MASTER : TEORIA ȘI PRACTICA TRADUCERII ȘI [612974]

UNIVERSITATEA „LUCIAN BLAGA” DIN SIBIU
FACULTATEA DE LITERE ȘI ARTE
DEPARTAMENTUL DE STUDII ROMANICE
MASTER : TEORIA ȘI PRACTICA TRADUCERII ȘI
INTERPRETĂRII LIMBII FRANCEZE

LUCRARE DE DISERTAȚIE

Coordonator științific
Conf. univ. d r. Rodica BRAD

Absolvent: [anonimizat]
2019

2
UNIVERSITATEA „LUCIAN BLAGA” DIN SIBIU
FACULTATEA DE LITERE ȘI ARTE
DEPARTAMENTUL DE STUDII ROMANICE
MASTER : TEORIA ȘI PRACTICA TRADUCERII ȘI
INTERPRETĂRII LIMBII FRANCEZE

TRADUCEREA ÎN FRANCEZĂ A
BASMELOR ROM ÂNEȘTI

Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de
moarte de Petre Ispirescu
(Studiu de caz)

Coordonator științific
Conf. univ. d r. Rodica BRAD

Absolvent: [anonimizat]
2019

3
UNIVERSITÉ « LUCIAN BLAGA » DE SIBIU
FACULTÉ DE LETTRES ET D’ARTS
DÉPARTEMENT D’ÉTUDES ROMANES
MASTER : LA THÉORIE ET LA PRATIQUE DE LA
TRADUCTION ET DE L’INTERPRÉTATION DE LA LANGUE
FRANÇAISE

LA TRADUCTION EN FRANÇAIS DES
CONTES DE FÉES ROUMAINS

« Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort »
par Petre Ispirescu
(Étu de de cas)

Coordinatrice
Conf. univ. d r. Rodica BRAD

Étudiante
Diana -Maria DAN

Sibiu
2019

4
Table des métiers
INTRODUCTION ………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………… 5
Chap itre 1. La traduction en français des œuvres de la littérature roumaine ………………………….. ……… 8
1.1 Le parcours historique des traductions littéraires ………………………….. ………………………….. 10
1.2 Les théories de la traduction. Les procédés de traduction ………………………….. ………………. 13
1.3 Aperçu historique sur les relations franco -roumaines (XIXe-XXIe siècles). Le lien entre deux
langues romanes ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……………………… 18
1.4 Les genres d’œuvres littéraires roumaines traduites en français ………………………….. ………. 20
1.4.1 Traduire les essais, la critique littéraire, les lettres ………………………….. …………………. 21
1.4.2 Traduire la prose imaginaire roumaine (contes de fées, nouvelles, romans) …………….. 22
1.4.3 Traduire la poésie roumaine (poésie didactique, bal lades, poèmes) ……………………….. 23
Chapitre 2. La traduction en français des contes de fées roumains ………………………….. ………………… 25
2.1 Commencements. Les auteurs et les œuvres ………………………….. ………………………….. ………… 27
2.2 La traduction en français. Transfert de culturèmes ………………………….. ………………………….. … 30
Chapitre 3. « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » – entre deux traductions en français …………. 38
3.1 Petre Ispirescu – écrivain de contes de fées traduit en français ………………………….. …………….. 39
3.2 Le conte de fées : apparition en roumain et les traductions en français ………………………….. ….. 41
3. 3 L’analyse des traductions ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……. 43
3.3.1 La traduction des titres ………………………….. ………………………….. ………………………….. ….. 44
3.3.2 La traduction des noms propres ………………………….. ………………………….. …………………… 45
3.3.3 La traduction des tropes et des figures de pensée ………………………….. ………………………… 48
3.3.4 La traduction des proverbes, des dictons et des expressions idiomatiques ……………………. 56
CONCLUSIONS ………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………… 60
ANNEXE 1. Tinerețe fără de bătrânețe și viață fără de moarte (Petre Ispirescu) ………………………….. 64
ANNEXE 2. Une jeunesse sans vieillesse et une vie sans mort (traduction par Annie Bentoiu) ………. 72
ANNEXE 3. Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort. Conte populaire roumain (traduction en ligne)
………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……………………. 80
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……. 88
LIVRES ………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………….. ……. 88
ARTICLES ………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………….. … 89
DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPÉDIES ………………………….. ………………………….. ……………… 90
SITOGRAPHIE ………………………….. ………………………….. ………………………….. ………………………. 91

5
INTRODUCTION

Moto : « Les meilleures traductions sont celles qui suscitent les mêmes passions de l'âme, et les mêmes
images de la fantaisie avec le même effet que l'original. » (Ugo Foscolo)

La traduction c’est un travail écrit, c’ est-à-dire passer un texte de la langue source dans une
langue cible . De plus, la traduction ne s’effectue en théorie que d’ une langue source que le
traducteur doit bien maîtriser vers une langue cible qui doit être la langue maternelle de ce
même traducteur. E n effet, le travail du traducteur est conditionné par les langues qu'il maîtrise.
Aujourd’ hui, la traduction est une activité de plus en plus indispensable, elle est nécessaire
pour une communication effective des gens à travers le monde. Pour être excellente, une
traduction doit exprimer ce qui se trouve au cœur du texte original, avec toutes les nuances d es
passions, sentiments, réflexions et images qu’elle est capable de transmettre.
Mon choix porte sur un des contes roumains les plus célèbres et à la fois les plus connus,
le conte folklorique roumain de Petre Ispirescu, Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte
[« Jeunesse sa ns vieillesse et vie sans mort »]. Le grand intérêt éveillé par ce co nte de fées
s’explique facilement par son originalité. On sait que pou r la plupart des contes roumains on
peut trouver des « équivalents » plus ou moins répandus dans d’ autres littératures étrangères, y
compris la littérature française, mais ce conte -ci, entendue par Ispirescu de son père quelque
trente ans avant qu’il ne le mette sur papier, paraît unique. Beaucoup afirme que « Jeunesse
sans vieillesse et vie sans mort » est le plus beau, le plus authentique et le plus célèbre conte
roumain.
Ce conte a été traduit en français 8 fois dans des livres et plusieurs fois en . En
envisageant de comparer deux traductions de ce conte de fées en français , je me suis arrêtée à
deux traductions. La première est la traduction fait e par Annie Bentoiu en 1979, intitulé e « Une
jeunesse sans vieillesse et une vie sans mort » et l’autre est une traduction que j’ai trouvée en
ligne ayant le titre « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort ». Autrement dit, un conte très
inspiré, qui résume bien la quintessence de l'imaginaire populaire roumain et deux traductions
réussi es ou pas, qui essaient de garder cet imaginaire. J’ai également opté pour une version de
traduction trouvée en ligne parce que la plupart des gens qui souhaitent lire la traduction de c e
conte de fées en frança is de nos jours, utilisent l’Internet.
« Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » est chargé de significations impliquant des
éléments de la philosophie du folklore roumain, le concept de vie et de mort, la pla ce et le but
de l'homme dans l'U nivers, le sens et les limites du bonheur. Selon Constantin Noica, ce conte

6
de fées roumain est le seul interprété phrase par phrase. De même, c’est le seul qui ne se termine
pas de manière heureuse, comme il l’a bien remarqué, le seul qui exprime, non pas
indirectem ent comme tout conte , mais directement, la plénitude, la mesure et la vérité de ce que
peut être appelé: être. « Qui point n’ y croit est plus menteur que moi », comme commence le
conte de fées. Le thème de ce conte est atypique, la lutte n’existe plus entr e les forces du bien
et du mal, mais elle révèle le droit originaire de l’homme au bonheur et le refus d’accepter une
vie triviale, confinée dans des limites humaines. Il semble que la raison mythologique de
l’enfant qui n’accepte pas de naître ne se r etrouve pas dans le folklore d’ autres peuples.1
Le présent mémoire de dissertation se donne pour objectif d’esquisser un panorama des
grands cadres théoriques contemporains relatifs à la traduction en français des œuvres de la
littérature roumaine, surtout la traduction des contes de fées, insistant sur l’évolution historiq ue
des traductions littéraires, à travers les théories de la traduction , les différents genres littéraires :
poésie , prose, théâtre etc. Un aspect intéressant porte également sur les commence ments de la
traduction en françai s des contes de fées roumains, d es plus importants auteurs et de leurs
œuvres.
Un conte de fées c’est un voyage d’exploration et d’inventaire de l’invisible, c’est le
désir de la découverte et aussi la description d’un mou vement calculé d’une opération, d’un jeu
de calcul. Notre littérature populaire est l’ une des plus riches et d es plus belles au monde, ses
origines sont perdues dans les temps les plus lointain s de l’ histoire, passant de génération en
génération oralement, étant étroi tement liées à l’ histoire du peuple roumain.
Au cours des dernières décennies, d e nombreuses recherches réalisées montrent que la
traduction, processus et produit à la fois, n’est jamais indépendante des circonstances
extérieures . Pour approfon dir ce constat général, ce mémoire de dissertation se penche sur le
contexte éditorial et historique dans lequel sont parus les contes roumains en français e t aussi
sur l’existence même de la traduction .
On a structuré ce travail en trois chapitres et en autre sous -chapitres qui vont du général
au particulier et qui proposent des éclairages complémentaires sur le sujet traité .
Dans le premier chapitre, intitulée « La traduction en français des œuvres de la littérature
roumaine », on parle de parcours hist orique des traductions littéraires, de théories de la
traduction, avec les procédés de traduction, de l’aperçu historique sur les relations franco –
roumaines (XIXe-XXIe siècles), incluant le lien entre deux langues romanes , mais aussi les

1 Constantin Noica, Sentimentul românesc al ființei – Basmul Ființei și „Tinerețe fără bătrânețe” (Page consultée
le 6 mars 201 9), [en ligne] : https://doarortodox.ro/2013/05/28/sentimentul -romanesc -al-fiintei -basmul -fiintei -si-
tinerete -fara-batranete -constantin -noica/ , traduction faite par moi.

7
types d’œuvres lit téraires roumaines traduites en français, c’est -à-dire les essais, la critique
littéraire, les lettres ; la prose imaginaire roumaine (contes de fées, nouvelles, romans) ; la
poésie roumaine (poésie didactique, ballades, poèmes) .
Dans le deuxième chapitre , « La traduction en français des contes de fées roumains » il
s’agit des commencements, les auteurs : Ion Creangă, Mihai Eminescu, Elena Farago, Otilia
Cazimir et leurs œuvres : Capra cu trei iezi [« La chèvre et ses trois biquets »], Punguța cu doi
bani [« La bourse aux deux liards »] etc., et enfin la traduction en français des contes de fées
roumain s et le transfert de culturèmes.
Pour le troisième chapitre, « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » – entre la
variante originale et les traduction s, on choisit de donner des informations sur l’auteur
premièrement : Petre Ispirescu – écrivain de contes de fées traduit en français, puis sur l’œuvre :
apparition en roumain, les huit traductions en français, avec la première traduction en français
d’Annie Bentoiu choisit pour l’analyse et la traduction trouvée en ligne, en finissant par
l’analyse et la comparaison de ce deux traduction s.
Donc, la simplicité supposée de la littérature pour les jeunes, héritière de la tradition
orale des contes, et sa traduc tion n’est en fait qu’une illusion à cause le fait que les textes sont
bien souvent plus riches qu'il n’y paraît. Toutfois, celle dernière exige une réelle adaptation du
traducteur qui doit savoir faire preuve d’empathie en ce qui concerne son public.

8
Chapitre 1. La traduction en français des œuvres de la
littérature roumaine

Moto : « La traduction est la fois impossible et nécessaire. »  Jacques Derrida

Ce phénomène de la prise de conscience de l’ histoire de la traduction , de son étendue et de
son imp ortance , est un phénomène relativement récent. Beaucoup de théoriciens et de pra ticiens
de la traduction s ’accord ent sur l’ idée qu`il est difficile de donner une définition appropriée et
infaillible de la traduction.
D’après Jean -René Ladmiral, la traducti on est définie comme « une activité humaine
universelle rendue nécessaire à toutes les époques et dans toutes les parties du Globe ».2 Ensuite,
la traduction est étroitement liée à la culture écrite et lettrée. Ainsi, la traduction est un art de
l’écriture , étant tout aussi ancienne que celle -ci.
Ladmiral affirme aussi que le mot « traduction » recouvre à la fois l’activité professionnelle
du traducteur (stade dynamique) et le résultat de cette activité (stade statique).3 Ce qui intéresse
les traducteurs et les théoriciens n’est pas seulement le produit fini, mais aussi le faire traductif,
avec les problématiques qui en découlent. Ainsi, on peut dire que la traduction apparaît comme
un moyen d’ accès à une information en langue étrangère, c’ est-à-dire une v oie de
communication, dont les gens ont besoin pour la vie quotidienne et pour les échanges
interculturels.
La traduction littéraire est une question objectivement importante qui nous concerne tous,
sinon nécessairement comme producteurs, au moins comme co nsommateurs. La tr aduction de
la littérature est essentiellement différente par rapport aux autres types de traductions, parce que
le principe essentiel de la traduction littéraire est la prédomi nance d’ une fonction
communicative poétique. La traduction li ttéraire , y compris la traduction en français des œuvres
de la littérature roumaine, concerne la traduction des romans, des p oèmes, des contes de fées,
et d’autres genres littéraires. Le texte littéraire a des particularités qui le différencient des autres
textes, c’est pourquoi, sa traduction, elle aussi, se distingue par des caractéristiques particulières
de toute autre type de traduction .
Les chemins littéraires de la France et de la Roumanie, construits sur un terreau commun
de latinité, s’inscrivent e nsemble dans une tradition déjà ancienne.

2 Jean-René Ladmiral , Traduire: théorèmes pour la traduction , Paris : Payot , 1979, p. 28.
3 Ibid, p. 11 .

9
Les œuvres littéraires sont caractérisé es par une diversité d’ éléments stylistiques et
syntaxiqu es, éléments concernant les registres de langue : dialectes, archaïsmes et par
l'utili sation libre des collocations. D ’après Reiss, la traduction d’ autres genres tels les articles
informatifs de presse, « est limitée et périphérique » parce qu'elle ne tient pas compte du besoin
de préserver la qualité esthétiqu e de l’ œuvre lorsque l’on traduit des textes littéraires.4
Reiss propose aussi quelques traits distinctifs pour caractériser les textes littéraires. Pour
commencer, dans le cas de la littérature , les auteurs utilisent, consciemment ou non, des
éléments formels pour rendre un effet stylistique spécifique. Ces élément s forme ls contribuent
à la formation d’ une expression artistique particulière , contextuellement différente et ne
peuvent être traduits dans la langue cible que par des formes analogues d'expression. Ainsi, la
fonction expressive du langage doit trouver une forme similaire dans la traduction pour créer
une impression correspondante de telle sorte que la traduction devienne un équivalent
authentique. « Les éléments stylistiques et les rimes, les métaphores, les proverbes, la façon
figurative de parler, le mèt re et ses effets esthétiques sont des exemples d'éléments formels
significatifs non seulement pour la poésie mais aussi pour la prose ».5
En ce qui concerne les œuvres de la littérature roumaine, on peut dire que, selon de
nombreux auteurs, la création de la littérature roumaine moderne se place uniquement sous le
signe de l’influence française.
De nos jours , la Roumanie est le pre mier pays francophone d’Europe Centrale et O rientale ,
avec un habitant sur cinq qui connaît la langue française, un pays où l’en seignement du français
occupe, depuis longtemps, une place privilégiée, et qui a donné à la francophonie du XXe siècle
de nombreux écrivains importants tels que Panaït Istrati, Tristan Tzara, Eugène Ionesco, Emil
Cioran, etc. Tout le monde s’entend pour dire que la Roumanie fait encore preuve d’une
francophonie et d’une francophilie a uthentiques, qui se manifestent clairement dans le milieu
du livre , même si, comme ailleurs, la tendance actuelle est à l’anglais .
Une vingtaine de responsables de s maisons d’ édition roumaines ont aujourd’hui engagé
une vé ritable politique de traduction , faisant ainsi preuve d’un goût réel pour les lettres et la
pensée française, qu’ils lisent pour la plupart dans le texte original. Certains ouvrages sont
publiés directement en français, par exemple l’ouvrage de Gabriel Liiceanu, « La Porte
interdite », publié aux éditions Humanitas. Même si leur nombre a tendance à se réduire, on

4 Katharina Reiss, Translation Criticism, the Potentials and Limitations: Categories and Criteria for Translation
Quality Assessment . Traduite par Erroll F. Rhodes. Manchester, St. Jerome, Ne w York: American Bible Society,
2000, p 20.
5 Ibid, p 33.

10
continue également à voir quelques versions bilingues car il existe tout un publ ic désireux de
lire en français .6

1.1 Le parcours historique des traductions littéraires

Moto : « Les traductions élargissent l’horizon de l’homme et, en même temps, le monde. Elles t’aident à
comprendre les peuples lointains. » (Jon Kalman Stefansson)

L’industrie de la lang ue ne date pas d’hier. Les gens ont eu besoin de communiquer
entre eux depuis toujours, de sorte que l’origine de la traduction se confond avec celle même
du langage.
Donc, la traduction a permis la communication entre les différentes communautés
linguisti ques, comme la diffusion d'informations nouvelles, soit scientifiques, techniques,
littéraires etc., la découverte de genres littéraires nouveaux, par exemple les harangues, les
épopées, la comédie et la circulation d'œuvres littéraires, soit elles traduit es du latin, du grec,
des langues vulgaires européennes ou d'autres langues.
La traduction, témoin formel de la circulation des œuvres et des idées, remplit un rôle
central dans l ’histoire intellectue lle avant même l’invention de l’ imprimerie.7 L’évolution de la
pratiq ue de la traduction littéraire s`est développée au fil de son histoire, afin de permettre
d’étudier ce type de traduction, et aussi de retracer ses origines et de déterminer ses points forts,
de même que ses limites.
L'approche scientifique de la traduction est relativement récente, c'est -à-dire des années
1950 -1960, tandis que la réflexion sur la traduction littéraire date dès l’Antiquité, donc,
l'approche littéraire peut bénéficier d'une tradition déjà ancienne.8 En Europe, les traductions
en latin ont joué un rôle prépondérant dans l'histoire de la Bible, qui apparaît dans l’histoire
comme le paradigme de toute traduction. Donc, au IVe siècle, on disposait déjà de diverses
traductions en vieux latin. Saint -Jérôme (347 -419) est considéré le p atron des traducteurs de
nos jours en raison de sa révision critique du texte de la Bible en latin. Il a consacré plus de 40

6 Bertille Détrie, (Page consultée le 5 décembre 2018), Le français, une langue de choix d ans l’espace éditorial
roumain , [en ligne] https://www.bief.org/Publication -3346 -Articles/Le -francais -une-langue -de-choix -dans-l-
espace -editorial -roumain. html.
7 Claire Guerin, (Page consultée le 11 septembre 2018 ), « Un siècle de traductions françaises », La Vie des idées,
28 mars 2013 [en ligne] http://www.laviedesidees.fr/Un -siecle -de-traductions.html
8 Daniel Gile, La traduction. La comprendre, l´appren dre, PUF, Paris , 2005, pp 234 -235.

11
ans de sa vie à la traduction de la Bible, en devenant, sans doute, son œuvre majeure, appelée
« Vulgate », c'est -à-dire « simple » ou « populaire ».
Le XV Ie siècle c’était l'époque de la Renaissance, du retour aux sources et du regain
d’intérêt pour le grec ancien. Depuis la moitié du XVIIe siècle, dans plusieurs pays européens
de l'époque, par exemple en Angleterre, la traduction d es œuvres importantes, surtout la Bible
et les classiques antiques, en langues nationales continue. De 1625 à 1660, en France, la
traduction des auteurs classiques s'est développée. C’ était la période du grand classicisme
français et de la croissance du th éâtre français, quand les œuvres des écrivains et théoriciens
français étaient à leur tour traduits en anglais.
Certains théoriciens et praticiens ang lais du XVIIIe siècle mettent l’ accent sur
l’identification avec l’ auteur et sur la part de recréation int ervenant dans toute traduction
littéraire réussie.9
En ce qui concerne la France, malgré le fait que Platon et Aristote ne sont traduits qu'au
XIXe siècle, elle s’efforce de rattraper son retard, en révélant, avec l’ aide de la traduction, ce
qu’une cultur e nationale doit aux autres cultures étrangères. Les premières traductions en
français ont été effectuées à partir de la Vulgate de Jérôme, la traduction latine officielle et les
premiers qui ont proposé une version basée sur les langues originales, l’hébr eu et le grec sont
les protestants.
Un certain nombre de langues et de cultures sont plus ou moins bien « traduites » depuis le
XIXe siècle et avec la globalisation et aussi la réglementation du « droit de propriété
intellectuelle » et de traduction. La tr aduction est vue comme une transposition de mots et de
phrases, mais aussi de cultures, dont chacune représente sa propre vision du monde.
Les guerres et le contexte du XXe siècle, diamétralement opposé à celui des grands
narrateurs de la Renaissa nce, appo rta également d’ autres changements et surtout une
reconnaissance supplémentaire de cette matière en devenir. Ainsi, dans le deuxième a près-
guerre, naquit la vision d’ une véritable « science linguistique », mise en avant par les auteurs
comme Valery Larbaud , Roman Jakobson, John Catford et surtout Georges Mounin. Leur s
écrits sont encore aujourd'hui une référence pour ceux qui souhaitent approcher ce monde.10
Au XXe siècle, le traducteur sort en France de son isolement, donc, le métier commence
à être reconnu publiquement comme participant activement aux progrès de la société moderne.

9 Michel Ballard, De Cicéron à Benjamin. Traducteurs, traductions, réflexions . Presses Universitaires de Lille,
1992, p. 123.
10 Elisabetta Bertinotti, (Page consultée le 11 septembre 2018 ), « Le rôle des traductions dans l'histoire » , [en ligne]
https://www.traduction -in.com/histoire -agence -de-traduction.htm

12
Le grand rôle culturel est reconnu à la traduction littéraire, en 1972, celle -ci constituant le gros
des traductions éditées dans le monde, plus de 40 000 titres. Tandis qu'en 20 00, le nombre total
de traductions dans le monde était 73 840, dont 34 540, soit 47 %, de traductions littéraires. La
traduction littéraire en France occupait plus de 50 % des traductions publiées sous forme de
livre en 2000, soit 5065 titres sur un total de 9502 livres traduits.11
Après 1945 apparaît la traductologie moderne qui comporte des informations et des
formulations théoriques sur la traduction. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, cette dernière
est étudiée de manière plus systématique, en raison que les langues sont mises en contact
beaucoup plus profo nd qu’avant la mondialisation. Depuis les années 1980, les théories
féministes de la traduction naissent et se développent aux États -Unis et au Canada. Donc, dans
le postmodernisme, la traduction se transforme et prend la forme d e l’écriture, de la production
créative d’un texte. Cela a constitué exactement le point de départ des traductrices et
théoriciennes féministes de la traduction de cette période -là.
Certaines approches féministes ont valorisé le métier du traducteur, elles ont apporté l’idée
que le traducteur devrait être considéré comme coauteur de l’œuvre qu’il traduit. Suzanne Jill
Levine aspire à tirer de l’ombre les femmes, le féminin et surtout la traduction. Son objectif est
de donner l a voix aux femmes, condamnées jusque -là au silence par les hommes.
Quand on parle de la Roumanie, on va se rappeler toujours que l’ un des pères du théâtre de
l’absurde, Eugène Ionesco, était à moitié roumain. Emil Cioran reste un philosophe qui intrigue
toujours et que l'on cite beaucoup. L e milieu universitaire n’ oublie pas le nom de Mircea Eliade,
surtout grand histor ien des religions, mais aussi auteur d'un certain nombre de nouvelles et de
romans traduits en français. Ionesco, Cioran, Eliade représenten t en quelque sorte un trio en or,
pour certains indépassable .12
Entre les ann ées 20 et les années 40 un groupe d’ auteurs avant -gardistes – Tristan Tzara,
Ilarie Voronca, Issidor Issou, Benjamin Fondane – venant de Roumanie a débarqué en France.
Après la d euxième Guerre M ondiale , une autre époque a commencé , quand toute une série
d’auteurs – Virgil Tanase, Paul Goma, Dumitru Tepeneag, Bujor Nedelcovici, Virgil
Gheorghiu. – a fui la Roumanie communiste pour cher cher la liberté d’ expression en France.
Certains auteurs roumains ont eu la possibilité de s’affirmer en France après la chute du
communisme en 1989, sans être obligés de quitter physiquement leur pays. Ainsi, des auteurs

11 Gisèle Sapiro (2008), Translation. Le marché de la traduction en France à l´heure de la mondialisation . CNRS
Éditions, Paris, p. 148.
12Matéi Visniec , (Page consultée le 7 décembre 2018) , La littérature roumaine en France , [en ligne]
https://www.sildav.org/images/stories/pdf/revuedepresse/la_litt_roumaine_salon_du_livre_2013.pdf

13
comme Mircea Cărtărescu, Dan Lungu, Gabriela Adameșteanu, Florina Iliș, vivent t oujours en
Roumanie, mais leurs rom ans sont beaucoup traduits à l’ étranger.
De nos jours, toutes les littératures qui ne viennent pas de l’ espace anglo -saxon risquent la
marginalisation, c’est pourquoi i l faut dire que , dans une certaine mesure, la littéra ture roumaine
est mal connue et mal aimée en France. Heureusement, le public, lui, reste curieux et ouvert à
la diversité.
En 2012 , la littérature roumaine est l’invitée d’ honneur au Salon International du Livre de
Paris. Là, 27 auteurs r oumains ont été officiellement invités à cette occasion pour rencontrer le
public français. Cela a été u ne belle occasion de continuer à découvrir une culture, celle
roumaine, qui, au mome nt de sa genèse, s’ est beaucoup nourrie de la littérat ure et de la pensée
françaises. L’influence de la civilisation française sur la Roumanie joue le rôle d’un miracle
pour la littérature roumaine à une époque où elle est toujours caractérisée par des écrits
historiques et religieux.

1.2 Les théories de la traduction. L es procédé s de traduct ion

Moto : « La traduction est probablement l’activité la plus complexe qu’ait produite l’évolution du cosmos. »
(Ivor A. Richards)

Le nombre des théories de la traduction est large et aucun ouvrage ayant l’ambition de
donner leur aperçu ne peut pas les englober tous.
Les théories de la traduction naissent à partir de la fin des années 1970, début des années
1980. Il s'agit d’une réflexion non prescriptive sur la traduction à partir de son statut pratique:
le problème que les spécialistes se posent est mo ins de trouver des règles pour assurer une
équivalence entre les textes de langues différentes, que de décrire ce qu’est une traduction, ce
qui fait d’un texte une traduction. Ensuite, autour des années 1980, se place la naissance d’une
véritable disciplin e concernant la traduction, c’est -à-dire d'un domaine de recherche, reconnu
maintenant, en milieu anglo -américain, sous le nom de « Translation Studies. »13
Chacune des théories de la traduction s'est formée dans un contexte historique bien précis.
Ce fait signifie que chaque théorie est plus ou moins influencée par les idées et par les pratiques
de la traduction dominantes à l’ époque et aussi dans la culture donnée.

13 Maddalena De Carlo, (2006), Didactique des langues et traduction , Université de Cassino, Italie, p 130.

14
Connaître dif férentes théories peut ouvrir l’ âme du traducteur à cherch er tout une gamme
de solutions d es plus variées, et peut aussi facilite r la justification , voire la défense nécessaire
de ses choix pour le traducteur.14 La tâche du traducteur est, premièrement, d’adapter le
contenu d’ un texte à de nouveaux lecteurs qui ne comprennent pas la langue d’origine, ou de
restituer le sens du texte, mais il faut aussi exposer le langage dans sa pureté.
Depuis toujours, les théories de la traduction ont proposé la distinction entre les traductions
pratiques et celles littéraires. Cette distinction a it été dressée de sorte que les traductions
pragmatiques soient considérées comme dépourvues de problèmes et que l'on ne doit donc pas
leur prêter trop d'attention, tandis que pour la traduction littéraire, diverses théories se sont
développées au fil du t emps.15
Certains auteurs ont proposé des catégorisations à partir de la production des études sur la
traduction, permettant de trouver, à différents niveaux, des lignes de force de ces réflexions.
En 1973, Henri Meschonnic, théoricien du langage, traducteur et poète français, envisage
quatre points de vue dominants. Le premier est le point de vue des pratici ens, c’est -à-dire
empiriste ; puis un point de vue lié à la philosophie herméneutique allemande, à savoir
phénoménologique; ensuite un point de vue lingui stique, basé sur des théories linguistiques
« strictu sensu » et enfin, un point de vue qui considère le texte comme un produit à la fois
unique et tout imbu de son appartenance historique, à savoir poétique.
George Steiner, spécialiste anglo -franco -améric ain de littérature comparée et de théorie de
la traduction, dans son ouvrage fondamental sur la traduction « After Babel. Aspects of
Language and translation », accueille la division ternaire classique, qui ajo ute une troisième
possibilité d’ équilibre entr e traduction mot à mot et traduction libre : « La théorie de la
traduction, au moins depuis le XVIIe siècle, établit presque toujours trois catégories. La
première comprend la traduction strictement littérale. […] La seconde est l'immense zone
moyenne de l a “translation” à l’aide d’ un énoncé fidèle mais cependant autonome. […] La
troisième catégorie est celle de l’ imitation, de la récréation, la variation, l’ interprétation
parallèle ».16
Ensuite, on doit indiquer les procédés techniques nécessaires pour la d émarche du
traducteur. Ce dernier doit envisager un point de départ et, dans le même temps, élaborer dans
son esprit un point d’arrivée. Le processus de traduire implique dans ce cas que le traducteur

14 Zuzana Rakova, (2014), Les théories de la traducti on, Masarykova univerzita, Brno, p. 8.
15 Anca Luminița Greere, Translating for Business Purposes, Editura Dacia, Cluj -Napoca, 2003, p.35.
16 George Steiner, Dopo Babele. Aspetti del linguaggio e della traduzione. Milan : Garzanti (trad. ital.) , 1994,
édition originale : 1975. After Babel. Aspe cts of language and translation, p. 328.

15
doit explorer tout d’abord son texte, évaluer le conten u descriptif, affectif, intellectuel des unités
de traduction, les effets stylistiques, etc., mais il ne peut en rester là, il faut contrôler encore une
fois le texte pour être sûr qu’il n’a pas oublié des éléments de la langue de départ. Il faut souvent
employer pour un texte plusieurs techniques de traduction afin de le traduire correctement.
Le traducteur peut s’engager, grosso modo, dans deux directions : la traduction directe ou
littérale, et la traduction oblique.17
Les voies du processus de traduction peuvent être ramenés à sept, correspondant à des
difficultés d’ordre croissant, en pouvant s’employer isolément ou combiné. Vinay et Darbelnet
a introduit la notion de procédés de traductions en 1958, dans la « Stylistique comparée du
français et de l’ang lais ».
Le premier procédé est l’emprunt , le plus simple de tous les procédés de traduction. Le
terme est employé avec deux sens bien distincts : « action d’emprunter » et « chose empruntée
». De tels emprunts sont faits tout au long de l’histoire d’une la ngue, des emprunts anciens:
« alcool », « redingote », « joli » etc., ou des emprunts relativement récents, d’origine anglo –
américaine, comme « best-seller », « parking » etc. L’emprunt est utilisé en premier lieu par la
nécessité pour les utilisateurs d’u ne certaine langue de nommer une réalité nouvelle pour eux,
mais il faut fair e attention aux faux -amis et aux emprunts sémantique. Par exemple, un mot qui
existe dans une langue prend d’autres sens à cause de l’influence d’une langue étrangère : le
mot « realize » en anglais a enrichi le verbe français « réaliser » d’un nouveau sens : « se rendre
compte de ».
Le deuxième procédé est le calque , un procédé mixte d’enrichissement d’une langue. Le
calque est un emprunt d’un genre particulier : on emprunte à la langue étrangère le syntagme,
mais on traduit littéralement les éléments qui le composent. Il y a, soit un calque d’expression,
qui respecte les structures syntaxiques de la langue -cible, soit un calque de structure, qui
introduit dans la langue -cible une construction nouvelle.18
Ensuite, la traduction littérale , critiquée fortement par la majorité des théoriciens est une
traduction qui s’appuie mot pour mot sur le texte source. La principale caractéristique de ce
procédé de traduction est la rigidité et la manquer de fluidité. Les plus nombreux exemples de
la traduction littérale se trouvent dans les traductions effectuées entre les langues de même
famille, comme la langue française et la langue italienne et surtout issues de la même culture.
Toutefois, o n peut observer un certain nombre de cas de traduction littérale entre le français et

17 Zuzana Rakova , Les théories de la traducti on, Masarykova univerzita, Brno, 2014, p. 94.
18 Ibid, p. 97 .

16
l’anglais, à cause des coexistences des deux nations pendant des périodes de bilinguisme, qui
ont provoqué l’imitation consciente ou inconsciente de l’une ou de l’autre l angue.
Le principe de la traduction littérale reste axé sur les mots et syntaxes initiales, au risque
de les rendre peu compréhensible s dans un contexte historique différent. Le message résultant
de la traduction littérale, soit donnerait un autre sens, s oit n´aurait pas de sens, soit serait
impossible pour des raisons structurales, soit ne correspondrait pas au même registre de
langue.19 En outre, le problème de la traduction littérale apparaît toujours là où la langue n’est
pas suffisamment connue par les gens et, avant tout, elle apparaît quand les principes de bas e
de la traduction sont ignorés.
Le suivant procédé de traduction est la transposition , c’est -à-dire le remplacement d’ une
partie du discours par une autre, sans changer le sens du message. Dans le domaine de la
traduction, on distingue la transposition obligatoire et la transposition facultative, le traducteur
devant être prêt à utiliser la transposition si la tournure ainsi obtenue s’insère mieux dans la
phrase.
La modulation se caractérise par une variation dans le message d’un texte, obtenant un
changement de point de vue. Il y a des modulations libres ou facultatives et des modulations
figées ou obligatoires. La question de degré est la seule différence entre une modulation figée
et une modul ation libre. En ce qui concerne la modulation libre, cela consiste à présenter
positivement ce que la langue de dép art présentait négativement : Nu este dificil de -a arăta … :
« Il est facile de démontrer… », pendant qu’un exemple concret de la modulation o bliga toire
est la phrase suivante : Vremea în care qui est tr aduite par : « le moment où ». En conséquence,
une modulation libre peut devenir une modulation obligatoire quand elle est utilisée tellement
fréquente qu’elle est considérée la solution unique.
L’équivalence est un autre procédé qui a beaucoup évolué dans le contexte de la traduction
à travers les époques. Elle est caractérisée par l’utilisation d’un terme ou d’une expression
considérée comme équivalente dans la langue cible afin de décrire une même réalité. Le plus
souvent, elle est de nature syntagmatique et intéresse la totalité du message. Un exemple
d’équivalence est le cas des proverbes, comme « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » dont
le sens correspond au pr overbe roumain : Vrabia din mâna face mai mult decât cioara de pe
gard , c’est -à-dire qu’il n’y a nulle question d’oiseaux en français.
Le dernier procédé de traduction est l’adaptation . Dans Le Petit Robert, l’adaptation est
définie comme « Traduction très libre comportant des mo difications nombreuses qui mettent

19 Ibid, p. 98

17
[l'œuvre] au goût du jour ». J. Redouane en donne une définition plus précise dans TradGloss :
« Procédé de traduction qui substitue une autre réalité culturelle à celle de la langue source
lorsque le récepteur risque de ne pas reconnaître [identifier] la référence. » Les onomatopées
peuvent être des exemples pour l’adaptation, en français on assimile le chant du coq au son «
cocorico » alors que l’espagnol l’associe plutôt à « kikiriki ».
Enfin, il est bien entendu que, dans une même phrase, l’on peut recourir à plusieurs de ces
procédés, et que certaines traductions ressortissent parfois à tout un complexe technique qu´il
est difficile de définir; par exemple la traduction de « private» par « défence d´entrer » est à la
fois une transposition, une modulation et une équivalence.20
Depuis les années 1960, différents auteurs, comme Michel Ballard, Hélène Chuquet,
Michel Paillard, ont découvert d’autres procédés de traduction, tels que l’explicitation, c’est -à-
dire l’apporte de s précisions dans le texte de la langue cible ; la collocation, caractérisé par le
recours à une suite de mots généralement utilisés ensemble dans la langue cible ; et la
compensation, quand on ne pas rendre une allusion ou une connotation dans une partie du texte
et on doit compenser en la faisant apparaître plus loin.
Avec beaucoup d’humour, Magda Jeanrenaud, traductrice et professeure de traductologie
à l’Université de Iași, retrouve et décrit, dans le cycle dramatique « Chirița », de Vasile
Alecsandri, les sept techniques de traduction proposées par Vinay et Darbelnet. Le personnage
principal, sor te de précieuse ridicule moldave, singeant les habitudes des salons où l’on parle
français, n’hésite pas à recourir à l’emprunt, au calque, au mot -à-mot, et même à une
roumanisation du français et à une francisation du roumain dans un jargon franco -roumain tout
à fait hilarant. Ces pratiques traductionnelles, aux effets comiques chez Alecsandri, deviennent
tragiques chez Ionescu qui, dans sa leçon de traduction, intégrée à « La Cantatrice chauve »,
nous propose « […] un monde où tous les signifiants sont éq uivalents et concomitamment
s’annulent réciproquement, un monde où la différence est expulsée et où, à la limite, la
communication interhumaine n’a plus de sens, ni raison d’être. »21

20 Ibidem, p.101 .
21 Muguraș Constantinescu , (Page consultée le 11 septembre 2018), « La traduction littéraire en Roumanie au
xxie siècle : quelques réflexions », Érudit, Journals, Meta Volume 54, Number 4, décembre 2009, pp. 643 -890,
[en ligne] https://www.erudit.org/en/journals/meta/2009 -v54-n4-meta3582/038909ar/

18
1.3 Aperçu historique sur les relations franco -roumaines (XIXe-
XXIe siècles ). Le lien entre deux langues romanes

Moto : C’est la littérature française qui a créé la littérature roumaine au XIXe siècle. Comme la renaissance
italienne a fait dévier la littérature française de son ancienne voie, de même la littérature française de vait créer
une nouvelle littérature roumaine complètement différente des chroniqueurs et écrits religieux du XVIIe siècle
[…]. (Pompiliu Eliade).

Au XVIIIe siècle, l’influence française sur la culture et la civilisation roumaines
commence déjà. À cette ép oque -là, les princes phanariotes importent la culture française dans
les pays roumains. La langue française est utilisée par ceux -ci dans le cadre de leurs fonctions,
devenant langue de diplomatie et signe d’une société cultivée dans les territoires roumai ns. Les
boyards font venir de France des précepteurs qui enseignent le français aux enfants et aux gens
de la Cour, ainsi on commença à traduire les livres français en roumain. Le premier dictionnaire
frança is-roumain et roumain -français : Vocabular purtăr eț românesc -franțuzesc et franțuzesc –
românesc [« Vocabulaire portatif rouma in-français et français -roumain »] est rédigé par
J.A.Vaillant en 1839.22
L’influence française sur le roumain devient prépondérante à partir le XIXe siècle. Les
gens riches commence nt à envoyer leurs enfants étudier en France et un grand nombre
d’intellectuels, de diplomates et d’hommes d’affaires français arrivent également à Bucarest.
La capitale raffine particulièrement dans tous les domaines: la vie de bohème, les chansons dans
les bistrots et l’élégance des dames du XIXe siècle transforment Bucarest en un miroir de la
capitale française , dénommé « le Petit Paris ». Ensuite, l a littérature roumaine en gagne
énormément en termes de clarté et de brièveté . Aussi, il f aut remarquer qu ’à cette époque -là,
l’affinité et la sympathie entre les deux peuples, français et roumain, sont réciproques.
La Première Guerre Mondiale représente un moment d’apogée dans les relations franco –
roumaines. Les années 1920 -1940 représentent l’époque où l’att rait de la France se manifeste
presque dans tous les domaines: à ce point -là, la France est un modèle politique (notamment à
l’époque du grand diplomate roumain Nicolae Tit ulescu), culturel et artistique : les Universités
françaises y jouent un rôle signif icatif. Les écrivains francophiles qui expriment ouvertement
leur amour pour l e pays de Molière sont nombreux et on entend de plus en plus souvent dire

22 Ana Poalelungi L’influence du françai s sur le roumain , Paris: Société les belles lettres , 1973, p. 16.

19
que la chance de la littérature roumaine a été celle de devenir une sorte de p rovince littéraire de
la France .23
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, la France et la Roumanie se retrouvent adversaires
pour la première fois. Après 1945, le parcours francophone de la Roumanie commence à se
briser petit à petit. On commence à ne plus partager les mêmes orientatio ns politiques ; les
relations culturelles entre les deux pays se diminuent jusqu’à la disparition, la Roumanie entrant
sous la zone d’influence russe. Après 1948 , dans les écoles et les universités roumaines,
seulement le russe sera enseigné, les autr es langues étrangères seront supprimées, y compris le
français. La même année, l’Institut Français de Bucarest ferme ses portes et, avec lui, toutes les
autres écoles et centres d’études françaises. En 1993, après le retour à la démocratie, la
Roumanie adhère à la Francophonie institutionnelle. De cette manière, elle revient à la famille
francophone à laquelle elle a toujours été liée.
Aujourd’hui, l’ influence française est facilement reco nnaissable dans l’ esprit roumain :
en politique aussi bien qu'en ce qui c oncerne la législation, dans les œuvres littéraires, dans
l'approche administrative, dans l’ enseignement ou même dans la vie sociale. La langue
française s’impose progressivement et contribue à l’essor moderne de la langue et de la
littérature roumaine.
Ainsi, les textes roumains abondent en mots et en constructions qui sont connus par les
lecteurs français, et tout F rançais qui entame l’étude du roumain trouve immédiatement des
mots qui lui sont familiers. Ce sont, bien évidemment, des mots d’origine fran çaise, devenus,
dans le temps, d’authentiques mots roumains.24 À une époque où la Roumanie s’efforce de
s’affirmer sur le plan social et sur le plan linguistique, le rôle de la littérature est très important.
Encore, dans une perspective contrastive et chro nologique, les contextes éditoriaux constituent
une des facettes de l’asymétrie entre les cultures considérées ici.
Au XIXe siècle, paraissent surtout des traductions de contes du roumain en français, la
plupart publiées en France chez des éditeurs relati vement importants et dans des collections
promettant de l’exotique. La deuxième partie du XIXe siècle, les écrivains roumains
s’aperçoivent grâce aux traductions. I ls se dévouent à ce travail de plus en plus – combien leur
propre langue est pauvre et désor donnée, et décident de se livrer à la clarté et à la limpidi té du
français. Alors, dans ce sens, l ’emprunt et le calque des mots français contribuent énormément.
La la ngue s’améliore et se complète du point de vue lexical, grâce à un nombre considérable de

23 Gabriela Duda, Benjamin Fondane ou la conscience inquiète de la littérature roumaine , Bucarest.
24 Ana Poalelungi, L’influence du français sur le roumain , Paris: Société les belles lettres, 1973, p. 2.

20
néologismes, et aussi du point de vue syntaxique. En ce qui concerne l a poésie , celle -ci
s’enrichit, le registre des thèmes abordés s’amplifie, le style devient plus souple.
Pendant cette période, l es auteurs roumains portent un intérêt à leur propre lang ue. Ils
essayent d’améliorer des structures du roumain, et préservent l’ouverture vers les sources
françaises. On peut même affirmer que les c lasses cultivées sont bilingues, de sorte que
Corneille, Racine et Molière sont à l’honneur dans les bibliothèques . À travers le temps, l e
français et la sympathie pour la langue et le peuple deviennent une véritable tradition chez les
Roumains. L’intérêt pour la France circule aussi dans l’autre sens, comme on le voit chez des
person nalités roumaines adoptées et inté grées par les F rançais: Georges Enesco, Constantin
Brâncuși, Emil Cioran, Mircea Eliade, Eugène Ionesco.

1.4 Les genre s d’œuvres littéraires roumaines traduites en
français
Moto : « Les écrivains font la littérature nationale et les traducteurs font la litté rature universe lle. » (José
Saramago)

La traduction est un art plus compliqué qu ’il ne paraît. On peut dire que la question des
enjeux de la traduction dans le champ littéraire est un sujet trop vaste pour être abordé à fond
en quelques pages. Cela est ch argée de transmettre un héritage culturel et , ainsi, d’enrichir la
littérature, les structures mentales d’une époque par ce qui est vivant dans la tradition et aussi
par des structures de réflexion qui englobent toute une production humaine.
Dans cette cat égorie de textes littéraires, Reiss inclut les essais, biographies, lettres; la
prose imaginaire, avec des anecdotes, nouvelles, romans et la poésie sous toutes ses formes, à
partir de la poésie d idactique et ballades jusqu'aux poèmes .
Il est bien connu qu 'une œuvre littéraire est traduisible par essence, en raison qu’elle
vise le langage pur, jusqu’ alors dissimulé dans les langues. En conséquence, la traduction
littéraire demande des compétences en ce qui concerne le style, une bonne imagination et de
doma ines de connaissances culturelles.
Gelu Ionescu , essayiste, ancien professeur de littérature comparée à l’Université de
Bucarest, spécialiste en histoire de la traduction, embrasse une conception moderne de la
littérature et de la traducti on. S elon l ui, une littérature nationale signifie la littérature des auteurs
qui écrivent à un moment donné dans une langue, et aussi, dans la même mesure, la totalité des
œuvres qui circulent au sein de cette littérature et dont on discute dans cette langue, ce qui

21
compr end les traductions qui, dans la plupart des histoires littéraires, sont pourtant
complètement ignorées.25
La littérature roumaine en France est la littérature écrite par des auteurs roumains qui
sont traduits en français ou même qui écrivent directement en français ayant une thématique
liée principalement à la Roumanie. On sait très bien que la prose roumaine n’est pas la prose
française. Cela a ses caractéristiques propres et son cheminement intellectuel, parfois difficile
de suivre. On peut donner l’exemp le de l’auteur Augustin Buzura qui a œuvré sous la dictature,
ou juste après, en core imprégnés des contraintes d’ un tel régime. On peut affirmer que l’ exil
linguistique des écrivains tels: Elena Văcărescu (Hélène Vacaresco), Tristan Tzara, Panaït
Istrati, Emile Cioran, Mircea Eliade, Eugène Ionesco, Virgil Gheorghiu, Vintilă Horia,
Benjamin Fondane, Isidor Isou, Gherasim Luca, Dumitru Tsepeneag, Paul Goma, Bujor
Nedelcovici, Matei Vișniec a apporté au patrimoine francophone du XX -ième siècle un pilier
soute nant tout un pan de la modernité.26
Magda Jeanrenaud établit toujours le lien entre les analyses d’exemples, tirés également
des romans, des es sais ou des textes philosophiques, et une synthèse systématique des principes
et des universaux contextualisés par la culture, ce qui met en relief la complexité de l’acte
traductif.

1.4.1 Traduire les essais, la critique littéraire , les lettres

La traduction de ce type de textes s’intéresse surtout à la langue. Le traducteur cherche
à comprendre les œuvres en fonction de s auteurs, mais aussi bien en fonction du milieu social
et moral de cet auteur.
Pour faire un tour du côté de l’ essai, de la cr itique littéraire et du livre d’ histoire en ce
qui concerne les aute urs roumains, on doit parler de Mircea Eliade (1907 -1986), sa vant studieux
des mythes, écrivant dans cinq langues, à la reche rche des valeurs susceptibles d’aider l’ homme
contempo rain, historien des religions, philosophe et romancier roumain. Il reste surtout connu
pour ses essais , son œuvre étant traduite en de nom breuses langues. Eliade appartient à ces très
rares intellectuels qui ont tout lu. Il s’est presque autant intéressé aux littératures qu’aux
religions, rapprochant des domaines très vastes, comme l’histoire de la culture et de la
littérature, la critique e t la création littéraires, ayant une activité de mémorialiste et de diariste.

25 Ana Poalelungi, L’influence du français sur le roumain , Paris: Société les belles lettres, 1973, p. 62.
26 Ibid, p. 65.

22
Emil Cioran (1911 -1995) , philosophe et écrivain d’expression roumaine puis française
à partir de 1949. L’essayiste et moraliste roumain bâtit une œuvre empreinte de scepticisme et
de désillusion. Le premier livre d’Emil Cioran est paru en 1934 en Roumanie ( Pe culmile
disperării [« Sur les cimes du désespoir »]) et a obtenu le Prix des jeunes écrivains roumains.
Peu après sont parus les volumes Cartea amăgirilor (1935) [ « Le livre des leurres »],
Schimbarea la față a României (1936) [ « La transfiguration de l a Roumanie »], Amurgul
gândurilor (1940) [ « Le crepuscule des pensées »].
Dans les traductions de Cioran, on peut observer une tendance flagrante de réduire
l’excès verbal, les répétitions, les redoublements synonymiques, les explications trop longues.
En roumain, les mots, les expressions, et les phrases mêmes sont redoublés et se font écho à
l’intérieur du texte.27 À cause de la difficulté de l’écriture cioranienne, dans les traductions en
français, on a souvent affaire a une collaboration entre traducteu rs, ainsi Sanda Stolojan partage
son travail avec celui de Cioran lui -même ou Vincent Piednoir avec Gina Puică.
Ensuite, George Banu (n. 1943) a enrichi le domaine de l’ essai théâ tral français avec
des œuvres d’ une r ichesse singulière. Son dernier ouvrage, « Les voyages du comédien », paru
dans la colle ction « Pratique du théâtre » des Éditions Gallimard peut se lire aussi comme un
roman théâtral ou même comme un livre de réflexion philosophique sur la création artistique
contemporaine. L’auteur Matei Cazac u, historien de professio n, régale depuis longtemps le
public français avec ses recherches insolites et son regard inattendu sur des personnages comme
Gilles de Rais ou Dracula .

1.4.2 Traduire la prose imaginaire roumaine (contes de fées, nouvelles,
romans)

Les traductions du roumain en français sont plus souvent le résultat d’un effort
institutionnel. Les auteurs roumains n’arrivent que peu ou pas du tout à se faire connaître dans
le texte et dépendent dans une très grande mesure des traductions pour atteindre un pu blic autre
que celui national.
Ion Creangă (1837 -1889) est le conteur le plus aimé de la Roumanie, un conteur
d’inspiration populaire, génie oral qui savait raconter comme per sonne la po ésie et la misère de
la paysanne rie de son pays (XIXe siècle).

27 Andreea Maria Blaga, Cioran entre la traduction et l’original : le cas de la Traduction française des larmes et
des sain ts, Université Jean -Moulin , Lyon .

23
Virgil Gheorghiu a eu le plus grand su ccès à un moment donné avec son roman « La
vingt -cinquième heure », porté aussi à l'écran avec Anthony Quinn dans le rôle principal.
Les romans de Panait Istrati , parmis lesquels « La Jeunesse d’ Adrien Zograffi »,
« Tsatsa -Minnka », se lisent à bout de sou fflé. Istrati reste un écrivain unique, tant dans la
littérature roumaine, que dans celle française, surtout par des gens surpris, par ses héros qui
vivent violemment le drame de la lutte avec la fatalité, le destin considéré comme étant un
donné auquel pe rsonne ne peut résister. Istrati a été son propre traducteur, parce qu’il a toujours
voulu être un écrivain roumain, malgré le fait qu’il a écrit d’abord en français à une époque où
il ne maitrisait pas parfaitement cette langue.
Un autre roman d’Istrati , Ciulinii Bărăganului [« Les Chardons du Bărăgan »], un
roman exotique, d'une grande puissance, mêle des images pleines de couleur et de relief dans
un français dépouillé de rhétorique. Sa sensibilité et sa voix roumaine perturbent et attirent le
lecteur fr anco phone. Celui -ci découvre un monde de sauvagerie hanté par de splendides
légendes, écrasé par les traditions de la servitude, mais qui peut basculer en un instant, de la
résignation dans la révolte. Un francophone non roumain n’ a pas de difficulté à acc epter ces
grains de la poussière natale, ces fantasmes du sablier év oqués par Tsepeneag. Le roman
d’Istrati contient une centaine de tels mots -clé ou syntagmes évocateurs mis en italiques et
expliqués pour la plupart soit dans le texte, soit en bas de page : « Yalomitséan » (habitant des
bords de la Yalomitsa, affluent du Danube qui traverse la plaine du Bărăgan), « băltăretz » (qui
habite les marais (baltă), « doudouca » (mademoiselle), « strakina » (assiette creuse en terre
cuite), « doïna » (mot intraduct ible, mais le contexte, « doïna jouée à la flûte » explique le sens);
« fată mare » (vierge), « la goura sobei » (devant l'âtre) etc.
Figure très célèbre de la littérature de l’ entre deux guerres, son œuvre fut interdite en
France durant la guerre, et en R oumanie durant le régime communiste. Elle est rééditée en
France à partir des années 1960.

1.4.3 Traduire la poésie roumaine (poésie didactique, ballades, poèmes )
Traduire la littérature, notamment la poésie, qui occupe un e place centrale, repose sur
certaines règles différentes au regard à la traduction des textes spécialisés. Ainsi, les traducteurs
doivent tenir compte du type de texte à traduire pour pouvoir transmettre le message adéquat
dans la langue d'arrivée. En traduction, la compréhension est une app roche essentielle.
Il y a quelques options recommandées en ce qui concerne ce type de traduction. Ainsi,
traduire p eut signifier rendre les mots ou les idées de l’original, créer un travail original ou faire

24
juste une traduction, récréer le style de l’orig inal ou imposer le style du traducteur, faire une
traduction contemporaine de l’auteur ou faire une traduction contemporaine du traducteur,
enlever à l’original ou ajouter à l’original, traduire la poésie en prose ou traduire la poésie en
vers.
Quand on p arle de la poésie roumaine, on doit mentionner Mihai Eminescu (1850 –
1889), le plus célèbre poète romantique de Roumanie. Ses poèmes les plus connus sont
Luceafărul (Hypérion) – (L'étoile du Nord ), Odă în metru antic (Ode en métrique ancienne ), et
les cin q Scrisori (Épitres ). Lucian Chișu affirme que « étant profondément roumain, Eminescu
est universel. Ceci est bien connu de tous ceux qui lisent avec regret que le cadenas des langues
ne peut s’ouvrir avec des clés étrangères. Bien des tentatives ont été faites pour transposer
l’œuvre du poète, maintes, pourrait -on dire, mieux abouties, mais Eminescu n’est lui -même
qu’en roumain ».28 L’œuvre d’Eminescu a tenté sept ou huit auteurs français, ayant eu, à une
ou deux exceptions près, un contact direct avec la langue et la culture roumaines, et une
quinzaine de traducteurs d’origine roumaine, parfois vivant ou ayant vécu en milieu
francophone. Ce n'est pas sans quelque sincère nostalgie qu’on constate les bonnes intentions,
l'enthousiasme et l'optimisme des trad ucteurs éminescologues qui depuis plus d’un siècle
œuvrent dans ce champ, car les résultats ne sont pas à la mesure de tous ces efforts. Même si
elle ne privilégie pas les meilleures versions, l’œuvre d’Eminescu a suscité l’intérêt et a fait
parler d’elle dans l’univers francophone : la circulation des versions en français des poèmes
d’Eminescu – tirages, rythmes de rééditions, présence dans les bibliothèques publiques,
accessibilité, géographie de la dissémination éditoriale, présence sur Internet semble g arantir
une présence d’Eminescu dans la conscience des lecteurs contemporains.
La traduction des textes poétiques est faite dans le respect de la poéticité du texte, mieux
rendue parfois par le vers blanc et un rythme donné. Dans la traduction de la poésie moderne,
inspirée par le surréalisme, la littéralité coïncide souvent avec la littérarité. Ainsi , la traduction
mot à mot peut rendre un bon service à la traduction du littéraire.
La poés ie roumaine contemporaine fleurit en France, vue la complicit é d’un groupe de
petits , mais aussi de grands éditeurs de poésie . Il est impossible de donner ici la liste complète
de poètes roumains édités en France, mais on peut mentionner ici Ioan Es. Pop avec le recueil
« Sans issue » paru aux Éditions L'Oreille du Loup, et Ion Mureșan avec « Le mouvement sans
cœur de l'image », Éditions Belin , Ana Blandiana, Dinu Flamand, Linda Maria Baros . La
poésie reste encore un genre littéraire ex trêmement puissant en Roumanie.

28 Lucian Chișu, « Eminescu tradus », Caiete critice, 1/2010, p. 52 .

25
Chapitre 2. La traduction en français des contes de fée s
roumains

Moto : « Un jour vous serez assez vieux pour commencer à lire des contes de fées de nouveau. » (C. S. Lewis)

À mon avis, une traduction réussite demande au traducteur de conserver la syntaxe littérale
du texte d’ origine et aussi d’y intervenir personnellement le plus rarement possible. Une
question essentielle en littérature, c’est de s’interroger sur ce que l’auteur a voulu dire. Le
traducteur littéraire doit s’ attacher à reproduire le s effets de la littérature, cette dernière étant
considéré e comme une science des effets.
Pour commencer, le conte a depuis toujours sa place d’un bout à l’autre de notre univers.
On peut dire que les contes de fées, c’est -à-dire les contes traditionnels, mais aussi le contes
d’auteur ayant acquis un niveau de po pularité similaire constituent un tel « réservoir culturel »
par les sujet s traités, par les motifs, les personnages et le vocabulaire. Il est important de penser
aux noms de personnages, aux formulettes, aux syntagmes spécifiques que les individus
reprenn ent dans d’autres types de textes afin de leur imprimer justement une marque culturelle,
et de s’approcher davantage du destinataire de leur message.29
Puisque les contes de fées sont liés si in timement à la culture source, il est adéquat de nous
poser la question de savoir si les contes peuvent ou non être traduits. Il y a beaucoup de livres
dans les bibliothèques et le s librairies du monde pour dire que la réponse e st affirmative, mais,
malgré cela, on doit analyser ce que cette « traduction » des contes signifie. On sait bien que
les contes peuvent être traduits, mais le rôle qu’ils jouent dans la culture cible est inévitablement
différent . Un roman peut jouir d’une fonction plus ou moins semblable en variante originale et
en traduction, mais cela n’est p as le cas des contes de fées, qui sont des textes fondateurs d’une
culture.
Jean-Jacques Vincensini définit ainsi le conte : « il raconte des événements imaginaires,
voire merveilleux ; sa vocation est de distraire, tout en portant souvent une morale ; il exprime
une tradition orale multiséculaire et quasi universelle ».
Dans « Le conte de fées du classicisme aux Lumières », Jean -Paul Sermain note que « on
ne sait pas pourquoi [le conte de fées] a été écrit ou lu ». Ainsi , il met en question son utilité et
sa finalité.

29 Alina Pelea, De la traduction des contes et de leur(s) public(s) , Studia Universitatis Babes -Bolyai, 2003, p. 30.

26
Charles Perrault, auteur de contes de fées , affirme q ue les contes de fées ne sont pas « de
pures bagatel les » et qu’ils sont porteurs d’ « une morale utile ». Il considère, le plus souvent,
que les contes de fée classiques mettent en évidence les principales valeurs approuvées par la
société dans laquelle ils ont été c réés. Pourtant , le message dominant est que la vertu, le bon
sens, la persévérance et l’honnêteté sont tôt ou tard récompensés. L’intention du conteur est
même de « faire entrer plus agréablement dans l ’esprit » ces morales, ce qu’est plus qu’une
simple alliance du plaisir et de l’enseignement.30 Mais, quand les contes de fées sont racontés
dans une autre langue , leur rôle de mémoire culturelle est altéré, et aussi, ceux -ci n’initi èrent
plus les enfants à la culture dans laquelle ils sont nés.
Toutefois, les contes de fées traduits introduisent certaines valeurs communes aux deux
cultures, en notre cas la culture roumaine et celle française .
Ils changent forcément d e statut quand ils sont transplantés dans une autre culture. Ces
contes transposés dans un espace étranger n’intéresseront plus l’adulte que s’ils font ressortir
justement ce qui est inconnu aux yeux de ce dernier, la différence entre les mémoires culturelles
source et c ible. De tout e façon, on sait que les contes originaux se prêtent à la lecture de tel ou
tel public dans des mesures différentes. N ous pouvons prendre ici le cas de l’ œuvre d’Ion
Creangă , « Le conte d es contes », où il est impossible d’envisager une versio n « atténuée » pour
s’adresser à un public jeune.31
Ainsi, le traducteur des contes de fées se confronte, en plus , à des difficultés linguistiques,
à un transfert de rôle, de fonction du te xte, c’est -à-dire à des choix sensibles. Dans le cas des
contes de f ées transmis par la tradition orale, mais conservés dans des versions écrites , et dans
le cas des contes d’auteur très populaires, ce changement considérable de la fonction du texte
par la traduction ne peut pas être évité.
La traduction des contes de fée s illustre parfaitement le fait que les stratégies des
traducteurs sont différentes en fonction du bu t de la traduction et du public . Pendant que traduire
des contes pour les adultes a pour but d’informer sur les différences entre les deux cultures,
dans le cas d es traductions pour les enfants, les enjeux sont plus grands, c’est -à-dire que le texte
doit toucher beaucoup de lecteurs et contribuer à leur formation intellectuelle et morale, on peut
dire, à leur ouverture face à « l’autre ».

30 Muendoli (Page consultée le 27 novembre 2018), « Quelles fonctions pour le c onte de fées ? », 18 août 2011
[en ligne], http://muendoli.over -blog.com/article -des-fonctions -pour-le-conte -de-fees-81832548.html
31 Alina Pelea, De la traduction des contes et de leur(s) public(s) , Studia Universitatis Babes -Bolyai, p. 31.

27
2.1 Commencements . Les auteurs et les œuvres

Moto : « Une œuvre non traduite n’est qu’à demi publiée. » (Ernest Renan)

À travers les générations, en Roumanie, la littérature pour enfants et jeunes adultes a
commencé par l’utilisation de l’art traditionnel, des contes fol kloriques et des histoires ayant
été transmis oralement. Ces créations, inspiré es par le folklore, ont été remanié es avec talent
par des écriva ins roumains reconnus. Ils leur donnent une forme classique, assurant au fil du
temps le succès littéraire. D’hab itude, dans notre pays, on rencontre des œuvres écrites par les
auteurs sous forme de chansons. Parmi celles -ci, un grand succès représente les poèmes épiques
et initiatiques. Dans la même mesure, les histoires et les textes en prose ont rencontré un large
succès littéraire auprès du public et des maisons d’éditions. Ils furent réimprimés plusieurs fois,
à la demande du public.32
Avant tout, en ce qui concerne la traduction en roumain des contes de fées françaises,
on peut penser d’abord à la traduction du c onte de Perrault faite par Caragiale. Donc, en 1908,
lorsque Caragiale quand il publie dans Convorbiri critice (« Entretiens critiques »), repris
ensuite en 1910 dans Schițe Nouă (« Esquisses nouvelles »), le conte intitulé Făt Frumos cu
Moț în frunte (« Beau Vaillant à la Houppe ») portant le sous -titre « Imitation », il déclare être
le premier à rendre ce conte en roumain. Son affirmation est vraie, car le premier volume
réunissant les contes de Perrault en version roumaine date seulement de 1914 et est s igné I.
Rășcanu. Ainsi, n ous avon s affaire à un e traduction -introduction, qui suppose des ajustements
du texte.
En ce qui concerne la traduction en fran çais des contes de fées roumain s, le conte
merveilleux, devenu en Occident littérature d’amusement pour les enfants et les paysans ou
d’évasion pour les gens de la ville, présente néanmoins la structure d’une aventure infiniment
grave et responsable . Ce type d’œuvre se réduit, en somme, à un scénario initiatique : on
retrouve toujours les épreuves initiatiqu es (luttes contre le monstre, obstacles en apparence
insurmontable s, énigmes à résoudre, travaux impossible à accomplir etc.), la descente aux
Enfers ou l’ascension au Ciel, la mort et la résurrection, le mariage avec la Princesse. Sans se
rendre co mpte, e t tout en croyant s’amuser, ou s’évader, l’homme des sociétés modernes
bénéficie encore de cet te initiation imaginaire apporté par les contes. On commence aujourd’hui

32 Ruxandra Naza re, L’Album en Roumanie , Traduction en français : Céline Huault, Bibliothèque publique
George Baritiu Brasov, Roumanie, 2012, p. 3

28
à se rendre compte que ce que l’on a ppelle « initiation » coexiste avec la condition huma ine,
que toute existence se constitue par une suite ininterrompue « d’épreuves », de « morts » et de
« résurrection s ».
Dans la première moitié du XXe siècle, période d’une relative effervescence dans les
relations franco -roumaines seules , deux parutions m arquent la traduction de contes roumains
en français. Les deux en France et sous les meilleurs auspices éditoriaux. Ainsi, e n 1927, les
Éditions Gambier publient les Contes roumains recueillis et traduits par Nicolae Iorga dans un
beau livre illustré par N adia Boulouguigne . De toute évidence, les contes ne s’adresse nt pas aux
enfants, mais à un public général. En 1931, Maisonneuve Frères – éditeur spécialisé dans la
publication des contes et des légendes, aujourd’hui Maisonneuve et Larose – font paraître le
premier volu me contenant tous les contes d’Ion Creangă en version française, signée par Stoian
Stanciu et Ode de Chateauvieux Lebel. Comme le préfacier est le même Nicolae Iorga, principal
promoteur de l’École roumaine de Paris, il est possible d’y voir u ne continuation de l’entreprise
de 1927. Cette fois -ci, le volume fait partie d’une collection dont le nom oriente clairement les
attentes des lecteurs : « Les littératures populaires de toutes les nations », mais qui fait que
l’auteur des textes soit mis sur une position seconde. C’est le caractère populaire et,
implicitement, national qui est annoncé comme prévalant, ce qui se confirmera d’ailleurs au
niveau des stratégies de traduction.33
En Roumanie, la littérature pour enfants et jeunes adultes a comme ncé par l’utilisation
de l’art traditionnel, des contes folkloriques et des histoires ayant circulé et ayant été transmis
oralement à travers les générations. Ion Creanga (1837 -1889) et Mihai Eminescu (1850 -1889)
sont les deux plus grands auteurs de grands classiques de la littérature moderne roumaine. Ils
ont largement contribué à la littérature de jeunesse en apportant quelques -unes des plus belles
histoires pleines de rebondissements. Il n’est pas étonnant de constater que ces créations ont
attiré l’atte ntion des illustrateurs.
Les traductions qui, à travers des préfaces, ou par l’appartenance à une collection
spécialisée, ou par le profil de la maison d’édition, définissent leur public. Les éditions « Le
Livre » publient en 1955 les Œuvres d’Ion Creangă dans la traduction d’Yves Auger (« Les
Souvenirs d’enfance ») et d’Elena Vianu (« Contes et récits ») que reprend la maison
« Minerva » dans une édition bilingue de luxe en 1963. Au début des années 1980, la traduction
de Capra cu trei iezi (« La chèvre et ses trois biquets ») et celle de Punguța cu doi bani (« La

33 Alina Pelea , (Page consultée le 9 mars 2019) « Autour d’un échange inégal : contes roumains en français vs.
contes français en roumain », Translationes, Volume 5, 2013, , [en ligne] :
https://www.degruyter.com/downloadpdf/j/tran.2013.5.issue -1/tran -2014 -0089/tran -2014 -0089.pdf

29
bourse aux d eux liards ») seront rééditées en coédition, ce qui est un signe de leur qualité et de
leur adaptabilité à des contextes éditoriaux divers.
Une autre génération d’auteurs roumains, éga lement poètes, a contribué à
l’enrichissement de la littérature de jeunesse avant et pendant la Première Guerre Mondiale :
Elena Farago (1878 – 1954), Tudor Arghezi (1880 -1967), et Otilia Cazimir (1894 -1967). Ils ont
ouvert une nouvelle page dans la publica tion d’œuvres de littérature jeunesse. Elena Farago a
écrit plusieurs poèmes à visée éducative et morale, inspirés par les épreuves issues de l’univers
sensible de l’enfance. Auteur de plusieurs pages d’anthologie, Otilia Cazimir a recréé avec
délicatesse et naturel la perception du monde au travers des yeux des enfants, surprenant de
spontanéité, d’innocence et empreinte de psychologie enfantine. Les travaux de ces deux
auteurs demeurent encore de nos jours très lus, tant par les enfants que leurs éducateu rs.34
On peut remarquer que, dans chaque décennie de la période 1950 -1989, il y a eu au
moins deux éditions de conte s roumains traduits en français. Mais, derrière le nombre de
traductions, il y a peu de diversité dans le choix des textes. Ion C reangă et Petre Ispirescu sont
de loin les plus présents dans le corpus, ainsi les lecteurs francophones ont accès aux contes
roumains « fondamentaux ». Littérairement parlant, les deux auteurs sont les plus représentatifs
pour le genre.
Si l’on compare le s traductions de Charles Perrault en roumain et celles de Ispirescu en
français, on peut observer qu’une seule des traductions de Perrault s’attache à informer un
public lettré au sujet de cet auteur et de son œuvre, tandis qu’une seule traduction de conte s
roumains, c’est -à-dire les contes de fées de Petre Ispirescu, semble exclusive ment destinée aux
enfants. Cela se passe parce que les besoins et les atteint es des destinataires sont différents, en
effet, c’est une des marques de la double asymétrie qui ex iste entre les deux cultures roumaine
et française, et aussi entre les statuts des auteurs des textes d’origine au niveau mondial.35
Regardant le nombre de maisons d’édition roumaines qui publient des contes des auteurs
français et la taille minuscule de be aucoup d’entre elles, on constate que, sur le marché roumain,
les auteurs étrangers sont considérés comme une garantie du succès, à la différence de ce qui
se passe en France. Donc, l’édition de luxe des Œuvres de Creangă (1963) est publiée à 8000
exemplaires. De même, les contes d’Ispirescu traduits en français par Annie Bentoiu (1979)
paraissent en à peu près 11.000 exemplaires et les Contes populaires roumains traduits par
Micaela Slăvescu en un peu plus de 7 .000 exemplaires. Par contre, les traductions de Perrault

34 Ruxandra Nazare, L’Album en Roumanie , Traduction en français : Céline Huault , Bibliothè que publiqu e
George Barițiu Braș ov, Roumanie , 2012, p. 3 .
35 Alina Pelea, De la traduction des contes et de leur(s) public(s) , Studia Universitatis Babes -Bolyai, p. 32.

30
sont publiées à des dizaines de milliers d’exemplaires, voire plus (la première édition de la
traduction de Teodora Popa -Mazilu, parue en 1968, à un tirage de 130.175 exemplaires ). Les
recueils de contes se prêtaient particulièrement bien à ces fins puisqu’ils servaient comme livres
de prix. Leur impact est ainsi double, puisqu’ils touchent un grand nombre de lecteurs et encore
des plus jeunes.
Après 1989, t rois maisons d’édition françaises (l’Harma ttan, Albin Michel Jeunesse,
Gründ) publient des contes roumains traduits en français et à chaque fois avec la participation
de Roumains à l’entreprise. La seule auteure contemporaine dont les contes sont traduits en
français est Elvira Bogdan. Le fait que , entre 1985 et 2002, en France, l’augmentation des
traductions de livres pour la jeunesse est exponentielle ne semble pas avoir une influence
significative sur la présence des contes roumains sur ce marché. Ainsi, en Roumanie, la
politique d’exportation l ittéraire étant passée de mode, c’est pourquoi il n’y a qu’un volume de
contes roumains traduit en française qui voit le jour. Il s’agit d’une édition augmentée du recueil
traduit en 1979 par Micaela Slăvescu, volume publié par les Éditions Cavalioti en 19 94 et en
2002, contenant des textes et des auteurs initiaux, mais aussi un conte d’Eminescu, deux contes
de Creangă et plusieurs contes facétieux qui y sont présentés.

2.2 La traduction en français. Transfert de culturèmes

Moto : Une traduction est mauva ise quand elle est plus claire, plus intelligible que l'original. Cela prouve qu'elle
n'a pas su en conserver les ambiguïtés, et que le traducteur a tranché : ce qui est un crime. (Emil Cioran)

Le processus de traduction littéraire est conçu comme une opé ration par laquelle le
traducteur fait revivre un texte , dans ce contexte, un conte de fées en roumain , dans un contexte
culturel cible, ici la culture française.
La traduction en français des contes de fées roumains implique d eux obstacles qui
doivent êtr e surmontés : un ob stacle d’ordre linguistique et un obstacle d’ordre culturel, générés
par les réalités psycho -sociolinguistiques.
Au cours de la transposition culturelle, on sait que les contes de fées sont soumis à de
nombreuses pertes signifiantes. Cha rgés d’éléments matériels de la culture de la langue de
départ, dans ce cas de la langue roumaine (par e xemple, habits) et d’éléments immatériels (tels
que folklore, patois, légendes, mythes, habitudes, us et coutumes, mœurs, rites, traditions, fêtes,
etc.), les contes de fées s’avèrent très difficile à transposer.

31
Pris comme phénomène transculturel, l es conte s de fées comportent des éléments
porteurs d’information culturelle, ainsi, l’unité minimale porteuse de cette information
s’appelle « culturème ». D’une part, les composants du conte de fées qui créent la couleur locale
exprimée par des éléments relatifs à la culture sont plus facilement repérables dans la langue
réceptrice . D’autre part, le traducteur doit recourir à des procédés de traduction imposés par la
langue source en ce qui concerne la transposition des références culturelles matérielles et
immatérielles qui renvoient au système des cu lturèmes de la langue d’origine .36
La traduction en français d’un conte de fées roumain pose certaines difficult és, tels que
la traduction des titres ; la traduction des noms propres ; la traduction des jeux de mots, des
paronomases, des assonances ; la traduction des trop es et des figures de pensée ; la traduction
des proverbes, des dictons et des expressions idiom atiques. Pour être capable de traduire un tel
texte, le traducteur utilise des stratégies réparties en trois types, c’est -à-dire la traduction
adaptée, la traduction ethnocentrique et la traduction littérale.
Pour commencer, la traduction -adaptation, prise comme stratégie de traduction, signifie
le remplacement d’une relation socioculturelle de la langue d’origine , dans ce cas de la langue
roumaine, par une relation sociocul turelle spécifique à la langue cible , la langue française, et
doit respecter « le re gistre de la langue, même si l’él ément étranger est perdu ». Ce type de
traduction est utilisé dans le cas des realia qui déno tent la spécificité nationale. Ici, on prend
l’exemple des usages traditionnels, coutumes, mœurs, habillement, habitat, etc., tou tes étant
porteuses des valeurs culturelles de la langue source.37
Dans le cadre de la traduction littérale, la traduction des noms propres monoréférentiels,
porteurs de la marque d’un réfé rent unique restent inchangés dans la langue cible, mais il y a
aussi des noms propres des contes de fées qui sont so umis à un transcodage graphique. Dans
cette catégorie sont compris les noms propres des personnages folkloriques, les cours d’eau
imaginaires et les noms de montagnes imaginaires, la dénomination des habitan ts d’un lieu -dit
imaginaire, les noms propres des animaux imaginaires. On peut dire que ce sont de vraies
marques de la culture dans les contes de fées roumains, car ils introduisent dans le texte cible
des sonorités étrangères. Toutefois, t ransposés dans le système culturel récepteur, les noms
propres représentant des personnages typique s des contes populaires roumain s ne doivent pas

36 Nina Cuciuc , (Page consultée le 30 décembre 2018), « Traduction culturelle : transfert de culturèm es », La
linguistique, 2011/2 (Vol. 47), p. 137 -150. DOI : 10.3917/ling.472.0137, [en ligne] : https://www.cairn.info/revue –
la-linguistique -2011 -2.htm -page -137.htm
37 Nina Cuciuc , (Page consultée le 30 décembre 2018), « Traduction culturelle : transfert de culturèmes », La
linguistique, 2011/2 (Vol. 47), p. 137 -150. DOI : 10.3917/ling.472.0137, [en ligne] :
https://www.cairn.info/revue -la-linguistique -2011 -2.htm -page-137.htm

32
être sentis comme improno nçables en français. La tâche du traducteur est d’adopter une
stratégie qui puisse mettre en éviden ce l’originalité, la valeur symbolique et la préservation de
la sonorité du culturème francisé, cette démarche doit faciliter la prononciation de ces éléments
par le lecteur de la culture réceptrice . Une stratégie placée entre la traduction -adaptation et la
traduction -assimilation qui peut aider à la conservation de l’identité culturelle du texte original.
Dans le cadre de la traduction littérale, c’est -à-dire la traduction mot à mot, le traducteur
recourt à la translittération du nom propre du personnage des contes, en francisant son
orthographe. Dans la traduction de ces noms, le traducteur doit tenir compte de plusieurs
contraintes, comme le confort de lecture ou les normes de la culture française, et aussi des
certaines variables, comme la familiarité d u public cible avec la culture roumaine ou l’existence
et l’impact des traductions antérieures.
Ici il en existe deux catégories plus importantes. La première est constituée par les
culturèmes simples (ou monoculturèmes), traduits du roumain en français, ou se prêter à une
traduction ethnocentrique, par exemple Sarsailă (le nom du chef des diables) = le diable. Le
deuxième cas est le cas d es culturèmes composés, le traducteur se situe faisant recours à la
traduction -adaptation, en utilisant des équivalences culturelles pour nommer certains
personnages importants .

Culturèmes simples (monoculturèmes) Culturèmes composés
En r oumain En français En r oumain En français
Aliman Alimane Făt-Frumos Beau -Vaillant/Bel -Enfant
Cîrmîza Kirmiza Baba Hîrca la vieille sorcière
Dafin Daphin Barbă -Cot Barbe -au-Vent
Păcală Pacala Statu -Palmă –
Barbă -Cot Haut -Empan -Barbe -au-
Vent
Arap Harap Ucigă -l Toaca le Diable
Sarsailă le Diable Cruce de Aur le Diable

33
Les noms propres connotatifs (motivés sémantiquement), occasionnels, passés de la
classe des noms communs dans la cl asse des noms propres sont s oumis à une traduction oblique,
laissant intact le constituant fonda mental de l’unité de traduction.

Les noms propres connotatifs
En roumain En français
Zorilă -Zori de Zi Sirius -Étoile du Matin
Arap Negru Harap Noir
Busuioc Făt-Frumos Basilic le Prince Charmant
Tudor cel Viteaz Toudor le Courageux
Sfînta Miercuri la Sainte Patronne du Mercredi
Muma -Pădurii Mère -des-Forêts
Laur -Balaur Laour -Balaour

En ce qui concerne le culturème Ileana Cosînzeana , qui renvoie, sur le p lan descriptif à
« la Belle suprême » et « la Belle aux cheveux blonds ». Pourtant, ce nom propre roumain jouit
d’une large gamme de traductions en français : Ileana Cosânzeana (avec les dérivés :
Cosînzeana, Cosenzeana, Sânziana, Sînziana, Rozoleana) a be aucoup des équivalents en
français, ou on le trouve également en transcodage graphique – Ileana Kossinzana et Hélène
Cossinzana. L’auteur donne la traduction suivante dans une note, « Hélène -Longue -Natte,
Hélène -à-la-Tresse -d’Or (en roumain). Il reste à aj outer le dernier polyculturème de cette série
rendu en français par une traduction littérale : Ileana Cosînzeana Sora Soarelui = Hélène –
Longue -Natte -Sœur -du-Soleil.38

38 Nina Cuciuc , (Page consultée le 30 décembre 2018), « Traduction culturelle : trans fert de culturèmes », La
linguistique, 2011/2 (Vol. 47), p. 137 -150. DOI : 10.3917/ling.472.0137, [en ligne] :
https://www.cairn.info/revue -la-linguistique -2011 -2.htm -page-137.htm

34

Il serait surprenant de trouver des contes de fées sans personnages royaux, qu’il s’ag isse
de rois, de reines, de princes, de princesses et d’autres. Les noms des fils et filles des rois –
princes et princesses – personnages inhérents aux contes de fées complètent l’atmosphère
royale, ne sont pas toujours facile à traduire.
Împãratul asfi nțitului traduit mot à mot, signifie « le roi du ponant » – est remplacé par
Roșu Împãrat , à cause de la difficulté de traduction et l’inexistence d’une correspondance
lexicale dans la culture française .

Les noms des rois
En roumain En français
Verde Îm părat le Roi Vert
Roșu Împãrat le Roi Rouge
Negru Împãrat le Roi Noir
Împãratul asfințitului le Roi Rouge
Ileana
Cosînzeanala Belle aux
cheveux
blonds
Ileana
Kossinzana
Hélène
Cossinzana
Iliane aux
tresses d’orHélène -à-la-
Tresse -d’OrHélène –
Longue –
Natte

35
Ensuite, quant à l’unité lexica le roumaine fecior de crai et făt-logofă t, ils perdent leur
statut de culturèmes, car il n’exis te pas de termes é quivalents en français . Aussi, crăiș or connaît,
dans la même mesure , plusieurs variantes.

La toponymie imaginaire , les noms propres des lieux, les lieudits, les gentilés, les cours
d’eau, les noms de montagnes, impliqué par toute traduction l’emprunt direct réalisé par la
translittération et la traductio n littérale.

La toponymie imaginaire
La translittération La traduction littérale
En roumain En français En roumain En français
Baraboeni Baraboéni Pumnești Poignéchty
Frăsineni Fracinéni Bicești Fouettechty
Codrii Vineți forêts bleues
Munții de Aramã Montagne d’Airain
Mana Cîmpului Manne -du-Champ Fecior de
crai
le fils du
roi
le fils du
prince
le prince Făt-logofăt
(au pluriel
feți-logofeți)
fils du roi
fils des
rois
Crăișo r
fils du roi
petit prince

36

Les dénominations des êtres fantastiques des contes de fées posent un problème très
unique en traduction. Les noms propres d’animaux et d’oiseau x imaginaires humanisés, c’est –
à-dire dotés de pouvoirs magiques sont les animaux les plus fidèles aux personnages positifs,
par leur force protectrice, toujours prêts à des exploits glorieux, dans des luttes téméraires, pour
sauver la vie de leurs ma îtres, de leurs amis . Leur traduction en français implique les mêmes
procédés techniques de traduction qu’on a mentionnés précédemment : la translittération, la
modulation ; la paraphrase .

Les dénominations des êtres fantastiques
En roumain En français
Găitan (nom de cheval) Gaïtan
Albul -cudalbul (nom de cheval) Alboul -Koudalboul
cal năzdrăvan le cheval magique
Pasărea cudalbă cu coada de aur l’oiseau à queue blanche d’or
Pasărea măiastră la Maïastra
Laur -Balaur (nom de dragon ) Laour -Balaour

Les c ulturèmes -onomatopées, c’est -à-dire les mots imitatifs désignant de s sons naturels
ou artificiels, font également partie du paysage des contes de fées . Dans le texte traduit en
français , ces sons sont remplacés par des équivalents français relevant de la t raduc tion
ethnocentrique.

Les culturèmes -onomatopées
En roumain En français
Hei ! Eh!
Tii! alors!
of! hélas!
tranc! crac!
Haida, haida clopin -clopant
hei, tii ! hé, hé !

37
Il y a aussi des cas où ces culturèmes ont été totalement éliminés du texte en français ,
ce qui a enlevé au texte original une certaine couleur locale, voire nationale : chîș! (Interjection
pour chasser les volailles) ; hap, hap (mot qui imite le bruit produit par l’ingurgit ation rapide
de quelque chose) ; sfîr! (Onomatopée imitan t le mouvement rapide ou le mouve ment circulaire
d’un objet ; cîț ! (onomatopée pour chasser le chat).39
En conclusion, la transposition des contes de fées roumains en français littéraire
impli que donc que le traducteur utilise des stratégies caractér istiqu es de ce genre littéraire,
comme la traduction littérale ( le transcodage graphique – la translittération, par la voie de la
francisation orthographique des noms propres, des entités toponymiques) ; la traduction
ethnocentrique qui permet de faire passer de s référents culturels du texte en roumain vers le
texte récepteur et la traduction par adaptation.
La difficulté de traduire la culture roumaine due à la résistance de la culture française
face à la culture de l’ autre existe. Il est vrai qu’il existe des contacts culturels entre le roumain
et le français, mais les interférences interculturelles qui en résultent ne résolvent que
partiellement le transfert linguistique et culturel.

39 Nina Cuciuc , (Page consultée le 30 décembre 2018), « Traduction culturelle : transfert de culturèmes », La
linguistique, 2011/2 (Vol. 47), p. 137 -150. DOI : 10.3917/ling.472.0137, [en ligne] :
https://www.cairn.info/revue -la-linguistique -2011 -2.htm -page-137.htm

38
Chapitre 3. « Jeunesse sans vieill esse et vie sans mort » –
entre deux tr aductions en français

Il était une fois ; car si cela n'avait été, on ne l'aurait jamais conté ; au temps où les peupliers faisaient de
noisettes, et les saules des violettes ; au temps où les ours se battaient à coups de queue ; au temps où les
loups emb rassaient les agneaux comme des frères ; au temps où l'on ferrait les puces à raison de quatre –
vingt -dix-neuf livres de fer à chaque patte, après quoi elles bondissaient tout en haut du ciel pour nous en
rapporter des contes ;
au temps où les mouches
signa ient les parois,
qui point n'y croit
est plus menteur que moi,
(Introduction de « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort », traduit e par Annie Bentoiu)

La traduction des textes anciens nous met en garde contre le décalage et la spécificité
des deux cu ltures, l’ancienne et l’actuelle. À cette dernière appartient le public destinataire de
la traduction, acceptant une langue « archaïsante », mais non une langue archaïque qui rendr ait
le texte traduit illisible. En adoptant une démarche comparatiste, qui m et en miroir les deux
sens de la traduction dans le cadre d’une seule paire de langues, nous avons voulu faire mieux
ressortir l’importance des rapports entre cultures pour les décisions traductives et éditoriales.
Quand ce conte de fées roumain a été trad uit en français, l’asymétrie entre les deux
cultures se retrouve aussi, différemment déclinée . C’est toujours ici que nous devons aborder
la question du texte source – articulée autour de la position de l’auteur de conte s dans sa culture
d’origine respecti ve et dans la littérature mo ndiale aussi bien qu’autour de sa présence et
visibilité dans la culture cible.
La structure classique qui est au niveau des contes merveilleux contient cinq étapes. La
première séquence, dite étape de « la préparation » corre spond à la situation initiale .
D’habitude, celle -ci est équilibrée, mais un manque apparaît qui va déclencher la dynamique
du récit. Alors, le héros se retrouve envoyé en mission pour résoudre le problème posé, à la
recherche d’ un objet. Dans la deuxième s équence, connu e aussi comme la séquence de la
« qualification », le héros va surmonter une série d’épreuves qualifiantes grâce aux vertus qui
sont les siennes et qui sont variables selon les cultures. Le héros part à l’ aventure et, en chemin,
il fait des r encontres correspondant à une ou plusieurs épreuves au cours desquelles il prouve
son courage ou sa bonté. La réussite à ces premières épreuves est indispensable si l’on veut

39
passer à la séquence suivante, c’est pourquoi le h éros passe une sorte de contrat avec des
personnages magiques divers afin de surmonter les obstacles à venir. La troisième séquence,
dite séquence de « l’affirmation », correspond à une sé rie d’ épreuves qui fait souvent intervenir
un certain nombre d’o pposants et qui seraient, cette foi s-ci, insurmontables si le héros ne s’était
pas ménagé des formes d’aides. Ensuite, le héros surmonte tous les obstacles et triomphe des
divers agresseurs avant de parvenir à trouver l’objet de la quête.
Les séquences 4 et 5 dites de « confirmation » et de « glorification » se résument dans
de nombreux contes à quelques lignes . Le héros revient à son point de départ et comble le
manque généré par le facteur de déséquilibre initial. Donc, il est récompensé, cette glorification
finale correspond souvent au ma riage royal ou à une forme de reconnaissance sociale.

3.1 Petre Ispirescu – écrivain de contes de fées traduit en français

Moto : Lorsque j'ai lu pour la première fois un conte publié dans un journal, j'ai été tout étonné de voir que nos
contes avaient, eux aussi, quelque mérite. Je me suis dit, eh oui, c'est bien le conte tel que je le connais, et
pourtant ce n'est pas tout à fait ça. Non, vraiment, ce n'est pas ça. Et il a suffi que j'écrive le premier pour ne plus
pouvoir m'en délivrer : d'un côté, ce la me faisait tellement plaisir que je ne pouvais plus m'arrêter, et de l'autre,
quelques -uns de nos écrivains, des grands et des savants, ne me laissait plus en pair […] 40

Petre Ispirescu (1830 -1887) a été un éditeur, imprimeur, conteur, folkloriste et a uteur
roumain, mais aussi collecteur de contes de fées populaires roumains, dans la grande tradition
des conteurs du XIXe siècle, contemporain du Danois Andersen et des frères Grimm en
Allemagne.
« Cet empereur de c onte de fées », comme l'appelait Barbu Ștefănescu Delavrancea, est
né en 1830 dans une famille modeste de Bucarest. Son père, Gheorghe, barbier de son état,
possède une boutique dans l’un des 90 quartiers , d’atmosphère encore très rurale, qui compose
à cet te époque la ville de Bucarest. Elena, sa mère, est Transylvaine. C'est elle qui lui donna
l'amour des livres, enfant, Petre Ispirescu écoutait sa mère Elena raconter les contes et légendes
de son pays.
Au XIXe siècle, à la même époque que les frères Grim m en Allemagne, des hommes
s'intéressent et collectent le patrimoine folklorique roumain, Petre Ispirescu est un de ces
hommes. Il a su retranscrire et garder à l’écrit le charme des contes transmis de bouches à
oreilles, manifestant un grand intérêt pour ces contes traditionnels qu’il écoutait, aimait et

40 Propos d'Ispirescu, reproduits par Barbu Delavrancea, « Rom ânul », Bucarest 1887, page 255

40
chérissait. Il a été autodidacte influencé par les personnes cultivées de son temps. Petre Ispirescu
a commencé par écrire des paroles et des mémoires, mais il était destiné de collecter des contes
de fées et de les reprodu ire avec une grâce sortant de l’ ordinaire. Sous leur impulsion, il entreprit
de collecter et publier des contes traditionnels, notant soigneusement le lieu et la période de
chaque recueil. En 1862, Ispirescu publie, dans plusieurs numéros du journal Țăranul român
(« Le paysan roumain ») six premiers contes : « Le vaillant Petit Dernier et les pommes d’or » ;
« Le Dragon à sept têtes » ; « La princesse et le pêcheur » ; « Beau -Vaillant aux cheveux
d’or » ; « La fille du vieux, celle qui éta it si sage ». Il en imprime trois lui -même, dans une
brochure aujourd’hui introuvable. Une note au conte « Le Dragon à sept têtes » déclare : « La
reproduction est interdite, car ces contes formeront un tout composé de plusieurs brochures qui
commenceront bientôt à paraître ».
Son ouvrage principal est publié en 1882, « Légendes roumaines ou Contes de fées,
énigmes et proverbes », où figurent 37 de ses plus beaux contes, tour à tour mélancoliques et
humoristiques, merveilleux et réalistes, avec une préface de Vasile Alecsandri. Le
retentissement est grand. Des articles élogieux paraissent dans Revista de Istorie, arheologie și
filosofie, Gazeta Transilvaniei , Telegraful român , România liberă , Familia . À l’époque, ce
livre a été acclamé par la critique littér aire. L’Académie toutefois ne couronne pas le volume,
comme Alecsandri l’avait fait espérer à l’auteur. Petre Ispirescu a été apprécié pour ses talents
de conteur.
Le 27 novembre 1887, une novelle congestion cérébrale frappe à sa table de travail et
l’imp orte le soir même. La séance littéraire du groupe de la Revista Nouă (Ionescu -Gion,
Delavrancea, Vlahuță, Hașdeu) est suspendue à l’anonce de sa mort. La plupart des journaux et
des revues publient des articles néc rologiques, Delavrancea dit qu’ « il méritait beaucoup, on ne
lui a rien donné…la vie d’Ispirescu e st une mauvaise plaisanterie du destin et une inexpiable
erreur sociale ».
Les recueils de Petre Ispirescu composent la plus vaste collection de récits populaires,
surtout de contes proprement dits et d’anecdotes de Munténie et d’Olténie, un très petit nom bre
provient des autres régions. Le poli du style dans lequel ils sont narrés, au moyen du simple
parler de Munténie, non dépourvu cependant de visible s influences livresques, a causé
l’extrême popularité dont a joui la collection de s contes d’Ispirescu, à preuve ses 60 rééditions
en tous genres. A cela s’ajoute le fait qu’elle a été la première collection accessible aux écoliers

41
et aux autres amoureux des contes populaires. Elle a eu un sort analogue, en quelque sorte, à
celle des frères Grimm et à celle d e Perrault.41
Le nom de Petre Ispirescu est entré si profondément dans la conscience de notre peuple,
il se rattache si étroitement aux forces les plus authentiques de la culture roumaine que l’on
peut dire sans hésiter qu’il n’est personne qui ne le connai sse, qui n e l’estime et qui ne l’aime.
Depuis tant d’années, son œuvre est dans le cœur de tous les Roumains.
Ses histoires enchantent encore les enfants. L’une des plus intéressantes, intitulées «
Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort », est un conte profondément philosophique. C’est le
seul conte de fée ayant une fin heureuse de toute la littérature enfantine roumaine. Cette histoire
a marqué les jeunes lecteurs et constitue une référence dans leur esprit, le contenu éducatif, la
force et la beauté d e ce conte l'ayant rendu incontournable.
La véritable consécration et la juste appréciation du travail de Petre Ispirescu ne se
produiraient, comme cela arrive souvent, qu'après sa mort prématurée à seulement 57 ans. À ce
moment -là sont appréciées les qual ités d’homme : l’honneur, la modestie, l’honnêteté,
l’attachement au métier, ainsi que les qualités d’auteur, d’écrivain, de « collectionneur » de
contes de fées.
Mircea Anghelescu résume et commente avec une certaine finesse dans son étude dense
et docume ntée publiée , à exactement cent ans après la mort de l'auteur des opinions formulées
au fil du temps sur ses écrits, démontrant qu'au -delà de la controverse sur le « collectionneur »
de contes de fées, l'écrivain, les contes de fées d'Ispirescu peuvent êtr e vus d'un point de vue
philosophique ou anthropologique, ce qui ouvre de nouvelles possibilités pour interpréter
l'ensemble du travail de cet écrivain toujours blessé sur des positions aut res que celles jusqu'à
présent.42

3.2 Le conte de fée s : apparition en roumain et les traductions en
français

Petre Ispirescu a publié le 21 j anvier 1882 dans le journal d’I on Ionescu de la Brad, son
premier conte de fées, qui s'est avéré être un véritable bijou, un chef -d'œuvre unique :
« Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort ». À partir de ce moment, la préoccupation d'Ispirescu

41 Ovidiu Bârlea, Petite Encyclopédie des contes populaires , Ed. Scientifiques et encyclopédiques, Bucarest,
1976.
42 Ibid.

42
pour la prose populaire : le conte de fées, la légende, l’anecdote et le récit a augmenté, se
matérialisant par la publication d'un grand nombre de récits populaires, d’ abord dans des
périod iques, puis dans des brochures ou des volumes tels que Legende sau basmele românilor
[« Légendes roumaines ou Contes de fées » ].
En brèf, il s’agit de l’histoire d’un prince qui cherche la jeunesse et la vie éternelle. Il
les trouve, sans pourtant échaper au destin des mortels, mais la mort s’avère impacable même
dans ce cadre du merveilleux, faisant de ce conte le seul qui finit mal.
Constantin Noica, l’un des plus importants penseurs roumains du XXe siècle, a écrit un
essai au contenu intellectuel remarqu able sur le conte de fées « Jeunesse sans vieillesse et vie
sans mort ». La lecture de l’ essai entraîne une série de réflexions passionnées sur l’ âme
roumaine. Il affirme que devant le conte de fées d’Ispirescu, on ne peut que s’émerveiller. C’ est
une tell e absorption réu ssie entre les extrêmes, dans l’affirmation de l’ être véritable et non de
celui établi dans un espace éternel. C’est une expression tellement heureuse que vous restez un
instant devant lui, devant un cadeau ineffable de notre culture folklo rique.
En général, les contes de fées ont leurs stéréotypes, comme le note George Călinescu
dans « L'esthétique des contes de fées ». Même le motif principal , si rare, de « Jeunesse sans
vieillesse et vi e sans mort », peut être trouvé par hasard dans des autres contes . Et pourtant, ce
conte de f ées est extrêmement singulier, n on seulement parmi les contes folkloriques, mais
parmi nos autres contes de fées. Beaucoup d'entre eux racontent que Beau Vaillant a pleuré
dans le ve ntre de nombreuses mères, mais il s’est tu à la promesse d’ une épouse royale (Ileana
Cosanzeana, Rozuna F ille d’une F leur, Fleur d’ une fle ur etc.), un désir qui correspond
précisément à l’esprit commun de « devenir en devenir » [a devenirii în devenire ] (au sens de
Noica), c’est -à-dire de conti nuité sur plusieurs générations . À la différence de tous ces contes
de fées, cependant, le héros de « Jeunesse sa ns vieillesse et vie sans mort » continue de pleurer
quand on lui propose un royaume ou une fille d’empereur et s’est tu , décidant de naître,
uniquement à la promesse d’une jeun esse éternelle et comme Noica l’ a sou ligné, de la vie sans
fin, en d’ autres termes, à la perspective d'être quelque chose dans l'Être. Après avoir grandi et
fréquenté le collège, apprenant en un mois comme les autres en un an, le héros a commencé à
s'ennuyer jusqu'à ce qu'il décide de partir pour trouver la promesse pour laquelle il est né.
Il y a huit versions françaises de « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » [Tinerețe
fără bătrânețe și viață fără de moarte ] par Petre Ispirescu. C ela signifie que ce conte roumain
est le conte le plus souvent traduit en français. Ce conte est un excellent objet d’étude tant sur
le plan synchronique que diachronique , vu la diversité des approches traductives et des
contextes é ditoriaux et l’intérêt que ce texte a pu susciter à des époques très différentes, mais

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aussi bien que la parution de versions très proches temporellement tant dans des livres qu’en
ligne.
On peut parler des prémisses d’une multitude d’approches, comme la v ariété des
contextes éditoriaux, les profils différents des traducteurs et le grand écart temporel entre la
première version traduite et la dernière. L’écrivain suisse William Ritter est le premier qui
présent ce t exte au public français en 1895 avec le ti tre « La jeunesse inaltérable et la vie
éternelle ».
Aucun traducteur francophone ne se penche sur ce texte pendant une longue période,
puis, en 1979, paraissent, en Roumanie, deux autres versions. La première est fait e par
l’écrivaine Annie Bentoiu dans u n volume de contes d’auteurs traduits par elle. La deuxième
traduction apparaît dans un recueil de contes populaires traduits par l’universitaire Micaela
Slăvescu. En 1998, ce conte est retraduit par une universitaire, Rodica Baconsky et publié en
compléme nt d’un travail critique en roumain de Mircea et Maria Muthu (Făt-Frumos și
„vremea uitată”) , visant un public spécialiste, probablement bilingue. En 2006, en France,
paraît la première adaptation pour enfants, faite pat Claude Leonardi et Adriana Botka. Codruța
Topala publie une autre version en 2008 dans un volume réunissant des contes d’auteurs divers.
L’année suivante, une édition trilingue : « Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte.
Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort. Unageing Youth and Deathless Life » est publié en
Roumanie, avec la traduction en français faite par l’écrivaine Sanda Stolojan. Le lecteur
polyglotte peut comparer tout de suite la traduction en français avec la variante originale en
roumain et avec la version anglaise.
Pour l’analyse, je me suis arrêtée à deux traductions. La première est la traduction fait e
par Annie Bentoiu en 1979, intitulé e « Une jeunesse sans vieillesse et une vie sans mort » et
l’autre est une traduction que j’ai trouvée sur l’Internet et qui date de 2016 , ayant le titre
« Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort ».

3. 3 L’analyse des traduction s

Chaque peuple a ses contes et ses légendes qui constituent une sorte de patrimoine qu’on
essaie de partager avec les autres.
Plus pragmatiq ue, ce sous cha pitre envisage les deux traduction s de « Jeunesse sans
vieillesse et vie sans mort » dans leur qualité . Pour commencer, si nous comparions « Jeunesse
sans vi eillesse et vie sans mort » à d’autres contes de fées, issus d’ autres collections, nous

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constaterio ns qu’ il ne correspond pas parfaitement au modèle traditionnel de conte de fées de
contes populaires, mais en se distingue par quelques éléments. Il est un conte de fées populaire,
recueilli et publié par Petre Ispirescu, un n arrateur omniscient. Le récit à la troisième personne
combine le surnaturel au plan réel, en harmonisant des héros fabuleux avec des idées
philosophiques et mythologiques. L’action de ce conte de fées ne repose pas sur le conflit entre
les forces du bien et du mal, mais sur celle de l’ idéal et sur la limite humaine, et le résultat réside
dans le triomphe de lois universellement valables qui régissent la condition mortelle de
l’homme.
La même chose se posse avec les deux traductions faites après le conte de fées écrit en
roumain. Même si les deux sont basés sur le même texte, il existe des diff érences significatives
entre elles .
Les traductologues repèrent les contraintes suivantes dans l’accomplissement de l’acte
traductif d’un texte folklorique: l a traduction des titres ; la traduction des noms propres ; la
traduction des jeux de mots ; la traduction des tropes et des figures de pensée ; la traduction des
proverbes, des dictons et des expressions idiomatiques.

3.3.1 La traduction des titres

On doit mentionner, ensuite, les variantes en français pour le titre Tinerețe fără
bătrânețe și viață fără de moarte . La traduction du livre opte pour « Une jeunesse sans vieillesse
et une vie sans mort », pendant que, en ligne , on trouve le titre que je l’ai utilisé tout au long de
mon mémoire de dissertation , donc « Jeune sse sans vieillesse et vie sans mort ». La deuxième
variante est utilisée aussi dans une autre traduction publiée par Humanitas, et même dans
d’autres articles en ligne sur ce conte de fées. Cette idée de la « Jeunesse sans vieillesse et vie
sans mort », de la mythologie ancienne à nos jours, est le thème perpétuel de la recherche de
l’immortalité, exposée sous des formes diverses à tous les peuples du monde.
La signification du titre « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort » révèle des
significations fortes , la double négation (« sans ») soul ignant la fermeté du désir de l’homme
d’atteindre des idéaux supérieurs, annulant ainsi la vérité universelle ment vraie qu’il n’ y a pas
de vieillesse sans jeunesse ni mort sans vie (c’ est-à-dire qu’on ne peut pas ê tre vieux si nous
n’avons été jeune d’abord et qu’on ne peut pas mourir si nous n’avons pas été en vie).

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3.3.2 La traduction des noms propres

Normalement, les noms propres ne se traduisent pas. Ils sont intraduisibles, ils gardent
leur coloris national, restant comme tels dans le texte et « transcendent dans la langue cible sans
modification ». Mais, dans ce cas, il y a des noms propres qui méritent une attention spéciale :
les noms propres connotatifs qui sont des véritables indicateurs ethniques de nom s propres et
qui introduisent dans le texte les sonorités étrangères françaises.
Dans ce mémoire de dissertation c’est aux dénominations de quatre personnages que
nous nous sommes arrêtée pour mettre en évidence la difficulté de traduire les dénominations
spécifiques aux contes de fées roumains en français. Le choix du traducteur en ce qui concerne
la traduction de noms des personnages a un effet direct sur le lecteur.
Făt-Frumos , c’est -à-dire le prince Charmant des contes roumains, l’incarnation de tout
ce qu’il y a de meilleur chez un homme est un de s personnages les plus fréquent s dans les contes
de fées roumains et pour cela, son nom a plusieurs variantes dans les traductions françaises,
n’ayant pas encore d’équivalent consacré en français. Le héros est un être peu défini, auxquel
chacun peut s’identifier. Ce sont des stéréotypes qui ne sont révélés que par les épreuves qu’il
doit surmonter, exposant à des situations universelles que tout le monde peut comprendre.
Dans le livre, Făt-Frumos est traduit ici par « Beau -Vaillant », et pas « Prince
Charmant », car le héros roumain a une origine humble et il n’existe aucune justification du
mot « prince ». Avec cette traduction qui met en évidence justement la beauté et le courage de
Beau-Vaill ant sans rien suggérer quant à son origine sociale , on crée un personnage exotique.
En ce qui concerne la traduction en ligne, le héros n’a pas un nom, par contre, on trouve de
diverses appellations pour lui dans différentes phrases comme « Il sera beau et plein de
tendresse » [El o să fie Făt -Frumos și drăgăstos ].
La comparaison faite par Lucile Kitzo entre le héros roumain, « Beau -Vaillant », et le
« Prince Charmant » des contes de fées français dit que « Fêt-Frumos surpasse son rival
français, le prince Charmant, par les dons extraordinaires que lui a attribués l’imagination
orientale. Sans doute, le Fêt -Frumos français est « beau, bien fait, aimable, spirituel et
vaillant », mais ses prouesses sont loin d’égaler celles du prince Charmant roumain. Le premier,
tel que nous le pr ésentent Perrault, Mme d’Aulnoy, Mme Leprince de Beaumont, par exemple,
porte la perruque et les canons de dentelles des jeunes e brillants seigneurs de la cour de Louis

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XIV ; le second, qui la nce sa masse d’armes à une journée de marche, est le plus frust e, moins
fade aussi. […] même « Charmant » est plutôt un qualifiant qu’un nom propre.43

Făt-Frumos

Mon opinion est que la décision finale du traducteur doit être en fonction du but de la
traduction ; on peut retenir le nom roumain Făt-Frumos dans un e note de bas de page quand le
public est un lettré ou on peut utiliser justement la traduction « Beau -Vaillant » pour un public
général ou le dernier cas, quand on s’adresse aux enfants, le conte de fées a un impact plus
grand si on emploie le syntagme « Prince Charmant ».
Le terme roumain Gheonoaia, dénomination folklorique pour « pic » ou « femme
méchante », désigne un monstre de genre féminin. Il n’y a rien qui définisse le personnage, en
dehors de ce caractère méchant et de son aspect effrayant, ce qui explique que la plupart des
traducteurs exploitent le sens premier du terme, certains d’entre eux en recourant à des
compléments d’information pour détailler l’image du monstre.44
Annie Bentoiu, dans sa traduction, trouve l’équivalent « Sorcière Épeiche », qui restitue
tant l’apparence que le caractère du personnage. Par contre, la traduction en ligne, utilise

43 Lucile Kitzo, « Préface » in « La Veillée. Douze contes traduits en roumain », traduction par Jules Brun,
préface par Lucile Kitzo, Paris, Firmin -Didot et éditeurs, 1898, pp. 15 -16.
44 Alina Pelea, La retraduction comme enrichissement , Université Babeș -Bolyai, Roumanie, Editura Universității
din Suceava, 2012.
La traduction
dans le livre
Beau –
Vaillant
La traduction
en ligne
Beau et
pleine de
tendresse
Bel-Enfant
Noble
Prince
Cher
Prince

47
d’autres équivalences pour cette dénomination, comme « oiseau », qui n’a aucune autre
connotation négative, ou « pie maudite », qui est déjà un nom comm un.

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
aici suntem pe moșia unei
Gheonoaie nous sommes ici sur les terres
de la Sorcière Épeiche nous sommes arrivés sur les
terres d’une pie maudite
a făcut -o să fie Gheonoaie elle s’est c hangée en Épeiche elle s’est transformée en oiseau

Pour le personnage Scorpie , dénomination populaire pour scorpion en roumain et aussi
pour « femme méchante » montre la cohérence de la stratégie de chacun des traducteurs. Dans
sa traduction, Annie Bento iu utilise l’adaptation « Sorcière Scorpion », tandis qu’en ligne, le
traducteur s’écart du sens premier du mot roumain et propose « Harpie », ce qui donne une idée
des origines lointaines du personnage.
Un autre personnage récurrent dans ce conte de fées est le cal năzdrăvn, cheval ailé qui,
par sa sagesse et sa force, aide toujours son maître à surmonter les obstacle s les plus difficiles.
Dans d’ autres contextes, l’adjectif năzdrăvan est utilisé, ayant un sens complexe: magique,
(pour un animal ou un obje t) qui a la capacité de parler, le pouvoir d’anticiper l’avenir, un
personnage intelligent. La complémentarité des versions françaises du conte est
particulièrement visible dans les solutions trouvées pour la dénomination du cal năzdrăvan.
Pendant que Anni e Bentoiu trouve un adjectif pour décrire le cheval, la traduction en ligne nous
offre plutôt une explication du mot năzdrăvn.

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
Să-ți trăiască calul […] ca un
năzdrăvan ce este […] Longue v ie à ton cheval […]
car c’est un cheval fée […] Aime plus que tout ton cheval
[…], car il est doué d’une
grande sagesse […]

Un au tre personnage important pour l’ action dans ce conte de fées est unchiașul dibaci .
Là encore, nous pouvons voir une d ifficulté à traduire ces deux termes , en raison du fait que
unchiaș est un terme folklorique romain signifiant « vieil homme », « vieillard » et pas
« oncle » [unchi ] comme on pourrait penser, tandis que dibaci est un archaïsme qui signifie
« habile ». Lisant la traduction en français faite par Annie Bentoiu, on peut observer qu’elle
reste fidèle à la traduction du « petit vieux », pendant que la version en ligne comporte deux

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traductions pour le même terme unchiaș : « petit vieux », « vieil ermite », s’éloignant du sens
originel.

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
[…] auzind împăratul că este
la un sat, aproape, un unchiaș
dibaci […] […] l'empereur se laissa dire
qu'il y avait, dans un hameau
du voisinage, un petit vieux
très habile […] […] le roi eut vent d’ un vieux
sage qui habitait dans une
contrée lointaine […].
împăratul și împărăteasa, […]
s-au dus la unchiaș acasă. L'empereur et l'impér atrice se
mirent donc en route, […] vers
le logis du petit vieux. Le roi et la reine quittèrent
donc le château […] se
rendirent auprès du vieil
ermite.

Pour les mêmes raisons, c’est -à-dire pour accorder au texte d’arrivée la sonorité
française, le traducteur reste toujours fidèle à la transposition graphique et dans le c as de la
présence des toponymes, et des dénominations. C’est pourquoi, les deux traductions gardent les
mêmes traductions pour l es dénominations suivantes :

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
Moșia unei Gheonoaie les terres de la Sorcière
Epeiche les terres d’une pie
maudite
Moșia unei Scorpii les terres de la Sorcière
Scorpion les terres d’une Harpie
Valea Plângerii la Vallée des Pleurs la Vallée des Pleurs

3.3.3 La traduction des tropes et des figures de pensée

Les transformations d’ordre lexical couvrent aussi les aires traductives, des
idiomatiques, des tropes, des figures de pensées, des antonymes, des synonymes, des
paronymes, etc. L’isomorphisme est caractéristique aux transformatio ns d’ordre lexical dans le
type de traduction par correspondance.

49
Le vocabulaire topique de l’ excellence et de la supériorité qui caractérise l’ écriture
féerique est régulièrement appuyé par des figures de rhétorique qui en redoublent le sens.
Pour commenc er, on doit mentionner que le conte de fées est le produit d’un système
hyperbolique conceptuel et contextuel, ayant totalement conscience de soi et qui utilise ses
moyens stratégiques jusqu'à l ’écœurement pour mieux les démont(r)er et en jouer. L’ objectif
de l’hyperbole merveilleuse et de fixer ce qu’il faut réellement croire à travers l’incroyable. Ce
conte met en effet en scène des événements par nature incro yables que les lecteurs, dans
l’espace et pendant le temps du récit, font semblant de croire. Pou r la traduction de cette figure
de style, les traducteurs ont eu certaines difficultés.
Dans l es expressions qu’on a choisi d’ isoler, on peut observer, premièrement, des
différences d’ordre grammatical en ce qui concerne les ver bes utilisés et aussi les t emps
verbaux. Par exemple, pour le verbe au passé simple en roumain învăța, dans le livre, il est
traduit par l’indicatif, présent du verbe « apprendre », c’est -à-dire « apprennent », puis par
l’indicatif, passé simple « apprenait », tandis que dans la traduction en ligne, le traducteur utilise
seulement le passé simple du verbe.
On peut également identifier le fait que la traduction dans le livre garde la couleur de la
langue populaire roumaine, tandis que la deuxième traduction simplifie les expressions
populaires et les rend compréhensibles pour les lecteurs français, no us assistons alors au
passage du processus de traduction à un processus de véritable réécriture/recréation :
« l’empereur ici mourait de joie, là ressuscitait » versus « à l’extrême joie de son père » ou
« elle s’en venait, je vous jure, si vite qu'elle en renversait les arbres au passage » versus « elle
arrachait les arbres sur son chemin ». Dans le premier exemple extrait de la traduction en ligne,
nous pouvons également rémarquer le manque de verbes, alors que la traduction d’Annie
Bentoiu garde le mode et le temps verbal de la langue roumaine : indicatif, imparfait. Au
contraire, l’exemple suivant donné en roumain dans le tableau ne contient pas des verbes, mais
la première traduction française ajoute un verbe pour dynamiser l'action : […] cea mai
frumo asă împărăteasă de sub soare de soție est traduit par « […] la plus belle princesse qu’ait
jamais vue le soleil », ajoutant le verbe au subjonctif, passé « ait vue », tandis que la traduction
en ligne garde la structure grammaticale roumaine, mais elle ada pte à nouveau le texte, laissant
de côté le style de l’auteur : « la plus belle impératrice au monde ».
Ensuite, on a réalisé un tableau avec les exemples déjà présentés et des autres hyperboles
relevantes pour ce sous -chapitre :

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En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
[…] toate învățăturile pe care
alți copii le învăța într-un an,
el le învăța într -o lună […] […] ce que d'autres enfants
apprennent en un an, il
l'apprenait en un mois […] […] il apprenait en un mois
autant que d’autres enfants
en un an […]
împăratul murea ș i învia de
bucurie . l’empereur ici mourait de
joie, là ressuscitait . à l’extrême joie de son père .
[…] cea mai frumoasă
împărăteasă de sub soare de
soție. […] la plus belle princesse
qu’ait jamais vue le soleil. […] la plus belle
impératrice au monde.
[…]odată se scutură și el, și
toate bubele și răpciuga
căzură de pe dânsul și rămase
întocmai cum îl fătase mă -sa,
un cal gras, trupeș și cu patru
aripi […] il s’ébroua soudain et
toutes les croû tes, toute la
morve tombèrent d’ un coup
de sur son corps ; il s e
retrouva la peau nette, tel que
sa mère l'avait fait, un superbe
cheval dodu, puissant et
quatre fois ailé . […] il se secoua avec une
telle vigueur que toutes les
pustules tombèrent de son
corps et il devint un jeune
destrier, fort , fougueux et
muni d e quatre ailes.
Și când venea ea, nene,
dobora copacii . elle s’ en venait, je vous jure,
si vite qu'elle en renversait les
arbres au passage . elle arrachait les arbres sur
son chemin.
când Scorpia este necăjită
rău, varsă foc și smoală; quand la Sorcière Scorpion
est très en colère, elle crache
du feu et de la poix brûlante . lorsque la harpie est en
colère, elle crache du feu et
de la poix.
ea este mai rea decât soră -sa
și are trei capete elle est encore plus méchante
que sa sœur et elle à trois têtes elle est pire que la pie parce
qu’elle a trois têtes.
Scorpia, cu o falcă în cer și cu
alta în pământ și vărsând
flăcări entre ciel et terre, la gueule
béante et crachant des
flammes . la harpie s’approchait plus
vite que le vent, tout en
tempêtant et en crachant des
flammes.
cu barba albă până la
genunchi sa longue barbe pendant
jusqu'aux genoux la barbe blanche longue
jusqu’aux genoux

51
Pour continuer l’analyse de cettes deux traductions en français du conte de fées roumain
Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte , on choisit une série de comparaisons . La
comparaison est devenue l’une des figures de style les plus populaires, étant ainsi couramment
utilisé dans le conte de fées populaire.
Analysant les comparaisons traduites en français, on peut remarquer que la trad uction
faite par Annie Bentoiu est plutôt une traduction littérale et essaie de garder encore le style de
Petre Ispirescu, pendant que la traduction en ligne utilise comme stratégie de traduction
l’adaptation ou l’equivalence. Par exemple, rămânând statornic ca o piatră în vorbele lui est
traduit premièrement par « il restait ferme comme roc », la traductice changeant le temps verbal,
mais gardant la comparaison « comme roc ». La même comparaison est traduite par « restant
inflexible dans sa décision », ce qui n'est pas une comparaison, mais qui utilise le même temps
verbal.
Aussi, les deux traductions utilisent des synonymes pour les mêmes termes en roumain,
par exemples : picioare – « jambes » – « pattes ». Le choix pour le deuxième synonym nous
semble un meilleur choix, parce que il s’agit de membres d’un cheval. Encore, pour le mot
viteaz – « brave » – « guerrier », je trouve le premier synonym plus adéquat à cause du fait que
le second est utilisé quand on parle de la guère.
La comparaiso n urlau dobitoacele , de ți se făcea părul măciucă pe cap est une très
interessante du point de vue sty listique, ayant un impact visuel grand en roumain. Toutefois,
seulement la traduction d’Annie Bentoiu reste fidèle au original : « les fauves hurlaient à vous
faire se dresser les cheveux sur la tête », pendant que la traduction en ligne simplie la
comparaison : « les bêtes sauvages poussèrent des hurlements terrifiants ».

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
un împărat înțelept ș i
procopsit ca Solomon
împărat un empereur aussi sage et
aussi instruit que le roi
Salomon un héritier au trône aussi
sage et instruit que le roi
Salomon.
rămânând statornic ca o
piatră în vorbele lui il restait ferme comme roc […] Bel Enfant restant
inflexible dans sa décision.
Și înțepenindu -și picioarele,
rămase drept ca lumânarea . Et se raidissant sur ses
jambes, il se tint droit comme
un cierge Il se planta sur ses quatre
pattes et se tint bien droit

52
izbuti a face să lucească
armele ca oglinda . Il se mit en devoir de fourbir
les armes et […] il était
parvenu à les faire reluire
comme un miroir . […] Les armes étaient
redevenues brillantes.
Făt-Frumos, îmbrăcat ca un
viteaz […] Beau -Vaillant, équipé comme
un brave […] Bel-Enfant, habillé en vrai
guerrier […]
urlau dobitoacele , de ți se
făcea părul măciucă pe cap les fauves hurlaient à vous
faire se dresser les cheveux
sur la tête. les bêtes sauvages
poussèrent des hurlements
terrifiants.
se uscase de se făcuse cârlig
în chichiță qui s'éta it toute ratatinée dans
le casier, pour le faire
s'écrouler qui s’était desséchée et
recroquevillée comme un
hameçon dans la cachette.

Le conte de fées utilise des comparaisons, mais aussi d es métaphores . La première
métaphore trouvée dans ce conte de f ées qu’on a choisit d’isoler crée une image olfactive
fascinante. L’image donnée est ensuite « explorée » dans les deux traductions . On doit
rémarquer comme le verbe de te îmbăta est traduit ; les deux traductions utilisent des
expressions plus vastes qui peuvent être entendu en français , l'élément de base êtant agrandi et
complété. Dans le deuxième exemple seulement la traduction dans le livre garde toute la
métaphore ; dans la traduction en ligne, la métaphore est simplifiée en éluant le premier mot.

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
Fiecare floare era cu
deosebire de mândră și cu un
miros dulce, de te îmbăta chaque fleur était
merveille usement belle et
répandait un parfum suave qui
vous montait à la tête . chaque fleur était d’une
beauté exquise, d’un parfum
doux et enivrant et le zéphyr
se faisant à peine sentir.
dulceața și curățenia aerului la douceur et la pureté de l'air la pureté d e l’air

C’est également intéressant de regarder les solutions trouvées pour rendre la métaphore
vreme uitată [« temps oublié »]. Ce syntagme réunit de manière si poétique les dimensions
objective et subjective du temps passé. On peut observer une différe nce signifiante entre la
traduction fait par Annie Bentoiu dans son livre et la traduction fait par cet auteur anonyme.

53
En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
Petrecu acolo vreme uitată ,
fără a prinde de veste, fiindcă
rămăsese tot așa de tânăr, ca și
când venise. Il passa un temps sans
mémoire ; comme il restait
aussi jeune qu'à son arrivée. Le prince y passa
d’innombrables jours hors du
temps sans même s’en
apercevoir, parce qu’il était
demeuré aussi jeune qu’à son
arrivé.

L’expr ession idiomatique suivante est une expression imagée ou métaphorique. C’est
une expression particulière à la langue roumaine qui donnent de la couleur à notre langue et qui
n’a pas d’équivalent littéral dans la langue française. Cependant, Annie Bentoiu e ssaie de
concentrer cette couleur spécifique roumaine à traver une explication plus longue, tandis que
l’autre traduction transforme l’expression dans une comparaison. On considère que pour
enrichir la langue, il est important de découvrir la signification socioculturelle et historique de
nombreuses expressions idiomatiques dites aussi « expressions de la sagesse populaire » .

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
văzură palatul strălucind
astfel, de la soare te puteai
uita, dar la dânsul ba. ils virent briller le palais d’un
si magnifique écla t, qu’on
pouvait bien regarder en face
le soleil, mais pas un palais
pareil ils aperçurent un castel plus
étincelant encore que le
soleil.

Dans le cas de la traduction des épithètes utilisées par Ispirescu pour décrire les
personnages et les lieux où se déroule l’action, on peut observer une série de synonymes parfaits
ou partiels utilisés par les deux traducteurs. Par exemple, pour l’adjectif slăbănogit on a
l’equivalent « affaiblie » dans la traduction d’Annie Bentoiu et « faible » dans celle en ligne,
qui sont des synonymes parfaites, affaiblie signifiant devenu ou rendu faible. Il est intéressant
de voir que pour l’épithète femei măiestre qui signifie des femmes a vec des pouvoirs surnaturels
est traduit dans le deux cas avec « fées ». Encore, quand il s’agit de la description d’une fée,
dans la seconde traduction, elle est appelé e « maîtresse du palais ». Pour l’adjectif frumoasă ,
qui peut êt re traduit par « belle », Annie Bentoiu a choisi une expression plus dynamique « jolie

54
à ravir », pendant que , dans l’autre traduction , est ajouté l’adverbe de comparaison
« tellement ».

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
[…]er a tot galeș, trist și dus
pe gânduri. […] car du matin au soir il
était abattu, mélancolique,
rêveur . Le prince était souvent
mélancolique et triste, le
front assombri par de noires
pensées .
o pădure deasă și înaltă une forêt haute et drue une forêt épaisse et haute
o zână naltă, supțirică și
drăgălașă și frumoasă une fée, longue, mince,
souple et jolie à ravir . La maîtresse du palais était
grande et svelte, douce et
tellement belle.
femeilor măiestre fées fées
glas slăbănogit une voix affaiblie une voix faible

D’ailleurs, en tant que figure de style, la répétition est la reprise exprès d’un ou plusieurs
mots, voire de phrases, afin d’attirer l’attention sur certains états d’esprit, sur des situations
considérées comme importantes par l’auteur. Comme on peut observer dans le tableau ci –
dessous, dans la première traduction, Annie Bentoiu évite la plupart des répétitions, en le s
remplaçant par des adverbes d’intensité : « sans arrêt », « très loin ». La traduction en ligne
diffère radicalement. Il y a des cas o ù certaines répétitions ne sont pas traduites, comme on peut
le voir dans le premier exemple, et des cas où les répétitions dans le texte original sont traduites
mot à mot, conservant ainsi le temps verbal spécifique au récit de conte de fées – le passé
simple, et aussi l'intensité des expériences pour les lecteurs français.

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
dacă văzu și văzu ce que voyant […] –
[…] s -a dus, s -a dus, s -a dus,
trei zile și trei nopți […] il chemina sans arrêt
durant trois jours et trois nuits il chevaucha, chevaucha et
chevaucha encore, trois
jours et trois nuits
Merse Făt -Frumos, merse ș i
iar merse, cale lungă și mai
lungă. Beau -Vaillant chemina
longtemps, longtemps . Ils voyagèrent des jours et
des jours sur une route plus
longue que toutes les autres.

55
se duseră, se duseră și iară se
mai duseră ils continuèrent à avancer,
loin très loin . Il chevaucha, chevaucha,
puis chevaucha encore.
Încet, încet, Peu à peu Plus … plus

Ensuit e, on s’arrête sur un mot réputé intraduisible, c’est -à-dire dor. Le dor est un
sentiment consomptif, qui peut être approximé par le français « vague à l’âme ». Les traducteurs
du conte l’envisagent de manières différentes et parce que chaque version ne peut parvenir à
donner un équivalent assez complexe, le lecteur français pourra déduire l e contenu de ce
concept si doux à l’oreille à travers la somme des soluti ons proposées. À cet égard, les exemples
sont plus parlants que tout commentaire :

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
deodată îl apucă un dor de
tată-său și de mumă -sa il fut empoigné par le désir de
revoir son père et sa mère. Il fut accablé par le souvenir
de ses parents .
[…] și acum mă topesc d -a-n
picioarele de dorul părinților
[…] […] je me meurs du désir de
revoir mes parents[…] Maintenant le souvenir de
mes parents me hante sans
cesse
Toate rugăciunile celor tr ei
femei, precum și ale calului,
n-a fost în stare să-i
potolească dorul părinților. Toutes les prières des trois
jeunes femmes, auxquelles
s'était joint le cheval, ne
purent point apaiser son
violent désir de revoir ses
parent. Toutes les prières des troi s
femmes aussi bien que celles
de l’étalon ne purent rient
contre le désir de rentrer dans
son royaume.

Les exemples ci -dessus montrent la difficulté de trouver un synonyme exact de ce mot
roumain dor. Tandis que dans le livre, Annie Bentoiu le traduise avec « désir », gardant cette
variante au long du conte, la version en ligne utilise l’équivalent français partiel « désir », mais
aussi un autre terme « souvenir », le deux seraient incapables de transmettre l’intensité du dor.
Dans la langue et la cultur e roumaine, le mot dor a été formé par la combinaison de deux
sentiments: la souffrance et le désir. Quel que soit l’équivalent dans la langue cible, il n'est pas
possible de transmettre la véritab le émotion que présente ce mot.

56
3.3.4 La traduction des pr overbes, des dictons et des expressions
idiomatiques

Le langage utilisé par Ispirescu est pertinent ; il a un caractère oral prononcé donné par
les expressions popula ires, les proverbes, les mots d’ expression, les interjections à valeur
onomatopéique, pré sentes dans le texte en roumain, et implicitement dans les deux traductions.
Si d’habitude Petre Ispirescu se contente d’un simple A fost odată ca niciodată , il choisit
pour ce conte une formule initiale traditionnelle très élaborée. Lorsqu’il dit A fost o dată ca
niciodată [« Il était une fois »], le conteur recrée le moment primordial par lequel il réunit le
réel et l’irréel. La formule introduit une indication spatiale : A fost odată ca niciodată (en
roumain), « Il était » (en français), à laquelle s’ajou te une indication temporelle : niciodată (en
roumain), « une fois » (en français), par lesquelles le vraisemblable devient invraisemblable.
La composition de ce conte de fées se distingue par les formules traditionnelles ou
impossibles que nous ne rencont rons pas dans d'autres œuvres littéraires. L'action est placée
dans un temps incroyable, c'est impossible pour la l ogique de la raison ordinaire :
En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
de când făcea plopșorul pere
și răchita micșu nele ; au temps où les peupliers
faisaient des noisettes, et les
saules de violettes ; à l’aube des temps quand les
poules avaient des dents
de când se băteau urșii în
coade ; au temps où les ours se
battaient à coups de queue ; –
de când se luau de gât lupii
cu mieii de se sărutau,
înfrățindu -se ; au temps où les loups
embrassaient les agneaux
comme des frères ; quand les loups et les
agneaux étaient frères de
sang ;
de când se potcovea puricele
la un picior cu nouăzeci și
nouă de oca de fier și s –
arunc a în slava cerului de ne
aducea povești au temps où l’ on ferrait les
puces à raison de quatre –
vingt -dix-neuf livres de fer à
chaque patte, après quoi elles
bondissaient tout en haut du
ciel pour nous en rapporter
des contes ; quand on ferrait les puces
qui, une tonne de fer attaché
à chaque patte, sautaient
jusqu’au ciel et nous en
rapportaient des contes.
De când se scria musca pe
părete ; au temps où les mouches
signaient les parois ; En ce temps -là les mouches
signaient sur les murs.

57
La traduction en français d’ Annie Bentoiu respecte presque totalement le texte original,
comme l’exemple ci -dessus le montre, l’écrivaine a un souci de garder les rimes et le rythme,
aussi bien que de rendre l’esprit d’origine, tandis que dans la traduction en ligne, le te xte est
adapté à la langue française et utilise des expressions connues du public français, l’expression
de când se băteau urșii în coade restant même non traduite. Toutefois, les deux traductions
conservent le temp verbal utilisé par Ispirescu dans le texte original – indicatif, imparfait:
« signaient », « étaient », « faisaient ».
Ensuite, il y a une autre différence en ce qui concerne la traduction de la phrase A fost
odată un împărat mare și o împărăteasă. Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’une
formule étendue qui diffère d'une traduction à l'autre, mais qui tente d’accréditer, d’une part,
l’idée que les récits se sont produits : « C’était une fois », mais aussi de nier la possibilité de
tels événements, en les plaçant dans une temps fabuleux, inexistant : « depuis ».
Annie Bentoiu affirme que les mots « Il était une fois un roi et sa reine », qui ouvrent
les contes d’Europe occidentale, sont tout naturellement – si près de Constantinople, de Vienne
et de St. Pétersbourg – remplacés par « il était une fois un grand empereur et une impératrice ».
Souvent d’ailleurs, ces empereurs de fantaisie portent des blouses brodées, des bonnets
d’agneau et s’expriment sur le ton plus familier.45

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
A fost odată un împărat
mare și o împărăteasă Il était une fois un grand
empereur et une impératrice Il éta it une fois un roi et sa
reine

En général , les conte s de fées ont comme spécifique stylistique les formules médianes .
Ces répétitions contribuent à la co ndensation du temps, passé d’un spécifique à la nature
humaine à un autre spécifique au monde fantas tique du conte de fées. Elles maintiennent le
discours narratif et établissent un lien entre les séquences narratives. On a choisi d’isoler dans
un tableau ci -dessous quelques exemples. Il y a une différence entre les deux traductions en ce
qui concerne le s temps verbaux , pour le verbe a u présent en roumain plecăm, on a le futur
simple dans la première traduction – « partirons », et le présent dans la deuxième – « partons ».
Aussi, pour le présent en roumain s-a dus , on a l’imparfait en français – « chemina »,
« chevaucha ».

45 Annie Bentoiu, Contes roumaines, Bucarest, Editions Minerva (trad. Fr.), 1979 , p. 7.

58

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
după ce răscoli trei zile și trei
nopți après avoir fouillé dedans
trois jours et trois nuits de
suite après avoir fouillé pendant
trois jours et trois nuits
De azi în trei zile plecăm nous partirons d’ici trois
jours nous partons dans trois jours
[…] s-a dus, s -a dus, s -a dus ,
trei zile și trei nopți […] il chemina sans arrêt
durant trois jours et trois nuits […] il chevaucha , chevaucha
et chevaucha encore, trois
jours et trois nuits
ținu masă trei zile d -a rândul l’Epeiche ordonna un festin
qui dura trois jours sans
interruption Elle festoya pendant trois
jours et trois nuits

À la fin du conte de fées, le temps fantastique commence on revient en temps réel. Tout
comme le début, la fin du conte de fées a une touche d'élégance et de raffinement donnée par la
formule finale présenté ci -dessous. Dans les deux traductions il s’agit d’une adaptation à la
culture française. On voit aussi une différence en ce qui concerne la t raduction du mot șea (șa),
qui est écrit correctement dans la première traduction – « selle » (qui est une sorte de siège que
l’on attache sur le dos d’u n cheval pour pouvoir le monter), mais qui est écrit « sell » dans la
seconde traduction, sans savoir exactement s’il s’ agit d’unei erreur de d’écriture.

En roumain La traduction dans le livre La traduction en ligne
Iar eu încălecai p -o șea și vă
spusei dumneavoastră așa. Quant à moi, je me suis remis
en selle et vous ai conté mon
histoire telle quelle. Quant à moi je mon tai en
sell et quittai l’histoire et ses
terres.

Avant de finir cette brève incursion dans la sphère de ces deux traductions en français
de Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte , il convient de souligner le caractère
particulier de la première traduction analysée, celle d’Annie Bentoiu faite en 1979. Sans doute,
son rôle est de faire découvrir ce conte de fées au public étranger et de stimuler l’appétit de ce
dernier pour la littérature de l’Est et, implicitement, pour la littérature roumaine. D’ailleurs, la
traduction en ligne vise à faciliter la compréhension du texte en adaptant la traduction au public

59
français en ligne. On peut aussi constater que le traducteur anonyme de la traduction en ligne
utilise des jeux langagiers qui privilégient la sonorité et le rythme.
En conclusion, on peut dire que les transformations d’ordre lexical, d’ordre grammatical
et d’ordre stylistique font partie de la traduction du type par correspondances et du type par
équivalences dans les textes folkloriques, y comp ris cet tes deux traductions analysées. Le
transfert culturel de l’acte de la traduction des culturèmes de la langue roumaine, dans la culture
réceptrice , c’est -à-dire la culture française, engrènent des processus de recherches de
correspondances et d’équiv alences. Cela rend la fonctionnalité linguistique du texte tr aduit dans
la langue d’arrivée. Quelle que soit l’option du traducteur pour l’un des procédés de traduction,
il est un vrai médiateur de communication. Ainsi, il offre la possibilité aux usagers de la langue –
cible, la langue française, d’accéder à la civilisation de la langue -source, la langue roumaine.

60
CONCLUSIONS

La traduction est le lien de contact et d’interférence culturelle des langues qui entraînent
nécessairement un bilinguisme des homm es cultivés attachés au phénomène de la diffusion des
langues. L’activité traduisante est l’instrument linguistique et le moyen d’activité particulière
dans la pratique des opérations de traduction littéraire. 46
Comprenant que le roumain est riche en régio nalisme, la traduction d’œuvres
folkloriques roumaines devient un défi pour les traducteurs intéressés par les contes de fées et
les rites roumains. Le point le plus important que ce mémoire de dissertation nous a fait
découvrir est le fait que la traducti on des contes est, en soi, un enrichissement intellectuel et
culturel à nul autre pareil, pour les i ndividus et pour les sociétés. Toutefois, l ’impossibilité de
trouve r la solution parfaite ne doi , décourager ni traducteurs ni lecteurs . De même, la recherc he
sur la traduction des contes s’avère un lieu privilégié de découverte de sa propre culture et de
celle de l’Autre, aussi bien que de s mille liens qui s’entretissent.
Il est bien connu la combinaison du réel avec le fantastique enchante l es enfants et
répond à leur rêve et à leur imagination si active. Mais le fantastique du conte de fées est une
extension du réel, représ entant en fait une expression de plus fort s désirs du peuple . Les
amoureux des contes de fées ne sont pas seulement les enfants ou les c hercheurs scientifiques
du passé et du présent, mais aussi les personnes de grande culture: poètes, écrivains en prose,
peintres, sculpteurs, musiciens. Beaucoup d'entre eux trouvent leur inspiration dans le trésor
inépuisable des contes de fées.
Pour le p euple roumain, le folklore est le dépositaire de tout ce qui signifie tradition,
habitude et art, qui découle des racines de l’histoire avec les spécificités de ces terres ; traduire
ces créations peut effacer la beauté culturelle. Le but de Petre I spiresc u était de transmettre
l’esprit traditionnel de son pays à travers ses contes et légendes, c’est pourquoi il demeure « un
auteur de n'i mporte où, de partout et de tous les temps ». Un auteur de « partout » parce que ses
histoires pourraient se dérouler dan s n'importe quel pays. Un auteur « de tous les temps » parce
que les thèmes de ses contes sont universels. Ils parlent de jalousie, d'amour, de lâcheté, d'envie,
de courage . Pourtant, l’explication pour le grand intérêt eveillé par ce conte est son origina lité.
Pour la plupart des contes roumains il est possible de trouver des « équivalents » plus ou moins

46 Alina Pelea , Analyse des personnages de contes comme culturèmes et unités de traduction, Université «
Babeș -Bolyai » de Cluj -Napoca, Roumanie.

61
connus dans d’autres littératures européennes, incluant la littérature française, mais ce conte -ci
paraît être unique.
Ispirescu, auteur méconnu en Franc e, est pourtant le plus gran d conteur roumain. Ses
histoires, de facture classique, font penser à celles des frères Grimm ou à Perrault. Un auteur à
découvrir .
Mon choix de comparer et d’analyser Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte
[« Jeunnesse sans vieillesse et vie sans mort »] n’est pas par hasard. Dans ce programme de
Master, j’ai eu l’occasion d’étudier, parmis les autres, l’ analyse des traductions. Ce cours
comprenait plus de domaines de la traduction, tels que le domaine juridique ou tech niques, et
trop peu le domaine littéraire . Alors, passionné par ce domaine, j’ ai choisi de l’intégrer dans
mon mémoire de disse rtation . Après une longue recherche sur un thème, je me suis arrêté sur
les traductions de contes populaires roumains, en insista nt sur le conte de fées le plus
intéressant, de mon point de vue, c’est -à-dire le conte de Petre Ispirescu.
C’est vrai que l a combinaison d’ éléments réels et fabuleux crée le fantastique, comme
ancestral des contes de fées, mais dans cette création populai re, il existe des idées
philosophiques de la mythologie roumaine, faisant référence à la condition de l'homme dans
l'univers, à la vision de la vie et de la mort. Le conte de fées associe le surnaturel folklorique à
de profondes conceptions philosophiques et mythologiques, qui font également ressortir
l'originalité de cette création.
Le thème de mon mémoire de dissertation n’était pas un thème facile. J’ai pris en compte
le fait que les œuvres littéraires roumains ne suscitent pas un tel intérêt dans les autres pays
europ éens, y compris la France. Je me suis beaucoup documenté avant de choisir ces deux
traductions, une faite par Annie Bentoiu, traductrice roumaine et l’autre trouvée sur l’Internet,
avec un traducteur inconnu.
Quant on parle du parcours historique des trad uctions littéraires, on découvre que
l’influence de la civilisation française sur la Roumanie joue le rôle d’un miracle pour la
littérature roumaine. En ce qui concerne la traduction des œuvres roumaines traduites en
français, il semble raisonable de concl ure que la traduction littéraire demande des compétences
en ce qui concerne le style, une bonne imagination et de domaines de connaissances culturelles.
Ainsi, le traducteur des contes de fées se confronte à des difficultés linguistiques, à un
transfert de rôle, de fonction du texte, c’est -à-dire à des choix sensibles. La traduction des contes
de fées illustre parfaitement le fait que les stratégies des traducteurs sont différentes en fonction
du but de la traduction et du public. La traduction en français des conte s de fées roumain s pose
certaines difficultés : la traduction des titres, la traduction des noms propres, la traduction des

62
jeux de mots, la traduction des tropes et des figur es de pensée, la traduction des proverbes, des
dictons et des expression s idiomatiques .
Le nom de Petre Ispirescu est entré si profondément dans la conscience de notre peuple,
ses histoires enchantent encore les enfants. Le conte analyseé est un des plus intéressants, un
conte profondément philosophique. C’est le seul conte de fée ayant une fin heureuse de toute
la littérature enfantine roumaine. Cette histoire a marqué les jeunes lecteurs.
Les exemples extraits de ce s deux traductions en français de l’œuvre de Petre Ispirescu
et qui relèvent les différences evidentes entre deu x traductions et même entre deux traducteurs
qu’on a présentés dans le troisième chapitre ne sont pas nombreux. Le cadre de ce mém oire de
dissertation ne permet pas de reprendre tous les éléments de ce conte de fées qui auraient été
intéressants à mettre e n évidence. Le but de ce mémoire de dissertation a été de faire ressortir
la complémentarité de ces deux retraductions retenues et la richesse de la sphère de la traduction
qu’elles constituent. Chacune d’entre elles prend les relais des versions antérieur s, s’appuyant
plus ou moins sur elles.
Annie Bentoiu, étant une traductrice d’ origine roumaine, donc consciente de la cultur e
et de la littérature roumaine , a choisi de préserver l’originalité de Petre Ispirescu, utilisant les
culturèmes pour éviter de pe rdre du folklore roumain, tandis que l’ autre traduction , ayant un
auteur anonyme , probablement d’origine français e, préfére de s’adresser à un autre type de
public, utilisant un langage plus courant .
On ne connait pas les motivations pour lesquelles ces de ux traducteurs ont retraduit
Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte (désaccord avec les versions antérieur es, volonté
de traduire mieux ou d’imposer un e vision propre), mais ce qu’il est important est le fait que le
lecteur a la chance de regarder l’original à travers ces deux traductions, même tentés de la
subjectivité du traducteur. Il y a une utilité de ces deux traductions pour le l ecteur roumain
aussi, parce qu’ il a l’opportunité d’approfondir sa propre compréhension. La traduction en
français d’Annie Bentoiu respecte presque totalement le texte original, tandis que la traduction
en ligne s’eloigne peu à peu de la variante en roumaine.
Mon opinion sur les deux traductions est qu’elles ont tenté plus ou moins de reproduire
l’image fantastique c réée par Petre Ispirescu. La traduction faite par Annie Bentoiu peut être
considérée comme une traduction légèrement meilleure au niveaux lexique -sémantique,
syntaxique et stylistique . Elle fait appel à la traduction littérale, qui est un bon moyen de
conserver les formules roumaines traditionnelles , tandis que la traduction en ligne tente de se
rapprocher du public français, peut -être parce que la traduction est spécialement conçue pour
l'environnement en ligne auquel un large public a accès .

63
En conclusion , le phénomène d’ intructabilité peut souvent apparaître dans l’esprit d’un
traducteur. Même s’il existe toujours des expériences uniques pour réussir à transférer des idées
au-delà des frontières culturelles et linguistiques, je pense que la traduction est toujours
possible.
L’impossibilité de trouver la solution parfaite ne doit, certes, décourager ni traducteurs
ni lecteurs. Rendre / saisir ne serait -ce qu’une partie de la richesse de l’original, c’est déjà un
gain. Les retraductions sont un trésor qui a ttend d’être découvert.47

47 Alina Pelea, La retraduction comme enrichissement , Université Babeș -Bolyai, Roumanie, Editura Universității
din Suceava, 2012.

64
ANNEXE 1. Tinerețe fără de bătrân ețe și viață fără de
moarte ( Petre Ispirescu)

A fost odată ca niciodată; că de n -ar fi, nu s -ar mai povesti; de când făcea plopșorul pere
și răchita micșunele; de când se băteau urșii în coade; de când se luau de gât lupii cu mieii de
se sărutau, înfrățindu -se; de când se potcovea puricele la un picior cu nouăzeci și nouă de oca
de fier și s -arunca în slava cerului de ne aducea povești;
De când se scria musca pe părete,
Mai mincinos cine nu crede.
A fost odată un împărat mare și o împărăteasă, amândoi tineri și frumoși, și, voind să
aibă copii, a făcut de mai multe ori tot ce trebuia să facă pentru aceasta; a îmblat pe la vraci și
filosofi, ca să caute la stele și să le ghicească daca or să facă cop ii; dar în zadar. În sfârșit, auzind
împăratul că este la un sat, aproape, un unchiaș dibaci, a trimis să -l cheme; dar el răspunse
trimișilor că: cine are trebuință, să vie la dânsul. S -au sculat deci împăratul și împărăteasa și,
luând cu dânșii vro câțiva boieri mari, ostași și slujitori, s -au dus la unchiaș acasă. Unchiașul,
cum i -a văzut de departe, a ieșit să -i întâmpine și totodată le -a zis:
– Bine ați venit sănătoși; dar ce îmbli, împărate, să afli? Dorința ce ai o să-ți aducă
întristare.
– Eu nu am v enit să te întreb asta, zise împăratul, ci, daca ai ceva leacuri care să ne facă
să avem copii, să -mi dai.
– Am, răspunse unchiașul; dar numai un copil o să faceți. El o să fie Făt -Frumos și
drăgăstos, și parte n -o să aveți de el. Luând împăratul și împără teasa leacurile, s -au întors veseli
la palat și peste câteva zile împărăteasa s -a simțit însărcinată. Toată împărăția și toată curtea și
toți slujitorii s -au veselit de această întâmplare.
Mai-nainte de a veni ceasul nașterii, copilul se puse pe un plâns, de n-a putut nici un
vraci să -l împace. Atunci împăratul a început să -i făgăduiască toate bunurile din lume, dar nici
așa n -a fost cu putință să -l facă să tacă.
– Taci, dragul tatei, zice împăratul, că ți -oi da împărăția cutare sau cutare; taci, fiule, că
ți-oi da soție pe cutare sau cutare fată de împărat, și alte multe d -alde astea; în sfârșit, dacă văzu
și văzu că nu tace, îi mai zise: taci, fătul meu, că ți -oi da Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de
moarte.
Atunci, copilul tăcu și se născu; iar sl ujitorii deteră în timpine și în surle și în toată
împărăția se ținu veselie mare o săptămână întreagă.

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De ce creștea copilul, d -aceea se făcea mai isteț și mai îndrăzneț. Îl deteră pe la școli și
filosofi, și toate învățăturile pe care alți copii le învăț a într -un an, el le învăța într -o lună, astfel
încât împăratul murea și învia de bucurie. Toată împărăția se fălea că o să aibă un împărat
înțelept și procopsit ca Solomon împărat. De la o vreme încoace însă, nu știu ce avea, că era tot
galeș, trist și dus pe gânduri. Iar când fuse într -o zi, tocmai când copilul împlinea cincisprezece
ani și împăratul se afla la masă cu toți boierii și slujbașii împărăției și se chefuiau, se sculă Făt –
Frumos și zise:
– Tată, a venit vremea să -mi dai ceea ce mi -ai făgăduit l a naștere.
Auzind aceasta, împăratul s -a întristat foarte și i -a zis:
– Dar bine, fiule, de unde pot eu să -ți dau un astfel de lucru nemaiauzit? Și dacă ți -am
făgăduit atunci, a fost numai ca să te împac.
– Daca tu, tată, nu poți să -mi dai, apoi sunt nevoi t să cutreier toată lumea până ce voi
găsi făgăduința pentru care m -am născut.
Atunci toți boierii și împăratul deteră în genuchi, cu rugăciune să nu părăsească
împărăția; fiindcă, ziceau boierii:
– Tatăl tău de aci înainte e bătrân, și o să te ridicăm pe tine în scaun, și avem să -ți aducem
cea mai frumoasă împărăteasă de sub soare de soție.
Dar n -a fost putință să -l întoarcă din hotărârea sa, rămânând statornic ca o piatră în
vorbele lui; iar tată -său, dacă văzu și văzu, îi dete voie și puse la cale să -i gătească de drum
merinde și tot ce -i trebuia.
Apoi, Făt -Frumos se duse în grajdurile împărătești unde erau cei mai frumoși armăsari
din toată împărăția, ca să -și aleagă unul; dar, cum punea mâna și apuca pe câte unul de coadă,
îl trântea, și astfel toți cai i căzură. În sfârșit, tocmai când era să iasă, își mai aruncă ochii o dată
prin grajd și, zărind într -un colț un cal răpciugos și bubos și slab, se duse și la dânsul; iar când
puse mâna pe coada lui, el își întoarse capul și zise:
– Ce poruncești, stăpâne? Mulțumesc lui Dumnezeu că mi -a ajutat să ajung ca să mai
puie mâna pe mine un voinic.
Și înțepenindu -și picioarele, rămase drept ca lumânarea. Atunci Făt -Frumos îi spuse ce
avea de gând să facă și calul îi zise:
– Ca să ajungi la dorința ta, trebuie să ce ri de la tată -tău paloșul, sulița, arcul, tolba cu
săgețile și hainele ce le purta el când era flăcău; iar pe mine să mă îngrijești cu însuți mâna ta
șase săptămâni și orzul să mi -l dai fiert în lapte.
Cerând împăratului lucrurile ce -l povățuise calul, el a chemat pre vătaful curții și i -a dat
poruncă ca să -i deschiză toate tronurile cu haine spre a -și alege fiul său pe acelea care îi va

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plăcea. Făt -Frumos, după ce răscoli trei zile și trei nopți, găsi în sfârșit, în fundul unui tron
vechi, armele și hainel e tatâne -său de când era flăcău, dar foarte ruginite. Se apucă însuși cu
mâna lui să le curețe de rugină și, după șase săptămâni, izbuti a face să lucească armele ca
oglinda. Totodată îngriji și de cal, precum îi zisese el. Destulă muncă avu; dar fie, că i zbuti.
Când auzi calul de la Făt -Frumos că hainele și armele sunt bine curățate și pregătite,
odată se scutură și el, și toate bubele și răpciuga căzură de pe dânsul și rămase întocmai cum îl
fătase mă -sa, un cal gras, trupeș și cu patru aripi; văzându -l Făt-Frumos astfel, îi zise:
– De azi în trei zile plecăm.
– Să trăiești, stăpâne; sunt gata chiar azi, de poruncești, îi răspunse calul.
A treia zi de dimineață, toată curtea și toată împărăția era plină de jale. Făt -Frumos,
îmbrăcat ca un viteaz, cu paloșu l în mână, călare pe calul ce -și alesese, își luă ziua bună de la
împăratul, de la împărăteasa, de la toți boierii cei mari și cei mici, de la ostași și de la toți
slujitorii curții, carii, cu lacrămile în ochi, îl rugau să se lase de a face călătoria acea sta, ca nu
care cumva să meargă la pieirea capului său; dar el, dând pinteni calului, ieși pe poartă ca vântul,
și după dânsul carăle cu merinde, cu bani și vreo două sute de ostași, pe care -i orânduise
împăratul ca să -l însoțească.
După ce trecu afară de împărăția tatălui său și ajunse în pustietate, Făt -Frumos își împărți
toată avuția pe la ostași și, luându -și ziua bună, îi trimise înapoi, oprindu -și pentru dânsul
merinde numai cât a putut duce calul. Și apucând calea către răsărit, s -a dus, s -a dus, s -a dus,
trei zile și trei nopți, până ce ajunse la o câmpie întinsă, unde era o mulțime de oase de oameni.
Stând să se odihnească, îi zise calul:
– Să știi, stăpâne, că aici suntem pe moșia unei Gheonoaie, care e atât de rea, încât
nimeni nu calcă pe moșia e i, fără să fie omorât. A fost și ea femeie ca toate femeile, dar
blestemul părinților pe care nu -i asculta, ci îi tot necăjea, a făcut -o să fie Gheonoaie; în clipa
aceasta este cu copiii ei, dar mâine, în pădurea ce o vezi, o s -o întâlnim venind să te prăp ădească;
e grozavă de mare; dară să nu te sperii, ci să fii gata cu arcul ca să o săgetezi, iar paloșul și sulița
să le ții la îndemână, ca să te slujești cu dânsele când va fi de trebuință.
Se deteră spre odihnă; dar pândea când unul, când altul.
A doua z i, când se revărsa ziorile, ei se pregăteau să treacă pădurea. Făt -Frumos înșeuă
și înfrână calul, și chinga o strânse mai mult decât altă dată, și porni; când, auzi o ciocănitură
groaznică. Atunci calul îi zise:
– Ține-te, stăpâne, gata, că iată se apropi e Gheonoaia.

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Și când venea ea, nene, dobora copacii: așa de iute mergea; iar calul se urcă ca vântul
până cam deasupra ei și Făt -Frumos îi luă un picior cu săgeata și, când era gata a o lovi cu a
doua săgeată, strigă ea:
– Stăi, Făt -Frumos, că nu -ți fac ni mic!
Și văzând că nu o crede, îi dete înscris cu sângele său.
– Să-ți trăiască calul, Făt -Frumos, îi mai zise ea, ca un năzdrăvan ce este, căci de nu era
el, te mâncam fript; acum însă m -ai mâncat tu pe mine; să știi că până azi niciun muritor n -a
cutezat să calce hotarele mele până aicea; câțiva nebuni carii s -au încumes a o face d -abia au
ajuns până în câmpia unde ai văzut oasele cele multe.
Se duseră acasă la dânsa, unde Gheonoaia ospătă pe Făt -Frumos și -l omeni ca pe un
călător. Dar pe când se aflau la masă și se chefuiau, iară Gheonoaia gemea de durere, deodată
el îi scoase piciorul pe care îl păstra în traistă, i -l puse la loc și îndată se vindecă. Gheonoaia,
de bucurie, ținu masă trei zile d -a rândul și rugă pe Făt -Frumos să -și aleagă de soție pe una din
cele trei fete ce avea, frumoase ca niște zâne; el însă nu voi, ci îi spuse curat ce căuta; atunci ea
îi zise:
– Cu calul care îl ai și cu vitejia ta, crez că ai să izbutești.
După trei zile, se pregătiră de drum și porni. Merse Făt -Frumos, merse și ia r merse, cale
lungă și mai lungă; dară când fu de trecu peste hotarele Gheonoaiei, dete de o câmpie frumoasă,
pe de o parte cu iarba înflorită, iar pe de altă parte pârlită. Atunci el întrebă pe cal:
– De ce este iarba pârlită?
Și calul îi răspunse:
– Aici suntem pe moșia unei Scorpii, soră cu Gheonoaia; de rele ce sunt, nu pot să
trăiască la un loc; blestemul părinților le -a ajuns, și d -aia s-au făcut lighioi, așa precum le vezi;
vrăjmășia lor e groaznică, nevoie de cap, vor să -și răpească una de la alta p ământ; când Scorpia
este necăjită rău, varsă foc și smoală; se vede că a avut vreo ceartă cu soră -sa și, viind s -o
gonească de pe tărâmul ei, a pârlit iarba pe unde a trecut; ea este mai rea decât soră -sa și are trei
capete. Să ne odihnim puțin, stăpâne, ș i mâine dis -de-dimineață să fim gata.
A doua zi se pregătiră, ca și când ajunsese la Gheonoaia, și porniră. Când, auziră un
urlet și o vâjietură, cum nu mai auziseră ei până atunci!
– Fii gata, stăpâne, că iată se apropie zgripsoroaica de Scorpie.
Scorpia, cu o falcă în cer și cu alta în pământ și vărsând flăcări, se apropia ca vântul de
iute; iară calul se urcă repede ca săgeata până cam deasupra și se lăsă asupra ei cam pe deoparte.
Făt-Frumos o săgetă și îi zbură un cap; când era să -i mai ia un cap, Scor pia se rugă cu lacrămi
ca să o ierte, că nu -i face nimic și, ca să -l încredințeze, îi dete înscris cu sângele ei. Scorpia

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ospătă pe Făt -Frumos și mai și decât Gheonoaia; iară el îi dete și dânsei înapoi capul ce i -l luase
cu săgeata, carele se lipi îndată cum îl puse la loc, și după trei zile plecară mai departe.
Trecând și peste hotarele Scorpiei, se duseră, se duseră și iară se mai duseră, până ce
ajunseră la un câmp numai de flori și unde era numai primăvară; fiecare floare era cu deosebire
de mândră și cu un miros dulce, de te îmbăta; trăgea un vântișor care abia adia. Aicea stătură ei
să se odihnească, iară calul îi zise:
– Trecurăm cum trecurăm până aci, stăpâne; mai avem un hop: avem să dăm peste o
primejdie mare; și daca ne -o ajuta Dumnezeu să scăpăm și de dânsa, apoi suntem voinici. Mai –
nainte de aci este palatul unde locuiește Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte. Această
casă este încongiurată cu o pădure deasă și înaltă, unde stau toate fiarele cele mai sălbatice din
lume; ziua și noapt ea păzesc cu neadormire și sunt multe foarte; cu dânsele nu este chip de a te
bate; și ca să trecem prin pădure e peste poate; noi însă să ne silim, dac -om putea, să sărim pe
dasupra.
După ce se odihniră vreo două zile, se pregătiră iarăși; atunci calul, ț inându -și răsuflarea,
zise:
– Stăpâne, strânge chinga cât poți de mult, și încălecând, să te ții bine și în scări, și de
coama mea; picioarele să le ții lipite pe lângă supțioara mea, ca să nu mă zăticnești în zborul
meu.
Se urcă, făcu probă, și într -un mi nut fu aproape de pădure.
– Stăpâne, mai zise calul, acum e timpul când se dă de mâncare fiarălor pădurei și sunt
adunte toate în curte; să trecem.
– Să trecem, răspunse Făt -Frumos, și Dumnezeu să se îndure de noi.
Se urcară în sus și văzură palatul strălu cind astfel, de la soare te puteai uita, dar la dânsul
ba. Trecură pe dasupra pădurii și, tocmai când erau să se lase în jos la scara palatului, d -abia,
d-abia atinse cu piciorul vârful unui copaci și dodată toată pădurea se puse în mișcare; urlau
dobitoac ele, de ți se făcea părul măciucă pe cap. Se grăbiră de se lăsară în jos; și de nu era
doamna palatului afară, dând de mâncare puilor ei (căci așa numea ea lighionile din pădure), îi
prăpădea negreșit.
Mai mult de bucurie că au venit, îi scăpă ea; căci nu mai văzuse până atunci suflet de
om pe la dânsa. Opri pe dobitoace, le îmblânzi și le trimise la locul lor. Stăpâna era o zână naltă,
supțirică și drăgălașă și frumoasă, nevoie mare! Cum o văzu Făt -Frumos, rămase încremenit.
Dară ea, uitându -se cu milă la dânsul, îi zise:
– Bine ai venit, Făt -Frumos! Ce cauți pe aici?
– Căutăm, zise el, Tinerețe fără bătrânețe și viață fără de moarte.

69
– Dacă căutați ceea ce ziseși, aci este.
Atunci descălică și intră în palat. Acolo găsi încă două femei, una ca alta de tine re; erau
surorile cele mai mari. El începu să mulțumească zânei pentru că l -a scăpat de primejdie; iară
ele, de bucurie, gătiră o cină plăcută și numai în vase de aur. Calului îi dete drumul să pască pe
unde va voi dânsul; pe urmă îi făcură cunoscuți tutur or lighioanelor, de puteau îmbla în tihnă
prin pădure.
Femeile îl rugară să locuiască de aci înainte cu dânsele, căci ziceau că li se urâse, șezând
tot singurele; iară el nu așteptă să -i mai zică o dată, ci priimi cu toată mulțumi rea, ca unul ce
aceea și c ăuta.
Încet, încet, se deprinseră unii cu alții, își spuse istoria și ce păți până să ajungă la
dânsele, și nu după multă vreme se și însoți cu fata cea mai mică. La însoțirea lor, stăpânele
casei îi deteră voie să meargă prin toate locurile de primprejur, pe unde va voi; numai pe o vale,
pe care i -o și arătară, îi ziseră să nu meargă, căci nu va vi bine de el; și -i și spuseră că acea vale
se numea Valea Plângerii.
Petrecu acolo vreme uitată, fără a prinde de veste, fiindcă rămăsese tot așa de tânăr, ca
și când venise. Trecea prin pădure, fără să -l doară măcar capul. Se desfăta în palaturile cele
aurite, trăia în pace și în liniște cu soția și cumnatele sale, se bucura de frumusețea florilor și de
dulceața și curățenia aerului, ca un fericit. Ieșea adesea la vânătoare; dar, într -o zi, se luă după
un iepure, dete o săgeată, dete două și nu -l nimeri; supărat, alergă după el și dete și cu a treia
săgeată, cu care îl nemeri; dară nefericitul, în învălmășeală, nu băgase de seamă că, alergând
după iepure, trecuse î n Valea Plângerii.
Luând iepurile, se întorcea acasă; când, ce să vezi d -ta? deodată îl apucă un dor de tată –
său și de mumă -sa. Nu cuteză să spuie femeilor măiestre; dară ele îl cunoscură după întristarea
și neodihna ce vedea într -însul.
– Ai trecut, nefer icitule, în Valea Plângerii! îi ziseră ele, cu totul speriate.
– Am trecut, dragele mele, fără ca să fi voit să fac astă neghiobie; și acum mă topesc d –
a-n picioarele de dorul părinților mei, însă și de voi nu mă îndur ca să vă părăsesc. Sunt de mai
multe zile cu voi și n -am să mă plâng de nici o mâhnire. Mă voi duce dară să -mi mai văz o dată
părinții și apoi m -oi întoarce, ca să nu mă mai duc niciodată.
– Nu ne părăsi, iubitule; părinții tăi nu mai trăiesc de sute de ani, și chiar tu, ducându –
te, ne temem că nu te vei mai întoarce; rămâi cu noi; căci ne zice gândul că vei pieri.
Toate rugăciunile celor trei femei, precum și ale calului, n -a fost în stare să -i potolească
dorul părinților, care -l usca pe d -a-ntregul. În cele mai de pe urmă, calul îi zise:

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– Daca nu vrei să mă asculți, stăpâne, orice ți se va întâmpla, să știi că numai tu ești de
vină. Am să -ți spui o vorbă, și daca vei priimi tocmeala mea, te duc înapoi.
– Primesc, zise el cu toată mulțumirea, spune -o!
– Cum vom ajunge la palatul tatălui tău, să te las jos și eu să mă întorc, de vei voi să
rămâi măcar un ceas.
– Așa să fie, zise el.

Se pregătiră de plecare, se îmbrățișară cu femeiele și, după ce -și luară ziua bună unul de
la altul, porni, lăsându -le suspinând și cu lacrămile în ochi. Ajunseră în locurile unde era moșia
Scorpiei; acolo găsiră orașe; pădurile se schimbaseră în câmpii; întrebă pre unii și pre alții
despre Scorpie și locuința ei; dar îi răspunseră că bunii lor auziseră de la străbunii lor
povestindu -se de asemenea fleacuri.
– Cum s e poate una ca asta? le zicea Făt -Frumos, mai alaltăieri am trecut pe aici; și
spunea tot ce știa.
Locuitorii râdea de dânsul, ca de unul ce aiurează sau visează deștept, iară el, supărat,
plecă înainte, fără a băga de seamă că barba și părul îi albise.
Ajungând la moșia Gheonoaiei, făcu întrebări ca și la moșia Scorpiei, și primi asemenea
răspunsuri. Nu se putea domiri el: cum de în câteva zile s -au schimbat astfel locurile? Și iarăși
supărat, plecă cu barba albă până la brâu, simțind că îi cam tremurau pi cioarele, și ajunse la
împărăția tătâne -său. Aici alți oameni, alte orașe, și cele vechi erau schimbate de nu le mai
cunoștea. În cele mai de pe urmă, ajunse la palaturile în cari se născuse. Cum se dete jos, calul
îi sărută mâna și îi zise:
– Rămâi sănăto s, că eu mă întorc de unde am plecat. Daca poftești să mergi și d -ta,
încalecă îndată și aidem!
– Du-te sănătos, că și eu nădăjduiesc să mă întorc peste curând.
Calul plecă ca săgeata de iute.
Văzând palaturile dărămate și cu buruieni crescute pe dânsele, ofta și, cu lacrămi în ochi,
căta să -și aducă aminte cât era odată de luminate aste palaturi și cum și -a petrecut copilăria în
ele; ocoli de vreo două -tei ori, cercetând fiecare cămară, fiecare colțuleț ce -i aducea aminte cele
trecute; grajdul în care găsi se calul; se pogo rî apoi în pivniță, gârliciul căreia se astupase de
dărămăturile căzute.
Căutând într -o parte și în alta, cu barba albă până la genunchi, ridicându -și pleoapele
ochilor cu mâinile și abia umblând, nu găsi decât un tron odorogit; îl deschis e, dară în el nimic
nu găsi; ridică capacul chichiței, și un glas slăbănogit îi zise:

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– Bine ai venit, că de mai întârziai, și eu mă prăpădeam.
O palmă îi trase Moartea lui, care se uscase de se făcuse cârlig în chichiță , și căzu mort,
și îndată se și făcu țărână.
Iar eu încălecai p -o șea și vă spusei dumneavoastră așa.48

48 Petre Ispirescu, Legende sau basmele românilor, a dunate din gura poporului , București, 1882, p. 1 — 10.

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ANNEXE 2. Une jeunesse sans vieillesse et une vie sans
mort (traduction par Annie Bentoiu)
Il était une fois ; car si cela n'avait été, on ne l'aurait jamais conté ; au temps où les
peupliers faisaient de noisettes, et les saules des violettes ; au temps où les ours se battaient à
coups de queue ; au temps où les loups embrassaient les agneaux comme des frères ; au temps
où l'on ferrait les puces à raison de quatre -vingt -dix-neuf livres de fer à chaque patte, après quoi
elles bondissaient tout en haut du ciel pour nous en rapporter des contes ;
au temps où les mouches
signaient les parois,
qui point n'y croit
est plus menteur que moi,

il était une fois un grand empereur et une impératr ice, tous les deux jeunes et beaux, qui
désiraient des enfants et firent plusieurs fois tout ce qu'il fallait faire pour en avoir ; ils allèrent
ensemble consulter des guérisseurs et des philosophes, pour leur demander d'examiner les
étoiles et d'en appren dre si oui ou non, un enfant leur naitrait ; mais en vain. Enfin l'empereur
se laissa dire qu'il y avait, dans un hameau du voisinage, un petit vieux très habile, et l'envoya
chercher ; mais celui -ci fit répondre aux messagers qu'on vienne le trouver, puis qu'on avait
besoin de ses services. L'empereur et l'impératrice se mirent donc en route, accompagnés de
quelques grands boyards, d'officiers et de domestique, vers le logis du petit vieux. Celui -ci, dès
qu'il les vit poindre à l'horizon, s'en vint à leur r encontre et leur dit :
– Soyez les bienvenus ; mais que cherchez -vous tant à savoir, Sire ? Votre désir ne vous
vaudra que du chagrin.
– Ce n'est pas ce que je suis venu te demander, répliqua l'empereur ; si tu as quelque
remède qui puisse nous faire avoir des enfants, donne -le-moi.
– J'en ai, répondit le petit vieux ; mais vous n'aurez qu'un seul fils. Il sera Beau -Vaillant
au cœur tendre, et vous n'en jouirez pas.
Emportant les remèdes, le couple impérial s'en retourna braiment au palais et quelques
jours plus tard, l'impératrice se trouva enceinte. Et tous les sujets de l'empire, et la cour, et l es
serviteurs de la cour furent heureux de l'aventure. Mais après l'heure de naitre, l'enfant se mit à
pleurer si fort que personne ne pouvait l'apaiser. L'empereur lui promit tous les biens de ce
monde, mais ce fut en vain, il pleurait toujours.

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-Tais-toi, mon petit, disait l'empereur, que te donnerai tel ou tel empire à conduire ; tais-
toi, mon fils, je te donnerai pour femme telle ou telle princesse et bien d'autres consolations de
ce genre ; enfin, voyant qu'il continuait à pleurer : tais-toi, mon enfan t, ajoutant -il je te donnerai
une jeunesse sans vieillesse et une vie sans mort.
Aussitôt l'enfant se tut ; les hérauts publièrent la nouvelle au son des tambours et des trompettes,
et il y eut de grandes réjouissances d'un bout à l'autre de l'empire, une bonne semaine durant.
Plus l'enfant grandissaient, plus il devenait perspicace et hardi. On l'envoya aux école, auprès
de grands philosophes, et ce que d'autres enfants apprennent en un an, il l'apprenait en un mois ;
ce qui faisait que l'empereur ici mour ait de joie, là ressuscitait. Tous les sujets de l'empire étaient
fiers de penser qu'ils auraient un jour un empereur aussi sage et aussi instruit que le roi Salomon.
Mais depuis quelque temps, le prince semblait atteint d'un mal étrange, car du matin au s oir il
était abattu, mélancolique, rêveur. Et le jour de ses quinze ans, l'empereur étant a un grand
festin, entouré de tous les boyards et de tous ceux qui étaient au service de l'empire, Beau –
Vaillant se leva de table et dit :
– Père, voici venu le temps de me donner ce que tu m'as promis à ma naissance.
L'empereur se sentit le cœur serré à l'entendre ; il répondit :
– Mais enfin, comment veux -tu, mon fils, que je te fasse un don aussi extraordinaire ?
Si je te l'ai promis alors, c' était simplement pour te consoler.
– Si tu ne peux me le donner, il me faudra errer d'un bout à l'autre de la terre, jusqu’à ce
que je trouve ce qui m'a été promis et pour quoi je suis né.
Alors tous les boyards et L'empereur lui -même tombèrent à genoux, le suppliant de ne
point quitter le pays ; car, disaient les boyards :
-Ton père est vieux désormais ; nous te ferons monter sur le trône et t'amènerons pour
épouse la plus belle princesse qu'ait jamais vue le soleil.
Mais rien ne put le faire Beau -Vaillant revenir sur sa décisi on ; il restait ferme comme roc ; ce
que voyant, son père l'autorisa à partir et commanda pour lui des provisions de route et tout le
nécessaire.
Alors Beau -Vaillant s'en alla visiter les écuries de la cour, où se trouvaient réunis les
plus beaux étalons d e l'empire, aux fins d'en choisir un pour sa monture ; mais il lui suffisait de
poser la main dessus et de leur empoigner la queue pour les renverser sans effort ; tous les
chevaux y passèrent. Il était sur le point de sortir l' lorsqu’en jetant un dernier coup d' Œil sur les
stalles, il aperçut dans un coin un cheval efflanqué, tout couvert des plaies et de morve ; il alla
de voir de plus près ; et il ne l'eut pas plutôt saisi par la queue , que le cheval tourna la tête et
dit :

74
– Maître, qu' ordonnez -vous ? Le ciel soit loué de m'avoir laissé en vie, pour sentir encore
sur moi la main d'un vrai brave !
Et se raidissant sur ses jambes, il se tint droit comme un cierge. Alors Beau -Vaillant le mit au
courant de son projet, et le cheval de répondre :
– Pour réali ser votre désir, il vous faut demander à votre père le glaive, le javelot, l'arc,
le carquois, les flèches et les habits qu'il portait lui -même à votre âge ; quant à moi, il vous
faudra me soigner de vos propres mais pendant six semaines ; mon orge, vous m e le donnerez
bouillie dans du lait frais.
Apprennent quels étaient les objets indiqués par le cheval, l'empereur manda l'intendant
du cœur et lui ordonna d'ouvrir tous les coffres à habits, afin que son fils y puisse choisir ceux
qui lui plairaient. Après avoir fouillé dedans trois jours et trois nuits de suite, Beau -Vaillant
trouva enfin, sur le fond d'un vieux coffre, les armes toutes rouillées et les vêtements que portait
son père avant son mariage. Il se mit en devoir de fourbir les armes et six semain es plus tard, il
était parvenu à les faire reluire comme un miroir. Entre temps il soignait son cheval, selon ses
instructions. Ce qui ne fut pas une petite affaire ; mais il finit par la mener à bien.
Lorsque le cheval apprit de la bouche de Beau -Vaillant qu'armes et vêtements étaient nettoyés
et en ordre, il s' ébroua soudain et toutes les croûtes, toute la morve tombèrent d'un coup de sur
son corps ; il se retrouva la peau nette, tel que sa mère l'avait fait, un superbe cheval dodu,
puissant et quatre foi s ailé ; et Beau -Vaillant, l'ayant considéré, déclara :
– Nous partirons d'ici trois jours.
– A vos ordres, mon maître ; je suis prêt dès aujourd'hui, si c'est votre bon plaisir,
répondit le cheval.
Au matin de troisième jour, tout la cour, tous les sujet s de l'empire étaient plongés dans
la désolation. Beau -Vaillant, équipé comme un brave, le glaive à la main et monté sur le cheval
de son choix, prit congé de l'empereur, de l' impératrice des boyards grands et petits, des soldats
et de tous les gens de la cour, lesquels, les larmes aux yeux, l'imploraient de renoncer à ce
voyage qui pouvait le mener à sa perte ; mais éperonnant son cheval, il sortit par la grande p orte
en coup de vent, suivi par les chariots remplis d' argent et de victuailles et par quelque deux
cents soldats que l'empereur avait choisis pour sa suit.
Quand il se vit horse du domaine de son père et eut atteint une contrée sauvage, Beau -Vaillant
distribua tout son bien aux soldats et, prenant congé d'eux, les renvoya, retenant pour lui juste
autant de vivres qu'en pouvait porter son cheval. Et se dirigeant vers l'Orient, il chemina sans
arrêt durant trois jours et trois nuits, à la fin desquels il déboucha sur une vaste plaine
entièrement recouverte d'ossements humains.

75
Comme ils faisaient hal te pour reprendre haleine, le cheval lui dit :
– Sachez, mon maître, que nous somme s ici sur les terres de la Sorcière Epeiche, si
méchante qu'elle tue tous ceux qui y posent le pied. C'était jadis une femme comme les autres,
mais ses parents, à qui elle n 'obéissait pas et qu'elle tourmentait de toutes les manières, l'ont
maudite, ce qui fait qu’elle s'est changée en Epeiche ; pour le moment elle est auprès de ses
enfants, mais demain, dans ce bois que voilà, nous la rencontrerons qui voudra vous tuer ; elle
est immense ; n'ayez point de crainte et tenez -vous prêt, l'arc tendu pour la frapper d'une flèche,
glaive et javelot à portée de la main, pour pouvoir vous en servir au besoin.
Puis ils prirent quelque repos ; mais ils faisaient le guet à tour de rôle.
Le lendemain, au point du jour, on s'apprêta à traverser le bois. Beau -Vaillant sella son cheval
et ajusta les rênes, serrant la sangle plus fort que d'habitude, puis ils partirent au trot ; soudain
on entendit des coups et des craquements épouvantables. E t le cheval de dire:
– Maître, tenez -vous prêt, voici venir la Sorcière Epeiche.
Elle s'en venait, je vous jure, si vite qu'elle en renversait les arbres au passage ; mais le
cheval s'envola, rapide comme le vent, juste un peu au -dessus d'elle et la flèche tirée par Beau –
Vaillant lui emporta une patte ; il était sur le point de viser à nouveau lorsqu'elle se mit à crier :
– Arrête, Beau -Vaillant, je ne te ferai point de mal !
Et voyant qu'il n'y croyait guère, elle lui mit sa promesse par é, en signant de son sang.
– Longue vie à to n cheval, Bon -Vaillant, ajoute -t-elle, car c'est un cheval fée ; sans lui,
je t'aurais croqué à belles dents ; mais c'est toi qui as eu le dessus ; sache que jusqu'ici nul mortel
n'a osé s'engager si avant dans me s terres ; les quel ques écervelés qui l'ont tenté ne sont parvenus
qu'á la plaine où tu as vu leurs os.
Ils raccompagnèrent la Sorcière à son logis, où elle offrit à Beau -Vaillant un bon repas
et le traita avec tout la générosité qu'on doit au voyageur. Mais pendant qu'on ét ait à table,
trinquant et mangeant, et que l'Epeiche ordonna un festin qui dura trois jours sans interruption
et supplies Beau -Vaillant d'épouser une de ses filles, toute trois belles comme des fées ; il
refusa, disant tout net ce qu'il allait chercher ; à quoi il l'entendit répondre :
– Avec le cheval que tu as, et avec ton courage, je crois que tu parviendras à tes fins.
Trois jours plus tard, bien équipées, ils reprenaient leur voyage. Et Beau -Vaillant
chemina longtemps, longtemps, sur une route qui semb lait infinie ; lorsqu'il eut rachi les
frontières de l'Epeiche, il se trouva devant une belle plaine dont une moitié était couverte d'herbe
fleurie, tandis que l'autre était toute brulée . Alors il demanda au cheval :
– Pourquoi donc cette herbe est -elle brûlée ?
Et le cheval de répondre :

76
– Nous sommes ici sur les terres de la Sorcière Scorpion, sœur de l'Epeiche ; elles sont
si mauvaises qu'elle ne peuvent pas vivre ensemble ; la malédiction de leurs parents a fini par
se frapper, elle se sont changées en bête fauves, telles que tu les vois ; la haine qu'elles se sont
vouée est épouvantable , chacune en veut à la vie de l'autre, elles se ravissent leurs terres sans
arrêt ; quand la Sorcière Scorpion est très en colère, elle crache du feu et de la poix brûlan te ; il
faut croire qu'elle vient de se quereller avec sa sœur , et qu'en venant la re jeter hors de son
domaine elle a brûlé toute l'herbe au passage ; elle est encore plus méchante que sa sœur et elle
à trois têtes. Prenons un peu de repos, mon maître, pou r être d'attaque demain au petit jour.
Dès l'aube, ils se préparent au combat avec autant de soin qu'en entrant sur les terres de
l'Epeiche; et ils partirent. Soudain s’éleva un hurlement et un vrombissement plus terribles que
tout ce qu’ils n’avaient jama is entendu.
– Tenez -vous bien, mon maître, car voici s'approcher la sorcière Scorpion!
Entre ciel et terre, la gueule béante et crachant des flammes, celle -ci s'en venait comme
un ouragan ; mais de son côté, le cheval s' élança rapidement dans les airs, un pe u plus haut
qu'elle et un peu à l'écart. La flèche de Beau -Vaillant emporta une des têtes; il visait la seconde
lorsque la Sorcière en larmes le supplia de l'épargner, jura de ne rien lui faire de mal et pour
l'en assurer, lui signa un écrit de son propre sang. Le festin qu'elle offrit à Beau -Vaillant fut
encore plus riche que celui de l'Epeiche; de son côté, il lui rendit la tête que sa flèche avait
emportée; cette tête se recolla dès qu'il l'eut mise en place, et trois jours plus tard nos amis
repartaient .
Hors des frontières de la Sorcière Scorpion, ils continuèrent Á avancer , loin très loin, et
arrivèrent enfin au bord d’un champ couvert de fleurs où régnait un printemps éternel; chaque
fleur était merveilleusement belle et répandait un parfum suave qui vous montait à la tête; une
petite brise soufflait doucement. C'est là qu'ils firent halte, et le cheval de dire:
– Jusqu'ici, mon maître, tant bien que mal, nous nous somme tirés d'affaire; il nous reste
encore un obstacle, car un grand danger nous attend ; si, Dieu aidant, nous réussissons cette fois
encore, eh bien, c'est que nous sommes vraiment braves. Droit devant nous s'élève le palais où
se trouvent une jeunesse sans vieillesse et une vie sans mort. Ce palais est entouré d'une forêt
haute et drue, où vivent les fauves les plus cruels du monde; jour et nuit ils sont à l'affût, sans
répit, et leur nombre est grand; impossible de se battre avec eux; traverser cette forêt est hors
de question, mais nous ferons de notre mieux pour sauter par -dessus.
Après un repos d'un jour ou deux, on se prépara de nouveau et le cheval, retenant son souffle,
dit:

77
– Serrez la sangle, maître, de toutes vos forces, et en selle! Tenez -vous bien ferme sur
les étriers, accrochez -vous à ma crinière et collez vos jambes contre moi , pour ne pas entraver
mon vol.
Beau -Vaillant enfourcha son cheval; on fit un essai, et une seule minute leur suffit pour
arriver à la lisière du bois.
– Maître, reprit le cheval, c'est l’heure où l'on donne à manger aux fauves, ils sont tous
rassemblés da ns la cour; passons .
– Passons, dit Beau -Vaillant, et à la grâce de Dieu!
Ils s'élevèrent haut dans le ciel et virent briller le palais d'un si magnifique éclat, quòn
pouvait bien regarder en face le soleil, mais pas un palais pareil. Ils survolèrent les b ois et au
moment de se poser au bas du perron ils effleurèrent au passage, du bout d'un sabot, la cime
d'un arbre et soudain toute la forêt s'anima: les fauves hurlaient à vous faire se dresser les
cheveux sur la tête. On se dépêcha de se poser sur le sol; et si la maîtresse du château ne s'était
pas trouvée dehors, en train de nourrir ses enfants (elle appelait ainsi les bêtes du bois), Beau –
Vaillant et son cheval eussent certainement été mis en pièces.
S'ils eurent la vie sauve, c'est surtout qu'elle fut bien aise de les voir: jusqu'alors elle
n'avait jamais vu d'être humain parvenir jusqu 'là. Elle retint les fauves, les apaisa et les renvoya
à leur place. La maîtresse des lieux était une fée, longue, mince, souple et jolie à ravir! En la
voyant, Beau -Vaillant en resta cloué sur place d'admiration. Mais elle, l'ayant gentiment
regardé, lui dit:
– Sois le bienvenu, Beau -Vaillant! Que cherches -tu par ici?
– Nous cherchons, dit -il, une jeunesse sans vieillesse et une vie sans mort.
– Si vraiment vous cherchez ce que vous dites, eh bien, c'est ici.
Il mit donc pied à terre et pénétra dans le château. Deux autres femmes l'accueillirent,
jeunes aussi: c'étaient les sœurs aînées. Il se mit en devoir de remercier la fée de les avoir tirés
hors du danger; elles toute s joyeuses et animées, préparèrent un repas savoureux, qui fut servi
dans une vaisselle d'or fin. Le cheval fut laissé paître en liberté; peu après on les fit connaître à
tous les fauves, et ils purent se promener tranquillement dans la forêt.
Les trois je unes femmes le prièrent d'habiter dorénavant chez elles, car, disaient -elles,
elles en avaient assez de leur solitude; de son côté, Beau -Vaillant accepta sans se faire tirer
l'oreille, aussi satisfait qu'on peut l'être quand on obtient justement ce qu'on a vait souhaité.
Peu à peu, ils s'accoutumèrent les uns aux autres; il leur conta son histoire, ses aventures avant
d'arriver jusqu'à elles, et bientôt il épousa la plus jeune des trois. Le jour des noces, les
maîtresses de maison l'autorisèrent à se promene r partout dans les environs, à sa fantaisie; une

78
seule vallée, qu'on lui montra, devait être évitée, car elle lui porterait malheur; cette vallée
s'appelait, lui dirent -elles, la Vallée des Pleurs.
Il passa, dans la compagnie des trois sœurs , un temps sans mémoire; comme il restait
aussi jeune qu'à son arrivée, il ne sentait pas les heures s'enfuir. La forêt proche, il la parcourait
sans encombre. Il jouissait du beau palais doré, de la paix et de la douce entente qui régnait
entre lui, sa femme et ses belles-sœurs ; la beauté des fleurs, la douceur et la pureté de l'air, il
les goûtait comme un bienheureux. Souvent il allait à la chasse; mais un jour qu'il courait un
lièvre, il tira sur lui une flèche, puis une seconde et le rata; s'échauffant, il le poursui vit, lui en
lança une troisième qui toucha juste en tout à son affaire, il ne vit point, le malheureux, qu'en
courant son lièvre il s'était engagé dans la Vallée des Pleurs.
Son gibier à la main, il rentrait chez lui; tout à coup – chose étrange! – il fut empoigné
par les désir de revoir son père et sa mère. Il n'osa pas le dire aux trois fées; mais elles s'en
doutèrent, à le voir soudain triste et les yeux cernés.
– Tu es entré, malheureux, dans la Vallée des Pleurs! Dirent -elles, très alarmées.
– J'y sui s tout juste passé, mes chéries, et c'est par mégarde que j'ai fait cette bévue;
maintenant je me meurs du désir de revoir mes parents, et d'autre part, je n'ai pas non plus le
cœur de vos quitter. Nous avons passé quelques jours ensemble et je n'ai pas ép rouvé près de
vous le moindre chagrin. J'irai donc revoir une dernière fois mes parents, puis je reviendrai ici
pour n'en plus jamais repartir.
– Ne nous quitte pas, très cher, ; tes parents ne sont plus en vie depuis des centaine s
d'années, et nous avons grande peur que tu ne puisses plus revenir toi -même; reste avec nous;
quelque chose nous dit que tu périras.
Toutes les prières des trois jeunes femmes, auxquelles s'était joint le cheval, ne purent
point apaiser son violent désir de revoir ses parents; i l se sentait épuisé, il s'en mourait. Enfin
son cheval lui dit:
– Puisque vous ne voulez pas m'écouter, maître, vous serez seul fautif s'il vous arrive
malheur. Faisons un marché; si vous l'acceptez, je vous mènerai où vous voudrez.
– J’accepte, dit -il tou t heureux, parle vite!
– Dès que nous serons arrivés au palais, je vous laisserai mettre pied à terre; mais si vous
tenez à y passer la moindre petite heure, je repars sans vous.
– Entendu, dit -il.
Il fit ses préparatifs de voyage; il embrassa les femmes e t partit, les laissant soupirer, les
larmes aux yeux. A l'endroit où avaient été les terres de la Sorcière Scorpion, ils trouvèrent des
villes; les forêts s'étaient changées en champs labourés; ils s'enquirent de droite et de gauche où

79
se trouvait la sorci ère et les habitants répondirent qu'en effet, leurs grands -parents avaient bien
entendu leurs propres aïeuls raconter quelques sornettes de ce genre.
– Impossible! Disait Beau -Vaillant, je suis passé par ici pas plus tard qu'avant -hier; et il
disait tout c e qu'il savait.
Les habitants se moquaient de lui, il leur avait l'air de délirer ou de rêver éveillé;
contrarié, il reprit son chemin, sans se douter que sa barbe et ses cheveux étaient devenus tout
blancs.
Sur les terres de la Sorcière Epeiche, il posa l es mêmes questions et reçut les mêmes
réponses. Tout cela lui semblait inexplicable; comment en quelque jours, le paysage avait -il pu
changer à ce point? De plus en plus abattu, il repartit; sa barbe blanche lui pendait jusqu'à la
ceinture, et il sentait t rembler ses genoux. Ainsi arriva -t-il dans l'empire de son père. Autres
habitants, autres villes; les anciennes étaient si changées qu'il ne les reconnaissait plus. Enfin,
après avoir longtemps cheminé, il arriva au palais où il était venu au monde. Il n'a vait pas plus
tôt mis le pied à terre que son cheval lui baisa la main et lui dit:
– Adieu, maître, je repars d'où je suis venu. Si vous voulez rentrer avec moi, remontez
en selle et partons vite!
-Vas-y tout seul; j'espère être moi -même bientôt de retour.
Le cheval fila comme une flèche.
Voyant les palais en ruines et tout envahi d'herbes folles, notre héros soupirait et les
yeux pleins de larmes, il cherchait à se rappeler la splendeur passée de ces lieux et les beaux
jours de son enfance; il en fit deux ou trois fois le tour, examinant chaque pièce, chaque resserre,
chaque endroit où se réveillaient ses souvenirs; il revit l'écurie où il avait trouvé son cheval;
puis il descendit à la cave, dont l' entrée était bouchée par les décombres.
Il cherchait çà et là, sa longue barbe pendant jusqu'aux genoux, soulevant des mains ses
paupières tombantes et marchant à grand -peine; il ne découvrit qu'un vieux coffre, l'ouvrit, n'y
trouva rien; mais lorsqu'il souleva le couvercle du plus petit casier, une voix affaibli e murmura:
– Sois le bienvenu, Beau -Vaillant! Si tu avais tardé encore un peu, j'aurais fini par périr
moi-même.
Une chiquenaude suffit à sa Mort, qui s'était toute ratatinée dans le casier, pour le faire
s'écrouler, privé de vie, et aussitôt il se changea en poussière.
Quant à moi, je me suis remis en selle et vous ai conté mon histoire telle quelle.49

49 Annie Bentoiu , Contes roumaines , Bucarest, Editions Minerva (trad. Fr.), 1979, édition originale : 1882, Petre
Ispirescu, Legende sau Basmele Românilor .

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ANNEXE 3. Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort.
Conte populaire roumain (traduction en ligne)

Il était une fois, sinon, sûr qu’on ne le raconterait pa s, à l’aube des temps quand les
poules avaient des dents, quand les loups et les agneaux étaient frères de sang, quand on ferrait
les puces qui, une tonne de fer attachée à chaque patte, sautaient jusqu’au ciel et nous en
rapportaient des contes. En ce tem ps-là les mouches signaient sur les murs. Plus habile menteur
est celui qui n’est pas sûr.
Il était une fois un roi et sa reine, lesquels, étant tous les deux jeunes et beaux,
souhaitaient avoir des enfants. Ils s’y étaient pris à plusieurs reprises par r eprises par tous les
moyens possibles, ils avaient consulté les étoiles et leur disent s’il y avait quelque espoir mais
tout cela en vain.
Enfin, le roi eut vent d’un vieux sage qui habitait dans une contrée lointaine et envoya
le chercher. Celui -ci répon dit aux messagers que c’était à ceux qui en avaient besoin de venir
le voir. Le roi et la reine quittèrent dont le château et, accompagnés par quelques grands
boyards, soldats et autres serviteurs, se rendirent auprès du vieil ermite. Lorsqu’il les aperçut
au loin, le sage vint les accueillir avec ces mots :
– Soyez les bienvenus ! Que veux -tu savoir, grand roi ? Ton désir ne t’apportera qu’une
grande tristesse.
-C’est n’est pas là ma question, répondit le roi, plutôt, si tu es capable, donne -nous un
remède qui nous permette d’avoir des enfants.
-Je le ferai, dit l’ermite, lais vous n’aurez qu’un seul enfant… Il sera beau et plein de
tendresse, mais vous ne vous réjouirez point.
Prenant le remède, le roi et la reine rentrèrent gaiment au château et quel ques jours plus
tard la noble épouse fut enceinte. La cour et le royaume entier, jusqu’au dernier vassal , se
réjouirent grandement de cet événement. Cependant bien avant l’heure de sa naissance, l’enfant
éclata dans de tels pleurs qu’aucun sage ou médecin ne sut l’apaiser. Le roi commença alors à
lui promettre toutes les richesses du monde mais rien ne le faisait taire.
-Tais-toi, mon cher fils, disait l’empereur, et le t’offrirai tel ou tel royaume, tais -toi, mon
fils, et je te donnerai pour épouse telle ou telle princesse. Et il fit beaucoup d’autres promesses
dans le genre. A la fin, voyant que son fils ne cessait de pleurer, il pria encore :
-Tais-toi, mon fils, et je t’offrirai Jeunesse sans vieillesse et vie sans Fin.
Alors l’enfant se tut et vint au monde.

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Les serviteurs annoncèrent sa naissance aux sons de timbales et de trompettes et, dans
tout le royaume, les gens festoyère nt pendant une semaine entière. Plus l’enfant grandissait,
plus il devenait vif et courageux. Il étudia dans les meilleures écoles, auprès des plus sages
philosophes. A l’extrême joie de son père, il apprenait en un mois autant que d’autres enfants
en un an. Boyards et paysans étaient fiers d’avoir un héritier au trône aussi sage et instruit que
le roi Salomon.
Néanmoins, depu is un certain temps déjà et sans que personne en connût la raison, le
prince était souvent mélancolique et triste, le front assombri par de noires pensées. Un jour, lors
de son quinzième anniversaire, en plein milieu du joyeux festin auquel le roi avait co nvié aussi
bien les gra nds boyards que les petits serviteurs, Bel -Enfant se leva et dit :
-Père, il est temps que tu me donnes ce que tu m’as promis à ma naissance.
A ces mots, une terrible tristesse envahit le cœur du roi :
-Enfin, mon fils, comment po urrais -je te donner une telle chose inconcevable? Si je te
l’ai promis alors, c’était seulement pour apaiser tes pleurs.
-Si vous, qui êtes mon père, vous ne pouvez me l’offrir, alors je me vois forcé d’aller
par la terre entière afin d’accomplir la prome sse pour laquelle je suis né. Tous les boyards et le
roi lui -même se jetèrent à genoux et l’ implorèrent de ne pas abandonner son royaume.
-Ton père est désormais vieux, disaient les grands seigneurs. Tu le remplaceras sur le
trône et nous te trouverons po ur épouser la plus belle impératrice au monde.
Il fut impossible de lui faire changer d’avis, Bel -Enfant restant inflexible dans sa
décision. Face à son entêtement, le père se résigna à le laisser partir et ordonna qu’on lui
préparât des provisions et to ut le n écessaire pour un grand voyage. Bel-Enfant alla droit aux
écuries royales où se trouvaient les plus beaux étalons de tout le pays, afin d’en choisir un mais
dès qu’il saisissait un cheval par la crinière, le cheval tourna la tête et parla :
-Que so uhaites -tu, mon seigneur ? Je remercie les dieux de m’avoir laissé en vie
jusqu’au moment où un vrai vaillant me touche encore.
Ensuite il se planta sur ses quatre pattes et se tint bien droit. Alors Bel -Enfant lui raconta
ce qu’il comptait faire et le ch eval le conseilla ainsi :
-Pour accomplir ta quête tu dois demander à ton père le glaive, la lance, l’arc, le
carquois, les flèches et la tenue qu’il portait dans sa jeunesse ; quant à moi, tu me soigneras de
tes propres mains pendant six semaines et tu m e nourrirais avec de l’orge et du lait.
A la demande de son fils, le roi fit venir l’intendant et lui ordonna d’ouvrir tous les
coffres de vêtements afin que le prince pût y choisir ce qui lui plairait. Bel -Enfant, après avoir
fouillé pendant trois jours et trois nuits, finit par trouver dans un vieux coffre usé armes et les

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vêtements de son père jeune, entièrement rongés par la rouille et les mites. Il se mit à les frotter
et à les nettoyer lui -même si bien que six mois plus tard les armes étaient redeven ues brillantes.
En même temps il soigna le cheval, comme on le lui avait appris. Il travailla tel un esclave, mais
cela en valait la peine.
Lorsque l’étalon apprit que les armes el les vêtements étaient prêts et comme remis à
neuf, soudain il se secoua av ec une telle vigueur que toutes les pustules tombèrent de son corps
et il devint un jeune destrier, fort, fougueux et muni de quatre ailes. Le voyant ainsi, Bel -Enfant
dit :
– Nous partons dans trois jours.
– Longue vie à toi, mon jeune seigneur ! je suis prêt aujourd’hui même si tu le
souhaites.
A l’aube du troisième jour, la cour et le pays entiers étaient accablés de douleur. Bel –
Enfant, habillé en vrai guerrier, le glaive à la main et monté sur son destrier, aux soldats et aux
serviteurs, qui, aveuglés par les larmes, le priaient encore de renoncer à ce voyage afin de ne
pas y laisser la vie. Seulement lui, il s’élança au galop, et s’en alla aussi vite que le vent, suivi
difficilement par les chars remplis de nourriture et d’or et par les deux cents soldats que son
père avait mis à son service.
Une fois hors du royaume, arrivé au milieu du désert, Bel -Enfant partagea ses biens
entre les soldats et les renvoya tous chez son père, se gardant seulement un peu de nourriture
afin de ne pas encombrer trop son destr ier. Puis, se dirigeant vers l’Orient, il chevaucha,
chevaucha et chevaucha encore, trois jours et trois nuits, jusqu’à une plaine sans fin parsemée
d’ossements humains. Lorsqu’ils firent halte, le destrier lui dit :
– Sache, mon brave ami, que nous sommes arrivés sur les terres d’une pie maudite ,
laquelle est tellement cruelle que personne n’entre sur son territoire sans se mettre en danger de
mort. Autrefois, c’était une jeune femme comme les autres, mais maudite par ses parents qu’elle
harcelait sans ces se, elle s’est transformée en oiseau. En ce moment, elle est avec ses enfants,
mais demain elle essaiera de te tuer dans cette forêt que tu vois devant nous. C’est une pie
géante, mais n’aie pas peur, prépare tes armes et tiens -toi prêt à combattre avec l’ arc, le glaive
et la lance, car tu en auras grand besoin.
Ils dormirent à tour de rôle de sorte que l’un ou l’autre veillait toujours.
Le lendemain matin, avant même le lever du soleil, ils s’apprêtaient à traverser la forêt.
Bel-Enfant mit la selle et le mors à son cheval, serra les sangles plus fort que d’habitude et
s’élança au galop. Soudain, il entendit un bruit effroyable. Le cheval s’écria :
– Accroche -toi bien, mon jeune seigneur, car voilà la maudite pie qui arrive !

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Elle arrachait les arbres sur son chemin, tellement elle volait vite, mais plus rapide que
le vent lui -même, le cheval s’envola au -dessus de l’oiseau et Bel -Enfant lui arracha une patte
avec une de ses flèches. Il était sur le point de tirer une deuxième fois, la pie s’écria : Arrête –
toi, noble prince, je ne te ferai pas de mal ! Et voyant qu’on ne lui faisait pas confiance elle
l’écrivit avec son sang.
– Aime plus que ton cheval, Bel -Enfant, ajouta l’oiseau, car il est doué d’une grande
sagesse et sans lui je t’aurais mangé frit. Maintena nt tu m’as vaincue, mais sache que jusqu’à
présent aucun mortel n’a osé dépassé mes frontières jusqu’ici. Les quelques fous qui en ont eu
le courage sont à peine arrivés jusqu’à la plaine couverte d’ossements où tu t’es arrêté hier.
Ils allèrent chez la pi e qui les accueillit en vrais guerriers et voyageurs. Vers le milieu
du dîner, voyant que l’oiseau gémissait et ne pouvait oublier sa douleur, Bel -Enfant tira la patte
arrachée hors de son sac et la lui remit en place. La blessure se referma à l’instant et la pie en
fut tellement heureuse qu’elle festoya pendant trois jours et trois nuits et pria Bel -Enfant
d’épouser une de ses trois filles, belles comme des fées.
Cependant celui -ci refusa et lui parla ouvertement de sa quête, alors l’oiseau répondit :
– Ton destrier et ton courage te permettront sûrement d’accomplir cela.
Trois jours plus tard, ils reprenaient la route. Ils voyagèrent des jours et des jours sur
une route plus longue que toutes les autres et lorsqu’ils quittèrent enfin les terres de la pie, il s
arrivèrent à un beau pré dont une moitié était recouverte de fleurs et l’autre entièrement brûlée :
– Pourquoi l’herbe est -elle brûlée ? demanda Bel -Enfant.
– Nous sommes sur les terres d’une harpie, sœur de la pie, répondit le destrier. Elles ont
le cœu r si noir qu’elles ne sauraient vivre ensemble. Accablées par la malédiction de leurs
parents, elles sont devenues des bêtes monstrueuses, comme tu as pu le voir. Tourmentées par
une haine effroyable, elles se disputent sans cesse leurs terres. Lorsque la harpie est en colère,
elle crache du feu et de la poix. Elle a dû combattre sa sœur et lorsqu’elle est venue la chasser
de son territoire, elle a brûlé l’herbe sur son passage. Elle est pire que la pie parce qu’elle a trois
têtes. Reposons -nous un peu, mon cher seigneur, afin d’être prêts demain dès l’aube.
Le lendemain ils se préparèrent de la même manière que sur les terres de la pie, et à
peine furent -ils partis qu’ils entendirent un hurlement et des sifflements comme on n’en avait
jamais entendu sur ter re.
– Tiens -toi, prêt, mon seigneur, car voilà la cruelle harpie qui arrive !
Prise d’une rage folle , la harpie s’approchait plus vite que le vent, tout en tempêtant et
en crachant des flammes. Le destrier, pourtant, s’éleva comme une flèche d’un côté. Alors Bel-
Enfant lui arracha une de ses têtes avec une flèche ; laquelle se recolla tout de suite à son corps

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de bête. Trois jours plus tard ils étaient repartis. Quittant les terres de la harpie, le jeune héritier
chevaucha, chevaucha, puis chevaucha encore ju squ’à un pré entièrement couvert de fleurs et
habité par l’éternel printemps. Chaque fleur était d’une beauté exquise, d’un parfum doux et
enivrant et le zéphyr se faisait à peine sentir. C’est à cet endroit qu’ils se reposèrent et que le
destrier parla de nouveau :
– Mon seigneur, nous voilà arrivés jusqu’ici sains et saufs, mais il nous reste un dernier
obstacle. Nous allons courir un grand danger, et si, avec l’aide du ciel, nous y échappons, alors
nous pourrons nous vanter d’être vraiment braves. Non lo in devant nous se trouve le palais où
habite Jeunesse sans vieillesse et vie sans fin. Ce palais est entouré d’une forêt épaisse et haute,
peuplée par les bêtes les plus sauvages et les plus cruelles au monde. Jour et nuit, elles veillent
sans repos el ell es sont innombrables. Il n’est pas dans notre pouvoir de les combattre ni de
traverser la forêt sans être vus. Nous devons tenter, si possible, de voler par -dessus. Après
quelques jours de repos, ils firent leurs préparatifs. Le cheval, dit, en retenant so n souffle :
– Mon cher prince, serre la selle autant que tu le peux et une fois monté, accroche -toi
bien à ma crinière et garde tes jambes serrées contre mon ventre afin de ne pas me gêner dans
mon vol.
Mon seigneur, ajouta le destrier, c’est le moment où l’on nourrit les bêtes de la forêt.
Maintenant elles sont toutes rassemblées dans le cœur du palais. Partons.
-Allons -y, répondit le prince, et qui le ciel ait pitié de nous ! Ils s’envolèrent vers le haut
du ciel et aperçurent un castel plus étincelant en core que le soleil. Ils passèrent par -dessus la
forêt et s’apprêtaient à atterrir en bas du grand escalier, quand en plein milieu de la descente,
Bel-Enfant effleura le sommet d’un arbre avec la pointe de son pied. Au même instant, des
profondeurs de la fo rêt entière, les bêtes sauvages poussèrent des hurlements terrifiants. Les
deux malheureux se dépêchèrent vers la terre, si ce n’était pour la dame du palais qui était
dehors, en train de nourrir ses petits (c’est ainsi qu’elle appelait les animaux les plu s cruels), on
les aurait sûrement dévorés.
Heureuse de cette rencontre imprévue, la première de la vie avec un être humain, la fée
sauva la vie. Elle arrêta les fauves, les apaisa et les renvoya dans la forêt. La maîtresse du palais
était grande et svelte, douce et tellement belle qu’à sa vue, Bel -Enfant en resta interdit.
Quant à elle, lui jetant un regard en plein de pitié, la dame dit :
– Sois le bienvenu, Bel -Enfant ! Que cherches -tu ici ?
– Nous cherchons, dit -il, Jeunesse sans vieillesse et vie sans f in.
– Si telle est ta quête, elle est accomplie.

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Alors, le prince mit pied à terre et entra dans le palais. Il y trouva deux autres femmes,
toutes aussi jeunes que la première, ses sœurs aînées. Puis il remercia la fée de l’avoir tiré d’un
grand danger et les trois femmes étaient si heureuses de sa présence qu’elles cuisinèrent un
délicieux dîner servi entièrement dans des plats en or. Le cheval fut laissé libre d’aller paître là
où il voulait. Ensuite on les présenta à toutes les bêtes de la forêt afin qu’ ils puissent s’y
promener en paix. Les trois femmes prièrent Bel -Enfant de s’installer au palais car elles avaient
pris en haine leur isolement. Quant à lui, il n’attendit guère qu’on le lui redemande et accepta
de tout son cœur comme un homme qui ne désir ait point autre chose.
Plus les jours passaient, plus ils d’habituaient les uns avec les autres. Bel-Enfant raconta
sa vie et tous les périls qu’il avait affrontés pendant le voyage, puis, peu après il épousa la
benjamine. Après le mariage, les dames du pa lais lui permirent de se promener librement dans
les environs, à condition de ne pas entrer dans une petite vallée, qu’elles lui montrèrent avec
soin et qu’elles lui interdirent pour son propre bonheur. Les fées l’appelaient la vallée des
Pleurs. Le prince y passa d’innombrables jours hors du temps sans même s’en apercevoir, parce
qu’il était demeuré aussi jeune qu’à son arrivée. Il e rrait à travers la forêt, sans qu’aucune pensée
assombrît son front lisse. Il se prélassait dans des intérieurs dorés, vivait en merveilleuse entente
avec son épouse et ses belles -sœurs, se réjouissait de la beauté des fleurs et de la pureté de l’air
comme un bienheureux. Il partait souvent à la chasse.
Un jour, il poursuivit un lapin qui avait échappé à ses flèches. Irrité, il le coursa et le tua
d’une troisième flèche, lais dans l’excitation de la poursuite, le malheureux ne s’était pas rendu
compte que le lapin l’avait entraîné dans la vallée des Pleurs. Le gibier sur l’épaule, il retournait
au palais quand soudain il fut acca blé par le souvenir de ses parents et par le besoin de les revoir.
Il n’osa pas l’avouer aux trois fées, mais elles le devinèrent d’après sa tristesse et son agitation.
– Tu est entré, malheureux, dans la vallée des Pleurs ! s’écrièrent -elles avec effroi.
– Oui, mes très chères, j ’y suis entré malgré moi ; maintenant le souvenir de mes parents
me hante sans cesse mais je ne saurais pas non plus vous quitter. Je vis avec vous depuis
plusieurs jours et je n’ai aucun reproche à vous faire. J’irai donc voir mes parents une dernière
fois, puis je retournerai ici pour toujours.
-Ne nous quitte pas, mon amour, tes parents sont morts depuis des siècles et je crains
que toi -même en partant, tu ne puisses plus y revenir . Un mauvais présage nous dit que tu en
mourras.
Toutes les prières des trois femmes aussi bien que celles de l’étalon ne purent rien contre
le désir de rentrer dans son royaume qui lui brûlait le cœur. Enfin, le cheval dit :

86
– Mon seigneur, puisque tu ne veux pas entendre raison, sache que tout ce qui t’arrivera
que par ta faute. Je dois te parler et si tu acceptes ma requête, je te ramènerai chez toi.
– J’accepte ! se réjouit Bel-Enfant, parle.
Dès qu’on arrivera au château de ton père, tu mettras pied à terre et moi je retournerai
ici, sans attendre n e fût-ce qu’une petite heure.
-Que ta volonté soit faite, répondit Bel -Enfant.
Le jeune prince prit des provisions, embrassa les femmes, fit ses adieux et partit en
laissant son épouse meurtrie et les yeux en larmes. Ils arrivèrent à l’endroit où autrefois
s’étendaient les terres de la cruelle harpie. Ils y trouvèrent des villes ; les forêts avaient été
remplacées par des champs agricoles. Il se renseigna auprès des uns et des autres pour retrouver
la bête et sa maison, mais en vain. Enfin quelques vieillar ds se rappelèrent que leurs grands –
parents avaient entendu leurs arrière -grands -parents raconter de pareilles fariboles.
– Comment est -ce possible ? S’étonnait Bel -Enfant j’y suis passé pas plus tard
qu’avant -hier.
Et il racontait tout ce qu’il savait. Les habitants se moquaient de lui comme de quelqu’un
qui avait perdu ses esprits ou qui voulait se mettre en valeur. Bel -Enfant, abattu, repartit sans
même remarquer que sa barbe et ses cheveux étaient devenus tout blancs. En traversant les
terres de la pie, i l posa les mêmes questions et reçu les mêmes réponses. Il n’arrivait pas à
comprendre comment ces endroits avaient -ils pu changer autant en seulement quelques jours ?
Toujours plus soucieux, la barbe blanche longue jusqu’à la ceinture et les jambes trembla ntes,
il reprit sa route et entra enfin dans le royaume de son père. Ici d’autres gens et d’autres villes
avaient alors que les anciennes cités étaient devenues méconnaissables.
Finalement, il arriva au château où il était né. A peine mit -il pied à terre q ue le cheval
lui baisa la main et dit :
-Reste en paix, mon cher ami, parce que moi je retourne au palais d’où nous sommes
partis. Si tu souhaites y revenir maintenant, monte sans tarder et dépêchons -nous !
-Pars. Moi aussi, j’espère y revenir dans peu te mps.
Le cheval s’en alla aussi rapide qu’une flèche. A la vue des ruines envahis par la
végétation, Bel -Enfant soupirait, et aveuglé par les larmes il cherchait à se rappeler la joyeuse
demeure de son enfance. Il fit plusieurs fois le tour du château, foui llant chaque pièce, chaque
recoin obscur qui lui rappelait les aventures de sa première jeunesse, l’écurie où il avait trouvé
le destrier . Il descendit au sous -sol dont l’entrée était presque entièrement obstruée par de murs
écroulés. En cherchant d’un côt é et de l’autre, la barbe blanche longue jusqu’aux genoux, levant
ses paupières avec ses doigts et tenant à peine sur ses jambes, il ne retrouva qu’un vieux coffre

87
tout rongé. Il l’ouvrit. Le coffre était vide. Il ouvrit alors une cachette et entendit chuc hoter une
voix faible et éteinte : sois le bienvenu, car si tu tardais encore un peu, moi aussi je me serais
consumée. Sa mort qui s’était desséchée et recroquevillée comme un hameçon dans la cachette,
ne le gifla qu’une seule fois. Il tomba raide et se ch angea tout de suite en limon.
Quan t à moi, je montai en selle et quittai l ’histoire et ses terres.50

50« Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort. C onte populaire roumain » (Page consultée le 5 décembre 2018) ,
[en ligne] https://www.wattpad.com/286885655 -ulysse -sans-ithaque -jeunesse -sans-vieillesse -et

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