Le motif du cercle dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust Motivul cercului În căutarea timpului pierdut de Marcel Proust Coordonnator… [612872]
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UNIVERSITATEA DIN BUCUREȘTI
FACULTATEA DE LIMBI ȘI LITERATURI STRĂINE
DEPARTAMENTUL DE LIMBA ȘI LITERATURĂ FRANCEZĂ
LUCRARE DE LICENȚĂ
Le motif du cercle dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust
Motivul cercului În căutarea timpului pierdut de Marcel Proust
Coordonnator
Prof. Lect. dr. Diana Samarineanu
Absolvent: [anonimizat] 2020
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UNIVERSITÉ DE BUCAREST
FACULTÉ DES LANGUES ET LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES
PHILOLOGIE FRANÇAIS -ALLEMAND
MÉMOIRE DE LICENCE
Le motif du cercle dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust
Sous la direction de
Diana Samarineanu, maître de conférences
Étudiant
Popescu Denisa -Mihaela
BUCAREST
2020
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TABLE DES MATIÈRES
Introduc tion…………………………………………………………………..4
I.Le motif du sommeil et le cercle…………………………….……. ..………8
II.La jalousie et le cercle…. ………………………………………… ….…..1 6
III. « Combray ou le cercle parfait »……………………………………….25
IV. Le motif du cercle dans Le Temps retrouv é………………………… …..32
Conclu sions……………………………………………………………………44
Références biblio graphiques…………………………………………………4 8
4
Introduction
Dans l'œuvre À la recherche du temps perdu , le thème principal est le temps « Il permet
aussi de jouer avec le temps, qui est l’un de ses thèmes cardinaux »1. Le thème du temps avec de
nombreux motifs, notamment le motif du cercle. Qu'entendons -nous par ce cercle? Quelle est la
signification du mot cercle? « pour la première fois il remarqua, réveillée par l'arrivée inopinée
d'un invité aussi tardif, la meute éparse, magnifique et désœuvrée des grands valets de pied qui
(…) se dressèrent et, rassemblés, formèrent le cercle autour de lui »2.
La problématique de mon mémoire de licence est le motif du cercle, que j'essaierai de
définir par des concepts tels que le rêve ou le sommeil, même la jalousie, qui comprend un autre
thème de l’œuvre, tel comme l'amour « Le second cercle est celui de l’amour. La rencontre
Charlu s-Jupien fait assister le lecteur au plus prodigieux échange de signes. Devenir amoureux,
c’est individualiser quelqu’un par les signes qu’il porte ou qu’il émet »3.
Dans le troisième chapitre, j’ai choisi un titre qui, je crois, correspond, parce q ue
Com bray représente la ville natal du personnage narrateur « Combray ou le cercle parfait »,
comment l’appelle Robert Vigneron. Et le dernier chapitre contient le motif du cercle dans Le
Temps retrouvé qui peut être considéré comme un monde intérieur, dans lequel le personnage
narrateur conserve ses événements passés et les vit pour toujours, toujours vivant dans son esprit.
Le motif du cercle sera abordée théoriquement d'une part et dans les pages sui vantes. Le
roman lui -même a une forme circulaire, basée sur l'impact de la mémoire involontaire. Le
personnage Marcel, donc, est pris entre le passé et le présent, un présent relativement hostile,
tente en quelque sorte de briser le cercle de l'acceptation .
1 Bernard Gros, Proust À la recherché du temps perdu de « Swann » au « Temps retrouvé », Paris, Hatier, 1981, p.
7.
2 Consulté le 2 décembre 2019 en ligne sur le site :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=1754758785;r=1;nat=;sol=0; .
3 Gilles Deleuze, Proust et les signes , Paris, Presses Universitaires de France [PUF], 1996, p. 13.
5
Proust innove en supprimant « l'habitude », celle qui nous oblige à rester immobiles, à
vivre dans un monde statique. Pour lui, le monde est dynamique, il bouge, il évolue. Il nous
apprend à apprécier la vie quotidienne avec une nouvelle sensibilité, à a pprécier même les plus
petites choses, car nous ne pourrons y revenir que par des souvenirs ou en les reconstruisant en
rêve. « L'habitude » est celle qui affaiblit les sens et nous empêche de voir la beauté des choses.
Les enfants sont ceux qui ne connais sent pas « cette habitude », ils sont donc plus heureux que
nous les adultes.
Par son « pouvoir évocateur », Proust nous apprend que la vie n'est pas dénuée de sens et
sans enthousiasme, mais que nous, les humains, oublions vraiment de la vivre. C'est pour quoi
dans son œuvre, la scène de Madeleine est centrale et tourne autour des motivations du narrateur
pour prouver que chaque petite chose compte. Ainsi, le narrateur se rend compte que sa vie
n'était pas médiocre et « incolore », mais l'image qu'il avait du monde était fade.
Le motif du cercle est étroitement lié au motif du rêve.
Dans le premier chapitre de mon mémoire de licence, je soulignerai le lien entre le motif
du rêve et le sommeil. Le rêve est une « boucle » dans laquelle le personnage garde ses souvenirs
et les récupère, les façonne et les assemble comme de petites pièces de puzzle.
Le motif du rêve et du réveil forment le concept de cercle au niveau métaphysique. Le
mot « rêve » apparaît pour la première fois à la page 99 « j’entourais compl ètement ma tête de
mon oreiller avant de retourner dans le monde des rêves »4. On voit l'étymologie du mot
« rêve »5 qui, selon Pierre Guiraud, peut aussi signifier une évasion. Le mot « réveil » a
également une importance. Pourquoi ? Parce que les deux mots sont étroitement liés et forment
un tout.
De plus, on voit dans le livre Proust, Freud et L'A utre de Jean Louis Baudry la référence
à la loi « d’association libre », idée que j'ai trouvée intéressante à ajouter et à mentionner dans
mon mémoire de lice nce, car elle capte les choses qui se passent dans notre inconscient, des
choses mal comprises et difficiles à expliquer, aidant ainsi à comprendre les rêves et la
possibilité de leur interprétation.
Je définirai la mémoire, puis la mémoire involontaire, c ar chez Proust elle joue un rôle
très important, car c'est celle qui ramène les souvenirs passés dans le présent à l'aide des
sensations. La scène célèbre et remarquable ici est celle de Madeleine « Mais à l’instant même
4 Marcel Proust, À la recherche du temps perdu Du côté de chez Swann , Paris, GF Flammarion, 2019 p. 99.
5 Consulté le 2 décembre 2019 en ligne sur le site : https://journals.openedition.org/terrain/3150 .
6
où la gorgée mêlée des miettes du g âteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se
passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa
cause »6.
Le mot « cercle » apparaît dès le début du premier chapitre Du côté de chez Swann et,
comme j’ai mentionné ci -dessus, forme un lien étroit avec le motif du rêve et du sommeil.
Dans le deuxième chapitre, on voit la jalousie qui est étroitement liée à l'histoire d'amour
entre Swann et Odette. Swann était le voisin de Combray qui venait chez eux assez souvent, un
homme sensible et à la mode, qui fréquentait les cercles aristocratiques, mais parce qu'il tombait
amoureux d'Odette, il préférait quitter cette vie mondaine. Quelle que soit la différence entre les
deux, Swann continue de tomber foll ement amoureux d'Odette de Crécy , bien qu'il finisse par
avoir des soupçons et essaie toujours de les chercher dans le passé de la fille, leur amour est
énigmatique, Swann vit avec le sentiment qu'Odette est infidèle et de là commence le cercle de
l'Enfer que Swann sent près de lui à Odette.
Le personnage de Marcel, on voit aussi qu'il aura les mêmes sentiments d'amour pour la
fille de Swann, Gilberte. Les deux histoires d'amour apparaissent comme dans le miroir, les
personnages, bien que d'âges différents, se comportent presque de la même manière, ont des
troubles identiques et peu sûrs, de sorte que les deux passions apparaissent cycliquement,
presque symétriquement.
Swann semble descendre dans tous les cercles de l'enfer de Dante, approfondissant sa
souff rance, aimant ainsi encore plus Odette, alors la souffrance devient d'autant plus forte qu'il
commence à aimer davantage Odette. Mais c'est la jalousie qui maintient toujours la relation dans
une dynamiqu e qui met le couple à l'épreuve « une injection de jalousie est la seule chose
capable de sauver une relation ruinée par l'habitude »7.
Dans l e troisième chapitre qui s’ intitul e « Combray ou le cercle parfait », je me propose
d'analyser pourquoi Combray peut être un cercle, dans lequel le personnage -narrateur revient,
métaphoriquement parlant. Dans cette ville, Combray, il préserve ses souvenirs, et y revient de
manière réelle, à travers des sensations, à l'aide de la mémoire involontaire. Combray peut être
vu comme un miroir, qui fait viv re l'image des habitants et des événements qui ont eu lieu. A
Combray, les gens se couchent et se réveillent ici, la vie reprend son cours normal chaque jour,
les gens ont les mêmes soucis. Là encore, on peut voir le lien étroit du sommeil et du rêve avec le
6 Marcel Proust, op. cit. , p 144.
7 Consulté le 20 décembre 2020 en ligne sur le site :
http://library.lol/main/9271D4AB7CE4E5D86A6C4A5A48078909 (ma traduction).
7
cercle, mais aussi avec Combray, la ville natale du pers onnage narrateur, la ville où il passe son
enfance. Les trois éléments composent le cercle, la boucle qui sort de l'axe du temps ordinaire et
crée sa propre existence, à l'aide de la mémoire. Ensui te, je me propose de décrire brièvement
certains personnages qui sont impor tants et qui tournent autour du personnage narrateur. La
psychologie du personnage proustien est complexe, Proust l'explorant en dét ail, d'une histoire
objective à travers une histo ire subjective.
Et, dans le dernier chapitre, intitulé « Le motif du cercle dans Le Temps retrouvé », non
seulement des gens du passé adhèrent au personnage présent, apparaissant cycliquement de sa
conscience, se manifestant sou s forme de mémoire, mais aussi les lieux, les livres lus, les
informations culturelles, le tout acquérant un contour naturel, extrêmement clair, dessinant la
mémoire de Marcel, générateur d'histoires. Par contre, dans l'introspection, le narrateur lui –
même , en train de devenir écrivain et de devenir doublage, réalise ce double caractère intérieur.
Il est intéressant de noter que ce n'est pas la vue de la Madeleine actuelle qui est le déclencheur
et qui apporte l'imag e et la mémoire du passé, mais c’ est le goût, mettant à jour ses pens ées là –
bas, grâce à la mémoire involontaire et sensorielle.
J'ai aussi beaucoup parlé de certains personnages, des personnages qui tournent autour du
narrateur. Sa perception d'eux est très importante, avec le temps on constate qu'ils sont vieux,
qu'ils vieillissent, qu’ils ne parvenant pas à gagner la bataille avec le temps. Bien sûr, tout tourne
autour du grand thème, le temps qui s'écoule sans cesse vers la fin, un temps qui n'est pas
illusoire, le temps semble être non seulem ent une illusion, mais dans une réalité subjective. Toute
une série de personnages que l'on peut facilement inclure dans le domaine du snobisme avec ou
sans valeur, le snobisme, l'amour, les cercles sociaux sont des thèmes majeurs qui coexistent et
s'entre lacent harmonieusement, les lieux visités sont empreints de la tendance à dépasser la
valeur d'une caste ou un autre. Caractères positifs, négatifs, caractè res faisant partie du décor.
Comme je l’ai mentionné dans le premier chapitre, la sensation devient une connaissance
utile et fait une analogie entre passé et présent et les deux s e mélangent et, par conséquent, on
voit dans le dernier volume de Proust, comment le personnage du narrateur ressent trois
nouvelles sensations, sensations présentes, qui le c onduisent aux sensations du passé, trois
sensations qui le déséquilibrent, le placent sur deux dalles inégales, à la frontière entre passé et
présent, où il se sent revivre le passé, le revit à travers ces sensations nouvelles, et semb le avoir
trouvé le te mps perdu, mis en cercle, dans un monde intérieur de sa mémoire.
8
Je me suis posé des questions lors de mon mémoire de licence auxquelles j'ai tenté de
répondre et de mettre en lumière le motif du cercle. Les deux volumes le premier Du côté de
chez Swann et le dernier Le Temps retrouvé m'ont permis d'analyser en détail comment le motif
du cercle s'articule autour des thèmes cardinaux du roman, des thèmes c omme le temps, l'amour
et l'amitié.
I.Le motif du sommeil et le cercle
Le motif du cercle est, évidemment, en étroite relation avec celui du rêve, l'existence de
l'homme apparaissant sous cet aspect, une oscillation ronde « Cette rondeur de l’être , ou cette
rondeur d’être qu’évoque Jaspers ne peut apparaitre dans sa vérité directe que dans la méditation
la plus purement phénoménologique »8 entre l'état de veille et de sommeil, ayant comme le
leitmotiv la chambre « Le leitmotiv de la chambr e assure la continuité du thème du sommeil »9 et
entre rêve et réveil. Le rêve est également important de souligner le motif du cercle. Le rêve
représente « la boucle », dans laquelle le personnage -narrateur garde ses souvenirs, les récupère,
les façonne. Le rêve représente un voyage dans le temps, dans un temps non linéaire, sans
présent, passé et futur. Le motif du rêve et de l'éveil forme le concept de cercle au niveau
métaphysique. Le sommeil fait partie de l'observation du monde extérieur. Le voyage d e l'âme
pendant le sommeil est également important, car il fait également partie du personnage Marcel
dans la tentative de retrouver des souvenirs, du temps perdu et retrouvé, mais jamais retraité au
même niveau et à la même intensité.
Le rêve, c'est bien connu, déforme la réalité, mais il peut aussi être la clé d'une réalité ou
d'une autre. Les artistes, en particulier, sont des rêveurs qui utilisent non seulement la mémoire
mécanique, mais aussi la mémoire visuelle dans le rendu de la réalité, imprégnée de fiction :
8 Gaston Bachelard, La poétique de l’E space , Paris, Presses Universitaires de France [PUF] , 2011 , p. 209.
9 Consulté le 17 janvier 2020 en ligne sur le site : https://www.persee.fr/docAsPDF/litt_0047 –
4800_2003_num_129_1_1786.pdf .
9
« Si un peu de rêve est dangereux, ce qui en guérit, ce n’est pas moins de rêve, mais plus de rêve,
mais tout le rêve. Il importe qu’on connaisse entièrement ses rêves pour n’en plus souffrir »10.
Dès le début du premier volume, on peut trouver le mot « rêve »11. Il apparaît plusieurs
fois dans le premier volume À la recherche du temps perdu , mais on voit au fur et à mesure aussi
le mot « réveil »12. Les deux mots sont étroitement liés, parce qu’ils s’opposent, mais forment un
tout qui se complètent et ils sont le symbole de l'inconscient « j’entourais complètement ma tête
de mon oreiller avant de retourner dans le monde des rêves »13. Qu’est -ce que le rêve ? Que
signifie le mot « rêve » ? Mais le mot « réveil » ? Pourquoi est -ce qu'on rêv e ? « Le mot « rêve »
signifie « Suite d'images, de représentations qui traversent l'esprit, avec la caractéristique d'une
conscience illusoire telle que l'on est conscient de son rêve, sans être conscient que l'on rêve »14
et le mot « réveil » signifie un « retour à la pleine conscience, à l'activité »15.
Le rêve « Production psychique survenant pendant le sommeil, et pouvant être
partiellement mémorisée »16, donc il représente la multitude d’images, de sensations, de pensées
qu’on cache dans notre subconscient et inconscient. Sigmund Freud a soulevé la base du concept
de psychanalyse, affirmant que l’étude des rêves occupe une place exceptionnelle en
psychanalyse, car ils nous ouvrent « une porte » à l’inconscient et reste un phénomène
psychique. J’ai trouvé dans le livre Proust, Freud et L’A utre de Jean Louis Baudry un lien entre
les deux auteurs. Ils étaient contemporains et ils font valoir sur l’idée qu’on ne cherche pas à
découvrir qui nous sommes fascinés par ce qui est en nous déjà e t nous voulons découvrir la
mémoire involontaire et la liberté naturelle de pensée, coulant comme il est17. L’auteur Baudry
10 Marcel Proust, À la recherche du temps perdu À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Deuxième part ie, Paris, GF
Flammarion, 2019, p. 160.
11 Marcel Proust, op. cit. , p .99.
12 Ibidem , p. 97.
13 Ibidem , p. 99.
14 Consulté le 17 janvier 2020 en ligne sur le site :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?118;s=4228081560;r=4;nat=;sol=0; .
15 Consulté le 17 janvier 2020 en ligne sur le site : https://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9veil .
16 Consulté le 17 janvier 2020 en ligne sur le
site https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%AAve/69059#citation .
17 « Pourtant, plus que des vérités circonscrites et partielles, des « lois psychologiques », ce serait, me semble -t-il,
quelque chose comme une définition de la « vérité », son mouvement d'engendrement, ses moyens et son lieu, la
mémoire, qui feraient de Pr oust et de Freud un peu plus que des contemporains, des semblables. L'un comme l'autre
surent qu'il n'y avait à rechercher pour comprendre ce que nous sommes que ce qui était déjà incarné dans le corps
du temps, et qu'il fallait pour y pénétrer user de ce que l'un nommera « la mémoire involontaire » et l'autre «
l'association libre ». C'est pourquoi, s'ils eurent tous deux à répondre du même destin de vérité, on peut présumer
qu'ils eurent aussi, parce qu'ils écrivaient, à se confronter aux mêmes interdits, et qu'ils éprouvèrent, sans pouvoir se
dérober, le même effroi. » [1984 by Les éditions de minuit 7, rue Bernard -Palissy — 75006 Paris] (Jean Louis
Baudry Proust, Freud et l’Autre p. 4), consulté le 5 février 2020 en ligne sur le site :
https://books.google.ro/books/about/Proust_Freud_et_l_autre.html?id=_KgIMQAACAAJ&redir_esc=y .
10
parle aussi sur la loi de « l’association libre »18 qui rejoint des séquences de réalité qui ne
peuvent être jointes dans le plan de la réalité. L’esprit peut être porté par l’imagination, dépasse
toutes sortes de barrières, pour laisser libre cours au flux des pensées. Baudry parle également de
« la mémoi re involontaire »19. Qu'est -ce que la mémoire? Mais, qu'est -ce que la mémoire
involontaire? La mémoire est « Aptitude à conserver et à restituer des choses passées.
Représentation du passé sous une forme mentale »20
La mémoire nous aide donc à nous allonge r, à fixer le temps, la notion de passé, de
présent et d’avenir. J’ai choisi cette partie de la définition de la mémoire parce que je voulais
souligner qu’à Proust, les deux concepts du passé et du présent sont mélangés, se chevauchent,
donc, le temps n’es t pas linéaire.
La mémoire involontaire se développe de façon permanente, tant à l'état de sommeil qu'à
l'état de réveille. On réalise qu’on a accumulé et gardé des souvenirs dans notre mémoire. À
Proust, la séquence la plus connue est la scène de la Madel eine.
Pourquoi rêve -t-on ? Dans beaucoup de pensées qu’on a au cours de la journée, aussi
pendant la nuit, dans le sommeil, notre cerveau reste éveillé et essaie de discerner les événements
qui se sont produits tout au long de la journée, mais pas seuleme nt, au fil des semaines, des mois,
des années. Ce qui est vraiment intéressant, c’est que les rêves peuvent nous emmener dans des
endroits, des temps et des années que nous n’avons jamais vus auparavant. Une heure peut
signifier un an, un an peut signifier une décennie, et ainsi de suite. Proust nous fait connaître, dès
le début du roman, ce mot qu’il a porté tout au long, étant l’une des magistraux motifs de
l’œuvre.
Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des
mondes. Il les consulte d’instinct en s’éveillant, et y lit en une seconde le point de la terre
qu’il occupe, le temps qui s’est écoulé jusqu’à son réveil ; mais leurs rangs peuvent se
mêler, se rompre21.
18 Ibidem
19 Ibidem
20 Consulté le 17 janvier 2020 en ligne sur le site : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/memoire/ .
21 Marcel Proust, op. cit ., p. 99.
11
Le paragraphe extrait surprend la confusion entre le présent et le passé qui est suggérée
par l'image du cercle : celui qui tourne autour de l’être endormi, celui qui se balançait sur deux
dalles inégales.
Dans le rêve, le temps n’est plus linéaire, ni pl us chronologiquement fluide et il se
mélange selon les pensées, les expériences ou même les désirs. L’être est en dehors du temps et
de l’espace « S’il ne sait pas quand il vit, il ne sait pas non plus où il vit »22, il y a un
entremêlement, un monde qui b ouge, et les êtres sont aussi permutables. Le passé et le présent se
chevauchent : « Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose
les pensées d’une existence antérieure »23.
Qu'est -ce que la métempsycose ? La métempsycose est un concept selon lequel l’âme
passe par plusieurs existences, rechargées , devenir une série de corps humains, comme une
transmigration, selon laquelle le narrateur s’endormait et s’éloignait facilement du sujet du
volume qu’il lisait avant de se couche r « le sujet du livre se détachait de moi »24. Il a maintenant
la pleine liberté et se détache lentement, aussi près que possible du monde des rêves, où l’esprit
le porte le long de différents axes du temps « j’étais libre de m’y appliquer ou non »25.
Les deux concepts opposés forment un tout, une unité, un cercle à partir duquel Proust
détaille chaque composant d’entre eux. L’importance des deux : « rêve – réveil » nous amène à la
sensation. La sensation du rêve, comme l'homme omniprésent, comment il est au milieu de ce
« cercle », il est comme Dieu et autour de lui secondes, minutes, heures, années, comme dans
l'univers cosmique la Terre tourne autour du « Roi suprême », le Soleil « je passais en une
seconde par -dessus des siècles de civilisation »26 ; et la sensation de s’éveiller et de se transposer
dans le plan physique. S’éveillant, le narrateur essaie de « réassembler » la réalité, assemblant
chaque « pièce du puzzle » : « Toujours est -il que, quand je me réveillais ainsi, mon esprit
s’agitant pour ch ercher, sans y réussir, à savoir où j’étais, tout tournait autour de moi dans
l’obscurité, les choses, les pays, les années »27. La sensation devient un utile savoir et elle fait
une analogie entre passé et le présent et les deux se mélangent et on franchit les barrières
temporelles.
22 Georges Poulet , L’E space proustien , Paris, Gallimard, 2009, p. 12.
23 Marcel Proust, op. cit ., p. 97.
24 Ibidem
25 Ibidem
26 Ibidem , p. 100.
27 Ibidem
12
Le narrateur se réveille engourdi, dans un vide infini dont il échappe et il recompose
chaque chose avec morceau par morceau, ou chaque souvenir, afin que la réalité devienne
significative, il recompose la réalité comme des cercles concentriques
Je me rendormais, et parfois je n’avais plus que de courts réveils d’un instant, le temps
d’entendre les craquements organiques des boiseries, d’ouvrir les yeux pour fixer le
kaléidoscope de l’obscurité, de goûter grâce à une l ueur momentanée de conscience le
sommeil où étaient plongés les meubles, la chambre, le tout dont je n’étais qu’une petite
partie et à l’insensibilité duquel je retournais vite m’unir28.
Il est paralysé et effrayé, même confus, donc i l ne sait ni où il est ni quand.
L’esprit est paniqué, parce que l’idée de fix ité est commode pour nous. Si on ne peut pas
instituer ces points de repère, nous sommes déséquilibrés, perdus, confus et nous avons même un
moment pour tomber dans le vide. Le corps à la conna issance et la capacité de savoir et de
reconnaître. L'esprit laisse le temps à l'endroit, il est hors du temps et de l'espace, il se réveille et
ne sait pas où il est, à quelle moment de la journée il se trouve « Il ne sait plus qui il est, parce
qu’il ne se rappelle plus quand il est »29. C’est une confusion temporelle, il essaie d’ordonner
« le réel » qui e st chaotique et dans tout le roma n on peut trouver l’organisation et la
désorganisation de la réalité.
Pour Proust l’espace est très détaillé « A côté du temps retrouvé, il y a l’espace
retrouvé »30 par rapport à l’espace balzacienne qui est un accessoire, un élément de décor.
L’espace proustien devient l’élément principal du puzzle , pourquoi ? Parce que
Sans les lieux, les êtres ne seraient que des abstractions. Ce sont les lieux qui précisent
leur image, et qui nous donnent ainsi le support nécessaire , grâce auquel nous pouvons
leur assigner une place dans notre espace mental, rêver d’eux et nous souven ir d’eux31
28 Ibidem , p. 98.
29 Georges Poulet, op. cit ., p. 144.
30 Ibidem , p. 76.
31 Ibidem , p. 40.
13
« L’espace n’est pas négatif. Il est traversable »32. Il se concentrera sur les choses qu’il
obtient et il va créer sa propre réalité, une réalité inconsciente, et la seule réalité qui compte à
Proust est la réalité intérieure. On voit trois types de réalité : « la réalité subjective »33 : « mon
esprit »34, « mon réveil »35 « mon sommeil »36 ; « la réalité multiple »37 qui est en rapport à
plusieurs personnages et « la réalité fragmentaire »38 , qui va prolonger l’être dans l’incertitu de.
La réalité multiple peut se rapporter à Albertine qui lui échappe et au moment quand il se
demande si Albertine l’a vraiment aimé, on voit une incohérence des personnages basée sur la
perception.
L'être qui dort se trouve dans ce micro -univers de pensées, d'expériences, où il
cherche à échapper au temps « j’avais réussi à m’éveiller pour échapper aux mains de mon
grand -oncle, mais par mesure de précaution j’entourais complètement ma tête de mon oreiller
avant de retourner dans le monde des rêves »39. C’est la réalité qui nous corrige quand nous
avons un moment de confusion, c’est la seule qui nous fait sentir vivant et anodin dans ce
macro -univers.
L'idée de cercle dans le cas du sommeil et du rêve est comme une synapse, une
métaphore visuelle riche, qui décrit cette réalité intérieure par opposition à l'autre, de la
conscience éveillé. Le nouveau sens de cette métaphore forme une unité.
il remarqua, réveillée par l’arrivée inopinée d’un invité aussi tardif, la meute éparse,
magnifique et désœuvrée de grands valets de pied qui dormaient çà et là sur des
32 Ibidem , p. 76.
33 Marcel Proust , Œuvres complètes , consulté le 2 mars 2020 en ligne sur le site :
https://books.google.ro/books?id=tLFaokWg8vMC&printsec=frontcover&dq=Marcel+Proust+:+Oeuvres+compl%
C3%A8tes&hl=ro&sa=X&ved=0ahUKEwiuv5HIuoHqAhVNpIsKHSuPBN0Q6AEIKDAA#v=onepage&q=Marcel
%20Proust%20%3A%20Oeuvre s%20compl%C3%A8tes&f=false /p. 1333.
34 Marcel Proust, op. cit., p .97.
35 Ibidem , p. 102.
36 Ibidem , p. 98.
37 Aine Larkin , Proust Writing Photography: Fixing the Fugitive in À La Recherche Du Temps Perdu , consulté le 2
mars 2020 en ligne sur le site :
https://books.google.ro/books?id=_kMrDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Proust+Writing+Photography:+Fixi
ng+the+Fugitive+in+A+La+Recherche+Du+Temps+Perdu& hl=ro&sa=X&ved=0ahUKEwitsoL5vIHqAhVPxIsKHf
1WATMQ6AEIKzAA#v=onepage&q=Proust%20Writing%20Photography%3A%20Fixing%20the%20Fugitive%2
0in%20A%20La%20Recherche%20Du%20Temps%20Perdu&f=false (ma traduction) .
38 Mireille Naturel , Proust et Flaubert: un secret d'écriture , consulté le 9 mars 2020 en ligne sur le site :
https://books.google.ro/books?id=zMgHYAJcnZsC&printsec=frontcover&dq=Proust+et+Flaubert:+un+secret+d%2
7%C3%A9criture&hl=ro&sa=X&ved=0ahUKEwiex9XMvYHqAhUPr4sKHQ0CBoMQ6AEIKDAA#v=onep age&
q=Proust%20et%20Flaubert%3A%20un%20secret%20d'%C3%A9criture&f=false /p. 101.
39 Marcel Proust, op. cit ., p. 98.
14
banquettes et des coffres et qui, soulevant leurs nobles profils aigus de lévriers, se
dressèrent et, rassemblés, formèrent le cercle autour de lui.40
Dès le début du premier volume Du côté de chez Swann on remarque le motif du
sommeil : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte,
mes yeux se fermaie nt si vite que je n’avais pas le temps de me dire : „ Je m’endors ” »41, qui
décrit l'idée de passer du plan réel au plan de rêve. Aussi on remarque l'endroit où le narrateur
dort et se réveille, la désorientation du corps dans l'espace :
Mon côté ankyl osé, cherchant à deviner son orientation, s’imaginait, par exemple, allongé
face au mur dans un grand lit à baldaquin, et aussitôt je me disais : « Tiens, j’ai fini par
m’endormir quoique maman ne soit pas venue me dire bonsoir » , j’étais à la campagne
chez mon grand -père, mort depuis bien des années ; et mon corps, le côté sur lequel je me
reposais, gardiens fidèles d’un passé que mon esprit n’aurait jamais dû oublier, me
rappelaient la flamme de la veilleuse de verre de Bohême, en forme d’urne, suspendu e au
plafond par des chaînettes, la cheminée en marbre de Sienne, dans ma chambre à coucher
de Combray, chez mes grands -parents, en des jours lointains qu’en ce moment je me
figurais actuels sans me les représenter exactement, et que je reverrais mieux tou t à l’heure
quand je serais tout à fait éveillé42.
Le monde rêveur proustien est invariablement lié à des expériences d'éveil, combinant tout
avec des réflexions sur l'histoire et l'art. La connaissance onirique, aussi importante que la
connaissance de la vie réelle, remplit l'univers de personnages de mystère, qui serait autrement plus
pauvre. Le temps et l'espace narratifs semblent être pensés à l'infini par un narrateur rêveur, parce
que, n'est -ce pas, seuls les esprits avec une grande capacité à rêv er ont une perception complètement
hors du commun . La capacité de rêver définit, d'ailleurs tout artiste et parce que « le moi narratif »
passe cycliquement par l'état d'éveil et de rêve, le matériel et le spirituel coexistent, la plupart du
temps s'entrelaçant harmonieusement.
40 Ibidem , p. 459.
41 Ibidem , p. 97.
42 Ibidem , p. 101.
15
De la terre au ciel n'est pas trop loin pour le narrateur lui -même. Même certaines choses
ordinaires, comme le baiser de bonne nuit de la mère, acquièrent une dimension rituelle, presque
eucharistique.
Le personnage principal, Marcel a disposé autour de lui circulairement, les heures, les
années, le monde vécu, il a le terrestre et le céleste à ses pieds, presque démiurgique, reconstruisant
un monde passé, si bien connu, précisément parce qu'il y vivait. Le sensoriel est également
important, le corps, comme le faux, apporte la vérité de la connaissance, et le rêve peut faire et
briser ces vérités.
L'état de veille des personnages est parfois ambigu. Le héros, attrapé par une pluie pendant
la promenade, arrive sous un p ortail, à Saint -André -des Champ, près de Combray. A cette occasion,
Marcel imagine sa foule. Il est éveillé, mais sa conscience est similaire à celle d'un rêve.
En revanche, des scènes de la vie quotidienne, rêvées, ne révèlent que les désirs cachés, les
illusions des personnages. Les scènes de rêve abondent chez Marcel Proust. Par exemple, le
personnage de Marcel est autour de tante Léonie, insomniaque, il l'observe à un moment donné se
réveiller d'un cauchemar. Puis, peu de temps avant sa mort, il fait l ui-même de terribles cauchemars.
Swann lui -même, tourmenté par les doutes et la jalousie, seulement dans un rêve, trouve la certitude
de ses soupçons sur la frivolité d'Odette.
Swann, ce personnage paradoxal qui, malgré son sens et son goût esthétiques, to mbe
amoureux d'un cocon parisien, Odette. Le rêve fait que Swann réalise que les actes qu'il refuse
d'accepter sont liés à la femme qu'il aime. Le personnage de Marcel est de loin le plus rêveur.
Bien sûr, l'approche du rêve est, comme je l'ai dit ailleurs , bergsonienne, tout comme celle du
temps. Il connaît les idées de Bergson selon lesquelles il existe un lien étroit entre le rêve, la
mémoire et l'éveil. Dans le sommeil profond, celui qui concerne tout le corps, des souvenirs
apparaissent. Proust, plus t ard, progressivement, développe un point de vue différent, à la fin du
roman, il a même une opinion diamétralement opposée. Il est bergsonien dans certaines parties,
ayant une approche différente.
16
II.La jalousie et le cercle
Dans l'histoire d'amour de Swann pour Odette, le snobisme est étroitement lié à la
jalousie « La première loi de l’amour est subjective : subjectivement la jalousie est plus profonde
que l’amour, elle en contient la vérité. C’est que la jalousie va plus loin dans la saisie et dans
l’interprétation des signes. Elle est la destination de l’amour, sa finalité »43, le personnage
tournant dans les cercles où sa petite amie peut être rencontrée.
Cependant, le manque d'événement artistique d'Odette de la haute société fait que Swann
a envie de lieux humbles, cette fois de la bas société où elle est probablement à ce moment -là,
par exemple, chez sa couturière « Mais il pensait à la maison où il aurait pu se trouver en ce
moment même, si Odette l’avait permis, et le souvenir entrevu d’une boîte au lait vide sur un
paillasson lui serra le cœur »44. En excluant de ce cercle, comme d'un paradis perdu, Swann se
contente d'observer et d'analyser, au contraire, les personnages présents dans le palais Saint –
Euverte. Il regardait : « Le monocle du Marquis de Forestelle était minuscule, n’avait aucune
bordure et, obligeant à une crispation incessante et douloureuse l’œil »45 mais aussi celui de
M. de Saint -Candé, entouré d’un gigantesque anneau, comme Saturne, était le centre de
gravité d’une figure qui s’ordonnait à tout moment par rapport à lui, dont le nez
frémissant et rouge et la bouche lippue et sarcastique tâchaient par leurs grimaces d’être à
la hauteur des feux roulants d’esprit dont étincelait le disque de verre, et se voyait
préférer aux plus beaux regards du monde par des jeunes femmes snobs et dépravées
qu’il faisait rêver de charmes artificiels et d’un raffinement de volupté ; et cependant,
derrière le sien, M. de Palancy qui, avec sa grosse tête de carpe aux yeux ronds, se
déplaçait lentement au milieu des fêtes46
Mais tout ce monde, avec Madame de Gallardon, même avec la Princesse des Laumes,
Madame de Saint -Euverte était en quelque sorte en dehors de son intérêt, d'un amant malheureux
43 Gilles Deleuze, op. cit ., p .16.
44 Marcel Proust, op. cit. , p. 462.
45 Ibidem , p. 464.
46 Ibidem , p. 464.
17
et tourmenté par la jalousie. Même la musique lui rappelait Odette, une femme qui disait
beaucoup de choses et qui avait été écrite anonymement qu'il avait vécu avec beaucoup
d'hommes, même des femmes, et qui, y écrivait -il anonymement, serait fréquenté même des
maisons de tolérance. C'est po urquoi Swann commence à un momen t donné à fréquenter ces
fameuses maisons de tolérance, pour parler aux filles là -bas d'Odette, dans l'idée qu'il l'aurait
rencontrée d'une manière ou d'une autre. Swann semble descendre dans tous les cercles de l'Enfer
de D ante, approfondissant sa souffrance, aimant ainsi encore plus Odette « ,,C’est vraiment,
disait -il, ce qu’il y a de plus bas dans l’échelle sociale, le dernier cercle de Dante »47.
La souffrance s'aggrave et l'amour croît de façon exponentielle, conduisant à
l'exaspération et au malheur de Swann qu'il aurait souhaité à un moment donné une maladie
mortelle, seulement pour échapper à ce tourment de la lutte pour le sens et la finalité de ses
luttes : « En entendant la princesse lui dire que la vie était une c hose affreuse, il éprouva la même
douceur que si elle lui avait parlé d’Odette. – Oh ! oui, la vie est une chose affreuse »48. L'image
de Swann, amoureux sans esp oir, hermétiquement scellé dans un cercle dans lequel son amour
fatal et jaloux est rendu par Mme des Laumes en quelques mots où l'essence du personnage est
capturée. «,, Ce pauvre Swann, dit ce soir -là Mme des Laumes à son mari, il est toujours gentil,
mais il a l’air bien malheureux. Vous le verrez, car il a promis de venir dîner un de ces jours. Je
trouve ridicule au fond qu’un homme de son intelligence souffre pour une personne de ce genre
et qui n’est même pas intéressante, car on la dit idiote” »49.
Le sentiment d'amour fait oublier le snobisme au perso nnage, aspirant aux endroits
humbles où sa petite amie était à un moment donné, alors, regardant d'un œil critique ceux qui
étaient dans son voisinage immédiat, lors d'un événement artistique dans la classe supérieure, il
les regarde donc d'un œil critiqu e, à travers le prisme de l'amant privé au moment de l'objet de
son adoration
Il souffrait de rester enfermé au milieu de ces gens dont la bêtise et les ridicules le
frappaient d’autant plus douloureusement qu’ignorant son amour, incapables, s’ils
47 Ibidem , p. 419.
48 Ibidem , p. 481.
49 Ibidem , p. 482.
18
l’ava ient connu, de s’y intéresser et de faire autre chose que d’en sourire comme d’un
enfantillage ou de le déplorer comme une folie50.
Swann percevait le son des instruments tout en analysant son entourage : « envie de
crier, de prolonger son exil dans ce l ieu où Odette ne viendrait jamais, où personne, où rien ne la
connaissait, d’où elle était entièrement absente »51.
L'univers de l'âme du personnage est circulaire, imprégné par la réalité qu'il vit et celle
dont il rêve, le rêve et la fantasmagorie épano uissant, naturellement sa vie intérieure. De l'agonie
à l'extase, l'existence de Swann est placée entre passion et doute, entre souffrance et jalousie,
entre amour et haine, car ce n'est pas le cas, dit le personnage quelque part, parce que, pour haïr
quelqu'un, il faut l'aimer suffisamment, que les défauts de l'être cher ressortent et nous sommes
frustrés par le manque de mots qu’on ne peut pas lier, sur tout ce qu’on voit dire, mais sans
possibilité, de peur de ne plus être aimé de cette personne. La dich otomie éternelle d’odi et amo
est là.
D'autant plus qu'il semble que Swann ait vraiment des raisons d'avoir des soupçons sur
Odette. La fine analyse psychologique des émotions et des sentiments de Swann est magistrale,
digne d'un maître du portrait et de l 'analyse intérieure. Le tumulte de l'amant, d'un homme
intelligent pour une femme, qui se déclare enfin « qui n’était pas mon genre ! »52 est suggérée de
manière extrêmement expressive, dans des images où abondent des détails significatifs, car
Proust est obsédé par des détails significatifs à travers lesquels le personnage apparaît pleinement
esquissé, réaliste, crédible.
Des phrases comme celle -ci sont éloquentes à cet égard :
tous ses souvenirs du temps où Odette était éprise de lui, et qu’il avait réussi jusqu’à ce
jour à maintenir invisibles dans les profondeurs de son être, trompés par ce brusque rayon
du temps d’amour qu’ils crurent revenu, s’étaient réveillés et, à tire d’aile, étaient
remontés lui chanter éperdument, sans pitié pour son i nfortune présente, les refrains
50 Ibidem , p. 483.
51 Ibidem , p. 484.
52 Ibidem , p. 525.
19
oubliés du bonheur. Au lieu des expressions abstraites « temps où j’étais heureux » ,
« temps où j’étais aimé »53
L'état d'amour sans espoir lui apporte enfin une conclusion qu'il regarde, neutre, détachée,
après tant d'ag itation. « Peut-être est -ce le néant qui est le vrai et tout notre rêve est -il inexistant,
mais alors nous sentons qu’il faudra que ces phrases musicales, ces notions qui existent par
rapport à lui, ne soient rien non plus »54.
Il est partagé entre réalité et désir, entre ce qu'il vit réellement et ses rêves, le personnage
de Swann a des accents tragiques, perçus comme ridicules par des connaissances qui ne
comprennent pas sa passion pour une femme comme Odette « À partir de cette soirée, Swann
comprit que le sentiment qu’Odette avait eu pour lui ne renaîtrait jamais, que ses espérances de
bonheur ne se réaliseraient plus »55. Puis il avait décidé de s'éloigner d'elle. Il voulait ce départ, il
en rêvait, mais ses sentiments le maintenaient en place, de sorte que « Alors, encore tout ému de
son rêve, il bénit les circonstances particulières qui le rendaient indépendant, grâce auxquelles il
pouvait rester près d’Odette »56.
Ces descriptions d'états contradictoires d'un amant submergé de suspicion et de jalousie
sans bornes, sont peut -être quelques -unes des lignes les plus sensibles de l'histoire de la
littérature universelle. Est -elle ou non la maîtresse de Forcheville, est -elle tombée amoureuse de
Madame Verdurin ou non, était -elle dans des maisons de tolérance ou non, quels amants a -t-elle
eu à Nice?
Le même nombre de questions tournent cycliquement dans l'esprit de Swann, qui adore et
déteste sa petite amie, en même temps, divisant le monde intérieur du personnage.
Le manque de capacité de se débarrasser de ce s questions sans réponse, de soupçons
fondés ou non, donne le côté tragique et le personnage lui -même, à un moment donné voit la
mort comme une solution pour sortir de ce cercle dans lequel il est captive pendant si longtemps,
à cause de l'insouciance d'ai mer Odette.
53 Ibidem , p. 484.
54 Ibidem , p. 490.
55 Ibidem , p. 493.
56 Ibidem , p. 494.
20
Ce qui lui fait dire à un moment donné qu'avant de tomber amoureux, on doit découvrir
qui sont les amis de la fille, quel est son passé. La raison contre l’affection, une lutte perpétuelle,
car en matière d'amour, la raison est superflue. La le ttre anonyme dans laquelle Odette est
furieuse, lui fait soupçonner le pathos, soupçonnant presque n'importe qui de tel « infamie »57. Le
bas de la lettre tombe en deuxième position. L'interrogatoire réel qu'il prend d'Odette ne fait que
creuser plus profo ndément dans l'abîme entre eux, ses réponses confirmant ses soupçons
« Odette, lui dit -il, mon chéri, je sais bien que je suis odieux, mais il faut que je te demande des
choses. Tu te souviens de l’idée que j’avais eue à propos de toi et de Mme Verdurin ? Dis-moi si
c’était vrai, avec elle ou avec une autre »58 et elle répondait avec un air irrite et vague « – Je te
l’ai dit, tu le sais bien, ajouta -t-elle d’un air irrité et malheureux »59.
Le vague s'était transformé en quelque chose de plus proche du co ncret à travers les
aveux incomplets de la femme, et la souffrance acquiert des notes paroxystiques à travers ces
confirmations. Paradoxalement, le sentiment érotique est également exacerbé, directement
proportionnel à la souffrance, car, dit Swann :
Et pourtant cette Odette d’où lui venait tout ce mal, ne lui était pas moins chère, bien au
contraire plus précieuse, comme si au fur et à mesure que grandissait la souffrance,
grandissait en même temps le prix du calmant, du contrepoison que seule cette femm e
possédait60.
Il est piégé dans les filets de la passion parce que, peu importe ce qu'il entend, ce que les
autres lui disent d'Odette, peu importe ce que sa femme chérie confirme ou non, Swann est pris
dans les filets de ses sentiments mais aussi de sa pensée, comme celle d'une toile d’araignée,
irrémédiable, invariable, ayant un destin de l'amant désespéré écrit métaphoriquement sur son
front : « Si tu le veux, ce sera fini dans une seconde, tu seras pour toujours délivrée. Dis -moi sur
ta médaille, si oui ou non, tu as jamais fait ces choses »61. Bien sûr, Odette ne jurera jamais, et
57 Ibidem , p. 499.
58 Ibidem , p. 503.
59 Ibidem
60 Ibidem , p. 505.
61 Ibidem , p. 504.
21
les questions sans réponse rouleront sauvagement dans l'esprit et l'âme obsessionnelle, presque
délirante de Swann. C'est une sorte de jeu de l'esprit de Swann qui
Il admirait la terrible puissance recréatrice de sa mémoire. Ce n’est que de
l’affaiblissement de cette génératrice dont la fécondité diminue avec l’âge qu’il pouvait
espérer un apaisement à sa torture62
La mémoire du soir où il avait dîné chez la princesse des Laumes lui était douloureuse,
mais ce n’était que le centre de son mal. Celui -ci irradiait confusément à l’entour dan s
tous les jours avoisinants63.
Même si le motif du cercle n'apparaît pas explicitement trop souvent dans le roman, la
structure du roman est mise sous son signe, ainsi que les obsessions, les lieux, l'univers spirituel,
car, après tout, tout a un début et une fin, et la cyclicité est la clé dans laquelle tout le roman est
écrit.
Revenant à l'histoire d'amour tumultueuse entre Swann et Odette, le narrateur semble en
quelque sorte construire deux moitiés de réalité qui forment un cercle : la perception pa radoxale
qui est composé de ce que Swann a imaginé et de ce que la réalité lui a proposé de comprendre
Mais souvent les choses qu’il ne connaissait pas, qu’il redoutait maintenant de
connaître, c’est Odette elle -même qui les lui révélait spontanément, e t sans s’en
rendre compte ; en effet l’écart que le vice mettait entre la vie réelle d’Odette et la
vie relativement innocente que Swann avait cru, et bien souvent croyait encore, que
menait sa maîtresse, cet écart, Odette en ignorait l’étendue : un être v icieux,
affectant toujours la même vertu devant les êtres de qui il ne veut pas que soient
soupçonnés ses vices, n’a pas de contrôle pour se rendre compte combien ceux -ci,
62 Ibidem , p. 510.
63 Ibidem
22
dont la croissance continue est insensible pour lui -même, l’entraînent peu à peu
loin des façons de vivre normales64
La perspective du narrateur sur la personne Odette est donc claire, le lecteur révélant la
vraie nature d'Odette, que Swann, amoureux, ne peut que soupçonner avec une raison enivrée et
un aspect sous -jacent, peu clair et i ncorrect. Le personnage Swann et le lecteur peuvent avoir des
suppositions sur Odette, seule la vérité est révélée au lecteur tandis que Swann se retrouve avec
ses incertitudes : « Son âme les charriait, les rejetait, les berçait, comme des cadavres. Et el le en
était empoisonnée »65.
Le narrateur, réfléchissant à l'amour de Swann, à l'amour en général, conclut qu'il n'est
pas continu, c’est indivisible.
Ils se composent d’une infinité d’amours successifs, de jalousies différentes et qui
sont éphémères, mais par leur multitude ininterrompue donnent l’impression de la
continuité, l’illusion de l’unité. La vie de l’amour de Swann, la fidélité de sa jalousie,
étaient faites de la mort, de l’infidélité, d’innombrables désirs, d’innombrables
doutes, qui avaient tous Odette pour objet66.
Essentiellement, le narrateur dit que :
La vie de l’amour de Swann, la fidélité de sa jalousie, étaient faites de la mort, de
l’infidélité, d’innombrables désirs, d’innombrables doutes, qui avaient tous Odette po ur
objet. S’il était resté longtemps sans la voir, ceux qui mouraient n’auraient pas été
64 Ibidem , p. 511.
65 Ibidem , p. 512.
66 Ibidem , p. 514.
23
remplacés par d’autres. Mais la présence d’Odette continuait d’ensemencer le cœur de
Swann de tendresse et de soupçons alternés67.
L'obsession de l’enfant Marcel est en quelque sorte, la même que l'obsession de le mature
Swann pour Odette. De plus, l'objet de l'adoration de Marcel est Gilberte. Les deux histoires
d'amour apparaissent comme dans le miroir, les personnages, bien qu'avec des âges différents, se
comporten t presque de manière similaire, ont des troubles identiques et peu sûrs, de sorte que les
deux passions apparaissent de manière cyclique, presque symétrique. Le personnage Marcel ressent
et agit parfois comme Swann, dans le dos on devine la manifestation d e l'amant Proust, dans la vraie
vie. Un amour compliqué, plein d'insécurité, qui place également le protagoniste Marcel dans une
incertitude, dont la réalité sur l'être aimé sera déformée
Même après être rentré à la maison je ne les goûtais pas, car cha que jour, la nécessité qui
me faisait espérer que le lendemain j’aurais la contemplation exacte, calme, heureuse de
Gilberte, qu’elle m’avouerait enfin son amour, en m’expliquant pour quelles raisons elle
avait dû me le cacher jusqu’ici, cette même nécessi té me forçait à tenir le passé pour rien68.
Le moment où Gilberte n'apparaît pas est dévastateur, les Champs -Elysées est un lieu
incolore sans lui, c'est un cercle spirituel qui n'a de sens que lorsque Gilberte est là. Même les
parents de Gilberte apparaissent pour Marcel dans une autre dimension, proche des divinités, dans
l'imagination du jeune homme amoureux, par le simple fait qu'ils ont le pouvoir de décider de la
fille.
67 Ibidem
68 Ibidem , p. 550.
24
La maison de Gilberte acquiert la valeur d'un symbole de bonheur pour Marcel, c'est le
cercle de son existence auquel il n'a pas accès, il traverse les rues du quartier, espérant la revoir,
quand elle ne vient pas un moment dans les Champs Elysées « Je revins avec Françoise par les
rues qui étaient encore pavoisées de s oleil, comme au soir d’une fête qui est finie. Je ne pouvais
pas traîner mes jambes »69.
L'imagination de l'amant va plus loin, atteignant la fantasmagorie. Il pensait de manière
obsessionnelle à une lettre imaginaire écrite par la jeune fille.
Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu’elle n’a jamais cessé de
m’aimer, et m’expliquera la raison mystérieuse pour laquelle elle a été forcée de me le
cacher jusqu’ici, de faire semblant de pouvoir être heureuse sans me voir, la raison pour
laquelle elle a pris l’apparence de la Gilberte simple c amarade70
La réalité et la fantasmagorie, le désir, l'imagination créent un tout unitaire à travers
lequel le personnage se définit, avec sa vie intérieure à un niveau profond et exhaustif. Ce sont
peut-être quelques -unes des plus belles lignes qui reflètent l'état d'amour.
La lettre imaginaire acquiert une cohérence comme une vraie lettre. L'anticipation froide
de la confession de l'amour de la jeune fille place Marcel dans un cercle spirituel de désir et de
fantasmagorie, le rêve, le fétiche, devenant une seconde réalité pour le personnage qui parcourt
les rues en suivant Odette, la mère de Gilberte, son père, dans l'espoir de la voir. La réalité du
désir semble éclipser la réalité vécue, l'obs ession dominant irrévocablement Marcel.
Swann, le nom connu de Marcel depuis son enfance, prend désormais une connotation
différente, étant le père de Gilberte. Swann devient maintenant un idéal, un modèle pour Marcel,
celui qui a accès aux désirs de la fi lle, celui qui la connaît complètement, qui a le pouvoir sur
69 Ibidem , p. 556.
70 Ibidem
25
elle. Au centre de l'intérêt de Marcel se trouve l'objet de son amour, Gilberte, les sujets à propos
d'elle se répétant de manière obsessionnelle dans l'esprit du personnage, dans les conversatio ns.
Le cercle, métaphoriquement parlant, de ces promenades qui avaient au centre la figure
de l'amant se répète de manière obsessionnelle, comme dans un rituel, comme le sentiment lui –
même. L'obsession de Gilberte qui transcende et déborde sur les personne s qui lui sont liées,
notamment ou surtout sa mère, Odette. Les portraits de Proust sont particulièrement suggestifs,
contenant des détails importants, comme celui d'Odette, magistralement rendus par le narrateur.
Mme Swann, ses cheveux maintenant blonds avec une seule mèche grise ceints d’un
mince bandeau de fleurs, le plus souvent des violettes, d’où descendaient de longs voiles,
à la main une ombrelle mauve, aux lèvres un sourire ambigu où je ne voyais que la
bienveillance d’une Majest é et où il y avait surtout la provocation de la cocotte71.
III. « Combray ou le cercle parfait »72
Combray est comme un miroir dans lequel le narrateur revient sur ses souvenirs
d'enfance. Combray, métaphoriquement parlant, esquisse une image dans laquelle des souvenirs
se déroulent, du passé, des souvenirs qui sont restés vivants jusqu'à présent, une image que le
narrateur regarde et revit ces moments à travers elle.
Combray est comme un cercle, « un lieu -temps »73, un cercle spirituel dans l equel les
personnages se trouvent, se rencontrent et s'individualisent, comme des île s au sein d'une même
communauté.
71 Ibidem , p. 567.
72 comme l'appelle Robert Vigneron, consulté le 20 mars en ligne sur le site :
https://www.jstor.org/stable/435243?seq=1#metadata_info_tab_contents .
26
On voit Combray qui est très représentatif. C'est la ville natal du narrateur, où il passe son
enfance avec tous les membres de la famille , aussi l'image des personnages autour de lui et il y a
dans un cercle, autour duquel se trouve le petit Proust et à partir de là il analyse leur
comportement et leur routine quotidienne « La vie quotidienne est routinière. A Combray, la
famille du narrate ur connait tout le monde, mais on reçoit peu »74.
Combray de loin, à dix lieues à la ronde, vu du chemin de fer quand nous y arrivions la
dernière semaine avant Pâques, ce n’était qu’une église résumant la ville, la représentant,
parlant d’elle et pour elle aux lointains, et, quand on approchait, tenant s errés autour de sa
haute mante sombre, en plein champ, contre le vent, comme une pastoure ses brebis, les
dos laineux et gris des maisons rassemblées qu’un reste de remparts du moyen âge cernait
çà et là d’un trait aussi parfaitement circulaire qu’une peti te ville dans un tableau de
primitif. À l’habiter, Combray était un peu triste, comme ses rues dont les maisons
construites en pierres noirâtres du pays, précédées de degrés extérieurs, coiffées de
pignons qui rabattaient l’ombre devant elles, étaient asse z obscures pour qu’il fallût dès
que le jour commençait à tomber relever les rideaux dans les « salles »; des rues aux
graves noms de saints (desquels plusieurs se rattachaient à l’histoire des premiers
seigneurs de Combray) : rue Saint -Hilaire, rue Saint -Jacques où était la maison de ma
tante, rue Sainte Hildegarde, où donnait la grille, et rue du Saint Esprit sur laquelle
s’ouvrait la petite porte latérale de son jardin ; et ces rues de Combray existent dans une
partie de ma mémoire75.
J'ai choisi ce pa ragraphe qui capture la description de la ville natale en détail, comment la
réalité subjective fait son apparition, comment le narrateur devient un personnage et raconte à la
première personne. La ville natale fait partie de l'espace individuel, où le nar rateur dort, rêve, se
réveille. Où il recompose la réalité après un rêve profond, où il place dans ce cercle, dans cette
unité le temps passé avec ses parents.
73 Consulté le 20 m ars 2020 en ligne sur le site : https://www.persee.fr/docAsPDF/litt_0047 –
4800_1999_num_116_4_1644.pdf .
74 Bernard Gros, op. cit ., p. 12.
75 Marcel Proust, op. cit. , p. 148.
27
Combray est l'image parfaite « L’image qui sert de pivot a cette transformante, tour à
tour terrestre et aérienne, tout à tour familiale et cosmique »76 de la conscience qui porte le
narrateur à travers les deux volumes À la recherche du temps perdu et Le Temps retrouvé .
« Combray ou le cercle parfait » comme l'appelle Robert Vigneron77.
Dans quelle mesure peut -on parler de la forme ronde? Parce qu'il s'agit d'un élément
cyclique, il se trouve à la fois dans le premier volume et dans le deuxième volume « La structure
de À la recherche du temps perdu est un cercle dont la fin du tracé engendre le commencement.
C’est à l’intérieur dudit cercle que le narrateur enferme toutes ses composantes »78.
On peut aussi parler d'un retour continu aux origines, le narrateur reve nant d'où il est parti.
Encore, p ourquoi la forme ronde ? « Mais le poète reprend le rêve plus haut. Il sait que ce qui
s’isole s’arrondit, prend la figure de l’être qui se concentre sur soi »79. Et pourquoi le cercle?
Parce que le cercle représente le retour continu, la rotation permanente, une rotation perpétuelle,
dans le tem ps, une rotation de la vie à la mort et le flux dans le même sens; par conséquent, le
symbole d'une ligne brisée ne peut pas être utilisé. Par exemple, on ne peut pas parler du carré,
car on ne s'arrête pas aux quatre coins, mais on continue de tourner en permanence. Pourquoi un
flux? Parce qu'il semble que le narrateur raconte exactement comme ses pensées lui viennent à
l'esprit.
En géométrie, on voit le cercle comme une continuité continue, et dans l'espace comme
un plan existentiel et un plan individuel contre l'histoire personnelle et l'histoire du temps. Le
motif du cercle en mouvement permanent donne à l'œuvre une image dynamique et non statique.
Les souvenirs passent, le temps ralentit lentement jusqu'à la mort sur le plan du sol, mais pas
comme une i dée finale. On peut également dire que l'image du cercle représente « le cœur » des
deux volumes, étant une unité, « le cœur » de l'œuvre qui vibre chaque mémoire et maintient le
temps vivante, le changeant de transitoire à éternel.
Il y a, d'au tre part, l'importance des personnages qui l'entourent :
76 Gaston Bachelard, op. cit ., p. 158.
77 Consulté le 20 mars 2020 en ligne sur le site :
https://books.google.ro/books?id=rjQ6PTc6NRMC&pg=PP1&dq=le+motif+du+cercle+proust&hl=fr&so urce=gbs_
selected_pages&cad=3#v=snippet&q=cercle&f=false p. 16.
78 Bernard Gros, op. cit ., p. 37.
79 Gaston Bachelard, op. cit ., p. 214.
28
Un personnage proustien c’est un « simulacre », comme on dit aujourd’hui pour designer
la représentation figurée de quelqu’un ou de quelque chose, fruit de l’art donc d’une
parole artificielle et libre, et le romancier n’en dévoile que lentement ce qu’en sait, ce
qu’en apprend so n narrateur80
qui tournent autour du narrateur, à travers lequel la conscience et la mémoire passent et
reviennent à la vie. Que ce soit la mère de Marcel, son père, ses grands -parents, Françoise,
Swann ou Odette, Gilberte, tantes, toute une série de personnages épisodiques, Proust leur prête
une attention particulière en les dessinant magistralement, de telle sorte que le lecteur visualise
leur portrait, qui est décrit presque concrètement, à partir de leur description ou de faits, par
exemple, comment Françoise apparaît dans la vision de Marcel
Je m’aperçus peu à peu que la douceur, la componction, les vertus de Françoise
cachaient des tragédies d’arrière -cuisine, comme l’histoire découvre que le règne des
Rois et des Reines qui sont représentés les mains jointes dans les vitraux des églises,
furent marqués d’incidents sanglants81.
La même Françoise, célèbre dans tout Combray pour le poulet qu'elle savait cu isiner
comme aucune autre, une Françoise qui coupe elle -même ce poulet, c'est pourquoi Marcel, qui
voit la scène, la déteste « Je remontai tout tremblant ; j’aurais voulu qu’on mît Françoise tout de
suite à la porte. Mais qui m’eût fait des boules aussi c haudes, du café aussi parfumé, et
même…ces poulets ?… »82. La même Françoise, envieuse sur son visage boiteux et sourd
d’Eulalie, qui vient chez tante Octave et est chaleureusement accueillie et bien payée.
80 Bernard Gros, op. cit. , p. 38.
81 Marcel Proust, op. cit ., p. 232.
82 Ibidem
29
Grand -mère, par contre, était souvent ridicu lisée par les autres, aimait être dehors pendant
longtemps et pensait que Marcel devait faire de même pour se calmer, mais grand -mère était
finalement désintéressée de tout le monde, finissant par confondre tous les noms. En revanche,
des personnages comme Legrandin apparaissent subtilement dessinés, avec un sens magistral de
la psychologie et du portrait, digne d'un romancier de la taille de Marcel Proust.
Vinteuil, par exemple, est un homme bon qui a vécu et souffert pour sa fille, la
protégeant. Après s a mort, Marcel capture par la fenêtre cette fille de Vinteuil dans une scène
d'amour homosexuelle, dans laquelle son amie veut cracher sur la peinture de son père.
L'oncle Adolphe, autre personnage, qui reçoit Marcel en présence d'un cocon de luxe, que
le jeune homme ose embrasser de la main.
Les personnages posit ifs et les personnages négatifs apparaissent et disparaissent de
l'écriture, reviennent parfois, tout passe, le temps doit être retrouvé, mais une chose est sûre :
« Le bonheur des méchants comme u n torrent s’écoule »83. Toute une série de personnages qui
donnent vie à l'écriture, apparaissant de façon cyclique, apportés comme un flux, une sorte de
flux de conscience. Les personnages sont vus, parfois, différemment, par le narrateur, ou par
d'autres personnages, intervenant ici en relativité, en ce qui concerne Odette de Crécy, cette
relativisation est évidente, les personnages principaux étant complexes, d'autant plus que
beaucoup.
Toute une série de personnages qui peuvent être facilement inclus da ns le domaine du
snobisme avec ou sans valeur, le snobisme, l'amour, les cercles de société sont des thèmes
majeurs qui coexistent et s'entrelacent harmonieusement, les lieux visités sont imprégnés de la
tendance à surenchérir sur la valeur d'une caste ou autre, la culture semble aussi prétexte à un
snobisme encore plus grand à certains endroits, surtout à des expériences qui planent dans le
temps, un temps perdu, retrouvé à travers les souvenirs.
Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous
les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu
83 Ibidem , p. 216.
30
d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors ; le souvenir d’une certaine image
n’est que le regret d’un certain instant ; et les maisons, les routes, les avenues, sont
fugitives, hélas ! comme les a nnées84.
Les personnages apparaissent sans logique préétablie, du fait de la mémoire involontaire,
d'un passé, après la mort de leurs proches rien ne survit, les choses se dégradent. La scène avec
Madeleine est illustrative en ce sens, la vue du gâteau ne lui a rien rappelé, alors seulement il se
rend compte que c'est le goût qui le porte au fil des années, de retour à Combray, le matin, liée à
ce goût, l'image pal pite à l'intérieur du narrateur et commence à l'atteindre.
A Combray tout le monde connaît tout le monde, à Paris tout le monde s'occupe de ses
affaires, de chaque endroit, avec son cercle spirituel fermé et avec les personnages qui sont
d'accord ou non d ans un cercle ou un autre.
Je l'ai également mentionné plus haut, la réalité vécue par Proust lui -même, qu'il concentre
sur le personnage du narrateur Marcel, le détermine à suivre obsessionnellement le cercle, à la
fois idéologiquement et en tant que stru cture. C'est l'obsession d'inclure un banni dans la vraie
vie, le fort désir d'être aimé et inclus, quelque chose qui vient de l'enfance.
Revenant aux personnages proustiens, ils ne sont pas fantastiques , ils sont faits de chair et de
sang, pleins de réali sme et de la réalité humaine générale dont on parle. Marcel, à travers la
conscience duquel coule tout le roman, est vivant, avec ses peurs et ses ob sessions, avec ses
passions.
À propos de Gilberte, il déclare qu'il l'aimait et qu'il n'aurait pas eu le te mps de l'offenser.
Gilberte est décrite comme une beauté rare, mais en même temps, la haine pour elle le pousse à
la rendre laide « ,,Comme je vous trouve laide, grotesque, comme vous me répugnez !”»85.
Marcel, le narrateur -personnage est obsédé par le pa ssé, il a des passions. L 'inclusion est la
clé de l'existence, qu i a des peurs et des explosions .
84 Ibidem , p. 577.
85 Ibidem , p. 255.
31
Certes quand approchait le matin, il y avait bien longtemps qu’était dissipée la brève
incertitude de mon réveil. Je savais dans quelle chambre je me trouva is effectivement, je
l’avais reconstruite autour de moi dans l’obscurité, et – soit en m’orientant par la seule
mémoire, soit en m’aidant, comme indication, d’une faible lueur aperçue, au pied de
laquelle je plaçais les rideaux de la croisée – je l’avais r econstruite tout entière et
meublée comme un architecte et un tapissier qui gardent leur ouverture primitive aux
fenêtres et aux portes, j’avais reposé les glaces et remis la commode à sa place
habituelle86
Revenant aux personnages, finement et suggestivement dessinés, qu'ils soient principaux,
secondaires ou épisodiques, ils interagissent verbalement, d'actions, parfois psychologiquement,
s'inscrivant dans le statut s ocial dont elles font partie. Par exemple , dans le cercle de Combray,
où tout le monde se connaît, comme je l'ai mentionné précédemment et où l'on précise aussi qu'il
s'agit d'un cercle spirituel avec ses spécificités, Marcel déclare dans une note de tendresse aux
accents ironiques qui « une pers onne ,, qu’on ne connaissait point “ était un être aussi peu
croyable qu’un dieu de la mythologie »87.
Un des personnages principaux est Swann, défini par son intelligence « Les signes
mondains et les signes amoureux, pour être interprètes, font appel à l’ intelligence »88, son sens
esthétique, mais surtout par son obsession pour Odette. Il s'intéresse aux charmes féminins des
femmes de faible descendance, il préfère la fille d'un intendant de campagne qui lui paraissait
beau à une duchesse « comme ferait un affamé qui troquerait un diamant contre un morceau de
pain »89. Cette inclination pour les personnes de faible classe sociale le fait, en fait, être répudié
parfois dans la société, dit le grand -père de Marcel à un moment donné « ,, Ne prononcez jamais
86 Ibidem , p. 305.
87 Ibidem , p. 158.
88 Gilles Deleuze, op. cit ., p. 66.
89 Marcel Proust, op. cit ., p. 312.
32
son nom devant moi ! “ »90. Swann tourne d e manière obsessionnelle autour des mots et des
sentiments liés à l'objet de sa passion, Odette de Crécy.
Marcel a parfois voulu rencontrer de simples femmes du pays pour avoir des relations
amoureuses charnelles, c e qui, à son avis, aurait fait croire à ces filles qu'il était fou, au lieu de
cela, Swann ne tombe plus amoureux ni plus un peu de cocota de luxe en la personne d'Odette.
Odette était mal formée, certains la considéraient même comme mauvaise, ce qui n'emp êchait
pas Swann d'embellir son imagination, le comparant aux personnages des tableaux qui lui étaient
si familiers que la femme, par manque de culture, n'en avait aucune idée.
Le rituel de boire du thé ensemble depuis le début de la relation tourmentera Swann plus
tard, revenant, circulairement, comme à La Mecque, au moment de bonheur complet qu'il
considère, quand, dit -il, il se sent aimé. Odette lui avait alors écrit une phrase qui lui revenait
obsessionnellement quand il lui semblait qu'Odette était in différente, qu'elle était amoureuse de
Forcheville et qu'elle ne se souciait plus de lui.
Revenant au caractère proustien, en général, nous pouvons conclure qu'ils sont multiples,
ils sont de couleurs vives, décrits en traits fins et qui illustrent l'essen ce, mais aussi le détail.
La psychologie du personnage proustien est complexe, Proust l'explorant en détail, à
partir d'une histoire objective, jusqu'à une histoire subjective.
IV.Le motif du cercle dans Le Temps retrouvé
Il est pris au piège entre la recherche d'un temps perdu, mais aussi d'un temps retrouvé,
donc le cercle étant fermé, le narrateur trouve que non seulement la mémoire fonctionne, mais
qu'il y a même une mémoire du corps, des membres, par exemple. La duplic ité, la méfiance à
l'égard des personnages dans leurs relations amoureuses apparaissent, certes, en abondance et
dans Le Temps retrouvé , comme Swann, une fois écrasé par l'infidélité possible d'Odette, qu'il
90 Ibidem , p. 314.
33
ait eu ou non une relation homosexuelle avec Ma dame Verdurin, ici Marcel est pris par les
mêmes questions obsessionnelles.
Albertine était -elle ou non dans cette relation avec Gilberte? Bien que Gilberte le nie,
Albertine avait fait allusion à autre chose. Albertine était -elle immorale ou non? La tou rmente de
Gilbert est également générée par le comportement duplice de Robert, qui est également enclin
aux relations homosexuelles.
L'amour et la fidélité, la passion et la jalousie, l'attention et l'indifférence, la vertu et le
péché, ce ne sont qu'un e série minimale de dichotomies qui apparaissent dans ce volume mais
aussi dans les autres, en particulier en ce qui concerne les couples, d'où nous pouvons remarquer
une approche possible du thème d'amour avec des influences du mythe androgyne.
Ce qui est évident, cependant, c'est le fait que la vie est à deux pôles, et la réalité de
l'écriture proustienne est également marquée par des dichotomies, dès le titre, il y a un processus
de recherche du temps perdu, et finalement le temps se retrouve , par consé quent, comme nous
l'avons également déclaré plus tôt, le cercle est fermé. Les couples proustiens, comme je l'ai dit,
ont les mêmes problèmes, probablement généralement humains, de fidélité, de manque de
confiance, liés les uns aux autres par le fil logiqu e et vivant de leurs propres expériences de
passion et d'amour de l'écrivain lui -même.
Les infidélités de Robert qui, bien qu'il aime Gilberte, ses mensonges, les scènes
enfantines d'évanouissements quand il est pris par un mensonge, tout cela humanise enc ore les
personnages, qui nous apparaissent comme des gens en réalité, avec des qualités, des défauts, des
crises et des scènes embarrassantes, Proust excellant dans le réalisme subjectif.
Non seulement les gens du passé adhèrent au caractère actuel, apparaissant cycliquement
de sa conscience, se manifestant sous forme de mémoire, mais aussi des lieux, des livres lus, des
informations culturelles, tous acquérant un contour naturel, extrêmement clai r, dessinant la
mémoire de Marcel, générateur d'histoir es, d'écriture « J’étais triste en remontant dans ma
chambre, de penser que je n’avais pas été une seule fois revoir l’église de Combray »91 ou
91 Marcel Proust, À la recherche du temps per du VII Le Temps retrouvé, Paris, Gallimard , 2019, p. 13.
34
« Dans le verre de Venise que j’ai devant moi, une riche bijouterie de rouges est mise par un
extraordinaire léo ville »92.
Sans toutes ces images qui surgissent de l'inconscient et se transforment en mots, à partir
de la révélation d'un goût ou d'une odeur familière, le temps laissé dans le passé, porté
aujourd'hui au présent par l'histoi re, ne pourrait pas se répéter.
Comme un fil d'Ariane, on suit le fil de l'histoire jusqu'à la fin, jusqu'à ce que le nageur
devenu écrivain accomplisse son destin et, comme je l'ai dit quelque part, au début, les échecs
passés l'aident finalement à devenir un gagnant, en suppos ant et en les surmontant en dernier
ressort. L'intérêt pour le détail significatif fait revenir l'auteur à certains personnages, lieux,
idées, cycliques, comme un cours et des ressources qui s'écoulent naturellement à travers le
prisme de la mémoire involo ntaire.
Revenant à l'idée de motif littéraire, qui consiste, comme nous l'avons vu précédemment,
en symbole, en idée, en image reprise ou soulignée avec insistance et qui contribue à définir le
message de l'œuvre, nous pouvons faire l'énoncé, sans nier que le motif du cercle chez Proust ne
signifie pas nécessairement la présence du lexème dans le texte, mais au contraire c'est plutôt un
symbole, une image.
On peut dire que le Combray, en tant que « cercle parfait », comme l'appelle Robert
Vigneron , en tant que topos de l'enfance, trésor de souvenirs, n'est pas seulement un espace, mais
acquiert de la personnalité à travers la récurrence et tout ce qui implique, à travers les sentiments,
les expériences, les personnages. connu, mais il y a aussi un cercl e temporel, du personnage qui
part du présent, dans son long monologue, pour atteindre le passé, à différentes étapes de son
passé, puis pour revenir à lui -même dans un présent qui semble sans fin, comparé au passé
limité, qu'il atteint par l'effort, les s entiments et les réflexions suscités, en fait, dans sa
conception, par l'apparition du hasard, qui apporte un objet qui déclenche la mémoire
involontaire.
Tant que rien n'est perdu, tant que le temps lui -même peut être retrouvé, pourquoi
devrions -nous avoi r peur, semble le personnage de Marcel, l'écrivain lui -même semble le penser
92 Marcel Proust, Le Temps retrouvé , op. cit ., p. 18.
35
« Tout un quartier où a flâné mon enfance quand ma tante de Courmont l’habitait et que je me
prends à ,,raimer ” en retrouvant »93.
Les impressions « Le troisième monde est celui des impressions ou des qualités
sensibles »94 « Ce sont des signes véridiques, qui nous donnent immédiatement une joie
extraordinaire, des signes pleins, affirmatifs et joyeux »95 bien qu’ils ne soient des signes
matériels, leur sens « signifie Combray, de s jeunes filles, Venise ou Balbec. Ce n’est pas
seulement leur origine, c’est leur explication, c’est leur développement qui reste matériel »96 ; les
rêves, les souvenirs sont parsemés, dans tous les volumes, de références à des lieux historiques,
des attr actions touristiques, des personnages d'œuvres, des peintures, qui donnent le côté de
l'érudition comme des livres « l’été suivant, ils revenaient, logeant toute une colonie d’artistes
dans une admirable habitation moyenâgeuse que leur faisait un cloître a ncien loué par eux, pour
rien »97.
Les lieux et les personnages des volumes précédents apparaissent dans Le Temps retrouvé
plus ou moins modifiés, le narrateur Marcel étant le seul invariable, apparemment, cependant ,
car il évolue tout au long du roman À la recherche du temps perdu , il n'y a que le personnage
Marcel et son monologue à travers l equel il fait revivre un monde, tout tourne autour de lui, tout
est sans aucun doute filtré à travers sa conscience.
La révision du passé dans le volume final, sti mule, au -delà des comparaisons, Marcel à
réfléchir, philosophiquement, pro fondément, sur la vie, la mort et aussi la vieillesse.
Le temps, chez Proust, n'est pas linéaire mais est imprégné par l'aspect circulaire, g énéré
par sa vision de celui -ci :
Cottard nous dit avoir assisté à de véritables dédoublements de la personnalité, nous
citant le cas d’un de ses malades, qu’il s’offre aimablement à m’amener chez moi et à qui
il suffisait qu’il touchât les tempes pour l’éveiller à une seconde vie, vie pe ndant laquelle
93 Ibidem , p. 16.
94 Gilles Deleuze, op. cit ., p. 18.
95 Ibidem , p. 20.
96 Ibidem
97 Marcel Proust, Le Temps retrouvé , op. cit ., p. 19.
36
il ne se rappelait rien de la première, si bien que, très honnête homme dans celle -là, il y
aurait été plusieurs fois arrêté pour des vols commis dans l’autre où il serait tout
simplement un abominable gredin98.
En revanche, dans l'introsp ection, le narrateur lui -même, en passe de devenir écrivain, et
tout devenir implique un doublement, réalise ce double caractère intérieur, s'analysant, « je ne
voyais pas les convives, parce que quand je croyais les regarder je les radiographiais »99.
Il y avait en moi un personnage qui savait plus ou moins b ien regarder, mais c’était un
personnage intermittent, ne reprenant vie que quand se manifestait quelque essence
générale, commune à plusieurs choses, qui faisait sa nourriture et sa joie100.
Au-delà de tout cela, Marcel déclare enfin :
la vie continuait presque semblable pour bien des personnes qui ont figuré dans ce récit,
et notamment pour M. de Charlus et pour les Verdurin, comme si les Allemands
n’avaient pas été aussi près d’eux, la perma nence menaçante bien qu’actuellement
enrayée d’un péril nous laissant entièrement indifférents si no us ne nous le représentons
pas101.
98 Ibidem , p. 22.
99 Ibidem , p. 25.
100 Ibidem , p. 24.
101 Ibidem , p. 79.
37
Pourquoi? Comme tant d'autres, il existe imperturbable, au -dessus de ce que la matière a
subi, suivant son chemin naturel, presque comme un réflexe « ils s’occupent de leurs affaires
sans penser à ces deux mondes, l’un trop petit, l’autre trop grand pour qu’ils aperçoivent les
menaces cosmiques qu’ils font planer autour de nous »102.
Paris était belle la nuit comme ava nt, seulement elle était menacée, les Parisiens, croit
Marcel, ne se rendaient pas compte de la gravité de la situation de Verdurin, Mme Verdurin
donnait des fêtes tous les jours, semblant que le monde de la guerre pas l'i ntersection avec le
monde fermé. Bientôt la guerre se termine et les classes sociales sont plus ou moins ébranlés, le
monde découvre avec éclat les victimes du bolchevisme « des grandes -duchesses en haillons,
dont on avait assassiné les maris dans des brouettes, et les fils en jetant des p ierres dessus après
les avoir laissés sans manger »103. Les classes sociales étaient au bord de l'extinction.
Le personnage de Marcel est cependant troublé, au -delà des changements de son plan
extérieur, par l'obsession de l'écriture. Il est écrasé, dans c ertains endroits, par l'insécurité, par
exemple, dans le sanatorium où il a passé de nombreuses années, sans guérison, il médite là –
dessus, et lors du voyage à Paris, à son retour il pensait qu'il manquait de talent, une pensée qui
démobilisent et pleurent , sans aucun doute : « la pensée de mon absence de dons littéraires, que
j’avais cru découvrir jadis du côté de Guermantes, que j’avais reconnue avec plus de tristesse
encore dans mes promenades quotidiennes avec Gilberte »104.
Le personnage narrateur s'appuie non seulement sur lui -même, plus précisément sur sa
qualité d'écrivain, mais aussi sur création en général « Le temps retrouve est la résolution, le
dépassement d’une contradictoire »105 et donc, dans le VIIème volume, le temps qui
est « retrouvé » est tourne « vers l’avenir plus que vers le passe »106. « La vraie vie, la vie enfin
découverte et éclaircie, la seule vie, par conséquent, réellement vécue, cette vie qui, en un sens,
habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que c hez l’artiste »107.
102 Ibidem
103 Ibidem , p. 161.
104 Ibidem
105 Bernard Gros, op. cit ., p. 61.
106 Ibidem
107 Marcel Proust, Le Temps retrouvé , op. cit ., p. 202.
38
Un cercle étroit, en fait, comment dit le poète Mihai Eminescu, dans le poème
Luceafarul : « Je reste dans ma sphère ! »108 La chance de sortir de cet étroit subjectif individuel
reste donc l'art.
Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et
autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition,
plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini109.
Soumis au temps, cependant, sont à la fois les sentiments et les gens, les transformant,
certains plus, d'autres moins, Marcel réalise la perte de l'amour d'Albertine après sa mort après
un certain temps, par exemple. Mais ce qui l'inquiète beaucoup, surto ut dans Le Temps retrouvé ,
c'est la façon dont les personnes qu'il a connues ont vieilli tout au long de sa vie et de profondes
réflexions philosophiques apparaissent, comme dans le cas de l'amour.
Une sorte de sagesse de la vieillesse qui vient avec l'âge est évidente dans ces
observations, des changements externes extrêmement plastiques et intéressants apportés par elle.
Tout est transparent et en même temps tout est voilé chez Proust, le mystère persiste, le mystère
du passage du temps, le mystère de l'a mour, du vieillissement et de la vie en général. Marcel n'a
rassemblé que les pièces du puzzle, comme dans le cas de Combray, comme dans le cas des
souvenirs, afin de révéler enfin l'image globale du monde dans lequel il vivait.
Nous vivons des réalités di fférentes selon les étapes de la vie et des rêves, comme les
amours sont variables, invariables, cela semble être le message de l'ensemble du roman, sinon
seule la conscience qui prend note de tous ces change ments et transformations reste fermée en
chacun de nous, où le temps n'a ni effet ni conséquence.
108 Consult é le 6 avril 2020 en ligne sur le site : http://eminescu.over -blog.fr/article -35153010.html .
109 Marcel Proust, Le Temps retrouvé , op. cit ., p .202.
39
Tout au long du roman, à différents âges, Marcel tente de s'affranchir des complexes,
mais aussi de l'obsession du temps, qu'il découvre finalement comme subjective et donc, un
sentiment ou un geste qui se répète peut retrouver un souvenir.
On revient, à l'image de la Madeleine que la dégustation a la révélation de répéter
l'instant de l'enfance, un rituel oublié quand il est allé chez sa tante immobilisée dans son lit et
qu'elle lui a donné une madeleine trempée dans du thé, comme un rituel religieux pour déguster
du vin et du pain saint. Il est intéressant de noter que ce n'est pas la vue de la présente Madeleine
qui est l'élément déclencheur qui apporte l'image et la mémoire du passé, mais le g oût,
actualisant ses pensées à partir de là, grâce à la mémoire involontaire et sensorielle.
Comme je l'ai mentionné dans le premier chapitre, la sensation devient un utile savoir et
elle fait une analogie entre passé et le p résent et les deux se mélangent , et donc, on voit aussi
dans Le temps retrouvé , comme le narrateur sent trois sensations nouvelles, des sensations
présentes, qui le conduisent aux sensations du passé, dans le temps perdu, trois sensations qui le
déséquilib rent, le placent sur deux dalle s inégales « je comprenais trop que ce que la sensation
des dalles inégales, la raideur de la serviette, le goût de la madeleine avaient réveillé en moi,
n’avait aucun rapport avec ce que je cherchais souvent à me rappeler de Venise, de Balbec, de
Combray, à l’aide d’une mémoire uniforme »110.
Le personnage Marcel sent que ce monde n'est plus le sien, il est changé, les gens ont
vieilli, il le voit avec des yeux différents, sous un angle différent, et donc il considère qu'il
devrait se concentrer sur son pr opre monde, un monde intérieur, en dont il a gardé les choses
intactes, inchangées, éternellement jeunes. Un monde intérieur, dans lequel le temps s'est figé et
qui restera pour toujours dans cette boucle à part, ou dans ce cercle, dont il préfère ne pas s ortir.
Dans ce monde intérieur, le temps ne s'écoule plus vers la mort, vers la fin, mais se forme
comme une maison, un temps qui restera éternel et inchangé : « Vous savez qu’il y a une
géométrie plane et une géométrie dans l’espace. Eh bien, pour moi, le roman, ce n’est pas
seulement de la psychologie plane, mais de la psychologie dans le temps »111.
Trois sensations lui feront se souvenir du passé, ils le portero nt dans un temps perdu,
mais qu'il retrouvera grâce aux sensations, évoquant apparemment le passé.
110 Ibidem , p. 176.
111 Consulté le 23 avril 2020 en ligne sur le site : https://books.openedition.org/purh/3023 .
40
La première sensation qui lui rappelle le passé, c'est quand il marche sur les pav és
inégaux de la cour de l'hôtel de Guermantes « l’inégalité pour les pas d es pavés de la cour
Guermantes et du baptistère de Saint -Marc, cet être -là ne se nourrit que de l’essence des choses,
en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices »112. La deuxième sensation lui rappelle le
passé aussi quand il entend un domestique qui accidentellement fait résonner le cristal d'un
verre. Le bruit lui rappelle comme faisaient autrefois les cheminots lorsque les trains étaient en
gare et il battait les ro ues métalliques des wagons avec une barre de métal. Et, en outre, la
troisième sensation qui anime le pass é, c’est donc, une serviette qu’il porte à ses lèvres, qui lui
rappelle l’impression comparable, la serviette de bain avec laquelle il suivait sur la plage de
Balbec.
Il est dans une confusion temporaire, mais pas pour longtemps, le temps s'arrête et se
mélange, le narrateur est déséquilibré. Il a beaucoup de questions et ne sera probablement jamais
en mesure de les ré pondre toutes. Il est entre le pass é et le présent, il est pris au milieu, et il sent
qu'il vit vraiment, il se sent libre et moins contraint par les barrières que le temps forme et qui
sont profondément enracinées. C'est dehors du temps, c'est comme dans une boucle temporaire,
dont il sort ira bientôt, mais il se sent libre et vivant « un être qui n’apparaissait que quand, par
une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût
vivre, jouir de l’essence des choses, c’est -à-dire en dehors du temps »113.
De même que le jour où j’avais trempé la madeleine dans l’infusion chaude, au sein de
l’endroit où je me trouvais (que cet endroit fût, comme ce jour -là, ma chambre de Paris,
ou, comme aujourd’hui en ce moment, la bibliothèque du pri nce de Guermantes, un peu
avant la cour de son hôtel), il y avait eu en moi, irradiant d’une petite zone autour de moi,
une sensation (goût de la madeleine trempée, bruit métallique, sensation de pas inégaux)
qui était commune à cet endroit (où je me trouv ais) et aussi à un autre endroit (chambre
de ma tante Léonie, wagon de chemin de fer, baptistère de Saint -Marc)114.
112 Marcel Proust, Le Temps retrouvé , op. cit. , p. 179.
113 Ibidem , p. 178.
114 Ibidem , p. 180.
41
Pourquoi peut-on également faire référence au cercle dans le dernier volum e? Parce que
le temps retrouvé représente le monde intérieur dans lequel le personnage Marcel préfère vivre,
et sur lequel se concentrer. Le cercle représente le monde intérieur, où les choses peuvent être
conservées intactes, où le temps se fige et ne change pas, ne presse pas sur les gens, les choses et
place son sortilège. Il est captif dans le monde intérieur du personnage narrateur et a plus
d'importance que jamais. C'est le temps qui ne nous pousse plus involontaireme nt vers la fin,
vers la mort. La mort est une étape finale, inévi table, c'est pourquoi on recherche une évasion
continue. Nous sommes conscients de l'idée de la mort, mais nous préférons conserver en
quelque sorte le temps « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes
mortelles. »115
C’est le temps qui ne nous change pas et ne nous imprègne pas de son amertume.
Pourquoi l'amertume? Car on voit maintenant un Paris sous l'influence de la Grande Guerre, les
rues pleines de terreur « Les rues étaient devenues entièrement noires »116 , une ville fant ôme, où
les gens ont changé, tout autour du narrateur devient l'inverse, un monde métamorphosé
maintenant, les gens vieillissent, Albertine est pas plus maintenant qu'un souvenir , maintenu
vivant seulement dans cette boucle temporaire, où le passé, le prés ent et le futur n'existent pas.
j’avais appelé : ,,Albertine” , croyant que mon amie défunte était couchée auprès de moi,
comme elle faisait souvent le soir, et que nous nous endormions ensemble, comptant, au
réveil, sur le temps qu’il faudrait à Françoise avant d’arriver, pour qu’Albertine pût sans
imprudence tirer la sonnette que je ne trouvais pas117
115 Consult é le 18 mai 2020 en ligne sur le site : https://www.histoire -en-citations.fr/citations/paul -valery -nous –
autres -civilisations -nous -savons .
116 Marcel Proust, Le Temps retrouvé , op. cit. , p. 140.
117 Ibidem , p. 5.
42
Et même si elle n'était pas morte, Albertine aurait pris un regard différent dans la
perception du personnage, car les êtres ont changé à la fois physiquement et moralement au fil du
temps, et la seule façon de les garder éternels tels qu'ils étaient autrefois est de les tenir captifs
dans le monde intérieur, un monde dans lequel rien ne change, et les gens restent à jamais les
mêmes êtres. Ainsi, i ls perdront leur n aïveté d'âge et d'innocence, et ils deviendront vieux.
Il est remarquable de voir comment chaque personne discerne une sorte de réalité, une
réalité subjective et comment nous pouvons analyser une personne, surtout quand nous la
connaisso ns depuis longtemps. Nous pouvons le comparer à la même personne du passé et nous
remarquerons inévitablement les changements sur lesquels le temps a laissé son empreinte. Nous
défions ainsi les lois du temps, mettant le passé et le présent face à face, fr appant ainsi le portail
et nous créerons sans aucun doute une troisième dimension, dans laquelle le passé et le présent
forment un tout dans notre mémoire. Les souvenirs restent en sécurité, le présent n'influence plus
le passé, mais le complète.
Le person nage narrateur maintient ainsi le monde intérieur, de la mémoire, en cercle, loin
du monde extérieur. Le temps devient une illusion et la vie devient cyclique, é ternelle, face à
l'axe du temps.
Nous ne pourrions pas raconter nos rapports avec un être, que nous avons même peu
connu, sans faire se succéder les sites les plus différents de notre vie. Ainsi chaque
individu – et j’étais moi -même un de ces individus – mesurait pour moi la durée par la
révolution qu’il avait accomplie non seulement autou r de soi -même, mais autour des
autres, et notamment par les positions qu’il avait occupées successivement par rapport à
moi. Et sans doute tous ces plans différents, suivant lesquels le Temps, depuis que je
venais de le ressaisir, dans cette fête, disposai t ma vie, en me faisant songer que, dans un
livre qui voudrait en raconter une, il faudrait user, par opposition à la psychologie plane
dont on use d’ordinaire, d’une sorte de psychologie dans l’espace, ajoutaient une beauté
nouvelle à ces résurrections qu e ma mémoire opérait tant que je songeais seul dans la
bibliothèque, puisque la mémoire, en introduisant le passé dans le présent sans le
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modifier, tel qu’il était au moment où il était le présent, supprime précisément cette
grande dimension du Temps suiva nt laquelle la vie se réalise.118
Pour conclure, le monde intérieur, le cercle est celui qui gardera à jamais les personnages,
les lieux, les choses inchangées, c'est celui qui défie son temps et ses lois. Ainsi, les êtres chers
vivent à jamais dans notre mémoire, et nous nous réjouissons à tort de leur présence à chaque
pas, des personnes que nous emporterons avec nous tout au long de la vie, éternellement dans
notre mémoire.
118 Ibidem , p. 336.
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Conclusions
Le thème principal est le temps perdu et retrouvé, autour de lui, centrifuge, s'inscrit en orbite
autour des grands thè mes.
Une fo is de plus, le premier chapitre « Le motif du sommeil et le cercle », englobe le motif
du cercle dans des concepts tels que le motif du sommeil « le sommeil où étaient plongés les
meubles, la chambre, le tout dont je n’étais qu’une petite partie et à l’insensibilité duquel je
retournais vite m’unir »119, et du rêve. Comment l'homme endormi tient en cercle autour de lui
au fil des années, du temps, et on voit en lisant le premier volume de Proust comment le temps se
mélange, le passé et le présent se combinent, comment le personnage de Marcel dort et se
réveille, un instant figé et essayant de reconstituer la réalité, comme des pièces de puzzle, comme
chaque pièce de puzzle en fait représente des fragments de temps, le passé, qu'il tente de
récupérer. On voit l'étymologie du mot « rêve » qui, selon Pierre Guiraud, peut aussi signifier
une évasion. Le mot « réveil » a également une importance. Pourquoi ? Parce que les deux mots
sont étroi tement liés et forment un tout.
De plus, on voit dans le livre Proust, Freud et L'A utre de Jean Louis Baudry la référence à
la loi « d’association libre », idée que j'ai trouvée intéressante à ajouter et à mentionner dans mon
mémoire de licence, car elle capte les chos es qui se passent dans notre inconscient, des choses
mal comprises et difficiles à exp liquer, aidant ainsi à l'interprétation des rêves et à leur
compréhension, et à la possibilité de comprendre notre inconscient.
Puis j’ai défini la mémoire, ainsi que la mémoire involontaire, qui l'emporte et qui est le plus
préférable, car c'est celle qui nous emmène inconsciemment dans le passé, à travers les
sensations, et la célèbre s cène ici est celle de Madeleine et comment son goût ravive le moment
du passé .
L'image de la M adeleine a la révélation de répéter l'instant de l'enfance, un rituel oublié
quand il est allé chez sa tante immobilisée dans son lit et qu'elle lui a donné une madeleine
trempée dans du thé, comme un rituel religieux pour déguster du vin et du pain saint. Il est
119 Marcel Proust, Du côté de chez Swann , op. cit ., p. 98.
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intéressant de noter que ce n'est pas la vue de la présente Madeleine qui est l'élément déclencheur
qui apporte l'image et la mémoire du passé, mais le goût, actualisant ses pensées à partir de là,
grâce à la mémoire involontaire et s ensorielle.
Dans le deuxième chapitre je me propose d'analyser le cercle à travers l'histoire d'amour
entre Swann et Odette. Comment la jalousie fait pass er Swann dans les cercles de l'E nfer à cause
de l'amour qu'il avait pour Odette. On voit comment la j alousie est ce qui maintient une histoire
d'amour à flot, mais c'est aussi ce qui peut la détruire, et comment l'obsession de la jalousie
provoque Swann des états d'incertitude et de souffrance, Odette devenant un être qu'il aime, mais
il la déteste, parce que nous ne pouvons pas détester quelqu'un si nous ne l'avons pas assez aimé.
Tout comme en Enfer, plus ça empire, plus l'amour de Swann pour Odette devient plus fort,
plus Swann souffrira et sera soumis à des sentiments de déception, qu'il ressentira
inévitablement.
De plus, le personnage de Marcel, on voit qu'il aura les mêmes sentiments d'amour pour la
fille de Swann, Gilberte, qu'il souffrira et sera égalemen t testé pour souffrir en amour, donc, l es
deux histoires d'amour apparaissent comme dans un m iroir, les personnages, bien que d'âges
différents, se comportent presque de la même manière, ont des troubles identiques et peu sûrs, de
sorte que les deux passions apparaissent cycliquement, presque symétriquement.
Dans le troisième chapitre, j’ai choisi un titre qui correspond, parce que Combray représente
la ville natal du personnage narrateur « Combray ou le cercle parfait », comment l’appelle Robert
Vigneron .
Je me proposais d'analyser comment Combray, la ville natale du narrateur peut être un
cercle, une métaphore visuelle, dans laquelle il revient, avec tendresse à travers les souvenirs
qu'il garde dans sa mémoire, qui restent intacts et inchangés par le temps, comment le lieu reste
intact et les gens ne sont pas éphémères ici, ils sont toujou rs vivants dans sa mémoire, Combray
est la ville où le monde vit une vie normale, ils ont des coutumes et des traditions inchangées, les
gens vivent leur vie dans une routine continue. Comment tout le monde se connaît, comment
s'endormir et se réveiller fo nt partie des petites joies de la vie, quand les êtres chers sont
ensemble.
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De pl us, j'ai analysé et caractérisé quelques personnages qui font partie de la vie du
personnage, autour de laquelle chaque personne tourne, alors qu'il est assis au milieu et l es
regarde, les regardant comme un démiurge.
Dans le dernier chapitre, intitulé « Le motif du cercle dans Le Temps retrouvé », non
seulement des gens du passé adhèrent au personnage présent, apparaissant cycliquement de sa
conscience, se manifestant sous forme de mémoire, mais aussi les lieux, les livres lus, les
informations culturelles, le tout acquérant un contour naturel, extrêmement clair, dessinant la
mémoire de Marcel, générateur d'histoires, tous restent vivants et font sens dans sa mémoire.
Les lieux et les personnages apparaissent dans Le Temps retrouv é, plus ou moins changés, le
narrateur Marcel étant le seul invariable, apparemment cependant, car il évolue tout au long du
roman À la recherche du temps perdu , il n'y a que le personnage Marcel e t son monologue à
travers qu'il fait revivre un monde, un monde intérieur, comme un cercle, tout tourne autour de
lui, c'est comme Dieu, au milieu de ce cercle, et il est à égale distance des choses qui l'entourent,
des personnes et des événements, tout es t filtré à travers sa conscience, indubitable.
La revue du passé, Marcel à réfléchir, philosophiquement, profondément, sur la vie, la mort,
sur la vieillesse, sur la fuite du monde extérieur, qui semble désormais fanée et changée.
J'ai aussi mentionné l es trois sensations qu'il ressent, et le ramène dans le passé, par
mémoire involontaire, les trois sensations qui le déséquilibrent, le placent sur deux dalles
inégales, à la frontière entre passé et présent, où il se sent revivre le passé, le revit à trav ers ces
sensations nouvelles, et semble avoir trouvé le temps perdu, mis en cercle, dans un monde
intérieur de sa mémoire. La première sensation qui lui rappelle le passé, c'est quand il marche sur
les pavés inégaux de la cour de l'hôtel de Guermantes, après, la deuxième sensation lui rappelle
le passé aussi quand il entend un domestique qui accidentellement fait résonner le cristal d'un
verre. Le bruit lui rappelle comme faisaient autrefois les cheminots lorsque les trains étaient en
gare et il battait les roues métalliques des wagons avec une barre de métal et donc, la troisième
sensation qui anime le passé est une serviette qu’il porte à ses lèvres.
Tous les problèmes existentiels sont abordés dans l'œuvre, ainsi que les problèmes
esthétiques primordiaux pour la compréhension de la philosophie et de l'art de son temps et dans
cet aspect Proust ajustent la littérature au niveau d'évolution de la science et de l'art de l'époque.
Le dernier mot, qui n'a pas à apparaît re dans un roman, apparaît également « FIN » : « C’est un
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acte qui nous dit que quelque chose a eu lieu et qu’un mot en inscrit l’irrévocabilité ; qu’il y a en
conséquence, à partir de ce moment, un avant et un après »120. La lutte avec le temps est
percept ible jusqu'à la fin, où le temps se précipitait, il n'avait plus de patience « en effet,
l’inscription du mot a rendu visible la fonction de la hâte dans la lutte contre le temps »121.
Pour conclure, mon mémoire de licence englobe le motif du cercle dans d es concepts tels
que le sommeil et le rêve, qui gardent intacts les souvenirs du narrateur. Puis la jalousie, qui fait
partie du thème de l'amour, alors que Swann traverse, métaphoriquement parlant, tous les cercles
de l'E nfer à cause des sentiments forts qu'il a pour Odette. Puis, Combray, la ville natale du
personnage Marcel, qui garde les souvenirs de son enfance, étant le lieu où le temps se retrouve
dans ce monde intérieur de la mémoire. Et dans le dernier chapitre, le monde intérieur, le temps
retrouvé qui est ravivé par trois sensations qu'il ressent.
120 Consulte en ligne sur le site : http://expositions.bnf.fr/brouillons/expo/3/fini.htm .
121 Ibidem
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