pentru ACORDAREA GRADULUI DIDACTIC I Coordonator științific, Prof. d r. habil. ILEANA MIHĂILĂ Autor: Rusei Larisa -Magdalena ( căs. Chiri luș )… [603916]

UNIVERSITATEA BUCUREȘTI

FACULTATEA DE LIMBI ȘI LITERATURI STRĂINE

LUCRARE METODICO -ȘTIINȚIFICĂ

pentru ACORDAREA GRADULUI DIDACTIC I

Coordonator științific,

Prof. d r. habil. ILEANA MIHĂILĂ

Autor:

Rusei Larisa -Magdalena ( căs. Chiri luș )

Școala Gi mnazială „Leonardo Da Vinci”, București, sector 3

2016

1
UNIVERSITATEA BUCUREȘTI

FACULTATEA DE LIMBI ȘI LITERATURI STRĂINE

PORTRAITS D’ENFANTS

DANS LES MISÉRABLES DE VICTOR HUGO

Coordonator științific ,

Prof. dr. habil. ILEANA MIHĂILĂ

Autor:

Rusei Larisa -Magdalena ( căs. Chiriluș )

2
CHAPITRE -I-
1.1 Biographie
« Ce siècle avait deux ans » déclare Victor Hugo pour situer l’année de sa naissance -1802. Né
à Besançon, le 26 février 1802, Victor Marie Hugo est le fils d’un officier de Napoléon, Sigisbert –
Léopold Hugo et d’une mère royaliste, Sophie Trébuchet. La famille suivra le père partout où les
vicissitudes du métier militaire ont permis d’emmener les siens avec lui. C’est ainsi que la Cors e
(1802 -1805), l’Italie (1807 -1808), l’Espagne (1811 -1812) ont étalé leurs paysages agrestes ou
splendides devant les yeux du petit enfant. Cette enfance passée en voyages explique, d’une part les
influences excercées sur son oeuvre de début et d’autre par t, l’admiration sans limite que Victor Hugo
portera toujours à Napoléon I -er et à la grande armée.
Rentré à Paris en 1812, l’enfant Victor s’établit avec sa mère et ses deux frères, Abel (1798 –
1855) et Eugène (1800 -1837) dans la maison de la rue des Fe uillantines, un lieu où les enfants
découvrent la nature et les livres ; ils avaient pour maîtres « un vieux prêtre,un jardin et leur mère ». En
1815, Victor Hugo est élève de la pension Cordier, d’où il suit les cours du lycée Louis -le-Grand. En
1817, il envoie des vers à l’Academie francaise et il est lauréat des Jeux Floraux de Touluse. En 1819,
il fonde, avec ses frères, le Conservateur litt éraire , qui ne dura qu’un an. Il a aussi des liens avec la
revue La Muse française et publie des Odes (1823), augm entées, en 1826 des Ballades et il continue
avec un nouveau roman, Han d’Islande (1823). Toutes ces publications l’ont consacré comme le chef
de la bande romantique dont faisait partie alors Vigny, Dumas, Mérimée, Sainte -Beuve, Théophile
Gautier, etc.
L’an née 1822 annonce le mariage avec Adèle Foucher, la belle espagnole aux yeux noirs, la
camarade de jeu des garçons Hugo. De ce mariage se sont nés quatre enfants : Léopoldine(1824 -1843),
Charles (1826 -1871), François -Victor (1828 -1873) et Adèle (1830 -1915) dont les trois premiers ont
mouru avant leur père.
Le drame Cromwell et sa Préface (1827) lui ont assuré une place principale dans l’école
romantique. Hugo est l’adepte d’un « théâtre libéré pour un public libre ». Ses drames, dont Cromwell ,
Hernani (1830) , Le roi s’amuse (1832) et d’autres encore illustrent les principes de sa nouvelle
esthétique théâtrale ; le drame le plus révélateur est Ruy Blas (1838) où le grotesque côtoie le sublime
et le sérieux se dégrade en bouffonerie.

3
De 1831 à 1840, Hugo donne ses quatre plus beaux volumes de vers : Les Feuilles d’automne
(1831), Les Chants du crépuscule (1835), Les Voix intérieures (1837), Les Rayons et les ombres
(1840). Cette période du parcours de Hugo se superpose à la période brillante du romantisme qui vo it
non seulement la liberté dans l’art, mais aussi le contexte socio -politique qui conduira à la Deuxième
République (1848). En 1841, il entre à l’Académie française et il est nommé , par Louis –Philippe, pair
de France en 1845.
Si, en qualité de théoricien du romantisme, Hugo revendique pour l’art une liberté totale, il
évolue parallèlement vers le libéralisme en politique. En 1849, Victor Hugo est élu deputé de la
Seconde République et il se fixe l’ambition d’être « l’écho sonore de son siècle » et défend des causes
généreuses (la condamnation de la misère sociale, la lutte pour les droits de l’enfant et de la femme,
l’abolition de l’esclavage, de la peine de mort). Ses discours nous montrent avant tout un homme de
principes, obsédé par la défense de la lib erté et la passion de lut ter contre l’injustice sociale.
Sa phrase : « Je suis une Conscience » peut, en effet, résumer toute son œuvre et toute sa vie.
Conscience des événements qui ont fait vibrer l’âme de son temps, de ses tourments, de ses espoirs, de
ses conquêtes mais aussi de la beauté et de la laideur de la nature humaine. Son engagement aux
valeurs universelles va faire de lui la voix des faibles et des exclus, revêtant un caractère particulier. Ni
l’art pour l’art ni l’art pour la politique mais l’art pour le progrès et pour le bien de l’humanité. Car les
Droits de l’Homme ne sont pas, pour lui, un mot vide de sens. Les Droits de l’Homme sont vivants et
doivent être défendus en acte. Hugo, qui se disait « porte -parole de l’humanité », a mis sa plu me au
service « des opprimés de tous les pays et de tous les partis ».
C’est l’époque où il commence Les Misérables , et où il écrit certaines pièces des
Contemplations . Au coup d’État de décembre 1851, il se met dans l’opposition, il lutte de toutes ses
forces contre l’instauration du Second Empire de Napoléon III. Il est porté sur la liste des proscrits et
exilé. De Bruxelles il se rend à Jersey, puis à Guernesey. Il publie alors les Châtiments (1853),
pamphlet contre l’Empire, les Contemplations (1856), la première série de la Légende des siècles
(1859), etc.
C’est le moment aussi pour les grandes épopées romanesques: Les Misérables (1862) est à la
fois fresque historique, peinture sociale et récit humanitaire; Les Travailleurs de la mer (1866) évoque
la vie rude des marins en lutte avec les forces de la nature ; L’homme qui rit (1869) et Quatre -vingt –
treize (1874).
Après le quatre septembre 1870, il rentre à Paris et il écrit L’année terrible, L’art d’être grand –
père, volume consacré à ses deux -petits enfa nts, Georges et Jeanne. Et puis les deux dernières séries

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de la Légende des siècles (1877 -1883). Élu deputé de Paris, puis sénateur inamovible, il ne cesse de
produire: Le Pape , La pitié suprême, L’Ane, les Quatre Vents de l’esprit viennent augmenter son
oeuvre déjà si considérable.
Hugo est fêté comme le poète officiel de la République et le prophète annonçant l’avenir
meilleur. Il meurt le 22 mai 1885 et le pays rend hommage à cet homme de génie en lui faisant des
funérailles nationales.
Victor Hugo re présente au XIX -ème siècle l’incarnation la plus illustre du génie universel qui
a mis son empreinte sur tous les domaines de la création littéraire. Poète, auteur, dramaturge,
romancier, journaliste, historien, « Hugo est un continent dans la littérature française »1 selon les
mots de J.B.Barrère. Personnalité puissante, passionnée et active, tempérament excessif, Hugo a
dominé tout le XIX -ème siècle2.
1.2 L’Enfant dans l’oeuvre de Victor Hugo
« L’enfant doit être notre souci. Et savez -vous pourquoi ? Sav ez-vous son vrai nom ? L’Enfant
s’appelle Avenir . »
« En élevant l’enfant, nous élevons l’avenir. Élever, mot profond ! En améliorant cette petite âme,
nous faisons l’éducation de l’inconnu. Si l’enfant a la santé, l’avenir se portera bien ; si l’enfant est
honnête, l’avenir sera bon. Éclairons et enseignons cette enfance »3
jVictor Hugo a été le grand poète de l'enfance, le plus grand peut -être que la littérature ait
jamais connu. Il a introduit glorieusement l'enfant dans la littérature, tout comme il a ouvert les portes
de la littérature aux humbles de la terre. Non seulement, il l'a chanté avec tous ses charmes, avec sa
beauté et son innocence, dans des poèmes qui resteront parmi les plus beaux de la littérature française,
mais on peut dire que l'enfa nt l'a inspiré jusque dans ses romans, ses poèmes sociaux, politiques et ses
discours. Sa pitié, sa profonde et sincère pitié des misérables, les souffrances de l'enfant innocent ont
ouvert son coeur de père et de poète aux grandes souffrances du peuple.
Et c'est aussi par l'enfant qu'on arrive à la régénération de la société entière ; son grand idéal
humanitaire, héritage de la Révolution, il a voulu le réaliser par l'enfant. Enfin, dans ses propres

1 Jean-Bertand Barrère, Victor Hugo, L’homme et l’œuvre , Paris, Boivin, 1952 .
2 Micaela Slavescu, « Victor Hugo » , apud Angela Ion, Histoire de la littérature française (3), Universitatea din
București, Facult atea de Limbi și Literaturi Străine, București, 1981, p.80.
3 Victor Hugo, Actes et Paroles, pendant l’exil , 1869, p.123.

5
tourments religieux, dans les doutes qui ne le quittaien t pas, même vieillard, l'enfant lui a apporté une
solution qui lui a semblé capitale.
De sa propre enfance, il en garde de vifs souvenirs sur sa famille, le père autoritaire, presque
absent et sa mère, affectueuse, attentive et fière de ses trois garçons. Elle encourage ses enfants à
écrire des vers et elle a confiance dans le génie littéraire de son cadet ; d’ailleurs les poèsies de début
lui étaient dédiées : « O l’amour d’une mère ! amour que nul n’oublie » .
L’éducation au collège a été un moment de tri stesse pour les enfants, arrachés à la nature et à
la liberté. Victor Hugo a toujours réclamé pour l'enfant une jeunesse heureuse, libre des disciplines
scolaires, une enfance et une jeunesse en plein air, profitant largement de la nature. Il se rappelle a vec
amertume et rancune la vie de caserne, la solitude des dortoirs, la laideur des maîtres, ennui des
études, suppression de poèsie, la manque de liberté.
Au contraire, les jours passés aux Feuillantines, au sein de la nature, les voyages en Italie, en
Espagne, tout cela a contribué à ses premières émotions littéraires, à considérer la nature et les
paysages dévoilés à ses yeux innocents, comme une terre pleine de secrets à décripter « la partie la
plus précieuse d’un génie est constituée de souvenirs »4 .
Chez ce grand romantique tout se ramène à sa vie particulière, à ses sentiments personnels, à
ses tendresses individuelles. Tout jeune, il s’est marié avec Adèle Foucher, amie des frères Hugo avec
laquelle il a eu quatre enfants : Léopoldine, Charles, François -Victor et Adèle.
La Correspondance de Victor Hugo offre d'abondantes preuves de ses sentiments sains à
l'égard de la famille. Rien de joli comme les lettres que Victor Hugo adressait à ses enfants pendant
ses absences. De loin il suivait leurs jeux e t leurs études avec une sollicitude toute paternelle. Très
attaché à ses enfants et petits -enfants, facilement attiré et agréablement charmé par la vue de tout
enfant, bien vite ému par la misère enfantine, il aimait à exercer la charité à l'égard d'enfant s pauvres.
En même temps qu’il s’efforce de sensibiliser, par ses romans et ses poèmes, l’opinion publique aux
souffrances des enfants, Victor Hugo aide ceux qui sont autour de lui dans la mesure de ses moyens.
A partir de 1862, année des Misérables, il or ganise dans sa maison de Guernesey un repas
hebdomadaire, suivi de jeux, pour les enfants indigents, catholiques, protestantes, anglais, français,
irlandais (huit d’abord, puis quinze, puis vingt -deux, puis quarante).
C'est l'enfant qui nous a fait pénétr er dans l'intimité de la vie de Victor Hugo. Désirant mieux
connaître l'homme, nous nous sommes introduits d'abord chez le père, le chef de famille. Le géant,

4 André M aurois , Olympio ou la vie de Vic tor Hugo, éd. Hachette, 1954, p.49.

6
chez lui, entouré de ses enfants ou de ses petits -enfants, devient l'homme le plus simple du mond e.
Plus rien de terrible, de révolutionnaire. Un bon bourgeois de Paris, assez doux avec sa femme,
franchement épris de ses beaux enfants, s'attendrissant, dans l'heureux confort et la douce intimité du
foyer, des misères dont souffrent les moins favorisés de la vie, les misérables et surtout les enfants
pauvres. Il est loin d'être un mari parfait, il donne même dans les « grands ébranlements » d'un amour
illicite, mais il n'abandonne pas ses proches. Il a, en quelque sorte, inventé la poésie familiale. « Je ne
vois aucune oeuvre qui ait contribué à faire de lui le grand poète de l'enfance et du foyer. Ceci c'est sa
création propre » écrivait A. Le Breton, et cela est parfaitement juste : « Si nous voulons sentir, a écrit
encore M. Le Breton, ce que (les Ode s) avaient de nouveau, d'original à la date où ils ont paru,
interrogeons notre littérature des siècles antérieurs ; cherchons chez les grands maîtres de l'époque
classique quelque chose d'analogue à cette poésie intime, familière, à ces vers où l'auteur s e met lui –
même en scène avec son vieux père, sa jeune femme, et ses petits enfants, avec les joies et les deuils
de son foyer. Cherchons ! mais nous savons d'avance que nous ne trouverons pas . »5 .
Gaston Deschamps a résumé ainsi la poésie familiale de Vi ctor Hugo : « De tous les poètes du
XIX-ième siècle, Victor Hugo est peut -être le seul qui ait chanté toutes les affections qui font,
tour à tour, pleurer ou sourire l'humanité. Son rôle social ne l'a pas empêché d'être attentif aux
émotions de la vie priv ée. »6.
Toute sa nature d'homme robuste et sain, et son goût d'artiste l’ont conduit vers l'enfant.
Les enfants remplissent sa vie privée, d'où ils ne s'effacent que partiellement, il leur doit
l'incontestable reflet de dignité qu'il garde, malgré ses fai blesses morales. Ce géant à qui on a reproché
son goût de l'énorme, de l'excessif, prend des proportions plus humaines quand il se penche avec un
paternel sourire sur les « petits ». C'est par son affection pour l'enfant qu'il devient plus accessible. Sa
monstrueuse vanité se tait, son humeur vindicative s'apprivoise, les tumultes de son âme s'apaisent ; il
lui arrive même, chose si rare chez ce génie, de s'oublier. Les cris du coeur que lui arrache la perte de
sa fille Léopoldine, ont un accent de sincérit é pathétique qui remue le critique le plus exigent.
Les Feuilles d'Automme, Раиса Meae, et l'Art d'être Grand -père n'ont pas connu de précédent
dans les siècles passés. Victor Hugo n’a pas gardé pour lui toutes les expériences enfantines, le secret
de son coeur, au contraire, c'est une source inépuisable à laquelle son fécond gén ie est toujours revenu
avec une nostalgie marquée. Aussi c'est à lui qu'appartient l'honneur d'avoir découvert ce thème de

5 A. Le Breton, La jeunesse de Victor Hugo, Paris, ed. Ha chette, 1927, p.p. 158 —159.
6 Gaston Deschamps, Petit de Julleville, Histoire de la Langue et de la Littérature française, Paris, Armand Colin, 1896, t.
VII. p. 26 .

7
l'enfant aux innombrables variations que la littérature du dix -neuvième siècle a si largement exploité.
S'il doit quelque chose aux p oètes et écrivains contemporains, c'est tout au plus qu'ils l'ont aidé à créer
chez le public littéraire une atmosphère convenable aux effusions que font naître dans le coeur humain
les attraits de l’enfance.
Le mouvement romantique se distingue, entre aut res traits, par l'abondance et la variété des
confessions et des confidences. Tous les romantiques ont dévoilé leur âme, tous ils ont offert leur sang
et leur chair à l'avidité sentimentale de leurs contemporains. Les joies et les deuils paternels sont
devenus des « sujets » littéraires, qu'ils ont fait trembler une des sept cordes de la lyre et l'émotion
qu'éveillent l'innocence, la pureté, la tremblante faiblesse, la misère aussi de l'enfant, résonne avec les
tréfonds du coeur humain. C’est lui , d’aill eurs, le chef incontesté de la littérature personnelle, un
océan d’émotions et de sentiments.
Comble de malheur, il voit mourir tour à tour ses enfants bien -aimés. Et il nous dit sa douleur
dans des poèmes d’une boulversante sincérité. Quel lecteur peut re ster indifférent devant les pages
qu’il a consacrées au chagrin de la mort de sa fille Léopoldine ? Ce père détruit, cet exilé de
Guernesey, cet immense poète nous semble alors si proche, si humainement fragile…..

« L'enfant ne meurt qu'une fois, mais l e père !
Il mourra tous les jours jusqu'à ce qu'on l'enterre »7
(Tas de Pierres. Dernière gerbe.)

Les poèmes inspirés par la mort de Léopoldine méritent qu'on s'y arrête avec attention et piété,
non seulement parce qu'ils sont considérés, à juste titre , comme les plus nobles et les plus beaux dans
toute l'oeuvre poétique de Hugo, mais surtout, parce que ce deuil lui a ouvert de profondes
perspectives sur la vie humaine. Il a enraciné chez lui, plus profondément, des convictions chrétiennes
sur l'existen ce terrestre et ultra -terrestre, sur la signification de la douleur et le mystère de la
Providence, enfin, ce deuil a spiritualisé l'image de sa fille, et non seulement de sa fille, mais de
l'enfant en général. Et si le thème de l'enfant va se développer de plus en plus dans un sens religieux,
si l'enfant finit par devenir en quelque sorte le rédempteur, dans la religion de Hugo, on peut dire que
l'accident de Villequier y a contribué pour beaucoup. « Il a aimé ses enfants, les a chantés en jolis vers
; puis, quand il les a perdus, il a été tout franchement déchiré, comme un brave homme, secoué d'une

7Victor Hugo, Les Contemplations, livre IV, Pauca meae, IX, p.229 .

8
rude douleur de plébéien, terrassé comme un homme robuste par un gros chagrin qui s'abat sur lui ;
puis, enfin, ce moment revenu de demi -sérénité, qui est le temps propice pour que l’émotion devienne
matière d'art, de sa douleur il a fait des oeuvres incomparables, qui n'ont plus rien d'analogue ni avec
ses chansonnettes d'amour, ni avec ses imprécations de proscrit, qui sont au rang de tout ce qu'un
sentiment profond a inspiré jamais à un grand artiste : Раиса Meae »8.
La plupart des poèmes du livre quatrième de Contemplations ont été écrits quelques années
après la mort tragique de Léopoldine ou même plus tard encore, pendant l'exil. D'abord, il était
simplem ent écrasé sous la douleur. Voici la lettre dans laquelle il remerciait le critique Jules Janin : «
Vous avez été à mon coeur. Je vous écris les yeux pleins des larmes que vous avez fait couler. Faire
pleurer un pauvre homme dans un pareil moment, c'est un don, c'est une vertu. Je vous remercie de ce
bienfait, et je reste à jamais vôtre du fond du coeur. Hélas, cette pauvre chère enfant, vous vous la
rappelez, quell e angel Elle avait une auréole, vous venez d'y ajouter une couronne. Je vous remercie.
»9.
Et pourtant, il faut reconnaître que jamais les déchirements d'un coeur paternel n'ont trouvé
expression plus pathétique, ni forme plus digne que dans les célèbres poèmes où Victor Hugo a
pleuré sa fille. Toute la douloureuse gamme des souffrances que peut infliger au coeur humain la perte
d'un être chéri, s'y fait entendre: la révolte désespérée où Victor Hugo a pleuré sa fille ; la révolte
désespérée contre l'irrévocable alternant avec l'acceptation, l'amère douceur des évocations du passé
heureux, et la lassitude devant l'avenir ; les cuisants regrets d'un grand bonheur dont on a oublié de
jouir quand on le possédait. Voici les douleurs folles des premiers temps, les cris contre Dieu, le refus
du sacrifice et les hallucinations de l'esprit affolé. Songeon s qu'il avait lu la tragique nouvelle dans un
journal, lors d'un voyage qu'il fit dans le Midi avec Juliette — et qu'il n'a pas même revu le cadavre
de son enfant :
« Oh ! je fus comme fou dans le premier moment.
Puis je me révoltais, et par mom ents, terrible.
Je fixais mes regards sur cette chose horrible.
Et je n'y croyais pas, et je m'écriais : Non !
Oh ! que de fois j'ai dit : Silence ! elle a parlé !
Tenez ! voici le bruit de sa main sur la clé »10

8 Emile Faguet, Dix-neuvième siècle, Études Littéraires, Paris, Lecène et Oudin, 1887 , p. 172 -173.
9 Clément -Janin, Victor Hugo en exil, Paris, Éditions du Monde nouveau , 1922, p. 27.
10 Les Contemplations , Livre IV, Pièce IV, p.123.

9
Enfin, il se sentit attiré par l'enfant, su rtout dans sa vieillesse, par un motif de caractère
religieux, l'innocence de l'enfant étant devenue, à ses yeux, non plus seulement un charme moral, mais
encore, et surtout, un argument suprême contre l'existence du mal, et une puissance secrète où il n'é tait
pas loin de voir une manifestation de la divinité. Il se déclara du parti de l'innocence. « Aimons,
nourrissons, vêtons les enfants, parce qu'ils représentent l'innocence. »
Ainsi l’enfant occupe une place primordiale dans l’œuvre de Victor Hugo. On a écrit à son
propos qu’ « en poésie, l’Enfant date de lui et n’a commencé à vivre que dans ses œuvres »11.
Il faut retenir aussi l’ année 1830 qui est particulièrement féconde, car c'est alors que le poète
écrit les plus belles poésies des Feuilles d auto mne inspirées par l'enfant : Laissez, tous les enfants et
Lorsque l’ enfant parait , et la magnifique Prière pour tous . De 1830 à 1840, époque où les enfants du
poète commencent à se développer, les pièces inspirées par l'enfant se succèdent assez régulière ment ;
on les retrouve pour la plupart dans les recueils publiés dans cette décade sur lesquels, par ailleurs,
elles ont mis une empreinte toute particulière, quelques -unes ont été gardées pour les Contemplations
ou receuillies dans Toute la Lyre, après la mort de Hugo, par les soins de son ami Meurice. La
meilleure part de ces poésies chante le bonheur que l'artiste et le père goûtait à la vue de ses propres
enfants ou des enfants qu'il rencontrait sur sa route. Elles sont plutôt un reflet de sa vie intime qu'elles
ne nous renseignent sur les particularités propres à ses enfants, elles restent profondément subjectives.
Par-ci par -là, un cri de pitié ou d'indignation soulevé par le spectacle d'enfants pauvres, annonce la
future orchestration de ce thème spéc ial. L'enfant est vu et représenté surtout en opposition avec
l'homme mûr, et par là cette poésie est une belle et fidèle expression de ce nostalgique regret de sa
propre enfance que l'homme commence à éprouver à mesure que les expériences et les déception s de
la vie s'entassent dans son âme meurtrie. Ensuite, l'enfant égaie l'intérieur familial ; les paysages
perdent, par sa seule pré – sence, de leur aspect sauvage ; il renouvelle, en quelque sorte, les thèmes
sacrés du Romantisme, de la mort, de Dieu, et prête de nouveaux charmes à leurs développements.
C'est l'enfant, selon Victor Hugo, qui confère à l'homme ou à la femme la vraie noblesse
humaine. C'est là le sens des beaux poèmes où il chante la paternité et la fécondité. L'enfant a aussi la
puissance de régénérer les êtres tombés dans l'abîme du mal, par l'effet des sentiments de la paternité
et de la maternité.
La Révolution et le Coup d'état orientent pour longtemps la veine de l'artiste vers les questions
sociales et politiques ; désormais les modu lations du thème de l'enfant se mêleront aux variations

11Theodore Banville, Victor Hugo poète , apud André M aurois, op. cit ., p.553.

10
d'autres thèmes, en particulier à ceux de la misère et de l'ignorance. Hugo se fait le champion de
l'enfant pauvre, de l'enfant abandonné, de l'enfant détenu.
Ce « moraliste nul »12, d'après Lasserre , défend l'union stable dans le mariage, au profit de
l'enfant ; s'il pose la nécessité de réformes judiciaires, c'est qu'il s'est senti remué de pitié à la vue des
petits écroués de la Conciergerie ; s'il demande des améliorations pour les classes ouvrièr es, s'il exige
du travail pour tous, s'il rejette l'aumône, c'est toujours au nom de l'enfant. L'extension de
l'enseignement, qui pour lui doit être laïque, pourquoi l'exige -t-il, sinon pour améliorer le sort des
enfants du peuple ; enfin, c'est l'enfant q ui lui apporte une solution au problème angoissant du mal.
Ecarté de la tribune, l'exilé prépare le grand réquisitoire des Misérables contre la société
coupable de l'abandon maté riel et spirituel de l'enfant. La pitié soulevée par la vue d'enfants
abandonn és ou criminels lui a préparé la voie vers les discours mobilisatoires qui ont eu pour bût de
réconditionner l’enfant,cet être fragile et délicat.
L'enfant est la victime, il a paru à Hugo comme le symbole de la faiblesse, de l'innocence
persécutée, comme une espèce de victime universelle, chargée de tous les crimes politiques, victime
du coup d'état de 1852, victime de l'iniquité sociale, victime des horreurs des âges passés, symbole de
l'ignorance exploitée, de l'innocence sacrifiée, qui crie vengeance v ers le ciel et qui provoque des
interventions directes de la divinité. C'est l'idée qui domine dans ses œuvres de vengeance dirigées
contre les ennemis de la liberté politique et des progrès sociaux, idée, mûrie dans les luttes autour de
la loi Falloux et dans l'exil, et culminant dans le roman des Misérables . « Tant qu'il existera, par le fait
des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers,
et compliquant d'une fatalité humaine la destinée qui est d ivine ; tant que les trois problèmes du siècle,
la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de
l'enfant par la nuit, ne seront pas résolues ; tant que, dans de certaines régions, l'asphyxie sociale sera
possible ; en d'autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu'il y aura sur la terre
ignorance et misère, des livres de la nature de celui -ci pourront ne pas être inutiles »13. Cette « préface
», écrite à Hauteville -House, le premier janvier 1862, dévoile à quel point l’auteur était conscient de la
grandeur de ce roman et de la force qu’il ressentait pour rendre la société moins cruelle.
Impregné de l'idée fixe de la persécution de l'innocence à travers les différe nts âges et jusqu'à
son épo que, Victor Hugo a fait de l'enfant « le séculaire sacrifice humain, l'holocauste éternel de

12Pierre Lasserre, Le romantisme français : essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle ,
Mercure de France, Paris, 1907 , p.273.
13Victor Hugo, Les Misérables , Ernest Flammarion, Paris, 1926, p .5.

11
l'humanité, une sorte de Christ dont les tortures ne cesseraient pas avant la fin de Satan »14. Ce thème
de l'enfant -victime, de l'agneau sacrifié, on le trouve su rtout dans les œuvres de protestation contre le
coup d'état de 1852, dans la Légende des Siècles , et dans Les Misérables . L'innocence reprend son
souverain prestige sous les traits de l'enfant pur, et ses grand yeux étonnés sont comme des miroirs où
l'homm e aimerait à se voir en beau.
Mais l'enfant fait plus que de réveiller les remords dans l'âme des méchants, il guérit, relève,
remplit de vertus l'homme abruti dans le bagne, et on voit l'ancien forçat, Jean Valjean, après la
terrible secousse morale que lui avait infligée. Monsieur Myriël, ouvert à la pitié par Petit -Gervais et
Cosette, enfin, il est converti à une vie d'abnégation et de charité par la mystérieuse puissance qui
émane de l'enfant. « La fonction de l'enfant, d'abord plutôt passive, révélatr ice du bien tout au plus,
devient donc plutôt active, purifie et stimule, prend un caractère de force morale et religieuse
particulière. Ainsi la fonction de l'enfant, d'abord toute naturelle, et accessible à tous, puis
simplement symbolique pour des fait s psychologiques ou sociaux, peu à peu est absorbée dans le
domaine obscur de la religion hugolienne, prend une vie propre, supérieure à l'existence poétique, se
substituant à la fois à « l'immortelle et céleste voix » de la conscience du Vicaire et à la l oi révélée du
Christianisme »15. En passant par l'étape de symbole poétique, la fonction de l’enfant devient une
sorte de manifestation divine, l'unique révélation de l'existence de Dieu.
Ainsi se dessine l'évolution du thème de l’enfant, depuis sa forme la plus simplement
humaine, la plus familière, vers une conception messianique du rôle de l'enfant. Dans L’ Art d'être
Grand -père tous les attributs conférés à l'enfant portent vers le besoin de rédemption, et l'enfant
paraît comme la solution suprême du problème du mal, comme la pureté incarnée qui amène le pardon
final. L'attribut suprême et déterminant que garde le thème de l'enfant à travers ses développements,
est celui de la pureté. « Tantôt cette pureté rayonne au foyer et le remplit de gaîté innoc ente, tantôt elle
purifie et relève les êtres dont elle illumine la voie, tantôt elle est persécutée, et paraît comme une
victime expiatoire, enfin Victor Hugo a voulu la prendre comme clef de voûte de sa branlante religion,
comme la dernière et unique émo tion enfantine »16.
En guise de conclusion, on peut dire que tous ces exemples montrent à quel point la vie de
Victor Hugo a été remplie par l’enfant. Émotions des naissances, douceur des premières années,
soucis de l'avenir, charmes des conversations enfan tines, innocence, candeur, joies de l'enfance, deuils

14J.P.Chr.De Boer, Victor Hugo et L’Enfant , Wassenaar, 1933, p. 120.
15 Op.cit ., p.120.
16 Op.cit ., p.125.

12
paternels, il a connu tout cela. Il a eu vraiment le culte du foyer et de l'enfant. Il s'est occupé même, à
sa manière, de la situation de l'enfant du peuple, de son exploitation par l'industrie, de son manque
d'instruction. Il se trouve que ce culte de l'enfant et du foyer, qui nous a valu des descriptions
ravissantes, éclaire en même temps, les opinions morales, sociales, politiques et religieuses de Hugo.
Ainsi tout son œuvre s'explique par l'enfant. Il a voulu se marier jeune ; il a eu des enfants,
quand d'autres en sont encore à préparer leur carrière. Toute sa vie il s'est entouré d'enfants. Ils lui ont
donné de profondes joies, ils ont été ses grands deuils. La perte de sa fille Léopoldine a faill i le briser
pour toujours. Enfin, devenu vieux, quand il a eu le cruel privilège de survivre aux fruits de son propre
mariage, il a tenu à s'entourer de ses petits -enfants, Jeanne et Georges, qui ont été les dernières
consolations du vieillard morne et rec ueilli. L'enfance lui doit les plus beaux chants qu'elle ait jamais
inspirés à aucun homme.
Lui, le grand poète, le maître des sentiments universel s17 doit aux enfants, le souffle pur qui
inspirait ses premières œuvres lyriques, et qui est revenu si souven t ranimer la poésie de l'homme mûr
et du vieillard. Et puis les constuctions massives, Les Misérables et Quatre -vingt -treize qui confèrent
un rôle purificateur et rédempteur à l’enfant.
Victor Hugo doit aux enfants le meilleur et le plus sain de son insp iration poétique ; il leur
doit encore autre chose, et qui dépasse les limites de son activité purement littéraire, c'est -à- dire les
plus nobles élans de sa pitié envers les misérables.
1.3 Les Misérables, un monument de la littérature enfantine
C’est au cours de son exil que Victor Hugo rédige ce roman gigantesque, Les Misérables ,
vaste fresque historique et sociale sur laquelle il travaille depuis plusieurs années. Dans cette œuvre
colossale (cinq tomes), publiée en 1862, le romancier prend la défense de s opprimés, le parti des gens
du peuple qui souffrent des mauvaises conditions de vie, notamment à Paris. Une fois de plus, il prend
la plume pour dénoncer ces injustices et pour peindre la misère dont il a été témoin. Pour lui, c’est la
société qui pousse au crime ; sans éducation, l’homme risque de se retrouver hors -la-loi : « Ouvrez
des écoles, vous fermerez des prisons »18. Son état d’exilé lui a donné la force et le pouvoir de crier
contre les misères de ses proches et, particulièrement contre les souff rances des enfants, êtres fragiles
et délicats qu’il a toujours aimés.

17 Andre Maurois , op.cit ., p.574.
18 Victor Hugo, Discours à l’Assemblée Nationale , 1848, p.56.

13
Le roman des Misérables est, en quelque sorte, l'épopée de l'enfant. Il l'est même sous deux
aspects. D'abord, il décrit d'une façon poétique les souffrances de l'enfant abandonné, ensu ite il
dépeint la régénération morale d'un criminel par l'enfant (Jean –Valjean est sauvé par Cosette). Par la
publication de son roman, il a fait ressortir les différents aspects que pouvait avoir l’enfance au
XIXème siècle, à travers Gavroche, Eponine, Azelma et surtout Cosette.
En 1846 déjà, dans Melancholia , en 1852 dans Joyeuse Vie , Victor Hugo avait dénoncé
comme dans les Misérables cette « atrophie de l’enfant par la nuit ». « O servitude infâme imposée à
l’enfant ! » :
« Où vont tous ces enfants d ont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le mêm e mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue .
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue »19.

Ces vers témoignent d’une réalité sinistre dont s’emparaient assez d’enfants à l’époque.
Si, dans la poèsie hugolienne, l’enfant a occupé une place importante, c’est le tour du roman
pour s’imprégner des malheurs enfantins. Avant les Misérables , l’enfant ne paraît pas dans le roman
français. On avait l’impression que son âme n’offrait pas au narrateur de quoi intéresser le lecteur. On
ne soupçonnait p as l’intensité de ses émotions, la richesse de ses impressions, les drames qui se
développaient en lui, l’importance immense de menus faits qui ne peuvent attirer l’attention de
l’homme. Mais Hugo connaissait les enfants ; quatre enfants avaient grandi auprès de lui ; il les avait
observé et surtout, il le s avait aimés. Le premier romancier des enfants a su saisir les états d’âme

19 Victor Hugo, Les Contemplations , Bordas, Paris, p.9 8.

14
enfantine et il a réussi à créer des personnages à valeur symbolique, des personnages forts,
inoubliables, au f il des années qui ne témoignent , au fond, qu’une grande sensibilité d u narrateur.
« Ma conviction est que ce livre sera un des principaux sommets, sinon le principal de mon
oeuvre. » écrit-il dans une lettre de 1862.
En fait, depuis leur parution, Les Misérables sont l’oeuvre la plus célèbre et la plus lue de
Victor Hugo. « Chantre du trône et de l’autel, jeune chef romantique, pair de France, exilé souffrant et
superbe, patriarche de la République, il n’a jamais cessé de ressentir profondément en lui les
souffrances des misérables, de dénoncer l’affront qui était fait à le ur dignité d’homme, les as phyxies
horribles du dénuement »20.
C’est le « livre unique » dont rêvait le XIX -ème siècle. Le roman a laissé des images
mémorables : Gavroche, l’enfant des rues pauvre, mais libre, gai et moqueur ; le drapeau rouge, qui
devient l e symbole de la révolution populaire de 1832 ; la scène avec la poupée et Cosette ; les égouts
de Paris , le champ de bataille de Waterloo, la mise en chaînes des prisonniers s’en allant au bagne.
Les thèmes sont romantiques : la révolte, l’idéal impossibl e à atteindre, la grandeur des sentiments
humains, le rôle et l’importance accordée à l’amour, à l’enfant, avant tout chose. Des peintres
romantiques, tels Géricault ou Delacroix ont été inspirés par la beauté des scènes qui animent ce
roman (ex.les combat s sur les barricades,etc.) .
« Les volumes du roman Les Misérables composent, selon les propres voeu x de l’écrivain, «
une montagne » le poème de la conscience humaine » , où toutes les epopées sont fondues « dans une
epopée supérieure et définitive » . La signification la plus apparente de cette histoire d’un bagnard,
condamné pour avoir volé du pain, est de nature sociale. Les deux titres, entre lesquels Hugo a hésité
(Les Misères -Les Misérables), les méditations ou les intrusions d’auteur et, surtout, la note liminaire
de 1862 plaident pour cette signification. Mais ce récit mythique des désherités de la vie, parcouru du
souffle epique de la légende napoléonienne et des comba ts sur les barricades, est centré, finalement,
sur des questions morales »21.
Victor Hugo a commencé Les Misérables en 1845 sous le titre Les Misères. Puis il les a
abandonné s pendant quinze ans, pour les reprendre en 1860, et la première partie du livre paraît le 3
avril 1862. Le 15 mai, publication des deuxièmes et troisièmes Parties du roman (véritable succès au
sein du peuple, la foule s’amasse dès le matin devant les libraires). Le 30 juin paraissent les deux

20 Victor Hugo, Les Misérables , Univers des lettres Bordas, Sous la direction de André Lagarde, Laurent Michard, Fernand
Angué, Bordas, Paris, 1977, p.6.
21 Anca Sârbu, « Le Romantisme et le Roman » , apud Angela Ion, op.cit ., p.137.

15
dernières parties. Par ce monument de la littérature, Hugo se proposait de sensibiliser les
contemporains par rapport à la m isère humaine, aux lois injustes, à l’ignorance : «…..voilà pourquoi
j’ai fait Les Misérables . Dans ma pensée Les Misérables ne sont autre chose qu’un livre ayant la
fraternité pour base et le progr ès pour cime ».
La « préface » fameuse du roman annonce les problèmes importants du siècle et par
conséquent de son roman : « la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme
par la faim, l'atrophie de l'enfant par la nuit » . Le peuple a retenu, avant tout autres, parmi les
personnages d e Hugo, ceux -là précisément qui incarnent ces trois misères : Jean-Valjean, Fantine,
Cosette enfant, et Gavroche. Toute une pléiade d’enfants qui lutte contre une société injuste, misère et
corrompue.
Victor Hugo a porté en lui Les Misérables pendant tren te ans. Très souvent, pendant ces trente
années, il s’est demandé comment son livre serait compris, s’il inspirerait une pitié suffisamment
profonde, s’il aiderait réellement la société à devenir moins dure et cruelle. Il a jeté sur le papier, à
maintes re prises, des ébauches de dédicaces et de préfaces qui témoignent de ses intentions, de son
émotion, de son espoir comme de ses doutes : « Il y a des hommes qui, à force de se haïr eux -mêmes,
en arrivent à haïr les autres, et sont sévères pour tous la seule raison qu’ils se jugent eux -mêmes
sévèrement. Il y en a d’autres que le profond sentiment de leur infirmité et de leur faiblesse dispose à
l’indulgence et à la commisération. L’auteur de ce livre e st de ces derniers:
À ceux qui travaillent.
À ceux qui pens ent.
À ceux qui souffrent » .
Et quelle force intérieure dévoile l’auteur quand il dénonce la superficialité des lois et des
moeurs et quand il condamne la fatalité humaine : « Tant qu'il existera, par le fait des lois et des
mœurs, une damnation social e créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant
d'une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation
de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l' atrophie de l'enfant par la nuit,
ne seront pas résolues ; tant que, dans de certaines régions, l'asphyxie sociale sera possible ; en
d'autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu'il y aura sur la terre ignorance et
misère, des livres d e la nature de celui -ci pourront ne pas être inutiles »22.

22 Victor Hugo, Les Mi sérables , Ernest Flammarion, Paris, 1926 (préface), p.5.

16
L’oeuvre comprend cinq parties : quatre d'entre elles sont dominées, chacune, par la fig ure de
l'un des héros : Fantine (ouvrière de M. Madeleine alias Jean Valjean), Cosette (sa fille), Marius
(l'étudiant épris de démocratie, futur mari de Cosette), Jean Valjean (le personnage principal qui
assure l'unité de l'œuvre). Les cinq parties s’intitulent : « Fantine » (huit livres), « Cosette » (huit
livres), « Marius » (huit livres), « L’Idylle rue Plumet et l’Épopée rue Saint – Denis » (quinze livres) et
« Jean Valjean » (neuf livres). Tous ces personnages emblèmatiques ont un rôle primordial, celui de
sensibiliser les lecteurs et les contemporains sur les injustices de la société, sur les malheurs qui
dominaient le XIX -ième siècle. Les personnages de son roman sont tous, à leur façon, des
« misérables ». Leurs destins se croisent tout au long du récit. De par leur histoire, leur destinée,
tragique pour certains, héroïque pour d’autres ou encore exemplaire, ils deviennent des types et
suscitent l’engouement des lecteurs parisiens qui attendent avec impatience la suite de leurs aventures
au fur et à mesure de la sortie des différentes parties. L’ auteur invite ainsi le lecteur à ressentir de la
pitié pour les personnages en nous faisant partager leurs souffrances. Les passages les plus
dramatiques des Misérables sont presque toujours rattachés à l’évolution psychologique du principal
personnage et au thème essentiel du roman « l’ascension d’une âme ».
Le héros principal, Jean Valjean vient d’être libéré du bagne où il était emprisonné pour avoir
volé du pain ; sa peine avait été allongée en raison de ses nombreuses tentatives d’évasion. Il cherche
à se loger mais toutes les portes se ferment, exceptée celle de Monseigneur Myriel qui tente de le
convaincre de redevenir honnête. Pourtant, malgré ce discours, Jean Valjean commet un nouveau
larcin : il vole une pièce à un petit ramoneur, Petit Gervais. Pris de remords, il décide de s’échapper et
de changer de nom : il devient M. Madeleine. Grâce au commerce, il s’enrichit dans la petite ville de
Montreuil -sur-Mer où exerce l’inspecteur Javert, qui pense reconnaître l’ancien forçat qu’il cherche
désespérément depuis des années.
Dans la même ville vient s’installer la jeune Fantine : elle a dû quitter Paris car elle s’est
retrouvée enceinte et délaissée par le père de l’enfant. Pour assurer l’éducation de sa fille Cosette,
Fantine décide de la confier à un couple d’aubergistes, les Thénardier, pour qu’elle puisse travai ller et
subvenir à ses besoins. Ces derniers ne cessent de réclamer de l’argent à la pauvre malheureuse. Elle
délaisse complétement la jeune enfant qui se retrouve dans un état lamentable, à leur service et devant
subir de nombreuses brimades. Les Thénardi er n’hésitent pas à dénoncer le véritable statut de
Fantine : à cette époque, être une mère célibataire est très mal perçu. Elle se retrouve donc sans travail
et se prostitue pour tenter de rembourser ses dettes aux bourreaux de sa fille. Arrêtée par Javer t, c’est
M. Madeleine qui la protège et, alors qu'elle est sur le point de mourir, il lui pr omet de prendre soin de

17
Cosette. Cependant, Javert pousse M. Madeleine à révéler sa véritable identité et Jean Valjean se
retrouve de nouveau emprisonné. Il réussit à s’évader et court délivrer la petite Cosette des griffes des
Thénardier. Il l’amène à Paris et ils se réfugient ensemble dans un couvent. Quelque temps plus tard,
Jean Valjean est devenu Fauchelevent ; il travaille au couvent où Cosette, sa fille adopti ve, reçoit une
éducation et grandit paisiblement.
Lors d’une promenade dans les jardins du Luxembourg, Cosette rencontre Marius, un jeune
étudiant pauvre : dès le premier regard, les deux jeunes gens tombent amoureux. Le jeune Marius
fréquente un groupe, l’ABC, qui se bat pour que le peuple obtienne plus de liberté et qu’il soit moins
« abaissé ». Il rencontre d’autres étudiants dont le truculent Enjolras ainsi que le jeune Gavroche, un
enfant des rues, un « joyeux va -nu-pieds » (qui se révélera être le fi ls des Thénardier). Les voisins de
Marius sont les Thénardier, appelés à ce moment -là Jondrette ; ce couple perfide cherche à tendre un
piège à Jean Valjean mais Marius, ayant surpris une conversation, appelle la police et sauve celui qu’il
prend pour le p ère de sa bien -aimée. C’est l’inspecteur Javert qui arrête le couple sans scrupules.
Quelque temps plus tard éclate la révolte du peuple parisien, déclenchée par la mort du
Général Lamarque (juin 1832). Le peuple, et les amis de l’ABC notamment, dressent d es barricades
où se retrouve l’ensemble des personnages du roman. Les soldats n’hésitent pas à ouvrir le feu, même
sur le jeune Gavroche qui les brave en tentant de ramasser des munitions. Le jeune Marius échappe de
peu à la mort : c’est Jean Valjean qui l e sauve alors que Javert renonce à l’arrêter. L’ancien forçat fuit
les tirs des soldats en passant par les égouts avec Marius évanoui sur son dos ; il devra son salut à
Thénardier qui lui ouvre la seule issue accessible. Suite à un quiproquo, Marius ne déc ouvrira que
plus tard l’identité de son véritable sauveur ; Jean Valjean meurt, entouré de ses « enfants », Marius et
Cosette qui se sont finalement mariés.
Tous les souvenirs d’enfance se rencontrent dans cette oeuvre de maturité : la vie austère
passée a u pension, les visions de guerre qui animaient les voyages en Italie, Espagne ; l’image des
enfants malheureux qui peuplaient les rues parisiennes ; l’amour caste et pur que l’auteur a partagé
avec sa femme.
À travers son œuvre Victor Hugo retranscrit bien la vie injuste et inhumaine des enfants à son
époque. Cosette, elle, a vécu toutes les conditions sociales : toute petite, elle a été une enfant
abandonnée, ensuite l’enfant maltraitée par les « Thénardier » , puis une adolescente au couvent, une
jeune fe mme aimée, protégée et enfin une baronne. La destinée de Cosette est romanesque et
incroyable. Dans la réalité, la misère commençait à tout âge et durait souvent toute la vie. On peut
penser que c'est le cas pour les autres enfants du roman qui, à part Gav roche qui a une mort héroïque,

18
disparaissent dans l'oubli. Malgré cela, Cosette reste la figure emblématique de l'enfance malheureuse
et injustement maltraitée par des adultes sans scrupules. Que serait -elle devenue sans Jean Valjean ?
Le roman du XIXème s iècle ne s'intéresse pas aux grands hommes qui font l'Histoire mais à
des personnages issus du peuple. Victor Hugo s'attache plus particulièrement aux « misérables », c'est –
à-dire aux gens du peuple qui doivent se battre pour leur survie (Jean Valjean cond amné à voler,
Fantine contrainte de vendre ses dents ou Cosette traitée comme une esclave). Toute sa vie durant il a
mis son talent au service des humbles et des « misérables » .
Et quelle splendeur de voir le gamin de Paris, le gamin légendaire, le type universel et
impérissable du gamin. Le trait dominant dans cette figure fantasque, et qui lui communique une
physionomie inoubliable, c'est l'insouciance dans la misère, cette imperturbable gaîté de l'enfant dans
le malheur, qui est fait de la précoce habi tude de la souffrance, d'ignorance, du manque de souvenirs,
du mystère de l'avenir, de la soif d'imprévu, d'optimisme frais, de confiance et d'imagination. En
même temps il est le symbole de ce qu'il y a d'éternellement enfantin dans le peuple de Paris, ga i et
insouciant et innocent comme lui, raffolant de spectacles etde changements et qui, comme lui, garde
son sourire hardi, place ses bons mots, aime casser les vitres « pour le plaisir » ,demeure l'éternelle
victime de la société mal faite.
Quant à l'exté rieur, à la physionomie des enfants, rarement les enfants qui paraissent dans les
oeuvres de Victor Hugo sont laids ; les misères inscrites sur la pauvre figure de Cosette n'abolissent
pas entièrement ses grâces enfantines. Rarement ils sont méchants, ils sont les victimes des adultes
abrutisés et dépourvus de moralité.
Au fond tous ces enfants se ressemblent, parce qu'ils sont tous, en premier lieu, porteurs de
caractères généraux, l'expression poétique de sentiments, de qualités ou d'idées chers au poète. Ils sont
tous gracieux, vifs, innocents, ignorants, joyeux, espiègles, turbulents ; ils sont gourmands et veulent
tout avoir, ils rayonnent autour de leurs petites figures de la pureté, de la paix et de la joie, comme les
fleurs ils reposent l'œil et l'es prit de l'homme des luttes et des rêves de la vie, ils constituent le seul
élément de bonheur qui soit sans mélange. Ils ne connaissent ni le mal, ni la haine, ils projettent dans
la vie humaine un rayon du ciel, ils conseillent à l'homme la bonté et lui i nspirent la prière.
Les personnages prennent donc une valeur symbolique, en particulier chez Hugo où la lutte
sociale devient une lutte entre le Bien et le Mal : c'est ainsi que Fantine perçoit l'affrontement entre
Jean Valjean, « son bon ange » et Javert, « son démon ». La Thénardier devient, aux yeux de Cosette,
un véritable monstre. Les Misérables montrent ainsi des héros, tels Jean Valjean et Fantine, rejetés par
la société et condamnés au Mal, mais que la bonté d'un homme viendra sauver.

19
La fin heureus e du roman réactualise la croyance de l’auteur dans le progrès, dans la chance
d’un avenir meilleur et d’une réabilitation de l’être humain. Malgré toutes les souffrances subies par
ces personnages, certains réussissent à garder leur candeur enfantine, la pureté et la joie.
Mais l'enfant fait plus que de réveiller les remords dans l'âme des méchants, il guérit, relève,
remplit de vertus l'homme abruti dans le bagne, et nous voyons l'ancien forçat, Jean Valjean, après la
terrible secousse morale que lui ava it infligée Mgr. Myrie l, ouvert à la pitié par Petit -Gervais et
Cosette, enfin, converti à une vie d'abnégation et de charité par la mystérieuse puissance qui émane de
l'enfant. La fonction de l'enfant, d'abord plutôt passive, révélatrice du bien tout au p lus, devient donc
plutôt active, purifie et stimule, prend un caractère de force morale et religieuse. Ce caractère est
explicable psychologiquement et justifierait amplement la valeur symbolique du thème de l'enfant
dans l'oeuvre de Victor Hugo.
La place exceptionnelle que ce thème de l’enfant tient dans l'œuvre de Hugo, et la prédilection
avec laquelle l'auteur y est toujours revenu, nous révèle de sa sensibilité ; il semble qu'une seule fois
ce n'est pas l'imagination qui ait été la source de ce génie, mais la vie même, la vie profonde de
l'homme et du père. Par là le roman de l'enfant de Victor Hugo serait ce qu'il a écrit de plus véc u, de
plus personnel, son cœur « mis à nu » . L'enfant a été pour lui le miroir dans lequel il s'est retrouvé
reflété le plus fidèlement. Il y a retrouvé ses vertus et ses vices, mais toujours il lui a semblé y trouver
aussi une béné – diction et un pardon. Séparé de l'enfant l'homme est malheureux, la vie est sombre, le
cœur se vide de ses meilleures affections. Frapper l'ê tre humain dans ses enfants est l'épreuve la plus
cruelle que Dieu puisse lui faire sentir. Le poète a connu cette épreuve suprême, et il faut reconnaître
qu'il l'a subie avec des sentiments qui rehaussent singulièrement sa vie morale et projettent une lue ur
d'incontestable dignité sur sa vie orageuse. L'enfant meurt, mais la petite âme vivra éternellement,
séparée non pas entièrement de ses parents inconsolables. « Le thème de l'enfant, suavement ou
allègrement, chante en majeur dans les recueils de poésie intime, mais dans les doléances du père
éprouvé, dans la poésie épique ou satirique flétrissant les criminels monarques de tous les âges et les
exploiteurs de l'industrie moderne, la musique, en mineur, verse des larmes sur les stériles regrets des
parent s en deuil et sur le martyre des petits innocents. Si le thème n'a pas été épuisé par le maître,
celui -ci a du moins le mérite de l'avoir créé »23. Sa poésie lui doit des morceaux d'une frémissante
humanité qui resteront toujours dans les mémoires, ses disc ours politiques gardent par la profonde
pitié de l'enfant du peuple un incontestable accent de générosité, la massive construction des

23 J.P.Chr.De Boer, op. cit ., p.140.

20
Misérables est comme égayée par les vivants et charmants détails inspirés par l'enfant. Un jour le
poète avait résumé, en des vers reconnaissants, tout le bien moral que son âme avait trouvé dans
l'enfant :
« Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés »

Par quel miracle s'est -il trouvé que de cette bénédic tion enfantine l'œuvre a bénéficié presque
autant que l'homme ? Car ce thème merveilleux qui porte sur l’enfant, jette « ses rayons dans les plus
sombres frondaisons de son œuvre, parfois il y tinte comme des fanfares, comme des cloches
joyeuses, parfois i l souffle à sa tristesse les vérités de suprême consolation »24.
Cette « Acropole des va -nu-pieds », Les Misérables fait l’objet d’une vive admiration. Dès sa
parution, ce roman a attiré et attire continuellement, par la complexité des situations révoltante s, des
images populaires, par les personnages d’enfants à valeur symbolique qui doivent lutter pour leur
survie, par l’ écriture poétique qui présente les personnages comme des héros d’epopée.
Depuis sa publication cette œuvre est devenue une référence, le symbole de toute une époque
et bien plus encore. Elle est à la base de nombreuses autres créations dont des films, des bandes
dessinées, des pièces de théâtre ou encore de comédies musicales qui suscitent toujours autant
d’intérêt. C’est une œuvre qui tra verse le temps et les frontières. Victor Hugo est une source
inépuisable d'inspiration grâce à ses thèmes abordés : l’enfance, l’amour, le travail, la beauté de la
nature, la paternité, la mort, la douleur des hommes, la justice. Une palette complexe à tel point que
personne (lecteurs, critique, hommes politiques) ne puisse rester dans l’indifférence !
Ce monstre sacré, cet océan tour à tour calme, accueillant, fraternel et nourricier puis
brusquement déchaîné, tempêtant pour défendre ce qu’il croit juste, est d’une réelle actualité.Tout ce
qu’il a dénoncé dans son oeuvre, depuis la peine de mort et le travail des enfants, jusqu’au respect de
la nature et des bêtes, est aujourd’hui d’une terrible modernité. Deux siècles après sa naissance, il est
bien deven u ce prophète inspiré qui a anticipé les angoisses du monde contemporain.

24 Ibidem ., p.263.

21
CHAPITRE -II-
Figures d’enfants dans Les Misérables

En 1862, Victor Hugo exposait dans une lettre à Lamartine ses idées sociales : « Si le radical,
c'est l'idéal, oui je suis rad ical. Oui, à tous les points de vue, je comprends, je veux et j'appelle le mieux;
le mieux, quoique dénoncé par le proverbe, n'est pas ennemi du bien, car cela reviendrait à dire: le
mieux est ami du mal. Oui, une société qui admet la misère, oui, une reli gion qui admet l'enfer, oui une
humanité qui admet la guerre, me semblent une société, une religion et une humanité inférieures, et
c'est vers la société d'en haut, vers l'humanité d'en haut et vers la religion d'en haut que je tends: société
sans roi, hum anité sans frontières, religion sans livre. Oui, je combats le prêtre qui vend le mensonge et
le juge qui rend l'injustice. Universaliser la propriété (ce qui est le contraire de l'abolir) en supprimant le
parasitisme, c'est -à-dire arriver à ce but: tout h omme propriétaire et aucun homme maître, voilà pour
moi la véritable économie sociale et politique. J'abrège et je me résume. Oui, autant qu'il est permis à
l'homme de vouloir, je veux détruire la fatalité humaine, je condamne l'esclavage, je chasse la mis ère,
j'enseigne l'ignorance, je traite la maladie, j'éclaire la nuit, je hais la haine. Voilà ce que je suis, et voilà
pourquoi j'ai fait les Misérables »25.
Il fallait bien que l'enfant occupe une place très importante dans ce roman social de Victor
Hugo, qui visait à résoudre les trois problèmes du siècle : « La dégradation de l'homme par le
prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de l'enfant par la nuit » 26. Évidemment le
poète entend par là toutes les circonstances sociales qui p rovoquent ou aggravent la misère des enfants
pauvres ou abandonnés; d'abord l'inégalité entre les classes de la société, puis l'exploitation de l'enfant
par l'industrie, l'insuffisance de l'enseignement populaire. Tout cela fait la nuit qui pèse si lourdem ent
et si sinistrement sur les têtes innocentes des enfants pauvres.
Le roman Les Misérables est considéré comme un grand chef -d’œuvre de l’humanité, comme
une véritable fresque sociale qui a su faire ressortir les différents aspects que pouvait avoir l’en fance
au XIXème siècle, à travers Gavroche, Éponine, Azelma et surtout Cosette. Son influence a été
capitale. À travers son œuvre, Victor Hugo retranscrit bien la vie pénible des enfants à son époque, il
a retracé le portrait de l’enfant misérable, tel qu ’il l’ a connu dans son temps.

25 Victor Hugo, Correspondances, p.251 -252.
26 Victor Hugo, Les Misérables, Collec tion fondée par Guy Schoeller, é d. Robert Laffont S.A., Paris, 1 985, p.5.

22
Victor Hugo est un écrivain mais aussi un homme politique qui s’insurge avec acharnement
contre le travail des enfants, il réclame l’instruction pour tous. Il triomphe en 1862 lors de la
considération de son action socio -politique sur le sort des enfants en organisant des bals pour récolter
des fonds pour les pauvres et lors de la publication de son œuvre Les Misérables.
Dans ce siècle, on commence à investir de plus en plus dans les enfants. Peu à peu, à l’époque
des Misér ables , avec le contrôle progressif des naissances, la famille bourgeoise soigne, choie, aime
sa progéniture. Elle se préoccupe non seulement de son avenir profe ssionnel, mais aussi de son bien –
être. Pour les classes aisées, on ne cesse de concevoir et de réaliser des espaces qui soient mieux
adaptés au déroulement de ses journées, à la maison comme à l’école : lieux pour jouer, pour assister à
des spectacles, pour se mouvoir.
Mais les espaces de l’enfance démunie, eux, ont peu changé : pièce unique au mob ilier pauvre
où vit la famille nombreuse, atelier, classe rudimentaire, rue. Des intervenants extérieurs, médecins,
homme d'État, éducateurs, prennent en charge les enfants misérables. Ceux même qui sont victimes
de la révolution industrielle. Car l’explo itation des enfants sur leur lieu de travail est une réalité
dramatique. En Angleterre, en Allemagne, en France, les enfants sont embauchés dans les voiries, les
manufactures de tabac, les filatures de coton, les fabriques, à partir de six, sept ans, parfo is plus tôt. La
journée de travail est de quatorze à seize heures pour un salaire quatre fois inférieur à celui d’un
adulte. Les malheureuses victimes de la dureté de leurs parents et de l’insensibilité de leur maître
crachent le sang dès le premier jour, et à chaque fois leurs barbares parents viennent se plaindre de ce
qu’on les a renvoyés sans sal aire au milieu de la semaine.
Maltraités, mal vêtus, mal nourris, ils doivent parcourir à pied, dès trois heures du matin, la
longue distance qui sépare leur maison de leur atelier et faire le soir le chemin en sens inverse, après
une journée de travail harassante. Dans les mines, on les emploie (parfois dès quatre ans) à ramper
dans les étroites galeries, attachés comme des animaux au chariot qui pousse un au tre enfant. Leur
tâche consiste à ouvrir et fermer les portes des galeries, les obligeant à rester seuls sous terre dix à
douze heures27.
Comment ces infortunés, qui peuvent à peine goûter quelques heures de sommeil,
résisteraient -ils à cette espèce de t orture? Aussi ce long supplice de tous les jours ruine leur
constitution déjà chétive par hérédité, et ces pauvres créatures supportent mal le fardeau de la société
cruelle.

27 Karine, Delobbe , Des enfants au XIXème siècle , apud http://www.droitsenfant.fr/travail_histoire.htm , consulté le 4
février 2016.

23
Pour eux l’éducation se fait essentiellement dans la rue ou sur le lieu de travail (puis
progressivement à l’école). Car, l’enfant ne dispose pas d’un espace à lui à la maison : la promiscuité
avec les frères et sœurs, avec les parents et d’autres adultes de la famille est le quotidien de ses
journées et ses nuits. Les lits sont souvent partagés entre frères, sœurs ou entre parents (ou d’autres
adultes) et enfants.
Ainsi le manque d’intimité enseigne à l’enfant pauvre de pratiques affectives et sexuelles que
ne connaît pas l’enfant des classes supérieures.
Le petit mendiant est présen t aussi, tout au long du siècle. Il ne s’agit pas d’un mendiant
occasionnel, mais d’un enfant contraint de demander la charité aux passants, été comme hiver.
Chassé par la police, il est obligé de changer continuellement de quartier. Le châtiment suprême est de
lui imposer d’aller à l’école. L’enfant vagabond, tel Gavroche et ses petits compagnons, erre sans
limite, sans calendrier et sans enfance dans Paris.
Ils sont souvent contraints à des tâches dégradantes, comme Cosette, ou dangereuses pour être
finalement abandonnés sur les grands chemins quand ils sont devenus trop grands. D’autres enfants
finissent en prison pour délinquance: petits voleurs, fillettes prostituées, complices de malfaiteurs
adultes, Éponine et Azelma28.
La véritable victime des crian tes injustices sociales que veut stigmatiser Victor Hugo, c'est en
premier lieu, l'enfant. Cosette, la fille de la prostituée, Fantine, subit par contre coup toutes les
aventures terribles qu'essuient sa mère et son père adoptif, Jean Valjean. C'est elle q ui inspire,véritable
martyre de ce hideux couple des Thénardier, la plus profonde commisération. Jean Valjean éveille
plus d'admiration que de pitié, parce que l'auteur l'a doué de tous les dons de la nature, et qu'il a fait de
lui une espèce de surhomme, qui se joue, après tout, de tous les obstacles qu'on met sur son chemin,
mais, l'enfant, faible créature, sans résistance physique et morale, ayant en outre cette innocence que
l'homme mûr n'a plus, attendrit infiniment davantage et excite à l'indignation la plus violente.
Et à côté d'elle il y a un groupe d'autres enfants encore plus pitoyables; ceux qui naissent du
péché des riches, vivant et disparaissant obscurément, comme les enfants attribués par La Magnon à
M. Gillenormand, ceux qui, nés de parents criminels, un jour se trouvent jetés « sur le pavé » ,
comme les deux mioches que protège si paternellement Gavroche, les enfants Thénardier surtout, dont

28 Victor Hugo , Les Misérables , Classiques abrégés, L' école des loisirs , Paris, p. 50.

24
le garçon complètement abandonné de ses « ancêtres » , meurt héroïquement sur la barricade, et dont
les deux filles, Éponine et Azelma sont exploitées par le père de la façon la plus révoltante.
Le roman des Misérables est en quelque sorte l'épopée de l'enfant. La vue d'enfants malades,
difformes ou infirmes inspirait toujours une profonde pitié au gr and poète. Le malheur de la plu part
des enfants misérables dont il parle, est causé par la bassesse de leurs parents et par l'injustice sociale,
ou plutôt, car la première cause se ramène à la seconde, tout est le fait de la désorganisation de la
société.
Dans cette pitié pour les enfants misérables, Hugo était sincère. Elle s'élève bien au -dessus
des déclamations rhétoriques de la tribune politique. Et elle ne s'adressait pas seulement aux victimes
de la société. Car, en dehors de ses discours politique s, en dehors de son roman social, on assisste à
des passages qui prouvent combien son coeur fut toujours remué par les misères et les douleurs de
l'enfant :
« Ce que nous disons l à n’ôte rien au serrement de cœ ur dont on se sent pris chaque fois qu’on
rencontre un de ces enfants autour desquels il semble qu’on voie flotter les fils de la famille brisée.
Dans la civilisation actuelle, si incomplète encore, ce n’est point une chose très anormale que ces
fractures de familles se vidant dans l’ombre, ne sacha nt plus trop ce que leurs enfants sont devenus, et
laissant tomber leurs entrailles sur la voie publique. De là des destinées obscures. Cela s’appelle, car
cette chose triste a fait locution, « être jeté sur le pavé de Paris »29.
Le roman décrit d'une faço n poétique les souffrances de l'enfant abandonné, ensuite il dépeint
la régénération morale d'un criminel par l'enfant. Pour nous servir d'une antithèse, Victor Hugo aurait
donc chanté l’enfant -victime et l'enfant rédempteur. La chute de Fantine, la déchéa nce des Thénardier,
l'arrestation de la Magnon entraînent des victimes innocentes: quand l'homme tombe, l'enfant est
écrasé. D'autre part, le relèvement moral du forçat se fait par une fillette. Jean Valjean est sauvé par
Cosette. Écrasement de l'enfant da ns le monde matériel. Triomphe de l'enfant dans le monde moral «
Souveraineté des choses innocentes ».
Le « gamin » joue dans cette oeuvre un rôle à part. Si Cosette représente l'innocence,
Gavroche symbolise l'esprit révolutionnaire par lequel, selon l'idée du poète, adviendra le règne de la
Sainte trinité, Liberté, Égalité, Fraternité, avenir lumineux où la misère sera abolie définitivement.
À la barricade de la rue de la Chanvrerie, quand il s'agit de sauver quelques camarades d'une
mort certaine, Co mbeferre, dans un pathétique discours conjure tout ceux qui ont une famille, de se

29 Victor Hugo, op.cit . III,I,V, p.24.

25
sauver. Mourir pour la liberté est beau, le suicide pour la patrie est sublime, mais c'est un crime de
livrer ses proches. Il y a de vieilles mères qui attendent, des femmes , des soeurs et des filles. C'est
pour les femmes surtout, et pour les jeunes filles, que Combeferre supplie les hommes mariés, les
frères et les fils, de se sauver. Mourir sur la barricade, c'est livrer ces adorables et honnêtes créatures à
ce marché de c hair humaine, la prostitution :
« Quand on soutient ses proches de son travail, on n’a plus le droit de se sacrifier. C’est
déserter la famille, cela. Et ceux qui ont des filles, et ceux qui ont des sœ urs ! Y pensez -vous ? Vous
vous faites tuer, vous voil à morts, c’est bon, et demain ? Des jeunes filles qui n’ont pas de pain, cela
est terrible. L’homme mendie, la femme vend. Ah ! ces charmants êtres si gracieux et si doux qui ont
des bonnets de fleurs, qui chantent, qui jasent, qui emplissent la maison de chasteté, qui sont comme
un parfum vivant, qui prouvent l’existence des anges dans le ciel par la pureté des vierges sur la terre
»30.
Et, quand les tableaux atroces qu'il trace à ces hommes, ne suffisent pas à les arracher à cette
furieuse envie de mourir , il finit par dérouler devant eux, cette misère suprême, celle de l'enfant
abandonné : « L'enfant avait toujours faim. C'était l'hiver. Il ne pleurait pas. Il détachait un peu de
cette terre jaune dont on mastique le tuyau des poêles. Il avait la respir ation rauque, la face livide, les
jambes molles, le ventre gros. Il ne disait rien. On lui parlait, il ne répondait pas » . Combeferre a vu
ce cadavre terrible sur la table d'anatomie : « Il y avait de la boue dans son estomac, de la cendre dans
les dents »31 .
Ce n'est pas Combeferre qui parle ici, c'est Victor Hugo lui -même se faisant l'avocat de
l'ultime misère. Ce sont peut -être les pages les plus sombres et les plus navrantes du livre. C'est le
dernier degré de la misère, la dernière limite de l'injust ice, l'écrasement de la victime innocente, sans
défense, par la société.
Ainsi, on ne peut que s'incliner devant la grande et sincère pitié de Victor Hugo envers les
enfants déshérités par la nature.

30 Victor Hugo, op..cit ., V, I, IV, p.24 .
31 Ibidem , p.25.

26
2.1 Jean -Valjean, « l’ascension d’une âme »
Jean Valjean est le personnage central du roman : c’est avec lui que commence le récit et c’est
sur sa mort qu’il s’achève ; il est le fil conducteur de l’histoire et c’est lui qui crée le lien entre les
autres personnages. Il est à la croisée des destins. Plus qu’un personnage, Jean Valjean incarne à lui
seul l’idée du peuple selon Victor Hugo. Il est la victime d’une société qui ne laisse pas sa chance à
ceux qui partent de rien et, pire que cela, les pousse au crime.
Déjà, cette figure avait été esquissée dan s le personnage de Claude Gueux, héros d’un autre
récit d’Hugo, qui a connu un destin tragique après avoir volé un morceau de pain. Dans Les
Misérables , la faute initiale est la même. Cependant, l’ancien forçat va avoir la possibilité de se
repentir, de so rtir de la misère et de trouver sa place dans la société notamment grâce à l’intervention
de Monseigneur Bienvenu, le bien nommé, le juste dont le portrait ouvre le roman.
L’enfance malheureuse de Jean Valjean explique d’une part les misères de son destin et d’autre
part, elle condamne la cruauté et l’injustice de la société : « Jean Valjean était d’une pauvre famille
de paysans de la Brie. Dans son enfance, il n’avait pas appris à lire. Quand il eut l’âge d’homme, il
était émondeur à Faverolles. Sa mère s ’appelait Jeanne Mathieu ; son père s’appelait Jean Valjean, ou
Vlajean, sobriquet probablement, et contraction de Voilà Jean .
Jean Valjean était d’un caractère pensif sans être triste, ce qui est le propre des natures
affectueuses. Somme toute, pourtant, c’était quelque chose d’assez endormi et d’assez insignifiant, en
apparence du moins, que Jean Valjean. Il avait perdu en très bas âge son père et sa mère. Sa mère était
morte d’une fièvre de lait mal soignée. Son père, émondeur comme lui, s’était tué en tombant d’un
arbre. Il n’était resté à Jean Valjean qu’une soeur plus âgée que lui, veuve, avec sept enfan ts, filles et
garçons. Cette sœ ur avait élevé Jean Valjean, et tant qu’elle eut son mari elle logea et nourrit son
jeune frère. Le mari mourut. L’aîné des sept enfants avait huit ans, le dernier un an. Jean Valjean
venait d’atteindre, lui, sa vingt -cinquième année. Il remplaça le pè re, et soutint à son tour sa sœ ur qui
l’avait élevé. Cela se fit simplement, comme un devoir, même avec quelque chose de bo urru de la part
de Jean Valjean. Sa jeunesse se dépensait ainsi dans un travail rude et mal payé »32.
Jean Valjean a une enfance et une jeunesse pauvres, ce qui ne l'empêche pas de se m ontrer bon
puisqu'il aide sa sœ ur à élever ses sept enfants jusqu'au jou r où la misère le pousse à commettre un
acte réprimé par la loi et durement puni de cinq ans de bagne : il a volé un pain ! Libéré au bout de
dix-neuf ans, car il a fait plusieurs tentatives d'évasion, il se voit un ancien forçat et tout au long de sa

32 Victor Hugo, op.cit ., I, II, IV, p.99.

27
vie et tout au long du roman, il est marqué par ce passé. Victor Hugo s'écarte aussi de la société
pendant dix -neuf ans, en exil à Guernesey. Victor Hugo écarte Jean Valjean de la société pendant dix –
neuf ans, au bagne de Toulon : l'exil fait penser au bagne et le retour à la sortie tant attendue.
À sa sortie du bagne, il est misérablement vêtu. Il marche toute la journée, et arrive à Digne : «
Il était difficile de rencontrer un passant d’un aspect plus misérable. C’était un homme de moyenne
taille, trapu e t robuste, dans la force de l’âge. Il pouvait avoir quarante -six ou quarante -huit ans. Une
casquette à visière de cuir rabattue cachait en partie son visage, brûlé par le soleil et le hâle, et
ruisselant de sueur. Sa chemise de grosse toile jaune, rattaché e au col par une petite ancre d’argent,
laissait voir sa poitrine velue ; il avait une cravate tordue en corde, un pantalon de coutil bleu, usé et
râpé, blanc à un genou, troué à l’autre, une vieille blouse grise en haillons, rapiécée à l’un des coudes
d’un morceau de drap vert cousu avec de la ficelle, sur le dos un sac de soldat fort plein, bien bouclé
et tout neuf, à la main un énorme bâton noueux, les pieds sans bas dans des souliers ferrés, la tête
tondue et la barbe longue. La sueur, la chaleur, le vo yage à pied, la poussière, ajoutaient je ne sais
quoi de sordide à cet ensemble délabré. Les cheveux étaient ras, et pourtant hérissés ; car ils
commençaient à pousser un peu, et semblaient n’avoir pas été coupés depuis quelque temps » 33 .
Là, dans cet é tat déplorable et misère, personne ne veut le recevoir sauf Monseigneur Myrië l, un
évêque sauveur, qui l'accueille et lui parle avec bonté sans tenir compte de ce qu'il a fait. Il rencontre
Monseigneur Bienvenu qui le fait redevenir bon et la générosité d'un évêque réussit à le transformer
peu à peu. Jean Valjean, encore sous la mauvaise influence du bagne, vole les couverts en argent de
l’évêque et quand il se fait arrêter, il ne comprend pas tout de suite pourquoi le prêtre lui fait ce
cadeau en lui d isant : « Vous n'appartenez plus au mal mais au bien ». C’est impressionant le moment
où l’évêque lui rend sa dignité en l'accueillant et en lui faisant cadeau de ce que, pourtant, l'ancien
forçat lui a volé : « Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez p lus au mal, mais au bien. C’est votre
âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition, et je la donne à Dieu
»34.
Après ce moment, Jean Valjean vole encore le petit ramoneur, Gervais, avant de prendre
définitivement co nscience qu'il n'est qu'un misérable. Pour la première fois depuis dix -neuf ans, il
pleure. La crise de la conscience se manifeste en larmes, les premières après dix -neuf ans. L’âme
insensible de la haine et de la souffrance du bagnard retrouve maintenant l’humiliation et le vrai
repentir des pleurs : «… il tomba épuisé sur une grosse pierre, les poings dans ses cheveux et le visage

33 Victor Hugo, op.cit ., I, II, I, p.74.
34 Ibidem , I, II, XII, p.123.

28
dans ses genoux, et il cria : Je suis un misérable ! Alors son coeur creva et il se mit à pleurer. C’était la
première fois qu’ il pleurait depuis dix -neuf ans » 35. Pratiquement la leçon de l’évêque a commencé à
s’infiltrer dans l’intérieur tourmenté du pécheur.
Tout au long du roman, le héros doit surmonter plusieurs obstacles, il s’ en sort vainqueur de
nombreuses péripéties, il doit mener sa vie sous des identités fausses pour tromper ses persécuteurs,
pour assurer le bonheur de Cosette, etc. Il grimpe les échelons de la société, aide tous les misérables
qu'il rencontre, prépare à Cosette un avenir tranquille et rachète jusqu'à s a mort ses mauvaises actions.
Installé à Montreuil -sur-mer où il a trouvé du travail, Jean Valjean connaît peu à peu la prospérité
; au bout de quelques années, il a développé la fabrique. Toujours influencé par l'exemple de
Monseigneur Bienvenu, il cherch e à se racheter et devient le bienfaiteur de la ville. Il s'habille comme
un simple bourgeois et mène une vie très simple :
« Il avait les cheveux gris, lʹoeil sérieux, le teint hâlé dʹun ouvrier, le visage pensif dʹun
philosophe. Il portait habituellement un chapeau à bords larges et une longue redingote de gros drap,
boutonnée jusquʹau menton. Il remplissait ses fonctions de maire, mais hors de là il vivait solitaire. Il
parlait à peu de monde. Il se dérobait aux politesses, saluait de côté,
sʹesquivait v ite, souriait pour se dispenser de causer, donnait pour se dispenser de sourire. Les femmes
disaient de lui: Quel bon ours! Son plaisir était de se promener dans les champs » 36.
Cependant, il est devenu riche et a accumulé une grosse somme d'argent. Jean Valjean est
devenu M. Madeleine, respecté et aimé de tous. C'est pourquoi, il devient le maire de Montreuil. Un
jour, le père Fauchelevent se trouve coincé sous sa charrette ; seul M. Madeleine est assez fort pour le
sauver. Un inspecteur de police est là qui reconnaît le forçat. Recherché par Javert avec lequel s'établit
un jeu de cache -cache, Jean Valjean apparaît comme un véritable sauveur. Il prend Fantine sous sa
protection. Il lui promet de ramener sa fille, Cosette, confiée aux Thénardier à Montferme il.
Jean Valjean changera d'identité et de lieu d'habitation pour devenir quelqu'un d'autre et pour
échapper à Javert, pour oublier son passé. Sous un autre nom et une autre adresse, il se sent libre. Il
habite d'abord la Masure Gorbeau puis, se sentant re péré par Javert, il va au couvent du petit Picpus,
au 62 de cette rue, où il retrouve le père Fauchelevent à qui il avait sauvé la vie, il se fait passer pour
le frère du jardinier "Ultime" Fauchelevent. De peur que Cosette ne puisse vivre heureuse au couv ent,
il achète la maison rue Plumet. Craignant qu'on le découvre, il a en même temps loué deux autres
appartements : l'un rue de l'Ouest, l'autre rue de l'Homme -Armé.

35 Ibidem , p.128.
36 Victor Hugo, op.cit ., I,V, III, p.192.

29
Plus tard, il vit caché avec Cosette. Devenu le vieillard aux cheveux blancs qui accompag ne
Cosette dans toutes ses promenades, les amis de Marius le désignent sous le nom de Monsieur
Leblanc. Enfin, il redevient Jean Valjean dans la dernière partie du roman qui porte son nom.
Nature forte,volontaire, il est doué avec des qualités qui lui perm ettent de faire face aux
épreuves qu’il doit traverser, mais réussissant, au fond, de rester simple et généreux, d’une correction
irréprochable, sensible aux souffrances des autres, et capable de se sacrifier pour eux . Ses propres
péchés, même rache tés, s ont assumés et expiés humblement jusqu’à la fin.
Madeleine fait sortir Fantine de prison, et lui vient en aide, il prend Cosette en charge. Il aide
tous les habitants de Montfermeil qui font appel à lui. Il laisse la vie sauve à Javert. Il sauve Marius de
la mort sur la barricade. Ce n'est plus un bagnard, c'est un homme bon. Il mène une vie exemplaire. Ce
que Javert sera incapable d'admettre, c'est qu'un homme poussé par la misère à commettre une faute
n'est pas forcément un être définitivement mauvais. Il a racheté largement le mal qu'il avait fait, alors
que la société, comme Javert, continue à le considérer comme un paria.
Jean Valjean est le personnage principal autour duquel s’enchaînent toutes les actions du
roman et Victor Hugo fait de lui l’incarnat ion d’un type célèbre dans la littérature : « le pécheur sauvé
» . Il est le personnage central, c'est lui qui « fait naître » tous les personnages et on le voit en rapport
avec : l'Évêque de Digne, Petit -Gervais, Fauchelevent, Javert, Fantine, Champmath ieu, Cosette, les
Thénardier, Marius, Gavroche, Enjolras.
Sa rencontre avec Cosette reste pourtant, la plus remarquable. La relation qui se construit tout
au long du roman, entre ces deux personnages clés, dévoile, encore une fois, la force de l’amour, ce
sentiment sublime qui dépasse n’importe quel obstacle. Jean Valjean, pour sauver Fantine de sa
maladie, doit aller chercher Cosette et la lui ramener. Mais, comme il se dénonce lors de l'affaire
Champmathieu, il retourne au bagne. Il ne peut donc pas re trouver Cosette et Fantine en meurt. Il
s'évade et part pour Montfermeil où il rencontre l'enfant, réduite à la misère et soumise à la
méchanceté des Thénardier. Il passe la nuit dans leur auberge puis le lendemain emmène Cosette.
Jean Valjean, qui n'avai t jamais rien aimé au monde, qui n'a plus que de vagues souvenirs de sa
soeur et de ses enfants, sent quelque chose de nouveau qui lui entre dans l'âme, quand il a adopté
Cosette : « Quelque chose de nouveau lui entrait dans l’âme. Jean Valjean n’avait ja mais rien aimé.
Depuis vingt -cinq ans il était seul au monde. Il n’avait jamais été père, amant, mari, ami. Au bagne il
était mauvais, sombre, chaste, ignorant et farouche. Le coeur de ce vieux forçat était plein de
virginités. Sa soeur et les enfants de s a soeur ne lui avaient laissé qu’un souvenir vague et lointain qui
avait fini par s’évanouir presque entièrement. Il avait fait tous ses efforts pour les retrouver, et,

30
n’ayant pu les retrouver, il les avait oubliés. La nature humaine est ainsi faite. Les autres émotions
tendres de sa jeunesse, s’il en avait, étaient tombées dans un abîme. Quand il vit Cosette, quand il
l’eut prise, emportée et délivrée, il sentit se remuer ses entrailles. Tout ce qu’il y avait de passionné et
d’affectueux en lui s’éveilla et se précipita vers cet enfant. Il allait près du lit où elle dormait, et il y
tremblait de joie ; il éprouvait des épreintes comme une mère et il ne savait ce que c’était ; car c’est
une chose bien obscure et bien douce que ce grand et étrange mouvement d’un coeur qui se met à
aimer. Pauvre vieux coeur tout neuf ! »37.
Le Veuf adopte l'Orpheline. Quel bonheur d’être père ! D'après la curieuse expression de Victor
Hugo, Jean Valjean devient « d’une façon céleste le père de Cosette » . Mais c'est elle q ui devient
aussi, son ange gardien : « La destinée unit brusquement et fiança avec son irrésistible puissance ces
deux existences déracinées, différentes par l’âge, semblables par le deuil. L’une en effet complétait
l’autre. L’instinct de Cosette cherchait un père comme l’instinct de Jean Valjean cherchait un enfant.
Se rencontrer, ce fut se trouver. Au moment mystérieux où leurs deux mains se touchèrent, elles se
soudèrent. Quand ces deux âmes s’aperçurent, elles se reconnurent comme étant le besoin l’une de
l’autre et s’embrassèrent étroitement »38 . Victor Hugo a le grand mérite de peindre l'enfant comme la
suprême consolation dans la misère, et en même temps, comme un petit ange -gardien dans les
tentations du mal 39.
Il y a trois grands moments dans la v ie de l'ancien forçat, trois moments de tentation surhumaine,
où il lui vient, brusquement, un secours moral inattendu et qui devient décisif, ou bien pour l'empêcher
de sombrer dans le mal, ou bien pour l'aider à continuer dans le bien. La première fois i l est sauvé par
un évêque, la seconde fois par un enfant, la troisième fois par un couvent. On n'a pas assez remarqué
le rôle de la religion dans la régénération morale de Jean Valjean.
Cosette pour Jean -Valjean, c'est le bonheur : « Il passait des heure s à la contempler habillant et
déshabillant sa poupée, et à l'écouter gazouiller. Sa vie lui paraissait désormais pleine d'intérêt, les
hommes lui semblaient bons et justes, il ne reprochait dans sa pensée plus rien à personne, il
n'apercevait aucune raiso n de ne pas vieillir très vieux maintenant que cette enfant l'aimait . Il se voyait
tout un avenir éclairé par Cosette comme par une charmante lumière »40.

37 Victor Hugo, op.cit., II, IV,III, p.488.
38 Op.cit .,p.489.
39 J.P.Chr.De Boer, Victor Hugo et L’Enfant , Wassenaar, 1933, p.220.
40 Victor Hugo, op.cit ., p.488.

31
Ainsi, après l'évêque de Digne, cet enfant innocent le sauve : « C’était la deuxième apparition
blanche qu’il rencontrait. L’évêque avait fait lever à son horizon l’aube de la vertu ; Cosette y faisait
lever l’aube de l’amour » 41.
L'enfant paraît ici comme le purificateur, comme le symbole du relèvement moral par l'effet d'un
pur et profond sentimen t humain42. Mais l'enfant fait plus que de réveiller les remords dans l'âme des
méchants, il guérit, relève, remplit de vertus l'homme abruti dans le bagne, et nous voyons l'ancien
forçat, Jean Valjean, après la terrible secousse morale que lui avait inflig ée Mgr. Myriël, ouvert à la
pitié par Petit -Gervais et Cosette, enfin, converti à une vie d'abnégation et de charité, par la
mystérieuse puissance qui émane de l'enfant.
La fonction de l'enfant, d'abord plutôt passive, révélatrice du bien tout au plus, d evient donc
plutôt active, purifie et stimule, prend un caractère de force morale et religieuse. Ce caractère est
explicable psychologiquement et justifierait amplement la valeur symbolique du thème de l'enfant
dans l'oeuvre de Victor Hugo.
Ainsi la fonct ion de l'enfant, d'abord toute naturelle, et accessible à tous, puis simplement
symbolique pour des faits psychologiques ou sociaux, peu à peu est absorbée dans le domaine obscur
de la religion hugolienne, prend une vie propre, supérieure à l'existence poé tique, se substituant à la
fois à « l'immortelle et céleste voix » de la conscience du Vicaire et à la loi révélée du Christianisme.
Franchissant l'étape de symbole poétique, elle devient une sorte de manifestation divine, l'unique
révélation de l'existen ce de Dieu. Ainsi se dessine l'évolution du thème, depuis sa forme la plus
simplement humaine, la plus familière, vers une conception messianique du rôle de l'enfant et l'enfant
paraît comme la solution suprême du problème du mal, comme la pureté incarnée qui amène le pardon
final43.
Le couvent achève le relèvement moral, en ajoutant à la compréhension de l'expiation
personnelle qu'il devait à Mgr. Bienvenu, l'intuition profonde de l'expiation pour autrui. Cette intuition
lui vient quand il médite sur les di fférences entre ces deux mondes, celui du bagne, celui du couvent.
Là, il avait vu toutes les formes du crime, ici il ne respirait qu'innocence. Là l'esclavage mérité, mais
avec la délivrance possible; ici la mort comme unique lueur de liberté. Là la maléd iction, la haine, ici
la bénédiction et l'amour : « Il avait sous les yeux le sommet sublime de l'abnégation, la plus haute
cime de la vertu possible ; l'innocence qui pardonne aux hommes leurs fautes et qui les expie à leur

41 Ibidem, p.489.
42 Ibidem, p.225.
43 Ibidem , p.227.

32
place ; la servitude subie, la torture acceptée, le supplice réclamé par les âmes qui n'ont pas péché
pour en dispenser les âmes qui ont failli ; l'amour de l'humanité s'abîmant dans l'amour de Dieu, mais
y demeurant distinct, et suppliant; de doux êtres faibles ayant la misère de ceux qui sont punis et le
sourire de ceux qui sont récompensés » 44 . Le couvent a conribué aussi à réconcilier l’âme du pécheur
: « Dieu a ses voies ; le couvent contribua, comme Cosette, à maintenir et à compléter dans Jean
l’oeuvre de l’évêque… »45.
Si Jean Valjean s’empare du rôle de père, il est saisi d’un vrai amour paternel, il représente
aussi la jalousie paternelle. Le vieillard idolâtre l'enfant. Celle -ci devient pour lui la raison unique de
son existence. Cette adoration, d'ailleurs, est mutuell e. Au Petit – Picpus, ils ne vivent tous deux que
par cette heure de la journée où il leur est accordé d'être ensemble. Puis il arrive le moment où « la
rose s'aperçoit qu'elle est une machine de guerre »46 . Cosette est jolie. Agréable découverte pour elle –
même.
Jean Valjean, de son côté, en éprouve « un profond et indéfinissable serrement de coeur»47. «
Aube riante pour tous, lugubre pour lui » . « Cet homme qui avait passé par toutes les détresses, qui
était encore tout saignant des meurtrissures des dest inées, qui avait été presque méchant et qui était
devenu presque saint cet homme acceptait tout, excusait tout, pardonnait tout, bénissait tout, voulait
bien tout, et ne demandait à la providence, aux hommes, aux lois, à la nature, au monde, qu'une chose,
que Cosette l'aimât » 48.
Quand il s'aperçoit des agissements de Marius au Jardin du Luxembourg, il prend tout de suite cet
audacieux jeune homme en haine. Tandis que Cosette envoyait son sourire au soupirant enivré, « Jean
Valjean fixait sur Marius des yeu x étincelants et terribles « ses prunelles s'emplissaient d'une clarté
lugubre et extraordinaire. C'était un dogue qui regarde un voleur » . Quand le « niais » a fini par
découvrir la demeure rue de l'Ouest, Jean Valjean déménage impitoyablement. Plus tard, voyant
souffrir sa fille adoptée, il est pris par un remords. Il sauve Marius tombé sur la barricade, réunit les
amoureux et s'efface héroïquement. A côté de certaines puérilités, il reste parmi ces pages assez de
beautés pour faire adorer cette oe uvre. N'oublions pas surtout la magnifique chasteté de Jean Valjean,
due en partie au caractère paternel que l’auteur lui a donné. Jean Valjean accepte finalement de
« perdre » Cosette qui épouse Marius. Toujours hanté par son passé qu'il a révélé au j eune baron, il vit

44 Victor Hugo, op.cit ., II, VI, IX, p.560.
45 Ibidem , p.558.
46 Ibidem, IV, III,V, p.357.
47 Ibidem , p.358.
48 Ibidem , p.359.

33
seul et triste. Il meurt après avoir revu une dernière fois, celle qui a été son ange. Ainsi, l’ancien forçat
Jean Valjean, est présenté comme un personnage complexe, un personnage exceptionnel, en
permanence lutte avec le destin, qui, e n fin de compte, s’éteint en paix, près de sa fillette et de son
gendre.
La grandeur du personnage se révèle également dans sa mort qui se passe dans « une nuit sans
étoiles et profondément obscure. Sans doute, dans l’ombre, quelque ange immense était debo ut, les
ailes déployées, attendant l’âme »49 . Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise, « sous une pierre
sans nom et salie par le temps, loin de tout, abandonné de tous » . Voici, selon l'auteur, l'épitaphe de
sa tombe :
« Il dort. Quoique le sort f ût pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n’eut plus son ange ;
La chose simplement d’elle -même arriva,
Comme la nuit se fait lorsque le jour s’en va » 50 .

Dans Les Misérables , toutes ses actions sont importantes, il est non seulement le sauveur des
personnages principaux avec Cosette, Fantine et Marius, mais il est le héros : il illustre l'espoir que
met Hugo dans l'éducation, la bonté, la solidarité. Hugo croit que le « misérable » peut surmonter la
haine que la société inju ste a fait naître en lui, s'il rencontre au moins un être humain capable de lui
rendre sa dignité. Jean Valjean immortalise ce « misérable ». On assiste, donc à un parcours
chaotique, une ascension du personnage tant sur le plan moral que social, qui pour rait s’apparenter à
un chemin de croix, un parcours jalonné de mises à l’épreuve qui n’aura d’issue heureuse que dans la
mort quand un ange attend son âme. Ainsi, Jean Valjean incarne -t-il la figure d’un homme misérable,
ayant succombé à la tentation du v ol, provocant sa chute ; il n’aura de cesse, tout au long de ses
aventures, de racheter sa faute. Il se libère par étapes de l’empire du mal et s’intègre dans l’harmonie
suprême.
Jean Valjean représente la justice, la pauvreté et la bonté dont l'être humai n est capable. Il n'
est pas resté un misérable, il est redevenu honnête et indulgent grâce, en grande partie, à l'évêque de
Digne. Il représente l'humain éternel. Aucun être humain ne peut jamais être tout à fait ni Jean
Valjean, ni Thénardier car ce sont des personnages de roman. Mais tout le monde pourrait être un
« misérable », au moins une fois dans sa vie.

49 Op.cit .,V, IX, VI, p.325.
50 Ibidem , p.326.

34
2.2 Cosette, l’enfant -victime
C'est surprenant de voir à quel point les enfants sont maltraités, au temps de Victor Hugo ! On
découvre que la misè re est omniprésente dans la vie des enfants des milieux populaires. Cosette est
l'héroïne du roman, le personnage féminin qui nous touche le plus, par ses malheurs, par son enfance
cruelle ; elle vit le meilleur et le pire de ce que peut vivre un être hum ain, et le pire se produit dans son
enfance. Mais elle est un personnage, auquel on s'attache beaucoup, car la vie devient pour elle une
sorte de conte de fées, à partir de sa rencontre avec Jean Valjean, son père adoptif. Cendrillon
moderne, Cosette a la même histoire que le personnage du conte de fées : à la place d'une fée marraine
qui vient la sauver de sa belle mère et de ses deux sœ urs, c'est Jean Valjean qui vient sauver Cosette
des horribles Thénardier et de la misère où elle aurait pu sombrer, comm e cela arrive si souvent dans
la réalité.
Euphrasie, mais de ce nom la mère avait fait Cosette, est la fille de Fantine et Tholomyès, un fils
de riche famille provinciale, venu faire ses études à Paris. C’est un bourgeois égoïste et stupide dont
Hugo fai t un portrait caricatural : « Tholomyès était l’antique étudiant vieux ; il était riche ; il avait
quatre mille francs de rente ; quatre mille francs de rente, splendide scandale sur la montagne Sainte –
Geneviève. Tholomyès était un viveur de trente ans, ma l conservé. Il était ridé et édenté ; et il
ébauchait une calvitie dont il disait lui -même sans tristesse : crâne à trente ans, genou à quarante . Il
digérait médiocrement, et il lui était venu un larmoiement à un oeil » 51.
Comme ses amis étudiants, il a u ne amie, Fantine : « Fantine était un de ces êtres comme il en
éclôt, pour ainsi dire, au fond du peuple. Sortie des plus insondables épaisseurs de l’ombre sociale,
elle avait au front le signe de l’anonyme et de l’inconnu. Elle était née à Montreuil -sur-mer. De quels
parents ? Qui pourrait le dire ? On ne lui avait jamais connu ni père ni mère. Elle se nommait Fantine.
Pourquoi Fantine ? On ne lui avait jamais connu d’autre nom » 52. À l'âge de dix ans elle travaille
dans une ferme. Puis à quinze ans, ell e va à Paris « chercher fortune » : « Elle travailla pour vivre ;
puis, toujours pour vivre, car le coeur a sa faim aussi, elle aima. Elle aima Tholomyès. Amourette
pour lui, passion pour elle 53 » . Elle se fait quelques amies qui fréquentaient des étud iants, elles aussi.
Un jour, au cours d'un repas, les garçons laissent Elle se fait quelques amies qui fréquentaient des
étudiants, elles aussi. Un jour, au cours d'un repas, les garçons laissent une lettre annonçant leur départ
pour retrouver leur fami lle. On a reçu cette nouvelle comme une plaisanterie, mais Fantine a pleuré

51 Victor Hugo, Les Misérables, op.cit ., I, III, II, p. 146.
52 Ibidem , p.145.
53 Ibidem , p.145.

35
en secret. Elle était enceinte et se voyait toute seule : « Une heure après, quand elle fut rentrée dans sa
chambre, elle pleura. C’était, nous l’avons dit, son premier amour ; ell e s’était donnée à ce Tholomyès
comme à un mari, et la pauvre fille avait un enfant 54» . Le fruit de cet amour douleureux est la petite
Cosette.
Seule, abandonnée et sans support financier, Fantine renonce à « ses palettes » pour élever sa
petite fille : « Elle avait déjà vaillamment renoncé à la parure, s’était vêtue de toile, et avait mis toute
sa soie, tous ses chiffons, tous ses rubans et toutes ses dentelles sur sa fille, seule vanité qui lui restât,
et sainte celle -là. » 55. En revanche, sa fille de de ux ou trois ans était saine et belle : « L’enfant de cette
femme était un des plus divins êtres qu’on pût voir. C’était une fille de deux à trois ans. Elle eût pu
jouter avec les deux autres pour la coquetterie de l’ajustement ; elle avait un bavolet de li nge fin, des
rubans à sa brassière et de la valenciennes à son bonnet. Le pli de sa jupe relevée laissait voir sa cuisse
blanche, potelée et ferme. Elle était admirablement rose et bien portante. La belle petite donnait envie
de mordre dans les pommes de s es joues. On ne pouvait rien dire de ses yeux, sinon qu’ils devaient
être très grands et qu’ils avaient des cils magnifiques »56.
Fantine décide à rentrer dans son village d’origine, à Montreuil -sur-mer, pour trouver de l’emploi.
Sur la route , elle rencont re un couple d’aubergistes, les Thénardier, auquel elle confie naïvement sa
petite Cosette. C’est le moment qui marque le début de l’enfance misère pour la petite « alouette ».
Ces Thénardier vont s'avérer être des individus de la pire espèce, d’une mécha nceté affreuse. Ils
vont être odieux avec l'enfant en la traitant comme leur domestique tout en exigeant toujours plus
d'argent de Fantine qui a été embauchée comme ouvrière dans la fabrique de verroterie créée
par Monsieur Madeleine , alias Jean Valjean à Montreuil. Les Thénardier exigent une pension très
élevée, surtout que leur auberge ne marchait pas bien. Cela augmentera au fur et à mesure du temps,
que le couple gardera l'enfant.
Alors commence la lamentable histoire. L'enfant Cosette portée chez les Thénardier, Cosette
maltraitée par les Thénardier, Fantine exploitée par les Thénardier. On exige d'abord sept francs par
mois, puis douze francs, puis quinze francs. D'année en année, les deux misères grandissent, celle de
l'enfant et celle de la mère.
Enfin la mère commence à mal payer. Ayant travaillé dans les verroteries de M. Madeleine,
elle est congédiée quand la surveillante découvre sa maternité. C’est une enfant du péché puisque

54 Ibidem , I, III, IX, p.172.
55 Ibidem ,IV, I, I, p.175.
56 Ibidem , p.175.

36
commise hors de tout lien légal. La volonté de Fantine de dissimuler l’existence de sa fille trahit bien
cette conscience de la faute : « Ne pouvant pas dire qu’elle était mariée, elle s’était bien gardée (…) de
parler de sa petite fille »57. Son renvoi de la fabrique de monsieur Madeleine à la découverte du secret
honteux vient par ailleurs sanctionner cette faute.
Juste à ce moment les Thénardier venaient d'exiger quinze francs au lieu de douze. Mise à la
porte, elle descend encore, se met à coudre de grosses chemises pour les soldats de la garnison,
gagnant douze sous pa r jour. Sa fille lui en coûtait dix. Elle ne dort plus que cinq heures par jour. Sur
toute sa misère pèse le mépris des passants de la petite ville. Vient l'hiver, et la diminution de travail.
Les dettes s'accumulent. Les Thénardier réclament: Cosette a fr oid. La fille -mère vend ses beaux
cheveux. Cosette est malade. On réclame quarante francs. La malheureuse vend « ses palettes » . La
misère l'étreint, l'hiver la guette, elle avait perdu la honte, elle perd la coquetterie. Elle cousait dix -sept
heures par jour ; mais les prix baissaient par suite d'une invention d'un entrepeneur du travail des
prisons qui faisait travailler les prisonniers au rabais. Journée à neuf sous. Les Thénardier réclamant
toujours, menacent de mettre Cosette à la porte, si la mère n'envoie cent francs. Alors elle vendit « le
reste » . Elle commence à se prostituer pour le bien de sa fille.
La prostitution, esclavage moderne de la femme, résultat de la misère est condamnée par
Hugo qui ne s'est pas contenté de demander de l'indulg ence pour la femme tombée, il a réclamé de la
vénération pour la fille -mère. Il a aidé à créer le romantisme des repris de justice. Mais il a, du moins,
le mérite d'avoir mis la société en face de ses responsabilités envers les misérables, responsabilités qui
ne cessent pas avec le déshonneur, l'opprobre, le crime, la condamnation; il a été un des premiers qui
aient crié le devoir d'essayer un reclassement de ceux qui sont tombés; le devoir surtout de sauver les
enfants de parents misérables ou méchants, m algré les parents misérables ou méchants 58 .
La petite Cosette, arrivée si fraîche et soignée, devient la servante des Thénardier. Elle est
maltraitée, on lui fait faire les besognes les plus pénibles. Souffrance d'enfant « abandonné ». Les
Thenardier l'ex ploitent, lui font faire des travaux de ménage au -dessus de son âge. Entre le mari et la
femme, elle était « comme une créature qui serait à la fois broyée par une meule et déchiquetée par une
tenaille. L'homme et la femme avaient chacun une manière différ ente ; Cosette était rouée de coups,
cela venait de la femme ; elle allait pieds nus l'hiver, cela venait du mari. Cosette montait, descendait,
lavait, brossait frottait, balayait, courait, trimait, haletait, remuait des choses lourdes, et, toute chétive,

57 Op.cit .,I, V, VIII, p.207.
58 J.P.Chr.De Boer , op.cit ., p.206.

37
faisait les grosses besognes. Nulle pitié ; une maîtresse farouche, un maître venimeux. L'idéal de
l'oppression était réalisé par cette domesticité sinistre »59 .
Et Victor Hugo pose cette question effrayante: « Quand elles se trouvent ainsi, dès l'aube, toutes
petites, toutes nues, parmi les hommes, que se passe -t-il dans ces âmes qui viennent de quitter Dieu !
»60 . Parmi les nombreuses figures de misérables que Victor Hugo a dessinées, le portrait de Cosette
chez les Thenardier est peut -être le plus path étique. Elle est laide, maigre et blême. Par sa taille elle ne
paraît pas de son âge, par ses traits elle ressemble à une vieille femme. Yeux éteints, profondément
enfoncés, les coins de la bouche abaissés, les mains « perdues d'engelures » ; les angles d e ses os sont
visibles, elle grelotte. « Le creux de ses clavicules était à faire pleurer » 61. Figure qui exprime
l'extrême misère, et la terreur. On la hait. Elle perd une pièce de quinze sous, menaces de coups de
martinet. Elle ose jouer au lieu de tric oter, on la fera travailler à coups de martinet.
Elle devient non seulement laide, mais à demi -rachitique : « à huit ans, elle en paraît six ».
Lorsqu'il n'y a pas de travaux urgents, Cosette doit tricoter pour Éponine et Azelma ; elle s'installe
alors sous la table où l’attendent ses « camarades », un chien et un chat ; c'est le coin que la
Thénardier appelle « sa niche » : « On la nourrit des restes de tout le monde, un peu mieux que le
chien et un peu plus mal que le chat. Le chat et le chien étaien t du reste ses commensaux habituels ;
Cosette mangeait avec eux sous la table dans une écuelle de bois pareille à la leur »62.
Comme jouet elle se sert d’un petit sabre de plomb et quelque chiffons ; elle n’avait pas accès aux
jouets de ses soeurs. Copies fidèles de leur mère, les soeurs n’avaient point des yeux pour Cosette ;
pour elles, la pauvre n’était qu’un chien : « Cosette ne faisait pas un mouvement qui ne fît pleuvoir sur
sa tête une grêle de châtiments violents et immérités. Doux être faible qui ne devait rien comprendre à
ce monde ni à Dieu, sans cesse punie, grondée, rudoyée, battue et voyant à côté d’elle deux petites
créatures comme elle, qui vivaient dans un rayon d’aurore !
La Thénardier étant méchante pour Cosette, Éponine et Azelma furent méchantes. Les enfants, à
cet âge, ne sont que des exemplaires de la mère. Le format est plus petit, voilà tout » 63. Vivant sous
l’oppression des Thénardier, Cosette fait l’expérience d’une angoisse qui devient une contrainte par
corps : « La crainte ram enait ses coudes contre ses hanches, retirait ses talons sous ses jupes, lui

59 Victor Hugo, op.cit ., II, III, II, p.431.
60 Ibidem ., p.431.
61 Ibidem , p.449.
62 Op.cit ., I, IV, II, p.184.
63 Op.cit .,I, IV, II, p.185.

38
faisait tenir le moins de place possible, ne lui laissait de souffle que le nécessaire, et était devenue ce
qu’on pourrait appeler son habitude de corps » 64.
Le texte rend cette peur responsable de sa laideur, constatée à la fois par les personnages et le
narrateur ; et cette laideur suggère la comparaison de l’enfant avec certains êtres, animaux ou esprits,
inspirant la crainte. Le Thénardier remarque que Cosette « a plutôt l’ai r d’une chauve -souris que
d’une alouette ». Pour la femme du gargotier, c’est un « petit monstre », et le narrateur même constate
qu’ « à de certains moments, » il semblait qu’« elle fût en train de devenir une idiote ou un démon »65.
C'est dans cet état d' esprit qu'elle se trouve quand elle va chercher de l'eau, dans la nuit, dans le froid.
Le génie poétique de Victor Hugo s’accorde particulièrement bien, pour nous peindre les réalités et les
fantômes de la nuit, avec l’état d’âme d’un enfant. Il anime tout , il personnalise tout, les arbres, les
plantes, les choses, la nature, l’ombre, jusqu’aux abstractions, et il le fait par la description même avec
une exactitude qui nous oblige précisément à voir par ses yeux, donc aussi par son esprit, comme lui,
et com me Cosette. Il ressent toutes les émotions du personnage ; la petite Cosette n’est pas vue de
l’extérieur par un artiste au cœur froid ; elle est vue de l’intérieur comme si l’auteur habitait l’enfant
dont il raconte l’histoire66.
C'est à ce moment, au com ble de sa misère d'enfant martyrisée qu'elle rencontre Jean Valjean,
son sauveur qui, afin d'accomplir la promesse faite à Fantine mourante, il arrive à l’auberge pour
l’arracher des griffes de ses bourreaux. Elle retrouvera la bonté et la confiance en e lle grâce à
Monsieur Madeleine.
Un épisode troublant qui se déroule un soir de Noël, dans la maison des Thénardier est marqué
par l’apparition de la poupée, ce jouet si précieux, si nécéssaire pour toute fille : « La poupée est un
des plus impérieux beso ins et en même temps un des plus charmants instincts de l’enfance féminine.
Soigner, vêtir, parer, habiller, déshabiller, rhabiller, enseigner, un peu gronder, bercer, dorloter,
endormir, se figurer que quelque chose est quelqu’un, tout l’avenir de la femm e est là. Tout en rêvant
et tout en jasant, tout en faisant de petits trousseaux et de petites layettes, tout en cousant de petites
robes, de petits corsages et de petites brassières, l’enfant devient jeune fille, la jeune fille devient
grande fille, la gr ande fille devient femme. Le premier enfant continue la dernière poupée. Une petite

64 Op.cit ., II, III, VIII, p.450.
65Ibidem , p.450.
66 Victor Hugo, Les Misérables , Univers des lettres Bordas, Sous la direction de André Lagarde, Laurent Michard, Fernand
Angué, Bordas, Paris, 1977, p.147.

39
fille sans poupée est à peu près aussi malheureuse et tout à fait aussi impossible qu’une femme sans
enfant »67.
Tandis qu'elle était sous la table, Cosette voit qu'Épon ine et Azelma avaient abandonné leur
poupée, à quelques pas d'elle. Alors, elle sortit de sa « niche » en rampant sur les genoux et sur les
mains, se glisse jusqu'au jouet et s'en saisit. Mais, quand les filles Thénardier observent ce que Cosette
osait fai re, elles appellent leur mère qui se précipite sur Cosette. Sacrilège ! Elle est contrainte à
déposer ce vénérable objet. Elle éclate en sanglots. La littérature n'a pas de tableau plus poignant des
cruautés que peut subir l'enfant, livré sans défense à de s scélérats. Aucun détail ne nous est épargné,
aucune observation psychologique n'est supprimée. Et cela est d'une réalité effrayante : « Cosette prit
la poupée et la posa doucement à terre avec une sorte de vénération mêlée de désespoir. Alors, sans la
quitter des yeux, elle joignit les mains, et, ce qui est effrayant à dire dans un enfant de cet âge, elle se
les tordit ; puis, ce que n’avait pu lui arracher aucune des émotions de la journée, ni la course dans le
bois, ni la pesanteur du seau d’eau, ni la perte de l’argent, ni la vue du martinet, ni même la sombre
parole qu’elle avait entendu dire à la Thénardier, – elle pleura. Elle éclata en sanglots »68.
Jean Valjean intervient et offre à la malheureuse, une poupée fabuleuse, et lui dit que c'était pour
elle : « Ce qu'elle éprouvait en ce moment -là était un peu pareil à ce qu'elle eût ressenti si on lui eût
dit brusquement : Petite, vous êtes la reine de France »69 . Cosette ne savait pas si la poupée était à elle
ou non. Tout à coup, elle se retourne, s aisit la poupée et déclare qu'elle la nomme « Catherine » .
Pourtant le désespoir n'entre jamais tout à fait dans le coeur de l'enfant. La veille de Noël Cosette
dépose son affreux sabot de bois dans la cheminée pour y attendre un cadeau; optimisme inexpl icable.
« C'est une chose sublime et douce que l'espérance dans un enfant qui n'a jamais connu que le
désespoir ! »70 .
Des phrases pareilles honorent l'auteur des Misérables. Ce livre a été nourri par une profonde et
sincère pitié des déclassés, et sur tout par la pitié pour l'enfant. La véritable victime des criantes
injustices sociales que veut stigmatiser Victor Hugo, c'est en premier lieu, l'enfant. Cosette, la fille de
la prostituée, Fantine, subit par contre coup toutes les aventures terribles qu'e ssuient sa mère et son
père adoptif, Jean Valjean. C'est elle qui inspire, véritable martyre de ce hideux couple des
Thénardier, la plus profonde commisération. Jean Valjean éveille plus d'admiration que de pitié, parce

67 Victor Hugo, op.cit ., II, III, VIII, p.455.
68 Ibidem , p.458.
69 Ibidem , p.460.
70 Ibidem , p.464.

40
que l'auteur l'a doué de tous les do ns de la nature, et qu'il a fait de lui une espèce de surhomme, qui se
joue, après tout, de tous les obstacles qu'on met sur son chemin, mais, l'enfant, faible créature, sans
résistance physique et morale, ayant en outre cette innocence que l'homme mûr n'a plus, attendrit
infiniment davantage et excite à l'indignation la plus violente 71.
Pour libérer Cosette des affreux Thénardier, Jean Valjean va leur donner une grosse somme
d'argent. Il deviendra le « père adoptif » de Cosette qui pour la première fois de sa vie rencontre
quelqu'un qui ne lui fait pas de mal et lui inspire confiance.C’est lui qui redonne la liberté à cette âme
innocente tout comme la fille l’apprend ce que c’est l’amour.
Le destin change pour elle, la vie de la fillette se trouve transfo rmée et elle passe paisiblement le
reste de son enfance dans un couvent de Paris où Valjean devient jardinier. Élevée au couvent du petit
Picpus, recevant une éducation soignée, avec les années, cette Cendrillon moderne devient une belle et
pure jeune fill e, reflet fidèle de l'idéal romantique. Mais peut -être son joli visage garde – t-il encore un
souvenir de son enfance malheureuse, car « la contradiction entre son regard qui était triste et son
sourire qui était joyeux donnait à son visage quelque chose d 'un peu égaré »72 .
Après une période , Cosette et Jean Valjean quittent le couvent et emménagent dans l'une des trois
maisons que Jean Valjean a louées dans Paris, celle située rue de l'Ouest , près du Jardin de
Luxembourg . Le père adoptif essayait de r emplacer la présence d’une mère, mais la manque de la
vraie mère se voyait dans tous les gestes et les actions de la jeune fille : « Pour former l’âme d’une
jeune fille, toutes les religieuses du monde ne valent pas une mère. Cosette n’avait pas eu de mèr e.
Elle n’avait eu q ue beaucoup de mères au pluriel. Quant à Jean Valjean, il y avait bien en lui toutes
les tendresses à la fois, et toutes les sollicitudes ; mais ce n’était qu’un vieux homme qui ne savait rien
du tout. Or, dans cette oeuvre de l’éducat ion, dans cette grave affaire de la préparation d’une femme à
la vie, que de science il faut pour lutter contre cette grande ignorance qu’on appelle l’innocence ! » 73.
Peu à peu Cosette se découvre, elle commence à prendre conscience de sa beauté : « La rose
s’aperçoit qu’elle est une machine de guerre » 74.
Cosette, âgée de quinze ans, est devenue très jolie : « C'étaient d'admirables cheveux châtains
nuancés de veines dorées, un front qui semblait fait de marbre, des joues qui semblaient faites d'une
feuille de rose, un incarnat pâle, une blancheur émue, une bouche exquise d'où le sourire sortait

71 J.P.Chr.De Boer, op.cit ., p.190.
72 Victor Hugo, op.cit ., II, VIII, IX, p.631.
73 Ibidem , IV, III, IV, p.354.
74 Ibidem , p.357.

41
comme une clarté et la parole comme une musique, une tête que Raphaël eût donnée à Marie posée
sur un cou que Jean Goujon eût donné à Vénus . Et, afin que rien ne manquât à cette ravissante figure,
le nez n'était pas beau, il était joli ; ni droit ni courbe, ni italien ni grec ; c'était le nez parisien ; c'est -à-
dire quelque chose de spirituel, de fin, d'irrégulier et de pur, qui désespère les peintres et qui charm e
les poètes. […] Ses yeux étaient d'un bleu céleste et profond, mais dans cet azur voilé il n'y avait
encore que le regard d'un enfant »75. Une enfant malingre et apeurée, voire désespérée devient une
belle jeune fille, apaisée et aimante, « la chrysali de s'est transformée en un splendide papillon ».
Lors de ses promenades quotidiennes avec Jean Valjean au jardin de Luxembourg, Cosette
remarque un beau jeune homme d'une vingtaine d'années, Marius , et ils tombent amoureux un beau
jour de juin, sans s'êt re dit un mot et sans rien connaître l'un de l'autre. Cosette, devenant une belle
demoiselle découvre l’amour et toutes les transformations que ce sentiment opère dans l’âme d’une
femme : « Qu’y avait -il cette fois dans le regard de la jeune fille ? Mar ius n’eût pu le dire. Il n’y
avait rien et il y avait tout. Ce fut un étrange éclair. Elle baissa les yeux, et il continua son chemin. Ce
qu’il venait de voir, ce n’était pas l’oeil ingénu et simple d’un enfant, c’était un gouffre mystérieux
qui s’était en tr’ouvert, puis brusquement refermé. Il y a un jour où toute jeune fille regarde ainsi.
Malheur à qui se trouve là ! Ce premier regard d’une âme qui ne se connaît pas encore est comme
l’aube dans le ciel. C’est l’éveil de quelque chose de rayonnant et d’i nconnu. Rien ne saurait rendre le
charme dangereux de cette lueur inattendue qui éclaire vaguement tout à coup d’adorables ténèbres et
qui se compose de toute l’innocence du présent et de toute la passion de l’avenir. C’est une sorte de
tendresse indécise qui se révèle au hasard et qui attend. C’est un piège que l’innocence tend à son insu
et où elle prend des coeurs sans le vouloir et sans le savoir. C’est une vierge qui regarde comme une
femme. Il est rare qu’une rêverie profonde ne naisse pas de ce regar d là où il tombe. Toutes les puretés
et toutes les candeurs se concentrent dans ce rayon céles te et fatal qui, plus que les œ illades les mieux
travaillées des coquettes, a le pouvoir magique de faire subitement éclore au fond d’une âme cette
fleur sombre, pleine de parfums et de poisons, qu’on appelle l’amour »76.
L'idylle romantique unit les deux jeunes gens d'un amour passionné et, après nombreuses
péripéties ils se marient au prix du sacrifice de Valjean. Cosette ne découvre la véritable identité de
Jean Valjean ainsi que le nom de sa mère que dans les ultimes pages du roman, juste avant que Jean
Valjean expire.

75 Op.cit ., III, VI, II, p.155.
76 Ibidem , p.157.

42
Cosette est l'héroïne du roman, elle connaît un destin tout à fait hors du commun, ce qui en fait
l'enfant la plus touchante à étudier. Elle in carne l’enfant martyr, « l’atrophie de l’enfant dans la
nuit »77 car elle subit de mauvais traitements, chez les Thénardier. Mais Hugo lui a réservé sa part de
bonheur, grâce à l’apparition de Jean Valjean, son père adoptif qui lui offre une vie décente e t
paisible. Elle connaît l’amour qui la rend heureuse et qui lui redonne son équilibre spirituel, tel Jean
Valjean qui se réconcilie avec l’univers infini : « Je vais donc m’en aller, mes enfants. Aimez -vous
bien toujours. Il n’y a guère autre chose que ce la dans le monde : s’aimer » 78.
2.3. Gavroche, le gamin de Paris, le chantre des pavées
Le « gamin » joue dans cette oeuvre un rôle à part. Si Cosette représente l'innocence,
Gavroche symbolise d’une part l’enfance misère, et d’autre part l'esprit révo lutionnaire par lequel,
selon l'idée du poète, adviendra le règne de la Sainte trinité, Liberté, Egalité, Fraternité, avenir
lumineux où la misère sera abolie définitivement. Hugo s’inspire du jeune garçon de la peinture de
Delacroix « La Liberté guidant l e peuple » pour donner vie à ce personnage reconnaissable à sa
casquette, symbole du peuple.
Au-dessus de toutes les créatures lamentables et malheureuses que l’auteur a crées, il y a un
petit surhomme, sorte d'incarnation de certaines qualités mauvaises et de toutes les vertus que la
misère et le crime pourront faire germer ou qui peuvent surnager sur la cloaque de l'enfance
criminelle, espèce de héros embryonnaire de la cour des miracles 79, c'est Gavroche, le troisième
enfant du couple Thénardier.
On dé couvre cette intéressante figure dans le premier livre de la troisième partie : « Paris
étudié dans son atome » : « Cet enfant était bien affublé dʹun pantalon dʹhomme, mais il ne le tenait
pas de son père, et dʹune camisole de femme, mais il ne la tenait pas de sa mère. Des gens
quelconques lʹavaient habillé de chiffons par charité. Pourtant il avait un père et une mèr e. Mais son
père ne songeait pas à lui et sa mère ne lʹaimait point. Cʹétait un de ces enfants dignes de pitié entre
tous qui ont père et mère et qui sont orphelins. Cet enfant ne se sentait jamais si bien que dans la rue.
Le pavé lui était moins dur que l e coeur de sa mère. (…) Cʹétait un garçon bruyant, blême, leste,
éveillé, goguenard, à lʹair vivace et maladif. Il allait, venait, chantait, jouait à la fayousse, grattait les
ruisseaux, volait un peu, mais comme les chats et les passereaux, gaîment, ria it quand on lʹappelait

77 Victor Hugo, Les Misérables , préface, p.5.
78 Ibidem ,V, IX, V, p.324.
79 J.P.Chr.De Boer, Victor Hugo et L’Enfant , Wassenaar, 1933, p.206.

43
galopin, se fâchait quand on lʹappelait voyou. Il nʹavait pas de gîte, pas de pain, pas de feu, pas
dʹamour; mais il était joyeux parce quʹil était libre » 80.
Gavroche est le troisième fruit des époux Thénardier. « C'était un petit garçon que la Thénardier
avait eu un des hivers précédents, sans savoir pourquoi, disait -elle, effet du froid . Sa mère l'avait
nourri, mais ne l'aimait pas. Elle ne va pas voir ce qu'il veut, quand le petit piaille » 81 . Toute sa
tendresse s'est portée su r ces deux fillettes, Éponine et Azelma. Gavroche livré à lui -même, soumis
aux dures lois de la rue, privé de tout ce qu’il faut à un enfant (pas de chemise, pas de souliers, pas de
pain, pas de feu, pas d’amour) il n’avait rien de mauvais dans son cœur. La vie dure qu’il menait
n’avait pas sali son âme dont l’innocence est restée intacte tout comme les perles qui ne se dissolvent
pas dans la boue. Puisque sa propre mère, la Thénardier, l’a lâchement abandonné, Paris est devenue
sa mère de substitution : « Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l’oiseau s’appelle le moineau ;
l’enfant s’appelle le gamin… Ce petit être est joyeux. Il ne mange pas tous les jours et il va au
spectacle, si bon lui semble, tous les soirs. Il n’a pas de chemise sur le cor ps, pas de souliers aux
pieds, pas de toit sur la tête ; il est comme les mouches du ciel qui n’ont rien de tout cela. Il a de sept à
treize ans, vit par bandes, bat le pavé, loge en plein air, porte un vieux pantalon de son père qui lui
descend plus bas q ue les talons, un vieux chapeau de quelque autre père qui lui descend plus bas que
les oreilles, une seule bretelle en lisière jaune, court, guette, quête, perd le temps, culotte des pipes,
jure comme un damné, hante le cabaret, connaît des voleurs, tutoie des filles, parle argot, chante des
chansons obscènes, et n’a rien de mauvais dans le coeur. C’est qu’il a dans l’âme une perle,
l’innocence, et les perles ne se dissolvent pas dans la boue. Tant que l’homme est enfant, Dieu veut
qu’il soit innocent. Si l ’on demandait à l’énorme ville : Qu’est -ce que c’est que cela ? elle répondrait :
C’est mon petit » 82. Être joyeux, il aimait rire, chanter, bavarder, flâner sur les quais de la Seine, il se
moquait de tout. Dans ses beaux yeux, on voyait les flèches de l’ impertinent qui n’a rien à perdre, sur
son visage on lisait de l’esprit : « Ce pâle enfant des faubourgs de Paris vit et se développe, se noue et
« se dénoue » dans la souffrance, en présence des réalités sociales et des choses humaines, témoin
pensif. Il se croit lui -même insouciant ; il ne l’est pas. Il regarde, prêt à rire ; prêt à autre chose aussi.
Qui que vous soyez qui vous nommez Préjugé, Abus, Ignominie, Oppression, Iniquité, Despotisme,
Injustice, Fanatisme, Tyrannie, prenez garde au gamin béant » 83.

80 Victor Hugo, op.cit ., III, I, XIII, p.35.
81Ibidem , II, III, I, p.426.
82 Ibidem , III, I, I, p.7.
83 Ibidem , p.11.

44
Hugo a épuisé, pour le portrait de son gamin, toutes ses observations et toute sa fantasie. Tel que
l'a dépeint Hugo, on ne le trouve pas avant lui. Rien n'est omis, le puissant créateur ne nous fait grâce
d'aucun détail: la toilette hétérogène et d' origine fantastique du gamin, la richesse de ses métaphores,
ses petits jeux, son ironie qui va parfois jusqu'au cynisme, son goût de la ville et de la campagne: urbis
amator, ruris amator, son goût du théâtre et des exécutions, la fierté qu'il tire des év énements vus, sa
haine des « cognes » , son talent de barbouiller les murs. Puis, tout est relevé à un plan supérieur, car
« le gamin exprime Paris, et Paris exprime le monde »84 . Paris est « Athènes, Rome, Sybaris,
Jérusalem, Pantin » . Paris n'a pas de limite. Paris est le progrès, parce qu'il est l'audace . Le cri :
Audace est un Fiat lux. Les Révolutions sont le « Fiat Lux » pour l'univers. Or, qui jette ce cri? Le
peuple parisien. Qui représente la véritable race parisienne, le peuple du faubourg? Le gamin ! Ainsi
le gamin de Paris devient l'artisan du progrès universel. La seule condition de ce progrès est
l'instruction : « Revenons à ce cri: Lumière! et obstinons -nous -y! Lumière! Lumière ! — Qui sait si
ses opacités ne deviendront pas transparentes ? Les révolutions ne sont -elles pas des transfigurations?
Allez, philosophes, enseignez, éclairez, allumez, pensez haut, parlez haut, courez joyeux au grand
soleil, fraternisez avec les places publiques, annoncez les bonnes nouvelles, prodiguez les alphabe ts,
proclamez les droits, chantez les Marseillaises, semez les enthousiasmes, arrachez des branches vertes
aux chênes. Faites de l'idée un tourbillon. Cette foule peut -être sublime. Sachons -nous servir de ce
vaste embrasement des principes et des vertus qu i pétille, éclate et frissonne à de certaines heures. Ces
pieds nus, ces bras nus, ces haillons, ces ignorances, ces abjections, ces ténèbres, peuvent être
employés à la conquête de l'idéal » 85 .
De tous les gamins observés le poète se forme une espèce de gamin « universel » ; l'idée du
gamin « universel » conduit l'auteur au peuple, et le peuple le conduit à Paris, qui est pour
lui la Rome nouvelle. Ainsi ce livre donne une sorte de suite au discours de 1850 sur l'enseignement.
Le portrait du gamin en a b ien un peu souffert; car, dans ce petit personnage du drame, l'enfant
n'éveille plus qu'un intérêt secondaire ; il n'est plus que le porteur de « l'avenir latent dans le peuple »
, car c'est lui qui est destiné à dire le dernier mot dans la question socia le. « Le gamin est une grâce
pour la nation, et en même temps une maladie. Maladie qu'il faut guérir. Guérir comment » 86. La
réponse de Hugo ne sera autre que ce simple mot: « Lumière ».

84 Ibidem , III, I, X, p.23.
85 Ibidem , III, I, XII, p.33.
86 Ibide m, p.22.

45
Hugo est le premier à formuler la notion de « droit de l’enfant » dans son discours devant
l’Assemblé e Législative en janvier 1850. À l’idée selon laquelle l’enfant est considéré comme un
objet possédé par la famille et réduit à n’être qu’un instrument de travail, il oppose la conviction que
l’enfant est un être à part ent ière qui a le droit de devenir ce qu’il peut être. Pour lui, l’avenir passe par
des enfants en bonne santé et éduqués : « En élevant l’enfant, nous élevons l’avenir. Élever, mot
profond ! En améliorant cette petite âme, nous faisons l’éducation de l’inconn u. Si l’enfant a la santé,
l’avenir se portera bien ; si l’enfant est honnête, l’avenir sera bon. Éclairons et enseignons cette
enfance »87. En tant que député, il lutte contre la loi Falloux qui met en place le monopole de
l’instruction en faveur du clergé car il est convaincu que c’est l’État qui doit se charger
d’un enseignement gratuit, obligatoire et laïc ce qui fait de lui un pionnier de la laïcité et de la
démocratisation scolaire.
Hugo a, dans toutes les occasions, pris le parti des opprimés. Il n’es t pas un droit qu’il n’ait
revendiqué, pas une cause juste qu’il n’ait défendue. Son œuvre est un long combat pour l’avenir,
pour l’humanité de demain. Il y a dans son cœur une compassion profonde pour tous les misérables
qu’il s’agisse de la société, d’un e classe ou d’un individu. Pourquoi ? Parce qu’il est l’ homme
universel88.
Les actions de Gavroche, tout au long du roman, sont racontées avec une sympathie réelle de la part
de son créateur, sympathie dont s’emparent largement les lecteurs.
Le gamin réappa raît dans la troisième partie, après l'arrestation des bandits dans la maison du
boulevard de l'Hôpital. Après une de ses absences plus au moins prolongées, l'enfant vient voir ses «
ancêtres » . Quand on lui explique que toute sa famille est derrière les grilles, il se gratte le derrière de
l'oreille, regarde son interlocutrice, dit simplement: Ah! Puis, sans autrement s'émouvoir, s'en va en
chantonnant :
« Il n’y a personne, mufle. – Bah ! reprit l’enfant, où donc est mon père ?
– À la Force.
– Tiens ! et ma mère ?
– À Saint -Lazare.
– Eh bien ! et mes soeurs ?
– Aux Madelonnettes.

87 http://www.bonjourdumonde.com/blog/grece/11/personnalites/victor -hugo -defenseur -des-droits -de-lhomme , con sulté le
20 janvier 2016.

88 Chrysoula Rouga, www.bonjourdumonde.com/blog/grece/ consu lté le 20 janvier.

46
L’enfant se gratta le derrière de l’oreille, regarda mame Burgon, et dit :
– Ah !
Puis il pirouetta sur ses talons, et, un moment après, la vieille restée sur le pas de la porte
l’entendit qui chantait de sa voix claire et jeune en s’enfonçant sous les ormes noirs frissonnant au
vent d’hiver :
Le roi Coupdesabot
S’en allait à la chasse,
À la chasse aux corbeaux,
Monté sur des échasses.
Quand on passait dessous
On lu i payait deux sous. »89

Habile, rieur et bruyant , ce petit crève -la-faim sait profiter de l'occasion pour faire l'aumône. Il est
généreux et offre aux plus malheureux ce qu'il vole. Ayant vu l'extrême misère du vieux Mabeuf, il
vole à Monsparnasse une bours e que la générosité de Jean Valjean avait laissée à ce voyou, puis la
jette par -dessus une haie aux pieds du vieillard étonné. Lui -même n'avait pas soupe : « Gavroche, d’un
coup d’œ il de côté, s’était assuré que le père Mabeuf, endormi peut -être, était tou jours assis sur le
banc. Puis le gamin était sorti de sa broussaille, et s’était mis à ramper dans l’ombre en arrière de
Montparnasse immobile. Il parvint ainsi jusqu’à Montparnasse sans en être vu ni entendu, insinua
doucement sa main dans la poche de der rière de la redingote de fin drap noir, saisit la bourse, retira sa
main, et, se remettant à ramper, fit une évasion de couleuvre dans les ténèbres. Montparnasse, qui
n’avait aucune raison d’être sur ses gardes et qui songeait pour la première fois de sa v ie, ne s’aperçut
de rien. Gavroche, quand il fut revenu au point où était le père Mabeuf, jeta la bourse par -dessus la
haie, et s’enfuit à toutes jambes. La bourse tomba sur le pied du père Mabeuf » 90. Quand il
rencontre dans la rue une mendiante de tre ize ou quatorze ans « si court -vêtue qu'on voyait ses genoux
» , il est ému d'une sorte de pudeur instinctive et jette sur les épaules maigres et violettes de la
pauvresse, son châle. On peut dire que cette figure de gamin n'a pas de réalité; c'est juste; mais il est
ici le symbole d'une réalité générale: la charité quelquefois étonnante des pauvres. Le riche qui donne
a presque toujours la crainte de se priver, l'extrême pauvreté ne connaît pas de soucis pareils.

89 Victor Hugo, op.cit ., III,VIII, XXII, p.275.
90 Ibidem , IV, IV, II, p.388.

47
Le hasard commandé à son gré par l'auteur d es Misérables fait rencontrer à Gavroche les deux
petits Magnon, ou plutôt ses deux petits frères à qui une razzia de la police avait enlevé leur « maman
». Tout de suite il se constitue le protecteur des deux moutards abandonnés, les interroge, leur achèt e
du pain, puis les loge dans les débris de l’« Eléphant » , place de la Bastille. Il offre un asile aux
enfants perdus : « Gavroche était en effet chez lui. Ô utilité inattendue de l’inutile ! charité des
grandes choses ! bonté des géants ! Ce monument démesuré qui avait contenu une pensée de
l’Empereur était devenu la boîte d’un gamin. Le môme avait été accepté et abrité par le colosse. Les
bourgeois endimanchés qui passaient devant l’éléphant de la Bastille disaient volontiers en le toisant
d’un air de mépris avec leurs yeux à fleur de tête :
– À quoi cela sert -il ?
– Cela servait à sauver du froid, du givre, de la grêle, de la pluie, à garantir du vent d’hiver, à
préserver du sommeil dans la boue qui donne la fièvre et du sommeil dans la neige qui do nne la mort,
un petit être sans père ni mère, sans pain, sans vêtements, sans asile. Cela servait à recueillir
l’innocent que la société repoussait. Cela servait à diminuer la faute publique. C’était une tanière
ouverte à celui auquel toutes les portes éta ient fermées. Il semblait que le vieux mastodonte misérable,
envahi par la vermine et par l’oubli, couvert de verrues, de moisissures et d’ulcères, chancelant,
vermoulu, abandonné, condamné, espèce de mendiant colossal demandant en vain l’aumône d’un
regar d bienveillant au milieu du carrefour, avait eu pitié, lui, de cet autre mendiant, du pauvre pygmée
qui s’en allait sans souliers aux pieds, sans plafond sur la tête, soufflant dans ses doigts, vêtu de
chiffons, nourri de ce qu’on jette. Voilà à quoi serva it l’éléphant de la Bastille » 91. Quel tableau
impressionnant ! Aux yeux de ces petits, il apparaît comme un modèle de courage et de gaîté : « Les
deux enfants considéraient avec un respect craintif et stupéfait cet être intrépide et inventif, vagabond
comme eux, isolé comme eux, chétif comme eux, qui avait quelque chose d’admirable et de tout –
puissant, qui leur semblait surnaturel, et dont la physionomie se composait de toutes les grimaces d’un
vieux saltimbanque mêlées au plus naïf et au plus charmant sou rire »92.
Chemin -faisant il donne à ses petits protégés des leçons de morale et d'argot. Tous trois se
couchent dans leur logis improvisé sur des nattes, prises aux singes et à la girafe du Jardin des Plantes.
Les enfants couchés, le gamin descend rejoin dre l'ami Montparnasse, pour prêter son assistance à une
évasion de prison. Ce prisonnier échappé n'est autre que son père. Sans savoir, Gavroche aide « sa

91 Op.cit . IV, VI, II, p.423.
92 Ibidem , p.427.

48
famille » : « Gavroche du reste ne se doutait pas que dans cette vilaine nuit pluvieuse où il avait offert
à deux mioches l’hospitalité de son éléphant, c’était pour ses propres frères qu’il avait fait office de
providence. Ses frères le soir, son père le matin ; voilà quelle avait été sa nuit »93. Le lendemain il
remet les deux mioches dans la rue, leu r donnant rendez -vous pour le soir au même endroit. Il ne
devait plus les revoir. Ils étaient peut -être « ramassés par quelque sergent de ville et mis au dépôt, ou
volés par quelque saltimbanque, ou simplement égarés dans l'immense cassetête chinois parisi en » 94.
« Les bas -fonds du monde social actuel sont pleins de ces traces perdues »95 , proclame Victor
Hugo.
On revoit, pourtant les enfants Magnon dans le jardin du Luxembourg, s'emparant d'un gâteau
que l'enfant d'un prudent et solennel bourgeois a jeté aux cygnes. Contraste navrant. L'enfant du riche
mord la brioche, la recrache, et se met à pleurer. Il n'a pas faim, son gâteau l'ennuie. Le bon père lui
enseigne l'humanité en l'incitant à donner le gâteau aux « palmipèdes » . Il n'a pas pensé un moment
aux deux enfants hâves qui suivent ses gestes avec avidité. Leur présence seule, dans ce jardin, est
pour lui un signe d'anarchie. Quand le père et son fils sont partis, l'aîné ramène la brioche mouillée, en
donne la plus grosse part à son petit frère et l ui dit: « Colle -toi ça dans le fusil » 96.
L'apothéose de cette vie de gamin parisien, c'est la révolution. Cependant Gavroche s'en va -t-en
guerre comme s'il s'agissait d'un magnifique amusement. La Révolution, pour lui, est une splendide
occasion de jouer des tours aux bourgeois, aux vieilles commères bavardes et méchantes et aux
sergents de ville, de casser des vitres, et surtout, de faire des mots; au fond, c'est une farce formidable
jouée au gouvernement. Tous les adolescents ont besoin de s’affirmer. M ais pour Gavroche,
abandonné par ses parents, livré à lui -même depuis toujours, sans affection, ne pouvant compter pour
vivre que sur son énergie et son astuce, c’est une nécéssité vitale. S’il plaisante sans cesse c’est parce
qu’il s’affirme ainsi, lui le petit, le malin, supérieur à tout ce qui autrement l’accablerait : la faim, la
misère, l’égoïsme social, sa solitude de pauvre gosse97. L’un de ses jeux favoris est d’accommoder
très librement les chansons à la mode pour fronder les puissances petites ou g randes qu’il trouve sur
son passage.Connaissant la misère, il haïssait les bourgeois, les abus, l’injustice. C’est pourquoi il fait

93 Ibidem , IV, XI, I, p.549.
94 Ibidem , p.549.
95 Ibidem , p.549.
96 Victor Hugo, op.cit .,V, I, XVI, p.68.
97 Victor Hugo, Les Misérables , Univers des lettres Bordas, Sous la direction d e André Lagarde, Laurent Michard, Fernand
Angué, Bordas, Paris, 1977, p.204.

49
son apparition auprès des insurgés pendant l’émeute populaire.Le voilà donc sur la barricade et c’est
cette image qui a valu la célébrité du grand petit héros hugolien.
Malgré la tentative de Marius de l’éloigner des barricades en lui confiant une lettre à porter à
Cosette, ce petit être joyeux, envoyé en mission, il n'a qu'une peur, celle de ne pas être là « quand on
prendra la barricade » . Quand Jean Valjean, apitoyé, lui met une pièce de cent sous dans la main, il la
lui rend majestueusement, incorruptible, croyant qu'on veut l'empêcher de casser les réverbères.
« As -tu une mère » , lui demande Jean Valjean. « Peut -être plu s que vous »98 , répond le gamin.
Quand les munitions de la barricade menacent d'être épuisées, Gavroche sort avec un panier pour
vider tranquillement sous la mitraille, les gibernes pleines de cartouches des gardes nationaux tués. Il
harangue la foule et jubile ; son innocence ou peut -être encore sa jeunesse lui font oublier le danger :
il détrousse les cadavres de la garde en riant, alors que son père le faisait en cachette sur le champ de
bataille de Waterloo : « Sous les plis de ce voile de fumée, et gr âce à sa petitesse, il put s’avancer
assez loin dans la rue sans être vu. Il dévalisa les sept ou huit premières gibernes sans grand danger. Il
rampait à plat ventre, galopait à quatre pattes, prenait son panier aux dents, se tordait, glissait,
ondulait, s erpentait d’un mort à l’autre, et vidait la giberne ou la cartouchière comme un singe ouvre
une noix »99 .
Le spectacle qu’il offrait était « épouvantable et charmant » : « épouvantable » par cet inégal et
absurde jeu de cache -cache qu’il faisait avec l a mort ; « charmant » par cet héroïsme inconscient dont
il faisait preuve. Gavroche avait l’air de s’amuser, il répondait aux balles par un couplet satirique : «
Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d’une borne, une balle
frappa le cadavre.
– Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts. Une deuxième balle fit étinceler le pavé à
côté de lui. Une troisième renversa son panier. Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue.
Il se dressa tout droit, d ebout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’oeil fixé sur les gardes
nationaux qui tiraient, et il chanta :
On est laid à Nanterre,
C’est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,

98 Victor Hugo, op. cit , IV, XV, II, p.642.
99 Ibidem ,V, I, XV, p.57.

50
C’est la faute à Rousseau » 100

Alors que le lecteur tremb le de le voir exposer aux balles, ce gamin hardi, à la répartie
légendaire, chante à tue -tête en ramassant les munitions et même les gardes nationaux semblaient
prendre pour un jeu cet épisode à l’issue dramatique. Ce fut le dernier amusement du gamin, la
dernièr e occasion de placer un bon mot : « Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les
autres, finit par atteindre l’enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la
barricade poussa un cri ; mais il y avait de l’Ant ée dans ce pygmée ; pour le gamin toucher le pavé,
c’est comme pour le géant toucher la terre ; Gavroche n’était tombé que pour se redresser ; il resta
assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda d u
côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter :
Je suis tombé par terre,
C’est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C’est la faute à…
Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre
le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler 101. Il faut absolument voir, au –
delà de l’admiration et de la sympathie du romancier pour ce petit héros, son indignation, sa révolte
contre un système répressif dont il a écrit e n témoin.C’est justement pour fustiger les tares d’un
régime injuste qu’il crée l’image souriante de ce gamin de Paris, gai, impertinent,
spirituel,débrouillard, mauvaise tête mais grand coeur, dont l’attitude devant la mort a été exemplaire.
Avec sa casq uette qui porte son nom, son argot, et ses chaussures trop grandes, avec sa bonne humeur
inattaquable et son courage désespéré, il reste un personnage très fort de notre littérature, à la fois
enfant abandonné et victime héroïque. Quand on est misérable, on n'est pas forcément malheureux :
Gavroche en est la preuve.
Gavroche symbolise l'esprit révolutionnaire du dix – neuvième siècle, le symbole du peuple. Il
représente aussi la figure type de ces enfants des rues, alors nombreux dans Paris. Il respire la j oie de
vivre et incarne l’enthousiasme révolutionnaire et le contre -pied de toutes les idées reçues. Ils
incarnent une société en évolution, où il est encore permis d'espérer en une fin heureuse. La grande

100 Ibidem , p.58.
101 Ibidem , p.59.

51
misère du peuple et sa mission auguste d'après l'i déalisme démocratique du poète ont été symbolisées
par les figures de Cosette et de Gavroche.
Le héros de l'insurrection, ce n'est ni Courfeyrac, ni le père Mabeuf, ni Enjolras, ni Marius, ni
Jean Valjean même, mais l'enfant. Victime de l'ancienne société , l'enfant est devenu le symbole d'une
société future, meilleure. Cosette est écrasée, mais la mort de Gavroche n'anéantit pas l'idée dont il est
le porteur; Gavroche est le Don Quichotte du progrès102.
2.4. Marius, le jeune enthousiaste
La première appariti on de ce personnage se fait dès la troisième partie du roman, partie qui porte
le nom même du personnage « Marius ». À la différence de Cosette et Gavroche, qui ont eu une
enfance misère, Marius n’en a pas ressenti des souffrances terribles, mais pourtant , il a été privé de
ses parents. Àgé de sept ans, il vivait dans la maison de son grand -père, monsieur Luc -Esprit
Gillenormand, le royaliste « un vrai bourgeois complet et un peu hautain du dix -huitième siècle,
portant sa bonne vieille bourgeoisie de l ’air dont les marquis portaient leur marquisat »103.
Élevé par ce grand -père et sa tante, une vieille fille qu'on appelle « mademoiselle Gillenormand
l’aînée » , cet enfant avait perdu sa mère et il ne connaissait même son père : « M. Gillenormand
venait ha bituellement accompagné de sa fille, cette longue mademoiselle qui avait alors passé
quarante ans et en semblait cinquante, et d’un beau petit garçon de sept ans, blanc, rose, frais, avec des
yeux heureux et confiants, lequel n’apparaissait jamais dans ce salon sans entendre toutes les voix
bourdonner autour de lui : Qu’il est joli ! quel dommage ! pauvre enfant ! Cet enfant était celui dont
nous avons dit un mot tout à l’heure. On l’appelait – pauvre enfant – parce qu’il avait pour père « un
brigand de la Loire ». Ce brigand de la Loire était ce gendre de M. Gillenormand dont il a déjà été fait
mention, et que M. Gillenormand qualifiait la honte de sa famille » 104.
Son père , l' officier de l'armée napoléonienne , Georges Pontmercy a combattu héroïquement
à Waterloo où Napoléon lui a crié « Tu es colonel, tu es baron, tu es officier de la Légion d'honneur »
105. La bravoure de Pontmercy lui a valu de recevoir un coup de sabre en pleine figure avant de
s'effondrer sur le champ de bataille dans la débâcle général e. Alors que l'abominable Thénardier ,
détrousseur de cadavres, le 18 juin 1815 à Waterloo, fouille le colonel, la confusion de Pontmercy

102 J.P.Chr.De Boer, op.cit ., p.208.
103 Victor Hugo , op.cit ., III, II, I, p.37.
104 Ibidem , p.53.
105 Ibidem , p.57.

52
gravement blessé, croyant que cet homme tentait de le secourir, pèsera plus tard lourdement dans la
vie de Marius.
Georges Pontmercy s'est marié, sous l' Empire , avec la fille cadette du riche bourgeois royaliste
Luc-Esprit Gillenormand, réticent à ce mariage. Le couple n'a eu qu'un fils.
Lors du décès de la mère de Marius, le grand -père fait un chantage à son gendre pour obtenir la garde
de son petit -fils, menaçant de déshériter celui -ci s'il refuse. Georges Pontmercy, mis en résidence
surveillée à Vernon par la Restauration et appauvri par le régime de Louis XVIII , cède à son beau –
père et se sacrifie dans l'intérêt de so n fils. Le grand -père coupe toutes relations avec Georges
Pontmercy allant jusqu'à lui interdire de revoir son fils. Néanmoins, le père, malgré la surveillance
dont il est l'objet et la distance, fait régulièrement le voyage de Vernon à Paris pour apercevo ir son
enfant à la messe de l' église Saint -Sulpice . Cet homme souffrant qui pleure, caché derrière un pilier,
attire l'attention du père Mabeuf, marguillier de la paroisse, qui se prend d'amitié pour lui. Plus tard, le
père Mabeuf jouera un rôle dans la vi e de Marius devenu étudiant pauvre à Paris.
M. Gillenormand qualifie son gendre de « honte de la famille » et ne fait jamais qu'allusion à
lui que pour se moquer de sa « baronnie » faite par « Buonaparté » . De ce fait, Marius n'a qu'une idée
dévalorisée d e ce père qu'il ne connaît pas.
L’enfant grandit dans cette atmosphère royaliste, parmi les invités de son grand -père, invités
reçus dans le salon de la madame T. : « Le salon de madame de T. était tout ce que Marius Pontmercy
connaissait du monde. C’étai t la seule ouverture par laquelle il pût regarder dans la vie » 106. Il reçoit
une éducation soignée et il s’inscrit à la Faculté de Droit : « Marius Pontmercy fit comme tous les
enfants des études quelconques. Quand il sortit des mains de la tante Gilleno rmand, son grand -père le
confia à un digne professeur de la plus pure innocence classique. Cette jeune âme qui s’ouvrait passa
d’une prude à un cuistre. Marius eut ses années de collège, puis il entra à l’école de droit. Il était
royaliste, fanatique et au stère. Il aimait peu son grand -père dont la gaîté et le cynisme le froissaient, et
il était sombre à l’endroit de son père.
C’était du reste un garçon ardent et froid, noble, généreux, fier, religieux, exalté ; digne jusqu’à la
dureté, pur jusqu’à la sauv agerie » 107.
Le moment de connaître son père intervient dans la trame du roman et Marius réconsidère celui qui
lui a donné naissance. Georges Pontmercy tombe gravement malade et écrit à M. Gillenormand pour

106 Ibidem , p.60.
107 Ibidem , p.69.

53
solliciter la visite de son fils. Marius arrive trop tard à Vernon, son père est décédé dans un accès de
délire en allant au -devant de lui. Georges Pontmercy lui a laissé une lettre : « L’empereur m’a fait
baron sur le champ de bataille de Waterloo. Puisque la Restauration me conteste ce titre que j’ai payé
de mon sang, mon fils le prendra et le portera. Il va sans dire qu’il en sera digne. À cette même
bataille de Waterloo, un sergent m'a sauvé la vie. Cet homme s'appelle Thénardier . Dans ces derniers
temps, je crois qu'il tenait une petite auberge dans les environs de Paris, à Chelles ou à Montfermeil .
Si mon fils le rencontre, il fera à Thénardier tout le bien qu'il pourra. » 108 . C'est tout ce dont il hérite
de son père, la vente du mobilier suffit à peine à payer l'enterrement.
Un jour, à la messe de l'église Saint -Sulpice, en utilisant par erreur une chaise réservée, Marius
fait la connaissance du marguillier Mabeuf qui lui apprend que son père venait souvent ici pour
l'apercevoir. Marius, qui a entrepris des études de droit, se met à dévorer toute la littérature consacrée
à l'Empire , à la république et à ses héros. Il est ébloui et découvre qui était son père et se met à l'adorer
en portant désormais son deuil : « Il était plein de regrets, et de remords, et il songeait avec désespoir
que tout ce qu’i l avait dans l’âme, il ne pouvait plus le dire maintenant qu’à un tombeau ! Oh ! si son
père avait existé, s’il l’avait eu encore, si Dieu dans sa compassion et dans sa bonté avait permis que
ce père fût encore vivant, comme il aurait couru, comme il se se rait précipité, comme il aurait crié à
son père : Père ! me voici ! c’est moi ! j’ai le même coeur que toi ! je suis ton fils ! Comme il aurait
embrassé sa tête blanche, inondé ses cheveux de larmes, contemplé sa cicatrice, pressé ses mains,
adoré ses vête ments, baisé ses pieds ! Oh ! pourquoi ce père était -il mort si tôt, avant l’âge, avant la
justice, avant l’amour de son fils ! Marius avait un continuel sanglot dans le coeur qui disait à tout
moment : hélas ! En même temps, il devenait plus vraiment séri eux, plus vraiment grave, plus sûr de
sa foi et de sa pensée. À chaque instant des lueurs du vrai venaient compléter sa raison. Il se faisait en
lui comme une croissance intérieure. Il sentait une sorte d’agrandissement naturel que lui apportaient
ces deux choses, nouvelles pour lui, son père et sa patrie » 109.
Un bouleversement idéologique s'opère en lui et le royaliste qu'il était de fait devient un
démocrate -bonapartiste qui s'oppose à son royaliste de grand -père : « De la réhabilitation de son père
il av ait naturellement passé à la réhabilitation de Napoléon » 110. Marius et Victor Hugo se
ressemblent. Marius fait penser à Hugo jeune : partagé entre son admiration pour les soldats de
l'Empire, Napoléon et les idées royalistes, Hugo choisira aussi les idées républicaines qui sont celles

108 Ibidem , III, II, IV, p.72.
109 Ibidem , p.76.
110 Ibidem , p.77.

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de Marius. T outes ses idées politiques vont être bouleversées et il s’engagera aux côtés des étudiants
de l’ABC. Après une dispute avec son grand -père, Marius quitte alors le domicile familial : « Marius
s’en était allé, sans dire où il allait, et sans savoir où il allait, avec trente francs, sa montre, et quelques
hardes dans un sac de nuit. Il était monté dans un cabriolet de place, l’avait pris à l’heure et s’était
dirigé à tout hasard vers le pays latin » 111. En intégrant l e Quartier Latin , il fréquente le groupe
révolutionnaire des Amis de l'ABC, des jeunes qui construisaient leur propre idéal : « Tous étaient les
fils directs de la révolution française. Les plus légers devenaient solennels en prononçant cette date :
89. Le urs pères selon la chair étaient ou avaient été feuillants, royalistes, doctrinaires ; peu importait ;
ce pêle -mêle antérieur à eux, qui étaient jeunes, ne les regardait point ; le pur sang des principes
coulait dans leurs veines. Ils se rattachaient sans nuance intermédiaire au droit incorruptible et au
devoir absolu. Affiliés et initiés, ils ébauchaient souterrainement l’idéal. »112 . Il s’engage aux côtés
des étudiants de l’ABC et il partage leurs idées. Il est remarquable le dialogue entre Enjolras et Mar ius
en ce qui concerne la France et ses principes.Marius qui a redécouvert son père, le colonel Pontmercy,
et l’épopée napoléonienne, et qui demande ce qu’il y a de plus grand, Enjolras répond : « Être libre »
comme si à l’auteur Hugo, chantre de l’Empereu r, était revenu un jour le message de l’amant de sa
mère, Lahorie : « Enfant, avant tout la liberté ». Et que cet idéal soit lié au souvenir de la mère, le
passage qui suit le confirme. Le camarade de Marius chante dans l’escalier en s’en allant : «… et qu’y
a-t-il de plus grand ?
– Être libre, dit Combeferre.
Marius à son tour baissa la tête. Ce mot simple et froid avait traversé comme une lame d’acier son
effusion épique, et il la sentait s’évanouir en lui. Lorsqu’il leva les yeux, Combeferre n’était p lus là.
Satisfait probablement de sa réplique à l’apothéose, il venait de partir, et tous, excepté Enjolras,
l’avaient suivi. La salle s’était vidée. Enjolras, resté seul avec Marius, le regardait gravement. Marius
cependant, ayant un peu rallié ses idées, ne se tenait pas pour battu ; il y avait en lui un reste de
bouillonnement qui allait sans doute se traduire en syllogismes déployés contre Enjolras, quand tout à
coup on entendit quelqu’un qui chantait dans l’escalier en s’en allant. C’était Combeferre, et voici ce
qu’il chantait :
Si César m’avait donné
La gloire et la guerre,

111 Ibidem , III, II, VIII, p.91.
112 Ibidem , III, IV, I, p.105.

55
Et qu’il me fallût quitter
L’amour de ma mère
Je dirais au grand César :
Reprends ton sceptre et ton char,
J’aime mieux ma mère, ô gué !
J’aim e mieux ma mère.
L’accent tendre et farouche dont Combeferre le chantait donnait à ce couplet une sorte de
grandeur étrange. Marius, pensif et l’oeil au plafond, répéta presque machinalement : Ma mère ?…
En ce moment, il sentit sur son épaule la main d ’Enjolras.
– Citoyen, lui dit Enjolras, ma mère, c’est la République. »113 .
C’est la puissance de l’image maternelle dont Victor Hugo s’empare,et il la transmet aussi à son
personnage, Marius114. Victor Hugo a cherché toute sa vie à concilier l’amour de son père avec celui
de sa mère, à les réconcilier peut -être.
Le personnage de Marius est un reflet de Victor Hugo touché par un même revirement politique
plus une ressemblance physique indubitable entre Hugo jeune homme et Marius étudiant : « Marius
était à ce tte époque un beau jeune homme de taille moyenne, avec d'épais cheveux très noirs, un front
haut et intelligent, les narines ouvertes et passionnées, l'air sincère et calme, et sur tout son visage je
ne sais quoi qui était hautain, pensif et innocent. […] Comme sa bouche était charmante, ses lèvres les
plus vermeilles et ses dents les plus blanches du monde, son sourire corrigeait ce que toute sa
physionomie avait de sévère. À de certains moments, c'était un singulier contraste que ce front chaste
et de sou rire voluptueux. Il avait l'œil petit et le regard grand »115 .
À vingt ans, Marius fait ses études de droit, mais il se confronte à de graves problèmes financiers.
Seul, sans le support de son grand -père, il devient pauvre et il est livré à vivre dans la gê ne : « La vie
devint sévère pour Marius. Manger ses habits et sa montre, ce n’était rien. Il mangea de cette chose
inexprimable qu’on appelle de la vache enragée . Chose horrible, qui contient les jours sans pain, les
nuits sans sommeil, les soirs sans chan delle, l’âtre sans feu, les semaines sans travail, l’avenir sans
espérance, l’habit percé au coude, le vieux chapeau qui fait rire les jeunes filles, la porte qu’on trouve
fermée le soir parce qu’on ne paye pas son loyer, l’insolence du portier et du gargo tier, les

113 Ibidem , III, IV, V, p.125.
114 Arnaud Laster , Pleins feux sur Victor Hug o, Édition Comédie française, Paris, 1981, p.46.
115 Victor Hugo, III, V, III, p.138.

56
ricanements des voisins, les humiliations, la dignité refoulée, les besognes quelconques acceptées, les
dégoûts, l’amertume, l’accablement.» 116.
Même s’il est obligé à subir toute manque : « Il y eut un moment dans la vie de Marius où il
balayait son palier, où il achetait un sou de fromage de Brie chez la fruitière, où il attendait que la
brune tombât pour s’introduire chez le boulanger, et y acheter un pain qu’il emportait furtivement
dans son grenier, comme s’il l’eût volé. .. Avec cette côtelet te, qu’il faisait cuire lui -même, il vivait
trois jours. Le premier jour il mangeait la viande, le second jour il mangeait la graisse, le troisième
jour il rongeait l’os. »117, il reste digne et il refuse l'argent que son grand -père et sa tante veulent lui
donner. Marius ne veut rien recevoir de celui qui ne reconnaît son père : « Il ne pensait à M.
Gillenormand qu’avec douceur, mais il avait tenu à ne plus rien recevoir de l’homme qui avait été mal
pour son père . »118 .
Marius achève entre -temps ses études et il est avocat. Mais il survit en donnant des leçons
particulières. Après avoir été hébergé par son ami Courfeyrac, puis avoir habité l'hôtel avec ses
derniers sous, il est contraint de louer une misérable chambre dans la masure Gorbeau du boulevard de
l'Hôpital : « Il en est de la misère comme de tout. Elle arrive à devenir possible. Elle finit par prendre
une forme et se composer. On végète, c’est -à-dire on se développe d’une certaine façon chétive, mais
suffisante à la vie. » 119 . Ce sont des souvenir s de jeunesse de Victor Hugo, dans une période quand il
habitait rue du Dragon, avec un cousin, et il souffrait dans la pauvreté. Le romancier, avant tout, avait
gardé une dignité souveraine, il se respectait et imposait le respect dans la misère120. Marius a deux
amis, dont le jeune Courfeyrac et un deuxième, le vieux Mabeuf. Ce dernier connaît des revers de
fortune et sombre peu à peu dans la misère. Il demeure non loin de Marius puisqu'il vit dans une petite
chaumière du côté de la Salpêtrière , dans ce qu i était encore le village d'Austerlitz .
Marius va attirer l'attention de deux jeunes filles dans les mois qui suivent, car : « Au temps de
sa pire misère, il remarquait que les jeunes filles se retournaient quand il passait, et il se sauvait ou se
cachait, la mort dans l'âme. Il pensait qu'elles le regardaient pour ses vieux habits et qu'elles en
riaient ; le fait est qu'elles le regardaient pour s a grâce et qu'elles en rêvaient »121 .

116 Ibidem , III, V, I, p.129.
117 Ibidem , p.130.
118 Ibidem , p.135.
119 Ibidem , p.131.
120 André Maurois , op.cit ., p.90.
121 Victor Hugo, op.cit ., III,V, II, p.132.

57
Dans ses moments de solitude, il avait l’habitude de se promener, et lors de ses promenades
quotidiennes au Jardin du Luxembourg , Marius remarque, assis sur un banc de l'une des allées les plus
isolées, une fillette maigre habillée en noir accompagnée de son père, un monsieur aux cheveux très
blancs. Son ami Courfeyrac les a s urnommés « mademoiselle Lanoire et monsieur Leblanc ». Plus
tard, après six mois, lorsque Marius reprend ses promenades dans « son allée » du Jardin du
Luxembourg, il reconnaît M. Leblanc, mais pas Mlle Lanoire. C'est une très jolie jeune fille d'environ
15 ans et Marius retrouve en elle les traits de la fillette maussade de l'année dernière. Un certain jour
d'été, alors que leurs regards se croisaient jusque -là avec indifférence, leurs yeux s'illuminent
soudainement : « Qu’y avait -il cette fois dans le re gard de la jeune fille ? Marius n’eût pu le dire. Il
n’y avait rien et il y avait tout. Ce fut un étrange éclair. Elle baissa les yeux, et il continua son chemin.
Ce qu’il venait de voir, ce n ’était pas l’œ il ingénu et simple d’un enfant, c’était un gouffr e mystérieux
qui s’était entr’ouvert, puis brusquement refermé. Il y a un jour où toute jeune fille regarde ainsi.
Malheur à qui se trouve là ! »122. Marius et la jeune fille échangent un dialogue amoureux muet qui ne
passe pas inaperçu à M. Leblanc. Marius tombe amoureux de la jeune fille, et pour lui commence une
belle période.
L'histoire d'amour de Marius et de Cosette ressemble à l'histoire d’Hugo au même âge avec
Adèle Foucher. Comme Hugo pour Adèle Foucher, Marius vivra une longue passion romantique a vant
de pouvoir épouser celle qu'il aime. Toute la passion et l’énergie que le romancier a consommé pour
son premier amour, on les retrouve aussi dans les gestes et les sentiments de son héros, Marius : «
C’en était fait. Marius aimait une femme. Sa destin ée entrait dans l’inconnu. Le regard des femmes
ressemble à de certains rouages tranquilles en apparence et formidables. On passe à côté tous les jours
paisiblement et impunément et sans se douter de rien. Il vient un moment où l’on oublie même que
cette chose est là. On va, on vient, on rêve, on parle, on rit. Tout à coup on se sent saisi. C’est fini. Le
rouage vous tient, le regard vous a pris. Il vous a pris, n’importe par où ni comment, par une partie
quelconque de votre pensée qui traînait, par une di straction que vous avez eue. Vous êtes perdu. Vous
y passerez tout entier. Un enchaînement de forces mystérieuses s’empare de vous. Vous vous débattez
en vain. Plus de secours humain possible. Vous allez tomber d’engrenage en engrenage, d’angoisse en
angoi sse, de torture en torture, vous, votre esprit, votre fortune, votre avenir, votre âme ; et, selon que

122 Ibidem , III, VI, III, p.157.

58
vous serez au pouvoir d’une créature méchante ou d’un noble coeur, vous ne sortirez de cette
effrayante machine que défiguré par la honte ou transfiguré par la passion » 123.
Marius s'enhardit jusqu'à les suivre à leur domicile de la rue de l'Ouest , ce qui inquiète M.
Leblanc. À partir de là, leurs apparitions au Luxembourg s'espacent jusqu'à ce qu'ils quittent
soudainement leur domicile. Marius perd leur trace et l'hiver arrive sans qu'il l'ait retrouvée. En
désespoir de cause, il fréquente davantage Courfeyrac et les amis révolutionnaires de l'ABC.
Une autre jeune fille, Éponine , fait irruption dans sa vie un matin de février . C'est « une rose
dans la m isère », la fille aînée de ses voisins d'infortune, la famille Jondrette. Le père envoie ses filles
faire la mendicité un peu partout et c'est pourquoi elle se présente dans la chambre de Marius. S'il n'a
pas remarqué cette fille jusqu'alors, elle semble b ien le connaître et l'appelle Monsieur Marius. Elle va
être un élément important de son destin, car Éponine , si elle est bien la fille des Jondrette, ses parents
ne sont autres que les Thénardier, des malfaiteurs de la pire espèce qui exploitent leurs enfa nts. Et
c'est cette enfant -là que le misérable Le Thénardier envoie à son jeune voisin Marius avec une lettre
quémandeuse et portant comme post -scriptum: « Ma fille attendra vos ordres, cher monsieur Marius » .
Voilà la vraie misère que vit Marius, celle q ui provient des dernières extrémités où mène la
pauvreté : « Cette jeune fille fut pour Marius une sorte d’envoyée des ténèbres. Elle lui révéla tout un
côté hideux de la nuit » 124.
Pour l'auteur, ce n'est pas le misérable père qui est ici le premier cou pable; le grand coupable
c'est la société, qui refuse le salaire, qui refuse le travail, qui abandonne les enfants des pauvres, qui
pousse dans une voie de vice et de crimes sans retour, celui qui est tombé une fois, peut -être malgré
lui, entre les mains d e ce qu'on nomme la justice : « Quand l’homme est arrivé aux dernières
extrémités, il arrive en même temps aux dernières ressources. Malheur aux êtres sans défense qui
l’entourent ! Le travail, le salaire, le pain, le feu, le courage, la bonne volonté, tou t lui manque à la
fois. La clarté du jour semble s’éteindre au dehors, la lumière morale s’éteint au dedans ; dans ces
ombres, l’homme rencontre la faiblesse de la femme et de l’enfant, et les ploie violemment aux
ignominies. Alors toutes les horreurs sont possibles. Le désespoir est entouré de cloisons fragiles qui
donnent toutes sur le vice ou sur le crime. La santé, la jeunesse, l’honneur, les saintes et farouches
délicatesses de la chair encore neuve, le coeur, la virginité, la pudeur, cet épiderme de l ’âme, sont
sinistrement maniés par ce tâtonnement qui cherche des ressources, qui rencontre l’opprobre, et qui
s’en accommode. Pères, mères, enfants, frères, soeurs, hommes, femmes, filles, adhèrent, et

123 Ibidem , III, VI, VI, p.164.
124 Ibidem , III, VIII,V, p.197.

59
s’agrègent presque comme une formation minérale, dans cette brumeuse promiscuité de sexes, de
parentés, d’âges, d’infamies, d’innocences. Ils s’accroupissent, adossés les uns aux autres, dans une
espèce de destin taudis. Ils s’entreregardent lamentablement. Ô les infortunés ! comme ils sont pâles !
comme ils ont froid ! Il semble qu’ils soient dans une planète bien plus loin du soleil que nous. » 125.
De cette misère, nous sommes tous responsables, voilà ce que paraît vouloir nous suggérer
l'auteur en nous racontant les durs reproches que Marius vient à se fair e après la visite terrible de sa
voisine. Certes, il leur avait donné l'aumône, mais distraitement, sans s'occuper davantage de leur état
lamentable. Livré à ses rêves d'amoureux, il avait négligé cette misère dont il n'avait été séparé que
par une mince c loison. Et cependant, « des créatures humaines, ses frères en Jésus – Christ, ses frères
dans le peuple, agonisaient à côte de lui! agonisaient inutilement! »126 . Il aurait dû remarquer leur
misère, être actif, agissant, charitable. Il n'avait rien fait ou p resque rien, car donner l'aumône, ce n'est
pas diminuer la misère, ce n'est que procurer aux pauvres un moment de répit, quelquefois même, c'est
un aggravement de leur abaissement par l'encouragement de la paresse. On retrouve ici un écho du
discours sur l a misère, sur « l'aumône qui dé grade » . Durs reproches, et cependant bien mérités et
que la plupart des hommes, peuvent rapporter à eux -mêmes.
Marius, qui a vu « la misère de l'enfant » dans Éponine, se met à observer ses voisins et
découvre petit à pet it que monsieur et madame Jondrette sont de dangereux individus que rien ne peut
racheter. Marius a vainement cherché ce Thénardier du côté de Montfermeil pour respecter le
souhait de son père et il ignore à ce moment de l'histoire que Jondrette et Thénard ier ne font qu'un.
Éponine, déjà amoureuse de Marius sans qu'il s'en doute, va l'aider à retrouver sa dulcinée du
Luxembourg bien qu'en proie à la jalousie, elle envoie des lettres à Cosette et devient la confidente,
l’amie de Marius. Marius, qui s'est pos té à un observatoire de sa chambre d'où il ne perd rien de ce qui
se passe chez ses voisins, aide Javert à les faire arrêter. Les deux amoureux vont vivre leur « Idylle de
la rue Plumet » secrète aux yeux de tous sauf à ceux d'Éponine qui les épie à leur i nsu. Partagée entre
jalousie et amour, elle devient la « chienne de garde » de la maison rue Plumet en défendant l'accès à
son père et aux Patron -Minette venus une nuit dans le but de la cambrioler.
Le 5 Juin 1832, rue Saint Denis, on surprend Marius dirigeant la barri cade avec les autres
étudiants , la rue de la Chanvrerie , car les obsèques du Général Lamarque ont déclenché
une insurrection menée notamment par le groupe de l'ABC. Sa relation avec Cosette est compromise
par l’intervention d’Éponine et , n'ayant plus rien à perdre, Marius se rend à la barricade avec l'idée d'y

125 Ibidem, p.197.
126 Ibidem, p.198.

60
mourir. Mais le destin en décide autrement puisqu’Éponine, ne pouvant se résoudre à voir son bien –
aimé malheureux, meurt en s'interposant devant le fusil qui visait Marius après lu i avoir remis la lettre
de Cosette.
Marius est un jeune homme courageux, brave et attentif quand ses amis proposent des idées de
survie et de combat lors de la barricade. Il fait aussi preuve d'intelligence et de sûreté à ce même
moment. Il faillit se do nner la mort mais grâce à la lettre qu’il avait adressée à Cosette, Jean Valjean
viendra le sauver. Gravement blessé et inconscient, il est secouru par cet ange de miséricorde qu'est
Valjean sans qu'il sache à qui il doit la vie.
Marius se réveille dans la maison de son grand -père et se remet lentement de ses blessures avec le
bonheur de recevoir tous les jours la visite de Cosette et de Jean Valjean. Finalement le mariage est
célébré : « Ces deux êtres resplendissaient. Ils étaient à la minute irrévocabl e et introuvable, à
l’éblouissant point d’intersection de toute la jeunesse et de toute la joie. Ils réalisaient le vers de Jean
Prouvaire ; à eux deux, ils n’avaient pas quarante ans. C’était le mariage sublimé ; ces deux enfants
étaient deux lys. Ils ne se voyaient pas, ils se contemplaient. Cosette apercevait Marius dans une gloire
; Marius apercevait Cosette sur un autel. Et sur cet autel et dans cette gloire, les deux apothéoses se
mêlant, au fond, on ne sait comment, derrière un nuage pour Cosette, da ns un flamboiement pour
Marius, il y avait la chose idéale, la chose réelle, le rendez -vous du baiser et du songe, l’oreiller
nuptial. Tout le tourment qu’ils avaient eu leur revenait en enivrement. Il leur semblait que les
chagrins, les insomnies, les la rmes, les angoisses, les épouvantes, les désespoirs, devenus caresses et
rayons, rendaient plus charmante encore l’heure charmante qui approchait ; et que les tristesses étaient
autant de servantes qui faisaient la toilette de la joie. Avoir souffert, comm e c’est bon ! Leur malheur
faisait auréole à leur bonheur. La longue agonie de leur amour aboutissait à une ascension. »127.
Marius Pontmercy, idéaliste républicain engagé et amoureux de Cosette, présente plusieurs
points de ressemblance avec Victor Hugo jeu ne.
Marius vit un grand amour pour Cosette, il est « misérable » lorsqu'il connaît la pauvreté, il
ne le reste pas car il se réconcilie avec son grand -père, il revient à sa famille et à sa classe d'origine. Il
symbolise la dignité devant la misère et l a croyance dans l’amour et dans un avenir meilleur pour
l’être humain, tel son créateur qui a lutté, de toutes ses forces pour la réabilitation de l’homme.

127 Ibidem , V, VI, II, p.231.

61
2.5 Éponine et Azelma – les enfants abandonnés
Les deux filles du couple Thénardier font leur app arition dans la première partie du roman, le
quatrième livre, où on les surprend à côté de leur mère, jouant dans la rue : « Les deux enfants, du
reste gracieusement attifées, et avec quelque recherche, rayonnaient ; on eût dit deux roses dans de la
ferrai lle ; leurs yeux étaient un triomphe ; leurs fraîches joues riaient. L’une était châtain, l’autre était
brune. Leurs naïfs visages étaient deux étonnements ravis ; un buisson fleuri qui était près de là
envoyait aux passants des parfums qui semblaient veni r d’elles ; celle de dix -huit mois montrait son
gentil ventre nu avec cette chaste indécence de la petitesse. Au -dessus et autour de ces deux têtes
délicates, pétries dans le bonheur et trempées dans la lumière, le gigantesque avant -train, noir de
rouille, presque terrible, tout enchevêtré de courbes et d’angles farouches, s’arrondissait comme un
porche de caverne. À quelques pas, accroupie sur le seuil de l’auberge, la mère, femme d’un aspect
peu avenant du reste, mais touchante en ce moment -là, balançait les deux enfants au moyen d’une
longue ficelle…»128. C’est le moment où Fantine fait la connaissance avec cette famille, à laquelle
elle confie sa petite Cosette.
Le couple Thénardier tient une auberge à Montfermeil, s'occupant à vider les bourses et à t irer
profit de tout ce qui passe à leur portée. Ils représentent la basse société du 19ème siècle, caricaturée
en véritables monstres. La grossièreté morale est d'abord traduite par la grossièreté physique : la
Thénardier est donc une hideuse mégère « à la carrure de colosse ambulant » 129. Thénardier par
contre, est un homme « petit, maigre, blême, anguleux, chétif » . La Thénardier, malgré son apparence
autoritaire et gigantesque, est toute soumission à son malingre de mari.Il s’avère être un couple modè le
de méchanceté et de lâcheté. Les enfants de Thénardier subissent l’indifférence et la perversité de
leurs parents. Contrairement à leurs illustres parents, certains ne sont que très peu connus. Il y a
Éponine, étrangement plus humaine que le reste de s a famille. Gavroche lui est débrouillard, bruyant,
éveillé, il a l'air à la fois vivace et maladif.
Les Thénardier représentent le monde de la rue. Ils représentent le mauvais côté de l'homme, les
monstruosités que peut faire un humain pour gagner de l'ar gent, l'appât du gain, un prétexte primitif de
l'homme pour tricher, voler et tuer juste pour obtenir tout pour soi. Les Thénardier, notamment dans leur
attitude avec Cosette, les monstres de la société, buvant et ne travaillant pas, obligeant les enfants à de
basses besognes par des insultes et coups. Mais pourquoi ? Parce que le monde ressemble aux

128 Victor Hugo, op.cit ., I, IV, I, p.174.
129 Op.cit , II, III, II, p.427.

62
Misérables. Les enfants ont tous un côté « Gavroche » , les adultes ont les bons côtés de Jean Valjean
ou les mauvais côtés des Thénardier. Tous les humains ont, plus ou moins, l'appât du gain qui peut les
rendre misérables, de cette misère morale dont Victor Hugo pose le problème à travers les Thénardier.
Éponine et Azelma ont passé leurs années d’enfance à l’auberge des parents Thénardier,
endroit où elles o nt eu une belle vie, à la différence de Cosette, leur servante et des autres frères
qu’elles ne connaissent pas , le frère Gavroche et deux frères encore plus jeunes, l’objet d’une sordide
tractation de la part de leurs parents. Le caractère de leur mère a été, peu à peu, assumé par ses deux
filles, concernant leur attitude envers Cosette : « La Thénardier étant méchante pour Cosette, Éponine
et Azelma furent méchantes. Les enfants, à cet âge, ne sont que des exemplaires de la mère. Le format
est plus petit , voilà tout. »130 . Elles ont adopté la méchanceté, l’envie et l’indifférence de leur mère : «
Éponine et Azelma ne regardaient pas Cosette. C’était pour elles comme le chien. Ces trois petites
filles n’avaient pas vingt -quatre ans à elles trois, et elles r eprésentaient déjà toute la société des
hommes ; d’un côté l’envie, de l’autre le dédain. »131. Le contraste entre Cosette et les deux sœurs
hostiles met en évidence le génie romanesque de Victor Hugo qui nous laisse des pages d’une pitié
extrêmement toucha nte. Contrairement à Cosette, Éponine et Azelma étaient choyées par leur mère.
Victor Hugo les décrit comme « des jeunes filles plutôt bourgeoises que paysannes, très charmantes
(…), toutes les deux vives, propres, grasses, fraiches et saines à réjouir le regard. Elles étaient
chaudement vêtues, mais « avec un tel art maternel que l’épaisseur des étoffes n’ôtait rien à la
coquetterie de l’ajustement (…). Ces deux petites dégageaient de la lumière. En outre, elles étaient
régnantes. Dans leur toilette, dans leur gaité, elle dégageait de la souveraineté » 132. Ce tableau
contrasté de misère et de luxe insolent que dresse Victor Hugo montre l’étendue du fossé qui sépare
deux mondes, deux conditions d’existence qui se côtoient et qui visiblement n’ont rien en comm un.
Claude Géli portant sur regard sur l’engagement social et littéraire de Victor Hugo écrit : « Notre
siècle en qui Victor Hugo avait placé son rêve d’un avenir meilleur se termine sur un constat d’échec :
l’homme et la femme continuent à être dégradés par la misère, et il y a partout de par le monde, des
enfants atrophiés par la nuit. Les misérables avec la polysémie que Victor Hugo donnait à ce terme,
sont loin d’avoir disparu ou du moins régressé » 133. L’œuvre de Victor Hugo est donc un appel à
l’huma nité, un plaidoyer pour la justice sociale. Pour lui, si les infortunés et les infâmes se mêlent,
c’est la faute de la misère, de l’indifférence et d’un système répressif sans pitié. Idéaliste, il est

130 Op.cit ., I, IV, III, p.185.
131 Ibidem, II, III, VIII, p.453.
132 Ibidem , p. 452.
133 Claude Géli, Les Misérables , étude Hachette, Paris, 1997, p.3.

63
convaincu que l’instruction, l’accompagnement et le res pect de l’individu sont les seules armes de la
société qui peuvent empêcher l’infortuné de devenir infâme.
Dès le début, le couple Thénardier s'avère être menteur et fourbe, mais on peut penser que c'est
un effet de la misère. Victor Hugo rend le ménage T hénardier antipathique alors qu'il s'apitoie sur
leurs enfants exploités sans vergogne. Quand on les retrouve réduits à la misère, dans la masure
Gorbeau, leur principale occupation consiste à escroquer les personnes charitables tout en préparant
des coups de plus grande envergure avec les meneurs de la pègre parisienne, notamment dans le
chapitre « Patron -minette » où les Thénardier -Jondrette et Éponine leur fille, vont tenter de voler et
de tuer Monsieur Leblanc, fausse identité de Jean Valjean. Cette f ois, les escrocs s'en prennent à ceux
qui les aident. Les Thénardier seront arrêtés par le policier Javert, sollicité par Marius.
Pour survivre, le couple n’hésite pas à recourir à toutes sortes de moyens criminels, du plus léger
au rédhibitoire : exploit ation éhontée de la pauvreté, vols, cambriolages, agressions, voire assassinat.
Pour les deux filles la vie est devenue misère et terrible : «… deux misérables êtres qui n’étaient ni
des enfants, ni des filles, ni des femmes, espèces de monstres impurs et innocents produits par la
misère. Tristes créatures sans nom, sans âge, sans sexe, auxquelles ni le bien, ni le mal ne sont plus
possibles, et qui, en sortant de l’enfance, n’ont déjà plus rien dans ce monde, ni la liberté, ni la vertu,
ni la responsabilit é. Âmes écloses hier, fanées aujourd’hui, pareilles à ces fleurs tombées dans la rue
que toutes les boues flétrissent en attendant qu’une roue les écrase.» 134.
De ce fait, la famille côtoie différents milieux interlopes comme le banditisme, la prostitutio n, ce
qui permet à Hugo de se pencher sur les causes sociales de ces comportements, de faire réfléchir le
lecteur et de l'inciter à ne pas condamner systématiquement certains agissements . Thénardier et sa
fille Azelma , survivants à leur famille (on ignore ce que sont devenus les deux plus jeunes fils perdus
de vue), quittent la France pour s'expatrier aux États -Unis. L'injustice et le crime n'étant pas
spécifiquement français, avec l'argent donné à titre de remerciement par Marius, homme de bien,
l'ancien exploiteur de Fantine et de Cosette y devient trafiquant d'esclaves.
À la différence d’Azelma qui est un personnage mineur, les apparitions d’Éponine sont plus
prégnantes dans la trame du roman. Elle execute les ordres mesquins de son père, mais elle s’imp lique
aussi dans une histoire d’amour. L’amour bouleverse bien de situations et conduit la destinée des
personnages. Elle tombe amoureuse de Marius qui est son voisin dans la misérable masure Gorbeau
du boulevard de l'Hôpital à Paris où elle habite avec sa famille. Il ne l’a jamais remarquée jusqu’au jour

134 Victor Hugo, op.cit ., III,VIII, IV, p.192.

64
où, envoyée par son père pour mendier, elle fait irruption dans sa chambre. Marius sera ébranlé par
Éponine, portrait emblématique de la faim ou, plus précisément selon Hugo, celui de « la misère de
l’enfa nt ». Ce qui nous vaut parmi les pages les plus poignantes du roman, celui de la dégradation de
l’humain par la faim : « Sans attendre qu’il lui dît d’avancer, elle entra. Elle entra résolument,
regardant avec une sorte d’assurance qui serrait le cœur, to ute la chambre et le lit défait. Elle avait les
pieds nus. De larges trous à son jupon laissaient voir ses longues jambes et ses genoux maigres. Elle
grelottait. […] La jeune fille allait et venait dans la mansarde avec une audace de spectre. Elle se
démen ait sans se préoccuper de sa nudité. Par instants, sa chemise défaite et déchirée lui tombait
presque à la ceinture. Elle remuait les chaises, elle dérangeait les objets de toilette posés sur la
commode, elle touchait aux vêtements de Marius, elle furetait ce qu’il y avait dans les coins.
˗ Tiens, dit -elle, vous avez un miroir ! Et elle fredonnait, comme si elle eût été seule, des bribes de
vaudeville, des refrains folâtres que sa voix gutturale et rauque faisaient lugubres. Sous cette hardiesse
perçait je ne sais quoi de contraint, d’inquiet et d’humilié. L’effronterie est une honte. Rien n’était
plus morne que de la voir s’ébattre et pour ainsi dire voleter dans la chambre avec des mouvements
d’oiseau que le jour effare, ou qui a l’aile cassée. On sentait bien qu’avec d’autres conditions
d’éducation et de destinée, l’allure gaie et libre de cette jeune fille eût pu être quelque chose de doux
et de charmant. Jamais parmi les animaux la créature née pour être une colombe ne se change en une
orfraie. Cela ne s e voit que parmi les hommes. »135.
Rien de plus lugubre, que le portrait d'Éponine: « C'était une créature hâve, chétive,
décharnée ; rien qu'une chemise et une jupe sur une nudité frissonnante et glacée. Pour ceinture une
ficelle, pour coiffure une ficel le, des épaules pointues sortant de la chemise, une pâleur blonde et
lymphatique, des clavicules terreuses, des mains rouges, la bouche entr'ouverte et dégradée, des dents
de moins, l'oeil terne, hardi et bas, les formes d'une jeune fille avortée et le reg ard d'une vieille femme
corrompue ; cinquante ans mêlés à quinze ans ; un de ces êtres qui sont tout ensemble faibles et
horribles et qui font frémir ceux qu'ils ne font pas pleurer 136. Et c'est cette enfant -là que le misérable
Le Thénardier envoie à son j eune voisin Marius avec une lettre quémandeuse et portant comme post –
scriptum : « Ma fille attendra vos ordres, cher monsieur Marius » .C’est révoltante l’image de cette
enfant, esclave de la faim et de la misère : « Des fois je m’en vais le soir. Des fo is je ne rentre pas.
Avant d’être ici, l’autre hiver, nous demeurions sous les arches des ponts. On se serrait pour ne pas

135 Ibidem , p.193.
136 Ibidem , p.190.

65
geler. Ma petite sœur pleurait. L’eau, comme c’est triste ! Quand je pensais me noyer, je disais : Non,
c’est trop froid. Je vais tou te seule quand je veux, je dors des fois dans les fossés. Savez -vous, la nuit,
quand je marche sur le boulevard, je vois des arbres comme des fourches, je vois des maisons toutes
noires grosses comme les tours de Notre -Dame, je me figure que les murs blanc s sont la rivière, je me
dis : Tiens, il y a de l’eau là ! Les étoiles sont comme des lampions d’illuminations, on dirait qu’elles
fument et que le vent les éteint, je suis ahurie, comme si j’avais des chevaux qui me soufflent dans
l’oreille ; quoique ce s oit la nuit, j’entends des orgues de Barbarie et les mécaniques des filatures, est –
ce que je sais, moi ? Je crois qu’on me jette des pierres, je me sauve sans savoir, tout tourne, tout
tourne. Quand on n’a pas mangé, c’est très drôle. »137.
Mais elle se dre sse au -dessus de cette misère, par la chanson. Comme son frère Gavroche,
Éponine aime le spectacle et elle partage avec lui aussi, le goût pour les chansons. Si Gavroche chante
« C'est la faute à Voltaire … », ses chants à elle sont moins téméraires :
« J'ai faim, mon père,
Pas de fricot.
J'ai froid, ma mère.
Pas de tricot.
Grelotte,
Lolotte !
Sanglotte,
Jacquot ! » .
Ou bien des vers d’amour :
« Nos amours ont duré toute une semaine,
Mais que du bonheur les instants sont courts !
S'adorer huit jours, c'était bien la peine !
Le temps d e l'amour devrait durer toujours !
Devrait durer toujours ! devrait durer toujours !
Vous me quittez pour aller à la gloire,
Mon triste cœur suivra partout vos pas. » 138

137 Ibidem , p.195.
138 Ibid. , III, VIII, XVI, p.235.

66
Mais Ma rius n'aimera jamais que Cosette. Partagée entre la jalousie et le désir de plaire à l'élu
de son cœur, Éponine est tentée d'éloigner les amoureux l'un de l'autre lorsque l'occasion se présente,
après avoir pourtant facilité leur rencontre. Elle le condu it jusqu'à la demeure de sa belle inconnue qui
habite avec son père dans un pavillon au milieu d'un grand jardin de la rue Plumet . Les deux
amoureux vont vivre leur « Idylle de la rue Plumet » secrète aux yeux de tous sauf à ceux d'Éponine
qui les épie à l eur insu. Partagée entre jalousie et amour, elle devient la « chienne de garde » de la
maison rue Plumet en en défendant l'accès à son père et aux Patron -Minette venus une nuit dans le but
de la cambrioler. Même manipulée par son père, elle va plusieurs re prises jusqu'à défier Thénardier et
la redoutable bande de Patron -Minette pour protéger Marius lorsque le bonheur de celui -ci est
menacé.
Finalement, incapable de voir Marius malheureux, elle n'hésite pas, après l'avoir attiré puis
suivi jusqu'à une barri cade de l’ insurrection , à s'interposer entre lui et le soldat qui le visait pour
mourir à sa place. Elle est ainsi le premier instrument du bonheur de Marius en lui remettant la lettre
de Cosette avant d'expirer sur la barricade : « Elle saisit convulsive ment la main de Marius avec sa
main trouée, mais elle semblait ne plus percevoir la souffrance.
– Promettez -moi de me donner un baiser sur le front quand je serai morte.
– Je le sentirai.
Éponine restait immobile ; tout à coup, à l’instant où Marius la c royait à jamais endormie, elle
ouvrit lentement ses yeux où apparaissait la sombre profondeur de la mort, et lui dit avec un accent
dont la douceur semblait déjà venir d’un autre monde :
– Et puis, tenez, monsieur Marius, je crois que j’étais un peu amour euse de vous.
Elle ess aya encore de sourire et expira. »139 .
Elle se sacrifie pour l’amour, en faisant preuve d’une profonde humanité, malgré sa condition
misère. La force de l’amour a donc fait basculer la destinée d’Éponine qui meurt en martyr de
l’amour.
Tel son frère, Gavroche, elle rend son âme sur la barricade. Contrairement à leurs parents,
êtres mesquins et inflexibles, Éponine et Gavroche dévoilent un caractère généreux, hardi et humain.
Par ces deux figures d’enfants,Victor Hugo a démontré, encore une fois, son humanisme omniprésent
et, il place surtout un immense espoir en la générosité humaine.

139 Ibid, IV, XIV, VI, p.626.

67
2.6. Fantine, l’enfant -mère
« Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour
contrepoids au droit d e l’homme le droit de la femme . »140 .
Parmi les questions sociales qui intéressent Victor Hugo, la cause des femmes est l’une de
celles qui lui valent un vrai soutien populaire. Il a lutté, de toutes ses forces, pour la réabilitation de la
femme de son temp s. Écartée de la vie politique, considérée par la loi comme mineure, exploitée dans
la vie et dans le travail, la femme se heurte au XIXe siècle à une difficile reconnaissance sociale. La
question de l’émancipation est abordée par Hugo de façon explicite d ans la lettre adressée au journal
L’Avenir des femmes en 1872 : « Dans notre législation telle qu’elle est, la femme ne possède pas,
elle n’est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il n’y a
pas de cito yennes. C’est là un état violent : il faut qu’il cesse . »141.
La figure de Fantine met en évidence la condition misère des femmes du peuple au XIXe
siècle. En romancier Hugo compose plusieurs portraits de femmes souffrantes dont celui de Fantine
cond amnée à la prostitution et à la mort reste le plus emblématique.
La première partie du roman social des Misérables est intitulée Fantine, la seconde Cosette : la
mère et l'enfant, procréation de la misère. Cette fille, Fantine, née au sein du peuple, sans mère , sans
père est «… s ortie des plus insondables épaisseurs de l'ombre sociale, elle avait au fro nt de l'anonyme
et de l'inconnu. On ne lui avait jamais connu ni père ni mère. Elle se nommait Fantine. Pourquoi
Fantine ? On ne lui avait jamais connu d’aut re nom. » 142. À dix ans elle entre en service chez des
fermiers. À quinze cette brave enfant « va chercher fortune à Paris » . Mauvais si gne. Cette jolie fille
blonde rencontre l'idéal de « l'antique étudiant vieux » , viveur mal conservé, très riche.
Elle tombe amoureuse de Tholomyès : « Nous nous bornons à dire que l’amour de Fantine était
un premier amour, un amour unique, un amour fidèle » 143.
C'est la chute, car pour lui c’était seulement un amusement : « Amourette pour lui, passion pour
elle » 144 . Pourtant elle garde je ne sais quoi de « souverainement virginal » , « une sorte de dign ité
sérieuse et presque austère » , elle garde encore la pudeur : « Fantine était l'innocence surnageant sur

140 www.bonjourdumonde.com/blog/grece/ , consulté le 20 janvier.
141 www.bonjourdumonde.com/blog/grece/ , consulté le 20 janvier.

142 Victor Hugo, op.cit ., I, III, II, p.145.
143 Ibidem , p. 145.
144 Ibidem , p.145.

68
la faute » 145. Elle se fait quelques amies qui fréquentaient des étudiants, elles aussi. Un jour, au cours
d'un repas, les garçons laissent une lettre, annonçant leur départ. On a reçu cette nouvelle comme une
plaisanterie, mais Fantine a pleuré en secret. Elle était enceinte et se voyait toute seule : « Une heure
après, quand elle fut rentrée dans sa chambre, elle pleura. C’était, nous l’avons dit, son premier amour
; elle s’était donnée à ce Tholomyès comme à un mari, et la pauvre fille avait un enfant. 146» . Le
fruit de cet amour douleureux est la petite Cosett e.
Seule, abandonnée et sans support financier, Fantine renonce à « ses palettes » pour élever sa
petite fille : « Elle avait déjà vaillamment renoncé à la parure, s’était vêtue de toile, et avait mis toute
sa soie, tous ses chiffons, tous ses rubans et to utes ses dentelles sur sa fille, seule vanité qui lui restât,
et sainte celle -là. » 147 .
Fantine décide à rentrer dans son village d’origine, à Montreuil -sur-mer, pour trouver de l’emploi.
Sur la route , elle rencontre un couple d’aubergistes, les Thénardie r, auquel elle confie naïvement sa
petite Cosette. C’est le moment qui marque le début de l’enfance misère pour la petite « alouette » .
Alors commence sa lamentable histoire. L'enfant Cosette portée chez les Thénardier, Cosette
maltraitée par les Thénar dier, Fantine exploitée par les Thénardier. Enfin la mère -fille commence à
mal payer. Ayant travaillé dans les verroteries de M. Madeleine, elle est congédiée quand la
surveillante découvre sa maternité. Mise à la porte, elle descend encore, se met à coudr e de grosses
chemises pour les soldats de la garnison, gagnant douze sous par jour. Sa fille lui en coûtait dix. Elle
ne dort plus que cinq heures par jour. Sur toute sa misère pèse le mépris des passants de la petite ville.
Vient l'hiver, et la diminutio n de travail. Les dettes s'accumulent. Les Thénardier réclament: Cosette a
froid. La fille -mère vend ses beaux cheveux, s’arrache les dents : « La chandelle éclairait son visage.
C’était un sourire sanglant. Une salive rougeâtre lui souillait le coin des l èvres, et elle avait un trou
noir dans la bouche. Les deux dents étaient arrachées. Elle envoya les quarante francs à Montfermeil.
» 148.
Cosette est malade. On réclame quarante francs. La misère l'étreint, l'hiver la guette, elle avait
perdu la honte, elle perd la coquetterie. Elle cousait dix -sept heures par jour; mais les prix baissaient
par suite d'une invention d'un entrepeneur du travail des prisons qui faisait travailler les prisonniers au
rabais. Journée à neuf sous. Les Thénardier réclamant toujours , menacent de mettre Cosette à la porte,
si la mère n'envoie cent francs. Alors elle vendit « le reste » , ultime étape de sa déchéance, la

145 Ibidem , p.151.
146 Ibidem , I, III, IX, p.172.
147 Ibidem , IV, I, I, p.175.
148 Ibidem , I, V, XI, p.216.

69
prostitution. « Un jour d'hiver, Fantine, malade, fait les cent pas sur le trottoir »149 . Elle devient fille
publiqu e, obligée de se prostituer pour pouvoir vivre et faire vivre Cosette. Quel tableau affreux et
quelle société cruelle qui a permis l’esclavage de la femme ?
La prostitution, esclavage moderne de la femme, résultat de la misère. Fantine fait le trottoir, e lle
se trouve dans l’ impossibilité à changer de trajectoire dans sa vie, elle est toujours ballottée d’une
misère à l’autre ; elle tourne comme un fauve en cage, enfermée dans sa misère : « Qu’est -ce que c’est
que cette histoire de Fantine ? C’est la soci été achetant une esclave. À qui ? À la misère. À la faim, au
froid, à l’isolement, à l’abandon, au dénuement. Marché douloureux. Une âme pour un morceau de
pain. La misère offre, la société accepte. La sainte loi de Jésus -Christ gouverne notre civilisation , mais
elle ne la pénètre pas encore. On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne. C’est une
erreur. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution. Il pèse sur
la femme, c’est -à-dire sur la grâce , sur la faiblesse, sur la beauté, sur la maternité. Ceci n’est pas une
des moindres hontes de l’homme. Au point de ce douloureux drame où nous sommes arrivés, il ne
reste plus rien à Fantine de ce qu’elle a été autrefois. Elle est devenue marbre en devena nt boue. Qui
la touche a froid. Elle passe, elle vous subit et elle vous ignore ; elle est la figure déshonorée et sévère.
La vie et l’ordre social lui ont dit leur dernier mot. Il lui est arrivé tout ce qui lui arrivera. Elle a tout
ressenti, tout support é, tout éprouvé, tout souffert, tout perdu, tout pleuré. Elle est résignée de cette
résignation qui ressemble à l’indifférence comme la mort ressemble au sommeil. Elle n’évite plus
rien. Elle ne craint plus rien. Tombe sur elle toute la nuée et passe sur e lle tout l’océan ! que lui
importe ! c’est une éponge imbibée. Elle le croit du moins, mais c’est une erreur de s’imaginer qu’on
épuise le sort et qu’on touche le fond de quoi que ce soit. »150. Terribles mots et sinistre société !
Le comble de l’humiliation ,un jeune bourgeois, pour se distraire lui glisse une boule de neige
dans le dos. Révoltée, Fantine se jette sur l'individu et le frappe. L'inspecteur Javert qui passe par là,
se fait un devoir d'arrêter la malheureuse et lui inflige six mois de prison. L'injustice de Javert au
moment de l'arrestation de Fantine, alors que c'est le bourgeois qui est en tort, nous montre la cruauté
d'une société qui ne se souciait pas beaucoup des misérables.
La justice guette la prostituée. Une rixe éclatée dans la rue la c onduit au bureau de police, la
prison l'attend. Alors, un homme est là qui la sauve, qui promet de payer ses dettes, de faire venir son
enfant, qui lui fait entrevoir un avenir heureux et innocent, un homme qui déclare solennellement «
Qu'elle n'a jamais c essé d'être vertueuse et sainte devant Dieu » .

149 Ibidem , p.220.
150 Ibidem , p.218.

70
Victor Hugo a le grand mérite d’ entourer d'une fausse auréole les forçats et les filles publiques;
il ne s'est pas contenté de demander de l'indulgence pour la femme tombée, il a réclamé de la
vénération pour la fille -mère. Il a aidé à créer le romantisme des repris de justice. Mais il a, du moins,
le mérite d'avoir mis la société en face de ses responsabilités envers les misérables, responsabilités qui
ne cessent pas avec le déshonneur, l'opprobre, le cri me, la condamnation151.
C'est aller un peu fort, mais M. Madeleine ne fait rien à demi. Il ne se contente pas d'absoudre, il
canonise. Cependant Fantine se meurt, malgré les soins que lui prodigue à l 'hôpital la sœ ur Simplice,
admirable figure de religieus e. Elle attend son enfant en chantant dans son lit une vieille romance de
berceuse:
« Nous achèterons de bien belles choses
En nous promenant le long des faubourgs.
Les bleuets sont bleus, les roses roses,
Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours. »152.
L'enfant ne vient pas. Au lieu de Cosette, la justice vient à son lit de mort, sous la figure hideuse
de Javert. Cette dernière apparition de la Société « tue » cette femme. Elle a vingt cinq ans. Elle n'a
pas revu son enfant.Triste dénouement pour cette fil le-mère qui s’est sacrifié jusqu’à sa mort pour le
bien de sa fille.
Hugo rend Fantine d'autant plus « misérable » , pitoyable et émouvante, qu'elle était au départ
très jolie, pure, naïve. Il dénonce à travers elle, ce qui est le sort de bien des jeunes filles de campagne
qui vont « chercher fortune » à Paris : la trahison amoureuse, les enfants non voulus, la misère
matérielle et morale, l'abandon et le mépris de la société bien pensante envers les filles -mères. Fantine
est le personnage misérable entr e tous. Victime de son injuste destin, dès sa naissance , elle n' a pas de
famille, pas de nom , poursuivie par le malheur, abandonnée par celui qu'elle aime, abusée par les
gens sans scrupules : Tholomyès, les Thénardier, le fabricant de perruques, l'arr acheur de dents, elle
cumule tous les malheurs, la cruauté d'un bourgeois, et l'implacable rigueur de Javert. Et au – dessus de
tout cela, les émotions de Hugo qui transmettent par milliers de pages, de vers, pour toujours dire le
même mot : NON ! NON au malheur des enfants et des femmes, NON à la misère du peuple, NON à
l'injustice du destin.
2.7. Les enfants de la rue, « les rats de Paris »

151 J.P.Chr.De Boer, Victor Hugo et l’enfant , Wassenaar, 1933, p.210.
152 Ibidem , I, VII, VI, p.286.

71
Une immense pitié pour les enfants des misérables emplit l'oeuvre de Hugo, mais surtout le
roman Les Misérables . Les figures tristes des enfants des banlieues démontrent la condition misère
qui caractérise l’enfant abandonné et abusé.Victor Hugo a surpris les réalités de son temps et il a
plaidé pour le combat contre la misère. À cette époque -là, la plupart des enfa nts des milieux modestes
travaillent dès leur plus jeune âge à la campagne ou sont employés dans des usines.
Dans Les Contemplations Victor Hugo a protesté déjà avec une violence inégalée contre la
trop fréquente exploitation des enfants dans l'industrie :
« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre.
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre.
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer.
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
О servitude infâme imposée à l'enfant!
Rachitisme! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,
Et qui ferait — c'est là son fruit le plus certain!
D'Apollon un bossu, de Voltai re un crétin!
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère.
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil!
Que ce travail, haï des mères, soit maudit
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit.
Maudit comm e l'opprobre et comme le blasphème
O Dieul qu'il soit maudit au nom du travail même.
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,

72
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux! »153.
Ce tableau paraît rendre assez bien la triste condition où vivai t jusqu'au milieu du siècle, une
multitude d'enfants, véritable serfs de l'industrie. La misère des enfants pauvres ou abandonnés,
l'inégalité entre les classes de la société, puis l'exploitation de l'enfant par l'industrie, l'insuffisance de
l'enseignem ent populaire, tout cela fait la nuit qui pèse si lourdement et si sinistrement sur les têtes
innocentes des enfants pauvres. La véritable victime des criantes injustices sociales que veut
stigmatiser Victor Hugo, c'est en premier lieu, l'enfant. Dans cett e pitié pour les enfants misérables
Hugo était sincère. Elle s'élève bien au -dessus des déclamations rhétoriques de la tribune politique. Et
elle ne s'adressait pas seulement aux victimes de la société. Car, en dehors de ses discours politiques,
en dehors de son roman social, on trouve des passages qui prouvent combien son coeur fut toujours
remué par les misères et les douleurs de l'enfant.
Le romancier connaît la vie rude des manufactures qui réclament principalement l'emploi des
enfants, dont les mouveme nts ont plus de souplesse et de délicatesse. On voit des enfants de 6 à 8 ans
venir passer chaque jour seize à dix -sept heures dans les ateliers, où pendant treize heures ou moins,
ils sont enfermés dans la même pièce sans changer de place ni d'attitude, e t au milieu d'une
température souvent très élevée.
Ces pauvres créatures, mal vêtues, mal nourries, habitant de sombres et froides demeures, sont
obligées quelquefois de parcourir, dès cinq heures du matin, la longue distance qui les sépare des
ateliers, e t qui achève le soir d'épuiser ce qui leur reste de forces. Comment ces infortunés, qui
peuvent à peine goûter quelques heures de sommeil, résisteraient -ils à cette espèce de torture? Aussi
ce long supplice de tous les jours ruine leur constitution déjà ch étive par hérédité, et prépare à ceux
qui survivent une existence pleine de douleur et de misère.
Les enfants employés dans les autres filatures et tissages de coton du Haut -Rhin et dans les
établissements de même nature du reste de la France, ne sont pas en général, il est vrai, aussi
malheureux; mais partout pâles, énervés, lents dans leurs mouvements, tranquilles dans leurs jeux, ils
offrent un extérieur de misère, de souffrance, d'abattement qui contraste avec le teint fleuri,
l'embonpoint, la pétulance et tous les signes d'une brillante santé qu'on remarque chez les enfants du
même âge, chaque fois que l'on quitte un lieu de manufactures pour entrer dans un canton agricole 154.

153 Victor Hugo, Les Contemplations , op.cit ., p.56.
154 M.Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de
soie, apud J.P.Chr.De Boer, Victor Hugo et l’enfant , Wassenaar, 1933, p210.

73
Mais les enfants sont le charme de la banlieue de Paris : « Quiconque a erré comme nous dans
ces solitudes contiguës à nos faubourgs qu’on pourrait nommer les limbes de Paris, y a entrevu çà et
là, à l’endroit le plus abandonné, au moment le plus inattendu, derrière une haie maigre ou dans
l’angle d’un mur lugubre, des enfants, gr oupés tumultueusement, fétides, boueux, poudreux,
dépenaillés, hérissés, qui jouent à la pigoche couronnés de bleuets. Ce sont tous les petits échappés
des familles pauvres. Le boulevard extérieur est leur milieu respirable ; la banlieue leur appartient. I ls
y font une éternelle école buissonnière. Ils y chantent ingénument leur répertoire de chansons
malpropres. Ils sont là, ou pour mieux dire, ils existent là, loin de tout regard, dans la douce clarté de
mai ou de juin, agenouillés autour d’un trou dans l a terre, chassant des billes avec le pouce, se
disputant des liards, irresponsables, envolés, lâchés, heureux …»155 . Parmi les mendiants, les
prostituées et les malfaiteurs, ils grouillent, négligés, sordides, affamés, coudoyant le vice, élevés pour
le mal, mais gardant, malgré tout, et bien longtemps, leur innocence primitive, leur gaîté naturelle.
Personne ne les aime, leurs parents même les repoussent. « Quelquefois, dans ces tas de garçons, il y a
des petites filles, – sont-ce leurs soeurs ? – presque je unes filles, maigres, fiévreuses, gantées de hâle,
marquées de taches de rousseur, coiffées d’épis de seigle et de coquelicots, gaies, hagardes, pieds nus.
On en voit qui mangent des cerises dans les blés. Le soir on les entend rire. Ces groupes, chaudemen t
éclairés de la pleine lumière de midi ou entrevus dans le crépuscule, occupent longtemps le songeur,
et ces visions se mêlent à son rêve. Paris, centre, la banlieue, circonférence ; voilà pour ces enfants
toute la terre »156. Les impressions charmantes et « poignantes » se confondent. Et voici l'antithèse
charmante des deux fillettes des Thénardier se balançant sur la chaîne d'un énorme avant -train de
fardier : « Cet avant -train se composait d'un massif essieu de fer à pivot où s'emboîtait un lourd timon,
et que supportaient deux roues démesurées. Tout cet ensemble était trapu, écrasant et difforme sur tout
cela une couche de vase, hideux le bois disparaissant sous la boue et le fer sous la rouille. Sous l'essieu
pendait en draperie une grosse chaîne digne de Goliath forçat elle avait un air de bagne, cyclopéen et
surhumain » 157. Tout cet instrument a un air mystérieux, gigantesque et sinistre. Et cela sert de
balançoire à deux petites filles, « dans un entrelacement exquis qui rayonnent , on eût dit deux r oses
dans la ferraille ; leurs yeux étaient un triomphe ; leurs fraîches joues riaient. Leurs naïfs visages

155 Victor Hugo, op.cit , III, I, V, p.13.
156 Ibidem , p.14.
157 Ibidem , I, IV, I, p.174.

74
étaient deux étonnements naïfs celle de dix -huit mois montrait son gentil ventre nu avec cette chaste
indécence de la petitesse »158.
Du simple poin t de vue artistique, aussi bien que du point de vue moral et social, le roman des
Misérables doit beaucoup à l'enfant. Il lui doit des peintures ravissantes de la joie ingénue des enfants,
telles par exemple la vision de Fantine, arrivant à l'auberge des T hénardier, le spectacle des enfants
pauvres dans la banlieue de Paris, il lui doit surtout les plus saisissantes déscriptions de la misère
enfantine.
De cette misère, nous sommes tous responsables, voilà ce que veut nous suggérer l'auteur en
nous raconta nt les durs reproches que Marius vient à se faire après la visite terrible de sa voisine,
Éponine. Certes, il lui a donné l'aumône, mais distraitement, sans s'occuper davantage de son état
lamentable. Tout à ses rêves d'amoureux, il a négligé cette misère dont il n'avait été séparé que par une
mince cloison. Et cependant, « des créatures humaines, ses frères en Jésus – Christ, ses frères dans le
peuple, agonisaient à côte de lui! agonisaient inutilement! »159. Il aurait dû remarquer leur misère, être
actif, agissant, charitable. Il n'a rien fait ou presque rien, car donner l'aumône, ce n'est pas diminuer la
misère, ce n'est que procurer aux pauvres un moment de répit, quelquefois même, c'est un
aggravement de leur abaissement par l'encouragement de la paresse .
Durs reproches, de la part de Hugo et cependant bien mérités et que la plupart des hommes,
peuvent rapporter à eux -mêmes. De nos jours aussi on assisste à cette habitude de faire des actes
superficiels auprès des malheureux. C’est un problème si actue l!
De l’éducation, avant tout, M. Bienvenu se fait surtout le porte -parole de Hugo en ce qui
concerne l'enseignement gratuit. Il disait: « À ceux qui ignorent, enseignez -leur le plus de choses que
vous pourrez ; la société est coupable de ne pas donner l' enseignement gratis ; elle répondra de la nuit
qu'elle produit. Cette âme est pleine d'ombre, le péché s'y commet . Le coupable n'est pas celui qui y
fait le péché, mais celui qui y a fait l'ombre » 160. Pour lui , l’avenir est à l’enfant sain et éduqué.
Il faut aussi rappeler la figure de Gavroche qui reste capitale dans la mémoire des lecteurs. Le
titi parisien réunit en sa petite personne les traits de plusieurs enfants de Paris ; il est le gamin
légendaire, le type universel et impérissable du gamin. Le trait dominant dans cette figure fantasque,
et qui lui communique une physionomie inoubliable, c'est l'insouciance dans la misère, cette
imperturbable gaîté de l'enfant dans le malheur, qui est fait de la précoce habitude de la souffrance,

158 Ibidem , p.174.
159 Ibidem , III, VIII, IV, p.190.
160 Ibidem, I, I, IV, p.21.

75
d'ignorance, du manque de souvenirs, du mystère de l'avenir, de la soif d'imprévu, d'optimisme frais,
de confiance et d'imagination. En même temps il est le symbole de ce qu'il y a d'éternellement
enfantin dans le peuple de Paris, gai et insouciant et innocent comme lui, raffolant de spectacles et de
changements et qui, comme lui, garde son sourire hardi, place ses bons mots, aime casser les vitres «
pour le plaisir » , demeure l'éternelle victime de la société mal faite : « Tandis que dans toute autre
grande ville un enf ant vagabond est un homme perdu, tandis que, presque partout, l’enfant livré à lui –
même est en quelque sorte dévoué et abandonné à une sorte d’immersion fatale dans les vices publics
qui dévore en lui l’honnêteté et la conscience, le gamin de Paris, insist ons-y, si fruste, et si entamé à la
surface, est intérieurement à peu près intact »161. Ce contraste entre la condition materielle misère et
l’innocence de l’ âme est une constante dans le roman de Hugo. Il a usé de toute sa sensibilité, des
forces secrètes qui étaient destinées à donner, un jour, l'immortalité littéraire à ces pathétiques figures
d'enfants.
Ainsi, dans cet énorme tableau, parmi cette foule grouillante de misérables, l'attention du
spectateur est irrésistiblement attirée sur ces petits êtres qui arrachent un sourire ou une larme.
Accoupris dans les obscurs recoins de l'édifice social, ou rayonnants dans la lumière du bonheur,
victimes ou anges, subissant le mal ou le vainquant, ils constituent l'élément le plus évident d'unité,
dans ce clair -obscur rembranesque de la gigantesque toile162 .
L’humanisme de Victor Hugo est omniprésent dans l’ensemble de son œuvre romanesque.
Dans ce roman d’une beauté universelle, baroque, époustouflante, les personnages, véritables
archétypes de la misère humaine, y vivent des situations différentes. Mais le message est partout le
même : si on éprouve de la compassion pour un être malheureux, ce dernier a plus de possibilité
d’échapper à sa condition. Victor Hugo construit son roman autour de destins individuels t ous
représentatifs de la souffrance d’un peuple toujours rural, mais sollicité par les premiers effets de la
modernité163 .
Les Misérables est donc probablement le roman qui traduit au mieux les idéaux, les
crispations et les contradictions de la société fr ançaise. En décrivant dans Les Misérables comment les
coercitions sociales et morales peuvent entraîner sans fin hommes, enfants et femmes à leur déchéance
morale, si aucune solution de réédification n’est trouvée, Victor Hugo place surtout un immense
espoir en la générosité humaine, témoignée surtout par les êtres infortunés. Le génie de Victor Hugo a

161 Ibidem , III, I,VI, p.15.
162 Paul Berret, Victor Hugo , apud J.P.Chr.De Boer, op.cit ., p.218.
163 www.blogg.org 14 , consulté le 23 janvier 2016 .

76
surpris la figure de l’enfant d’une manière remarquable par le contraste entre la condition misère,
matérielle de l’enfant et la beauté et l’innocence de so n âme. La dualité si présente dans la trame du
roman n’est qu’un reflet de l’âme humaine qui oscille toujours entre le bien et le mal. Cet enfant
sauveur a la grande hardiesse, fait le sacrifice suprême pour une cause noble, l’amour ou bien
l’avenir meil leur.

77
Chapitre III

3.1. L’exploitation du texte littéraire dans la classe de FLE (français langue étrangère )
Pourquoi enseigner la littérature ? La place du texte littéraire dans la classe de FLE tient de
l’actualité ou non ?
Voilà de s questions auxquelles les spécialistes en matière de didactique du français langue
étrangère ont répondu d’une manière ferme, en expliquant « les pouvoirs de la littérature » dans le
cours de langue.
Longtemps reléguée à la fin des études de FLE qu’elle venait en quelque sorte couronner, la
littérature n’a pas toujours fait bon ménage avec la didactique du français langue étrangère : la priorité
absolue accordée à l’oral par les premières méthodes SGAV, la préférence attribuée à des situations
d’écrit pr oches des besoins de la communication immédiate, le souci de développer des compétences
fonctionnelles, voire professionnelles, en langue étrangère, expliquent que les textes littéraires aient
été délaissées au profit des documents dits authentiques, à l’é criture moins marquée. Les oeuvres
d’écrivains ont cédé le pas aux productions d’ écrivants 164. En tant que moyen de communication avec
le public, la littérature est concurrencée par les moyens audio -visuels, par les séductions de la
civilisation technique. De nos jours, les jeunes élèves lisent moins et l’effet de la littérature sur la
formation individuelle est moins important. Le jeune lecteur est sollicité de partout, il préfère de
regarder les images que de faire l’effort de découvrir une idée fondamenta le dans les lignes d’un livre.
Malgré les pressions techniques, il faut continuer à enseigner la littérature. Le professeur de français a
le grand rôle d’établir l’interaction intéressante entre la didactique, la technologie et la linguistique 165.
La classe de FLE est un espace de complexité. Le rôle du professeur de français déborde
l’action linguistique. L’objectif primordial de la classe de FLE est d’acquérir la langue cible pour
apprendre à communiquer. La littérature est une forme de communication et un e matière de
connaissance. Or, la littérature n’est seulement un instrument de communication que dans la mesure
où elle est produite par des hommes qui vivent la réalité d’une situation. La littérature est un support
privilégié de la formation humaniste pu isqu’elle ouvre sur toutes les dimensions de l’humain (histoire,
culture, imaginaire, etc.) De cette façon, la littérature permet de développer et d’enrichir la

164 Roland Barthes apud Christine Tagliante, Techniques de Classe – La classe de langue -, Cle International, Paris, 1994,
p.143.
165 Traian Nica, Cătălin Ilie, Tradition et modernité dans la didactique du français, langue étrangère, Édition Celina,
Craiova, 1995, p.38.

78
personnalité des lecteurs. La nécessité de la transmission littéraire comme lieu de mémoire et de
langue réside dans le fait que c’est aussi un lieu de savoir culturel et d’émotion.
Le texte littéraire est considéré comme une expression, un regard fragmentaire porté sur un
modèle culturel. Puisqu’apprendre une langue étrangère ce n’est pas seulemen t étudier la langue, il
faut établir un parallèle entre la découverte d’une culture et l’apprentissage d’une langue. En somme,
mettre en évidence cette culture partagée. L’apprentissage de la langue étrangère implique donc la
découverte de nouvelles pratiq ues culturelles et de nouvelles valeurs 166.
Il faut encourager à l’utilisation de la littérature pour l’enseignement du français. « Les textes
littéraires font qu’une langue soit vivante » 167 . Il est bon d’introduire les textes littéraires dans la
classe le plus tôt possible et d’y maintenir leur présence tout au long de la période d’apprentissage.
C’est pourquoi, le professeur devra tenir compte des différents niveaux linguistiques et de
l’hétérogénéité de ses apprenants pour décider le corpus littéraire. Cependant, celui -ci ne dépendra pas
tant du niveau des apprenants mais des activités que l’on prévoira autour des textes. L’utilisation des
textes littéraires est un avantage pour l’apprenant étranger par rapport à la langue orale puisqu’il s’agit
d’écrit authentique et permanent et aussi parce qu’il peut être réutilisé même après le cours de langue
étrangère. Le professeur a un double objet d’enseignement: la langue et la littérature.
Ainsi, dans le cours de langue étrangère, le professeur transmet non seulement des modèles
langagiers mais aussi culturels. Le texte littéraire est celui qui provoque diverses interprétations,
diverses critiques, différentes « lectures » . En étudiant le texte littéraire, on a l’occasion de diriger les
préférences des élève s vers des arts sans place dans le plan d’enseignement ( musique, peinture,
cinéma, théâtre, etc. ) qui ont une grande force d’attraction et une influence sensibilatrice sur eux. Le
texte littéraire reste au centre de l’attention sans constituer une pièce de musée. On cultive de cette
manière l’intelligence, l’observation, la comparaison, le jugement de valeur, la hiérarchisation.
Les élèves comprennent mieux la richesse des idées et des sentiments d’une poèsie s’ils
s’appuient sur l’art de la déclamation ( on écoute la poèsie enregistrée ). En regardant le film sur
l’histoire de Jean Valjean et des enfants infortunés, les apprenants connaîtront mieux le personnage du
fragment Gavroche, le gamin de Paris. En appellant aux bandes dessinées, aux contes, aux lé gendes
qui portent sur le contexte des textes littéraires, les élèves seront attirés davantage à apprendre mieux

166 Gerflint.fr/Base/Chine 4/cervere. pdf., consulté le 5 mai 2016.
167 Verrier, J., 1994. « De l’enseignement de la littéra ture à l’enseignement de la lecture » apud Gerflint.fr/Base/Chine
4/cervere. pdf., consulté le 5.05.2016.

79
sur l’auteur et sur son oeuvre. « On doit consommer l’aventure de lire , grâce à des lectures
intelligentes et émotives » 168.
De là découle qu’i l est très important que l’élève de langue étrangère soit initié au même
temps à la culture de la langue cible. Les textes littéraires ne sont pas proposés aux apprenants pour
leur transmettre un savoir mais comme une série d’activités pédagogiques axées s ur les différentes
catégories de savoir mises en œuvre. Ces activités pédagogiques sont totalement extérieures au texte
lui-même et n’ont pour objectif premier que l’apprentissage de la langue. La didactique de la langue et
de la littérature se configure c omme une espace d’interrelation culturelle et linguistique. Cette
interrelation entre langue et littérature est nécessaire pour que l’apprenant se rende compte de la
manière dont la beauté littéraire est soutenue et nourrie par la langue.
La motivation et les besoins des apprenants d’une langue étrangère sont deux clés pour
commencer à réfléchir sur la pédagogie et la didactique du phénomène littéraire dans le FLE. Le
contact entre le « sujet» qui apprend et la littérature doivent se faire par rapport à l’ évolution des
aptitudes de l’apprenant. L’introduction au texte littéraire doit se faire par le biais d’une progression
croissante en rapport avec les « victoires » remportées sur les difficultés rencontrées lors du processus
d’apprentissage. De là provien t que la démarche pédagogique employée doit être en relation avec les
besoins directs des élèves. « Le but de la pédagogie, c’est de faire en sorte que l’élève éprouve lui –
même le texte avant d’en parler […] C’est une pédagogie de la découverte, du choc, d e la surprise »169
.
Si on axe l’étude du texte littéraire vers une approche interdisciplinaire (connexion avec le
contenu d’autres matières), ceci fera accroître le sens critique en promouvant le désir d’investigation
et d’invention chez l’apprenant. Dans la même perspective, l’enseignant doit transmettre la passion
pour la littérature. Il a le rôle d’animateur. Il doit guider suffisamment et il doit être efficace dans la
transmission des connaissances préalables pour que les apprenants trouvent un sens à c et
apprentissage.
Le professeur de langue étrangère lorsqu’il se sert du fait littéraire pour la transmission d’un
enseignement il doit faire aimer et faire vivre la littérature. Il faut aimer et vivre la littérature puisqu’il
ne s’agit pas seulement d’ un domaine de connaissance mais de vie. L’éducation littéraire inclut de
différentes dimensions : éthique, esthétique, culturelle et linguistique. En ce qui concerne l’éthique, la

168 Gerflint.fr/Base/Chine 4/cervere. pdf., consulté le 5 mai 2016.
169 Benamou Michel, Pour une nouvelle pédagogie du texte littéraire apud Gerflint.fr/Ba se/Chine 4/cervere. pdf., consulté
le 5 mai 2016.

80
littérature projette les valeurs d’une société et sa réflexion peut développ er l’esprit critique chez
l’apprenant. Quant à l’esthétique, la littérature contribue à former la sensibilité artistique des
personnes. La littérature représente aussi une dimension humaine et culturelle sans oublier l’aspect
linguistique car la littératur e développe les compétences linguistiques et communicatives chez
l’homme.
Une œuvre littéraire témoigne d’une époque et d’une subjectivité. L’homme se construit entre
l’expérience sociale et l’expérience affective, phénomènes qui imprègnent son écriture. L a lecture de
cette expérience permet de retrouver cette dialectique. Le dialogue instauré entre texte et lecteur est
l’endroit où naît l’œuvre littéraire. Ainsi, lire la littérature signifie dégager une vérité du passé, du
présent et du futur mais aussi dé gager une vérité de l’autre. La lecture nous confronte à différents
modèles de réalité. La littérature en classe de FLE est un outil d’ouverture culturelle qui permet à
l’apprenant de vivre l’expérience de l’altérité et de découvrir d’autres pratiques cult urelles.
C’est bien vers la découverte que nous devons guider nos apprenants. Montrer les différents
regards que chaque communauté porte sur l’autre. Des regards diversifiés qui peuvent être totalement
opposés. Dans cette relation interculturelle, nous po uvons proposer des textes parallèles où on pourrait
fournir un jeux de ressemblances et de différences à partir duquel on découvrirait diverses pratiques et
valeurs culturelles. C’est un « apprentissage de la lucidité et de l’esprit critique e t une initiat ion à
l’ouverture et à la tolérance »170 . Connaître une langue, ce n’est pas seulement connaître la langue du
pays. C’est aussi tenter une approche géographique, historique et culturelle de tous les pays où la
langue étrangère est parlée. Les livres nous tr ansportent dans ces autres cultures, dans ces autres pays.
La lecture s’apparente alors à un voyage immobile. Elle suggère d’autres lectures, comme les voyages
nous incitent à d’autres voyages, où l’on découvre des nouvelles habitudes, logiques, façons de faire
et de penser.
En guise de conclusion, il faut motiver les élèves à découvrir et à aimer les textes littéraires.
Grâce au texte littéraire on peut exploiter au maximum la langue puisque son fonctionnement offre
une exploitation ludique, imaginaire m ais aussi réelle. En somme, le texte littéraire est un modèle de
la langue. Les apprenants prennent conscience que derrière l’objet de papier qu’est le livre il y a une
personne en chair et os, comme eux. Ils pourront ainsi désacraliser l’objet littéraire et n’envisageront
plus la littérature comme un exercice académique. Comme le soulignaient Quintilien et Cicéron, « il

170 Anaya. Duffays, J. -L., Gemenne, L. et al., 1996. Pour une lecture littéraire. Approches historique et théorique.
Propositions pour la classe de français apud Gerflint.fr/Base/Chine 4/cervere. pdf., consult é le 5 mai 2016.

81
faut veiller à ce que l’intérêt ne décroisse pas »171 . C’est pourquoi on peut proposer diverses activités
pour que l’élève se sente, en que lque sorte, attiré par tout ce qui entoure le phénomène littéraire. Il
faut enseigner non les œuvres qui nous plaisent, à nous professeurs, mais les œuvres qui plaisent les
apprenants. Le professeur de français est l’ambassadeur d’une langue, d’une culture et de toute une
Histoire. De là provient qu’il puisse envisager le texte littéraire comme un instrument qui sert à faire
des exercices langagiers, d’objet esthétique ou d’instrument culturel. Soit la première option, la
deuxième ou la troisième, toutes so nt valables pour l’apprentissage de la langue cible. Et à la question
: « quand peut -on, et doit -on, lancer les apprenants dans les textes littéraires ? Nous allons répondre
que le plus tôt est le mieux en choisissant des textes à leur portée. Avec un peu de patience, on peut
trouver des textes accessibles aux débutants » 172 .
Le rôle du fait littéraire dans l’enseignement des langues est incontestable: sans lui,
l’apprentissage d’une langue n’aurait pas de raison d’être car la littérature se sert des mots tout comme
la musique et la peinture se servent des sons et des couleurs.
« En tout état de cause, l’enseignement de la littérature est affaire d’amour avant d’être affaire
de connaissance » 173 .
3.2 Unité didactique : Gavroche, le gamin de Paris
Contenu s :
Compétences culturelles : activité de réception de texte, portrait ;
Compétences sémantico -lexicales : synonymie, champ lexical et explications par périphrase ;
Compétences linguistiques : l’imparfait, les adverbes intérogatifs, l’adjecti f qualificatif ;
Compétences pragmatico -discursives : conversation, comparaison ;
Compétences communicatives : exprimer ses sentiments, décrire;
Niveau CECR : A2
Temps : 6 heures

171 Gerflint.fr/Base/Chine 4/cervere. pdf., consulté le 5 mai 2016.
172 Gerflint.fr/Base/Chine 4/cervere. pdf., consulté le 5 mai 2016.
173 Séoud, A., Pour une didactique de la littératur e, Paris : Hatier/Didier, « Coll. LAL »,1997 apud Gerflint.f r/Base/Chine
4/cervere. pdf., consulté le 5 mai 2016.

82
«… on remarquait sur le boulevard du Temple et dans
les régions du Châte au-d’Eau un petit garçon de onze à
douze ans qui, avec le rire de son âge sur les lèvres, avait le
coeur absolument sombre et vide. Cet enfant était bien
affublé d’un pantalon d’homme, mais il ne le tenait pas de
son père, et d’une camisole de femme, mais il ne la tenait
pas de sa mère. Des gens quelconques l’avaient habillé de
chiffons par charité. Pourtant il avait un père et une mère.
Mais son père ne songeait pas à lui et sa mère ne l’aimait
point. C’était un de ces enfants dignes de pitié entre tous
qui ont père et mère et qui sont orphelins. Cet enfant ne se
sentait jamais si bien que dans la rue. Le pavé lui était
moins dur que le coeur de sa mère. Ses parents l’avaient
jeté dans la vie d’un coup de pied. Il avai t tout bonnement
pris sa volée…C’éta it un garçon bruyant, blême, leste, éveillé, goguenard, à l’air vivace et maladif. Il
allait, venait, chantait, jouait à la fayousse, grattait les ruisseaux, volait un peu, mais comme les chats
et les passereaux, gaîment, riait quand on l’appelait galopin, se fâchait quand on l’appelait voyou. Il
n’avait pas de gîte, pas de pain, pas de feu, pas d’amour ; mais il était joyeux parce qu’il était libre….
Il arrivait dans sa famille et il y trouvait la pauvreté, la détresse, et, ce qui est plus triste, aucun sourire
; le froid dans l’âtre et le froid dans les coeurs. Quand il entrait, on lui demandait : – D’où viens -tu ? Il
répondait : – De la rue. Quand il s’en allait, on lui demandait : – Où vas -tu ? il répondait : – Dans la
rue. Sa mère lui disait : – Qu’est -ce que tu viens faire ici ?
Cet enfant vivait dans cette absence d’affection comme ces herbes pâles qui viennent dans les
caves. Il ne souffrait pas d’être ainsi et n’en voulait à personne. Il ne savait pas au juste comment
devaient être un père et une mère. Du res te sa mère aimait ses sœ urs.
Nous avons oublié de dire que sur le boulevard du Temple on nommait cet enfant le petit
Gavroche. Pourquoi s’appelait -il Gavroche ? Probablement parce que son père s’appelait Jondrette.
Casser le fil semble être l ’instinct de certaines familles misérables » .
(Victor Hugo, Les Misérables ,Troisième partie, Livre premier, Chapitre XIII, p.35 -36 ) .

Source: www.gildas -stephant.com

83
 Camisole : une sorte de chemise de dame.
 Leste : qui a de la souplesse, de la légèreté dans les mouvements.
 Goguenard : qui a l’air de se moquer d’autrui.
 Jouer à la fayousse : Jeu d’enfants, de gamins de rue surtout, qui consiste à introduire d’un
seul coup autant de pièces que l’on peut dans un trou creusé en terre et appelé pot.
 Galopin : gamin des rues, enfant espiè gle.
 Voyou : individu de moeurs et de moralité condamnables.
 Gîte : lieu où l’on trouve à se loger.

Précis sur l’auteur Victor Hugo
Victor Hugo (1802 -1885 ) a vécu pleinement en réalisant une oeuvre vaste et très variée ( poèsies,
théâtre, romans, peintur es, sculpture sur bois, etc. ). Sa personnalité domine tout le XIX -ème siècle.
D’une prodigieuse puissance créatrice, d’une imagination luxuriante, pénétré de sa valeur et de
son rôle, Victor Hugo est, avant tout, un poète, mais il réussit da ns tous les g enres littéraires ( théâtre
: Hernani, Ruy Blas , recueils de poèsies : Les Orientales, Les feuilles d’automne, Les Contemplations ,
roman : Notre -Dame de Paris, Les Misérables ) . Le chef incontesté du romantisme, il doit sa gloire
aux thèmes traités : pat riotisme, amour paternel, amour de la justice, désir de liberté, défense des
malheureux, grandeur des humbles, foi dans l’avenir et dans la justice.
Le fragment proposé fait partie du roman Les Misérables qui est le roman des déshérités de la
vie, des inf ortunés de la société. Dans cette œuvre colossale (5 tomes), publiée en 1862, le romancier
prend la défense des opprimés, le parti des gens du peuple qui souffrent des mauvaises conditions de
vie, notamment à Paris. Il prend la plume pour dénoncer ces inj ustices et pour peindre la misère dont
il a été témoin. Dès sa parution, ce roman fait l'objet d'une vive admiration. Il devient vite un mythe
grâce à des images populaires d'abord, puis grâce aux nombreux films et comédies musicales qui l'ont
adapté .
Cette œuvre est non seulement un roman d'aventures, un roman d'amour, policier et historique, mais
aussi une épopée sociale. Les Misérables n'est pas un roman pessimiste : il raconte l'évolution morale
de Jean Valjean, victime de la société, qui s'élève progr essivement vers la bonté et la sainteté.
Victor Hugo est un écrivain mais aussi un homme politique qui proteste c ontre le travail des
enfants, il réclame l' éducation pour tous. Il triomphe en 1862 lors de la considération de son action

84
socio -politique sur le sort des enfants en organisant des activités pour récolter des fonds pour les
pauvres et lors de la publication de son œuvre Les Misérables . Tout au long du roman, i l a su faire
ressortir les différents aspects que pouvait avoir l’enfance au XIXè me siè cle, à travers Gavroche,
Éponine, Azelma et su rtout Cosette. Son influence a été grande.

Activités ( réception de texte ) :

Activité 1. Observez le texte et cherchez les informations données sur l’auteur, le titre du livre,
le genre de texte, le personna ge.

Activité 2. Écoutez le texte enregistré et repérez le thème, de quoi traite le fragment?

Activité 3 . Lisez le texte et dites s’il décrit : a. des personnes. b. un lieu. c. des activités.

Activité 4. De quoi parle le fragment de texte ? Quel est le t hème ?
Activité 5 . Vrai ou faux ?
a. Le gamin était habillé d’un pantalon et d’une pèlerine.
b. Il se sentait mieux au sein de la famille que dans la rue.
c. La mère de Gavroche aimait le plus ses filles.
d. Le garçon était triste parce qu’il était libre.
e. La famille d u gamin n’était pas de bonne condition, riche et connue.
Activité 6. Reliez les phrases deux p ar deux :
 Un petit garçon se promenait car ses parents ne l’aimaient pas.
 Il était orphelin parce qu’il ét ait libre.
 Le gamin aimait la liberté sur le boulevard du Temple dans les
régions du Château -d’Eau
 Le garçon était joyeux il ne se sentait bien que dans la rue.
Activité 7 . Complétez par des mots tirés du texte :
« C’était u n de ces enfants dignes de……… entre tous qui ont pè re et mère et qui sont
……………. . Cet enfant ne se sentai t jamais si bien que dans …………. . Le pavé lui était moins dur que
…………… de sa mère. Ses parents l’avaient j eté dans la vie d’un coup de pied.

85
Il avai t tout bonnement pris sa volée…C’était un garçon ……………. , blême, leste, éveillé,
gogu enard, à l’air vivace et…………….. . Il allait, venait, chantait, jouait à la fayousse, grattait
…………… …., volait un peu, mais comme les chats et les passereaux, gaîment, r iait quand on l’appelait
…………… , se f âchait quand on l’appelait………… . Il n’avait pas de gîte, pas de pain, pas de feu, pa s
d’amour ; mais il était…………….. parce qu’il était libre ».

Exercices lexicaux

Exercice 1. Reliez chaque mot à sa définition :
1. Le pavé a. Voie bordée, au moins en partie, de maisons, dans une ville.
2. Le gîte b. Partie de la cheminée où l’on fait le feu.
3. La rue c. Rue très large.
4. Le boulevard d. Ensemble des blocs de pierrre, de bois qui forment le revêtement du
sol
5. L’âtre e. Lieu où l’on peut coucher, abri.

Exercice 2. Barrez l’intrus dans chaque série :
 camisole, veste , chiffons, pantalon ;
 père, sœur, mère, jeune ;
 leste, méchant, goguenard , joyeux ;
 la misère, la pauvreté, l’amour, la détresse ;
 froid, dur, sombre, libre.
 absolûment,bonnement, comment, gaîment.

Exercice 3. Regroupez les synonymes deux par deux . Re liez :

 blême pavé
 leste garçon
 gamin charité
 rue vivace
 pitié pâle

86
Exercice 4 . Trouvez les contraires des mots suivants et introduisez -les dans des phrases:
 triste absence
 froid pâle
 petit misérable

Exercice 5 . Donnez le sens des expressions du mot « coeur » :
Avoir mal au coeur
Soulever le coeur de quelqu’un
De tout son coeur
Briser le coeur de quelqu’un
À coeur ouvert
Avoir le froid dans le coeur
Par coeur
Ouvrir son coeur

Exerc ice 6 . Formulez des énoncés avec cinq des expressions de l’exercice antérieur.

Exercice 7. Décrouvez le sens des expressions suivantes en les associant à leur signification :
1. avoir du pain sur la planche. a. traverser une période difficile.
2. gagner sa croûte/ son pain quotidien. b. se vendre pas cher.
3. valoir une bouchée de pain. c. avoir un grand succès.
4. se vendre comme des petits pains. d. avoir beau coup de travail.
5. manger son pain noir. e. travailler pour vivre.

 Rappel / Le champ lexical
Le champ sémantique ou lexical = un ensemble de mots qui renvoient au même
domaine.
Modèle : Le Bulletin
Le bulletin, la note, l e résultat, la moyenne, la conduite, bien, assez bien.

87
Exercice 8. Trouvez dans le texte les mots et les expressions se rapportant au champ lexical
de la pauvreté et de la misère.

Exercice 9. Expliquez les syntagmes :
 Casser le fil
 Avoir le froid d ans le coeur
 Prendre la volée.

Rappel gramatical

 L’imparfait exprime une action en cours de déroulement dans le passé : ex. Je crois qu’il
dormait .
 La formation de l’imparfait : Radical de l’indicatif présent ( la première personne du pluriel )
+ les teminaisons de l’imparfait : -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient.
Parler→ nous parlons→ je parl ais, tu parlais, il/elle/on parl ait, nous parl ions,
vous parl iez, ils/elles parl aient .
‼ Tous les verbes respectent cette règle, exception le verbe ÊTRE :→ j’étais, tu
étais, il/elle/on était, nous étions, vous étiez, ils/elles étaient.
 L’emploi de l’imparfait
On utilise l’imparfait pour :
 parler d’habitudes dans le passé ( Tous les jours, le gamin jouait dans la rue. )
 décrire, donner des précisions sur le d écor ou les circonstances d’un événement ( Il
y avait plein de commerçants au marché.C’ était un grand vacarme ! )
Exercice 1. Après avoir lu le texte, trouvez les verbes à l’imparfait et écrivez -les. Quel effet
produit leur énumération ?
Exercice 2. Complé tez avec les terminaisons de l’imparfait.
Tu jou…………………….sur le pavé.
Nous n’av…………….pas de famille.
Gavroche ét………orphelin et il n’en voul……..à personne.
Il répond…….à tout passant avec une sincère vivacité.
Ils viv……………..dans des conditions misères.
Vous ne souffr………….pas la méchanceté des gens.

88
Exercice 3 . Combinez les mots pour former des phrases. Reliez.
 Je/Tu allions à la maison.
 Il/Elle/On venaient comme un passereau.
 Nous chantais sur le boulevard.
 Vous trouvait la camisole de la mère.
 Ils/Elles arriviez tard dans la nuit.
Exercice 4 . Donnez l’infinitif des verbes à l’imparfait.
 On re marquait un enfant triste. →
 Je répondais à la demnade. →
 Vous demandiez le nom du garçon. →
 Tu voulais un morceau de pain. →
 Nous savions sa famille. →
 Elles nommaient leurs poupées. →
Exercice 5 . Trouvez la forme correcte de l’imparfait et entourez -la.
 J’avait/avais très faim.
 Nous songeons/songions à son malheur.
 Gavroche étais/était joyeux.
 Les gens appellait/appellaient les lieux.
Exercice 6. Mettez au présent les verbes qui sont à l’imparfait.
 Vouliez -vous vous promener en ville?
………………… ……………………………………………..
 J’allais à toute vitesse et je finissais la randonnée.
…………………………………………………………………
 Il avait douze ans, il jouait et il était libre.
…………………. ………………………………………………
Exercice 7. Racontez une journée ordinaire de Gavroche.
Exemple : Il se réveillait à sept heures…….

89
se réveiller à sept heures – aller dans la rue – jouer des jeux -voler un peu -parler aux gens –
faire des plaisanteries -être joyeux et libre.

Les adverbes interrogatifs ( Où…? Comment…? Combien…? Pourquoi…? )
Exercice 1. Reconstituez les questions :
Comment joue -t-il ?
Combien est sa vie ?
Où de frères a -t-il ?
Quand il est triste ?
Pourquoi vient -il à la maison ?

Exercice 2. Complétez par les adeverbes interrogatifs convenables :
………es -tu joyeux ?
……….t’appelles -tu ?
……….de membres a la famille de Gavroche ?
………..part -il dans la rue ?
………..aime -t-il jouer tous les jours ?

Exercice 3. Où et ou ? Faites la différence. Mettez l’accent, si nécessaire.
D’ou vient Gavroche ?/ Il est orphelin ou non ?/ Elle est ou, sa famille ?
Le gamin préfère la maison ou la rue ?/ Ou vivent les amis de Gavroche ?

Exercice 4. Retrouvez les bonnes questions.
…………………………………………………………….
Je m’appelle Gavroche.

90
……………………………………………………………..
J’ai onze ans.
………………………………………………………………
J’aime vivre et jouer dans la rue.
………………………………………………. ………………
Parce que je suis libre.

L’adjectif qualificatif (rappel )
 Le féminin → Règle générale : masculin + e / Un pantalon vert. Une blouse vert e.
Formes identiques (masculin et féminin ) : calme, triste, capable, rouge, jaune, etc.
Formes d ifférentes : premier/ première ; inquiet/ inquiète ; cruel/cruelle ; bon/bonne ;
heureux/euse ; blanc/ blanche, etc.
Place de l’adjectif :
Avant le nom : les adjectifs courts et courants ( petit, grand, joli, bon, beau, etc.)/un
petit garçon.
Après le no m : les adjectifs de nationalité, de couleur, de forme, de religion, les
adjectifs dérivés d’un nom / le peuple français , la chemise blanche , un visage rond.

Exercice 1. Repérez les adjectifs qualificatifs qui décrivent Gavroche.

Exercice 2. Barrez parmi les adjectifs suivants celui qui ne convient pas pour décrire
Gavroche :
gai, heureux, libre,moqueur, joueur, malin, méchant, bruyant, menteur, voleur, adroit,
agile, courageux.

91
Exercice 3. Mettez ces adjectifs :
au féminin : au masculin :
grand…………………. heureuse…………………………
leste………………….. méchante………….. …………….
voyou………………. joyeuse……………………………..
vivace…………………. orpheline…………………………..
libre…… ……………….. misérable………………………..

Exercice 4. Mots croisés :
À l’aide des adjectifs qualificatifs , vous allez découvrir, sur la verticale, le nom du
gamin de Paris.

1. Synonyme de leste , souple.
2. Personne qui parle beaucoup.
3. Individu de moralité condamnable.
4. Échappé du prison.
5. Synonyme de ironique.
6. Personne hardie.
7. Sans famille.
8. Un homme au visage pâle.
Exercice 5. Cherchez sur l’internet des images avec Gavroche et commentez -les en c lasse
avec les copains.

1

2

3

4

5

6

7

8

92

Communicatif
Activité 1. Regardez l’image et dites ce que vous voyez.

Source: http://elfdust.deviantart.com/art/

Activité 2. Répondez aux questions ?
a. Comment est habillé Gavroche ?
b. Quelles sont ses préoccup ations, ses passe – temps ?
c. Comment se portait sa famille avec lui ?
d. Où on trouve Gavroche ? Où est sa maison ?
e. Il était content de sa vie ? Il souffrait à cause de sa famille ?

Activité 3. Jeu de rôle s
Vous êtes journaliste, vous rencontrez Gavroch e et vous vous liez d’amitié avec
lui. Entamez un petit dialogue pour l’interroger sur sa vie. Jouez la scène à deux.

Activité 4 . Quels sont les sentiments que vous resentez, après avoir fait le portrait physique et
morale du gamin parisien ? De nos jour s, on rencontre dans la rue des enfants comme
Gavroche ?
Débât : Quelle est la condition des enfans à l’époque des Misérables ?

Écriture créative : Donnez une suite (quelques lignes ) au fragment proposé.

Découvrez Paris avec Les Misérables : Cliquez s ur le net et cherchez le boulevard du Temple
et les régions du Château -d’Eau , les lieux parisiens par où passait Gavroche.

93

Activité 1 . Observez la carte ci -dessous et les deux images du boulevard du Temple et dites
quels sont les changements de l’ archi tecture urbaine.

Source: http://paris1900.lartnouveau.com/paris10/rues/bd_du_temple.htm
http://www.lunarlog.com/colorized -boulevard -du-temple -daguerre/
https://www.google.ro/maps

94
Corrigés
Activités de réception de texte :
Activité 2 : Le fragment décrit Gavroche, sa famille et ses loisirs.
Activité 3 : a., c.
Activité 5 : a. Faux/ b. Faux/ c.Vrai/ d.Faux/ e.Vrai.
Activité 6 : Un petit garçon se promenait sur le boulevard du Temple dans les régions du
Château d’eau ./ Il était orphelin car ses parents ne l’aimaient pas./ Le gamin aimait la liberté, il ne se
sentait bien que dans la rue./ Le garçon était joyeux parce qu’il était libre.
Activité 7 : pitié, orphelins, la rue, le coeur, bruyant, maladif, les ruisseaux, galopi n, voyou,
joyeux.
Exercices lexicaux :
Exercice 1 : 1 -d/ 2-e/ 3-a/ 4-c/ 5-b.
Exercice 2 : veste/ jeune/ méchant/ l’amour/ libre/ comment.
Exercice 3 : blême = pâle/ leste = vivace/ gamin = garçon/ rue = pavé/ pitié = charité.
Exercice 4 : triste ǂ heureux ; froid ǂ chaud ; petit ǂ grand ; abscence ǂ présence ; pâle ǂ coloré,
rouge ; misérable ǂ riche, admirable.
Exercice 5 : Avoir mal au coeur = avoir des nausées ; Soulever le coeur de quelqu’un =
dégoûter quelqu’un ; De tout son coeur = de toutes ses forces ; Briser le coeur de quelqu’un = causer
de la peine ; À coeur ouvert = franchement ; Avoir le froid dans le coeur = être insensible, dur ; Par
coeur = de mémoire ; Ouvrir son coeur = se confier.
Exercice 7 : 1d ; 2e ; 3b ; 4c ; 5a.
Exercice 8 : Le champ de la pauvreté et de la misère : le coeur sombre, vide ; les chiffons ;
orphelin ; blême ; maladif ; pas de gîte ; pas de pain ; pas de feu ; la détresse ; aucun sourire ; le froid
dans le coeur; le froid dans l’âtre ; l’absence d’aff ection ; famille misérable ; enfant digne de pitié.
Exercice 9 : Casser le fil = changer le nom, perdre ses origines ; Avoir le froid dans le coeur =
être insensible, méchant ; Prendre la volée = s’affranchir, s’émanciper.

95
L’imparfait :
Exercice 1 : on remarquait ; avait ; était ; il ne tenait pas ; il ne songeait pas ; on n’aimait pas ;
il ne se sentait jamais ; il allait ; venait ; chantait ; jouait ; grattait ; volait ; riait ; appelait ; il se fâchait
; il arrivait ; trouvait ; entrait ; on demand ait ; il répondait ; elle disait ; vivait ; il ne souffrait pas ; n’en
voulait ; il ne savait ; ils devaient ; on nommait. Les verbes à l’imparfait ont le rôle d’animer la
déscription, de montrer les actions répétitives et de dévoiler le côté vif du caract ère de Gavroche.
Exercice 2 : tu jouais ; nous n’avions pas ; Gavroche était ; il n’en voulait ; ils vivaient ; vous
ne souffriez pas.
Exercice 3 : Je/Tu chantais comme un passereau ; Il/Elle/On trouvait la camisole de la mère ;
Nous allions sur le boulev ard ; Vous arriviez tard dans la nuit ; Ils/Elles venaient à la maison.
Exercice 4 : remarquer ; répondre ; demander ; vouloir ; savoir ; nommer.
Exercice 5 : j’avais ; nous songions ; Gavroche était ; les gens appellaient.
Exercice 6 : voulez -vous ; je va is…et je finis ; il a…, il joue et il est.
Exercice 7 : Il se réveillait à sept heures – il allait dans la rue – il jouait des jeux – il volait un
peu-parlait aux gens – il faisait des plaisanteries – il était joyeux et libre.
Les adverbes interrogati fs :
Exercice 1 : Comment est sa vie ?/ Combien de frères a – t- il ? / Où joue – t- il ? / Quand vient –
il à la maison ? / Pourquoi il est triste ?
Exercice 2 : pourquoi ; comment ; combien ; quand ; où.
Exercice 3 : D’où vient Gavroche ?/ Il est orphelin o u non ?/ Elle est où, sa famille ? Le gamin
préfère la maison ou la rue ?/ Où vivent les amis de Gavroche ?
Exercice 4 : Comment t’appelles – tu ? / Quel âge as -tu ? / Où aimes -tu vivre et jouer ?/
Pourquoi tu es joyeux ?
L’adjectif qualificatif :
Exercice 1 : petit, bruyant, blême, leste, éveillé, goguenard, à l’air vivace et maladif , galopin,
voyou, joyeux, libre.
Exercice 2 : méchant.
Exercice 3 : au féminin : grande, leste, vivace, voyou, libre.
au masculin : heureux, méchant, joyeux, orphelin, m isérable.

96
Exercice 4 : 1. agile ; 2.bavard ; 3.voyou ; 4.libre ; 5. moqueur ; 6.courageux ; 7.orphelin ;
8.blême.
1
A G I L E
2
B A V A R D
3
V O Y O U
4
L I B R E
5
M O Q U E U R
6
C O U R A G E U X
7
O R P H E L I N
8
B L E M E
Communicatif :
Activité 2. a. Il était habillé d’un pantalon d’homme, et d’une camisole de femme. Des gens
l’avaient habillé de chiffons par charité.
b. Il jouait dans la rue, il chantait , il parlait avec les gens, i l volait un peu
gaîment, il vivait dans la rue pour oublier sa famille infortunée.
c. Sa famille ne l’aimait point, Gavroche n’existait point pour elle.
d. Le pavé, la rue parisienne constitue sa maison, sa famille.
e. Il souffrait à cause de sa fami lle, mais la rue lui conférait le sentiment de
liberté, d’où venait sa joie et sa gaîté, spécifique à son âge.
3.3 Unité didactique : La poupée
Contenus :
Compétences culturelles : activité de réception de texte ;
Compétences sémantico -lexicales : syno nymie, antonymie, homonymie, champ lexical
et explications par périphrase ;
Compétences linguistiques : les pronoms personnels complément direct et indirect,
l’adverbe de manière, la négation ;
Compétences pragmatico -discursives : conversation, comparaiso n ;
Compétences communicatives : exprimer la surprise, la joie .
Niveau CECR : B1
Temps : 6 heures

97

Source: genyanddolls.over -blog.com
« La porte se rouvrit, l’homme reparut, il portait dans ses deux mains la poupée fabuleuse , et il la
posa debout devant Cosette en disant :
– Tiens, c’est pour toi.
Cosette entendit ces paroles inouïes : c’est pour toi , elle le regarda, elle regarda la poupée, puis
elle recula lentement, et s’alla cacher tout au fond sous la table da ns le coin du mur. Elle ne pleurait
plus, elle ne criait plus, elle avait l’air de ne plus oser respirer.
La Thénardier, Éponine, Azelma étaient autant de statues. Les buveurs eux -mêmes s’étaient
arrêtés. Il s’était fait un silence solennel dans tout le c abaret.
La Thénardier, pétrifiée et muette, recommençait ses conjectures : – Qu’est -ce que c’est que ce
vieux ? est -ce un pauvre ? est -ce un millionnaire ? C’est peut -être les deux, c’est -à-dire un voleur. Le
gargotier considérait tour à tour la poupée et le voyageur ; il semblait flairer cet homme comme il eût
flairé un sac d’argent. Cela ne dura que le temps d’un éclair. Il s’approcha de sa femme et lui dit bas :
– Cette machine coûte au moins trente francs. Pas de bêtises. À plat ventre devant l’homme.
– Eh bien , Cosette, dit la Thénardier , est-ce que tu ne prends pas ta poupée ?
Cosette se hasarda à sortir de son trou.
– Ma petite Cosette, reprit la Thénardier d’un air caressant, monsieur te donne une poupée.
Prends -la. Elle est à toi.
Cosette cons idérait la poupée merveilleuse avec une sorte de terreur. Son visage était encore
inondé de larmes, mais ses yeux commençaient à s’emplir, comme le ciel au crépuscule du matin, des

98
rayonnements étranges de la joie. Il lui semblait que si elle touchait à ce tte poupée, le tonnerre en
sortirait. Pourtant l’attraction l’emporta. Elle finit par s’approcher, et murmura timidement en se
tournant vers la Thénardier :
– Est-ce que je peux, madame ?
Aucune expression ne saurait rendre cet air à la fois désespéré, é pouvanté et ravi.
– Pardi ! fit la Thénardier, c’est à toi. Puisque monsieur te la donne.
– Vrai, monsieur ? reprit Cosette, est -ce que c’est vrai ? c’est à moi, la dame ?
L’étranger paraissait avoir les yeux pleins de larmes. Il semblait être à ce poin t d’émotion où l’on
ne parle pas pour ne pas pleurer. Il fit un signe de tête à Cosette, et mit la main de « la dame » dans sa
petite main.
Cosette retira vivement sa main, comme si celle de la dame la brûlait, et se mit à regarder le pavé.
Nous sommes fo rcé d’ajouter qu’en cet instant -là elle tirait la langue d’une façon démesurée. Tout à
coup elle se retourna et saisit la poupée avec emportement.
– Je l’appellerai Catherine, dit -elle. » ( texte adapté – Victor Hugo, Les Misérables , Deuxième
Partie, Livre III, Chapitre VIII, p.266 -270 )
 Inouï : qu’on n’a jamais entendu, extraordinaire.
 Pétrifié : immobilisée par une émotion violente.
 Conjecture : hypothèse, supposition.
 Gargotier : proprietaire d’un local bon marché où la cusisine et le service
manquent de soin.
 Bêtise : action ou parole sotte ou maladroite.
 Caressant : doux comme une caresse ( gestes , manières ).
 Pardi : exclamation par laquelle on renforce une déclaration.

Le fragment proposé met en scène le moment où Jean –Valjean offre à la malheureus e
Cosette, une poupée extraordinaire, en dépit de la méchanceté des Thénardier. À la veille, la
petite enfant avait été grondée et humiliée, parce qu’elle avait osé jouer avec la poupée de ses
sœurs, Éponine et Azelma.

99
Activités ( réception de texte ) :
Activité 1 . Lisez à haute voix le texte.

Activité 2. Après avoir lecturé et écoutez le texte enregistré sur le C.D., dites quel est
le thème ?

Activité 3. Vrai ou faux ?
a. L’homme tient dans la main une poupée ordinaire.
b. L’action se passe dans un cabare t.
c. La Thénardier était calme et serviable.
d. Cosette n’aimait pas le cadeau offert.
e. L’homme est visiblement ému par le bonheur qui s’empare de Cosette.
f. La petite infortunée va appeler la poupée Carine.

Activité 4. Faites des phrases, en associant les éléme nts donnés.
 Tout le cabaret était en silence devant la joie éprouvée par la petite fille.
 Le gargotier a senti pour se faire passer aimable.
 La Thénardier a changé de ton quand l’étranger a offert une poupée à
Cosett e.
 Cosette a connu le bonheur le pouvoir financier de l’inconnu.
 L’étranger avait de l’émotion lorsqu’elle a touché la poupée fabuleuse.

Activité 5. Associez chaque image à l’énoncé qui lui correspond et dites quel est l’ordre
chronologique des images :
a. L’inconnu offre la poupée à la petite infortunée.
b. Cosette voit la belle poupée dans la vitrine d’un magasin.
c. La petite contemple le beau jouet assis sur la chaise.
d. La fille jouit du cadeau offert.
L’ordre des images est……..

100

Activité 6. Conversation dirigée sur le texte ; trouvez les réponses adéquates aux
questions ci – dessous :
a. Quel est le sujet suggéré par le titre du texte « La poupée » ?
b. De quel type de texte s’agit -il ( narratif, descriptif, explicatif ) ? Justifiez vo tre
réponse.
c. Quelles sont les réactions de Cosette à la vue de la poupée ? Pourquoi elle ne
considérait pas qu’elle pouvait en avoir une ? Et comment ont réagi ses sœurs ?
d. Comment étaient ses maîtres, les Thénardier ? ( En documentez – vous sur
l’Intern et).
e. Pourquoi la Thénardier devient nerveuse et agitée ?
f. Qu’est – ce que le Thénardier dit à sa femme ? Comment se comporter avec le
voyageur inconnu ? Pourquoi ?
g. Expliquez le syntagme « À plat ventre devant l’homme » .
h. Comment interprétez – vous la p hrase « Il lui semblait que si elle touchait à cette
poupée, le tonnerre en sortirait » ?

101
i. Qu’est -ce que tous ces gestes vous suggèrent sur la personnalité de Cosette ?
j. Comment interprétez –vous le geste de l’étranger « L’étranger paraissait avoir
les ye ux pleins de larmes. Il semblait être à ce point d’émotion où l’on ne parle
pas pour ne pas pleurer. Il fit un signe de tête à Cosette, et mit la main de « la
dame » dans sa petite main » ?
k. Pourquoi la fille resent le besoin de nommer la poupée ? Que repré sente une
poupée pour une petite fille ?
l. Est-ce que, de nos jours, les filles jouent – elles encore avec les poupées ?
m. Quels sont les sentimens que vous resentez, après avoir parcouru le texte ?

Activité 7. Continuez le texte , à votre gré, avec quelques répliques entre Cosette et
l’inconnu Jean –Valjean.
Activité 8. Trouvez les cinq diff érence s entre les deux images :

Source: genyanddolls.over -blog.com
Exercices lexicaux
Exercice 1. Donnez les synonymes des mots suivants et introduisez -les dans des phrases :
vieux, parole, inouï, étrange, conjecture, solennel, sembler, aucune.
Exercice 2. Donnez un synonyme ou une explication par périphrase aux mots suivants : le
gargotier, le voya geur, la bêtise, oser, flairer, le crépuscule du matin.

102
Exercice 3 . Quel est le champ lexical de la parole et du silence ?
Exercice 4. Relevez les mots qui appartiennent au champ du corps humain.
Exercice 5. Quels sont les noms de « solennel » ; « vieux » ; « désespéré » ; « merveilleuse » .
Exercice 6. Donnez la famille de « voleur » et différents sens de ce nom.
Exercice 7. Regardez les jouets et é crivez dans ch aque case le numéro qui leur correspond :
1. Un avion radiocommandé 6. Une poupée
2. Un camion de pompier 7. Un robot
3. Un circuit électrique 8. Un poupon
4. Une dînette 9. Une pousette
5. Une trousse d’infirmière

103
Rappel sémantique
L’antonymie est une relation sémantico -discursive marquant les oppositions contraires,
contradictoires, complémentaires et réciproques dans la langue et dans le discours.
Classification :
a. antonymie gramaticale ( des préfixes négatifs : a -, anti -, con tre-, dé-, des-, il-, im-, mal -, mé-
, non – ) .
b. antonymie lexicale ( mots qui s’opposent en divers contextes ( ex. l’eau froide / gelée ;
personne froide / personne dure, insensible ) .

Exercic e 8. Repérez dans le texte les couples antonimiques .
Exercice 9 . Retrouvez dans le texte les antonymes des mots suivants : laisser, riche, paraître,
haut, vider.
Exercice 10 . Écrivez l’antonyme de chaque mot, en ajoutant ou en enlevant un préfixe :
Sensible – Accord –
Digne – Content –
Heureuse – Gracieux –

L’homonymie marque tous les mots à forme identique et à sens différents.
Classification :
a. les homophones ( même prononciation ) ; a ǂ à ; ou ǂ où ; mètre ǂ maître.
b. les homographes ( même ortographe ) ; bon ( adj.) ǂ le bon ( nom ).

Exercice 11 . Trouvez les homonymes des mots : air, fois, le coin, vers, point.

104
Exercice 12 . Reliez les h omonymes deux par deux :
 coin mois
 air cygne
 sous ère
 signe coing
 moins sou
Exercice 13 . Choisissez le mot correct pour compléter les phrases :
a. foi / foie :
1. Les jeunes o nt apprécié d’une manière positive le …………gras.
2. Les soldats ont lutté avec la ………..d’ une grande victoire.
b. coing / coin :
1. L’épicerie se trouve au ……………de la rue.
2. Qu’est -ce que tu as ? Tu es ja une comme un …………..
c. moins / mois :
1. Cette machine coûte au …………..trente francs.
2. Au……………de décembre ce sont les fêtes magiques.
d. vers / verre :
1. Les ………………de cristal ont été cassé par le ballon du gamin.
2. On a vu les voyageurs en se dirigeant…………les objectifs touristiques.

Exercice 14 . Entourez la forme correcte :
a. Le mètre / mettre / maître tailleur mesure avec un mètre / me ttre / maître . Tu vas
mètre / mettre / maître ces aliments au frigo.
b. Il aime composer des vert / vers / verre . On peut traverser la rue au feu vert / vers /
verre . C’est toi qui a acheté ce vert / vers / verre en argent ? Le bateau se dirige
vert / vers / verre le port de Marseille.

105
c. Les dinosaures ont dominé la terre durant l’air / ère / aire / secondaire. Les élèves
ont calculé l’air / ère / aire du rectangle. Le vieux a l’air / ère / aire épuisé, il doit
se reposer un peu.

Rappel gramatical ( les pr onoms personnels C. O. D. et C. O. I. )
Compléments d’objet direct ( COD) Compléments d’objet indirect ( COI )
( verbe + quelqu’un ) ( verbe + à quelqu’un )
Il me / m’ Il me / m’
te / t’ te / t’
le/ la / l’ connaît/ appelle. lui téléphone.
nous nous
vous vous
les leur
Le pronom personnel COD / COI remplace un nom COD / COI. La place du pronom→ avant
le verbe.
Nous voyons le lion.→ Nous le voyons.
J’ai parlé à ces hommes.→ Je leur ai parlé.
La double pronominalisation – l’ordre des pronoms compléments :
1. Les deux pro noms sont des personnes différentes ( Sujet+ COI+COD+Verbe ) :
Regardez ces fleurs, je vous les offre.
2. Les deux pronoms sont de la troisième personne ( Sujet+ COD+COI+ Verbe ) :
Il avait besoin de ce livre ; je le lui ai prêté.

À l’impérat if affirmatif, les formes me / te sont remplacées avec les formes toniques moi / toi :
Regardez – moi ! Attendez – le ! Dis – lui la vérité ! Montre – les- moi !

Exercices gramaticaux :

Exercice 1. Repérez les pronoms complément direct et ind irect et notez -les.

Exercice 2. Complétez avec les pronoms complément direct et indirect :
Elle m’a demandé ta poupée ; veux –tu bien …………….donner ?

106
Le voyageur prend le jouet et il…………….dépose sur la table.
Les gens regardent les personnages de la scène et ils…………..considèrent assez
étranges.
Cosette…….demande permission à prendre la poupée.
Regardez -………..! Il est très ému de la situation.

Exercice 3. De qui / de quoi parle -t-on ? Choisissez la réponse correcte .
a. Tu me la prête ? ( ton vélo, ta poupée, tes rollers )
b. Elle me le rapporte ? ( mon dico, ma trousse, mes livres )
c. Vous ne les voulez pas ? ( ce sac, ces vêtements, cette blouse )
d. Elle ne lui donne plus de nouvelles ? ( à sa mère, à son père, à ses parent s )
e. Nous ne leur envoyons pas d’argent ? ( à tes amis, à ton oncle, à ton voisin )

Exercice 4. Répondez aux questions, en remplaçant les groupes en italique par le pronom
convenable .
Tu peux emporter la poupée ? Oui,………………. …………………………………………
As-tu répondu à l’étranger ? Non,…………………………………………………………
Savez -vous le nom du voyageur ? Non,………………………………. ………………………..
As-tu montré les pièces aux visiteurs ? Oui,…………………………………………………………

L’adverbe de manière ( rappel)
La formation des adverbes de manière en ( – ment)
Règle générale : adjectif a u féminin + -ment ( total→ totale→totale ment )
Trois cas particuliers :
1. adjectifs en –é, -i, -u : adj.au masculin + -ment ( vrai→vraiment ; absolu→absolument ;
poli→poliment )
2. adjectifs en -ant→ – amment ( méchant→méchamment ; élégant→élégamment )
3. adjectif s en -ent→ – emment ( patient→patiemment ; violent→violemment )
Quelques adjectifs en –ent forment l’adverbe après la règle générale : lent→lentement ;
présent→présentement ; véhément→véhémentement.
Adverbes irréguliers : gentil→gentiment ; impuni→impunémen t ; bref→brièvement.

107
Adjectifs employés comme adverbes : haut, fort, bas, cher, ferme,etc.
Exercice 1. Repérez les adverbes de manière et introduisez -les dans des phrases.
Exercice 2. Formez les adverbes qui correspondent aux adjectifs ci -dessous :
solennel- heureux – évident –
lente – attentif – naturel –
timide – suffisant – exacte –
long- récent – intense –
Exercice 3. Remplacez les séquences en italique par un adverbe en –ment .
a. Il vient d ’habitude dans le cabaret du village.
b. Elle parle avec douceur à la pauvre fille.
c. La fille considérait avec timidité la belle poupée.
d. La Thénardier entre avec du bruit dans la pièce.
e. Elle regardait avec désespoir les gestes des hommes qui l’entouraient.
Exercice 4. Trouvez dans le texte les adjectifs qui fonctionnent comme adverbes de manière et
aussi, les autres expressions adverbiales.
Exercice 5. Chassez l’intrus de la pyramide des adverbes .
AMÈREMENT
DIVINEMENT
VISIBLEMENT
EXPRESSÉMENT
RAYONNE MENT
BOURGEOISEMENT
EVANGELIQUEMENT

La négation ( rappel )
La négation totale se forme au moyen des adverbes « ne…pas » . Elle porte sur
l’ensemble de la phrase : ex. Ils ne sont pas riches .
La négation partielle ne porte que sur un élément de la phrase :

108
1. la négation porte sur un déterminant ( elle se forme au moyen des adjectifs
indéfinis aucun,e ; nul(le) associés à l’adverbe ne )
ex. Je n’ai vu aucun enfant.→ J’ai vu tous les enfants. (affirmatif )
Nul garçon n’a protesté.→Tous les garçons ont protesté. (affirmatif )
2. la négation porte sur un constituant de la phrase ( sujet, COD etc. ). Elle se
construit avec des pronoms indé finis associés à ne :
ex. Je n’ai vu personne (COD )
Rien ( sujet ) ne bougeait.
3. La négation porte sur un adverbe ( elle se forme au moyen des adverbes jamais,
plus, guère associés à ne :
ex. Elle ne pleurait plus.→Elle pleurait encore.(affirmati f)
Il ne croit jamais . → Il croit toujours. ( affirmatif )
Je ne sors guère. → Je sors souvent. (affirmatif )
La négation restrictive se forme au moyen de ne…..que et elle équivaut à seulement.
ex. Je ne reste que deux minutes ! → Je reste seulement deux minutes.

Exercice 1. Identifiez dans le texte les mots qui expriment la négation et dites de quelle type
de négation il s’agit.

Exercice 2. Donnez une structure synonyme à la phrase : « Pas de bêtises » .

Exercice 3. Transform ez les phrases avec ne…..que.
a. Tu apprécie la bonté .
b. Le Thénardier voit de l’argent.
c. Cosette prenait la main de la poupée.
d. La fille reste sous la table.
Exercice 4 . Mettez les phrases suivantes à la forme négative :
a. Elle souffrait encore à cause de l a poupée.
b. Il est toujours captivé par les hommes riches.
c. Le voyageur regarde souvent l’enfant malheureuse.
d. On a déjà parlé du geste de Jean Valjean.

109
e. Elle avait l’air de respirer encore.
Exercice 5. Faites porter la négation sur les séquences en gras :
Mod èle : Le voyageur arrive dans une auberge .
Ce n’est pas dans une auberge que le voyageur arrive.
1. Cosette considère la poupée.
2. Il surprend les Thénardier .
3. Il m’offre de l’argent.
4. L’inconnu fait ce geste pour rendre joyeuse la pauvre fille .
5. Il oblige les buveurs à assisster à cette scène.
Exercice 6. Trouvez la bonne réponse :
1. Non ! Je…………avec toi.
a. ne viendrai pas / b. ne pas venir / c. ne viendrai rien.
2. Eh oui, c’est comme ça, ils………………………la petite fille.
a. n’ont aimé jamais/ b. n’ont pas aimé / c.n’ont jamais aimé.
3. C’est chose sûre ! Il ……………….à Cosette.
a. ne pas veut renoncer / b. ne renoncer pas / c. ne veut pas renoncer.
4. Elle ne veut pas…… poupée pour elle.
a. une / b. de / c. la .
Communicatif ( Exp rimer la joie )
Outils pour Exprimer la surprise :- C’est incroyable, c’est extraordinaire ! / Ce n’est
pas possible, tu plaisantes ! / Vraiment ? Je n’en reviens pas !
Activité 1. Identifiez dans le texte les énoncés où l’on exprime la surp rise.
Activité 2. Dites si les expressions suivantes sont positives ou négatives. Faites entrer dans
de courts dialogues des expressions ci -dessous.
a. C’est nul ! d. C’est ravissant !
b. Fabuleux ! e. C’est t rès chouette !
c. Quelle horreur, ce…. f. C’est pas la joie !

110

Activité 3. Vous êtes émus par le fragment proposé et vous en voulez faire part à un ami. Vous
écrivez une petite lettre pour exprimer votre surprise, relatif au geste de Jean Valjean d’offrir une
poupée à la petite Cosette.
Activité 4. En vous appuyant sur l’image ci – dessous, faites un petit dialogue entre Cosette et
Jean Valjean où vous surprenez la surprise et la joie de la petite fille ( dix répliques ).

Source: genyanddolls.over -blog.com
Activité 5. Proposez un titre à l’image de l’exercice antérieur.
Écriture créative ( lettre)
Activité 6 . Cosette ( qui ne sait ni ne peut écrire ) écrit à sa mère, Fantine, en complét ant le
texte suivant :
Ma chère maman,
Ma vie chez les Thénardier est…………………………………………………………………
Je suis habillée…………………………………………………………………………………. …….
On me donne à manger………………………………………………………………………………
Éponine et Azelma sont…………………………………………………………………………….
Un jour, un inconnu m’a of fert…………………………………….et j’ai été……………………
Maman, je suis…………………………………………………………………………………………….

111
Contexte historique
À l’aide de l’Internet, répon dez aux questions suivantes sur la condition des enfants à
l’époque des Misérables .
1) Quel personnage des Misérables symbolise les enfants martyrs ?
2) À quel âge les enfants commençaient -ils à travailler ? Combien d’heures par jour ?
3) Tous les enfants vont -ils à l’école ? Quand l’école est -elle devenue obligatoire pour tous
les enfants ?
4) Qui sont les « Misérables » à notre époque ? Vous connaissez des enfants pauvres, sans
parents et abusés ?

Portfolio
Je comprends l’histoire des Misérables

Je sais rés umer le fragment de texte

Je sais caractériser et apprécier le geste de JeanValjean

Je sais manipuler les pronoms personnels COD et COI

Je sais comprendre et utiliser les mots homonymes, les champs lexicaux

Je sais utiliser l a négation et reconnaître les mots négatifs

Je sais identifier les adverbes de manière et les expressions de surprise

112
Corrigés
Activités de réception de texte :
Activité 2. Le thème du texte porte sur le cadeau -surprise , la poupée fabuleuse, que Jean
Valjean offre à la petite Cosette.
Activité 3. a. Faux ; b. Vrai ; c. Faux ; d. Faux ; e. Vrai ; f. Faux.
Activité 4. Tout le cabaret était en silence quand l’étranger a offert une poupée à Cosette.
Le gargotier a senti le pouvoir financier de l’inconnu.
La Thénardier a changé de ton pour se faire passer aimable.
Cosette a connu le bonheur lorsqu’elle a touché la poupée fabuleuse .
L’étranger avait de l’émotion devant la joie éprouvée par la petite fille.
Activité 5. a -4 ; b-3 ; c-1 ; d-2. L’ordre des images est 3, 4, 1, 2.
Activité 6. a. Le sujet du texte porte sur un cadeau, une poupée offerte à une pauvre fille.
b. Il s’agit d’un texte narratif car il relate un événement passé dans une
auberge, un moment qui a produit la stupeur des gens.
c. Cosette a été profondément émue par la poupée offerte car elle ne se voyait
jamais dans la posture d’en avoir une. Ses sœurs ne pouvaient croire à leurs
yeux le geste fait par le voyageur.
d. Les Thénardier sont de m échants maîtres qui traitent Cosette comme une
serviante.
e. Elle devient nerveuse et agitée quand elle voit le geste de l’inconnu,
favoriser la pauvre Cosette.

f. Le Thénardier se rend compte du pouvoir financier de l’inconnu , il en veut
profiter et essaie de calmer sa femme.

g. S’humilier par intérêt.

h. L’état de soumission de Cosette l’empêchait de jouir de la poupée.

i. Elle était dans un état déplorable, humiliée et maltraitée par les Thénardier.

113
j. L’étranger est visiblement impressionné de la joie et de l’émoti on dont
s’empare Cosette, à la vue de la poupée.

k. Elle nomme la poupée pour montrer qu’elle lui appartient, c’est son jouet à
elle. La poupée est le jouet principal de petites enfants. Prendre soin,
arranger, jouer avec une poupée, apprend à la petite fill e à se comporter
comme une mère ; on lui développe les instincts maternels.

l. Pitié, émotion, surprise.

Activité 8. La fleur sur la tête ; le balai ; le seau ; le ruban ; le ballon.

Lexique :
Exercice 1. vieux = ancien ; parole = mot ; inouï = extrao rdinaire ; étrange = bizarre ;
solennel = cérémonieux ; conjecture = hypothèse ; sembler = paraître ; aucune = nulle, pas une.
Exercice 2. le gargotier = l’aubergiste ( celui qui détient une auberge ); le voyageur =
personne qui fait des voyages ; la b êtise = action ou parole sotte ou maladroite ; oser = tenter,
entreprendre ; flairer = sentir ; le crépuscule du matin = l’aube .
Exercice 3. Le champ lexicale de la parole : tiens, en disant, paroles, respirer, ne criait plus,
conjectures, dit, reprit, murmura, expression.
Le champ lexicale du silence : un silence solennel, pétrifiée, muette, statues.
Exercice 4. Le champ du corps humain : la main, le ventre, flairer ( le nez ), le visage, les
yeux, la tête.
Exercice 5. Solennel – la solennité ; vieux – la vieillesse ; désespéré – le désespoir ;
merveilleuse – la merveille.
Exercice 6. Voleur, le vol, voler, volé, la volée./ voler = dérober, s’emparer ; voler = planer,
survoler.
Exercice 7. a8 / b3 / c7 / d4 / e1 / f9 / g6 / h2 / i5.
Exercic e 8. la joie ǂ la terreur ; reculer ǂ s’approcher ; parole ǂ silence ; commencer ǂ finir ;
sortir ǂ se cacher ; pauvre ǂ millionnaire.

114
Exercice 9. laisser ǂ toucher ; riche ǂ pauvre ; paraître ǂ se cacher , haut ǂ bas, vider ǂ emplir.
Exercice 10. inse nsible, indigne, malheureuse, désaccord, mécontent, disgracieux.
Exercice 11. air : un air de musique , une allure, l’atmosphère, l’aire comme surface.
fois : la foi, le foie , la date.
le coin : le coing ; vers : vert, vers, verre, ver .
point: le poing. point (négation ).
Exercice 12 . coin = coing ; air = ère ; sous= sou ; signe = cygne ; moins = mois.
Exercice 13 . foi / foie :
1. Les jeunes ont appré cié d’une manière positive le foie gras.
2. Les soldats ont lutt é avec la foi d’ une grande victoire.
b. coing / coin :
1. L’épicerie se trouve au coin de la rue.
2. Qu’est -ce que tu as ? Tu es jaune comme un coing.
c. moins / mois :
1. Cette machine coûte au moins trente francs.
2. Au mois de décembre ce sont les fêtes magiques.
d. vers / verres :
1. Les verres de cristal ont été cassés par le ballon du gamin.
2. On a vu les voyageurs en se dirigeant vers les objectifs touristiques.

Exercice 14 . Le maître tailleur mesure avec un mètre . Tu v as mettre ces aliments au frigo.
Il aime composer des vers. On peut traverser la rue au feu vert. C’est toi qui a
acheté ce verre en argent ? Le bateau se dirige vers le port de Marseille.
Les dinosaures ont dominé la terre durant l’ ère secondaire. Les élèves ont calculé
l’ aire du rectangle. Le vieux a l’air épuisé, il doit se reposer un peu.

115
Grammaire ( les pronoms complément direct et indirect )
Exercice 1. Il la posa ; elle le regarda ; et lui dit bas ; monsieur te donne ; prends – la ;
il lui semblait ; l’attraction l’emporta ; monsieur te la donne ; je l’appellerai .
Exercice 2. Elle m’a demandé ta poupée ; veux –tu bien la lui donner ?
Le voyageur prend le jouet et il le dépose sur la table.
Les gens regardent les personnages de la scène et ils les considèrent
étranges.
Cosette lui demande permission à prendre la poupée.
Regardez – le ! Il est très ému de la situation.
Exercice 3. a.ta poupée ; b. mon dico ; c. ces vêtements ; d. à sa m ère, à son père ; e. à
tes amis.
Exercice 4. Oui, je peux l’emporter. / Non, je ne lui ai pas répondu. / Non, nous ne le
savons pas. / Oui, je les leur ai montrés.

L’adverbe de manière
Exercice 1. lentement, timidement.
Exercice 2. solenellement, lentement, timidement, longuement, heureusement,
attentivement, suffisamment, récemment,évidemment, naturellement, exactement,
inténsément.
Exercice 3. a. habituellement ; b. doucement ; c. timidement ; d. bruyamment ; e.
désespérément.
Exercic e 4. Il la posa debout ; il considérait tour à tour ; il lui dit bas ; au moins ; d’un
air caressant ; avec une sorte de terreur ; vrai, monsieur ?
Exercice 5. rayonnement.
La négation
Exercice 1. Elle ne pleurait plus, elle ne criait plus, elle avait l’air de ne plus oser
respirer (nég. partielle ) ; pas de bêtises ( nég. partielle ) ; est-ce que tu ne prends pas ta
poupée ? (nég. totale ) ; aucune expression ne saurait rendre ( nég. partielle ) ; Il semblait être
à ce point d’émotion où l’ on ne parle pas pour ne pas pleurer ( nég.totale) .
Exercice 2. Aucune bêtise, nulle bêtise.

116
Exercice 3. a. Tu n’apprécie que la bonté ; b. Le Thénardier ne voit que de l’argent ; c.
Cosette ne prenait que la main de la poupée ; d. La fille ne reste q ue sous la table .
Exercice 4. a) Elle ne souffrait plus à cause de la poupée. b) Il n’est jamais captivé par
les hommes riches. c) Le voyageur ne regarde que rarement l’enfant malheureuse. d) On n’a
pas encore parlé du geste de Jean Valjean. e) Elle n’ a vait plus l’air de respirer.
Exercice 5. 1. Ce n’est pas Cosette qui considère la poupée. 2. Ce n’est pas les
Thénardier qu’il surprend. 3. Ce n’est pas à moi qu’il offre de l’argent. 4. Ce n’est pas pour
rendre joyeuse la pauvre fille que l’inconnu fait ce geste. 5. Ce n’est pas les buveurs qu’il
oblige à assisster à cette scène.
Exercice 6. 1.a ; 2.c ; 3.c ; 4.b.
Communicatif
Activité 1. Tiens, c’est pour toi ; Il lui semblait que si elle touchait à cette p oupée, le tonnerre en
sortirait ; – Vrai, monsi eur ? ; – Est-ce que je peux, madame ?
Activité 2. a. expression négative ; b. expression positive ; c. expression négative ; d.expression
positive ; e. expression positive ; f. expression négative.

117
Bibliographie

I. Bibliographie primaire
1. Hu go, Victor, Les Contemplations , Hachette, Paris 1856.
2. Hugo, Victor, Correspondances , Calmann Lévy, Paris 1896.
3. Hugo , Victor, Les Misérables , Ernest Flammarion, Paris, 1926.
4. Hug o, Victor, Les Misérables , Ernest Flammarion , Paris 1926 (préface).
5. Hugo, Victor, Les Contemplations , Livre IV, Piè ce IV, Bordas, Paris, 1977.
6. Hugo, Vict or, Les Contemplations , Bordas, Paris ,1977.
7. Hugo, Victor, Les Contemplations , livre IV, Pauca meae, IX, Bordas, Paris, 1977.
8. Hugo, Victor, Les Misérables , Uni vers des lettres Bordas, Sous la direction de André
Lagarde, Laurent Michard, Fernand Angué, Paris, Bordas , 1977.
9. Hugo, Victor, Les Misérables, Collection fondée par Guy Schoeller, éd. Robert Laffont
S.A., Paris, 1985.
10. Hug o, Victor , Les Misérables , La Spiga languages, Paris,2008.
11. Hugo, Victor, Les Misérables , Classiques abrégé, L' école des loisirs, Paris , 2013.

II. Bibliographie secondaire

a. Histoire et critique littéraire

1. De Boer, J.P.Chr., Victor Hugo et L’Enfant , Dieben, Wassenaar, 1933.
2. Deschamps, Gaston, Petit de Julleville, Histoire de la Langue et de la Littérature française ,
Armand Colin, Paris , 1896.
3. Faguet, Emile, Dix-neuvième siècle, Études Littéraires , Lecène et Oudin, Paris , 1887.
4. Géli , Claude, Les Misérables , étude Hach ette, Paris ,1997.
5. Henri Pena -Ruiz ; Jean -Paul Scot, Un poète en politique, Les combats de Victor Hugo,
Flammarion, Paris , 2002.
6. Ion, Angela , Histoire de la littérature française (3), Universitatea din București, Facultatea
de Limbi și Literaturi St răine, București, 1981.
7. Lasserre, Pierre , Le romantisme français : essai sur la révolution dans les sentiments et
dans les idées au XIXe siècle , Mercure de France, Paris , 1907.

118
8. Laster, Arnaud, Pleins feux sur Victor Hugo , Édition Comédie française, Paris , 1981.
9. Le Breton , André, La jeunesse de Victor Hugo, Éd. Hachette, Paris , 1927.
10. Maurois , André , Olympio ou la vie de Victor Hugo , Éd. Hachette , Paris, 1954.
11. Roy , Claude , Victor Hugo témoin de son siècle , Édité par J’ai lu, Paris , 1962.

b. Études pédagogiques

1. Ciortan Carmen ; Tisan Aurelia , Littérature française pour les classes de lycée , Editura
Aius, Craiova , 1995.
2. Ilie Cătălin ; Nica, Traian , Tradition et modernité dans la didactique du français , langue
étrangère, Édition Celina, Craiova, 1995.
3. Tagliante, Christine, Techniques de Classe – La classe de langue , Cle International, Paris,
1994.

III. Sitographie

1. http://www.bonjourdumonde.com/blog/grece/11/personnalites/victor -hugo -defenseur -des-droits –
de-lhomme .
2. http://www.droitsenfant.fr/travail_histoire.htm .
3. http : // www.bonjourdumonde.com/blog/grece/ .
4. https://sites.google.com/site/francais4eme/Les -Miserables/v -hugo-son-oeuvre -et-son-epoque .
5. http://texcier -cdi.spip.ac -rouen.fr/IMG/Hugo%204%B0/pagesweb/menu_hugo.htm .
6. http://www.ac -bordeaux.fr/établissement/J.Monnet/Paris 2000/Valjean.html .
7. http://www.ac -creteil.fr/c/gpicassemontferm/Resmis/resmis.htm .
8. http://www.senat.fr/ evenement/archives/D24/gc.html .
9. http://expositions.bnf.fr/hugo/arret/ind_engag.htm
10. http://www.victorhugo.culture.fr/fr/c itonsHugo2004.pdf
11. http://www.assemblee -nationale.fr/histoire/VictorHugo_09071849.asp
12. http://w ww.inlibroveritas.net/lire/oeuvre10994 -chapitre48489.html
13. http:// www.blogg.org 14.
14. http://gerflint.fr
15. www.gildas -stephant.com

119
16. http://elfdust.deviantart.com/art/Les -Mis-extended -petition -Gavroche -354910821
17. http://paris1900.lartnouveau.com/paris10/rues/bd_ du_temple.htm
18. http://www.lunarlog.com/colorized -boulevard -du-temple -daguerre/
19. https://www.google.ro/maps
20. http:// genyanddolls.over -blog.com

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