De plus en plus, on affirmait qu’il était entrain de perdre le nord. Par exemple,
les manifestants avaient l’habitude de scander en chœur le slogan « Gorgui denna, suul lenn
ko ! (Le vieux est mort, il faut l’enterrer) ! ». Tout semblait indiquer que c’était le bon
moment pour donner un coup d’arrêt, pour porter l’estocade au pouvoir libéral qui ravivait les
frustrations et tensions sociales, en voulant, vaille que vaille, permettre à Abdoulaye Wade
d’avoir un troisième mandat contre la volonté populaire.
5/Dynamisme : pour être efficace, la violence requiert une force de mobilisation et de
manifestation de l’ampleur dans la protestation, en vue de participer au pouvoir. Il s’agit
surtout de faire « usages du nombre »231 : ampleur des soutiens à la cause du parti, effectifs

231 Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt , Paris, Montchrestien, 1994.

P a g e | 215

manifestants dans la rue. Le dynamisme détermine le degré d’efficacité de la violence
partisane. Ce critère est défini par « l’actant destinataire ». Celui-ci désigne le bénéficiaire du
projet partisan, celui pour qui ou pour quoi le sujet entreprend la quête du pouvoir.
On remarque qu’il y a un appel à la jeunesse dans les discours des hommes politiques.
En réalité, dans l’univers des représentations des hommes politiques sénégalais, chacune des
catégories sociales est affectée d’un quotient de signification. Celui-ci dépend de la logique
qui anime chaque champ et de son agenda.
Pour ce qui est de la jeunesse, elle traduit dans l’entendement des hommes politiques
sénégalais, un terreau fertile à la propagande et à la contestation. La jeunesse est
systématiquement associée au nombre, à la force, à la contestation et à la témérité. Ces quatre
aspects sont des qualités primordiales dans l’exercice de la violence. La violence pour être
efficace, doit être exercée par un nombre important d’individus forts et vigoureux, animés
d’une culture de contestation et surtout qui n’ont pas peur de descendre dans la rue.
Il est vrai que la jeunesse est une construction sociale qui suscite des représentations et
un imaginaire liés systématiquement à la violence. Certaines approches privilégient les
dimensions individuelle et développementaliste. Elles s’appuient sur des outils biologiques ou
psychologiques. La jeunesse est alors une étape du développement de l’individu à laquelle
sont liés des attributs spécifiques qui influent sur ses conduites et qui changent à chaque
étape. On cherche à isoler et à comprendre l’adolescent. On construit la figure d’une jeunesse
insatisfaite de son état et qui se démarque par un potentiel de frustration et d’agressivité
inégalable.
D’autres approches culturelles considèrent la jeunesse comme l’expression et la
manifestation d’un système de valeurs modernes qui s’oppose aux modèles traditionnels, aux

P a g e | 216

normes et aux tendances gérontocratiques des adultes. La jeunesse est donc un temps
d’expression de la liberté, de la modernité, en opposition avec la culture dominante. La
jeunesse est, cependant, associée aux déviances de toutes sortes (consommation de la drogue,
attrait pour la violence et le radicalisme politique) et à la culture de la contestation.
Au Sénégal, la culture de la contestation de la jeunesse se radicalise à mesure que les
structures sociales collectives s’affaiblissent. Le rôle d’équilibre que jouait le cadre familial
s’effrite peu à peu dans les milieux urbains. La cellule familiale est aussi touchée de plein
fouet par les crises. Dans ces conditions, laissés à eux-mêmes, les jeunes s’émancipent, se
prennent en charge et se détournent progressivement des structures communautaires
traditionnelles, religieuses et familiales. Alors, se met en place un processus
d’individualisation sociale, dicté par les conjonctures économiques difficiles.
L’appel à la jeunesse dans les différents discours partisans répond à cette évolution. La
jeunesse sénégalaise, particulièrement celle estudiantine, a souvent été mêlée dans les
évènements violents. La chose ne relève pas du hasard. « L’effort de guerre » de la jeunesse
découle de son instrumentalisation par les entrepreneurs de la violence partisane. Dans
l’histoire politique du Sénégal, les hommes politiques se sont mutuellement accusés
d’instrumentaliser la jeunesse dans leurs luttes pour la gestion du pouvoir politique.
Par exemple, lors des élections de 1988 marquées par une crise sociale et un
déchaînement de violences, le Président Abdou Diouf accusa les dirigeants de l’opposition de
« manipuler les enfants pour en faire la chair à canon ». Autrement dit, la jeunesse est ici
perçue comme une « matière première » de l’entreprise de production de désordres publics
provoqués par l’opposition. Le chef de file du PS, Abdou Diouf, qualifiait à Thiès, la jeunesse

P a g e | 217

de « jeunesse malsaine », composée de « bandits de grands chemin indignes d’être des
Sénégalais… ».
En vérité, c’était bien Abdoulaye Wade, candidat du PDS, qui fut visé par cette
critique acerbe. Abdoulaye Wade s’est illustré par une tendance d’identification à la jeunesse.
Il n’hésitait pas à faire un appel du pied aux jeunes sénégalais dans ses diatribes politiques
contre le PS. Dans un discours resté célèbre, prononcé lors d’affrontements avec les forces de
l’ordre en 1988, il déclara :

« Les forces de l’ordre, j’espère que vous me prêtez attention. Ecoutez, écoutez, je n’ai
pas encore terminé mes propos. Je ne sais pas si vous êtes des policiers ou des
gendarmes, en tout cas sachez que vous ne nous intimidez guère, car vous n’êtes que
des humains. (…)
Je vous ai répété que, lorsqu’on vous jette des grenades lacrymogènes, il ne faut pas
prendre la fuite. Celui qui jette des grenades n’est qu’un humain comme vous. S’il a la
capacité de respirer l’odeur des grenades lacrymogènes sans dommages, vous aussi,
vous pouvez le faire.
Aussi longtemps que vous prendrez la fuite pour échapper à ces grenades, il n’y aura
pas de solution victorieuse. S’il s’apprête à vous jeter une grenade, vous devez vous
rapprocher de lui. Il faut refuser cela, surtout vous les jeunes. Vous devez combattre
pour libérer le peuple comme cela se fait dans d’autres pays. Il faut avoir à l’esprit
cela. Il suffit que vous vous constituez en un groupe de dix ou vingt personnes pour
que le problème soit définitivement réglé ».

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Vingt-quatre ans après les accusations du Président Abdou Diouf lors des troubles
électoraux de 1988, la réplique d’Abdoulaye Wade fut cinglante contre le PS et contre tous
ses opposants. En février 2012, le Sénégal connut une vague de contestations violentes de
l’opposition, qui contesta la candidature d’Abdoulaye Wade. Interviewé par le journaliste de
la télévision française « i-télé » le 3 février 2012, le candidat du PDS déverse sa colère
ouvertement :

« Ces politiciens qui emploient des enfants, mais qu’ils se mettent devant, devant les
enfants. Qu’ils aillent à une école quand les enfants sortiront pour faire des dégâts,
qu’ils se mettent devant. Mais on ne les voit pas. En ce moment-là, ils sont couchés
chez eux tranquillement avec leurs enfants à eux. Ils envoient les enfants des autres
devant les forces de l’ordre. Comment on appelle cela ? C’est de la lâcheté… » .

6/Unité : la violence doit être exercée dans un élan unitaire et cohérent. Elle est une
action collective et ne peut, dans ce cas, être éparpillée, désordonnée et éclatée.
Le critère de l’unité donne à l’exercice de la violence une cohérence interne. La
présence de « l’actant adjuvant » signale l’existence d’un bloc monolithique. Dans les
représentations de la violence, le consensus est un élément fondateur. Il permet de donner à la
violence des partis politiques, l’image d’une contestation populaire unie. C’est la raison pour
laquelle, dans un contexte de violences émeutières contre le PDS, Idrissa Seck souhaite

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l’union de l’opposition autour de la nécessité de combattre la candidature d’Abdoulaye
Wade :

« (…) Naturellement, je comprends qu’il y ait des incompréhensions. Je comprends
qu’il y ait des frictions, parce que dans cet immense rassemblement, il y a,
naturellement, des concurrents pour le premier tour de l’élection présidentielle. Mais,
il faut que chacun de ces concurrents comprenne qu’il a également à ses côtés, de
potentiels partenaires pour le second tour de l’élection présidentielle. Et au-delà, il
faut que chacun de ces concurrents comprenne que, s’il venait à être élu Président de
la République du Sénégal, il aura besoin de rassembler tous les talents de toutes les
filles et de tous les fils de ce pays pour relever les seuls défis qui nous mobilisent : se
mettre au service du Sénégal. Relever le défi des coupures d’électricité, relever le défi
du chômage des jeunes (…) requièrent une mobilisation exceptionnelle (…) »232.

La construction verbale constitue le second niveau de l’analyse des discours des
hommes politiques sénégalais. Le vocabulaire utilisé est parfaitement révélateur des intentions
des hommes politiques. En effet, les mots ont des « domaines-sources » qui constituent leur
origine. En rattachant les mots à leurs domaines-sources, ils désignent des univers de la
violence. En plus, l’usage des mots permet de connaître les différentes postures empruntées
par les acteurs pour inciter à la violence.

232 Discours prononcé à Thiès le 09 février 2012, en compagnie des leaders de l’opposition, dans le
cadre de la mobilisation du « M23 » contre la candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection
présidentielle de 2012.

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Cette proposition se heurte à une difficulté importante, relative aux caractéristiques
des mots. Ces caractéristiques sont davantage des défauts, des imperfections plutôt que des
qualités sui generis des mots. Ces imperfections sont dites de premier ordre lorsqu’elles
concernent l’ambiguïté et l’obscurité des mots. Elles relèvent du second ordre quand elles
concernent l’instabilité des mots.
S’il est possible de contrôler la réalité des signifiants, il n’est pas aisé d’en faire de
même pour les signifiés. Il est toujours possible d’apercevoir un ou plusieurs signifiés, sans
être en mesure de dire le signifié qui se rattache véritablement au signifiant.
La principale des imperfections du second ordre est l’instabilité des mots. S’il est
possible de stabiliser les signifiants, il est impossible de stabiliser les signifiés. Il en résulte
une relativité des mouvements de signification comparable à la relativité des mouvements que
Galilée envisageait en physique.
Ces imperfections nécessaires des mots semblent faire obstacle à leur utilisation par
des acteurs politiques, désireux d’inciter à la violence partisane. Il est toujours possible de
tirer parti de ces imperfections. On peut toujours jouer de l’ambiguïté, de l‘obscurité, de
l’instabilité et de la force des mots. Les hommes politiques sont passés maîtres dans l’art de
masquer l’instabilité des significations.
Par ailleurs, les imperfections des mots peuvent être vaincues par le contexte du
discours. La sémiotique des discours partisans révèle l’importance des conditions sociales et
politiques qui constitue le contexte de production du discours politique. Le contexte façonne
souvent l’intention et la teneur du discours politique. Dans un contexte de rapports de force,
d’affrontements physiques par la violence pour conquérir le pouvoir, l’usage des mots est
destiné soit à apaiser les tensions, soit à raviver les tensions, à durcir les rapports de force, en

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espérant tirer profit de la situation. Dans le premier cas, les mots ont une connotation pacifiste
(calme, tranquillité, paix, discussion, négociation…). Dans le second cas, les mots expriment
de la violence ou tendent à insinuer, à encourager à la violence.
Par conséquent, la pertinence, la crédibilité et l’efficacité des discours dépendent de la
synchronisation parfaite entre le sens des mots et le contexte de production du discours. Dans
le cas contraire, le discours devient anachronique et révèle des contradictions fondamentales.
Par exemple, utiliser le terme de « lutte » dans un contexte de violence et d’affrontements
serait tout à fait cohérent. L’évocation de ce terme désigne à la fois une lutte verbale et une
lutte physique. Dans tous les cas, la lutte est considérée comme une action vigoureuse et
hostile menée contre l’adversaire ou l’ennemi.
L’analyse des discours partisans révèle un aspect important de la posture choisie par
les hommes politiques et le processus de construction de la violence. Au-delà de la
multiplicité des termes proposés dans les discours, les hommes politiques adoptent trois
postures rhétoriques : la « rhétorique sécuritaire », la « rhétorique révolutionnaire » et enfin la
« rhétorique guerrière ». Si la première est spécifique au parti au pouvoir, les deux autres
relèvent plus ou moins des stratégies de l’opposition.
La « rhétorique sécuritaire » définit une posture institutionnelle par laquelle l’acteur
politique, dépositaire d’un mandat public, use de ses prérogatives pour déterminer un ordre,
une situation à sécuriser, afin de garantir la stabilité politique. A ce niveau, il existe une
différence entre la « sécurisation » et la « sécuritisation »233.

233 Anne Mandeville, Les autorités responsables du maintien de l’ordre public dans le Royaume-Uni.
Eléments pour une analyse politique du système britannique du maintien de l’ordre public , thèse de
doctorat science politique, Toulouse, Université Sciences sociales de Toulouse I, 1994.

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Le premier terme renvoie au fait de rendre plus sûr un objet, un espace donné. Le
second terme désigne la construction linguistique qui transforme un objet, un espace, en
enjeu de sécurité. La sécuritisation actualise une situation d’incertitude, alors que la
sécurisation permet la mobilisation de moyens matériels et humains, afin de mettre en œuvre
un ensemble de pratiques susceptibles de rendre plus sûr un espace politique. En tant
qu’« objectivation rhétorique » de la sécurité, la sécuritisation précède et annonce la
sécurisation.
Il existe bien une construction rhétorique de la sécurité, une perception de la sécurité
qui aboutit à l’usage de la violence contre des acteurs politiques ou contre des actions
politiques considérées comme des menaces à la stabilité politique.
Mais, cette perception est volatile. D’une part, il est presque impossible de savoir de
manière absolue si une entité est une menace ou non. D’autre part, on peut souligner
l’inclination des acteurs à exagérer ou à minimiser la portée réelle des menaces en fonction de
leurs intérêts politiques du moment. L’évaluation de la menace se heurte à un autre écueil : la
détermination du degré de gravité de la menace qui constitue une atteinte cruciale à l’intégrité
des institutions publiques, à la liberté de mouvement des citoyens. Y a-t-il un instrument de
mesure par lequel les décideurs pourront déterminer quand une menace est suffisamment
grave ou non, quand elle constitue une atteinte ou non à l’intégrité de l’Etat ?
Il est difficile de répondre à cette question. La détermination de la menace dépend en
dernier ressort de l’appréciation des autorités publiques qui sont, en même temps, des acteurs
politiques affiliés à un parti politique.
La rhétorique sécuritaire, lorsqu’elle se présente sous la forme de la sécuritisation,
traduit souvent une instrumentalisation de la peur, de l’angoisse, en vue de justifier a priori et

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a posteriori une opération de sécurisation, par laquelle les adversaires politiques subissent la
contrainte publique et la violence.
Les termes utilisés pour qualifier ses adversaires dans la rhétorique sécuritaire sont
dévalorisants. Ainsi, des termes comme : « vandale », « rebelle », « anarchiste »… constituent
l’ossature de la rhétorique sécuritaire. Le vandale est un ennemi public infamant et redoutable.
Contre lui, il faut déployer la violence physique dans toute sa vigueur. Le rebelle est celui qui
se soulève contre l’autorité établie. Il est donc perçu comme un partisan du désordre et de
l’anarchie.
En examinant et en analysant quelques supports discursifs des autorités publiques
sénégalaises, nous nous apercevons de cette rhétorique sécuritaire. Par exemple, l’Etat-PS
s’était particulièrement illustré dans l’exercice de la rhétorique sécuritaire. L’UPS a eu
recours à la rhétorique sécuritaire pour affaiblir ses adversaires politiques. Durant l’année
1969, il y eut une série de grèves. En faisant référence aux émeutes de mai 1968, le Président
Senghor affirma le 15 juin 1969 sur la « Radio Télévision Sénégalaise » :

« (…) L’Etat pour sa part fera son devoir et tout son devoir. Il entend renforcer
l’autorité de l’Etat, car il n’y a ni stabilité, ni développement ni prospérité dans le
désordre et l’anarchie. Il entend également se servir de l’autorité de l’Etat, non
comme d’un but, mais comme d’un moyen pour achever la construction nationale sur
le roc solide du travail paysan, de la prospérité paysanne, pour que vive le Sénégal
(…) Il nous faut montrer à l’extérieur que le Sénégal (…) est une nation unie dans le
travail et la discipline. C’est parce que les grèves déraisonnables et illégales de ces

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deux derniers mois construisent consciemment une image qu’elles sont antinationales
».

Réagissant aux émeutes de 1988, le Président Abdou Diouf justifie l’état d’urgence :
« Je crois que ce sont des actes qu’il faut réprimer dans le souci de sauver et de protéger la
démocratie. Un vrai démocrate doit s’incliner devant le suffrage universel ».234
Face aux émeutes de l’électricité du 27 juin 2011, marquées par le saccage de plus de
dix agences de la Société Nationale de l’Electricité (SENELEC), le Ministre sénégalais de
l’Intérieur, Ousmane Ngom, emprunte la rhétorique sécuritaire. Il déclare sur la « Radio
télévision sénégalaise » que :

« Les forces de défense et de sécurité ont été instruites de se déployer partout où
besoin sera pour rétablir l'ordre et réprimer avec la dernière énergie et tous les
moyens nécessaires ces actes de pillage et de vandalisme ».

La décision du Ministre de l’Intérieur d’interdire toute réunion électorale de
l’opposition sur la « place de l’Indépendance » à Dakar et le refus de l’opposition de s’y plier,
ont entraîné une série d’actions violentes.

234 Archives d’« Ina France ».

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En réalité, le PDS qui s’était déclaré surpris par les évènements du 23 juin et qui était
disposé à prendre toutes les précautions pour ne plus l’être, a décidé, cette fois ci, d’empêcher
une frange de l’opposition de se mobiliser. C’est donc une décision qui était essentiellement
motivée par des raisons politiques. Le Ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, devint le
porte-parole de la rhétorique sécuritaire. Dans un communiqué transmis à l’Agence de la
Presse Sénégalaise (APS), le 21 février 2012, il s’exprimait ainsi :

« Les réunions publiques et les manifestations publiques sont libres sur l’étendue du
territoire national à la seule condition qu’elles soient déclarées dans les conditions
posées par la loi, à l’autorité administrative territorialement compétente et ne
menaçant pas de troubler l’ordre public. (…) La mesure d’interdiction qui s’applique
sur cette portion du territoire du département de Dakar235 a été dictée par des raisons
de sécurité. L’objectif est de préserver un périmètre sensible qui abrite l’essentiel des
institutions de la République, des représentations diplomatiques, des établissements
bancaires et des hôpitaux nationaux et qui avaient été sérieusement affectés par les
douloureux évènements du 23 juin 2011 (…) »236.

La rhétorique sécuritaire comporte une construction verbale bien affinée. Le rappel du
traumatisme des évènements du 23 juin 2011 témoigne de l’instrumentalisation de la peur et

235 C’est la partie située entre l’Avenue El Hadji Malick Sy, le Cap Manuel et la Place de
l’Indépendance.
236http://www.aps.sn/ consulté le 15 janvier 2014 à 16h16.

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de l’angoisse. La « préservation » d’un lieu stratégique manifeste une volonté de
« stabiliser ». M. Ousmane Ngom s’est particulièrement illustré dans cet exercice de
rhétorique sécuritaire. Certainement, son statut de Ministre de l’Intérieur l’y prédisposait.
D’ailleurs, ses adversaires politiques, tout comme une partie de la presse, lui ont donné le
sobriquet de « l’homme force doit rester à la loi ».
En marge du conseil interministériel sur les universités, le Premier Ministre du
Sénégal, Mme Aminata Touré, déclara, à propos de la manifestation organisée par le PDS et
d’autres formations politiques de l’opposition, regroupés au sein d’une coalition dénommée
« Bolo Takhawu Askanwi » (L’unité pour aider le peuple) :

«(…) Toute tentative de déstabilisation du pays ne sera pas acceptée. Ce n’est même
pas possible. Les Sénégalais ne l’accepteront pas. La démocratie n’a pas pour
vocation d’installer l’instabilité dans un pays. Il est inadmissible qu’on installe le
Sénégal dans une campagne électorale permanente. Nous ne l’accepterons pas. L’Etat
a la responsabilité d’assurer la sécurité des citoyens. Il a le droit d’assurer la libre
circulation des citoyens et l’Etat exercera cette obligation de manière très claire. ».237

Le risque d’« instabilité politique », la protection des citoyens, la fonction étatique
d’assurer la sécurité sont les termes clés qui structurent ce discours politique du Premier
Ministre. La menace contre l’opposition est à peine voilée et la rhétorique sécuritaire

237 « Manifestation du PDS et de ses alliés. Aminata Touré méprise et menace les libéraux » (En
ligne), consulté le 10 octobre 2013 à 11h 05.URL : http://www.gfm.sn/

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clairement établie. Mais, cette fois-ci, la rhétorique sécuritaire n’a pas débouché sur l’exercice
de la violence partisane.
Le discours qui incite à la violence partisane repose aussi sur une « rhétorique
révolutionnaire ». On pourrait y voir la conséquence de l’existence d’un courant idéologico-
politique d’obédience marxiste-léniniste au Sénégal. Il est vrai que le multipartisme sélectif
initié par le Président Senghor dans les années 1970, a permis une plus grande visibilité
politique de l’idéologie de la lutte des classes. Des partis clandestins, des mouvements
estudiantins se réclamaient de ce courant politique et faisaient pression sur le régime pour
exister officiellement. Beaucoup de partis politiques se réclamèrent de la « gauche » après le
multipartisme intégral. Cela a débouché sur un trop plein de gauche.
En réalité, au même titre que les autres courants politiques, socialiste, libéral,
conservateur, le marxisme au Sénégal est ambigu et est difficilement acclimatable. La lutte
des classes n’a jamais structuré véritablement les relations sociales et politiques au Sénégal.
Elle s’inscrit plutôt dans la trajectoire des sociétés occidentales. De plus, la révolution n’est
pas la chasse gardée du marxisme. C’est une affaire internationale. Il y a une nouvelle vague
de révolutions politiques hors de l’Occident, en Amérique Latine, en Afrique (exemple du
printemps arabe) et en Asie.
La révolution a pour moteur principal l’effet psychologique238. A la différence des
révolutions scientifiques fondées sur une forme de rationalisation, les révolutions politiques
reposent sur des dynamiques brusques, passionnelles, émotives et mystiques. Ces dernières
font davantage appel à la croyance, à la foi politique.

238 Gustave Le Bon, La révolution française et la psychologie des Révolutions , Paris, Flammarion,
1912, p 322.

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La rhétorique révolutionnaire procède d’une double logique de « victimisation » et de
« culpabilisation ». Par ailleurs, le locuteur se perçoit comme étant dans une situation de
domination et utilise les mots tels que : « oppression », « exploitation », « persécution »… Il
cherche à se défaire, vaille que vaille, de cette emprise imaginaire en valorisant sa
« bravoure » ou sa « résistance ».
Au Sénégal, l’opposition a beaucoup usé de cette posture discursive dans sa lutte
contre la majorité présidentielle et parlementaire. Dans cet élan révolutionnaire, Me Wade
déclara en 1988, quelques jours seulement après le congrès du PDS, dans une interview
accordée à « Sud Hebdo » :

« Je ne pose pas le problème en termes d’alternative pacifique ou non pacifique.
Quand, il faut faire une révolution, il faut la faire. Si en 1789, les Français s’étaient
dit qu’il ne faut pas faire la révolution (…). Attendons que le roi veuille réformer sa
royauté pour arriver à la République (…) on aurait attendu deux cents ans. Il y a des
réformes à faire. Si le pays veut l’alternance, il faut que l’alternance soit faite quels
que soient les prix et les moyens. »239 .

La réponse du Président de la République d’alors, Abdou Diouf, ne se fit pas attendre.
Sur une tonalité sécuritaire, Abdou Diouf menace Abdoulaye Wade et l’opposition
sénégalaise :

239 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p 126.

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« L’Etat avec la rigueur et la vigueur de la loi, avec les moyens qui sont les siens,
s’opposera énergiquement à toutes les manœuvres tendant à troubler l’ordre public
pendant la campagne électorale le jour même du scrutin et après les élections. »240.

La réaction de Macky Sall sur la « Télévision Futurs Médias », suite à la validation par
le Conseil constitutionnel de la candidature d’Abdoulaye Wade, le vendredi 27 janvier 2012,
renseigne davantage sur la rhétorique révolutionnaire :

« Nous nous apercevons que le Président de la République cherche à imposer sa
volonté au peuple par la force. Juste après l’annonce de la validation de sa
candidature par le Conseil constitutionnel, le régime a déployé des mercenaires qui se
sont attaqués aux manifestants, créant la perturbation. (…) Ce qui nous reste comme
possibilité, c’est de résister comme l’ont fait nos aïeux face aux persécuteurs blancs.
Aujourd’hui, le persécuteur est un compatriote qui cherche à réaliser la dévolution
monarchique du pouvoir. Mais cela ne passera pas. (…) » .

La rhétorique révolutionnaire peut également recourir à l’apologie des personnalités
politiques qui ont été des héros ou des victimes des mouvements révolutionnaires. Jadis,
c’étaient Thomas Sankhara et Che Guevara qui étaient les figures de la Révolution. En 2012,

240 Ibid.

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l’opposition sénégalaise identifia Abdoulaye Wade aux figures politiques africaines qui ont
été déchues suite à des révolutions.
Invité de l’émission débat « Diné ak Diamono » de la télévision « Walf Tv » le 18
juillet 2011, l’avocat politicien, Me El Hadji Diouf qui faisait face à Mamadou Diop Decroix,
membre de la mouvance présidentielle, déclara :

« Wade ne veut pas reculer sur sa décision. Je vous assure qu’il va le faire. Je vous
rappelle que Kadhafi aussi avait dit qu’il ne quitterait pas le pouvoir. Il est allé même
jusqu’à quitter la capitale pour se réfugier dans la partie Sud du pays qui est sa
région natale. D’ailleurs, c’est là-bas où il fut tué. Gbagbo aussi n’avait pas voulu
entendre raison. Le pouvoir rend fou.
Comment expliquer qu’un Président de la République puisse diriger un pays à partir
de son sous-sol, en s’enfermant avec quelques-uns de ses partisans. Il n’était pas au
courant de ce qui se passait dans son pays.
Je vous assure que s’il (Wade) ne revient pas sur sa décision de se présenter à
l’élection, c’est nous qui allons le forcer à le faire. Nous n’allons pas le laisser
opprimer le peuple sénégalais. Le Sénégal n’appartient pas à Abdoulaye Wade. La
Constitution qu’il a lui-même fait rédiger et voter lui interdit de se représenter (…) ».

Le répertoire des hommes politiques sénégalais ne se limite pas à la rhétorique
révolutionnaire. Il y a aussi la « rhétorique guerrière ». Le terme de « combat » est la

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manifestation de l’adoption d’une posture guerrière. C’est le champ de la guerre, de la
« politique comme guerre ». C’est dans cette perspective que, Clausewitz considérait que la
guerre est la « continuation de la politique par d’autres moyens », par des moyens violents.
Les moyens de la guerre, ce sont les solutions extrêmes. Le discours politique guerrier fait
l’apologie du « sacrifice ultime » au service du peuple. Au-delà de l’image du sacrifice
ultime, la guerre désigne une rupture de légalité et un déchaînement de la violence.
Le 27 janvier 2012, le responsable socialiste, Abdoulaye Wilane, qui contestait la
validation de la candidature d’Abdoulaye Wade par le Conseil constitutionnel, utilisa
volontiers le vocabulaire militaire en déclarant sur la « Télévision Futurs Médias » :

« Nous (l’opposition) sommes déterminés à y mettre le prix qu’il faut. Nous pourrons
venir à bout de ce régime à la gouvernance toxique, ce régime odieux. Citoyens, nous
sommes en démocratie et en République. Chacun sait ce que c’est l’arme du citoyen.
Nous vous avons appelés sous les drapeaux. Cet appel reste de vigueur et de rigueur.
Alors, citoyens aux armes face à ce régime ».

En février 2012, sur cette même rhétorique guerrière contre la validation de la
candidature d’Abdoulaye Wade, Ousmane Tanor Dieng, chef de file du PS, déclara à la
« place de l’Obélisque » :

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« (…) Mais, il ne faut pas que ces Sénégalais courageux, déterminés et engagés,
meurent pour rien. Au nom de ceux qui sont morts pour la défense de la constitution,
nous devons tous ensemble continuer ce combat jusqu’au bout ».

Ceux qui sont morts sont perçus comme des « héros ». Ce sont des êtres courageux,
déterminés, engagés au service d’une cause nationale. En toute logique, la continuation de la
violence doit être assurée et la pression sur le régime doit continuer. Il y a une apologie de la
violence guerrière.
Les extraits de discours des hommes politiques, analysés ci-dessus, comportent un
ensemble homogène de « termes-clés » ou d’expressions qui peuvent se répéter dans les
discours. La position des acteurs influence le registre verbal. Les termes positifs ou négatifs
utilisés, renvoient à une rhétorique particulière. On peut faire des tableaux synoptiques des
termes-clés ou expressions, ainsi que leurs sens respectifs ou leurs domaines-sources. Les
termes sont classés par ordre de précision et selon leur degré de proximité de sens avec la
rhétorique qu’ils expriment.

Tableau 1 : « termes-clés » ou expressions renvoyant à la rhétorique sécuritaire dans les
discours partisans au Sénégal.
Termes/Expressions Sens ou domaines-sources

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Sécurité
Absence de risques, de dangers ou de conflits.

Ordre public
Situation de tranquillité, de salubrité et de sécurité publiques.

Réprimer
User de la violence pour briser.

Anarchie
Désordre lié à une carence de l’autorité.

Désordre
Confusion ou troubles de l’ordre public.

Instabilité
Caractère de ce qui est précaire et déséquilibré.

Protéger

Garantir la défense de quelque chose ou quelqu’un.

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Sauver Mettre à l’abri d’un risque, d’un danger.

Préserver
Garantir la défense de quelque chose ou de quelqu’un.

Discipline
Respect des règles ou consignes dans une communauté.

Etat
Communauté soumise à un gouvernement et à des lois communes.

Autorité
Pouvoir de se faire obéir ou respecter.

Tableau 2 : « Termes-clés » ou expressions renvoyant à la rhétorique révolutionnaire
dans les discours partisans au Sénégal.
Termes/Expressions Sens ou domaines-sources

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Révolution
Bouleversement d’un régime politique consécutif à une action
violente.

Résister
S’opposer à quelqu’un ou quelque chose par les armes.

Opprimer
Soumettre à un pouvoir autoritaire et abusif.

Persécuter
Tourmenter, s’acharner cruellement et injustement sur quelqu’un.

Réformer
Faire des modifications, des corrections.

Tableau 3 : « Termes-clés » ou expressions renvoyant à la rhétorique guerrière dans les
discours partisans au Sénégal.
Termes/Expressions Sens ou domaines-sources

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Mort
Etat dans lequel la vie biologique a cessé.

Combat
Engagement militaire ou conflits d’opposition.

Sous les drapeaux
A l’armée.

Armes
Instruments servant à se défendre ou à attaquer.

Défense
Ensemble des moyens servant à protéger un lieu contre un
adversaire éventuel.

Engagement
Participation offensive dans un conflit, une opposition

Détermination
Courage
Ferme volonté
énergie morale face au danger et aux souffrances

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PARAGRAPHE 2/ L’appel aux émotions violentes dans les discours partisans.

« L'erreur de toute une époque a été d'énoncer, ou de supposer énoncées, des règles générales d'action
à partir d'une émotion désespérée, dont le mouvement propre, en tant qu'émotion, était de se dépasser.
Les grandes souffrances, comme les grands bonheurs, peuvent être au début d'un raisonnement ».241

Les phénomènes émotionnels sont constitutifs aussi de l'univers politique. Celui-ci est
un espace décisionnel où sont prises des règles juridiquement obligatoires et opposables à tous
les citoyens. Certaines sont source de frustrations, car elles formulent des interdits et des
obligations. Cela peut alimenter le débat sur les injustices et les inégalités au regard des

241 Albert Camus, L’homme révolté , Paris, Gallimard, 1951, p 18.

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différences de traitement au sein de la population. Ainsi, satisfaction et mécontentement
conditionnent le fonctionnement de la politique242. Par émotion, on entend donc « tout état
affectif qui s'écarte de ce degré zéro qu'est l‘indifférence absolue envers un objet. Elle inclut
donc le domaine des passions politiques »243.
Les émotions désignent des affects, des sentiments, des passions, des comportements
spécifiques. Les sentiments de mécontentement peuvent déboucher sur la haine et la colère
contre les décideurs publics et certains hommes politiques. La haine représente une des
passions les plus violentes. Elle n’est pas forcément passagère et épisodique. Dans tous les
cas, la haine et la colère constituent des émotions qui fondent souvent le passage à l’acte de
violence. On parle ainsi de violence colérique et de violence haineuse.
Les émotions violentes sont des constructions identitaires. Elles traduisent des rôles
sociaux et politiques qui déterminent la légitimité et l’opportunité des réactions affectives.
« L’indignation » et le « désir de vengeance » découlent d’un sentiment de dépréciation
identitaire et supposent donc de s’intéresser à l’identité sociale préalablement intériorisée par
les acteurs. Les hommes politiques sénégalais peuvent inciter ou encourager à la violence
grâce à des mécanismes discursifs, destinés à provoquer volontairement le déclenchement de
la haine et de la colère des groupes. Les émotions ont un rapport avec nos stratégies
d’adaptation aux situations. Elles constituent un paramètre important de la réussite des
objectifs fixés dans différents domaines. Le concept « d’intelligence émotionnelle » désigne
alors la capacité à comprendre les émotions chez les autres et à utiliser celles-ci comme des

242 Philippe Braud, L’émotion en politique : problèmes d’analyse , Paris, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 1996.
243 Philippe Braud, L’émotion en politique : problèmes d’analyse , op cit, p 8.

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« guides informationnels » pour la pensée et l’action. Selon Daniel Goleman, c’est une
nouvelle forme d’intelligence sociale et politique.
Dans un contexte d’incitation à la colère, à la haine, à la vengeance et à l’indignation,
l’intelligence émotionnelle désigne une capacité des hommes politiques à user délibérément
des mots de la violence pour réveiller des passions endormies. Le plus souvent, les locuteurs
empruntent des terminologies offensantes ou injurieuses contre des adversaires pour instaurer,
répandre et consolider une vision infériorisée de certaines personnes, provoquant ainsi leur
colère. C’est une violence verbale directe, sans allusions et sans métaphores.
Les insultes désignent une qualification péjorative, c’est-à-dire un ensemble de formes
axiologiquement négatives, utilisées pour qualifier de façon dépréciative un individu. C’est
une forme d’agressivité verbale, par laquelle il est possible d’humilier, de rabaisser un
adversaire. Dans une société sénégalaise où l’on valorise la pudeur à l’égard de la personne
âgée, on peut considérer les propos de Me El Hadj Diouf à l’encontre de Me Abdoulaye Wade
comme une insulte. En effet, le 23 décembre 2011, il déclara lors d’une manifestation de
l’opposition à la « place de l’Obélisque » :

« Abdoulaye Wade, tu es devenu un fou. Abdoulaye Wade, tu es maintenant
psychiquement perturbé. Pour quoi te soumets-tu à la volonté de tes jeunes
compagnons qui ne sont rien d’autre que des voleurs abjects ? C’est pourquoi, je te
demande Abdoulaye Wade de te comporter en homme civilisé et intelligent.

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Médite bien sur toi-même, un vieillard démoniaque n’est jamais de bon augure. Un
vieux est censé être un sage. Je voudrais donc demander à ce vieillard au bord de sa
tombe, à ce vieillard qui doit finir ses jours, de penser à la postérité (…) » .

L’insulte constitue une entorse aux rituels d’interaction politique fondés sur le respect
des principes de la « figuration » et de la « politesse ». La figuration désigne « tout ce
qu'entreprend une personne pour que ses actions et ses paroles ne fassent perdre la face à
personne, y compris à elle-même ».244
La politesse permet de concilier le désir mutuel de préservation des faces. Elle a pour
objectif de minimiser les risques de confrontations et de blessures mutuelles pouvant découler
de l’interaction sociale.
La violence verbale dans l’espace public sénégalais renvoie à des traits de personnalité
différents dans la classe politique. Il y a les « volubiles » (Me El Hadji Diouf, Pr Iba Der
Thiam), les « caractériels » (Barthélemy Diaz, Moustapha Cissé Lô) et les « extravagants »
(Farba Senghor, Mouhamadou Massaly).245
Les premiers seraient manipulateurs, instables et opportunistes. Les seconds auraient
des comportements qui frisent l’insolence. Ils profèrent souvent des paroles dures, virulentes

244 Erving Goffman, Les rites d’interaction , coll. Le sens commun, Paris, Edition Minuit, 1974, p
15-16.
245 Saliou Ndour, « L’espace public au Sénégal : la pollution verbale comme mode communication
politique ? » Colloque de la 12ème Assemblée générale du CODESRIA sur le thème « Administrer
l’espace public », Yaoundé, décembre 2008.

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et fracassantes qui n’épargnent personne parmi leurs adversaires dans leur parti ou en dehors
de leur parti, quand il s’agit de défendre leurs idées ou leurs intérêts.246
Enfin, les derniers apparaissent comme des personnages atypiques, qui tiennent un
discours iconoclaste. Opportunistes, farfelus, excités et d’un niveau d’instruction moyen, ils
sont les hommes de main du Prince. Ils savent défendre les intérêts du Prince en s’attaquant
systématiquement à ses adversaires. Ils sont pour la plupart perçus dans l’opinion publique
comme les « fous du Prince ».247
L’homme politique sénégalais se signale aussi par sa capacité à porter des masques, à
jouer des rôles différents, suivant les enjeux de l’action. L’espace politique est une scène, un
« star système »248, un vaste domaine de représentation ou de théâtralisation où chaque
homme politique endosse une fonction particulière qui peut lui permettre de peser sur les
décisions politiques.
Les insultes constituent une ressource du pouvoir au même titre que la contrainte
physique. L’espace des débats politiques ressemble alors davantage à un champ de bataille où
fait rage la guerre des mots. L’espace public sénégalais est caractérisé par une forme de
communication agressive. Les insultes permettent d’affaiblir un adversaire et de s’affirmer en

246 Ibid.
247 Ibid.
248 Roger-Gérard Schwartzenberg, L’Etat spectacle , Paris, Flammarion, 1977. Pour cet auteur,
autrefois la politique était une abstraction, un débat d’idées. Aujourd’hui, elle n’est que théâtre où les
acteurs, comme de véritables stars du cinéma politique, foisonnement. Par contre, nous n’utiliserons
pas cette expression dans un sens péjoratif comme étant une mauvaise comédie. Nous considérons le
spectacle comme une distribution de rôles ou un jeu de personnages, comme au théâtre.

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même temps. C’est donc pour les hommes politiques sénégalais un enjeu politique réel. Pour
certains partisans du pouvoir, les insultes à l’encontre des adversaires constituent une
opportunité d’attirer l’attention du « Prince ».

« (…) Cette nouvelle forme de communication verbale qui envahit l’espace public
sénégalais, n’est pas seulement caractéristique du PDS. L’opposition, la presse
partisane et une frange de la presse privée ont aussi pollué l’espace public au
Sénégal. (…) Vociférer, insulter voire agresser les adversaires du chef de l’Etat,
constitue un moyen sûr pour accéder à une position confortable dans l’appareil du
parti qui se confond avec celui de l’Etat ».249

Il existe une grande circulation des mots d’insulte dans le champ partisan sénégalais, à
travers deux espaces d’expression privilégiés : l’espace des responsables et celui des militants.
Dans le premier cas, les acteurs sont des représentants, des élus, des dirigeants de partis
politiques. Dans le second cas, ce sont des militants qui ne disposent pas de postes de
responsabilité importants dans la hiérarchie des partis. Mais, ils jouissent d’une marge de
liberté plus importante pour insulter.
Il existe plusieurs façons d’insulter, d’injurier ou d’invectiver des adversaires.
Globalement, quatre types d’insulte sont identifiables : les insultes par la « servitude », les

249 Saliou Ndour, « L’espace public au Sénégal : la pollution verbale comme mode communication
politique ? », op cit, pp 10-11.

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insultes par la « compétence », les insultes par la « bestialité » et les insultes par
« l’axiologie ».250
Les insultes par la « servitude » mettent en exergue une posture purement mercantiliste
et arriviste des partisans du pouvoir et des proches du Président de la République. Ces
derniers sont accusés d’être en quête permanente de sinécures, de strapontins politiques, au
détriment de la « cause nationale ». Les mots utilisés mêlent le vocabulaire français et wolof :
« larbin », « sbire », « lèche-cul », « courtisan », « laudateur », « thuriféraire », « sous-fifre »,
« godillot », « sukk », « dunguru ».251
Le 23 juin 2011, en s’adressant aux députés libéraux réunis en session plénière pour
voter le projet de loi instituant le poste de vice-présidence et l’élection du Président de la
République à 25%, Me El Hadji Diouf lança sur un ton provocateur et insultant : « sukk yi,
mbam yi ak diam yi la yeureum (J’ai vraiment pitié des lèche-culs, des ânes et des esclaves
que vous êtes) ». Il a été interrompu par des insultes et des huées venant du camp adverse.
Les insultes par la « compétence » s’attaquent généralement à l’intelligence, à la
culture et à l’aptitude politique. Karim Wade a essentiellement cristallisé les attaques de
l’opposition qui l’accusa d’incompétence et contesta ouvertement l’importance qu’il a prise
dans le gouvernement de son père. Talla Sylla fut particulièrement virulent envers le chef de

250 Mouhamed Abdallah Ly, « Anthropologie du langage et de l’imaginaire des discours politiques
populaires : notes sur la violence verbale dans le discours politique au Sénégal », in Signes, Discours
et Sociétés (En ligne). La force des mots : valeurs et violence dans les interactions verbales, janvier
2012.http://www.revue-signes.info/ consulté le 09 avril 2014 à 15h 35.
251 Ibid.

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file de la « Génération du concret ». Il déclara dans un communiqué transmis à la presse le 4
août 2010 :
« (…) Nous sommes conscients de la menace que nous représentons pour les partisans
du « Krim » contre la République. Les petits apprentis sorciers de la Génération dite
du concret ne parviendront jamais à hisser leur « petit maître », dont les seuls mérites
ont été artificiellement fabriqués à coup de décrets, au rang de leader crédible et
respectable. L’arrogance est un défaut majeur qui conduit fatalement à des réussites
mineures ; une réussite mineure étant un échec fatal pour un arrogant majeur.
(…) Quand je quittais Grenoble pour Londres en 1995, Karim était encore un jeune
étudiant de 27 ans incapable de citer trois régions du Sénégal. Il n’a jamais participé
à la moindre manifestation pour l’avènement de « l’Alternance ». Il est aujourd’hui un
membre éminent de cette nébuleuse au pouvoir et qui est pompeusement appelée
gouvernement alors que le seul ministère qu’il mériterait de diriger est celui des parcs
nationaux (…) ».

Dans les années 1980, Abdou Diouf fut la cible des insultes de l’opposition,
particulièrement du PDS. Ainsi, on l’a traité d’« incompétent » et de « foudangereux ». Le
contexte très tendu des élections de 1988, remportées par Abdou Diouf et que l’opposition
contesta avec vigueur, expliqua la virulence des discours d’Abdoulaye Wade et de ses proches
à l’encontre de Diouf. Le 28 mars 1989 , l’opposant Abdoulaye Wade s’attaqua avec virulence
au Président de la République qu’il compara à un fou dangereux. Il déclara :

P a g e | 245

« J’en suis à me demander parfois s’il n’y a pas un fou quelque part qui jongle avec
notre pays, ou un joueur malade qui s’amuse en échaudant des intrigues, mais se perd
parfois dans ses combinaisons (…) Souvenez-vous, Néron était fou sans qu’on s’en
aperçut au début et des fous qui gouvernent, on en voit de temps en temps (…) ».
Le journal « Sopi », dans son 114ème numéro intitulé « l’Ujt/Pds donna le ton : A bas
Abdou Randal », reprit les propos tenus par Boubacar Sall au cours d’un meeting organisé le
22 décembre 1989 à la « place du Parc à Mazout ». Le responsable libéral déclara : « C’est un
fou qui nous gouverne, ou il est fou ou il cherche à donner le pouvoir aux militaires en faisant
peser des menaces ».
Dans un éditorial du « Sopi » n° 162, intitulé « De Varennes à Palma », Ousmane
Ngom, sur un ton caustique, compara encore une fois Abdou Diouf à Néron. Pour lui, le
Président de la République « ressemble étrangement à Néron qui ordonna dans un excès de
folie et d’alcool, l’incendie de Rome ».
Dans un éditorial du journal « Sopi » n°130 du 27 avril 1990, intitulé « Taisez-vous,
frileux ! », Abdou Diouf est insulté en ces termes :

« (…) Quant à Diouf, son inculture et son inconsistance ne l’autorisent pas à être
invité un jour à un débat d’intellectuels de haut niveau. Qu’il se contente de
quémander des « docteur honoris causa » de complaisance que même Idi Amin a
épinglé à son tableau de chasse ».

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En outre, les insultes ont aussi recours au registre de la « bestialité ». Il existe un
« genre bestiaire » dédié à l’insulte. La bestialisation permet de désigner l’adversaire comme
porteur d’un ethos déshumanisé et dangereux. Par conséquent, il doit être traqué comme un
animal et, si possible, abattu.252
Les propos tenus par Ali Aïdar à l’encontre d’Abdoulaye Wade et de son fils Karim
Wade, renseignent sur la volonté des hommes politiques d’utiliser le vocabulaire bestiaire
pour insulter. Le 19 mars 2011, il déclara lors du congrès du « M23 » à la place de
l’Indépendance :

« (…) Vous qui êtes les nobles du Sénégal, ne reprochez rien à Karim Wade. Vous êtes
des vrais lions. Or, vous savez que le singe est vilain parce que tout simplement son
géniteur est vilain, le singe hérite de la vilenie de son géniteur et il ne peut en être
autrement. Karim Wade n’est que le digne fils de son père. Le père est un voleur, un
menteur, un oppresseur, un dictateur qui refuse le jeu démocratique. Vous qui êtes
venus, aujourd’hui, pour réclamer le départ d’Abdoulaye Wade, êtes les vrais héros
de ce pays (…) ».

Deux figures animalières sont opposées dans ce discours. D’une part, le lion qui
renvoie, selon les représentations symboliques et culturelles sénégalaises, à des valeurs telles
que la force, le courage, la combativité, l’audace, la victoire, la royauté, la souveraineté….

252 Ibid.

P a g e | 247

D’autre part, le singe est dévalorisé, rabaissé. Il renvoie à la laideur physique et morale, à la
monstruosité, à l’infamie, à la fourberie, au gaspillage, à la prédation, au vol…Ainsi,
l’opposition se trouve valorisée et Abdoulaye Wade est stigmatisé et insulté.
Cependant, il faut préciser que l’emploi d’un vocabulaire animalier contre Abdoulaye
Wade n’est pas toujours insultant. Il permet aussi de souligner des attributs politiques
appréciables ou redoutés. Par exemple, Abdoulaye Wade a porté le surnom de « ndiombar »
(lièvre) donné par son adversaire, le Président de la République Léopold Sédar Senghor. Cet
animal symbolise dans les contes populaires, des qualités telles : la ruse, la feinte, la dextérité,
l’adresse…
Enfin, les insultes par « l’axiologie » se nourrissent des représentations religieuses
fondées sur un manichéisme. Le « bien » et le « mal » sont opposés. Le recours à un
vocabulaire du mal dans le champ partisan permet de disqualifier, de jeter l’opprobre sur les
adversaires qui deviennent infréquentables. Les mots employés sont ceux de : « voleur »,
« homosexuel », « menteur », « mythomane », « diable », « cleptomane », « féticheur »253…
Une affaire d’insulte politique par l’axiologie a secoué le champ politique sénégalais.
Une querelle verbale a opposé le Président Macky Sall et son nouvel opposant du PDS, Me
Amadou Sall.
Me Amadou Sall a fait l’objet d’une convocation devant la Division des Investigations
Criminelles pour s’expliquer sur des propos jugés offensants à l’endroit du Président de la
République. Ces propos sont tirés des commentaires de Me Sall sur l’affaire Karim Wade. Le
responsable du PDS et avocat de Karim Wade, inculpé dans le cadre de la procédure

253 Ibid.

P a g e | 248

judiciaire, portant sur l’enrichissement illicite, a assimilé Macky Sall à un « féticheur ». En
effet, le 20 décembre 2012, il a affirmé :

« Macky Sall obéit aux marabouts. Et quand je dis marabout, je parle de féticheur. On
lui a dit de ne convoquer Karim Wade que le jeudi et de ne le libérer que dans la nuit
du jeudi à vendredi. Nous avons des preuves de ce que nous avançons, parce que
Karim Wade est convoqué tous les jours le jeudi six fois de suite. On ne peut pas gérer
un pays avec des fétiches. On ne peut pas gérer un pays dans le mysticisme. ».

Le mot « fétiche » montre que l'idée de quelque chose de « fabriqué » a induit celle d'«
artificiel», de « trafiqué » voire de « faux » ou lié à des manigances magiques comme le «
sortilège».
Les tenants du pouvoir n’ont pas tardé à réagir. C’est le Président de la République qui
apporte la réplique sur un ton menaçant et résolument martial. Le 13 juin 2013, devant ses
partisans réunis au Gabon, Macky Sall menace le PDS et se braque :

« Désormais, je ne permettrai plus à personne de porter atteinte à l’image du
Président de la République. C’est le code pénal de notre pays qui protège contre les
offenses aux chefs de l’Etat. J’avais laissé faire. Dorénavant, cela ne se fera plus. ».

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Macky Sall estima que c’est l’image de la fonction présidentielle qui était bafouée.
Mais, la réaction de Macky Sall se heurta à une objection sérieuse. En effet, ces propos perçus
comme injurieux ont davantage une portée sociale, politique qu’institutionnelle. Ils peuvent
nuire à l’identité sociale et politique de Macky Sall dans un contexte culturel, marqué par la
prédominance de la religion et de l’islam. Ainsi, le terme de « féticheur » prend une
connotation péjorative. La réalité sociale à laquelle il fait référence est stigmatisée. Donc,
l’identité musulmane de Macky Sall pourrait être bafouée, mais non l’image d’un Président de
la République.
L’image présidentielle peut se concevoir dans une logique séculière et laïque. Il y a
une distinction entre l’identité sociale et la fonction présidentielle. Cette dernière désigne un
ensemble d’attributions liées à un statut juridico-politique bien déterminé. L’insulte portant
atteinte à l’image ou à la réputation présidentielle ne peut se concevoir que dans le cadre de la
mise en œuvre des attributions présidentielles.
Invoquer donc « l’image présidentielle » pour qualifier des propos d’injurieux et
justifier en même temps des poursuites contre son adversaire politique, ressemble davantage à
un alibi commode. Celui-ci permet d’exercer des représailles en se fondant sur le délit
« d’offense au Chef de l’Etat ». Les sanctions prévues en cas de délit d’offense au Chef de
l’Etat par l’article 254 du code pénal sénégalais sont lourdes. La sanction peut être une
amende, pouvant atteindre un million cinq cent mille FCFA. Il est aussi prévu une peine
d’emprisonnement qui varie entre six mois et deux ans.

P a g e | 250

Le Constitutionnaliste Babacar Guèye souligne aussi les difficultés relatives au délit
d’offense au Chef de l’Etat254. La grande difficulté réside dans l’incapacité du législateur
sénégalais de préciser cette notion qui reste floue. L’universitaire pense en substance que le
problème est de savoir ce qui est exactement le délit d’offense. Ce délit n’est pas défini de
manière claire par le code pénal.
Finalement, il appartiendra dans le fond au juge de définir le délit au cas par cas. C’est
pourquoi, il faut utiliser cet instrument avec précaution et mesure. Parce qu’on est entre deux
exigences. D’un côté il y a l’exigence de protéger l’institution présidentielle. De l’autre côté,
il y a aussi l’exigence de préserver aussi les libertés fondamentales, notamment la liberté
d’expression.
La réaction de Me Amadou Sall ne s’est pas fait attendre. L’avocat axa son
argumentaire sur la polysémie et la richesse qu’offrent les mots. L’élasticité des termes fut
avancée comme alibi. En effet, le 28 décembre 2012, il déclara lors de l’émission « Grand
Rendez-vous » diffusée par la « 2STV » :

« Quand j’étais en Cm2, on s’amusait à lancer des défis : donner des mots et laisser à
son adversaire de trouver la définition ou les différents sens (…). En français, je peux
dire Tounkara, vous ne me mangerez pas. Ce n’est pas dire de vous que vous êtes un
mangeur d’hommes (…).

254 Babacar Guèye est un professeur de droit constitutionnel. Il enseigne à l’université Cheikh Anta
Diop de Dakar. Cette réaction a été publiée dans la presse. Il a fait une sortie à la radio RFM, après
l’audition par la Division des Investigations Criminelles de Me Amadou Sall.

P a g e | 251

On peut manger quelqu’un des yeux, on peut se manger des yeux. Chaque expression
a un sens. Et maintenant, si dans le champ politique, tous les mots que l’on dit sont
pris au premier degré, cela veut dire que les hommes politiques qui prennent les
choses au premier degré, on doit refaire leur éducation (…) ».255

Mais, si on peut toujours profiter de l’instabilité, de l’imprécision et de la polysémie
des mots, il semble difficile de négliger le contexte social et politique dans lequel le terme en
question a été utilisé. L’usage précis du terme de « fétiche », péjorativement connoté, dans le
cadre d’une critique directe contre un adversaire politique jugé partial, dénote bien de
l’intention de Me Amadou Sall d’insulter Macky Sall.
Bara Gaye, le responsable des jeunes libéraux, a affirmé, dans le cadre d’une
manifestation organisée par son parti à Mbacké, que Macky Sall était le « candidat des
homosexuels ». Ces propos lui ont valu d’être incarcéré. Dans un entretien qu’il a accordé à
la télévision « Sen Tv » juste avant son emprisonnement, il a réitéré ses propos :

« Il est vrai que j’ai pris la parole au cours du meeting en tant que responsable des
jeunes. Mes propos étaient axés sur la question des passeports diplomatiques que
Macky Sall a repris des mains des membres du gouvernement d’Abdoulaye Wade, de
Pape Diop et Mamadou Seck, qui ont, jadis, présidé des institutions de la République,
de celles des mbacké- mbacké et des autres dignitaires religieux, pour les donner à

255 Les propos ont été tenus dans le cadre de l’émission « Grand Rendez-vous» sur le plateau de la
télévision « 2STV ».

P a g e | 252

quelqu’un qui est notoirement connu au Sénégal comme étant un homosexuel et qui vit
à Luxembourg (…) ».

Tout comme dans l’affaire Me Amadou Sall, Macky Sall s’est empressé de répondre
aux revendications des militants du PDS en faveur d’une libération rapide de Bara Gaye. Dans
une déclaration faite au Gabon devant les militants de l’APR, il rétorqua : « demander à ce
qu’on libère quelqu’un qui passe tout son temps à insulter le Président de la République, tout
ce qui pourra lui arriver est de sa faute. ».
Auparavant, le jeudi 6 décembre 2012, lors d’une manifestation organisée par le PDS
pour dénoncer les accusations d’enrichissement illicite lancées par le pouvoir apériste contre
d’anciens pontes libéraux, Bara Gaye s’en est pris directement à Macky Sall et à ses proches :
« Il y a parmi nous, des gens ici présents, qui ont beaucoup aidé financièrement
Macky Sall en 2000 à obtenir une maison de location à Dieupeul. Macky Sall, qui fut
un compagnon du Président Abdoulaye Wade pendant huit années, ose maintenant
déclarer qu’il dispose d’un patrimoine de quinze milliards et accuser les honnêtes
responsables que nous sommes d’être des voleurs.
C’est lui qui se trouve être le plus grand voleur (…). Si on veut débusquer les voleurs,
on peut commencer par Abdoul Mbaye qui a caché le magot d’Hissène Habré. Les
premiers à passer devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite devraient
être Macky Sall et la famille Faye-Sall (…) En seulement huit mois de gouvernance, il
(Macky Sall) a dilapidé tout l’argent du pays ».

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Jadis, Abdoulaye Wade et les responsables du PDS ont accusé Abdou Diouf d’être un
voleur qui ne cesse d’enrichir sa famille au détriment du peuple qui tire le diable par la queue.
Le journal « Sopi » accusait le cousin du Président d’avoir profité des largesses du régime, à
hauteur de vingt-six milliards Fcfa. Du coup, on a donné à Abdou Diouf le sobriquet de
« Abdou Randaal (Abdou voleur) ».
En réponse, Abdou Diouf a décrété l’état d’urgence en 1988, qu’il justifia par le refus
de l’opposition d’accepter les résultats, Abdoulaye Wade attaqua Abdou Diouf sur le thème
du « voleur de la République ». Il déclara à la presse française :

« Le Président Abdou Diouf a fait voter une loi sur l’enrichissement illicite permettant
des poursuites très rapides et des sanctions. Il y a eu deux ou trois individus qui ont
été poursuivis. Mais, on sait qu’il y a beaucoup de dossiers sur sa table, probablement
plus de cent dossiers qui intéressent des gens qui lui sont très proches. Et depuis, il n’y
a pas eu de progrès en ce domaine. Alors, les Sénégalais sont déçus (…) »256.
L’expression des émotions violentes pourrait aussi prendre la forme d’une
manipulation des expériences individuelles et collectives qui déclenchent des affects et
engendrent un déchaînement de violences. La « scandalisation »257 est utilisée comme une
ressource. Elle permet de faire le récit d’une situation perçue comme problématique, qui
constitue une injustice, une atteinte à des valeurs consensuelles. La scandalisation mobilise

256 Archive disponible sur :http:// www.youtube.com/ consulté le 11 octobre 2013 à 10h41.
257 Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt , op cit.

P a g e | 254

des discours capables de mettre en exergue les souffrances sociales, afin de favoriser leur
expression de façon violente.
La scandalisation conduit aussi les hommes politiques à mettre en scène les
« souffrances sociales »258 dans leurs discours. Les souffrances sociales sont les atteintes aux
« besoins du moi ». Elles peuvent être provoquées par des traumatismes ou l’affaiblissement
des résistances à la souffrance259.
Contrairement à des idées reçues, la souffrance sociale est à l’origine des mouvements
sociaux. La dénonciation de la souffrance sociale fonde la critique sociale et pose les
exigences du développement et de la réalisation de soi.
Les protestations et les mobilisations sociales sont souvent conduites au nom de la
misère et de la souffrance. Ces luttes ne sont pas toujours menées ni au nom des droits
démocratiques ni même au nom de l’égalité. Elles le sont au nom d’une souffrance sociale
profonde. Cette dernière est à la fois un facteur de mobilisation et de légitimation des luttes
sociales.
L’expression des souffrances sociales, lorsqu’elle n’est pas inscrite dans l’espace
public, avec la création de « lieux d’écoute » ou d’organisations de soutien aux victimes,
multiplie les risques d’un déchaînement de violences. Cette place centrale de la souffrance
sociale dans le déclenchement des émotions violentes conduit les hommes politiques à les

258 Emmanuel Renault, Souffrances sociales, philosophie, psychologie et politique , Paris, La
Découverte, 2008.
259 Ibid.

P a g e | 255

exploiter dans leurs discours. A ce niveau, il existe un véritable usage partisan des souffrances
sociales, qui cherche à provoquer l’indignation, le désir de vengeance, la colère ou la haine.
C’est un terrain de chasse privilégié de l’opposition sénégalaise. Il suffit de rappeler
aux gens leurs souffrances quotidiennes, de révéler les vrais visages de cette souffrance et de
désigner un coupable, un bouc émissaire. Les expressions telles que « le peuple a faim ! »,
« les jeunes ne travaillent pas ! », « y’en a marre ! », « les gens sont fatigués ! », « ça
suffit ! », foisonnent dans les discours partisans.
Elles suggèrent le caractère insupportable et exaspérant des souffrances sociales,
nécessitant une action radicale. L’objectif n’est pas d’écouter ni de calmer les sentiments
d’injustice et de frustration qui procèdent de ces souffrances, mais de créer un espace propice
à des manifestations politiques et à la dénonciation cathartique.
Les propos tenus par Idrissa Seck lors du congrès du « M23 » à Rufisque, le 6 février
2012, diffusés par Walf Tv, renseignent sur la volonté d’exploiter les souffrances sociales. Il a
déclaré :
« La solution aux difficultés et aux souffrances auxquelles les citoyens sénégalais sont
confrontés, que ce soit la cherté du coût de la vie, le chômage, les dysfonctionnements
du système scolaire, la faim, la pénurie agricole, passe par une attitude juste,
véridique et honnête, qui est conditionnée par le respect de la Constitution du Sénégal.
Donc, la reconstruction du Sénégal est conditionnée par le départ à la retraite du
Président Abdoulaye Wade ».
Le discours émotionnel peut s’appuyer aussi sur la symbolique de certains espaces
géographiques qui suscitent une mémoire traumatisante . Les espaces géographiques

P a g e | 256

constituent aussi des lieux de souvenir douloureux, des lieux de souffrances, qui provoquent
chez certaines personnes des émotions de colère ou de haine.
Les territoires sont des scènes. Le mot scène associé au monde du théâtre, désigne un
terme métaphorique pour exprimer le lieu où se passe quelque chose, le lieu de visibilité et de
médiatisation et enfin le lieu de souvenir et de commémoration. La mémoire est entièrement
du côté du vécu. Elle renvoie au concret, au vécu, à l’image, à l’affect. Mais, la mémoire ne
désigne pas seulement une donnée concrète et objective. Elle est, avant tout, affaire de sens et
de symbolisation du vécu individuel ou collectif.
Conscient de cette importance, le locuteur ne manquera pas de mettre en scène
l’espace dans son discours. Les lieux de mémoire sont des objets sémiques et émotionnels. Ils
définissent une géographie de la haine et de la violence. Ainsi, le choix des lieux des discours
n’est pas anodin. Les discours partisans sont pensés pour produire une appropriation et une
appartenance identitaire qui construisent une dichotomie entre « Nous » et « Eux », entre les
« Amis » et les « Ennemis », entre les « Alliés » et les « Adversaires ». Les lieux des discours
partisans s’insèrent dans une mise en scène de l’affrontement. Il y a bien un usage belligène
des lieux des discours partisans. Par exemple, lors d’un discours prononcé le 19 mars 2011,
dans le cadre des festivités de la commémoration de la première alternance survenue en 2000,
le Président Abdoulaye Wade s’attaqua à l’opposition, en soulignant l’enjeu territorial de la
violence. En effet, il déclara :
« (…) Je tiens à rappeler que lorsque Sidy lamine Niass a tenu à organiser un
rassemblement sur la place de l’obélisque, tous mes collaborateurs n’étaient pas
d’accord. Même nous qui respectons l’indépendance, nous ne l’avons pas fait. Mais,
lui tient impérativement à appeler les gens à manifester sur cette place pour amener

P a g e | 257

des troubles dans le pays, parce qu’il estime que dans les pays maghrébins comme la
Tunisie, l’Egypte, la population est descendue dans la rue pour renverser le
gouvernement. Mais, il doit savoir que le Sénégal est un pays différent. (…) Les
membres de l’opposition avaient juré qu’ils allaient mobiliser des millions de
personnes pour marcher sur le palais présidentiel depuis cette place ».
Il subsiste un véritable conflit partisan sur la valeur symbolique des lieux du discours.
D’une part, l’opposition cherche à donner à la place de l’Indépendance une image de lieu
d’expression de la contestation et de la violence contre le pouvoir, en faisant un
rapprochement avec l’expérience égyptienne de la place « Takhrir ». D’autre part, le pouvoir
cherche à déconstruire ce projet, en établissant une différenciation culturelle entre le Sénégal
et ce pays. Donc, il existe un conflit verbal portant sur une dialectique de la
construction/destruction d’une symbolique de la géographie des souffrances.
La place de l’Indépendance est la place de Dakar la plus importante située entre le
palais Présidentiel et l’une des avenues les plus animées de la ville, l’avenue Georges
Pompidou ex Ponty. Elle est considérée comme le centre nerveux de Dakar, puisque cette
place abrite beaucoup de banques et d’agences de voyage. Symbole du nouveau Dakar, l’ex-
place Protet – du nom d’un gouverneur colonial – est vite devenue le réceptacle des
aspirations et des colères populaires. En 1968, les étudiants y avaient convergé dans
d’imposants rassemblements. Une décennie plus tôt, le 26 août 1958, sur cette vaste
esplanade, le général de Gaulle s’était adressé à la jeunesse sénégalaise qui réclamait
l’indépendance.

Illustration 6 : la place de l’Indépendance de Dakar

P a g e | 258

Le discours permet de mobiliser les partisans, d’inciter ou d’encourager à la violence.
La mise en œuvre de techniques variées permet d’exercer avec efficacité la violence partisane.

P a g e | 259

SECTION II/ Les techniques de la violence physique partisane.

Les chercheurs n’ont pas toujours mis en lumière la dimension technique de la
violence partisane. L’intérêt que peut revêtir une analyse des moyens techniques de la
violence n’est pas toujours bien compris. Pourtant, elle est un élément central pour détecter et
pour comprendre les traumatismes provoqués par la violence des partis politiques.

Les techniques peuvent désigner un ensemble très hétérogène d’éléments cohérents,
organisés et agencés, destinés à influer sur un champ d’action, sur l’issue d’une relation. Ces
techniques englobent des pratiques non discursives260. Elless permettent, non seulement,
d’exercer les actes de violence de façon efficace, mais aussi d’amplifier considérablement
leurs effets. En effet, les actes de violence physique partisane manifestent une mise en scène
des traumatismes. Cela se résume à trois questions : combien de morts ?-Combien de
blessés ?-Combien de destructions ?

260 Michel Foucault, Surveiller et punir , Paris, Gallimard, coll « Tel », 1975.

P a g e | 260

Dans ce contexte, la question des armes, ainsi que celle de l’expertise des
« professionnels de la violence », sont des indicateurs de technicité de la violence partisane.
Plus la violence est efficace, plus les gains politiques espérés peuvent se réaliser rapidement.
L’efficacité des armes utilisées et l’expertise des agents de la violence permettent de
radicaliser la violence des partis politiques. Les hommes politiques développent alors des
stratégies complexes d’acquisition d’armes de toutes sortes. En outre, ils nouent des relations
avec les milieux de la violence (lutte, prison…).

Les techniques de la violence sont des instruments qui permettent la mise en œuvre de
la violence partisane. Elles sont de deux ordres : les armes matérielles de la violence partisane
(P I) et les moyens humains ou les professionnels de la violence partisane (P II).

PARAGRAPHE 1/Les armes matérielles de la violence partisane.

Une destruction, une blessure, un meurtre, sont toujours des marques visibles. Les
armes sont des moyens, des instruments, des outils, qui permettent de matérialiser et de
donner une intensité à la violence partisane. Il existe des armes à feu et des armes blanches.
D’après la définition donnée par les Nations Unies, une arme à feu désigne « toute arme à
canon portative et propulsant des plombs, une balle ou un projectile par l’action d’un
explosif, ou conçu à cette fin ».

P a g e | 261

L’utilisation des armes révèle la volonté d’intensifier la violence qui cible un
adversaire. On peut déduire de l’intention de tuer ou de blesser, par le type d’arme utilisé. Les
armes à feu provoquent plus facilement des violences meurtrières. Elles font des dégâts plus
importants. Les armes blanches désignent les couteaux, les haches, les sabres, les épées, les
flèches, les gourdins, les poignards, les machettes… Les armes blanches mutilent. Au
Sénégal, l’usage du gourdin et de la machette est très généralisé dans l’espace des partis
politiques.

Parfois, l’usage des armes sert plus à intimider l’adversaire. Il suffit dans ce cas
d’exhiber une machette, un couteau, une hâche, un pistolet pour provoquer la fuite de
l’adversaire. Il existe chez certaines personnes une peur des armes.

Dans un contexte électoral, les militants politiques les plus actifs sont souvent en
possession d’armes blanches ou d’armes à feu. Ils considèrent que c’est par pure précaution,
comme ce militant du PS interrogé sur l’usage des armes dans le milieu partisan lors du
meeting du « M23 » qui s’est tenu à Thiès.261 Militant dans le département de Pikine, âgé de
quarante ans environ et féru du socialisme depuis plus de quinze ans, il a confié sous le
couvert de l’anonymat :

261 Le meeting fut organisé par le« M23 » dans le cadre de la campagne électorale de 2012. Il
s’inscrit dans le cadre d’un front de l’opposition contre la candidature du Président de la République
« sortant ».

P a g e | 262

« Je suis les campagnes électorales de mon parti depuis 2000. Cette année c’est un
peu particulier. Les gars du PDS sont capables de tout. S’ils vous reconnaissent
comme faisant partie de l’opposition, ils peuvent vous agresser gratuitement. Et, dans
un pays comme le Sénégal, il ne va rien se passer au niveau de la justice. C’est
pourquoi, désormais, quand je sors j’ai toujours sur moi un couteau que je dissimule
discrètement dans mes habits amples.

Je choisis ce type d’habillement (il portait une tenue traditionnelle des adeptes
mourides que l’on appelle Baye Lad) pour ne pas éveiller trop les soupçons. Un
responsable dans le parti nous avait demandé de nous armer, car le parti ne pouvait
pas garantir notre sécurité en ces temps de troubles et il nous a distribué plusieurs
types d’armes blanches. On n’avait pas le droit d’avoir des armes à feu, car on nous a
expliqué qu’il y avait un contrôle strict sur ces armes en période d’élection.

Des éléments du PDS infiltraient nos meetings et étaient préparés à saboter. Je
n’agresserai personne, mais celui qui s’attaque à moi je n’hésiterai pas à le taillader
complètement » .

P a g e | 263

Un autre militant du Rewmi à Thiès, rencontré toujours durant ce meeting, nous confie
de façon anonyme, qu’il détient une petite machette dépliable. Il explique cela par rapport à
son rôle de protecteur des affiches de campagne électorale. Ainsi, il nous a déclaré :

« Je fais partie du mouvement des jeunes du parti. Durant la campagne, nous faisons
des rondes nocturnes pour surveiller les affiches et les posters d’Idrissa Seck dans les
principales artères de la commune. Il y a souvent des adversaires politiques qui
attendent la nuit pour déchirer nos affiches.

Pas plus tard qu’il y a trois jours, nous nous sommes affrontés à un groupe de
personnes payées par Massaly pour s’attaquer au poster géant de notre candidat collé
sur le mur du rond-point du marché central à Diakhao. C’étaient de gros bras, armés
de couteaux et de machettes. Mais, on était plus nombreux qu’eux, parce qu’ils
devaient être au nombre de cinq, alors que nous étions treize dans le groupe. Il y a eu
un blessé au bras dans nos rangs, mais je peux vous assurer qu’ils ont plus souffert
que nous.

La plupart du temps, nous n’avons pas toujours besoin de faire usage de ces armes.
Certains sont des peureux, quand nous brandissons nos armes, ils détalent comme des
lapins. Donc, moi pour le moment, je n’ai eu à blesser qu’une seule personne et je ne
pouvais pas en faire autrement. Il fallait que je me défende. Si je suis attaqué
physiquement, je n’ai pas trop le choix… » .

P a g e | 264

Les violences partisanes au Sénégal ont recours dans une proportion importante aux
armes. Par exemple, les circonstances de la mort de Ndiaga Guèye, un des supposés « nervis »
qui ont attaqué la mairie de Mermoz Sacré-Cœur, démontrent encore une fois le rôle des
armes dans les affrontements violents entre les acteurs politiques sénégalais. Ce sont
précisément des échanges de coups de feu entre les assaillants et le maire Barthélémy Diaz,
qui ont conduit à la mort de Ndiaga Guèye.

Quelques semaines plutôt à Tambacounda, une empoignade entre Barthélémy Diaz et
des jeunes de l’Union des Jeunesses Travaillistes et Libéraux (UJTL), a conduit le premier
nommé à tirer deux coups de feu en l’air. Ce qui entraina la fuite des adversaires et le
désordre. Il a fallu l’intervention du commissariat urbain de Tambacounda pour disperser la
foule.

Toutes les violences qui ont opposé directement des adversaires politiques l’ont été
grâce à l’utilisation des armes à feu ou à des armes blanches. Les attaques de convoi et les
ripostes ont utilisé ces différentes armes.

Par exemple, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2012, la télévision a
montré des images en direct de l’agression par machettes, d’un militant du PDS qui s’était
opposé au passage du convoi de Macky Sall. Un reporter de la « Radio Futurs Médias », dans

P a g e | 265

la banlieue dakaroise rapporta un fait similaire. En effet, les deux candidats Macky Sall et
Abdoulaye Wade avaient prévu d’effectuer des tournées à Pikine. Des éléments de la garde
rapprochée de Macky Sall ont riposté en s’attaquant violemment à la permanence du PDS.
Deux personnes qui s’y trouvaient ont été gravement blessées par machettes.

Durant cette campagne électorale de 2012, le convoi en direction de Saint-Louis,
dirigé par le jeune socialiste, Malick Noel Seck, a été arrêté par la police. Des armes blanches
(des battes de baseball, des couteaux, des machettes…) ont été retrouvées dans la malle de
l’une des voitures.

Le mis en cause, Malick Noel Seck, s’est défendu en proclamant le droit des siens de
se prémunir contre les attaques perpétrées par le pouvoir. Le jour du scrutin à Touba, une
altercation entre le mandataire de l’APR, Moustapha Cissé Lô et un représentant de la
coalition Sopi dans un bureau de vote, a donné lieu à des coups de feu.

A Fatick, le journaliste de « Walfadjri » fut attaqué à son domicile, puis mutilé par des
personnes supposées proches de Sitor Ndour, un responsable du PDS. Ils étaient armés de
machettes et de couteaux. Une altercation entre Mahmout Saleh et un autre responsable de
l’APR a débouché sur l’exhibition de pistolets. Aux Parcelles Assainies, Demba Dia, allié du
candidat Wade, a dispersé une réunion électorale de ses opposants, en brandissant une arme et
en tirant des coups de feu.

P a g e | 266

L’usage des gourdins par les thiantacounes s’est traduit par des violences multiples.
En 2007, le recours à ce type d’armes a provoqué plusieurs blessés lors de l’attaque du convoi
du candidat Idrissa Seck. Les différentes tendances ou factions qui s’affrontent n’hésitent pas
à recourir à ces armes qui amplifient les violences.

Cette dissémination des armes dans l’espace partisan remet en cause l’idée que l’Etat
détient le « monopole de la physique légitime » comme le pense Max Weber. L’effectivité du
principe dépend de la capacité de l’Etat à désarmer les acteurs politiques. La circulation des
armes doit être fortement réduite. La détention et le maniement des armes doivent
prioritairement relever des missions des forces de l’ordre public.

Comment expliquer la dissémination des armes dans le champ partisan sénégalais ?-
Comment les acteurs politiques se procurent-ils les armes en question ? En réalité, la
dissémination des armes à feu et des armes blanches, résulte d’une part, de la tolérance de
l’Etat, et d’autre part, du trafic illicite des armes.

Le Sénégal a pris conscience dès 1966 de la nécessité de réglementer l’utilisation des
armes et de combattre leur prolifération à l’intérieur du pays en adoptant la loi 66-03 du 18
janvier 1966, portant « régime général des armes et munitions ». Ce texte est complété par
l’instrument juridique sous régional : l’adoption en 2006 de la convention de la Communauté

P a g e | 267

Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur les armes légères et de petit
calibre.

Le principe fondateur de la loi de 1966 est l’interdiction générale et l’autorisation
restrictive. L’article premier de la loi stipule :

« La fabrication, l’importation, l’exportation, le commerce, l’entreposage, la cession,
l’acquisition, la détention, le transport, et le port des armes et de leurs munitions, de
leurs pièces détachées, ainsi que du matériel spécial pouvant servir à leur fabrication,
sont interdits, sauf dans les conditions déterminées par la présente loi ».

Il existe une distinction entre « l’autorisation de port d’armes » et « l’autorisation de
détention d’armes ». La dernière est beaucoup moins étendue que la première. La détention
désigne simplement le droit d’être en possession de l’arme. Le port d’armes désigne le droit,
en plus de détenir une arme, de la porter sur soi.

Dans l’affaire Barthélémy Diaz, il y a eu une confusion au sujet de ces deux formes
d’autorisation. Certains ont évoqué un droit de détention qui ne conférait nullement un droit
de port d’armes. Le Ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, interrogé lors de son passage au
Sénat le 2 décembre 2011, déclara que le maire de la commune d’arrondissement de Mermoz
Sacré-Cœur, n’était pas autorisé à détenir l’arme mise en cause. Il ajouta qu’il est :

P a g e | 268

« Important d’encadrer cette autorisation. (…) Il est même nécessaire de procéder à
une analyse psychologique ou psychiatrique des demandeurs des ports d’armes. Nous
allons davantage regarder les permis pour éviter les dérapages déjà connus ».

Il existe un malaise dans les deux procédures d’autorisation de détention d’armes et de
port d’armes. Dans les affrontements partisans, l’usage des armes n’est pas fondé sur
l’exercice du droit de détention ou de port d’armes. Excepté les cas de Moustapha Cissé Lô et
de Barthélémy Diaz, qui ont des autorisations administratives, les autres acteurs politiques ne
sont pas en mesure de justifier le port ou la détention d’armes. Les circonstances qui
conduisent à l’usage des armes posent problème. Le fait de la « légitime défense » est
difficilement acceptable. Les violences sont souvent préméditées et disproportionnées.

Il y a une question religieuse qui est souvent avancée pour expliquer la détention
d’armes. Par exemple, dans le mouridisme, les gourdins font partie intégrante de l’attirail des
« Baye Fall ». L’Etat du Sénégal a, depuis longtemps, toléré cette pratique ostentatoire. Au
cours de l’élection présidentielle de 2012, les thiantacounes et leur chef, Cheikh Béthio
Thioune, ont revendiqué le droit culturel et religieux du port des gourdins.

Dans une déclaration diffusée sur la Radio Télévision Sénégalaise, en réaction contre
les critiques formulées par des hommes politiques et des citoyens qui fustigent la présence des

P a g e | 269

gourdins dans la campagne électorale, Béthio Thioune rétorqua : « (…) depuis vingt ans, le
port du gourdin est même devenu traditionnel (…) Le port du gourdin est un attirail
traditionnel des mourides que nous sommes. ».

Les gourdins sont transformés en instruments de violence, par la présence des
« thiantacounes » dans la compétition politique. Confinés au début à un usage strictement
religieux et ostentatoire, les gourdins sont désormais des armes politiques. La circulation des
gourdins au cours de la campagne présidentielle de 2012 a provoqué une psychose chez les
adversaires politiques de Wade.

La tolérance de l’Etat ouvre une « zone de non droit », qui favorise un transfert des
armes à usage social et culturel dans le champ partisan. Les hommes politiques ont
l’opportunité de s’armer. La conversion des armes à caractère social et culturel à un usage
politique est une tendance historique au Sénégal. Déjà, l’Etat sénégalais a toléré les armes
traditionnelles en Casamance. Il s’agissait principalement de couteaux, de machettes, de
flèches, de lances, de fusils artisanaux, qui servaient à garantir la sécurité collective et à
dominer les autres clans.

Mais, à la suite du déclenchement du conflit en 1983, les armes traditionnelles ont
plutôt servi contre les forces de l’ordre. La prolifération des armes légères s’est intensifiée.
La Casamance enregistre souvent des violences électorales intenses. Il arrive

P a g e | 270

systématiquement que des circonscriptions électorales soient attaquées, obligeant les autorités
administratives à annuler les opérations de vote.

Il existe un trafic illicite d’armes, qui échappe au contrôle des pouvoirs publics. Le
trafic d’armes est très présent au Sénégal. Il dessine un circuit traditionnel262. Au nord du
pays, les commerçants se procurent les armes de manière illicite en Mauritanie. Ces armes
transitent ensuite vers le Fouta et accèdent à la région de Louga, dans la zone pastorale de
Dahra. Les populations achètent de petites quantités d’armes destinées à se défendre des vols
de bétail. A l’Est du Sénégal, à Tambacounda, les menaces à la sécurité sont importantes. Il
existe plusieurs activités illicites dont le trafic d’armes.

Ces armes proviennent des pays limitrophes tels que le Mali, la Guinée Conakry, la
Guinée Bissau. Au Centre (Touba, Fatick et Kaolack), de petites quantités d’armes de
fabrication artisanale circulent. Des commerçants se procurent ces armes en Gambie. A
l’Ouest, dans la façade maritime, l’insécurité qui gagne des villes importantes comme Mbour,
Thiès et Dakar, ont conduit les populations à se procurer des armes pour assurer leur sécurité
individuelle. Ces armes proviennent principalement du secteur du Port Autonome de Dakar.
Les armes doivent être maniées par des individus experts, de véritables professionnels de la
violence physique.

262 Rapport d’Etude du Mouvement contre les Armes Légères au Sénégal (MALO) : « Problématique
de la dissémination des armes légères et de petit calibre au Sénégal », décembre 2012.

P a g e | 271

PARAGRAPHE 2/ Les « professionnels de la violence ».

Les hommes politiques sénégalais ont, de plus en plus, recours à des
« professionnels » de la violence. En effet, pour mettre en œuvre la violence et l’intensifier,

P a g e | 272

les hommes politiques font appel à des individus étrangers au milieu politique. Ces individus
exercent souvent des activités liées à l’usage de la violence ou exercent des métiers qui les
disposent à utiliser habituellement la force physique, à combattre, pour régler des conflits.

Dans certains pays africains, ils se sont constitués en milices et s’affrontent pour le
compte de leaders politiques. Au Sénégal, certaines personnes ont estimé que les violences
partisanes sont liées à l’apparition de « milices » religieuses. Ainsi, un journaliste du
« Quotidien Walfadjri » commente le phénomène qu’il appelle « l’armée réserviste des
Cheikh »263 en ces termes :

« Depuis quelques années, le nombre de milices au Sénégal progresse à un rythme
exponentiel. Une évolution favorisée par un effet de mode qui habite certains chefs
religieux soucieux de prendre en charge leur propre sécurité. Toutefois la démarche
représente parfois un véritable danger pour la garantie de la sécurité publique. (…)

Le Mouvement des « Soldats de la Paix » de Serigne Modou Kara constitue à ce
niveau l’une des milices les plus visibles et les plus actives. Ce mouvement de près de
trois cents personnes n’a justement rien à envier aux groupes de la sécurité publique.
Tenues neuves, chaussures, ceintures et autres accessoires d’habillement…, rien n’est

263 Abdoul Aziz Agne, « Milices et autres groupes d’auto-défense : l’autre armée de réservistes au
service des cheikhs » (En ligne), publié le 8 août 2009, consulté le 21 novembre 2012. URL :
http://www.walf.sn/

P a g e | 273

laissé au hasard pour se donner une belle image dans ce mouvement dirigé par Mame
Thierno Mbacké, frère cadet du marabout (….).

Cette situation ne manque pas de donner des frissons, si l’on sait que ce phénomène
commence à s’élargir sous l’effet d’une mode identitaire. (…) Tous ces mouvements
ne disposent pas toujours d’une autorisation leur permettant de tendre vers un
clonage de notre armée.
Car la législation sénégalaise interdit formellement ces organisations aux relents de
milices ou de mouvements d’auto-défense. Mais, l’Etat pour des raisons qui lui sont
propres et du fait de connexions avec certaines connexions religieuses, semble afficher
un profil bas(…) ».264

Cependant, la réalité est plus complexe. Les milices ont un rapport avec l’armée ou la
police. Ce n’est pas seulement un rapport d’imitation sur le mode de l’apparence. Ce sont
d’anciens membres de l’armée nationale qui s’organisent en milices.

Cette situation ne prévaut pas qu’au Sénégal. Ceux qui composent ces milices sont en
mesure d’user de la violence pour le compte d’hommes politiques. Par exemple, les
thiantacounes, dont l’organisation ressemble beaucoup à une milice, ont fait irruption dans
l’espace partisan en 2007 et en 2012.

264 Ibid.

P a g e | 274

Les « professionnels » de la violence sont généralement appelés des nervis. Les nervis
se distinguent par leur forte corpulence, un physique impressionnant et imposant qui intimide.
« Fripouille », « gorilles », « mercenaire », les qualifications ne manquent pas pour désigner
cette catégorie de « gros bras ». Ils sont recrutés pour solder des comptes, pour servir
« d’hommesà tout faire ». Des individus commettent des actes violents ou criminels pour le
compte d’un homme influent ou d’une organisation politique.

Parfois, les médias associent le phénomène de nervis à certains hommes politiques
sénégalais. Par exemple, ils évoquent volontiers « les nervis de Farba Senghor ». Ce
responsable politique du PDS est souvent cité dans des affaires de violence impliquant
systématiquement des nervis. Les assaillants des sièges des quotidiens « L’As » et « 24H
Chrono » ont accusé Farba Senghor de les avoir recrutés. L’agression d’Alioune Tine dans le
cadre des évènements du 23 juin a été imputée aussi aux supposés nervis de Farba Senghor.

Cependant, la question des nervis dépasse largement la seule personne de Farba
Senghor. Elle engage la plupart des formations politiques sénégalaises. On a beaucoup accusé,
pendant douze ans, le PDS de recourir fréquemment aux nervis pour agresser ses adversaires.
Déjà en 2003, on a soupçonné des nervis recrutés par le PDS, d’être les auteurs de l’agression
contre Talla Sylla.

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Le 22 décembre 2011, l’attaque de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur a impliqué des
nervis. Des personnes armées, étaient à bord de deux véhicules. Elles ont été soupçonnées
d’être de connivence avec le PDS. Abdoulaye Faye, responsable politique à Dakar, a été cité
dans cette affaire.

Des témoignages confirmés par les associations sénégalaises des droits de l’homme,
ont fait état de la présence, lors des réunions électorales du PDS, d’individus encagoulés
armés de fusils à pompe, préposés à la sécurité du candidat Abdoulaye Wade.

Dans l’histoire de la violence partisane, l’assassinat du vice-président du Conseil
constitutionnel, Me Seye fut imputé à Ibrahima Diakhaté et à Clédor Sène, accusés d’être des
proches d’Abdoulaye Wade265. Le témoignage d’Ibrahima Diakhaté dans l’ouvrage d’Abdou
Latif Coulibaly, plus de dix ans après sa condamnation par la justice, a jeté le pavé dans la
mare et provoqué un « séisme politique ». Il a avoué sa proximité avec les dirigeants du PDS,
en premier lieu avec Abdoulaye Wade. Il aurait fréquenté assidûment le domicile de la famille
Wade, car il serait l’homme de confiance d’Abdoulaye Wade.

La présence des nervis ne résulte pas seulement de la volonté du PDS. Le PS a aussi
été accusé de solliciter l’aide de nervis. Les bourrages d’urnes, les agressions dans les bureaux

265 Abdou Latif Coulibaly, Sénégal. Affaire Me Seye : un meurtre sur commande , Paris, L’Harmattan,
2005.

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de vote, ont impliqué des nervis. Tous les partis politiques ont recours, dans une certaine
proportion, à des nervis. D’ailleurs, les responsables du PDS ont accusé l’opposition d’avoir
rétribué des nervis pour s’attaquer à leurs domiciles lors des manifestations du 23 juin 2011.

Au-delà des accusations, l’implication des nervis dans les violences partisanes est
indéniable. Si l’identification des commanditaires politiques est difficile, la relation étroite
entre l’espace de la compétition politique et le milieu des nervis est établie.

Les profils, les origines et les trajectoires des nervis intéressent les hommes politiques
sénégalais. Les nervis proviennent principalement du milieu de la lutte sénégalaise et du
monde carcéral (anciens prisonniers). Par exemple, certains assaillants de la mairie de
Mermoz Sacré-Cœur seraient des jeunes lutteurs.

« Le lieu de recrutement privilégié demeure, sans conteste, l’arène et ses alentours.
Les écuries sont alors les lieux indiqués pour recruter ces gros bras. D’autant que les
lutteurs qui brassent des millions dans l’arène se comptent du bout des doigts de la
main. Ainsi, n’est-il pas rare de voir un gorille collé derrière une personnalité.
Bombant la torse, il cogne à tout va pour les beaux yeux de son boss. (…) ».266

266 Ndéné Biteye, « Phénomène des lutteurs videurs et nervis ! Ces muscles mis au service des stars »
(En ligne), 2013, publié le 27 août 2013 à 13H05, consulté le 23 novembre 2013.URL :
http://www.walf.sn/

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Mais, une précision s’impose. Beaucoup d’entre eux ne sont pas des lutteurs
professionnels reconnus par le Comité National de Gestion de la lutte sénégalaise. Ils ne
disposent d’aucun statut officiel. Le chargé de la communication du CNG, Thierno Kâ,
affirme sans ambages que :

« Nous n’avons pas de charge pour ces lutteurs. Le Comité National de Gestion de la
lutte s’occupe tout simplement des lutteurs qui sont en activité et qui sont en règle
avec nous ; c’est-à-dire ceux qui ont une licence. Maintenant, tous ces lutteurs qu’on a
cités dans ces problèmes, aucun d’eux n’a une licence délivrée par le CNG ».267

Si les lutteurs sont autant courus par les hommes politiques, c’est surtout en raison de
leur capacité et de leur expertise en matière de violence. Ils peuvent se prévaloir de leurs
activités et de leur expérience de terrain : combattre en s’affrontant à mains nues. La lutte
sénégalaise avec frappe associe les techniques de corps à corps et celles de la boxe. Il y a une
combinaison des coups et des prises.

Le combat à mains nues, souvent ensanglanté, est donc une spécialité des lutteurs
sénégalais. Ces lutteurs sont logiquement de grands athlètes, de gros muscles, habitués à
l’exercice d’une violence à haute intensité. Le fait que ces experts des combats à mains nues

267 Ibid.

P a g e | 278

offrent leur service aux hommes politiques, a un impact considérable sur le niveau de la
violence partisane.

Il existe un autre mode de recrutement de « gardes du corps ». Le recrutement de garde
du corps permet d’utiliser des « professionnels » de la violence à une fin politique. Ceux qui
sont recrutés comme gardes du corps deviennent des nervis. Les fameux « calots bleus »268
d’Abdoulaye Wade constituent un exemple.

Les calots bleus ont été impliqués dans toutes les violences auxquelles le PDS fut
associé. Ils ont participé à l’attaque très violente du domicile du responsable politique du PS à
Rufisque, Mbaye Jacques Diop, en 2000. Dans le cadre de l’agression de Talla Sylla, un des
calots bleus, Ismaila Mbaye, était aperçu sur les lieux de l’agression selon des témoins. Quand
le juge d’instruction devait l’entendre pour éclairer sa lanterne sur sa présence, il fut tué sur la

268 L’histoire des calots bleus appartient aux heures sombres de la guerre d’Algérie. En effet, dès
décembre 1959, la guerre se déplace progressivement du côté de la Méditerranée. Elle se manifeste par
une multiplication des attentats dans la capitale française. C’est dans ce contexte que le Préfet Maurice
Papon met sur pied une unité d’intervention arabo-Kabyle, dont la tâche consiste à réprimer et à
endiguer les activités indépendantistes des Algériens. Les calots bleus étaient à l’origine une milice
privée de collaboration chargée de défendre les intérêts des colonies françaises. Les calots bleus
(version sénégalaise) ont servi de gardes du corps à Abdoulaye Wade qui subissait très souvent la
répression policière du régime dioufiste. Mais, ils ont surtout contribué au déchaînement de la violence
partisane. Cf. Babacar Justin Ndiaye, « chronique Les Laser du lundi », (En ligne) http://leral.net/
consulté le 25 mars 2013 2h 41.

P a g e | 279

route à Touba. Selon la version officielle, il a été victime d’un accident de la circulation. Baye
Moussé Bâ dit Bro est aussi cité dans l’attaque de la mairie de Sicap Mermoz Sacré-Cœur.

Au cours de cette même élection, les témoignages faisaient état d’individus
encagoulés, corpulents et intimidants. Ils ont accompagné les cortèges électoraux du PDS à
Dakar. C’est un fait inédit pour un Président de la République « sortant ». En effet, il
bénéficie, en principe, de la protection des services de la police et de la gendarmerie. La
présence d’éléments extérieurs aux services de l’ordre, ne disposant pas de statut officiel, ni
d’une formation adéquate, est assez inhabituelle.

Après l’élection d’Abdoulaye Wade, certains calots bleus auraient intégré les forces de
police. Lamine Faye, un ex membre des calots bleus, neveu d’Abdoulaye Wade, est devenu le
garde du corps particulier du Président. Mais, le pouvoir a démenti toute mesure d’intégration
des calots bleus dans la police nationale. En réalité, il y eut une tentative d’intégration, qui
s’est heurtée aux réticences des cadres de la police et de la gendarmerie.

Les « calots marron » qui ont assuré la sécurité du candidat Macky Sall, ont aussi
participé aux nombreuses violences électorales. Durant la campagne électorale de 2012, ils se
sont illustrés à travers les attaques et ripostes menées au domicile d’Ahmet Fall Braya. Ils ont
aussi été impliqués dans des violences à Kebemer et dans la banlieue dakaroise. Les « calots
marron » revendiquent un retour à l’ascenseur pour services rendus. Se sentant oubliés par

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leur mentor, ils ont pris d’assaut le palais présidentiel le 5 février 2013, avant d’être repoussés
par des tirs de gaz lacrymogènes. Ils en veulent au Président qui semble les avoir oubliés.

CHAPITRE II/ Les niveaux de la violence partisane.

Carl Schmitt269 voit dans la relation « ami-ennemi » un critère pertinent pour
identifier ce qui est politique de ce qui ne l’est pas. Comme il le fait remarquer, il existe deux
situations politiques : une situation routinière et une situation exceptionnelle. Dans le premier
cas, la situation politique est répétitive, ordinaire, banale, commune ou habituelle. Dans le
second cas, la situation politique manifeste une rupture sans précédent de l’ordre établi.
Pour bien comprendre la relation qu’il cherche à établir entre le politique et la
violence, il nous faut revenir sur la notion d’« exception ». La notion « d’exception » désigne
un ensemble de situations que résume le terme générique de « situation exceptionnelle » qui

269 Carl Schmitt, La notion de politique . Théorie du partisan , Paris, Calmann-Lévy, 1972.

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fait référence à des « cas de nécessité » ou à un « état d’urgence ». D’abord, le terme s’illustre
par son imprécision, par un flottement terminologique, en désignant des cas extrêmes qui
suspendent provisoirement l’ordre juridico-politique ordinaire. Ensuite, il a recoupé un
contenu de plus en plus matérialisable, en désignant, tour à tour, le conflit, puis la guerre.
Dans un contexte de violence partisane, la « situation exceptionnelle » manifeste les
grandes mobilisations sociales, mobilisations qui se transforment en émeutes urbaines. Cela se
traduit par une conjoncture critique qui renvoie aux « processus sociaux aboutissant, ou
susceptibles d’aboutir à des ruptures dans le fonctionnement des institutions politiques, (…)
propres à un système social et paraissant menacer la pertinence de ces institutions »270.
Ces évènements constituent des opportunités pour les hommes politiques qui
cherchent alors à exploiter les potentiels de violence, afin de se positionner dans la scène
politique et d’acquérir des trophées politiques.
Le contexte dans lequel s’exerce la violence partisane renseigne sur son niveau de
profondeur. La violence partisane peut être routinière (section I) ou radicalisée (section II).
SECTION I/ La routinisation de la violence partisane.

« L’ordinaire (…) est un puissant objet de connaissance et de compréhension. Nous ne
devons pas considérer la prétendue vacuité de l’ordinaire comme dépourvue de toute

270 Michel Dobry, Sociologie des crises Politiques , Paris, Presses de la Fondation Nationale des
Sciences politiques, 1992, p 14.

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signification, au contraire, en enveloppant et pétrissant la réalité, c’est de l’ordinaire
qu’exsude le sens véritable des choses . »271

On peut identifier, dans la catégorie de la violence routinière, plusieurs types d’acte de
violence. Les types ne sont pas des « idéaux-type ». En effet, l’idéal-type désigne le type pur
d’un phénomène qui est fréquent. Le terme idéal-type désigne alors un concept qui permet de
qualifier de façon idéale un phénomène, qui est implicitement comparatif. Finalement, un
idéal-type est une catégorie abstraite, sans lien historique avec les autres types identifiés.
Les types désignent des catégories particulières, formulées à partir des résultats de la
recherche empirique, en adoptant le point de vue qui intéresse le chercheur. Les types sont
donc empiriquement fondés. Ils sont empruntés à la réalité et non à la logique formelle ou
purement abstraite. La typologie ne résulte ni d’un exercice abstrait, ni d’un choix purement
idéel ou idéal. Au contraire, les modalités de chaque attribut sont déterminées de manière
empirique, sur la base d’éléments matériels ou physiques constitués.
On peut classer les actes de violence partisane routinière au Sénégal en quatre grands
types : 1)- la violence fanatique, 2)- la violence mercenaire, 3)- la violence anomique et 4)- la
violence électorale. Ces quatre types peuvent être regroupés, suivant leur degré de similitude
ou de rapprochement. Ainsi, il y a le couple « violence anomique/violence électorale » (P 1)
et le couple « violence fanatique/violence mercenaire » (P 2).

271 Bernard Troude et Frédéric Lebas, « Introduction : re-penser l’ordinaire », in Sociétés, n° 126,
2014, p 5.

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PARAGRAPHE 1/Violence anomique/violence électorale.

« Un parti est une sociation reposant sur un engagement libre ayant pour but de procurer à
leurs chefs le pouvoir au sein d’un groupement et à leurs militants actifs des chances idéales
ou matérielles de poursuivre des buts objectifs, d’obtenir des avantages personnels (…) ».272

Le couple violence anomique/violence électorale souligne le rôle et le poids des
institutions politiques et des procédures dans le déclenchement des violences partisanes. Les
violences partisanes manifestent les tensions, la fragilité de la construction démocratique et
déteignent naturellement sur la légitimité des institutions politiques et judiciaires. Elles
montrent aussi la faiblesse du consensus politique autour des règles organisant la compétition
électorale entre les partis politiques. Ces violences sont centrées prioritairement sur les
relations entre les partis politiques engagés dans la lutte pour le pouvoir politique. Elles
opposent principalement le parti au pouvoir et les partis d’opposition.
L’anomie désigne les tensions au sein du système politique, les contradictions entre les
buts culturellement valorisés et les moyens préconisés pour les atteindre. En effet, les rapports
politiques sont régis par des références communes et des normes qui orientent les pratiques
des acteurs politiques. Elles ne sont pas définies en fonction de leur efficacité intrinsèque,
mais d’après ce qui est considéré comme « acceptable » ou « non acceptable », « tolérable »
ou « non tolérable ».

272 Max Weber, Economie et Société , Paris, Plon, 1971, p 292.

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Par conséquent, l’anomie démocratique est une situation où les acteurs du système
politique cherchent à atteindre leurs buts par n’importe quels moyens. Le déséquilibre entre
les buts culturellement visés et les moyens de les atteindre, pousse les individus, engagés dans
la lutte pour le contrôle du pouvoir, à recourir à des moyens comme la violence.

La violence anomique273 manifeste alors un « désordre démocratique » lié aux
conflits politiques entre le pouvoir et l’opposition durant la transition démocratique. La
démocratie n’arbitre pas le « choc naturel » des ambitions et des stratégies politiques. Cette
situation chaotique engendre inévitablement un vide institutionnel et une contestation
permanente.
Pour l’opposition, la reconnaissance des libertés publiques constitue un attribut
essentiel de la démocratie libérale. Celle-ci a été un élément fondateur de la Révolution
française, dont l’acte de référence fut la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789.

273 Cette conception de l’anomie se démarque de celle proposée par Durkheim. Dans le cadre de la
sociologie de Durkheim, l’anomie est perçue comme une réalité objective et holistique, c’est-à-dire un
système de normes sociales qui contraint les individus. Ce n’est donc pas aux individus à qui il faut
attribuer l’anomie, mais au fait social. En plus d’être holistique, cette conception est normative, car
elle conçoit l’anomie comme une maladie, un dysfonctionnement de l’ordre social. Cf. Emile
Durkheim, Le suicide. Etude de sociologie , Paris, PUF, 1981.

P a g e | 285

Les libertés publiques se rapportent, le plus souvent, à la liberté d’expression et
d’opinion, à la liberté de réunion politique, à la liberté d’association… La liberté d’expression
doit permettre à l’opposition de manifester ses opinions, de défendre ses positions sur des
questions politiques, d’exercer le droit de critique et d’instaurer un débat public sur la
conduite des affaires de l’Etat. Ces libertés sont constamment remises en cause par le parti au
pouvoir qui veut contrôler le système partisan, réduire la contestation de l’opposition et
favoriser son hégémonie.
Par ailleurs, l’inexistence d’une presse privée officielle a contribué à exacerber la
situation anomique. L’existence de quelques organes affiliés à l’opposition a constitué un
espace de critique étroit, sans lequel dépérit la « res publica », au profit des élites ou d’une
minorité sans âme, ballotée au gré des rapports de force. Mais, les détenteurs du pouvoir
politique sont constamment tentés de menacer et d’intimider la presse libre et les citoyens,
tout en parlant de démocratie, de liberté d’opinion et d’égalité. Le journal « Taxaaw », dans
son numéro d’avril 1978, alléguait :
« Il est curieux qu’au moment où M. Senghor parle sans cesse de démocratie, il
multiplie les menaces et les manœuvres de toutes sortes à l’encontre des organes de
presse démocratiques et de tous ceux qui s’efforcent d’exercer leur droit d’opinion et
d’expression ».
La violence anomique prend pour cibles les institutions et les règles démocratiques.
Généralement, à chaque manifestation de rue, les édifices publics, les services publics
subissent la furie des manifestants qui détruisent et saccagent tout sur leur passage. Les
véhicules administratifs, les cars de la SOTRAC, les locaux abritant des ministères, des

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gouvernances, des préfectures et des sociétés publiques deviennent les cibles de la violence de
l’opposition.
Face à l’arsenal répressif des forces de l’ordre qui déploient d’importants moyens
(chars, grenades, effectif de troupes…), les manifestants n’hésitent pas à faire usage d’armes
blanches, de gourdins, à recourir aux barricades et à la séquestration.

« Les bus et les abribus, les établissements publics, les poteaux électriques, les
kiosques de la Loterie Nationale Sénégalaise (LONASE), les bacs à ordure, les
voitures officielles, (tout ce qui était censé symboliser ou appartenir à l’Etat, tout ce
qui incarnait le pouvoir socialiste), seront la proie de la furie destructrice des bandes
de jeunes qui s’étaient érigés ainsi en justiciers. Rien, ni personne ne pouvait les
arrêter (…) ».274

La guérilla urbaine prend en otage l’ordre public et les institutions démocratiques. La
démocratie est contestée, vilipendée, stigmatisée et attaquée par les acteurs qui l’incarnent.
Elle cristallise une rébellion savamment orchestrée par des opposants, qui voient à travers les
institutions démocratiques actuelles, des obstacles à leurs ambitions politiques.
Les attaques contre les institutions démocratiques et la mise à sac des biens et
symboles publics découlent naturellement des contestations politiques de l’opposition.
L’opposition remet en cause l’hégémonie politique du parti au pouvoir et de ses alliés (PS de

274 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p 66.

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1960 à 2000, PDS de 2000 à 2012, aujourd’hui APR…) et crie à l’usurpation de la
démocratie.

« Il s'agit de « casser de l'État » dès lors que la légitimité électorale dont jouit celui
qui en a pris les rênes est sujette à caution, tant par l'absence d'une « majorité
sociologique » – notion des plus floues, dont use et abuse l'opposition, persuadée de
s'être fait usurper sa victoire – que par le soupçon de partialité qui pèse sur le juge
électoral. On est alors pris dans un cercle vicieux, pire encore, un dialogue de sourds.
A la question du militant furieux, déterminé, s'il le faut, à jouer les Cassandre de
l'ordre public: « Roi, qui t'a fait roi ? » (…), le prince usurpateur et sa soldatesque
s'arc-boutent à l'inconscient du réflexe sécuritaire des masses passives pour agiter le
spectre du chaos alternatif: c'est moi ou le chaos ».275

La violence devient le « répertoire d’action politique » privilégié, c’est-à-dire, un : «
moyen de pression théoriquement utilisable par une population mobilisée pour la défense
d’intérêts collectifs »276. Les autorités politiques qui incarnent les institutions démocratiques,
les symboles de l’Etat et les services publics sont attaquées.

275 Alioune Badara Diop, « Espace électoral et violence au Sénégal (1983-1993) : l’ordre public otage
des urnes », in Afrique et Développement , vol XXVI, n° 1&2, 2001, p 2.
276 Charles Tilly, in Philippe Braud , sociologie politique , op cit, p 712.

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Au Sénégal, la violence partisane est surtout une violence contre les institutions
politiques. L’institution présidentielle incarnée par Senghor fut même attaquée. Lors de la
cérémonie de célébration de la fête de la Tabaski à la grande mosquée de Dakar, en 1967, le
Président de la République, Senghor, fut victime d’une tentative d’assassinat politique.

1. Récit de l’attentat manqué contre le Président Léopold Sédar Senghor le 22 mars
1967.

« C’était le mercredi 22 mars 1967, jour de la fête musulmane de l’Aïd el Kabir, plus
connu sous le nom de Tabaski (…). Ce jour-là comme à leur habitude, les musulmans
(…) s’étaient rendus massivement à la prière. A la grande mosquée de Dakar, sise
allées Pape-Gueye-Fall avenue El Hadji Malick Sy, une tribune était dressée pour
accueillir le Président de la République (…).
Après avoir reçu les respects de l’imam de la grande mosquée et présenté ses
hommages aux autres dignitaires religieux présents, le Président Senghor prenait
congé de ses hôtes, dans une atmosphère marquée par les échanges de politesses et de
vœux entre les fidèles.
Et au moment de monter dans sa voiture, un homme surgi du néant, s’élançait vers lui,
arme au poing. Il appuya sur la gâchette par deux fois, mais le coup ne partit pas. Un
grain de sable avait enrayé le pistolet quidam, contrecarrant ainsi son projet
macabre. Il fut illico presto ceinturé puis désarmé par la garde rapprochée du

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Président Senghor qui veillait au grain. (…) Moustapha Lô sortait de l’anonymat. (…)
Il a été pris la main sur la… gâchette en flagrant délit »277.

Au cours des troubles postélectoraux de 1988, des attentats à l’explosif revendiqués
par le « Mouvement de Résistance du 29 février », prirent pour cibles le commissariat de
Dieupeul et la sous-préfecture de N’Guékokh.
2. En 1994, dans le cadre d’une manifestation organisée par l’opposition, regroupée au
sein de la Coordination des Forces Démocratiques (CFD) le 16 février 1994, six
policiers furent tués.
« Six policiers surpris dans leur fourgonnette , pris à parti et tués froidement par une
horde déchaînée, tandis que d’autres vont subir à vie les affres d’une mutilation
programmée. Oui, car cette expédition macabre était planifiée, minutieusement
préparée, selon toute vraisemblance ».278
Ce meurtre collectif des six policiers a débouché sur une vague d’arrestation dans le
milieu des « Moustarchidines » du guide Cheikh Tidiane Sy. Dans tout le pays, de très
nombreux disciples furent emprisonnés. Les membres de l’opposition sénégalaise ne sont pas
en reste. Beaucoup d’entre eux furent aussi sous les verrous. Ainsi, Abdoulaye Wade, chef du
PDS, Landing Savané, leader de l’AJ/PADS, furent arrêtés le 18 février 1994. Cinq chefs
d’inculpation furent retenus à leur encontre :

277 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, pp 102-103.
278 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p 173.

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1)-Manifestation sur la voie publique non déclarée ;
2)- fourniture d’informations incomplètes ou inexactes dans la déclaration d’une réunion sur
la voie publique ;
3)- violence contre les personnes et les biens dans le cadre de rassemblement ;
4)- violences et voies de fait contre des agents de la force publique dans l’exercice de leurs
fonctions avec des effusions de sang, des blessures et la mort avec l’intention de la donner;
5)- atteinte à la sûreté de l’Etat et complicité aux infractions.

Cet évènement a sans doute suscité un émoi dans le milieu de la police sénégalaise.
Déjà, en 1987, la police était mise à mal par la radiation de certains policiers, à la suite d’une
grève illégale. Le corps fut fragilisé politiquement et sociologiquement.

3. L’institution parlementaire fut aussi victime des violences partisanes. Le député PS de
Mbour, Demba Diop, fut assassiné dans les locaux de la gouvernance par Abdou
Ndafakha, condamné à la peine de mort. Cet assassinat fut imputé aux luttes intestines
qui minaient le fonctionnement du PS.

Récit de l’assassinat du député socialiste Demba Diop .

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« D’après des témoins, Demba Diop était déjà monté dans sa voiture et s’apprêtait à
quitter la préfecture lorsque M. Jacques d’Erneville, qui avait à ses côtés M. Ibou
Kébé, s’approcha de lui et l’injuria. Demba Diop, se sentant offensé, sortit de sa
voiture, lorsqu’un partisan de M. d’Erneville, un certain Abdou Ndafakha Faye, se
précipita sur lui et le poignarda en pleine poitrine dans la région du cœur.
Le président du groupe parlementaire UPS fit quelques pas, tituba et chancela,
perdant son sang en abondance sur l’asphalte du parking. Evacué d’urgence à
l’hôpital régional, il rendit l’âme quelques instants plus tard vers 10h 30, en dépit des
soins intensifs qui lui firent immédiatement prodigués. L’assassin, maîtrisé non sans
peine par une foule en furie, était livré peu après à la police. (…) ».279

4. Le Conseil Constitutionnel perdit un de ses membres, le vice-président Me Babacar
Sèye. Le samedi 13 mai 1993, Babacar Sèye a été abattu par deux balles atteignant
respectivement la tempe gauche et le genou, sur la corniche ouest de la capitale
sénégalaise, alors qu’il rentrait à son domicile. Transporté à l’hôpital, son décès fut
officialisé vers 15 heures. L’assassinat a plongé la classe politique sénégalaise dans
l’émoi. Des condamnations fusèrent. Dans la foulée de l’enterrement du juge, le
gouvernement du Sénégal publia un communiqué, qui faisait remarquer sur un ton
vindicatif :

279 Mendy Marcel, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p 86.

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« Cet attentat qui traduit une perversion grave des mœurs politiques au Sénégal
appelle un châtiment exemplaire. Le gouvernement prend l’engagement de faire
appliquer les lois de la République, dans toute leur rigueur, aux auteurs et complices
de ce crime qui qu’ils soient et quel que soit leur rang ou leur position sociale ».280

Plus tard, le pouvoir accusa Me Wade d’être le commanditaire de cet assassinat
politique. Deux hommes proches du PDS furent condamnés. Le vote de la « loi Ezzan » a
permis leur libération281. Cet assassinat politique constitue jusqu’ici une énigme. Les
commanditaires ne sont pas identifiés jusqu’à présent. La publication du livre d’Abdou Latif
Coulibaly282 a permis de recueillir le témoignage de l’un des anciens condamnés, Ibrahima
Diakhaté, qui a accusé le PDS et Me Abdoulaye Wade d’être les commanditaires de ce
meurtre.
Le Conseil constitutionnel sénégalais est souvent otage des violences de l’opposition.
Le 27 janvier 2012, la décision de valider la candidature de Me Wade est perçue par les partis
d’opposition comme une « forfaiture », un acte de « partialité ». L’opposition était convaincue
que le Président de la République avait réussi à corrompre les magistrats, en leur octroyant
des véhicules et des indemnités indues. Déjà, des jours avant la délibération du Conseil, ses

280 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p 152.
281 C’est une loi d’amnistie des violences politiques, votée sur proposition du député du PDS Ezzan
en 2005.
282 Abdou Latif Coulibaly, L’affaire Me Seye. Un meurtre sur commande , op cit.

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membres ont subi des pressions politiques. Le socialiste Malick No ël Seck avait adressé une
virulente « lettre ouverte » au président du Conseil, Cheikh Tidjane Diakhaté. Ce qui lui a
valu une arrestation et une condamnation judiciaire de quatre mois pour « outrage à
magistrat ».

Extrait d’une partie de la lettre de Malick No ël Seck repris par la presse sénégalaise :
« (…) Vous manifester nos sentiments et vous désigner comme les responsables de nos
souffrances quotidiennes. Wade peut, aujourd’hui, violer l’éthique républicaine sans en
souffrir les conséquences, à cause d’hommes comme vous. Demain, lorsque la parole sera
à la rue, nous reviendrons plus nombreux afin que vous nous rendiez des comptes. Vivre
coûte beaucoup, mourir également. Faire front exige de la dignité. Il ne sera pas dit que
nous ne vous avons pas offert la possibilité de faire front avec nous… ».

Les pouvoirs publics ont dû prendre des mesures de sécurité importantes le jour de la
publication de la liste des candidats à l’élection présidentielle, pour éviter le syndrome du
meurtre de Me Sèye. Les décisions du Conseil constitutionnel en matière électorale sont
souvent des motifs de violences partisanes. Elles sont souvent suspectées de favoritisme au
profit du pouvoir et du Président de la République.
En 1993, la confirmation par le Conseil constitutionnel des résultats de l’élection
présidentielle fut très fortement critiquée par l’opposition qui a accusé la juridiction d’avoir
entériné la « tricherie » du pouvoir. La démission du juge Kéba Mbaye, président du Conseil,
avant la publication des résultats, donna du crédit aux accusations de l’opposition. Il fut

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remplacé par Youssoupha Ndiaye. En 1988, les résultats des élections présidentielle et
législative publiés par la Cour suprême, avaient aussi fait l’objet de contestations. Les
émeutes urbaines ont éclaté à Dakar.
La composition, le mode de fonctionnement et les compétences du Conseil constitutionnel
sont considérés comme des obstacles à l’indépendance de ses membres. En effet, ces derniers
sont nommés directement par le Président de la République, pour une durée de six ans non
renouvelable. Ils jouissent d’une compétence d’attribution. Ce qui constitue une limite à son
pouvoir d’interprétation. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel se déclare souvent incompétent
en matière de contentieux électoral. Il préfère se cantonner à une lecture littérale de la
Constitution. Le professeur Pape Demba Sy expose les faiblesses du Conseil constitutionnel :

« (…) Le Conseil constitutionnel est limité puisqu’il y a cinq membres qui sont nommés
par le Président de la république. Or, (…) en matière de nomination à des postes,
notamment pour des structures pour lesquelles l’indépendance est requise, le problème de
la nomination pose une difficulté ».283

Lors de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2012, le candidat Macky Sall
avait proposé de réformer la loi organique de 1992. La proposition touche le mode de
désignation de ses membres. Le Président de la République nomme une partie des membres,
les autres seront désignés par les magistrats et un collège d’universitaires.

283 Extrait de l’entretien accordé au réalisateur du documentaire télévisé « Conseil constitutionnel :
les carnets secrets », diffusé sur la « Tfm » le 25 mars 2014.

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La violence du pouvoir déployée contre les « fauteurs de troubles », peut engendrer à son
tour un désordre public. La violence qui se met en place est souvent très éloignée des
exigences sécuritaires qui justifient les opérations de maintien de l’ordre. Cette violence est
un aveu de faiblesse et d’impuissance d’un pouvoir qui éprouve des difficultés importantes à
asseoir son autorité politique.
En principe, les autorités politiques sont incontournables dans l’exercice des opérations du
maintien de l’ordre. Elles sont maîtresses du processus de décision et elles endossent la
responsabilité de la sécurité publique. Au Sénégal, le Ministre de l’Intérieur est le supérieur
hiérarchique des policiers. Les officiers supérieurs, notamment les commissaires
divisionnaires, sont nommés sur proposition du Ministre de l’Intérieur.
Dans une situation d’anomie démocratique, les liens de dépendance entre les autorités
politiques et les officiers de police deviennent flous. Il y a une réactivation des liens de
dépendance. Ceux-ci manifestent une « loyauté personnelle ». Celui qui a le pouvoir de
nommer a aussi la capacité de démettre à tout moment, entraînant du coup la perte
d’avantages matériels et symboliques. La loyauté du policier peut profiter également à des
membres de l’opposition. Dans ces conditions, la police est particulièrement perméable et
vulnérable aux manipulations des hommes politiques du pouvoir et de l’opposition.
Ainsi, des actions policières se transforment en « bavures », soulignant ainsi leur
illégalité et surtout leur nature incontrôlée et disproportionnée. La police sénégalaise est

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souvent accusée de recourir à une violence illégale qui peut prendre plusieurs formes. La
violence policière est souvent brutale, « dérivée » : 284

« il y a violence dérivée lorsque la violence instrumentale mise en œuvre n’est pas en
relation avec l’objectif légal et légitime poursuivi, en entraînant pour les victimes des
conséquences disproportionnées, à la situation qui a suscité sa mise en œuvre ou mettant
en cause des victimes fortuites, à l’occasion de circonstances qui, initialement pouvaient
justifier le recours à la force ».285

Elle constitue souvent une violation des textes et règlements qui régissent et codifient le
recours à la force publique dans une démocratie. Cette violence policière est alors sans rapport
avec la finalité et les règles du maintien de l’ordre.

« Elle s’inscrit en dehors du cadre légal et légitime de l’action policière, qu’il s’agisse
des buts poursuivis ou des moyens mis en œuvre. C’est donc une forme de violence
s’écartant des normes juridiques que le policier est censé respecter et faire respecter ».286

284 François Dieu, « Eléments pour une approche sociopolitique de la violence policière », in
Déviance et Société, 1995, vol 19, n°1, pp 35-49.
285 François Dieu, « Eléments pour une approche sociologique de la violence policière », art cit, pp
44-45.
286 Ibid.

P a g e | 297

Le 27 janvier 2012, l’opposition manifeste contre la validation par le Conseil
constitutionnel de la candidature du Président Abdoulaye Wade. La manifestation a été
réprimée, conduisant à la mort de l’étudiant Mamadou Diop. Aussitôt, l’opposition a accusé
le pouvoir d’avoir infiltré les policiers. L’opposition pensait que des personnalités du PDS
avaient usé de leur influence et de leurs réseaux au sein de la police pour saboter la
manifestation et offrir au pouvoir un alibi commode pour réprimer l’opposition.
Le 17 février 2012 aux environs de 19 heures, la police qui poursuivait des manifestants, a
lancé une grenade lacrymogène dans une mosquée à Dakar, ce qui a provoqué la colère de
centaines de fidèles, de jeunes et de badauds qui se trouvaient à proximité. Plusieurs centaines
de fidèles ont entamé un « sit-in » devant la mosquée où s'est produit l'incident. Des imams
ont parlementé avec des policiers et obtenu de faire reculer un camion surmonté d'un canon à
eau.
Après cet incident, le gouvernement sénégalais, par l’intermédiaire du Ministre de
l’Intérieur, Ousmane Ngom, a tenté de calmer les esprits, particulièrement échauffés. « Je
voudrais présenter, en mon nom personnel et au nom des plus hautes autorités de la police
nationale nos plus sincères excuses au calife général ». Il a qualifié le geste du policier
« d'incident regrettable » et de « bavure policière ». Mais, il a accusé l’opposition de
manipulation politique et de provocation, en tenant une manifestation aux abords de la
mosquée. Certains manifestants sont allés jusqu’à pénétrer dans l’enceinte de la mosquée. Il
déplora « l'exploitation à des fins politiques qui est faite de cet incident (…) L'exercice du
culte doit être séparé de l'action politique et je voudrais que nous autres, acteurs politiques,
éloignons nos manifestations des mosquées ».

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La violence électorale est un révélateur de la situation d’anomie démocratique. Dans une
situation d’anomie, les enjeux électoraux peuvent aggraver les violences partisanes.
L’élection constitue le moyen par excellence de la conquête démocratique du pouvoir
politique. Elle est le moment crucial qui régule la compétition partisane entre les partis
politiques, distribue les rôles et répartit les postes politiques
Quand il y a élection, il y a nécessairement des « gagnants » et des « perdants ».
L’élection réalise pour certains des rêves et détruit des espoirs. Le pouvoir politique s’offre
aux uns et se refuse aux autres. Son importance amène les acteurs politiques à verser dans la
surenchère. La préservation ou la quête des privilèges, l’affirmation des identités partisanes,
débouchent sur la violence. Tous les moyens sont bons pour conquérir le pouvoir.
Cette « surenchère électorale » est favorisée par le contexte politique. La période
électorale est surtout caractérisée par une mobilisation générale des partisans. Les joutes
électorales se multiplient et draînent des foules importantes sur toute l’étendue du territoire
national. Il arrive souvent que des cortèges concurrents se croisent. Ce qui favorise
inévitablement des affrontements sanglants. Des pierres sont lancées, des armes blanches et
des armes à feu sont brandies. Ces affrontements engendrent des destructions de biens, des
agressions physiques et des morts.
En outre, la période électorale est aussi marquée par une grande exposition médiatique.
Destinée à offrir une grande visibilité aux hommes politiques, les mobilisations et les réunions
électorales bénéficient d’une couverture médiatique importante. Les médias accordent une
place importante aux différentes activités politiques.

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Il existe donc une tentation forte à la violence. Il y a un jeu de théâtralisation de la
violence électorale. Faire peur à l’adversaire, faire la démonstration de sa détermination
politique, de ses capacités, deviennent aussi importants que l’élaboration de programmes pour
les partis politiques.
Les violences électorales désignent des actes de violence commis dans un contexte
électoral et fondés sur des enjeux électoraux : le respect des règles électorales d’équité entre
les candidats, de transparence du vote, le contentieux sur les résultats du scrutin… La
violence électorale résulte aussi des stratégies d’intimidation et de domination pour la
conquête du pouvoir politique. La violence électorale s’enracine dans l’histoire politique
sénégalaise.
« Juillet 1960. Le Sénégal est encore dans la Fédération du Mali. Des élections
législatives se tiennent. Le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) présente une liste à Saint-
Louis. Jour du scrutin, on parle de manipulations électorales. Inacceptables ! Les partis
d’opposition, presque sous la férule (de la formation de Majhemout Diop) se répandent en
ville. Conséquence : des bagarres électorales. Résultat : le gouverneur est blessé, un policier
est tué. L’armée de la Fédération du Mali intervient. Le PAI, à qui l’on impute ces troubles
violents, est dissout le 1er août 1960 ».287
Le 1er décembre 1963, des élections législatives sont organisées au Sénégal. L’opposition
manifeste contre les fraudes et le règne de l’arbitraire. Plus de dix mille manifestants sont
rassemblées dans le quartier de la Medina (Dakar). Une fusillade nourrie a été ordonnée
contre les membres de l’opposition. Un hélicoptère a survolé les manifestants en leur lançant

287 CESTI, « Annuaire des partis politiques », in Les Cahiers de l’Alternance , n°3, avril 2001, p. 117.

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des grenades offensives et en tirant à vue. Le bilan est lourd : une quarantaine de morts et plus
de deux cent cinquante blessés288.
L’accès de l’opposition aux médias publics fut difficile sous le magistère de Senghor.
Lors des élections, les médias d’Etat couvraient prioritairement les activités du parti au
pouvoir. Ainsi, à la veille des élections de 1963, une « circulaire » du Ministre de l’Intérieur
n° 7796 du 18 octobre 1963 indiquait de façon précise :
« 1/ Les partis d’opposition auront à parler avant le parti au pouvoir. En effet, le parti au
pouvoir ayant eu à prendre la parole, en premier lieu, lors du référendum du 3 mars
1963, il la prendra, cette fois-ci en dernier lieu. 2/ Les émissions se feront en français et
seront enregistrées au moins une demi-journée à l’avance ».289
Le PRA-Sénégal, seul parti d’opposition candidat aux élections, contesta cette décision du
Ministre de l’Intérieur qu’il jugea injuste. En réalité, les médias avaient : « pour seule et
unique mission d’informer selon les canons de la vérité officielle (…) Il en résulte donc une
presse aux ordres, qui avait pour tâche essentielle, d’amplifier le discours officiel (…) ».290
En 1988, le Sénégal fait face à de nouvelles violences électorales. Peu avant la publication
des résultats, il y eut beaucoup d’agitation dans les villes de Dakar et de Thiès. De violentes
manifestations s’en sont suivies. Des magasins brûlés, des voitures caillassées…

288 Archives Ina France. http : //www.ina.fr/consulté le 11 août 2014 à 15h07 .
289 Moussa Paye, « La presse et le pouvoir », in Momar-Coumba Diop (dir.), Sénégal. Trajectoires
d’un Etat, Dakar, CODESRIA, 1992, p. 3.
290 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, p. 40.

P a g e | 301

Par décret n° 88229 du 29 février 1988, « l’état d’urgence » est prolongé sur l’étendue du
territoire de Dakar. Un « couvre-feu » inédit est instauré entre 21h et 6h du matin. Le Chef de
file du PDS, Abdoulaye Wade, fut arrêté.
Les élections de 1993 ont connu la même fortune. Des scènes de violence partisane
identiques ont conduit à la mort du juge constitutionnel Babacar Seye. L’opposition contestait
violemment les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel.
Aujourd’hui, la violence électorale connaît une forme de réversibilité. Au total, la
recrudescence de la violence électorale, depuis la première alternance démocratique, survenue
en 2000, est une tendance générale. Certains ont même avancé que les violences enregistrées
depuis 2000 ont dépassé largement celles enregistrées au cours des quarante premières
années.
La violence électorale se serait-elle institutionnalisée depuis 2000 ? Il semble exagéré
d’évoquer une généralisation de la violence électorale depuis 2000. Par contre, la
recrudescence de la violence électorale est un fait. L’intensité de cette violence est importante.
La violence électorale qui se déploie emprunte toutes les formes de la violence, physique et
verbale : menaces et intimidations, insultes, agressions physiques, meurtres, assassinats
politiques, dégradations de biens matériels, privés ou publics.

P a g e | 302

Une géographie de la violence électorale depuis 2000 constitue un indicateur intéressant,
permettant d’évaluer et de quantifier le niveau de la violence électorale. Quatre niveaux de
violences sont retenus pour classifier de faible ou forte la violence291 :

1. Le niveau 1 : menaces et intimidations verbales sans passer à l’acte de violence
physique.

2. Le niveau 2 : dégâts matériels causés sur les acteurs ou adversaires politiques, suivis
de menaces et d’intimidations.
3. Le niveau 3 : atteinte à l’intégrité physique des personnes (blessures), destructions de
biens publics et personnels, menaces et intimidation verbales.
4. Le niveau 4 : morts d’hommes, plus les autres formes de violences.

Figure 5 : niveau de violence électorale durant l’année 2012 dans quelques régions du
Sénégal292.

291 C’est l’approche retenue par les enquêteurs qui ont travaillé sur les violences électorales au
Sénégal depuis 2000. « Les violences dans le processus électoral au Sénégal de 2000 à 2011 », op cit,
p. 15.
292 Ibid.

P a g e | 303

Lieux d’expression de la violence électorale

Figure 6 : Evolution du niveau de violences par ville et année293.

293 « Etudes sur les violences dans le processus électoral au Sénégal… », op cit, p 16. 00,511,522,533,544,5
Dakar Thiès Diourbel Kaffrine Saint-Louis

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L’année 2012 a connu une surcharge de violences électorales. Les violences
préélectorales de 2012 ont connu une extension géographique sans précédent. Elles ont
mobilisé les plus grandes villes du pays et ont atteint des niveaux très élevés. Les violences 00,511,522,533,544,5
Année 2000 Année2001 Année 2002 Année 2007 Année 2009 Année 2012Dakar
Thiès
Saint-Louis
Ziguinchor
Kaffrine
Diourbel
Kaolack
Kebemer
Mbour
Kédougou
Vélingara
Guinguineo
Podor
Kolda

P a g e | 305

sont demeurées résiduelles dans le milieu rural. Plusieurs morts et des destructions de biens
publics sont imputés aux violences électorales. Pourtant, le Sénégal a expérimenté une
deuxième alternance. La candidature du Président Abdoulaye Wade constitue la pomme de
discorde.

« Pour une partie de la société civile et l’opposition, le Président a épuisé ses
cartouches et ne peut plus conformément à la constitution se présenter pour un
troisième mandat. En revanche pour ses partisans, le Président Wade ne cherche
qu’à briguer un second mandat, le premier mandat acquis sous la constitution de
1963 ne devant pas être pris en compte.
Cette position a été défendue par un groupe de juristes européens et américains dans
le cadre d’un séminaire tenu à Dakar le 21 novembre 2011. Ils fondent la recevabilité
de la candidature du Président Wade sur le principe de non-rétroactivité de la loi,
quand bien même l’article 104 de la constitution, en son alinéa 2, dispose que toutes
les dispositions de la constitution de 2001, exception faite de celle qui fixe la durée du
mandat à cinq ans, sont applicables au mandat acquis sous l’empire de la constitution
de 1963, qui était en vigueur en 2000. ».294

La violence électorale sévit encore en 2014. Plusieurs incidents graves ont marqué le
déroulement de la campagne pour les élections locales. Il s’agit principalement

294 Ibid.

P a g e | 306

d’échauffourées opposant des listes rivales. A Maka (Tamba), on note quatorze blessés. Dans
la commune de Kédougou, le bilan des affrontements partisans est de dix blessés graves. A
Thiès, l’attaque du convoi du député de l’APR, Abdou Mbow, a fait trois blessés. Enfin, à
Keur Massar (Dakar), des coups de feu ont été tirés.

PARAGRAPHE 2/ Violence fanatique/violence mercenaire.

Le couple violence fanatique/violence mercenaire éclaire en priorité les tensions
internes aux partis politiques, s’intéresse aux relations qui se font et se défont chaque jour, au
gré de l’évolution des alliances et des adversités. Ces relations sont aussi façonnées et
influencées par les logiques sociales. Ainsi, les violences renseignent sur la construction des
allégeances, ainsi que sur les modes d’identification partisane, sur les appartenances
opportunistes et fanatiques.
En Occident, le fanatisme trouve son origine dans l’évolution des rapports entre
l’Eglise et l’Etat, entre la religion et les systèmes politiques, entre la religion et la
citoyenneté295. Il renvoie alors à l’attitude conservatrice de l’Eglise catholique qui rejette le
mouvement de sécularisation en marche. L’Eglise voulait défendre sa position dominante
dans la société et préserver ainsi son influence sur les gens. Elle s’appuyait « sur l’existence

295 Dominique Colas, Le glaive et le fléau. Généalogie du fanatisme et de la société civile , Paris,
Grasset, 1992.

P a g e | 307

d’un corps de professionnels sélectionnés, éprouvés, authentifiés par un sacrement spécifique
et spécialement entraînés à accomplir certaines performances »296.
Ce qui anime les fanatiques, c’est de lutter au nom de la « cité céleste » (Saint
Augustin) pour l’abolition de la société civile297. Inspiré par l’esprit divin, le fanatique
n’envisage pas la « cité terrestre » (Saint Augustin) en dehors des commandements de Dieu.
Le fanatique mène donc un combat acharné contre les prétentions à l’autonomie de la société
civile. Pour le fanatique, « la société civile est posée comme insuffisante, insignifiante,
indigne au regard d’une société idéale, suprasensible, fin de l’histoire »298.
Le fanatisme n’est pas l’apanage de la religion. Il peut aussi être politique. Au
Sénégal, le champ politique entretient des relations ambiguës et complexes avec les milieux
religieux et confrériques. D’une manière générale, les hommes politiques éprouvent des
difficultés à rompre le cordon ombilical qui les lie aux grandes confréries islamiques. Les
chefs religieux bénéficient d’une légitimité sociale et historique supérieure à celle des
hommes politiques. C’est pourquoi, ces derniers leur font la cour de façon assidue, entraînant
la confusion des deux ordres d’obligation, islamique et politique. Le fanatisme, qu’il soit
religieux ou politique, brouille et complexifie davantage la frontière entre le « bien » et le
« mal ». Ce qui est considéré comme relevant du « bien » dans la sphère religieuse, ne l’est
pas forcément dans le domaine du politique et vice versa.

296 Dominique Colas, op cit, p. 25.
297 Dominique Colas, op cit.
298 Dominique Colas, op cit, pp. 16-17.

P a g e | 308

Par exemple, au Sénégal, dans les mœurs politiques, on tolère les critiques, les
dérisions et parfois les insultes à l’encontre des adversaires. Ce sont des attitudes
inconcevables dans le domaine de l’islam confrérique. Le respect dû au guide est une
exigence. Le leader du PIT, Ibrahima Sène, a failli être victime d’une expédition punitive qui
était préparée contre sa personne. Il avait rappelé la consigne de vote donnée par le Khalife
général des Mourides Abdoul Ahad Mbacké au profit du Président Abdou Diouf en 1988.
Certains disciples avaient estimé que ses propos étaient irrévérencieux.
Le risque du fanatisme s’accroît quand la justification de la violence n’est plus
clairement établie. En réalité, le risque du recours à la violence fanatique se situe à deux
niveaux. D’abord, le militant ne tolère pas les critiques acerbes et les moqueries dont pourrait
être victime le guide religieux, devenu homme politique, ou le dirigeant politique perçu
comme frère de confrérie.
Par exemple, des disciples de Cheikh Mouhamadou Kara Mbacké ont investi les
locaux du groupe de presse « Walfadjri » le 25 septembre 2009, pour tabasser les employés
qui s’y trouvaient, pour saccager le matériel technique et pour caillasser les vitres.
A l’origine, un article de presse, commenté dans la revue de presse sur « Walf TV »,
dans lequel un autre demi-frère du marabout politicien critiquait le choix de Kara d’apporter
son soutien au candidat Wade. Les propos sont sans complaisance :
« Serigne Modou Kara Mbacké ne parle jamais pour défendre le peuple, il ne défend
que les privilèges que lui accorde le chef de l’Etat. Il s’accroche à ses pouvoirs »299.

299http://www.walf.sn/ consulté le 27 septembre 2013 à 19h19.

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Celui qui dirige, depuis l’Italie, le mouvement politique « Sénégal Dieum Kanam (Le
Sénégal en avant) », n’a pas épargné le chef de l’Etat dans ses critiques. Il estimait
qu’Abdoulaye Wade donnait de l’argent et des passeports diplomatiques à des marabouts afin
d’acheter leur silence.
Sidy Lamine Niasse, président directeur général du groupe de presse « Walfadjri » a
été victime d’un enlèvement. Il déclara : « Ils m’ont demandé de venir répondre à leur guide
par force. J’ai refusé, ils m’ont amené de force ».
Il accusa : « le Président Abdoulaye Wade d’être le commanditaire de tous ses
déboires. Je ne parle pas de Serigne Modou Kara, encore moins d’une autre personne. C’est
le Président Abdoulaye Wade. C’est Abdoulaye Wade. C’est Abdoulaye Wade… ».
Mais, cette manipulation du sentiment religieux peut avoir des conséquences
imprévisibles pour les promoteurs politiques. Par exemple, des partisans d’un chef religieux
musulman, Serigne Abdoul Fatah Mbacké, ont saccagé deux résidences du député de l’APR,
Moustapha Cissé Lô, qu’ils accusent d’avoir tenu des propos irrévérencieux envers leur guide.
L’activisme du mouvement des « Thiantacounes » doit être souligné. Il fut impliqué
dans les événements violents du 21 février 2007, lors des élections présidentielles, au cours
desquelles Cheikh Béthio Thioune accorda son soutien au « candidat sortant » Abdoulaye
Wade.
Un convoi du candidat Idrissa Seck, ancien Premier Ministre et principal challenger de
Wade, fut attaqué par des disciples de Cheikh Béthio Thioune. Le cortège d’Idrissa Seck qui
sillonnait les quartiers de Dakar a été attaqué en passant près du domicile de Cheikh Béthio
Thioune. Armés de gourdins et de machettes, les talibés ont gravement blessé aux dos et aux

P a g e | 310

bras une dizaine de personnes. Ils ont incendié sept véhicules, pillé des biens privés et ont
saccagé un restaurant.
Interrogé par un journaliste de l’Agence Française de Presse (AFP), un fidèle de
Cheikh Béthio Thioune, accusa le camp adverse : « Nous étions en train de manifester notre
fidélité à notre marabout quand les partisans d’Idrissa Seck sont passés et ont cherché à
frapper certains d’entre nous ». Un autre fidèle affirme alors qu’il « faut brûler les
véhicules ».
L’histoire a bégayé lors des élections présidentielles de 2012. Cheikh Béthio Thioune
apporta de nouveau son soutien politique au candidat sortant Wade à la veille des élections. Il
a soutenu mordicus avoir fait un songe, dans lequel, Serigne Saliou Mbacké lui aurait
demandé de soutenir Abdoulaye Wade. Il mena une campagne électorale en faveur du
candidat du PDS et appela non seulement ses disciples à s’inscrire sur les listes électorales,
mais aussi à voter pour ce dernier. Cet activisme politique du guide des « Thiantacounes » lui
a valu de nombreuses critiques acerbes considérées comme des insultes et des blasphèmes.
Un des fils du défunt Serigne Saliou Mbacké et porte-parole de la famille, Serigne
Souahibou Mbacké, a balayé du revers de la main les propos de Serigne Béthio Thioune.
Mécontents, désireux de venger leur marabout qui a été diffamé, des disciples
« Thiantacoune » ont incendié et mis à sac la maison de Sérigne Souahibou Mbacké.
L’agression de Pape Cheikh Fall, correspondant de la radio « Sud Fm » à Diourbel, est
aussi imputée à des disciples de Cheikh Béthio Thioune. Cette agression est survenue à la
suite de la publication d’un reportage sur le marabout, que les disciples ont jugé offensant. Le
journaliste a été roué de coups avec des câbles en fer, alors qu’il se trouvait dans une buvette
avec des confrères.

P a g e | 311

Béthio Thioune a exigé à ses disciples une réponse vigoureuse et ferme contre ses
adversaires. Il invita désormais ses talibés à s’armer de gourdins pour s’attaquer à tous ses
adversaires. La manifestation de soutien organisée le 17 mars 2012 à la place de l’Obélisque
(centre-ville de Dakar), fut l’occasion d’exhiber les fameux gourdins qui installèrent un climat
de psychose dans la population.
La déclaration du Ministre de l’Intérieur, arguant que le port des gourdins par les
thiantacounes était une coutume et une tradition au même titre que chez les disciples « Baye
Fall », a beaucoup plus révélé la volonté du PDS d’instrumentaliser ce potentiel de violence
identitaire contre ses adversaires politiques.
Le 22 octobre 2012, les « Thiantacounes » organisèrent une manifestation violente
dans les rues de Dakar pour protester contre l’incarcération de leur guide pour une affaire
présumée de meurtre. Ils ont semé la peur et ont procédé au saccage de vitres et de véhicules.
Les « talibés » (disciples) estimèrent que Béthio Thioune était un « otage politique ». Il
subissait simplement les représailles du nouveau parti au pouvoir, l’APR, à cause de son
soutien politique en faveur de Wade.
L’activisme politique des associations islamiques n’est pas un précédent historique.
Dans les années 1990, le mouvement des « Moustarchidines », une branche de la famille
tidjane de Tivaoune, était très engagé dans la lutte politique, auprès de l’opposition
sénégalaise. Son implication supposée dans les événements dramatiques du 16 février 1994, a
débouché sur le meurtre collectif de six policiers en service.
En effet, une foule déchaînée de jeunes manifestants se réclamant du mouvement
islamique des « Moustarchidines », brandissant des armes blanches (couteaux, haches, coupe-

P a g e | 312

coupe…), se répandit brusquement dans les principales artères de Dakar et se livra à des
destructions importantes, à des incendies.
Des témoignages de policiers300 mirent en exergue la dimension fanatique de certains
« Moustarchidines ». Ceux d’entre eux qui ont participé à la manifestation de l’opposition,
auraient, préalablement, trempé leur corps de solutions liquides mystiques, supposées leur
procurer de la force et de les rendre invisibles. Ceux qui moururent ont reçu en échange, de la
part de leur guide, la promesse du paradis, en qualité de martyrs de l’islam.
A partir de 1986, le mouvement dirigé par Serigne Cheikh Tidjane Sy s’orienta vers
une contestation politique virulente contre les autorités. Il rejoignit l’opposition et donna le
consigne de voter pour Abdoulaye Wade en 1993. En janvier 1994, il est condamné à un an de
prison pour « manœuvres et actes de nature à déstabiliser l’Etat ». Auparavant, il avait déclaré
dans un meeting du PDS, qu’il « pouvait tuer le chef de l'Etat sénégalais, M. Abdou Diouf,
mais que cela ne l'intéressait pas ».
Le mouvement a, depuis lors, subi la foudre du pouvoir socialiste. Après les
évènements du 16 février 1994, le gouvernement du Sénégal a entrepris une répression
sanglante contre les « Moustarchidines ». Plus de cent cinquante personnes furent arrêtés et
torturés durant des mois. Après, les « Moustarchidines » ont créé en 1999 un parti, le Parti
pour l'Unité et le Rassemblement (P U R), dont la capacité de mobilisation en a fait une
machine électorale très courtisée.

300 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit.

P a g e | 313

La violence mercenaire exprime un soutien mercenaire. Le soutien mercenaire est
fondé exclusivement sur une rétribution matérielle. La quête de gains et de richesses
économiques conditionne la loyauté du mercenaire. Le mercenaire n’est pas forcément
convaincu de la cause politique pour laquelle il se bat. Il ne fait que monnayer un service. Il
peut alors devenir un prestataire de la violence.
La politique d’achat des allégeances recoupe parfaitement cette dimension mercenaire
du soutien politique. La relation dirigeant-militant se transforme en une relation patrons-
clients ou employeurs-employés. Cette relation obéit à une logique économique qui lui donne
une certaine cohérence.
L’argent est le seul facteur qui régule le soutien mercenaire. Tant que le chef politique
conserve sa capacité financière de redistribution, le militant reste sous l’emprise de son
patron. La survie économique du militant dépend exclusivement de la préservation de sa
loyauté envers le patron.
Le dirigeant n’a pas besoin d’émettre des commandements spécifiques pour obtenir
une obéissance du militant. Dès que le militant perçoit une menace, il entreprend de
sauvegarder ses avantages. Il y a une convergence d’intérêts entre le dirigeant et le militant.
Le militant peut exercer de la violence contre les adversaires politiques.
Les nombreux conflits internes qui existent à l’intérieur des partis politiques
sénégalais révèlent cette violence mercenaire. Il existe une foison de tendances au sein des
partis politiques. La distribution des cartes, prélude au renouvellement des instances, rend
visibles les enjeux économiques.

P a g e | 314

La lutte au sein du parti est âpre dans chaque localité. La logique des tendances traduit
des mécanismes de construction hégémonique pour le compte d’entrepreneurs politiques, de
« Big men », notables locaux, hommes d’affaires ou membres influents du parti politique.
Le parti au pouvoir est souvent traversé par des tendances qui constituent des réseaux
formés autour des notables. Le processus de sélection pour l’obtention de postes est précédé
de luttes violentes. Dans cette compétition, les perdants et les déçus recourent à la violence.
Durant quarante ans, le fonctionnement du parti socialiste a souffert des tendances
factionnelles et mercenaires. Le 14 mai 1998, Djibril Thiam dit Mbakha, jeune militant du
Parti Socialiste, est poignardé au cours d’une bataille rangée opposant des tendances rivales
pour le compte du renouvellement des instances du parti.
Après douze ans d’opposition (2000-2012), le PS est revenu au pouvoir à la faveur de
la victoire de l’APR soutenu par la coalition « Benno Bok Yaakar ». Aussitôt, le parti
recommença à faire l’expérience des violences factionnelles et mercenaires.
Par exemple, à la Patte d’oie, les renouvellements du PS basculent dans la violence le
4 juin 2014. La réunion a pris fin sur des affrontements entre les partisans de Banda Diop et
ceux du maire Ibrahima Diamé. Les partisans d’Ibrahima Diamé ont accusé ceux de Banda
Diop de faire du forcing et se sont opposés à eux. Plusieurs chaises furent cassées par des
jeunes déchaînés. Le camp adverse accusa le maire d’avoir envoyé des nervis pour saboter la
manifestation. Les partisans du maire Ibrahima Diamé récusèrent ces accusations et évoquent
un non-respect des textes officiels du parti. En effet, pour eux, il n’était pas question de
procéder à la mise en place d’un bureau favorable à Banda Diop. La rencontre avait démarré
par des jets de pierre et des pompes à gaz. Le désordre a fini par prendre le dessus.

P a g e | 315

Le PDS s’est particulièrement illustré dans ces luttes de tendances. En 2001,
l’essentiel des violences a concerné les investitures au niveau du PDS. Des affrontements
entre responsables libéraux ont été enregistrés à Pikine et à Rufisque. A Pikine, le « complexe
culturel Léopold Sédar Senghor » fera les frais de la frustration des partisans d’un candidat
malheureux à l’investiture. A Rufisque, des blessés sont enregistrés lors des investitures. A
Vélingara, des affrontements entre militants du PDS ont causé de nombreux blessés et le
saccage de la permanence du PDS. Le 1er mars 2006, des violences d’une grande intensité
éclatèrent entre des militants du PDS à Rufisque. Les faits sont relatés dans la presse écrite
qui affirma :

« Les libéraux de Rufisque ont encore étalé leurs divergences sur la place publique.
Hier, mercredi, le méga-meeting organisé par les femmes du Pds de cette ville pour
« saluer les réalisations du président Wade » a été le théâtre des dissensions internes
qui minent le parti du président Abdoulaye Wade.
En effet, à peine la manifestation a-t-elle débuté, que des nervis, des armes blanches à
la main, se sont attaqués au public. C'est le sauve-qui-peut. Les responsables libéraux,
notamment Abdoulaye Faye, l'administrateur du Pds et Awa Diop, la présidente du
mouvement des femmes du Pds, qui présidaient la manifestation, ont dû être évacués
de justesse.
Le meeting organisé à Diokoul, dans une ruelle très serrée, a été perturbé aux
environs de 18 heures. Des milices sont arrivées par petits groupes pour s'aligner
derrière chaque chef de tendances que sont Seydou Diouf, Mamaya Séne et Daouada
Niang.

P a g e | 316

Ces derniers feront bloc, par la suite, pour accéder à la tribune où était Ndiawar
Touré, le maire de Rufisque. Mais, les chefs de tendances n'ont pas atteint la tribune
que celle-ci a cédé. La grande tribune s'est cassée et tout le monde s'est trouvé par
terre. L'occasion rêvée par les milices qui sont passées à l'attaque ».301

Durant les élections présidentielles de 2007, des affrontements violents entre partisans
de Thierno Lô et ceux de Modou Diagne Fada à Darou Mousty ont fait de nombreux blessés
graves. Des témoignages rapportés firent état de l’usage d’armes blanches (coupe-coupe,
couteau, hâche). Modou Diagne Fada, Ministre de l’environnement et responsable politique à
Darou Mousty, fut démis de ses fonctions. Son adversaire dans le parti, Thierno Lô, le
remplaça dans ses fonctions. Les deux leaders ont cherché à établir des rapports de force
politique. L’enjeu était la préservation ou la reconquête des avantages économiques
redistribués aux militants. La logique de la violence mercenaire fut implacable. Elle était
aggravée par la saturation des lieux d’enrichissement économique.
En 2008 et en 2010, des violences intenses ont éclaté lors des opérations de
distribution des cartes. A Dakar, le siège du PDS s’était transformé en un véritable champ de
bataille avec des armes blanches exhibées par les différents protagonistes.302 Dans la
commune d’arrondissement de Biscuterie, un responsable local aurait brandi un pistolet. De
façon générale, toutes les manifestations politiques organisées par les instances du PDS au

301 Najib Sagna, « Sénégal : violence politique à Rufisque : les nervis du PDS imposent leur loi »,
(En ligne). htpp://www.walfadjri.sn/ consulté le 27/07/2013 à 20h 47.
302 Cf. « UNE » de l’Observateur n° 1949 du lundi 22 mars 2010.

P a g e | 317

cours de ces années devinrent des lieux de pugilats entre militants. La bataille était féroce
entre militants qui cherchaient à entrer dans les bonnes grâces du Prince.
En avril 2011, les opérations de renouvellement du bureau des femmes du parti libéral
débouchent également sur des affrontements entre les partisans de certains leaders. Par
exemple, à Mbao, le 7 juin, des heurts ont opposé les partisans de Mamoudou Seck à ceux
d’Aminata Lô Dieng. Ils ont fait quatre blessés graves.303
Le 10 avril 2014, la violence s’invita au comité directeur du PDS. Des violences ont
éclaté entre membres du parti à la « permanence Oumar Lamine Badji ». Tout serait parti
d’une dispute entre Mouhamadou Lamine Massaly et Ndèye Amy Diouf, deux responsables
du PDS à Thiès. Le problème aurait commencé à Thiès. Trois coordinations libérales se
seraient réunies pour organiser la mobilisation des militants en vue de l’organisation d’un
meeting. Lorsque les gens ont commencé à évoquer la distribution des fonds, destinés à la
mobilisation, Ndèye Amy Diouf aurait réclamé sa part de l’argent. Ce que Mouhamadou
Lamine Massaly aurait vu d’un mauvais œil. Très en colère, il aurait fini par lui lancer une
chaise à la figure. Effondrée, Ndèye Amy Diouf s’est fondue en larmes.
Les joutes électorales aiguisent l’appétit des différentes factions. Les militants de
l’APR sont également confrontés à cette situation, au même titre que ceux du PS et du PDS
jadis. L’APR commence à faire l’expérience des violences mercenaires et factionnelles. Les
appétits sont aiguisés et les tendances se manifestent de plus en plus. Ainsi, lors de l’ouverture
officielle du nouveau siège de leur parti à Thiès, des militants partisans du Ministre Augustin
Tine et des alliés de Thierno Alassane Sall (Ministre des Transports) se sont affrontés

303 L’Observateur n° 2313 du mercredi 8 juin 2011, p 2.

P a g e | 318

violemment. Ces violences annonçaient des repositionnements et des empoignades en vue de
l’élection municipale de 2014.
En vue des élections locales de 2014, des actes de violence ont éclaté à Matam entre
des factions rivales, lors de la visite effectuée par le député et responsable local de l’APR,
Farba Ngom. Les partisans du maire Mamadou Mory Diallo se sont affrontés à ceux de son
opposant. Ces derniers s’en sont pris au député Farba Ngom, qu’ils accusèrent de partialité.
Des coups de feu ont été tirés. Ces affrontements ont fait de nombreux blessés graves.
A Biscuterie, une réunion du parti APR, présidée par le superviseur Augustin Tine,
bascula dans la violence le 6 mars 2014. A l’origine de ces échauffourées, une guerre entre
deux factions, qui opposait les partisans de Me Djibril War et ceux d’Ismaila Guèye. Les deux
responsables politiques se sont épanchés dans la presse pour s’accuser mutuellement.
Djibril War accusa son adversaire, Ismaila Guèye, d’avoir provoqué ces affrontements.
Il affirma :

« Ismaila Guèye, à qui l’on a demandé de venir seul à la rencontre avec le
superviseur, est venu avec une forte délégation et des tambours. Et, lorsqu’il est venu,
et qu’on lui a montré la porte d’entrée, il a refusé et ils ont commencé à faire des
vacarmes (…) Ils ont commencé à taper sur les grilles.
Ismaila Guèye, accompagné d’une bande de nervis, a forcé la porte. Le superviseur
n’a dû son salut qu’à la vigilance de certains jeunes qui lui ont permis de se dégager
avec sa garde rapprochée (… ) ».

P a g e | 319

Ismaila Guèye clama sa « bonne foi » et accusa Me Djibril War d’être le principal
responsable de ces violences. Il déclara :

« Nous avons été convoqués par le superviseur Augustin Tine. Il nous a convoqué une
première fois à la Maison de la Culture Douta Seck. C’était avec les responsables des
19 communes. C’était pour délivrer un message de paix. Après cela, il a fait une
convocation pour Biscuterie. Pourquoi Biscuterie ? Parce que Me War et Dior Thiam
sont allés plus vite que la musique en convoquant directement le ministre…
Arrivés à la porte, nous sommes tombés sur un traquenard. Ils sont coutumiers des
faits. Ils n’ont pas ouvert la permanence qui est une permanence familiale, parce que
c’est Me War qui l’a louée. Il y a de cela quelques mois, j’avais organisé une
manifestation qui avait connu une réussite exceptionnelle avec le financement des
femmes. Depuis lors, une jalousie politique est née ».

A Guédiawaye, une réunion d’informations sur les listes électorales de Sam Notaire de
l’APR a viré à la violence physique. Des affrontements sanglants ont fait plusieurs blessés ce
5 avril 2014. Le coordinateur communal du parti à Sam Notaire, Mika Bâ, qui présidait la
réunion, s’est retrouvé avec l’arcade sourcilière gauche ouverte et a dû être évacué à l’hôpital.
On parlait de « nervis » qui avaient brandi des armes blanches. Il y a eu de violents
échanges de coups de poing entre militants de l’APR au siège de la « Permanence »

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départementale à Guédiawaye. Une intervention musclée de la police a mis un terme aux
affrontements.
Les responsables « apéristes » de Diourbel se sont aussi violemment affrontés le
samedi 15 mars 2014. Des vitres cassées, des portes défoncées, des injures, des empoignades,
tel fut le spectacle offert par les camps de Dame Diop, directeur général de la société de
transport « Dakar Dem Dikk » et de Moustapha Guèye, directeur de l’Agence pour
l’Economie et la Maîtrise de l’Energie (AEME).
Pour le camp de Dame Diop, les partisans de Moustapha Guèye furent « la cause de
tout cela, car ils sont venus alors qu’ils n’ont pas été conviés ». Mais, l’autre camp réfuta
toutes ces accusations et fit savoir que Dame Diop voulait « leur refuser l’accès au siège du
parti et ils ne l’ont pas acceptés ».
En réalité, les deux tendances se jaugeaient en prévision des élections locales. La
volonté du Président Macky Sall de « sanctionner » politiquement les ministres et les
directeurs de sociétés ou d’agences nationales, vaincus dans leurs fiefs, constituait une
pression supplémentaire pour les responsables politiques et leurs partisans.
La violence mercenaire se met en branle à chaque remaniement du gouvernement. Elle
constitue un mode d’arbitrage des conflits économiques. Ceux qui s’attendaient à être promus
dans le gouvernement ou ceux qui ont été démis de leurs fonctions, exercent une violence
intimidante afin de se repositionner et d’entrer dans les bonnes grâces du « Prince ». Cette
violence s’exprime par des insultes. Elle gagne en intensité et débouche sur des
manifestations bruyantes et violentes.

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En mai 2011, un remaniement ministériel a procédé à un redécoupage du ministère de
la famille, des organisations féminines et de la petite enfance, dirigé par Mme Ndeye Khady
Diop. Ses partisans ont interprété cet acte comme une volonté politique de sous-estimer son
poids électoral dans le parti contre son adversaire Fatou Bintou Taya Ndiaye. Ils ont déversé
leur colère dans la rue, en installant des barricades.
Dans cette veine, le départ du gouvernement de Mme le Ministre des Sénégalais de
l’extérieur, originaire de Tivaoune, a débouché sur des manifestations de ses partisans. Ceux-
ci ont investi la rue, en cassant tout sur leur passage.
Les dirigeants politiques se sont efforcés de respecter des équilibres géographiques
subtils et très complexes. La répartition des postes politiques dans le gouvernement est fondée
sur les appartenances et les affinités géographiques. Cet équilibre est politique. Il cherche
davantage à promouvoir et à renforcer des leaders locaux, à permettre une meilleure
implantation du parti.
Les manifestations de violence sont « un coup de force symbolique de
la représentation »304. La violence mercenaire se pare des habits d’apparat d’un régionalisme
identitaire. Les actions violentes sont systématiquement justifiées par la défense des intérêts et
de l’honneur bafoué d’une localité.
Tout se passe comme si ceux qui se battent pour le compte d’un « patron
politique » généreux ressentent une gêne et une pudeur pour rendre visibles leurs motivations

304 Philippe Braud, Sociologie politique , Paris, LGDJ, 2006, p. 507.

P a g e | 322

réelles. Ils sont tiraillés entre une nécessité politique (la fin justifierait les moyens305) et un
idéalisme moral qui ignore le moment favorable.
En matière de violence partisane, la routine peut rapidement évoluer vers une forme de
radicalisation. Par exemple, les crises sociales sont des moments importants, durant lesquels,
les hommes politiques versent dans la surenchère.

SECTION II/ La radicalisation de la violence partisane.

« (…) les processus de radicalisation (…) gagnent à être compris à la lumière du fonctionnement
ordinaire des institutions propres aux régimes démocratiques : ils peuvent s’inscrire dans des jeux
politiques d’alliance, dans des calculs, des exclusions, des prises de position, des interactions (…) ».306

305 Machiavel estime que la fin politique ne peut dépendre des exigences de la morale sociale.
Lorsque la situation l’exige, l’atteinte des objectifs peut outrepasser la morale. C’est une philosophie
de l’amoralisme plutôt que de l’immoralisme politique. La morale n’est pas une priorité absolue dans
l’action politique, mais la politique n’est pas indifférente aux valeurs morales. Nicolas Machiavel, Le
prince et Réflexion sur la première Décade de Tite-Live (1513-1520), in Œuvres complètes , traduction
et note E. Barincou, Paris, Gallimard, 1952.

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Dans un contexte démocratique, la violence physique est un signe de la radicalisation
politique. La radicalisation désigne un processus, une construction au cours de laquelle « les
routines politiques se défont, les compromis semblent devenir impossibles,(…) des convictions
idéologiques proclamées saturent la compétition, structurant le débat, dévaluant les positions
modérées et les transactions politiques ordinaires, renouvelant les problèmes mis à l’agenda
politique et les solutions disponibles,(…) les camps se recomposent, se solidifient et
interdisent les déplacements et les passages, où les oppositions sont redéfinies en
trahison. ».307
Les crises et les mobilisations sociales constituent les « temporalités » de la
radicalisation de la violence, c’est-à-dire les moments historiques, les conjonctures
importantes, pendant lesquels la violence physique bascule dans l’escalade. L’ampleur des
violences qui se manifestent, découlent de la maximisation à l’extrême des choix et des
calculs politiques. Les adversaires sont mus par des objectifs qui comportent des bénéfices
concrets pour leurs membres. La violence devient un répertoire favorisant un marchandage
politique en faveur de ceux qui sont exclus dans l’espace du pouvoir . Naturellement, la
radicalisation de la violence partisane engendre des traumatismes importants. Les victimes se
multiplient à mesure que les hommes politiques recourent aux armes de toutes sortes et à
l’expertise des « professionnels de la violence », tels que les « nervis ».

306 Annie Collovald et Brigitte Gaïti, La démocratie aux extrêmes. Sur la radicalisation politique ,
Paris, La Dispute, 2006, p 4.
307 Annie Collovlad et Brigitte Gaïti, op cit, p 28.

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La radicalisation de la violence partisane survient en situation de crises sociales (P 1)
et engendre des traumatismes (P 2).
PARAGRAPHE 1/ La violence partisane en situation de crises sociales.

Le pouvoir et l’opposition ne disposent pas de la même capacité de production la
violence. D’un côté, selon Max Weber, le pouvoir étatique a le privilège du monopole de la
violence politique légitime. L’Etat peut toujours user de ruses, de stratagèmes, de
manipulations, en vue de réprimer ses adversaires politiques, au nom du maintien de l’ordre
public.
D’un autre côté, l’opposition qui n’a pas toujours un ancrage sociologique fort et une
représentativité politique importante, subit la violence du pouvoir politique de l’Etat.
Répondant au journaliste Malal Ndiaye qui lui demandait pourquoi il ne réagissait pas aux
violences que le parti socialiste lui faisait subir, notamment à Macacoulibanta, lors des
élections présidentielles de 1978, Me Wade, opposant au parti socialiste au pouvoir, déclara :
« Oui, tout simplement parce que nous avons adopté un principe à la création du
parti : éviter les attaques personnelles. Ces socialistes qui m’attaquent savent bien
que je pourrais passer des heures à disséquer sur leur cas. Moi, je ne suis pas un
« As » parce qu’on n’a rien à me reprocher. Il n’y a pas mal de choses que nous
savons sur eux et que nous pourrions dire, mais nous refusons de nous lancer sur des
problèmes personnels, c’est pourquoi j’ai refusé de les suivre… »308.

308 http : //www.enquête.sn/ consulté le 14 octobre 2014 à 18h19.

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La violence partisane s’exerce depuis le sommet de l’Etat. C’est une violence d’Etat
centralisée. L’opposition ne dispose pas forcément des leviers, des moyens et des instruments
pour réagir et rivaliser avec l’Etat.
Mais, le système hégémonique du parti au pouvoir subit des crises. Les crises sont
inévitables. Elles découlent parfois des reconfigurations nécessaires à la survie du système.
Souvent, les crises sont des moments difficiles et des « conjonctures fluides »,309 qui mettent à
l’épreuve l’hégémonie de l’Etat se manifestant par une crise d’autorité et rendant nécessaire
système politique une réadaptation politique.

« Dans chaque pays, le processus est différent, bien que le contenu soit le même. Et le
contenu est la crise d’hégémonie de la classe dirigeante qui se produit, ou bien parce
que la classe dirigeante a échoué dans une de ses grandes entreprises politiques, pour
laquelle elle a demandé ou exigé par la force le consentement des grandes masses (…)
ou bien parce que de larges masses ( …) sont soudain passés de la passivité politique
à une certaine activité et qu’elles posent des revendications qui, dans leur domaine
inorganique, constitue une révolution. On parle de crise d’autorité et c’est
précisément cela la crise d’hégémonie, ou crise de l’Etat dans son ensemble ».310

309 Cf. Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations
multisectorielles , Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1992,
310Antonio Gramsci , Cahiers de prison , Paris, Gallimard, 1978, p. 119.

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Les crises d’hégémonie sont des crises d’autorité et de légitimité. Elles entraînent une
contestation, une érosion des soutiens en faveur du pouvoir et de la perte de confiance des
citoyens. La crise de légitimité signifie que l’Etat n’est plus crédible et se manifeste à deux
niveaux : le niveau formel ou institutionnel et le niveau de l’action politique. La légitimité
institutionnelle touche au régime politique, c’est-à-dire à l’organisation, aux procédures et aux
institutions politiques. Par contre, la légitimité de l’action politique se rattache à la capacité du
pouvoir à exercer les fonctions sociales et politiques, dont il a la charge. Elle découle du bon
fonctionnement des services publics et de l’efficacité des politiques publiques.
Les crises sont des opportunités qui permettent à l’opposition d’acculer le pouvoir et
de le conduire vers des affrontements violents, par des émeutes, des grèves et des
manifestations populaires. L’opposition cherche à exercer une sorte de tutelle sur les
mobilisations sociales qui peuvent devenir des instruments de violence contre le pouvoir.
Dans ces conditions, la crise du système hégémonique entraîne nécessairement une
augmentation de la violence dans les rapports entre opposition et pouvoir.
Les mobilisations ont des enjeux économiques et sociaux. Toute conjoncture
économique difficile engendre une crise sociale. Les facteurs économiques susceptibles
d’alimenter la crise de l’Etat sont variés et nombreux : chômage, inflation, sous-alimentation,
faim, crise énergétique…
Dans tous les cas, ces mobilisations ont une amplitude et une ampleur sociales
considérables. Selon un rapport sur les enjeux des émeutes urbaines, publié le 12 janvier 2011
par le « World economic forum », il existe trois risques majeurs de troubles sociaux et
politiques : 1)-le crime organisé, la corruption et la fragilité des États ; 2)-les risques liés à
l’eau, à l’alimentation et à l’énergie ; 3)-les dangers des déséquilibres macroéconomiques .

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Les crises sociales se déclinent en deux temps : le temps de la précarité sociale et le
temps de la mobilisation sociale. Chaque conjoncture économique difficile débouche sur une
précarisation des conditions de vie sociale. Celle-ci constitue un enjeu de mobilisation et
d’action sociale et donne aux citoyens de protester et de dénoncer la précarité de leur situation
socioéconomique.
Depuis 1960, le Sénégal a connu plusieurs crises majeures. Dès 1968, le Sénégal
connaît une grave crise sociale et économique qui touche, à des degrés variables, le monde
paysan et le milieu estudiantin. Le contexte social est très précaire, voire très dégradé.
L’historien, Ibrahima Thioube, décrit ce contexte en ces termes :

« Le monde rural est très sérieusement atteint. Le prix de l’arachide décroit. On a les
premières années de sécheresse qui frappent durement le monde rural qui n’arrive pas
à rembourser ses dettes. (…) On a saupoudré des paysans aux DTT. Dans l’espace
urbain, les salariés vont également subir ces difficultés du monde rural, parce que le
monde rural c’est la base sur laquelle s’adosse le pouvoir pour l’accumulation des
ressources qui permettent d’entretenir le monde urbain. (…) Du fait du malaise
économique, le pouvoir décide de diminuer, de fractionner les bourses des étudiants.
(…) ».311

311 Interrogé par Valérie Nivellon, journaliste à « RFI » et animatrice de l’émission « La marche du
monde ». Emission sur la crise de mai 1968 au Sénégal.

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Au début des années 1980, l’économie des pays d’Afrique subsaharienne subit un
choc conjoncturel très important. Les pays africains ont développé une économie rentière,
basée sur l’exportation de matières premières, en échange de rentrées de devises. Mais, le prix
des produits primaires a connu sur le marché une forte dépréciation. Cette conjoncture
bouleverse l’équilibre macroéconomique.
En réaction, les « Institutions de Bretton Woods » exigent des Etats africains et du
Sénégal, l’adoption de politiques d’austérité économique, passant par des mesures de
réduction des dépenses publiques (suppression des subventions publiques, arrêt des
recrutements dans la fonction publique, licenciements…). C’est l’ajustement structurel, suivi
par des programmes de réduction de la pauvreté.
Les conséquences immédiates au plan social sont dramatiques : progression du
chômage, perte de pouvoir d’achat, pauvreté et misère sociale. La jeunesse urbaine est
touchée de plein fouet par la crise économique. Le monde rural et les paysans subissent
durement la diminution des subventions et la libéralisation du secteur agricole.
En 2007 et en 2008, une trentaine de pays subissent de plein fouet l’inflation sur les
produits de première nécessité. Le Sénégal en fait partie. La crise alimentaire y est plus aigue,
en raison de la dépendance du pays à l’importation de la plupart des produits de
consommation de base. Cette flambée des prix touche principalement les denrées alimentaires
courantes comme le riz. Plus de 50% du riz consommé est importé.
En 2011, le Sénégal fait face à une crise énergétique importante. Les délestages sont
nombreux, fréquents, intempestifs et d’une ampleur considérable. Il est vrai que la chose n’est
pas nouvelle. Déjà, au cours du deuxième mandat du Président Abdoulaye Wade, la crise de
l’électricité avait engendré beaucoup de frustrations.

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La Société Nationale de l’Electricité (SENELEC) qui a en charge la production et la
distribution de l’électricité, fait face à des difficultés importantes pour remplir sa mission. Les
installations sont obsolètes et tombent souvent en panne. La dette intérieure s’est aggravée et
la société de l’électricité ne parvient pas à honorer ses engagements financiers. Le déficit de
production oblige la SENELEC à opérer des délestages réguliers. Les ménages souffrent de
l’endommagement de leurs matériels électroménagers.
La capitale Dakar a plus souffert que les autres villes. Certains quartiers de Dakar
restent des heures sans électricité. Au-delà des ménages, le secteur de l’économie informelle a
aussi beaucoup souffert de cette conjoncture. Les petits commerces, les ateliers de tailleur, les
ateliers de menuiserie sont très touchés.
Enfin, le secteur de l’industrie et d’autres domaines stratégiques comme l’aéroport et
les hôpitaux ne sont pas épargnés par les délestages. Le Ministre de l’Energie et fils du
Président de la République, Karim Wade, explique cette situation par la nécessité de procéder
à une rationalisation de la distribution d’énergie afin de parvenir à un équilibre souhaité.
Les crises économiques et sociales débouchent sur des mobilisations et des émeutes.
Les frustrations qui en sont à l’origine sont accumulées de longue date. Certes, les
mobilisations sociales formulent des revendications et ciblent des adversaires. Mais, elles ne
sont pas nécessairement portées par des acteurs institutionnels (comme les partis politiques et
les syndicats…).
La violence qui se manifeste dans ces mobilisations n’est pas canalisée. Elle reste très
intense en raison de la force mentale et physique qui se dégage de la foule. La violence des
émeutes traduit un phénomène de masse que l’on qualifie de « crime de foule ». Le crime de
foule se caractérise par une « action en commun et en masse, sous l’impulsion

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d’entraînements, auxquels tous participent et où se dégagent des forces et des virtualités qui,
à l’état d’isolement, resteraient engourdies. »312.
Le propre de cette violence de foule consiste à construire une « âme collective
transitoire »313. C’est une sorte d’unification identitaire et comportementale au sein du groupe,
lui conférant une réelle intensité. La personnalité individuelle s’évanouit, les sentiments et les
idées des individus sont orientés dans la même direction. Il se met en place des procédés
d’imitation, de suivisme et de synchronisation des attitudes violentes. La foule confère des
sentiments d’élan, de force, de sécurité qui permettent aux plus pacifiques et aux moins
téméraires de se métamorphoser en personnes violentes.
L’enjeu fondamental est le contrôle et la maîtrise des mobilisations violentes. Par
conséquent, le raffermissement des conditions d’expression politique des crises et des
émeutes permet le déchaînement de la violence. La publicisation des crises et le déchaînement
de la violence qui la caractérise, sont liés à l’existence d’une opposition structurée, forte et
aguerrie. L’opposition considère ces mobilisations comme de véritables opportunités
politiques pour la conquête du pouvoir politique. Elle flaire très vite le potentiel de violence
qui s’exprime et tente d’en faire une arme politique. Elle s’evertue de transformer la violence
contestataire et sociale en instrument de pression politique.
L’opposition travaille à amener le pouvoir à faire des concessions politiques
importantes, susceptibles de rééquilibrer les rapports de force, en vue des joutes électorales.

312 Pierre V. Bouza, Jean Pinatel, Traité de droit et de criminologie , tome 3, Paris, Dalloz, 1975, pp.
508-509.
313 Gustave Le Bon l’appelle « l’âme de la foule ». Cf. Gustave Le Bon, Psychologie des foules ,
Marseille, Nouvelle Edition, 2002 .

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Dans l’histoire politique sénégalaise, toutes les crises socio-économiques, débouchant sur des
émeutes urbaines de grande ampleur, ont donné lieu à des concessions politiques. C’est donc
un fait constant que les crises et les émeutes qui s’en suivent, se traduisent par des
marchandages politiques.
Après les manifestations de 1968, le Président Senghor a accepté une ouverture
politique et une décompression, qui profitèrent aux partis clandestins. Dès 1970, Senghor
entreprit une réforme politique et institutionnelle marquée par la déconcentration du régime
présidentiel, par l’institution d’un Premier ministre, Abdou Diouf. Cette réforme se poursuivit
dès 1974 avec la mise en œuvre d’un multipartisme limité. En définitive, Senghor a été
convaincu qu’il avait trop de pouvoirs et qu’il était nécessaire de lâcher du lest.
Après les émeutes de 1988, le pouvoir socialiste a décidé de faire de nouvelles
concessions au bénéfice de l’opposition. Le Président Diouf a intégré des membres de
l’opposition dans son « gouvernement d’union nationale ». En 1991, Abdoulaye Wade du
PDS et Amath Dansokho du PIT sont devenus des ministres. L’expérience est reconduite en
1993, à la suite des troubles postélectoraux. Cette fois, Abdoulaye Bathily rejoint dans le
gouvernement, Abdoulaye Wade et Amath Dansokho. Entre temps, au cours de l’année 1992,
un code électoral consensuel est voté.
Les émeutes du 23 et du 27 juin 2011 ont conduit le pouvoir libéral à renoncer au vote
du projet de loi qui voulait instituer le ticket présidentiel et l’élection du Président de la
République au suffrage universel direct avec seulement à 25% des suffrages. Les
manifestations ont débouché sur des actes de violence qui ont touché certains responsables
libéraux. Dans la nuit du 27 juin, des émeutes éclatèrent à Dakar et plus précisément dans la
banlieue. Elles auraient fait une centaine de blessés.

P a g e | 332

La maîtrise des mobilisations violentes n’est pas une chose aisée pour l’opposition.
Plusieurs défis importants sont posés. La nature de la violence est souvent passionnelle,
colérique, brusque, imprévisible, instable et incontrôlée. Elle n’est pas toujours facile à
contrôler, à encadrer. Les formes et l’intensité que peuvent revêtir cette violence font qu’il est
difficile de les anticiper. Mais, lorsque l’opposition parvient à la contrôler, la violence des
émeutes devient instrumentale, calculée, stratégique, frénétique et durable. Le caractère
instrumental de la violence désigne :

« (…) une logique de calcul et d’efficacité ; ce qui implique la recherche consciente
d’une proportionnalité des moyens, mis en œuvre par rapport au but recherché. Cette
modalité de la violence est censée caractériser, tout d’abord, la coercition de l’Etat.
(…) Cependant la violence instrumentale n’est pas le seul apanage du pouvoir d’Etat
(…) ; elle est aussi un mode d’expression contestataire ».314
Les revendications posées par la violence des émeutes sont souvent disparates et
manquent de cohérence. Cette dispersion des revendications découle naturellement de la
situation de fièvre, de passion sociale, de « fluidité politique »315. La fluidité politique indique

314 Philippe Braud, « La violence politique : repère et problème », in Revue culture et conflits , n° 9-
10, 1993, p 11.
315 Michel Dobry, Sociologie des crises politiques , Paris, Presses de la Fondation Nationale des
Sciences Politiques, 1992.

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que les mobilisations générales débouchent sur une logique de « désectorisation
conjoncturelle de l’espace social ».316
Dans une situation critique, l’espace social et politique est structuré en plusieurs
secteurs ou domaines, relativement autonomes les uns par rapport aux autres. Les
revendications formulées par les différents acteurs sont en rapport à cette situation.
Le rôle de l’opposition consiste à décloisonner les intérêts, les ambitions, les
revendications, à favoriser une interdépendance et un échange entre les différents secteurs
touchés. Il y a un débordement des enjeux des mobilisations qui entraîne une transformation
des rapports intersectoriels.
Par exemple, une grève estudiantine suscitée par le retard du paiement des bourses,
peut évoluer vers une contestation de la légitimité politique du parti au pouvoir, sous
l’influence des partis d’opposition. La crise de mai 1968 reflète parfaitement cette dimension
multisectorielle. Il y avait à la fois des revendications estudiantines, fondées sur le maintien
du montant de la bourse, la liberté d’expression, des revendications enseignantes et ouvrières.
Les enseignants réclamaient « l’africanisation » des programmes et du personnel de
l’Université, ainsi que la baisse du coût de la vie.
Le travail de l’opposition permet d’uniformiser des dynamiques sociales et
économiques disparates. L’objectif est la redéfinition des enjeux des mobilisations. Dans cette
logique de « resectorisation » des mobilisations, les politiques se livrent une lutte sans merci
entre eux. Ils mettent en œuvre diverses ressources : des ressources institutionnelles,
coercitives, l’influence…

316Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, op cit , p 141.

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« Du côté des gouvernants cela peut être l’utilisation de la force armée, la mise en
place de négociations, la définition ou la promesse d’un agenda de réformes…, du
côté des oppositions, le déclenchement d’une grève, la diffusion de tracts, la
participation à des manifestations, à des défilés ».317

Enfin, le contrôle des émeutes urbaines peut se heurter à la volonté d’autres
organisations politiques. Les organisations politiques comprennent l’ensemble des
organisations qui participent à la vie politique, en cherchant à exercer le pouvoir politique (les
partis politiques) ou à l’influencer (groupes de pression, syndicats, mouvements sociaux…).
Les partis politiques sont en concurrence avec d’autres organisations politiques qui leur
disputent la « fonction tribunitienne »318. La fonction tribunitienne permet de recueillir, de
structurer et d’exprimer les frustrations et autres revendications populaires.
Pour surmonter l’obstacle des organisations de la société civile, l’opposition doit
peaufiner des stratégies de domination. Deux options politiques existent. Soit se substituer
aux autres organisations politiques. Soit accepter de cohabiter provisoirement avec les
organisations syndicales et les mouvements de la société civile, en tentant de les influencer
progressivement.

317 Richard Banegas, « Les transitions démocratiques : mobilisations collectives et fluidité
politique », in The Journal , mars 2006, p 17.
318 Georges Lavau, Partis politiques et réalités sociales. Contribution à une étude réaliste des partis
politiques , Paris, Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, 1952.

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La première option se manifeste dans la situation où les partis politiques sont
prédominants. En même temps, la société civile est quasi-absente ou se contente d’être une
excroissance des partis politiques. La crise économique et sociale survenue en 1968 a
démontré la capacité des partis politiques à contrôler les organisations de la société civile. La
posture dominante des partis politiques a été facilitée par le caractère embryonnaire de la
société civile.

« Le syndicalisme apolitique est une formule qui cache souvent une idéologie qui a
peur de s’exprimer au niveau politique. C’est pourquoi, dans chaque pays, chaque
organisation syndicale est le prolongement d’un parti politique déterminé »319.

En mai-juin 1968, lorsque la crise éclata dans l’espace urbain, il y avait un syndicat
unifié, contrôlé par le parti au pouvoir (Union Nationale des Travailleurs du Sénégal). Il
dominait l’espace public de la revendication syndicale. Le milieu enseignant n’a jamais
accepté véritablement cette hégémonie et l’a contestée à chaque fois qu’il en avait l’occasion.
Les enseignants sont très influencés par les partis de gauche, plus précisément, les militants
du PRA-Sénégal et les « Amis de Mamadou Dia », ancien Président du Conseil.
Très rapidement, les syndicats salariés, particulièrement ouvriers, influencés par les
syndicats d’enseignants eux-mêmes, sous le contrôle des militants de la « gauche »,
poussèrent à une radicalisation du mouvement. Le rapprochement entre les partis clandestins

319 Georges R Mertens, « Les relations professionnelles et l’évolution politique au Sénégal »,
Genève, Institut International d’Etudes Sociales, 1983, pp. 58.

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de gauche et les syndicats enseignants et ouvriers, favorise les émeutes urbaines, comme celle
qui éclata dans le campus universitaire le 27 mai 1968.
La dynamique de libéralisation démocratique de l’espace public a plus profité aux
partis d’opposition. Les rares organisations syndicales reconnues sont généralement affiliées à
des partis politiques. Par exemple, la CNTS (Confédération Nationale des Travailleurs du
Sénégal) était une composante du PS320. Elle revendiquait un « syndicalisme de contribution
et de développement ». L’opposition était perçue comme une forme de subversion. La
jeunesse de l’Etat sénégalais et la fragilité de la construction de l’identité nationale et du
développement, nécessitaient une adhésion à l’idéologie du parti unificateur.
L’UTLS (Union des Travailleurs Libres du Sénégal), syndicat fondé en 1975, était
aussi un prolongement du PDS321. Enfin, les syndicats estudiantins étaient aussi très proches
des membres de l’opposition marxiste, du temps de Senghor. Par ailleurs, les intellectuels ont,
pour la plupart, été intégrés dans le système clientéliste mis en place par l’Etat-PS. Beaucoup
d’intellectuels ont été cooptés. Ils ont constitué des mouvements de soutien électoral (exemple
du Groupe de rencontres et d’échanges pour un Sénégal nouveau-GRESEN).
D’ailleurs, les émeutes violentes qui eurent lieu à Dakar et dans les autres villes,
constituaient des contestations du pouvoir en place et des adhésions à la cause de l’opposition.
La violence était telle que « l’état d’urgence » fut décrété. L’ébullition était telle que la police
était débordée. L’armée fut appelée à la rescousse. L’Etat décida d’instaurer le « couvre-feu ».
Naturellement, le PDS et les autres membres de l’opposition ont mis la pression sur le PS. Ils

320 Le syndicat bénéficiait de deux postes ministériels et de 10% des sièges à l’Assemblée Nationale.
321 Un des dirigeants de ce syndicat, Puritain Fall, fut élu député sur la liste du PDS.

P a g e | 337

réclamèrent la démission du Président de la République et de son puissant secrétaire général.
La légitimité politique du PS était remise en cause et l’Etat fut en quelque sorte fragilisé.
Au cours des années 2011 et 2012, le Sénégal a connu une vague de contestations
contre la candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle. Le 23 juin 2011, des
manifestations devant le parlement réclamèrent le rejet du projet de loi portant instauration de
la vice-présidence et de l’élection au suffrage universel du Président de la République avec
25% des suffrages exprimés. Elles ont débouché sur des actes de violences qui ont touché
certains responsables libéraux.
Illustration 7 : les émeutes de la faim à Dakar (source seneweb)

Illustration 8 : manifestations du M23 devant l’Assemblée nationale à Dakar le 23 juin
2011.

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Illustration 9 : émeutes à Dakar lors du 23 juin 2011.

P a g e | 339

Cette vague de contestations a débouché sur la naissance du « Mouvement du 23
juin » (M23). Ce mouvement cristallise principalement toutes les critiques et les frustrations
sociales contre le régime libéral. Le coordonnateur du « M23 », Alioune Tine, fait le récit de
son avènement.
« Tout est parti le 16 juin au soir. J’ai d’abord eu l’appel téléphonique de Dr Cheikh
Tidiane Gadio, alors que j’étais à Genève où je devais présenter notre rapport sur les
50 ans d’indépendance aux Nations-Unies. Il m’a dit, Alioune, il y a un projet de
réforme de la constitution avec un ticket permettant d’élire un président et un vice-
président avec 25% des suffrages exprimés. Si ça passe, la dévolution monarchique du
pouvoir est entérinée. Arrivé à Lisbonne, j’ai commencé à appeler des gens (…). Un

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petit comité est alors monté. Suit une conférence de presse le 18 juin à notre siège. Le
lendemain, le 19, c’était le grand assaut (…) »322.

Contrairement aux années passées, les partis politiques sont concurrencés dans le
contrôle, la maîtrise et le pilotage des mobilisations sociales. La société civile est devenue
beaucoup plus forte. Le rôle prépondérant d’Alioune Tine dans la mise sur pied d’un « front
anti-Wade » en est l’illustration. Il finit même par être le coordonnateur du « M23 ».
L’organisation compte un nombre conséquent de syndicalistes, de mouvements
citoyens, d’intellectuels, d’universitaires, d’association des droits de l’homme… Le regain
d’intérêt de la société civile oblige, dans un premier temps, les partis politiques à accepter de
rallier le mouvement et de cohabiter avec les composantes de la société civile.
A sa naissance, le mouvement comptait plus de cent cinquante partis politiques. Il y
avait un véritable assaut des politiciens sur ce mouvement. Naturellement, cette présence des
partis politiques s’expliquait par leur volonté d’instrumentaliser une dynamique contestataire
pour faire pression sur le PDS. C’était une véritable aubaine politique, pour une opposition
qui peinait, depuis cinq ans, lors de la première réélection de Wade en 2007, à rallier à sa
cause la majorité des Sénégalais. Abdoulaye Wade était sorti largement vainqueur au premier
tour de l’élection présidentielle de 2007. Les rapports de force étaient donc très défavorables à
l’opposition.

322« Naissance du M23. Du coup de file de Gadio au réflexe d’Alioune Tine » (En ligne), 2013,
consulté le 14 octobre 2013 à 18h05. URL :http://www.enquêteplus.com/

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Pourtant, le mouvement voulait se différencier des logiques partisanes et factionnelles.
Le « M23 » souhaitait demeurer une organisation de veille républicaine et pacifique. Dans le
texte qui définit le statut du mouvement, il était mentionné :

« Le M23 est un mouvement pacifique et indépendant de la défense de la constitution,
de la forme républicaine de l’Etat et de surveillance du processus électoral, pour la
tenue d’élections libres et transparentes au Sénégal. (…) L’objectif principal du M23
est d’empêcher par des moyens constitutionnels et pacifiques, la participation du
président sortant Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle du 26 février 2012 ».323

Pour échapper à l’emprise des hommes politiques sénégalais, une frontière était tracée
entre une « composante politique » et une « composante civile » au sein du mouvement. Cela
correspondait plus ou moins à l’idéologie de la société civile. Celle-ci reposait sur une
conception libérale, distinguant la sphère publique et la sphère privée, la sphère du pouvoir
et celle du social.324
Mais, cette ambivalence était plutôt porteuse de contradictions, facilitant l’emprise du
politique. En effet, la cause du « M23 » se rattachait au pouvoir. La « défense de la
Constitution » constituait un enjeu politique majeur. Il s’agissait du cadre institutionnel qui
organisait la compétition politique et l’exercice du pouvoir. Il semblait donc difficile, tout en

323 www.m23.org/ consulté le 14 octobre 2013 à 18h12 .
324 René Otayek, « Démocratie et société civile. Une vue du Sud », in Revue internationale de
politique comparé e, vol 9, n° 2, 2002, pp 193-212.

P a g e | 342

revendiquant un statut « apolitique », d’inscrire la revendication dans le domaine du pouvoir
politique.
S’il y avait plus ou moins un consensus politique et social sur la forme républicaine de
l’Etat, il n’en était pas de même sur ce qui, objectivement, menaçait le caractère
constitutionnel de l’Etat ou sa qualité d’Etat de droit. Sur cette question, l’évocation de la
défense de la forme républicaine de l’Etat renvoyait implicitement au débat politique sur les
pratiques visant à instrumentaliser la Constitution et sur l’intention prêtée à Abdoulaye Wade
d’effectuer une dévolution monarchique du pouvoir au profit de son fils Karim Wade.
L’opposition a construit une partie de sa campagne électorale sur le thème de la
« monarchisation de l’Etat ». Elle a réussi à transformer un discours de propagande électorale
en revendications populaires. Le « M23 », dans un effet d’entraînement, a adhéré au discours
partisan.
Le Président Abdoulaye Wade répond à ses détracteurs en qualifiant les rumeurs de
médisance et ajouta: « Je suis moi-même arrivé au pouvoir par les urnes et je n’envisage pas
un autre moyen de dévolution du pouvoir. J’exclus totalement de mes préoccupations toute
volonté de dévolution monarchique du pouvoir ».
Son fils, Karim Wade, confirma les dénégations de son père. Il affirma : « Et je le
répéterai aussi longtemps que cela sera nécessaire : c’est une insulte aux Sénégalais

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d’évoquer un plan de dévolution monarchique. Un tel plan n’a pas été, n’est pas et ne sera
jamais dans les intentions du président et de moi-même ».325
On ne saura jamais de façon certaine si l’opposition avait raison d’affirmer que Wade
préparait une dévolution monarchique du pouvoir, tout comme il semblait impossible de
cautionner les dénégations du pouvoir. Il n’y a donc aucune preuve qui peut étayer l’évidence
du projet de monarchisation de la république. L’idée « d’inconstitutionnalité » de la
candidature d’Abdoulaye Wade fut destinée à capitaliser politiquement l’hostilité d’une partie
de l’électorat sénégalais. L’irrecevabilité de la candidature d’Abdoulaye Wade n’est pas une
évidence comme l’opposition voudrait le faire croire. Deux arguments confortent cette idée.
D’abord, pour le Professeur Babacar Guèye : « il arrive souvent qu’on se rende
compte, lorsque les évènements se précipitent, et à l’épreuve de la pratique, que telle
disposition aurait dû être rédigée d’une autre manière »326. Le Professeur Isaac Yankhoba
Ndiaye, Vice-président du Conseil constitutionnel, réfuta les arguments de l’opposition
relatifs à la rétroactivité de la loi constitutionnelle et à la valeur interprétative de la parole du
Président de la république qui avait déclaré en 2007 que la constitution ne l’autorisait pas à
avoir un autre mandat.

325 Sur les réactions de Wade et de Karim Wade, cf. « Sénégal : Wade entre concession et
provocation », in Paris Match (En ligne), 2012, consulté le 14 octobre 2013 à 17h59.URL :
http://www.parismatch.com/
326 Extrait de l’entretien accordé à Amadou Diaw, auteur du documentaire télévisé « Conseil
constitutionnel : les carnets secrets », diffusé sur la « Tfm » le 25 mars 2014.

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« S’il fallait évacuer la recevabilité de la candidature du Président Abdoulaye
Wade, il aurait fallu le préciser. Il aurait fallu dire que, bien que le mandat en
cours soit régi par la constitution de 1963, on (les rédacteurs de la constitution
de 2001) le comptabilise. (…) Si on doit évoquer l’esprit, c’est que la règle
n’est pas claire. Une doctrine (…) n’a pas de pouvoir de décision . Même la
parole du Président de la république ne peut pas nous lier (…). Si on raisonne
par l’absurde, le Président de la république peut dire ce qu’il veut, on dit
comme c’est lui qui l’a dit, donc c’est vrai. On est des juristes, on rend des
décisions. Cela ne peut pas plaire à tout le monde ».327

L’intrusion du « M23 » dans les stratégies politiques de l’opposition ne s’est pas
limitée à la question de la « dévolution monarchique du pouvoir » et à
« l’inconstitutionnalité » de la candidature de Wade. Le mouvement s’est également impliqué
dans les stratégies de construction des alliances électorales qui constituent normalement le
domaine réservé des hommes politiques.
Ainsi, les difficultés rencontrées pour mettre sur pied la coalition « Beno Siguil
Sénégal » (Union pour le redressement du Sénégal) ont conduit le M23 à lancer « un appel à
l’unité et à la mobilisation », dans la soirée du 6 décembre 2012. Cet appel urgent devait
éviter que la rivalité entre Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse ne fragilise la fronde
contre la candidature d’Abdoulaye Wade.

327 Ibid.

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Le poids des partis de « Beno » dans le mouvement était considérable et l’échec des
négociations risquait de faire voler en éclat le consensus au sein du M23. Contrairement aux
déclarations d’intention en faveur d’une « dépolitisation » du M23, ce mouvement devrait
essentiellement défendre des valeurs « républicaines ». La réalité indique une mainmise des
partis politiques. L’agenda du « M23 » était celui des partis politiques.
Dans cette veine, l’opposition a su se servir du « M23 » comme d’une tribune
partisane. Des partis politiques engagés dans l’élection présidentielle ont utilisé le label du
M23 dans la campagne électorale. En effet, Idrissa Seck, Cheikh Bamba Dièye, Ibrahima Fall,
Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng ont organisé à Dakar et dans les autres régions
des meetings, dédiés à la cause du M23. D’ailleurs, on pouvait noter la présence d’Alioune
Tine dans ces manifestations.
Les trois premiers nommés se sont particulièrement illustrés. Ils ont systématiquement
tenu toutes leurs réunions électorales à Dakar avec l’onction du M23. Leur décision de
manifester à la place de l’Obélisque, décision contre laquelle le pouvoir libéral s’est opposé, a
provoqué de nombreuses violences préélectorales. La campagne électorale devint comme une
course poursuite et une guérilla de rue entre militants et sympathisants de l’opposition et
forces de l’ordre. Cette situation a perduré jusqu’à la veille de l’élection, semant le trouble et
le désordre.
La violence des partis socialiste et libéral au pouvoir était très différente de celle des
partis d’opposition en situation de crise. La violence du pouvoir obéissait à des logiques de
survie et de gestion de la crise. Les crises comportaient trois contraintes majeures : l’existence
d’une menace, l’urgence d’une solution et la surprise qui frappait les autorités politiques. Ces

P a g e | 346

contraintes précipitaient la répression du parti au pouvoir. Celle-ci gagnait en intensité à cause
des moyens déployés et des enjeux politiques.
L’existence d’une menace politique clairement identifiée était un élément fondamental
pour comprendre le déclenchement de la répression policière. La menace pouvait être
objective ou subjective. La première désignait l’identification d’un fait, d’une réalité qui
mettait en danger les intérêts vitaux de la classe dirigeante. La seconde, renvoyait à des
perceptions, à des constructions, par lesquelles les dirigeants considéraient telle chose ou telle
personne comme des obstacles à la réalisation de leur volonté politique. Ces deux formes de
menaces s’interpénétraient mutuellement.
Quelle que soit d’ailleurs la forme que prend cette menace, elle suscite toujours un
instinct d’auto-préservation. Il y a une séparation entre les « amis » et les « ennemis ».328
L’ami désigne l’individu qui est resté « loyal » au pouvoir. L’ennemi est celui qui a fait
l’option de la « prise de parole »329. L’ennemi peut être le journaliste ou l’opposant qui
critique l’action politique gouvernementale. Le pouvoir pointe un doigt accusateur sur ceux
qui « politisent » les souffrances sociales. Ils ne seraient pas de vrais patriotes.
Par exemple, lors des émeutes successives du 23 juin et du 27 juin 2011, le Président
de la République, Abdoulaye Wade, a accusé l’opposition sénégalaise de s’être alliée avec les
« bandes de chômeurs désœuvrés et de criminels » issus de la banlieue dakaroise, pour semer
le désordre. Dans le cadre des émeutes sociales et scolaires de 1968, le Président Senghor
dénonça la « déviation de la mission syndicaliste » et accusa l’opposition de collusion avec

328 Carl Schmitt, La notion de politique. Théorie du partisan , Paris, Calmann-Lévy, 1972.
329 Albert. O. Hirschman, Exit Voice and Loyalty. Responses to Decline in Firms, Organizations, and
states. Harvard University Press Cambridge, Massachusetts and London, England, 1970.

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des forces étrangères pour déstabiliser le pays. Il fallait une action vigoureuse pour endiguer
ces « graves menaces nationales ».
L’urgence qui découlait du déclenchement des crises, favorisait aussi la répression
policière. En effet, il existait une contrainte de temps pour les dirigeants. Les crises
manifestaient des problèmes complexes et structurels très aigus. Ces problèmes ne pouvaient
pas être résolus à moyen terme. Les solutions proposées étaient provisoires.
Les ressources institutionnelles étaient souvent très lourdes à mettre en œuvre. Leur
efficacité n’était perceptible qu’après quelques mois ou quelques années. Les manifestants
n’étaient pas prêts à faire des concessions au pouvoir. Dans cette situation, l’option de la
répression était prioritaire dans le répertoire d’action des dirigeants. La violence devenait une
nécessité. La ligne de conduite du pouvoir se radicalisait subitement et s’appliquait contre les
manifestants.
La gestion des émeutes contre les délestages constituait une parfaite illustration. En
effet, le gouvernement n’était pas disposé à résoudre dans l’immédiat le problème. Les
concertations menées au plus haut niveau de l’Etat ont abouti à l’adoption du « plan
Taakal »330. Ce plan préconisait la location de centrales électriques. Cette mesure n’a pas
permis d’améliorer la situation. Au mieux, le régime promettait une solution en septembre
2011. Le délai semblait trop long pour des populations exacerbées par les délestages.
Le gouvernement d’Abdoulaye Wade a aussi éprouvé beaucoup de difficultés pour
gérer les « émeutes de la faim ». Les populations étaient exaspérées par l’inflation
économique qui érodait leur pouvoir d’achat et les rendait plus vulnérables à la pauvreté.

330 Littéralement cela signifie en français « lumière ».

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Mais, les solutions à ce problème étaint structurelles et passaient nécessairement par une
réforme profonde des politiques agricoles et des habitudes de consommation. Chose
impossible à réaliser dans le court terme. Dans l’immédiat, le gouvernement restait impuissant
pour résoudre le problème.
La nature brusque et imprévue des crises renforce cette radicalisation politique.
L’impréparation de la classe dirigeante engendre une panique généralisée du pouvoir qui tente
de faire face par la répression. Abdoulaye Wade a fait un aveu sur les manifestations du 23
juin et celle du 27 juin 2011, qui confirme cette impréparation du pouvoir. Devant des
membres du gouvernement et des élus libéraux, il concède :

« Nous avons été surpris par les violences des 23 et 27 juin et nous ne pensions
nullement que le mécontentement puisse pousser certains de nos compatriotes à user
de la violence. Nous avions commis une erreur d’appréciation. (…) Nous sommes
maintenant avertis (…) » .

Le Président Senghor était aussi surpris par les émeutes de mai 1968. Dans un
entretien accordé à la « Radio France Internationale » (RFI), Bara Diouf, ancien conseiller de
Senghor, fondateur du quotidien « Le Soleil » en 1970, déclarait :

« Mai 68 au Sénégal a été pour lui (Senghor) un coup de semonce. J’en ai la preuve,
parce que j’en discutais souvent avec le Président Senghor. (…) La préparation du

P a g e | 349

festival mondial des arts nègres lui a pris beaucoup de temps. Il n’a pas eu
véritablement le temps de s’occuper directement du Sénégal. (…) Il a oublié le peuple
qui avait besoin de pain, de sucre, de lait. Et donc mai 68 a explosé comme une bombe
à laquelle il ne s’attendait pas ».331

Diouf aussi avait été surpris par l’agressivité des jeunes Thièsois le 26 février 1988 et
par la détermination de l’opposition qui l’avait hué devant le palais Bourbon en France en
1998332. Le pouvoir politique finit par installer ses occupants dans un confort qui faisait croire
que la solution aux problèmes était toujours facile. Par conséquent, on ne voit pas venir les
crises. Pourtant, le parti majoritaire qui exerce le pouvoir, dispose des Renseignements
Généraux (RG) pour détecter les risques de tension sociale et politique.
Abdoulaye Wade a bénéficié d’un capital sympathique important. Il s’est présenté
comme l’homme de l’alternance, celui qui incarnait l’aspiration populaire au changement
politique (Sopi). Son premier mandat (2000-2007) s’est déroulé dans un « état de grâce »
permanent. Sa réélection en 2007 dès le premier tour, dans un contexte de précarité sociale,

331 Interview donné le 30 mai 2008 dans le cadre de l’émission « La marche du monde », diffusée sur
« RFI ».
332 Abdou Diouf était le premier africain subsaharien à être l’invité du parlement français pour
s’exprimer. L’évènement était donc symbolique et inédit. Abdou Diouf jusqu’ici bénéficiait d’une
bonne image au plan international. Il était perçu comme un démocrate et un réformiste. L’opposition
qui ne l’entendait pas de cette oreille, a envoyé une délégation en France. Elle a organisé une
manifestation devant le parlement et une série de conférences, pour dit-elle, montrer le vrai visage
d’Abdou Diouf. Visiblement très affecté lors de son retour à Dakar, ce dernier déclara avoir été surpris
par la haine qui animait ses adversaires politiques.

P a g e | 350

avait étonné certains observateurs. Toutes les marques d’affection et de soutien renforçaient le
sentiment de confort du fauteuil présidentiel. C’est pourquoi, tout s’effondra lorsque les crises
survinrent, se manifestant par des insurrections sous la houlette de l’opposition.
Abdou Diouf, qui a succédé au Président Senghor en 1981, a eu un mandat plutôt
tranquille. Hormis le conflit casamançais qui a éclaté en 1982, l’espace politique sénégalais
était globalement pacifié. Cependant, la contestation sociale était latente. La libéralisation
intégrale de l’espace politique et social initiée par Diouf, a permis, dans un premier temps,
d’apaiser les tensions sociales. Parallèlement, Diouf a hérité d’un appareil politique (PS) fort
et dominant. Le climat politique fut globalement détendu et propice au pouvoir, en dépit de la
mise en œuvre des Politiques d’Ajustement Structurel (PAS). L’ampleur des émeutes de 1988
a beaucoup surpris Abdou Diouf.
Dans ces conditions particulières, le réflexe du pouvoir consista à réquisitionner les
forces de l’ordre en vue d’endiguer les protestations. La répression policière était massive et
généralisée. Elle n’épargnait ni les dirigeants de l’opposition ni les citoyens. Elle était parfois
aveugle et entraînait une escalade de la violence. Le dialogue politique était relégué au second
plan. La priorité était aux affrontements dans la rue.
Pour résister à la vague de contestations, le pouvoir déployait des moyens importants :
mobilisations massives de forces de l’ordre, utilisation de grenades, de véhicules avec canons
à eau, « armes de neutralisation momentanée» conçues spécialement pour frapper d’incapacité
les personnes, tout en diminuant le risque mortel.
La police sénégalaise est souvent pointée du doigt pour sa propension aux tirs de
courte distance sur les manifestants. Par exemple, durant les manifestations préélectorales de
2012, un policier, filmé par la « Télévision Futurs Médias », a tenté de tirer un projectile

P a g e | 351

directement sur le candidat Ibrahima Fall. L’homme politique fut sauvé par ses gardes du
corps et ses militants. Il a dû se rendre à l’hôpital pour des soins. Dans certaines
circonstances, les policiers font face à des foules de plus en plus hostiles. Il arrive très souvent
que les forces de l’ordre usent d’armes à feu.

Illustration 10: des policiers armés en position de tir.

Illustration 11 : arrestations d’émeutiers à Dakar.

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La violence cherchait à préserver vaille que vaille les intérêts vitaux de la classe
dirigeante. Il fallait porter un coup fatal à l’adversaire pour le contenir et l’affaiblir. Lors de la
manifestation de l’opposition sur la place de l’Obélisque, Mamadou Diop perdit la vie. On
accusa le véhicule avec Canon à eau, dénommé « Dragon », d’avoir fauché mortellement le
jeune manifestant. Le Ministre de l’Intérieur évoqua un « banal accident de la circulation ».
Dans la ville de Podor, deux civils furent tués par balle par des gendarmes. Une
manifestation organisée par des jeunes du M23, le lundi 30 janvier 2012, se termina dans le
sang. Mamadou Sy et une sexagénaire furent tués. Toutes les manifestations furent
systématiquement réprimées. En plus des policiers, des hommes en civil, encagoulés, armés
de fusils à pompe et circulant à bord de véhicules 4X4 banalisés, pourchassaient les
manifestants.

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Les dirigeants de l’opposition ne furent pas ménagés. Ibrahima Fall, candidat à
l’élection présidentielle, fut victime de la répression policière. Il reçut une grenade
lacrymogène. Cheikh Bamba Dièye, candidat du Front pour le Socialisme et la
Démocratie/Benno Jubel (FSD/BJ), fut arrêté le 17 février 2012, pendant quelques heures.
Ibrahima Sène, responsable du PIT a subi les foudres de la violence policière. Idrissa Seck,
candidat de la « coalition Idy 4 Président » , a été la cible de tirs de grenades lacrymogènes.
Les émeutes du 23 juin à Dakar ont fait une centaine de blessés graves parmi les
manifestants et treize blessés dans les rangs des policiers selon une source policière cité
par l’Agence Presses Sénégalaises (APS).
L’ampleur de la répression policière amena les associations des droits de l’homme à
critiquer le PDS. Dans un communiqué conjoint paru dans la presse sénégalaise, la Fédération
Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), la Rencontre Africaine pour la Défense des
Droits de l’Homme (RADDHO ), l’Organisation Nationale des Droits de l’Homme (ONDH),
la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH), condamnent le bilan de Wade :

« Les libertés publiques ont également souffert de restrictions. Des manifestations ont
été interdites de manière illégale comme celle que souhaitait organiser la RADDHO
en décembre 2010 et encore dernièrement le 15 février 2012, et parfois réprimées,
comme celles du M23 de juin 2011 et du mouvement Y’en à marre. Le 16 février 2012,
par un usage disproportionné de la force par les forces de sécurité, des arrestations
arbitraires et des mauvais traitements sont effectués. A contrario, les violences
perpétrées contre les manifestants du M23 et de Y’en marre par des nervis du régime
ou des sympathisants du parti au pouvoir n’ont jamais fait l’objet d’enquête » .

P a g e | 354

Au total, un rapport d’étude sur les violences dans la période du 16 au 25 février
2012333, publié par le Réseau d’Observation Citoyenne (RESOCIT) et Goree Institute, a
épinglé les forces de sécurité. Pas moins de trente-neuf incidents graves en dix jours. Ces
violences furent concentrées dans les régions de Dakar qui compta dix-neuf cas d’incidents
(soit 48,7%) et de Thiès qui enregistra onze cas (soit 28,2%).
Il y eut des destructions de propriétés (33%), des affrontements entre groupes de
personnes (24%), des agressions physiques (24%) et des homicides (5%). Les principaux
auteurs sont des policiers (27%). Les victimes sont majoritairement les membres des partis
politiques (46,3%).
La répression policière s’est aussi manifestée lors des émeutes de la faim qui ont éclaté
au cours de l’année 2008. Le 23 décembre 2008, des jeunes de la ville de Kédougou
manifestèrent pour exprimer leur colère. Les manifestants se sont affrontés violemment avec
les forces de l’ordre. Ces dernières ont tiré à balles réelles dans la foule, faisant un mort et
plusieurs blessés graves.
Fin mars 2008, plusieurs associations de consommateurs initièrent une manifestation
contre « la vie chère », devant les locaux de la télévision « Walf Tv ». La manifestation
interdite, regroupait une centaine de personnes et des membres de l’opposition. Il y avait entre
autres Ousmane Tanor Dieng, Talla Sylla, Ali Aidar, Madior Diouf.
La manifestation a été durement réprimée par la police devant les caméras de la
télévision. Il y eut des jets de grenades lacrymogènes et de pavés. La foule qui s’est grossie,
s’est dispersée dans les ruelles des quartiers de Khar Yalla et de Derklé, tout en continuant à

333 Disponible sur le site web : www.leral.net/ consulté le 15 octobre 2013 à 22h44.

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brûler des pneus. Devenue maîtresse des lieux, la police a procédé à des arrestations
spectaculaires parmi les manifestants.
La répression policière des émeutes de mai 1968 fut aussi brutale. Les manifestations
du 28 mai 1968 furent importantes. Elles regroupèrent plus de trente mille personnes,
soutenant les étudiants. Il y eut un mort et quatre-vingts blessés. Six cents étudiants furent
internés dans un camp militaire, jusqu’à la date du 9 juin. Les étudiants étrangers furent tous
expulsés du pays et trente-cinq mille personnes furent arrêtées par les forces de l’ordre.
Le mouvement d’humeur qui grandissait, inquiétait les autorités qui donnèrent le feu
vert à l’armée de tirer sur les manifestants. C’était au mois de juin 1968. L’armée française
qui était mobilisée, occupait les points stratégiques dans la capitale sénégalaise, à savoir
l’aéroport international et le palais présidentiel. Des dirigeants syndicalistes et des hommes
politiques furent mis en « résidence surveillée ». Certains manifestants ont été enrôlés de
force dans l’armée, d’autres furent forcés à l’exil.
La torture policière avait causé des blessures graves. Dans un communiqué publié le
27 février 1994, la RADDHO a dénoncé « le recours systématique à la torture pour
l'extorsion d'aveux ».
La torture a, vraisemblablement, provoqué la mort du détenu Lamine Samb, un
professeur d'arabe, âgé de 32 ans et membre de l’opposition. Arrêté à son domicile, le 17
février 1994, grâce aux renseignements fournis par un autre détenu, Lamine Samb a été

P a g e | 356

conduit à la Division des Investigations Criminelles (DIC), à Dakar334. Deux jours plus tard, il
sombra dans le coma. Conduit à l'hôpital principal de Dakar, il est décédé peu après.335
Les traumatismes engendrés par les luttes violentes pour le pouvoir constituent le
signe le plus évident du processus de radicalisation de la violence physique.

PARAGRAPHE 2/ Les traumatismes de la violence partisane.

Les nombreuses violences partisanes qui ont jalonné l’histoire politique du Sénégal
ont fait beaucoup de victimes. Ces victimes sont souvent restées dans l’anonymat. Certes, leur
sort a ému une partie de la classe politique sénégalaise. Mais, il y a eu jusqu’ici, une sorte
« d’amnésie populaire » qui empêche la visibilité sociale et politique des victimes.
Au Sénégal, les victimes des violences partisanes souffrent beaucoup plus du
sentiment d’impunité qui couvre les auteurs des violences partisanes. L’impunité336 ne permet
pas d’engager la responsabilité pénale. Elle favorise la poursuite des violences. Selon le

334 Source Amnesty International.http://www.amnesty.org/ consulté le 23 mars 2014 à 00h 34.
335 Source Amnesty International.http://www.amnesty.org/ consulté le 23 mars 2014 à 00h 34.
336 La loi d’amnistie de 2005 couvre le personnel de police et de sécurité impliqué dans des « crimes
politiques », sauf pour les personnes ayant commis des assassinats « de sang-froid ».

P a g e | 357

rapport du Département américain sur les droits de l’homme au Sénégal, il n’y a eu en 2007
aucune poursuite judiciaire contre les auteurs de violence (policiers, gendarmes et acteurs
politiques) impliqués dans des bavures et dans des meurtres politiques.
Les violences survenues lors de l’élection présidentielle de 2012 ont renouvelé le
regard des hommes politiques et de la société sur les victimes de la violence. En effet, les
victimes des violences électorales se sont constituées en association dénommée « Collectif
des victimes et familles de victimes des violences pré-électorales ». Cette association
bénéficia du soutien actif des organisations sénégalaises des droits de l’homme, telles que la
RADDHO, Amnesty Sénégal, la FIDH… Le collectif a commis Me Assane Dioma Ndiaye
comme avocat. Un comité des victimes des violences pré-électorales a été mis sur pied. Il est
dirigé par Madame Rokhiatou Gassama.
Cette visibilité sociale et politique des victimes fut un facteur important qui a permis
d’éclairer leurs revendications. Les propos tenus par la présidente du « collectif des victimes
et familles de victimes des violences pré-électorales », formulèrent deux sortes de
revendications : la « reconnaissance » et la « réparation » des préjudices physiques et moraux
subis. En effet, elle déclara :
« Pour nous, le droit des victimes c’est déjà l’accès équitable à la justice. Nous
demandons une réparation adéquate et rapide des préjudices subis par chaque victime
(…). J’aimerais interpeller, au nom des familles des victimes, le chef de l’Etat, les
autorités, pour que justice soit faite. Parce que nous avons attendu deux ans. Ce sont
deux années de frustrations enregistrées par les familles, qui n’ont connu aucun répit
par rapport à ce combat et nous avons l’impression que l’Etat fait de cette frustration
une banalité. L’appel est aussi de dire à la justice de faire son travail. Car il y a des

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familles qui disent que même si on ne les indemnise pas, que justice soit au moins
faite. C’est pour cela que nous interpellons, le chef de l’Etat, le Premier Ministre, le
Ministre de la justice, les parlementaires, pour leur rappeler un fait important. Hier,
c’était eux qui étaient ciblés et les gens se sont battus et ont payé à leur place. Il ne
faut pas que l’Etat soit amnésique de cette situation ».337

Le concept de « reconnaissance » permet de comprendre les effets des violences
partisanes sur les individus et leur identité. Les individus ne sont pas d’emblée, à leur
naissance, des sujets déjà constitués d’une liberté, d’une rationalité, d’une moralité. Ces
sphères de notre identité personnelle sont progressivement constituées dans notre trajectoire
propre338.
Reconnaître, c’est identifier, mais aussi accorder de la valeur à un individu. Les
relations de reconnaissance structurent les identités personnelles dans leurs dimensions à la
fois affective, morale et politique. Les relations de reconnaissance se manifestent dans trois
domaines distincts : les relations familiales qui produisent l’identité affective, le droit qui
définit les individus comme des citoyens titulaires d’obligations, le social qui dote les

337 Interview de Rokhoyatou Gassama parue dans : http://www.sudonline.sn/ consulté le 28 août
2014 à 17h 22.
338 Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, grammaire morale des conflits sociaux , Paris,
Cerf, 2000.

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individus de compétences spécifiques. Ces trois sphères produisent la « confiance en soi », le
« respect de soi » et « l’estime de soi »339.
Le sujet se construit dans des relations de reconnaissance et dans l’interaction. En
effet, une personne peut se sentir blessée dans les relations familiales, sociales et politiques,
où elle fait l’expérience d’un déficit, d’une dévalorisation et d’une perte d’identité.
Parallèlement, une personne peut rendre vulnérable d’autres personnes, en les privant de la
reconnaissance à laquelle elles aspirent Il existe ainsi des « ratés de la reconnaissance » , des
« expériences sociales du mépris » , des « dénis de reconnaissance ».340
Ces dénis de reconnaissance permettent de comprendre les violences partisanes. Les
violences partisanes sont des dénis de reconnaissance touchant l’identité affective et
corporelle du sujet. Les atteintes au corps se manifestent par des douleurs physiques.
Les victimes demandent une réparation auprès des institutions qui défendent et
protègent la reconnaissance sociale de l’individu comme les tribunaux, les instances de justice
et de sécurité sociale. Les institutions sont des lieux privilégiés où les blessures physiques et
morales peuvent être réparées, en prenant en compte les contextes de production des violences
partisanes. Les institutions politiques et judiciaires sont saisies par les victimes pour obtenir
réparation des préjudices subis, des dommages causés, des traumatismes de la violence
imposés.

339 Ibid.
340 Cf. Axel Honneth, La société du mépris. Vers une nouvellethéorie critique , Paris, La Découverte,
2006.

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Juger les auteurs des violences partisanes se heurte à plusieurs obstacles, comme les
lenteurs judiciaires dénoncées par le collectif des victimes en ces termes :
« Quant à la procédure judiciaire, elle doit aller jusqu’à terme et elle est non
négociable. Les personnes présumées coupables des exactions, quel que soit leur
statut, doivent être poursuivies jusqu’au bout. A ce niveau, nous interpellons l’Etat du
Sénégal, parce que les dossiers qui ont été déposés, jusqu’à présent, n’ont pas suivi le
rythme qu’on attendait, même si nous savons que la justice est lente. Cela fait deux
ans et les familles ruminent leur colère et leur angoisse sur le fait qu’elles n’ont
aucune information leur prouvant que les personnes auteurs des faits sont identifiées.
Il n’y a pas eu de reconstitution des faits et pour cela, je peux vous servir des éléments
clés par rapport à chaque dossier du collectif ».

Ces lenteurs judiciaires traduisent parfois un manque de volonté politique pour la
« manifestation de la vérité juridique ». Selon le collectif, les autorités sénégalaises feraient
preuve « d’une volonté manifeste de ne pas instruire les dossiers »341. Les victimes ont déposé
une plainte contre l’Etat du Sénégal auprès de la Cour de la Communauté Economique Des
Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La plainte a été déclarée recevable. Le collectif a
aussi menacé de saisir le comité des Nations Unies contre la torture.
Les hésitations de l’Etat sénégalais à engager des actions judiciaires s’expliquent par
les statuts administratif, politique et social des personnes auteurs des violences partisanes.
L’Etat ne se presse pas de traduire en justice des officiers de la police.

341 Propos tenus par Me Assane Dioma Ndiaye, avocat du collectif des victimes.

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Cette réticence de la classe dirigeante sénégalaise est une constante historique. Le
pouvoir est gêné de traduire en justice des policiers gradés qui ont agi sur un ordre politique
de répression violente. La question est très sensible.
Lorsque des magistrats veulent entendre des membres des forces de sécurité, ils se
heurtent souvent à la non-délivrance par les autorités politiques d’un « ordre de poursuite ».
Aux termes de l’article 60 du code de justice militaire, pour qu’un magistrat puisse
auditionner un membre des forces de sécurité soupçonné de violations de droits humains, il
doit obtenir au préalable un « ordre de poursuite » délivré par le Ministère de l’Intérieur (dans
le cas des policiers) ou par le Ministre de la Défense (dans le cas des gendarmes et des
militaires). Le ministère de tutelle peut refuser ou retarder sans aucune justification ces
autorisations. Cette attitude bloque toutes poursuites à l’encontre des policiers.
Par exemple, les nouvelles autorités politiques sénégalaises ont refusé
systématiquement d’accéder à la demande du collectif des victimes de délivrer l’ordre de
poursuite contre le commissaire de police Arona Sy. Actuellement en poste au ministère de
l'intérieur, il était chef du commissariat central de police de Dakar, lors des manifestations
préélectorales de début 2012. Une dizaine de personnes sont mortes dans ces manifestations.
M. Sy est reçu à un concours et devait ainsi participer à une mission des Nations Unies
au Darfour. Selon le « Mouvement du 23 Juin » (M23), Arona Sy pourrait échapper à la
justice sénégalaise. L’avocat des familles des victimes des violences préélectorales au
Sénégal, Me Abdoulaye Tine, soutient qu'en vertu de « l'article 101 » de la Charte des Nations
Unies, le commissaire de police Arona Sy, mis en cause dans des violences policières, ne peut
pas participer à une mission onusienne. Très en colère contre le commissaire Arona Sy, Me
Tine a déclaré à l’APS que :

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« L’article 101 stipule que les personnes travaillant pour l’Organisation [des Nations
Unies] doivent posséder les plus hautes qualités de travail, de compétence et
d’intégrité (…) M Arona Sy n’est pas en situation d’être membre d’une mission de
paix des Nations Unies (…) A l'évidence, Monsieur Sy s'est illustré dans un passé très
récent par l’emploi de méthodes et de techniques de maintien d’ordre assez violentes
(…) De tels agissements sont par nature incompatibles aux buts, aux principes et aux
idéaux des Nations Unies, notamment, le respect de la dignité humaine en toute
circonstance et en tout lieu ».

Le statut et la représentativité politique des auteurs des violences partisanes peuvent
aussi rendre la tâche difficile à la justice. Que l’on soit allié ou adversaire du pouvoir, élu ou
non-élu, responsable politique ou militant, le traitement judiciaire peut différer d’un cas à un
autre.
Les nombreux affrontements et rixes qui opposent les adversaires appartenant au parti
au pouvoir ne débouchent pas toujours sur des poursuites judiciaires. Tout se passe comme si
l’espace partisan était devenu une « zone de non droit » où la justice a du mal à s’imposer. Par
exemple, le traitement judiciaire de l’affaire des affrontements opposant les militants de
l’APR à Matam a connu des rebondissements inattendus.
Décidé à entendre les principales personnes citées dans cette affaire, y compris le
député Farba Ngom, le procureur de Matam, Cheikh Diakhoumpa, a confié à la presse avoir
fait l’objet de menaces venant de sa hiérarchie. L’immixtion des autorités politiques dans les

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affaires de la justice sénégalaise est un fait établi. Mais, il est rare qu’un magistrat dénonce
aussi ouvertement la « main invisible » des hommes politiques, qui bloque le fonctionnement
régulier de la justice. Le procureur Cheikh Diakhoumpa rappelle que : « Nous ne sommes ni à
gauche ni à droite. Nous ne sommes pas des politiciens, mais des hommes au service du
peuple ».
La tentative d’incendie criminel perpétré par Mamadou Massaly, responsable du PDS,
au cours de la réunion politique du PS à Thiès, lui a valu une condamnation avec sursis. Face
aux avocats commis par le PS, qui demandaient que les faits soient qualifiés d’actes criminels,
le procureur a, quand même, retenu la qualification de « délit ».
Il est arrivé que des membres du parti au pouvoir, identifiés comme des auteurs des
violences partisanes, soient condamnés sévèrement. C’est le cas d’Abdou Faye, militant de
l’UPS, qui a assassiné le président du groupe parlementaire socialiste, Demba Diop, en 1967.
Il fut condamné à la peine de mort. Senghor voulut en « faire un exemple » pour tous.
De plus, la gravité et la flagrance des faits ont beaucoup pesé sur la décision de la
justice. Il a été jugé en compagnie de Jacques d’Erneville et d’Ibou Kébé par un Tribunal
spécial au palais de justice de Dakar. Jacques d’Erneville et Ibou Kébé ont été condamnés
respectivement à la prison à vie et à vingt ans de travaux forcés.

« Le Tribunal spécial était une juridiction d’exception créée par la loi 61-57 du 9
septembre 1961. Il connaissait des délits contre la sûreté intérieure et extérieure de
l’Etat, prévus par le code pénal, des crimes et délits politiques, ceux du droit commun
et des délits de droit commun déterminés en tout ou en partie par les motifs d’ordre

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politique. Il était composé d’un magistrat, d’un président et de deux assesseurs, d’un
commissaire du gouvernement exerçant l’action politique, assistés de substituts et
d’un greffier. Les membres du parquet pouvant être choisis hors de la magistrature,
dans ce cas, ils sont désignés et prêtent serment dans les mêmes conditions que les
assesseurs. Siégeant à Dakar, le Tribunal spécial pouvait toutefois, si les
circonstances l’exigeaient, se transporter dans une toute autre localité, pour y
connaître d’une ou de plusieurs affaires déterminées ».342

Parfois, le statut social des personnes impliquées dans le déchaînement des violences
partisanes, peut constituer un obstacle important à la saisine de la justice. C’est le cas pour des
fidèles ou des membres de certaines familles religieuses très influentes.
Par exemple, les actes de violence perpétrés par des « Thiantacounes » lors des
élections présidentielles de 2007 et de 2012 n’ont pas fait l’objet de poursuites judiciaires. En
plus d’appartenir à la confrérie mouride, ces individus ont bénéficié de leur statut d’alliés du
PDS. Les auteurs de l’incendie du domicile du député de l’APR, Moustapha Cissé Lô, ont été
arrêtés puis libérés sans justification. Cette situation a été condamnée par l’Union des
Magistrats du Sénégal (UMS).
Le magistrat Abdoul Aziz Seck et ses collègues dénoncèrent la libération par le
procureur de Diourbel de dix-neuf personnes suspectées d’être les auteurs de l’incendie. Ils
ont fait une sortie au vitriol contre les autorités, reprise par l’ensemble des organes de la
presse sénégalaise.

342 Marcel Mendy, La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003 , op cit, pp 91-92.

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« Rappelant que le sentiment d’injustice est source de haine, de frustration pouvant
conduire à la révolte, le bureau exécutif de l’UMS exhorte les magistrats, en
particulier les procureurs compétents en la matière, à se saisir des cas de violence,
quels que soient les auteurs ».343
En raison des difficultés rencontrées pour traduire en justice les auteurs de violences
partisanes, le pouvoir préfère indemniser les victimes. L’indemnisation désigne une forme
de compensation financière destinée à réparer un dommage. Les hommes politiques
sénégalais ont souvent recours à l’indemnisation. Par exemple, durant les premiers mois
qui ont suivi son élection comme Président de la République du Sénégal, Macky Sall a
instruit son gouvernement de mettre sur pied une « commission d’indemnisation » des
victimes des violences pré- électorales de 2012. Cette commission est composée des
représentants des ministères de la justice, de l’intérieur, des forces armées et de l’Agent
judiciaire de l’Etat.
Elle doit recenser objectivement l’ensemble des victimes directes des violences de
2012 et procéder à leur compensation financière. Elle a terminé ses travaux le 16 décembre
2013. A la suite de cela, « une décision a été prise pour les sept cas de mort. Dix millions de
FCFA seront alloués dans les prochains jours à leurs familles »344. La commission a identifié

343 Commentaires du Quotidien « L’AS » du 25 juin 2014 repris par l’APS.
344 Propos tenus par le « Garde des Sceaux », Me Sidiki Kaba, lors de son passage à l’Assemblée
nationale, pour l’examen du budget 2014 du ministère de la justice.

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vingt-deux personnes ayant subi des préjudices, dans des circonstances ayant un lien direct
avec les violences préélectorales de 2011 et 2012.
Mais, cette commission d’indemnisation a été fortement critiquée dans la presse par
Madame Rokhoyatou Gassama. Elle dénonça une opacité dans sa composition et son mode de
fonctionnement.

« Quand l’Etat a dit qu’il va indemniser, il nous a demandés de réfléchir avec nos
experts pour voir comment procéder. Avec ceux-ci, nous avons écrit un document qui
est de référence et nous avons proposé la mise en place d’une « Commission
d’indemnisation », chargée d’étudier les dossiers, au cas par cas, suivant les
préjudices subis.
Il faut noter toutefois qu’il y avait une évaluation antérieure faite par les avocats en
relation avec les dommages subis par chaque victime, et ils ont fait des propositions.
C’est cela qui a été déposé entre les mains du Ministre de la Justice d’alors, Aminata
Touré. Ce sont ces mêmes dossiers que la commission a utilisés pour procéder à une
indemnisation, sauf que cette procédure n’est pas conforme avec la volonté antérieure
affichée par l’Etat du Sénégal. En effet, l’Etat a mis en place cette commission par
rapport à la demande que nous avons faite. Nous avons proposé cette commission
pour qu’il y ait plus de clarté. Mais elle fonctionne de manière autonome. Alors que la
volonté du Chef de l’Etat était d’indemniser entièrement les victimes.
Pour moi, la commission a violé la volonté du chef de l’Etat. Quels sont les critères
qui ont été mis en avant pour choisir d’indemniser ces victimes-là ? Il n’y a qu’eux

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qui le savent. Quels sont les dossiers qui sont éligibles pour eux et ceux qui ne le sont
pas ? Il n’y a qu’eux qui le savent. Ce que je dénonce, c’est que la commission n’ait
pas impliqué les avocats, ni le collectif pour avoir plus d’éléments. Cela, nous le
dénonçons, car nous ne pouvons pas mettre en place ce collectif depuis deux ans pour
ne pas avoir de résultats jusqu’à présent .
Au niveau du fond, c’est le mode de travail que nous déplorons. La commission a fait
ses investigations, a produit des rapports, sans pour autant que nous soyons
impliqués et nous ignorons même comment elle a procédé au départ. Pour nous, tout
cela crée un problème de procédure qui nous a amenés à dénoncer cette commission
qui a été vidée de sa substance. Pour l’indemnisation, la commission a appelé
directement certaines familles de victimes ou de victimes de violences directes, sans
passer par le collectif, ni par les avocats ».345

Quelques mois auparavant, le gouvernement intégrait à titre posthume Mamadou Diop
dans la fonction publique. Ce dernier avait été tué lors des manifestations contre la
candidature d’Abdoulaye Wade. Ses enfants ont été désignés « pupilles de la nation ». Un tel
traitement de faveur a été critiqué par l’association des victimes qui cria à la
« discrimination ».
Après son élection comme Président de la République en 2000, Me Wade avait
procédé à l’indemnisation de la famille de Me Sèye, ancien vice-président du Conseil

345 Rokhoyatou Gassama, op cit.

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constitutionnel. L’affaire a été révélée par Abdou Latif Coulibaly346. Il affirma que le montant
de l’indemnisation était de six cent millions de FCFA. Cette information provoqua des
réactions contradictoires dans l’opinion publique et contribua davantage à installer une
polémique entre les différents protagonistes.
D’abord, la famille affirma que le montant de l’indemnisation était de deux cent
millions FCFA. Par contre, Abdoulaye Wade l’estima à deux cent cinquante millions. Mais,
une conclusion de la « commission d’enquête parlementaire » de l’Assemblée nationale, mise
sur pied le 19 août 2003, stipula :

« Sur demande expresse de la famille de feu Me Babacar Sèye l’initiative de verser
une indemnité compensatrice fut prise, se fondant sur les préjudices et dommages
qu’elle aurait subi à la suite de l’accident de trajet dont a été victime le vice-président
du Conseil constitutionnel le 15 mai 1993 ».347

Cette somme d’argent versée à la famille de Me Sèye, a été prélevée sur les ressources
budgétaires allouées au Président de la République, pour l’exercice de ses fonctions, dans le
cadre de la loi de finance de 2002. Cette opération a été considérée opaque par une bonne
partie de l’opinion

346 Abdou Latif Coulibaly, Wade, un opposant au pouvoir. L’Alternance piégée ? Dakar, Les
Editions Sentinelles, 2000.
347 Marcel Mendy , La violence politique au Sénégal de 1960 à 2003, op cit , p 165.

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« L’aide principale » est une intervention financière que l’Etat peut octroyer pour
l’ensemble du dommage subi. « L’aide complémentaire » peut être demandée par la victime
lorsque le dommage s’est aggravé de façon notable après l’octroi de l’aide principale.
Cette pratique de compensation financière est réalisée dans d’autres violences qui
mettent en cause le pouvoir, même s’ils n’ont pas un lien direct avec les luttes pour la
conquête du pouvoir. Par exemple, dans le cas du meurtre de l’étudiant Balla Gaye, le 31
janvier 2001, Abdoulaye Wade a voulu apaiser les tensions sociales en signant un protocole
d’accord avantageux pour les étudiants. Il a accepté l’augmentation des taux de bourses et leur
généralisation. Dans la foulée, il a fait diminuer le prix des tickets de restauration.

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CONCLUSION GENERALE :

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L’analyse systématique, approfondie, documenté et précise de la violence des partis
politiques au Sénégal est le parent pauvre de la recherche universitaire. Elle est négligée par
les politistes sénégalais, en dépit de son importance. A l’inverse, la violence partisane semble
intéresser davantage les journalistes qui ont publié quelques travaux.
En outre, les rares publications journalistiques consacrées à l’étude de la violence des
partis politiques sénégalais présentent de nombreuses lacunes. La violence partisane n’est pas
toujours rigoureusement définie ni bien comprise. Il est vrai que la violence est multiforme,
variée et vaste. Ce qui en fait un concept plutôt lâche et polysémique. La violence gagne en

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extension ce qu’elle perd nécessairement en précision. Difficile de la circonscrire ! Elle est
confondue avec la simple violence politique tout court.
Les violences partisanes sont parfois abordées comme des déviances ou des
pathologies difficiles à cerner par des causes, des forces ou des facteurs extérieurs fixes. Par
ailleurs, elles sont extérieures aux lois, aux us et coutumes.
Cette thèse ambitionne de renouveler le regard habituel sur la violence en proposant
une démarche constructiviste qui est une approche compréhensive des faits sociaux et
politiques. La violence des partis politiques est le résultat d’une construction.
Cette proposition comporte deux idées importantes. D’abord, la violence est
constitutive de la politique. Elle est une construction. Elle est aussi un processus instable,
incertain, complexe, contingent et conflictuel. Ensuite, la violence est construite par les
hommes politiques sénégalais qui donnent un sens à leur violence. Le sens de la violence
partisane renvoie aux représentations, aux jugements et aux choix qu’ils soient valorisés ou
dévalorisés, qui expliquent et justifient l’expression ou l’exercice de la violence.
Le constructivisme s’intéresse aux enjeux et aux usages de la violence partisane. La
construction de la compétition partisane révèle des tensions importantes qui structurent
l’espace partisan sénégalais, ouvrant la voie à des conflits et à des violences. Souvent, les
militants sont soumis aux désidératas des entrepreneurs de la violence partisane. Les partis
politiques sénégalais élaborent des justifications ou des légitimations de la violence à partir de
leurs représentations du pouvoir.
La violence partisane, en tant que ressource du pouvoir, est considérée comme un
moyen efficace pour conquérir le pouvoir. Les hommes politiques croient au pouvoir de la

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violence. La violence permet d’intimider, de rendre vulnérables et d’écarter des adversaires,
de se révolter et de s’opposer.
Par ailleurs, pour rendre plus visibles les justifications de la violence, pour mobiliser
les partisans et promouvoir leur cause, les hommes politiques sénégalais se tournent vers les
médias. Les médias sénégalais sont donc des espaces concurrentiels où circulent différents
discours incitant à la violence. Les médias, par les effets de l’info spectacle et de la
dramatisation, diffusent les images de la violence partisane qui fascinent certaines personnes.
Les images et les justifications de la violence stimulent et excitent les téléspectateurs ou les
lecteurs.
La construction de la violence partisane mobilise des ressources discursives et des
techniques. Les discours partisans sont construits pour inciter les gens à la violence. La
rationalité et l’émotion sont les ressources mobilisées dans les discours partisans. Les hommes
politiques sénégalais prêtent aux médias un pouvoir d’influence sur l’opinion publique. C’est
pourquoi, ils les utilisent pour atteindre le public.
Plus la violence est intense, plus les gains politiques espérés peuvent se réaliser
rapidement. L’efficacité des armes utilisées et l’expertise des « professionnels » de la violence
permettent de radicaliser la violence des partis politiques. Les hommes politiques développent
alors des stratégies complexes d’acquisition d’armes de toutes sortes. En outre, ils nouent des
relations avec les milieux de la violence (lutte, prison…).
La dissémination des armes à feu et des armes blanches, résulte d’une part, de la
tolérance de l’Etat, et d’autre part, du trafic illicite des armes. Les « professionnels » de la
violence sont généralement appelés des nervis. Les nervis se distinguent par leur forte

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corpulence, un physique impressionnant et imposant qui intimide. Ils sont recrutés pour solder
des comptes, pour servir « d’hommes à tout faire ».
L’utilisation de la violence dans l’espace partisan révèle des niveaux disproportionnés.
Il existe une violence routinière liée aux conflits institutionnels, électoraux, économiques et
identitaires. La violence anomique manifeste un « désordre démocratique » lié aux conflits
politiques entre le pouvoir et l’opposition. La démocratie n’arbitre pas le « choc naturel » des
ambitions et des stratégies politiques. Cette situation engendre inévitablement un vide
institutionnel. La violence anomique présente deux aspects. D’abord, elle exprime une
demande de liberté et d’égalité entre les forces politiques. Ensuite, elle prend pour cibles les
institutions, les règles et les principes démocratiques.
La violence électorale révèle des enjeux de pouvoir, désigne l’ensemble des actes de
violence commis dans un contexte de compétition électorale. La violence électorale révèle
aussi des stratégies d’intimidation et de domination dans la conquête du pouvoir.
La violence fanatique traduit un soutien fanatique. Le fanatisme découle davantage de
la confusion des ordres islamique et politique. L’extension du domaine traditionnel de
l’obligation religieuse brouille et complexifie davantage la frontière entre le bien et le mal. Ce
qui est considéré comme relevant du bien dans la sphère religieuse, ne l’est pas forcément
dans le domaine du politique et vice versa.
La violence mercenaire exprime un soutien mercenaire. Le soutien mercenaire est
fondé exclusivement sur une rétribution matérielle. La quête de gains, de richesses
économiques conditionne la loyauté du mercenaire. Le mercenaire n’est pas forcément
convaincu de la cause politique pour laquelle il se bat. Il peut alors devenir un prestataire de la
violence.

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La recrudescence de la violence électorale est un fait établi au Sénégal. L’intensité de
cette violence est importante. La violence électorale qui se déploie emprunte toutes les formes
de la violence (physique et verbale) : menaces et intimidations, insultes, agressions physiques,
meurtres, assassinats politiques, dégradations de biens matériels, privés ou publics. Les
années 2012 et 2014 ont enregistré des sommets de la violence électorale.
La violence partisane peut être aussi radicale. La radicalisation désigne une
aggravation des actes de violence physique, lors des crises et des mobilisations sociales. Les
violences procèdent à une maximisation des coûts et des gains politiques. L’opposition
élabore des stratégies complexes des mobilisations sociales lors des émeutes, dans le but de
faire pression sur le pouvoir. Le pouvoir cherche à contenir cette violence orchestrée par
l’opposition qui menace sa survie, en la réprimant durement.
Dans l’histoire politique du Sénégal, l’opposition a su tirer les ficelles des crises
sociales et politiques de 1968, de 1988, de 1993 et de 2011. L’opposition a obtenu la
formation d’un gouvernement élargi, la confection d’un code électoral consensuel.
L’opposition a souvent pu contourner l’emprise des organisations syndicales et de la société
civile sur les mobilisations sociales.
Par exemple, en 2011, l’opposition sénégalaise a eu une emprise sur le « mouvement
du 23 juin ». Cela s’est traduit par l’adhésion du « M23 » aux thèmes de la « monarchisation »
de l’Etat, de « l’inconstitutionnalité » de la candidature d’Abdoulaye Wade et son implication
dans les alliances électorales.
Les violences partisanes engendrent des victimes. Ces victimes sont souvent restées
dans l’anonymat. Certes, leur sort émeut une partie de la classe politique sénégalaise. Mais, il

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y a eu jusqu’ici, une sorte « d’amnésie populaire » qui empêche la visibilité sociale et
politique des victimes.
Les dernières violences survenues lors de l’élection présidentielle de 2012 ont
renouvelé le regard du politique et de la société sur les victimes. Les victimes des violences
électorales se sont constituées en association dénommée « Association des victimes et
familles de victime des violences préélectorales». Les victimes formulent deux sortes de
revendications : la reconnaissance et la réparation des préjudices physiques et moraux subis.

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ANNEXES.

ANNEXE 1 : GUIDE D’ENTRETIEN AUPRES DES MILITANTS DE : APR, PS, PDS,
AFP, REWMI.

5. Question d’identification :
1/Présentez-vous ? (: prénom (s), nom, professions, parcours études)

6. Questions de perception et de culture politique :
2/Que signifie pour vous la démocratie ?

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3/Quel est, pour vous, le rôle d’un parti politique en démocratie ?
4/ Comment qualifierez-vous vos relations avec les militants des autres partis politiques ?

7. Questions d’identification et d’allégeance partisanes :
5/Pour quelle (s) raison (s) avez-vous adhéré à ce parti politique ?
6/En quelques mots, pouvez-vous nous expliquer ce que signifie l’idéologie de votre parti ?
7/Comment définiriez-vous la relation que vous avez avec les dirigeants de votre parti ?

8. Questions sur la participation politique :
8/Est-ce que vous avez une fonction dans le parti ? Si oui, en quoi consiste-t-elle ?
9/Pensez-vous que vos opinions sont prises en compte dans le fonctionnement du parti ?

9. Questions particulières sur la violence partisane :
10/Quelles observations faites-vous sur la violence des partis politiques au Sénégal ?
11/Etes-vous d’accord avec ceux qui disent que la violence est parfois nécessaire pour faire
avancer les choses ? Si, oui pourquoi ? Si non, pourquoi ?

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12/ Comment expliquez-vous les nombreuses violences qui existent à l’approche des élections
?
13/ Votre parti est-il confronté souvent à des violences internes ?-Si oui, qu’est-ce qui
l’explique ?

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ANNEXE 2 : STATUTS ALLIANCE DES FORCES DU PROGRES (A.FP.) .

Article 6 : Organe d’expression
L’A.F.P créera un organe d’expression qui présentera les vues et positions du parti. Elle
pourra en créer d’autres, selon les besoins.

Article 7 : Coopération
L’A.F.P pourra entretenir des liens de coopération avec tout parti politique, syndicat,
regroupement, association ou mouvement nationaux ou internationaux, dont les buts et
intérêts sont en harmonie avec ses options ou qui pourront lui être rattachés.

TITRE 2 : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT
Article 8
L’Alliance des forces de progrès comprend des structures animées par des organes de base et
des organes de direction.

a) Organes de base

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• La cellule
• le collectif de quartier dans la ville ou le village
• la délégation communale ou de communauté rurale
• la coordination d’arrondissement
• la délégation départementale ou communale chef-lieu de région
• la coordination régionale
•la délégation des sénégalais de l’extérieur

b) Organes de direction
• le congrès
• la convention nationale
• le comité Directeur
•le Bureau politique

Article 9 : la cellule
La cellule est la structure de base du parti, au niveau des quartiers, dans les villes comme
dans les villages. La cellule est un organe de recrutement, de mobilisation, d’information des

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militants du parti. En milieu urbain comme en milieu rural, la cellule est dirigée par un
bureau élu. Les cellules élisent des délégués auprès des collectifs.

Article 10 : le collectif de quartier ou de village
Le collectif de quartier ou de village est un regroupement de cellules d’une même aire
géographique.
Le collectif reçoit les mots d’ordre et les directives du parti, recueille les avis et suggestions
des militants.
Le collectif est dirigé par un bureau élu. Le collectif de quartier ou de village élit des
délégués auprès de la délégation communale de ville ou de communauté rurale.

Article 11 : la délégation communale de ville ou de communauté rurale.
La Délégation communale de ville ou de communauté rurale est un regroupement de
collectifs de ville ou de village. Seuls les collectifs d’une même commune ou communauté
rurale peuvent former une délégation.
La délégation est administrée par une Commission Administrative de section (C.A.), et est
dirigée par un bureau élu.
La délégation coordonne et supervise l’activité des cellules et des collectifs, veille à la
formation, à la mobilisation et à l’information des militants.

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Elle examine et transmet aux instances supérieures du parti, les avis et suggestions des
cellules et collectifs. Elle s’assure de la mise en œuvre et de la bonne exécution des
programmes du parti.
Les Délégations communales de ville ou de communauté rurale élisent des délégués auprès de
la Commission Administrative de la coordination d’arrondissement.

Article 12 : la délégation communale ou la coordination d’arrondissement
La délégation communale comme la coordination d’arrondissement, sont composées de
l’ensemble des délégations d’une même commune ou d’un même arrondissement.
La délégation communale est administrée par une commission administrative de délégation
(C.A.D) ; la coordination d’arrondissement elle, est administrée par une commission
administrative de coordination (C.A.C.)
La délégation communale, la coordination d’arrondissement sont chargées, de la
coordination des activités des délégations de ville ou de communauté rurale et transmettent à
la Délégation départementale ou communale chef-lieu de région les avis et suggestions des
instances inférieures et s’assurent de la bonne exécution des directives du parti.
La délégation communale, la coordination d’arrondissement élisent des délégués auprès de la
délégation départementale ou communale chef-lieu de région. La délégation communale et la
coordination d’arrondissement sont dirigées par un bureau.

Article 13 : la délégation départementale ou communale chef-lieu de région

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La délégation départementale ou communale chef-lieu de région comprend l’ensemble des
délégations de commune et des délégations d’arrondissement d’un même département. Les
communes chefs lieu de Régions sont érigées en délégation départementale.
La délégation départementale ou communale chef-lieu de région est administrée par une
commission administrative de département (C.A.D), et est dirigée par un bureau élu.
La délégation départementale ou communale chef-lieu de région est chargée d’impulser et
d’animer le parti sur toute l’étendue du département ou de la commune chef-lieu de région.
La délégation départementale ou communale chef-lieu de région prend toutes initiatives et
toutes mesures nécessaires pour assurer l’exécution correcte des programmes d’actions du
parti, ainsi que des décisions du Secrétaire général, du bureau politique et du Comité
Directeur.
La délégation départementale ou communale chef-lieu de région sert de relais entre les
organes de base et la Coordination régionale. Elle examine les avis et suggestions des
délégations communales et des coordinations d’arrondissement.
La délégation départementale élit des délégués auprès de la coordination régionale.

Article 14 : la coordination régionale
La Coordination régionale comprend l’ensemble des délégations départementales d’une
même région.
La Coordination régionale est administrée par une commission régionale de coordination
(CRC), et est dirigée par un bureau élu.

P a g e | 385

La coordination régionale assure la liaison avec les délégations départementales d’une même
région et veille à leur bon fonctionnement.
La coordination régionale est informée des décisions et directives par la direction du parti.
Elle est chargée de les véhiculer à la base et aussi d’informer la direction du parti sur les
activités de la base.
Chaque coordination régionale envoie des délégués pour la représenter au congrès, à la
convention nationale et au Comité Directeur.

Article 15 : la délégation des Sénégalais de l’extérieur
La délégation des sénégalais de l’extérieur comprend toutes les sections des villes d’un pays
donné.
Elle est administrée par une commission administrative de délégation et est dirigée par un
bureau élu.

Article 16 : les mouvements intégrés ou affiliés
L’Alliance des Forces de Progrès intègre dans ses structures les organisations ci-après ;
Concernant :
– Le MOUVEMENT NATIONAL DES JEUNES DU PROGRES,
– Le MOUVEMENT NATIONAL DES FEMMES DE L’ESPOIR ET DU PROGRES.

P a g e | 386

L’Alliance des Forces de Progrès développe des relations avec des Alliances, qui sont des
structures composées uniquement de membres du parti. On peut citer les Alliances suivantes :
– L’ALLIANCE NATIONALE DES CADRES POUR LE PROGRES (A.N.C.P)
– L’ALLIANCE NATIONALE DES HANDICAPES POUR LE PROGRES (A.N.H.P)
– L’ALLIANCE NATIONALE DES ARABISANTS POUR LE PROGRES (A.N.A.P)
– L’ALLIANCE NATIONALE DES UNIVERSITAIRES POUR LE PROGRES (A.N.U.P)
Le fonctionnement de ces structures est défini dans le Règlement Intérieur.
L’Alliance des Forces de Progrès développe des relations avec des autonomes, qui sont des
structures indépendantes du parti, (syndicats, mouvements de la société civile…), structures
avec lesquelles elle partage le même idéal pour le Sénégal.

Article 17 : le congrès
Le congrès de l’Alliance des Forces de Progrès regroupe des délégués provenant des
coordinations régionales, des mouvements intégrés et des mouvements affiliés.
Le congrès est l’organe qui fixe les grandes orientations du parti, élabore sa doctrine et ses
programmes.
Le Comité Directeur ou le Bureau politique convoque le Congrès en session ordinaire tous
les trois (3) ans ou en session extraordinaire selon les nécessités du moment.

P a g e | 387

Le choix du lieu du congrès, la date, les conditions matérielles d’organisation, les modalités
de représentation sont fixés pour chaque congrès, par le Comité Directeur sur proposition du
bureau politique, et font l’objet d’une circulaire du Secrétaire Général.
Le congrès est présidé par un bureau dont les membres sont choisis par le bureau politique.
Le Congrès ne peut valablement siéger qu'en présence au moins des deux tiers (2/3) des
délégués. A cette occasion, ses délibérations ne sont valables, qu'entérinées par les deux tiers
(2/3) des délégués présents.
Le Congres crée en son sein des commissions de travail dont les rapports sont discutés en
séance plénière.
Le Congres élit en son sein les membres de la Convention nationale.

Article 18 : la convention nationale
La convention nationale se réunit au moins deux (2) fois par an, en session ordinaire. Elle
peut se réunir en session extraordinaire, chaque fois que de besoin, sur convocation du
Secrétaire général du parti, ou à la demande des deux tiers de ses membres.
Ses séances sont présidées par un bureau dont les membres sont choisis par le bureau
politique.
La Convention Nationale statue sur toutes les questions relatives à la vie du parti et de la
nation, au vu des rapports présentés par un ou plusieurs membres du Comité Directeur.

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Pour chaque session, et en fonction des questions à étudier, la convention nationale
s’organise en commissions dont les conclusions font l’objet d’un débat général en séance
plénière.
La convention nationale, sur proposition du Secrétaire Général, nomme les membres de
structures consultatives ou de commissions spécialisées du Comité Directeur.
Elle ne se réunit valablement que lorsque la moitié des délégués la composant sont présents.
Les délibérations de la Convention nationale ne sont valables que lorsqu'elles sont adoptées
par une majorité des deux tiers (2/3) des membres présents ou représentés.

Article 19 : le comité directeur
La Convention Nationale élit, à l’occasion du congrès du parti, un comité directeur.
Les mouvements intégrés et affiliés y sont représentés.
Le Comité Directeur se réunit, en session ordinaire, au moins une (1) fois par trimestre, sur
convocation du Bureau politique. Il peut se réunir en session extraordinaire, chaque fois que
de besoin, sur convocation du Bureau Politique.
Le Comité Directeur est présidé par un Bureau choisi par le Bureau politique.
Il peut examiner toute question relative à la vie de la nation pour en débattre et faire des
recommandations.
Le Comité Directeur comprend des commissions permanentes ou ad hoc pour réfléchir sur les
grands problèmes de l’heure, intéressant aussi bien le parti que la nation.

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Le Comité Directeur ne peut valablement se réunir que lorsque la moitié de ses membres sont
présents ou régulièrement représentés.
Les délibérations du Comité Directeur ne sont valables que lorsqu'elles sont adoptées par une
majorité des deux tiers (2/3) des membres présents ou représentés.
Le Comité Directeur élit les membres du Bureau politique, à une majorité d'au moins deux
tiers (2/3)

Article 20 : le bureau politique
Le Bureau politique assure la direction du parti et veille à l’application des décisions du
Congrès. Il rend compte de ses activités au Comité Directeur, à la Convention nationale et au
congrès.
Les compétences du Bureau politique sont définies par le règlement intérieur.
Le Bureau politique tient une réunion hebdomadaire. Il est présidé par le Secrétaire général
du Parti.
Il a compétence, sous la direction du Secrétaire général, sur tout ce qui touche à la vie du
parti et de la nation. Il examine régulièrement les questions liées à l’exécution du programme
du parti et à son fonctionnement.
Il prépare les décisions du secrétaire général, l’ordre du jour des réunions du Comité
Directeur, les travaux de la Convention nationale et les travaux du Congrès.

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En matière disciplinaire, le Bureau politique est seul compétent pour prononcer l’exclusion
d’un militant, nonobstant ses autres prérogatives disciplinaires fixées par le Règlement
intérieur.

TITRE 3 : RESSOURCES DU PARTI

Article 21
Les ressources de l’Alliance des Forces de progrès proviennent des cotisations, des dons, des
legs de ses adhérents et sympathisants, ainsi que des produits de ses manifestations.
Les ressources peuvent aussi provenir de toutes autres activités non prohibées par la loi.

TITRE4 : DISCIPLINE
Article 22
Le militant doit observer une discipline stricte et éviter tout acte ou comportement de nature à
compromettre l’image du parti. Il doit se soumettre notamment aux instructions du parti.
Les manquements peuvent être déférés aux instances disciplinaires pour sanction. Le
règlement intérieur définira la nature et la forme de ces sanctions.

P a g e | 391

En matière d’exclusion, seul le Bureau politique est compétent. Il statue en premier et dernier
ressort. L’exclusion ne peut être définitive, qu’une fois, le militant en cause ait été
préalablement entendu.
S’agissant des autres sanctions, elles sont prononcées par l’instance où la faute a été
commise, et l’instance supérieure statue en cas d’appel, conformément aux dispositions du
règlement intérieur.

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ANNEXE 3 : ORGANISATION DU PS

1. Les structures de base.
Les structures de base du Parti socialiste sont renouvelées tous les quatre ans avant la tenue
du Congrès ordinaire.
1.1 Le Comité :
Le comité est la cellule de base du Parti Socialiste. Il est une unité de voisinage et un organe
de proximité.
Le comité reçoit les mots d’ordre et les directives du Parti.
Il recueille les avis et les suggestions des militants. Il prend en compte l’ensemble des besoins
des populations.
Le comité assure, avec l’appui des structures du Parti créées à cet effet, la formation,
l’éducation, l’encadrement et la mobilisation permanente des militants.

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Le comité développe, avec ses membres et/ou ceux des comités proches, des activités à
caractère économique (G.I.E., PME, tontine …etc.), culturel ou sportif.
Chaque comité doit comporter au moins 25 membres et au plus 100.
En zone rurale, il peut exister plusieurs comités dans un même quartier ou dans un même
village. De même, plusieurs villages peuvent former un comité.
En zone urbaine, il peut exister plusieurs comités dans un même quartier.
L’Assemblée générale du Comité élit, en son sein, un bureau dirigé par un Secrétaire général.

1.2 La Section :
La Section est la structure du parti qui regroupe un ensemble de comités.
La section suit et contrôle l’activité des comités qui la composent.
Elle doit également :
– fixer le programme de formation des militants et veiller à sa bonne exécution, en
collaboration avec l’antenne régionale de l’Ecole du Parti et dans les conditions définies par
le cahier des charges de l’Ecole du Parti,
– examiner et transmettre au Secrétaire Général de la coordination les avis et suggestions
des comités relatifs aux activités du Parti,
– mettre en œuvre et contrôler l’exécution des programmes d’action du Parti,

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La section urbaine regroupe 10 à 20 comités contigus dont le total des effectifs doit être
compris entre 250 et 2000 membres.
La section rurale regroupe tous les comités d’une même communauté rurale.
Plusieurs sections d’une même commune peuvent constituer une Union Communale de
Sections dont le rôle est d’assurer la liaison entre les sections d’une même commune non
érigée en coordination et comportant au moins deux sections.
Elle assure notamment :
– l’élaboration de la politique communale du Parti et le suivi de son exécution par ses élus
municipaux.
– la mise en place d’une direction communale de campagne à l’occasion des élections
municipales.
La Section est administrée par une Commission Administrative dont les membres sont les
délégués élus par les comités qui la composent.
L’Assemblée Générale de la Section élit, en son sein, un bureau dirigé par un Secrétaire
général.
1.3 La Coordination :
Les différents types de Coordinations sont :
– la Coordination départementale formée par l’ensemble des sections rurales et
communales d’un même département ;

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– la Coordination communale formée par l’ensemble des sections d’une commune ;
– et la Coordination rurale formée par un ensemble de sections rurales. Elle peut
également comprendre une ou plusieurs sections communales.
La Coordination est administrée par une Commission Administrative constituée par les
délégués élus par les C.A. des sections qui la composent.
La C.A. de la coordination élit, en son sein, un bureau dirigé par un Secrétaire général
La coordination prend toutes les initiatives nécessaires pour :
– assurer l’exécution correcte des décisions du Secrétaire Général du Parti, du Bureau
Politique et du Comité Central,
– examiner les avis et suggestions des sections relatifs aux activités du Parti et prendre les
décisions qui sont de son ressort,
– exécuter les programmes d’activités du Parti.
La coordination doit, en outre, prendre toutes les initiatives d’ordre économique, financier et
social de nature à améliorer son fonctionnement et à contribuer à la promotion des militants.

1.4 L’Union de Coordination :
Il existe trois types d’Unions des Coordinations :
– l’ensemble des coordinations d’une même commune forment l’Union Communale des
Coordinations ;

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– l’ensemble des coordinations d’un même département forment l’Union Départementale
des Coordinations ;
– et l’ensemble des coordinations d’une même région forment l’Union Régionale des
Coordinations.
Union des Coordinations Communales : L’Union des Coordinations Communales est
administrée par une Commission Administrative constituée par les délégués élus par les C.A.
des Coordinations qui la composent.
La C.A. de l’union des coordinations communales élit, en son sein, un bureau dirigé par un
Secrétaire général.
L’union communale de coordinations a pour missions principales :
– l’harmonisation des activités des coordinations situées dans la commune,
– la définition de la politique municipale du Parti et le suivi de son exécution par ses élus
municipaux.
Union des Coordinations Départementales : L’Union Départementale des Coordinations est
administrée par une Commission Administrative constituée des délégués élus par les C.A. des
coordinations qui la composent.
La C.A. de l’union départementale des coordinations élit, en son sein, un bureau dirigé par
un Secrétaire général.
L’union départementale de coordination assure les missions suivantes :

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– la mise en place d’une direction départementale de campagne à l’occasion des élections
présidentielle, législatives et locales
– la définition des thèmes locaux de campagne pour appuyer les thématiques définies au
niveau national par le Parti
– et le suivi des activités des députés issus du département ; à ce titre ils entendus tous
les six mois sur leurs activités parlementaires.
Union Régionale des Coordinations
L’Union Régionale des Coordinations est constituée par des délégués, dont les Secrétaires
généraux, élus par les coordinations.
Elle est administrée par une Commission Administrative dont les membres sont élus par les
C.A. des coordinations.
La C.A. de l’union régionale des coordinations élit, en son sein, un bureau dirigé par un
Secrétaire général et où toutes les coordinations sont représentées.
L’union régionale prend également en charge :
– la mise en place de la direction régionale de campagne à l’occasion des élections
présidentielle, législatives et locales.
– la coordination des activités des directions locales de campagne à l’occasion de toutes les
élections,
– la centralisation des résultats de la région et leur transmission à la direction du Parti,

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– l’élaboration et le suivi de l’exécution du cahier des charges de l’antenne régionale de
l’Ecole du Parti

Annexe 4 : extraits des statuts du PDS

Article premier : Objet
Les statuts du PDS sont complétés par le présent Règlement Intérieur qui traite des rapports
internes du parti.
Article 2 : Domaine
Le Règlement Intérieur à force de loi entre militants du parti et entre militants et organismes
du parti. Dans l’intérêt du parti, les militants sont invités à respecter sculpturalement ses
prescriptions et à soumettre les violations de ses dispositions aux instances compétentes.
Article 3 : Appartenance au PDS
Le Règlement Intérieur a force de loi entre militants du parti, conformément à l’article 4 des
statuts et la possession de la carte du parti, régulièrement transcrite dans les registres de la
cellule, constitue la preuve de l’appartenance au parti.

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Article 14 : Le congrès
L’instance suprême du parti est le Congrès qui se tient au moins une fois au cours de
chaque législature en session ordinaire ou en session extraordinaire sur convocation su
Secrétaire Général national ou le Bureau Politique.
En cas de défaillance, il peut être convoqué en session extraordinaire par les 2/3 des
fédérations (fédérations territoriales ou organismes internes).
Le Congrès définit les options fondamentales, les orientations et les moyens d’action du parti.
Il renouvelle les membres du Bureau Politique et fixe la composition du Comité National.
Le Congrès est formé d’au moins 2000 (deux mille) délégués des fédérations (fédérations
territoriales, organismes internes et confédérations syndicats affiliées). Le quota de chaque
fédération est arrêté par le Bureau Politique conformément aux dispositions de l’article 9
suivant.
Sont membres de droit : les membres du Secrétariat National, les députés, les sénateurs et les
membres du parti membres du Gouvernement.
Article 20 : Le bureau Politique
Le Bureau Politique est composé d’un maximum de 04 (quatre) délégués par fédération élus
par le Congrès.
Les membres du Secrétariat National, du Comité National, les députés, les membres du
gouvernement et ses institutions de la République sont membres de droit du Bureau Politique.

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Les syndicats liés au parti aux termes de l’article 3 sont admis à siéger au Bureau Politique
dans les mêmes conditions que les organismes internes. Le syndicat affilié a le droit de vote.
Le Bureau Politique définit la politique du parti sur la base des directives du Congrès et
contrôle l’action du Secrétariat National, du Comité National, des Commissions Nationales,
des organismes internes et des groupements socioprofessionnels du parti. Entre 02 (deux)
congrès, il est l’organe souverain et, à ce titre, peut prendre, s’il y a urgence ou si la situation
l’exige, toute mesure nécessaire au bon fonctionnement du parti.
Il se réunit une fois tous les 03 (trois) mois et chaque fois qu’il est convoqué par le
Secrétariat National ou le Secrétaire Général.

ANNEXE 5 : CARTOGRAPHIE DE LA VIOLENCE ELECTORALE AU SENEGAL.
Quelques foyers récurrents de tensions politiques de 2000 à 2012.348

348 « Etudes sur les violences dans le processus électoral au Sénégal… », op cit, p. 2.

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ANNEXE 6: « UNE BREVE HISTOIRE DU SENEGAL ».
In Solidaires international , n°6, Printemps 2010, pp 11-14.

Sur le plan politique, le Sénégal est également marqué par une grande continuité entre la
période coloniale, les 40 ans de pouvoir « socialiste » et le gouvernement « libéral » au
pouvoir depuis 2000. Après la deuxième guerre mondiale, les socialistes sénégalais ont été
étroitement associés au pouvoir colonial. Lors de l’indépendance, ils ont assuré, sous l’égide
de Senghor, la transition au néo-colonialisme.
Les gouvernements successifs du Sénégal ont, notamment, en commun, une volonté de «
liquidation de la gauche sénégalaise initiée par Léopold Sédar Senghor, poursuivie avec
finesse par Abdou Diouf, utilisant, selon les circonstances, l’arme de la répression ou celle de
la cooptation, œuvre continuée aujourd’hui par Abdoulaye Wade ». Accédant au pouvoir en
1960, lors de l’indépendance, le président socialiste Senghor a mis en place en 1962 un
régime présidentiel autoritaire et centralisé. Il a, pour cela, fait arrêter et jeter en prison pour
12 ans le Premier Ministre Mamadou Dia. De 1963 à 1968, le régime a tenté d’anéantir les
partis d’opposition, soit en les interdisant, soit en négociant l’intégration de certains d’entre
eux dans le parti au pouvoir. Entre 1966 et 1974, seul le parti gouvernemental a conservé une
existence légale.

Dans de telles conditions, il n’était pas étonnant que le mouvement syndical soit devenu le
principal lieu d’opposition politique. « Depuis toujours, les courants situés à la gauche du PS
ont fourni des bataillons de militants aux syndicats de toute obédience ». Les syndicalistes
opposés au pouvoir ont été périodiquement soumis à la répression. Une rupture s’est opérée

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avec l’explosion étudiante et ouvrière de mai 1968. Pour sa participation à mai 68 et aux
grèves de 1969, la centrale syndicale UNTS a été dissoute par le pouvoir et remplacée par la
CNTS. Celle-ci a été directement intégrée dans le parti au pouvoir.
Ont, également été dissoutes, les organisations étudiantes (en 1969 et 1973) ainsi que le
syndicat enseignant SES (en 1973). Bayla Sow raconte : « Suite à mai 1968, une gauche
s’était développée dans la clandestinité. Pour lâcher du lest, le président Senghor a alors
procédé à partir de 1974 à une ouverture politique limitée. C’était par ailleurs une condition
pour que son parti puisse adhérer à l’Internationale socialiste, ce qui a été chose faite en
1976. A cette occasion, le parti de Senghor s’est rebaptisé Parti socialiste.
Le pouvoir a donc autorisé progressivement « quatre courants politiques », qu’il a lui-même
définis. Le parti de Senghor, s’est octroyé la représentation du « courant socialiste ». Le «
courant libéral » a été attribué en 1974 au PDS, le parti fondé pour l’occasion par Abdoulaye
Wade, et qui se réclamait, pourtant, dans un premier temps, du « travaillisme ». En 1976, la
représentation du courant « marxiste » est revenue à une des composantes du PAI, et en
1979, celle du « courant conservateur » au MRS. Ne supportant plus la crise sociale et les
luttes, Senghor a fini par partir de lui-même en 1980. Son successeur, Abdou Diouf, a, alors,
rapidement institué le multipartisme intégral.

Franchissant un pas supplémentaire, le nouveau président socialiste a offert, entre 1983 et
1988, le poste de ministre de l’éducation à Ida Der Thiam, un syndicaliste enseignant,
plusieurs fois arrêté et emprisonné. Cette politique d’ouverture a été ensuite pratiquée envers
plusieurs partis d’opposition entre 1993 et 1998. Mais, cela n’a pas arrêté l’usure du PS :
avec l’échec des Plans d’ajustement structurel, les mobilisations ont continué de plus belle.

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Bayla Sow, à l’époque, militant de l’organisation d’extrême-gauche AJ/PADS, raconte : La
démocratie sénégalaise souffrait d’une contradiction terrible :
Les libertés démocratiques étaient garanties depuis les années 1981, mais pendant près d’une
vingtaine d’années de multipartisme, les conditions d’une alternance n’avaient jamais été
réunies. L’ouverture démocratique n’était, en effet, que de façade. Les votes avaient lieu sans
identification des électeurs : j’ai par exemple vu des enfants de 14 ans voter avec des cartes
d’électeurs âgés de plus de 50 ans ! Si les élections avaient été vraiment libres, Diouf aurait
perdu tous les scrutins suivant sa première élection.

A la fin des années 1990, poursuit Bayla, les conditions d’une alternance politique
commençaient à être réunies. Tout le monde en avait marre. Le régime était usé, et même
Abdou Diouf ne voulait plus se présenter aux élections présidentielles de 2000. C’est
l’appareil de son parti qui lui avait imposé de le faire. Les jeunes n’avaient connu que Diouf
et, cela, d’autant plus que l’âge pour voter avait été ramené de 21 ans à 18 ans. A partir de
1995, plusieurs responsables importants du PS entrent en dissidence et créent leur propre
parti. Aux élections municipales de 1 998, le PS avait beaucoup reculé. Le leader d’extrême-
gauche Landing Savané en avait conclu que l’alternance était à portée de main, et qu’il serait
historique de la réaliser, quel que soit celui qui porterait la bannière.
Il fallait, donc, avoir un candidat capable de l’emporter sur Diouf, mais aucune force
politique de gauche ne dépassait 5 %. Dans ces conditions, la seule possibilité à ses yeux était
de prendre comme candidat Abdoulaye Wade, pourtant étiqueté comme libéral, à condition
de lui imposer un programme. Vieillissant et fatigué, Wade était parti se reposer en France et
ne pensait même plus se représenter en 2000. Ce sont les trois principaux partis se réclamant

P a g e | 405

du marxisme qui l’ont convaincu de se porter candidat contre le PS aux présidentielles de
2000.

Pratiquement, toutes les forces de gauche se sont alors unies derrière Wade contre le PS.
Tout le programme politique de la Coalition pour l’alternance en 2000 (CA 2000) avait été
défini par les forces situées à la gauche du PS. Elles étaient persuadées que si Wade était élu,
celui-ci allait respecter les engagements qu’il avait pris. En 2000, explique Bayla, il y a eu un
immense espoir d’alternance politique. Lorsque Wade est revenu de France pour mener la
campagne électorale, il a eu un accueil triomphal. Diouf a été mis en ballotage au premier
tour, ce qui ne s’était jamais vu auparavant. Pour le deuxième tour, tous les partis opposés au
PS se sont regroupés en incluant, notamment, deux socialistes dissidents, et cette coalition
hétéroclite a été victorieuse.

Il s’agissait d’une mutation très profonde : pour la première fois, un président sortant était
battu aux élections. Se posait, alors, un dilemme pour les forces de gauche : fallait-il gérer la
victoire avec Wade, ou laisser Wade gérer celle-ci. Toutes se sont exprimées pour la
deuxième solution, mais en le contrôlant pour qu’il respecte les engagements qu’il avait pris
sur les plans démocratiques, économiques et politiques. Tous les partis ayant appelé à voter
pour lui (à l’exception de Jëf-Jël dont Wade ne voulait pas) ont donc eu des ministres, des
postes dans les directions d’organismes et de sociétés publiques. Mais, Wade a, très
rapidement, mis de côté le programme sur lequel il s’était fait élire. A part deux ou trois
mesures, il a poursuivi la politique libérale entamée par la majorité précédente. Cela a
entraîné un brouillage total des repères idéologiques.

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Le premier à être viré du gouvernement a été Dansokho du parti ex-prosoviétique PIT. Il
s’était exprimé contre le projet de nouvelle Constitution qui incluait une présidentialisation
du régime et une atteinte au droit de grève. Celui-ci ne pouvait plus s’exercer qu’à condition
de « ne pas porter atteinte à l’outil de travail », ce qui avait été dénoncé par les organisations
syndicales. Mais, c’était encore l’euphorie et l’état de grâce : la Constitution a été adoptée à
98 %. La LD, l’autre parti ex-prosoviétique, est restée au gouvernement jusqu’en 2005. La
seule force de gauche participant au gouvernement était donc AJ-PADS.
En 2007, les partis ayant progressivement rompu avec Wade ont fondé avec le Parti socialiste
le CPC (Cadre permanent de concertation de l’opposition). Le CPC est, par la suite, devenu
le Front Siggil Sénégal (Front pour relever le Sénégal), auquel participent également des
partis de droite. C’est le « tout sauf Wade », comme il y avait eu le « tout sauf le PS » en
2000. Le rejet de Wade s’est exprimé au cours des élections locales de mars 2009 qui ont été
largement gagnées par l’opposition regroupée dans la coalition « Beno Siggil Sénégal ». Au
sein de cette dernière, c’est surtout le PS qui a gagné des mairies.

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ANNEXE 7 : LES LEADERS DE LA COALITION « BENO BOK YAKAAR ».

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ANNEXE 8 : EXTRAITS DE LA LOI N°. 2012-01 ABROGEANT ET RE MPLAÇANT LA
LOI N° 92-16 DU 07 FEVRIER 1992 RELATIVE AU CODE ELECTORAL (PARTIE
LEGISLATIVE), MODIFIEE .
TITRE II

Dispositions relatives à l’élection du Président de la République

CHAPITRE PREMIER

Dépôt de candidature
Article LO.115

La candidature à la présidence de la République doit comporter :
1) les prénoms, nom, date, lieu de naissance et filiation du candidat ;
2) la mention que le candidat est de nationalité sénégalaise et qu’il jouit de ses droits
civils et de ses droits politiques, conformément aux dispositions du titre premier du

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Code Electoral (partie législative) ;
3) la mention que le candidat a reçu l’investiture d’un parti politique légalement constitué
ou d’une coalition de partis politiques légalement constitués, ou se présente en candidat
indépendant ;
4) la photo et la couleur choisie pour l’impression des bulletins de vote et éventuellement le
symbole et le sigle qui doivent y figurer.
5) la signature du candidat.

Article LO.116

La déclaration de candidature doit être accompagnée des pièces suivantes :
•un certificat de nationalité ;
• un extrait d’acte de naissance datant de moins de trois (03) mois ;
• un bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de trois (03) mois ;
• une attestation par laquelle un parti politique légalement constitué ou une coalition de partis
politiques légalement constitués déclare que ledit parti ou ladite coalition a investi l’intéressé
en qualité de candidat à l’élection présidentielle ou une liste d’électeurs appuyant la
candidature et comportant les prénoms, nom, date et lieu de naissance, indication de la liste
électorale d’inscription et signature des intéressés. Cette liste doit comprendre des électeurs
représentant au moins dix mille (10.000) inscrits domiciliés dans six (6) régions à raison de
cinq cent (500) au moins par région ;
• une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste que sa candidature est
conforme aux dispositions des articles 4 et 28 de la Constitution, qu’il a exclusivement la

P a g e | 410

nationalité sénégalaise et qu’il sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle.
• une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste être en règle avec la législation
fiscale du Sénégal.
• Une quittance confirmée par une attestation signée par le Directeur Général de la Caisse des
Dépôts et Consignations (CDC) attestant du dépôt du cautionnement prévu à l’article LO117
du présent Code.
En cas d’irrecevabilité d’une candidature, le cautionnement est remboursé quinze (15) jours
après la publication définitive de la liste des candidats.

Article LO.117

Les candidats sont astreints au dépôt d’un cautionnement, qui doit être versé à la Caisse des
Dépôts et Consignations, et dont le montant est fixé par arrêté du Ministère chargé des
élections après avis des partis légalement constitués, au plus tard cent quatre-vingt (180) jours
avant celui du scrutin. Il est délivré une quittance confirmée par une attestation signée par le
Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Dans le cas où le candidat obtient au moins cinq pour cent de suffrages exprimés, ce
cautionnement lui est remboursé dans les quinze (15) jours qui suivent la proclamation
définitive des résultats

Article LO.118

P a g e | 411

La déclaration de candidature est déposée au greffe du Conseil Constitutionnel, dans les délais
fixés par l’article 29 de la Constitution, par le mandataire du parti politique ou de la coalition,
qui a donné son investiture, ou celui du candidat indépendant. Les coalitions de partis
politiques doivent choisir un titre différent de celui des partis politiques légalement constitués.
Toutefois, une coalition peut prendre le titre d’un des partis qui la composent. Le titre de la
coalition ainsi que la liste des partis qui la composent doivent être notifiés au greffier en chef
du Conseil Constitutionnel par le mandataire au plus tard la veille du dépôt de la déclaration
de candidature.

Article LO.119

Un candidat ne peut utiliser une couleur, un sigle, ou un symbole déjà choisi par un autre
candidat. En cas de contestation, le Conseil Constitutionnel attribue par priorité à chaque
candidat, sa couleur, son sigle ou son symbole traditionnels par ordre d’ancienneté du parti
qui l’a investi ; pour les coalitions de partis politiques légalement constitués et les candidats
indépendants, suivant la date du dépôt. Est interdit le choix d’emblèmes comportant une
combinaison des trois couleurs : vert, or et rouge.

Article LO.120

Pour s’assurer de la validité des candidatures déposées et du consentement des candidats, le

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Conseil Constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile.

Article LO.121

Conformément à l’article 30 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel arrête et publie la
liste des candidats vingt-neuf (29) jours avant le premier tour de scrutin. Cette publication est
assurée par l’affichage au Greffe du Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel fait
procéder en outre à toute autre publication qu’elle estime opportune.

Article LO.122

Le droit de réclamation contre la liste des candidats est ouvert à tout candidat. Les
réclamations doivent parvenir au Conseil Constitutionnel avant l’expiration du jour suivant
celui de l’affichage de la liste des candidats au Greffe. Le Conseil Constitutionnel statue sans
délai.

Article LO.123

Lorsqu’il est nécessaire de procéder à un deuxième tour de scrutin, les retraits éventuels de
candidature sont portés à la connaissance du Conseil Constitutionnel par les candidats vingt-
quatre (24) heures au plus tard après la proclamation définitive des résultats du scrutin. Le

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Conseil Constitutionnel arrête et publie, dans les conditions prévues à l’article LO121 la liste
des deux candidats admis à se présenter au second tour.

ANNEXE 9 : LOI N° 2006-04 DU 4 JANVIER 2006 PORTANT CREATION DU
CONSEIL NATIONAL DE REGULATION DE L’AUDIOVISUEL (CNRA).

Exposé des motifs :

Le présent projet de loi a pour objet d’instituer un nouvel organe de régulation plus adapté
au nouveau paysage audiovisuel sénégalais, marqué par l’avènement de plusieurs stations de
radio commerciales, communautaires et la perspective de nouvelles chaînes de télévisions.

Le développement rapide du secteur de l’audiovisuel qui présage de l’ampleur des mutations
à venir, rend nécessaire la mise sur pied d’un organe chargé d’assurer sa cohésion et de faire
respecter les règles de pluralisme, d’éthique, de déontologie, les lois et règlements en
vigueur, ainsi que les cahiers de charges et les conventions régissant l’audiovisuel au
Sénégal.
Pour ce faire, et compte tenu de l’expérience antérieure, aussi bien du Haut Conseil de la
Radio Télévision (HCRT) créé en 1991, que du Haut Conseil de l’Audiovisuel (HCA) créé en

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1998, il y a lieu de conférer au nouvel organe de régulation de l’audiovisuel une autorité
renforcée, reposant notamment sur la mise à sa disposition d’une panoplie de sanctions et de
mesures pouvant être prises dans le strict respect des droits de la défense.
Le nouvel organe est également marqué par une représentation étendue aux jeunes et
personnes du troisième âge avec une mission permanente de veille en ce qui concerne le
respect des diversités culturelles et linguistiques du Sénégal, qui doit se refléter dans les
différents programmes destinés au public.

Enfin, en ce qui concerne les émissions interactives dont la multiplication est sans cesse
croissante, le nouvel organe de régulation est chargé de veiller à ce que les stations de radios
et de télévisions disposent, pour leur organisation, d’un équipement technique permettant
d’éviter les dérapages jusque-là constatés et qui, pour l’essentiel, portent atteinte aux
institutions ou à l’honneur et à la réputation des personnes.
Il s’agit, en somme, avec le présent projet de loi, d’apporter des réponses pragmatiques face
aux défis d’un nouveau paysage audiovisuel et d’anticiper sur l’évolution que notre système
audiovisuel est appelé à connaître comme l’a annoncé, le 3 mai 2005, le Chef de l’Etat à
l’occasion de la célébration de la Journée Internationale de la liberté de la presse.

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ANNEXE 10 : NAISSANCE DU M23349.

349« Naissance du M23. Du coup de file de Gadio au réflexe d’Alioune Tine » (En ligne), 2013,
consulté le 14 octobre 2013 à 18h05.URL :http://www.enquêteplus.com/

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C'est le déclic le patron de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme
(Raddho). Un appel d’un journaliste du groupe Walfadjri qui a voulu prendre sa réaction

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confirme les propos de Gadio. Le gouvernement d’Abdoulaye Wade venait d’adopter ledit
projet de loi qui devait passer par la suite à l’hémicycle. Plus de temps à perdre. Tine écourte
sa visite en Suisse et rentre à le 17. «Arrivé à Lisbonne, j’ai commencé à appeler des gens
dont Mame Adama Guèye, Abdou Aziz Tall, Assane Dioma Ndiaye, Abdou Lo, Fatou Sow
Sarr, Cathy Cissé Wone, Marie- Angélique Savané et d’autres», explique le futur
coordonnateur du M23. Un petit comité est alors monté. Suit une conférence de presse le 18
juin à notre siège. Le lendemain, le 19, c’était le grand assaut. «Les lieux étaient pleins à
craquer.»
Les connexions ont commencé à être établies, ajoute Alioune Tine. Les imams de Guédiawaye
sont contactés, les politiciens après. «Le 20, on est allé voir les membres de Beno Siggil
Sénégal chez Dansokho. Quand on leur a parlé du projet, ils ont tous accepté.»
Très vite, le mouvement s'élargit. «Les syndicalistes avec Mamadou Diouf, Mamadou Mbodji,
Abdou Aziz Dièye, des figures religieuses comme Serigne Mansour Sy Djamil et Serigne
Abdou Samath Mbacké sont venus se joindre à nous », se rappelle Tine. Les rangs
grossissants, le comité qui allait devenir le M23 lance des messages forts et appelle au
rassemblement le 22 juin lors de l’émission « Diiné ak diamono» sur Walf- Tv.
La machine contestataire contre Wade est sur les rails. «En lançant des appels à la mobilisation, note
Alioune Tine, on ne s’imaginait pas voir autant de monde. On a eu du mal à tenir tous les leaders dans
la salle de Daniel Brottier. Personne ne voulait manquer le rendez-vous.» Et la tension était tellement
forte que l’Assemblée générale n’a pu être tenue. Et pour cause, « le public ne voulait pas
écouter les leaders et leurs grands discours. Les « y’en a marristes » étaient là pour dire
basta ! Il faut agir.»

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Dans cette salle archi-comble et surchauffée, deux questions sont posées, toutes fermées.
«Voulez-vous qu’on tienne l’assemblée générale, ou qu’on manifeste ?» Un plan d’actions
pensé lors de réunions publiques tenues à la Raddho et qui devait être entériné ce jour est
adopté. Place aux manifestations. Le lendemain, relève Alioune Tine, on semblait être dans
un autre Sénégal. «C’était un moment de remontée citoyenne inouïe. On a vu que c’était le
début d’une révolution citoyenne. Le pouvoir a tellement sous-estimé les réactions du peuple
qu’il s'est fait surprendre.»
Aujourd'hui, se réjouit le leader de la Raddho, le M23 est devenu une sorte de modèle
mondiale, un «laboratoire de citoyenneté, de démocratie et de liberté», pour apporter le
changement ailleurs.

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ANNEXE 11 : Liste des tableaux, figures et illustrations

Liste des tableaux
Tableau 1/Termes ou expressions-clés renvoyant à la rhétorique sécuritaire (P 182)
Tableau 2/ Termes ou expressions-clés renvoyant à la rhétorique révolutionnaire (P 183)
Tableau 3/ Termes ou expressions-clés renvoyant à la rhétorique guerrière (P 184)

Liste des figures

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Figure 1/ diagramme représentant la répartition mensuelle des entretiens réalisés (P 23)
Figure 2/diagramme représentant les fondements identitaires de l’engagement partisan (P 43)
Figure 3/ diagramme représentant le niveau de dépendance économique des militants (P 48)
Figure 4/ modèle général des discours politiques selon l’approche actantielle (P 160)
Figure 5/ diagramme représentant le niveau de violence électorale au Sénégal en 2012 (P 235)
Figure 6/ diagramme représentant l’évolution du niveau de violence électorale/ville/année (P
236)

Liste des illustrations
Illustration 1/ domicile du Ministre Farba Senghor saccagé par des manifestants (P117)
Illustration 2/ tentative de lynchage public du Ministre Farba Senghor (P 117)
Illustration 3/ Le Ministre Farba Senghor sauvé in extremis par la police (P 118)
Illustration 4/Agression d’Alioune Tine coordonnateur du « M23 » (P 118)

Illustration 5/ Présentation des « Unes » de la presse écrite sénégalaise (P 125)
Illustration 6/ Place de l’Indépendance à Dakar (P 202)
Illustration 7/Emeutes de la faim à Dakar (P 262)

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Illustration 8/ Manifestations 23 juin 2011 devant l’Assemblée nationale à Dakar (P 263)
Illustration 9/ Emeutes à Dakar le 23 juin (P 263)
Illustration 10/ Policiers armés en position de tir (P 273)
Illustration 11/ Arrestations d’émeutiers à Dakar (P 273)

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politiques.
Loi 76-01 du 19 mars 1976 portant révision constitutionnelle.

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Loi 78-60 du 28 décembre 1978 autorisant le 4ème courant de pensée politique.
Loi 89-09 portant création du Haut Conseil de l’Audiovisuel.
Code de procédure pénale de la République du Sénégal.
Ordonnance n°59-054 créant l’Agence de Presse Sénégalaise (APS).
Loi n° 2012.01 abrogeant et remplaçant la loi n° 92-16 du 7 février 1992, relative au code
électoral (partie législative), modifiée.
Loi 2006-06 du 6 janvier 2006 autorisant le Président de la République à ratifier le protocole
contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments de munitions,
additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée,
adopté à New York, le 31 mai 2001.
Loi 66-03 du 18 janvier 1966 portant régime général des armes et munitions.
Loi 71-84 du 28 décembre 1971 modifiant la loi 66-03 du 18 janvier 1966.
Décret n° 66-889 du 17 novembre 1966 fixant les modalités d’application de la loi 66-03 du
18 janvier 1966.
Moratoire de la CEDEAO sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères,
signé le 31 octobre 1988.
Constitution de la République du Sénégal adopté le 7 janvier 2001.

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Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée.
Statuts du PDS, du PS, de l’AFP, de l’APR.
Statuts du M23.

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P a g e | 473

INDEX GENERAL

A
Abdou Diouf . 54, 57, 60, 61, 62, 87, 88, 93, 96,
105, 121, 122, 162, 164, 165, 171, 174, 188,
189, 195, 236, 239, 254, 268, 269, 318, 319,
320, 332, 347 Abdoulaye Bathily ………..93, 96, 115, 160, 255
Abdoulaye Wade 40, 52, 54, 57, 59, 62, 79, 84,
87, 93, 96, 97, 115, 121, 122, 127, 128, 129,
132, 133, 134, 135, 144, 158, 159, 160, 161,
162, 163, 165, 166, 167, 174, 175, 176, 177,
184, 188, 190, 194, 195, 198, 204, 211, 213,

P a g e | 474

222, 224, 227, 231, 234, 237, 238, 239, 242,
252, 255, 259, 262, 263, 264, 267, 268, 284,
285, 291, 318, 319, 320, 332
actants …………………………………… 154, 155, 158
actions1, 3, 8, 11, 14, 22, 24, 25, 28, 30, 38, 69,
71, 86, 100, 101, 133, 148, 150, 154, 158, 169,
171, 184, 227, 240, 247, 253, 278, 302, 314
affrontements 47, 68, 73, 74, 77, 107, 165, 168,
196, 203, 206, 229, 234, 241, 242, 243, 244,
245, 246, 250, 269, 273, 279, 292
agressivité . 12, 21, 90, 110, 127, 136, 148, 149,
160, 164, 184, 267
allégeances partisanes ……………… 23, 32, 35, 54
alternance . 3, 45, 49, 61, 62, 63, 87, 88, 89, 98,
144, 174, 198, 231, 234, 268, 319, 320, 331,
332, 338, 346, 347, 348
Amath Dansokho ………………… 93, 96, 160, 255
argent26, 40, 132, 195, 237, 240, 244, 285, 352
armes 24, 95, 97, 148, 150, 176, 179, 200, 201,
202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 219, 229,
239, 242, 243, 246, 248, 269, 289, 355, 358,
363, 364
autoritarisme ……………….. 49, 91, 313, 344, 355
B
Barthélemy Diaz …………………. 80, 83, 185, 280 Bourdieu ……………. 8, 64, 65, 66, 124, 338, 342
C
calots bleus …………………………………………. 213
calots marron ………………………………………. 214
CNRA ………………121, 136, 138, 142, 144, 365
communication …..66, 100, 122, 123, 124, 139,
141, 144, 151, 154, 185, 186, 187, 212, 329,
335, 352, 353, 359, 360, 361, 362
conflit 10, 13, 29, 47, 63, 67, 69, 70, 71, 74, 92,
115, 121, 144, 181, 199, 207, 215, 269
conflits …. 10, 11, 13, 21, 23, 25, 29, 31, 47, 69,
70, 71, 90, 91, 118, 119, 128, 142, 143, 153,
177, 180, 218, 241, 246, 255, 276, 288, 289,
292, 293, 336, 343, 344, 358, 359, 364
confrérie …………………………………. 38, 236, 281
Conseil constitutionnel …. 6, 39, 175, 176, 211,
224, 225, 226, 227, 231, 264, 284, 293, 348
Conseil Constitutionnel ………………………… 223
consensus 8, 23, 29, 44, 45, 46, 53, 61, 70, 160,
162, 166, 183, 262, 265, 288, 314, 352
constitution … 50, 51, 54, 55, 65, 67, 75, 81, 87,
93, 159, 162, 176, 177, 197, 225, 234, 261,
262, 264, 357
construction .. 1, 3, 8, 10, 11, 12, 19, 21, 22, 23,
24, 32, 37, 38, 44, 46, 51, 53, 59, 66, 68, 71,

P a g e | 475

81, 86, 101, 110, 152, 163, 167, 168, 169, 170,
172, 199, 217, 235, 241, 248, 258, 264, 287,
288, 294, 328, 337, 351, 356
construction politique ……………………………… 19
constructivisme ………. 8, 9, 10, 11, 12, 288, 353
crises . 25, 29, 71, 159, 164, 215, 248, 249, 250,
251, 253, 254, 256, 265, 266, 267, 268, 269,
290, 313, 332
D
Demba Diop ………………………….. 222, 223, 280
démocratie 6, 11, 21, 23, 33, 34, 35, 42, 44, 45,
46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 56, 58, 61, 62,
63, 69, 70, 71, 81, 87, 88, 91, 92, 119, 132,
141, 160, 171, 172, 176, 218, 219, 227, 248,
289, 297, 319, 328, 331, 332, 333, 334, 335,
336, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345, 347,
348, 349, 350, 351, 353, 354, 355, 356, 357,
360, 361, 364
démocratisation .. 7, 23, 29, 31, 44, 51, 53, 288,
341, 348, 362
DIC ………………………………………… 97, 191, 274
discours ….. 7, 15, 18, 24, 28, 52, 65, 67, 70, 75,
83, 87, 90, 103, 112, 113, 114, 120, 126, 130,
139, 148, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 158,
160, 163, 164, 165, 168, 173, 176, 177, 179,
180, 182, 183, 184, 185, 187, 188, 190, 196, 197, 198, 199, 200, 230, 263, 288,315, 324,
329, 351, 355, 359, 360
discussion ………………….. 29, 44, 45, 70, 71, 168
E
émeutes … 82, 93, 114, 170, 171, 215, 225, 251,
253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 266,
267, 268, 269, 272, 273, 290, 342, 360
émotions …..149, 152, 182, 183, 185, 196, 197,
198, 331
Etat …. 10, 13, 15, 21, 25, 43, 47, 54, 56, 57, 59,
69, 79, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93,
95, 96, 97, 98, 99, 116, 118, 119, 121, 122,
123, 138, 162, 169, 170, 172, 174, 179, 180,
186, 192, 193, 205, 206, 207, 209, 218, 219,
220, 222, 230, 235, 236, 237, 239, 249, 250,
255, 258, 259, 262, 263, 267, 276, 277, 278,
281, 282, 283, 285, 289, 291, 327, 328, 330,
332, 333, 334, 336, 337, 339, 340, 343, 349,
353, 356, 357, 358, 362, 364
F
Farba Senghor ……………………….. 107, 128, 210
force …. 3, 21, 23, 24, 27, 30, 44, 65, 66, 67, 68,
69, 70, 71, 81, 86, 87, 88, 90, 91, 92, 94, 124,
130, 133, 155, 162, 163, 168, 172, 175, 182,
187, 190, 201, 218, 222, 227, 237, 239, 243,
250, 253, 254, 257, 262, 272, 274, 320, 321,
351, 365

P a g e | 476

frustrations …. 7, 21, 45, 60, 127, 129, 163, 182,
252, 253, 257, 261, 276
G
grève ……………….. 222, 256, 257, 313, 315, 321
guerre .. 3, 71, 78, 118, 125, 128, 148, 164, 176,
186, 213, 215, 244, 314, 318, 327, 330, 333,
340, 357, 358, 359
H
hégémonie politique ……………………………….. 47
histoire politique . 61, 62, 79, 94, 111, 144, 164,
229, 254, 290
I
Idrissa Seck 42, 74, 97, 98, 144, 159, 160, 161,
166, 197, 202, 205, 237, 238, 265, 272
impunité …………………………….. 25, 90, 275, 364
indemnisation …………………. 282, 283, 284, 336
institutions …… 8, 11, 23, 29, 45, 48, 67, 85, 88,
127, 137, 139, 140, 141, 169, 172, 194, 200,
215, 217, 219, 220, 248, 277, 288, 289, 294,
335
interactions ….. 8, 9, 10, 11, 13, 19, 22, 30, 187,
248, 344, 351 K
Karim Wade …. 98, 99, 144, 188, 190, 191, 253,
263
L
Landing Savané ……………58, 96, 162, 222, 320
légitimité . 12, 13, 20, 21, 29, 32, 37, 43, 44, 60,
66, 67, 69, 85, 90, 91, 119, 182, 217, 220, 236,
250, 256, 259, 293, 355
libéralisation . 3, 56, 57, 77, 121, 122, 144, 252,
258, 269
M
M23 ……. 15, 159, 160, 167, 190, 197, 202, 260,
261, 262, 263, 264, 265, 272, 279, 291, 324,
363
Macky Sall …… 62, 84, 87, 89, 94, 98, 175, 191,
192, 194, 195, 204, 214, 226, 246, 280, 282
mai 1968 …..170, 252, 256, 258, 268, 273, 315,
318, 319
Malick Noel Seck …………………………. 204, 224
Mamadou Dia ………… 55, 95, 97, 258, 313, 318
Mamadou Diop ………………. 175, 227, 271, 284
marabouts …………………….37, 39, 191, 237, 331
Me Seye ……….. 6, 211, 224, 225, 284, 285, 331

P a g e | 477

médias ……. 14, 23, 24, 28, 56, 59, 89, 100, 101,
103, 104, 106, 110, 112, 113, 114, 115, 116,
120, 121, 122, 123, 124, 125, 133, 135, 136,
140, 141, 142, 143, 144, 145, 210, 229, 230,
288, 289, 334, 337, 348, 350, 356, 358, 360,
361
médiatisation …. 23, 27, 28, 100, 102, 106, 139,
198, 373
méthode qualitative ………………………………….. 8
méthode quantitative ………………………………… 9
milices ……… 208, 209, 242, 243, 345, 348, 356
militants …. 7, 16, 17, 23, 32, 33, 34, 35, 36, 38,
40, 41, 42, 43, 60, 67, 73, 74, 75, 81, 96, 125,
161, 187, 194, 201, 217, 242, 243, 244, 246,
258, 265, 269, 280, 288, 293, 297, 300, 301,
308, 309, 310, 313, 318, 324, 360
mobilisations …… 1, 25, 59, 132, 196, 215, 229,
248, 250, 251, 253, 254, 255, 256, 257, 261,
290, 319, 342
Moustarchidines ……………….. 39, 222, 239, 240
multipartisme 3, 35, 49, 50, 51, 55, 57, 62, 173,
255, 319, 358
N
nervis …… 25, 80, 116, 203, 210, 211, 212, 213,
241, 242, 243, 245, 246, 248, 272, 289, 343 O
objectivation ……………………….. 10, 11, 19, 169
offense au Chef de l’Etat ………………………. 192
ordre public . 7, 21, 23, 45, 91, 92, 93, 115, 119,
169, 172, 174, 178, 219, 220, 226, 249, 344,
346, 361, 365
P
parti au pouvoir 42, 88, 217, 230, 265, 292, 318
partis politiques ….. 1, 3, 4, 7, 13, 14, 15, 16, 22,
23, 24, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35, 38, 42, 43,
45, 47, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 66, 68, 73, 77,
83, 87, 101, 125, 150, 153, 166, 173, 187, 200,
201, 217, 228, 229, 230, 235, 241, 257, 258,
261, 265, 273, 287, 288, 289, 292,297, 298,
313, 330, 333, 337, 338, 340, 344, 346, 347,
349, 356, 362, 363, 364
peur … 72, 73, 74, 75, 76, 77, 81, 104, 162, 163,
169, 172, 183, 229, 239, 258, 358
police 93, 96, 97, 109, 117, 119, 126, 129, 141,
204, 209, 213, 214, 222, 223, 226, 227, 228,
246, 259, 269, 273, 275, 278, 279, 316, 324,
338, 350, 354, 358
pouvoir 8, 10, 12, 13, 14, 20, 23, 24, 25, 27, 29,
30, 31, 32, 33, 34, 37, 38, 39, 42, 43, 44, 45,
46, 47, 48, 49, 52, 53, 54, 56, 57, 58, 59, 60,
62, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 75, 76,
78, 79, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90,

P a g e | 478

91, 92, 93, 94, 96, 97, 98, 99, 101, 104, 106,
110, 115, 118, 119, 121, 122, 124, 126, 128,
131, 133, 136, 144, 146, 147, 148, 149, 151,
152, 153, 155, 158, 159, 160, 163, 164, 168,
175, 180, 182, 186, 187, 188, 189, 192, 194,
196, 199, 204, 213, 217, 218, 219, 224, 225,
226,227, 228, 229, 230, 236, 239, 240, 241,
248, 249, 250, 251, 252, 254, 255, 256, 257,
258, 259, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267,
268, 269, 272, 278, 279, 280, 282, 284, 285,
288, 289, 290, 292, 293, 313, 314, 318, 319,
328, 330, 331, 332, 333, 339, 341, 343, 345,
348, 353, 355, 356, 357, 358, 360, 362
pouvoir disciplinaire ……………….. 91, 93, 94, 98
R
radicalisation …… 1, 11, 25, 248, 258, 267, 290,
291, 331
reconnaissance .. 25, 55, 81, 218, 275, 276, 277,
291, 336
régulation .. 46, 48, 69, 118, 135, 136, 137, 142,
144, 344, 356, 374
religion ……………. 36, 37, 38, 75, 192, 235, 347
représentations 1, 10, 11, 23, 27, 29, 38, 64, 65,
67, 68, 70, 72, 75, 77, 78, 86, 101, 115, 117,
124, 135, 163, 166, 172, 190, 191, 288, 327,
329, 340 répression …… 16, 53, 91, 93, 99, 111, 114, 119,
195, 213, 240, 265, 266, 267, 269, 272, 273,
278, 318
ressources .. 1, 11, 13, 16, 24, 32, 35, 69, 88, 89,
105, 148, 149, 150, 151, 152, 251, 256, 266,
285, 288, 307, 374
révolution …. 22, 61, 62, 63, 173, 174, 218, 250,
327, 337, 346
révolutionnaire …. 5, 24, 68, 168, 173, 174, 175,
176, 179, 324
ruse… 34, 41, 46, 48, 49, 52, 53, 54, 58, 59, 191
S
sécuritaire ……24, 168, 169, 170, 171, 172, 173,
174, 177, 220, 324
sécurité .. 79, 120, 130, 169, 171, 172, 173, 178,
202, 207, 208, 209, 211, 214, 225, 254, 272,
273, 275, 278, 343
Senghor … 50, 51, 52, 53, 54, 58, 62, 87, 88, 93,
94, 95, 97, 107, 109, 110, 116, 127, 128, 130,
144, 161, 170, 173, 185, 190, 210, 218, 220,
221, 230, 242, 254, 258, 266, 268, 269, 280,
313, 318, 319, 324, 345, 347, 357, 362
sens 8, 14, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 27, 29, 58, 64,
65, 66, 68, 78, 82, 90, 100, 110, 113, 126, 130,
133, 151, 152, 154, 168, 173, 177, 184, 186,
191, 193, 198, 216, 276, 287, 329, 334, 342

P a g e | 479

société civile … 37, 82, 119, 234, 235, 257, 261,
262, 290, 304, 331, 354, 356
souffrances . 181, 182, 196, 197, 198, 199, 224,
266
spectacle . 78, 80, 105, 106, 107, 110, 111, 126,
127, 131, 136, 143, 186, 246, 288, 340, 350,
373
stratégies … 8, 11, 23, 25, 29, 47, 48, 49, 60, 67,
148, 150, 168, 185, 196, 200, 218, 229, 257,
264, 289, 290
subjectivation ………………………………. 10, 11, 19
syndicats .. 14, 56, 253, 257, 258, 304, 318, 330
T
Talla Sylla ………………… 79, 188, 210, 213, 273
tensions ….. 1, 23, 27, 28, 29, 30, 31, 43, 60, 71,
119, 158, 163, 168, 217, 235, 269, 285, 288,
292, 317
théâtrocratie ………………………………. 78, 80, 100
thiantacounes …… 205, 206, 207, 210, 238, 281,
291
torture …………………………………….. 94, 274, 278
transhumance politique ……………………………. 42
traumatismes …. 25, 75, 196, 200, 248, 275, 277 V
victimes … 6, 25, 71, 76, 81, 115, 118, 148, 175,
197, 227, 248, 273, 275, 276, 277, 278, 279,
282, 283, 284, 291, 336
violence anomique 25, 216, 217, 218, 219, 289,
291, 293
violence électorale 5, 7, 25, 216, 217, 228, 229,
231, 232, 234, 289, 290, 291, 324
violence fanatique ..25, 216, 235, 236, 290, 291
violence légitime ………………………………. 21, 64
violence mercenaire ….. 25, 216, 235, 240, 241,
243, 246, 247, 290, 291, 292
violence partisane 1, 3, 4, 5, 6, 7, 14, 22, 23, 24,
25, 28, 64, 65, 66, 68, 69, 70, 73, 76, 78, 79,
86, 95, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 110,
111, 112, 114, 115, 116, 120, 121, 125, 126,
130, 135, 136, 138, 148, 150, 152, 153, 158,
163, 164, 167, 173, 177, 200, 201, 211, 213,
215, 216, 220, 231, 248, 249, 275, 277, 282,
287, 288, 290, 293, 294, 298
violence physique …65, 85, 118, 148, 149, 200,
205, 231, 245, 248, 277, 290
violence symbolique … 64, 65, 66, 75, 127, 338,
342, 343
violence verbale ……7, 139, 148, 183, 185, 187,
351

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Y
Y’en a marre …… 16, 68, 82, 119, 129, 133, 134

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TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 1
SIGLES ET ABREVIATIONS : 2
INTRODUCTION GENERALE 8
PREMIERE PARTIE : LES ENJEUX DE LA VIOLENCE PARTISANE 41
CHAPITRE PREMIER : Les tensions structurantes du système partisan. 45
SECTION I/ Les configurations partisanes. 46
PARAGRAPHE I / Identifications et allégeances partisanes. 48
PARAGRAPHE II/ Démocratisation et compétitions partisanes. 65
SECTION II/ Les représentations de la violence partisane. 91
PARAGRAPHE I/ Le pouvoir de la violence partisane. 100
PARAGRAPHE II/ La violence du pouvoir. 120
CHAPITRE DEUXIEME/ La médiatisation de la violence partisane. 139
SECTION I/ L’emballement médiatique autour de la violence partisane. 143
PARAGRAPHE I/« L’info-spectacle » dans la médiatisation de la violence partisane. 147

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PARAGRAPHE II/ La dramatisation de la violence partisane. 156
SECTION II/ L’impact des images de la violence partisane sur l’opinion publique. 163
PARAGRAPHE I/ La fascination des images de la violence partisane. 168
PARAGRAPHE II/ La régulation des images de la violence partisane. 181
DEUXIEME PARTIE : LA PRODUCTION DE LA VIOLENCE PARTISANE. 193
CHAPITRE PREMIER/ La mobilisation des ressources de la violence partisane. 197
SECTION I/ Analyse des discours partisans de violence. 198
PARAGRAPHE I/ Logique et rhétoriques de la violence partisane. 201
PARAGRAPHE II/ L’appel aux émotions violentes dans les discours partisans. 237
SECTION II/ Les techniques de la violence physique partisane. 259
PARAGRAPHE I/Les armes matérielles de la violence partisane. 260
PARAGRAPHE II/ Les « professionnels » de la violence. 271
CHAPITRE DEUXIEME/Les niveaux de la violence partisane. 280
SECTION I/ La routinisation de la violence partisane. 281
PARAGRAPHE I/Violence anomique/violence électorale. 283
PARAGRAPHE II/ Violence fanatique/violence mercenaire. 306
SECTION II/ La radicalisation de la violence partisane. 322
PARAGRAPHE I/ La violence partisane en situation de crises sociales. 324
PARAGRAPHE II/ Les traumatismes de la violence partisane. 356
CONCLUSION GENERALE : 370

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ANNEXES. 377
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES. 422
INDEX GENERAL 473

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