La Profession de Foi Une Manifestation Specifique Du Discours Politique Francaisdoc

=== La profession de foi – une manifestation specifique du discours politique francais ===

UNIVERSITATEA “OVIDIUS” DIN CONSTANȚA

FACULTATEA DE LITERE ȘI TEOLOGIE

CATEDRA DE LIMBI ROMANICE

SPECIALIZAREA FRANCEZĂ – PORTUGHEZĂ

LUCRARE DE DIPLOMĂ

LA PROFESSION DE FOI – UNE MANIFESTATION SPÉCIFIQUE DU DISCOURS POLITIQUE FRANÇAIS

COORDONATOR ȘTIINȚIFIC

LECT. UNIV. DR.

CRISTIANA-NICOLA TEODORESCU

ABSOLVENT

ANA MIHAELA RADU

CONSTANȚA

1998

SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

CHAPITRE I: LA VIE DES PARTIS POLITIQUES EN FRANCE 10

1. Les partis politiques. Notions générales 11

1.1. Définition du parti politique 11

1.2. Le rôle des partis politiques 13

1.3. L’organisation des partis politiques 14

1.4. Courte conclusion sur les partis politiques 16

2. Le pluralisme politique français 16

2.1. Les partis politiques de Gauche 18

2.1.1. Le Parti Communiste 18

2.1.2. Le Parti Socialiste 20

2.1.3. Le Parti Écologiste (Les Verts) 21

2.2. Les partis politiques de Droite 21

2.2.1. L’Union des partis de Droite : RPR – UDF 22

2.3. Les extrèmes politiques en France 24

2.3.1. L’extrème gauche 24

2.3.2. L’extrème droite 25

2.4. En guise de conclusion 26

CHAPITRE II : L’ANALYSE DU DISCOURS POLITIQUE FRANÇAIS 30

1. L’analyse du discours 31

2. La dichotomie discours fictionnel/discours non-fictionnel 37

2.1. Lanalyse du discours politique comme sous-type de discours non-fictionnel 39

2.1.1. Essai de définition du discours politique 40

2.2. En guise de conclusion sur le discours politique 44

CHAPITRE III : L’ANALYSE PRAGMATIQUE DE LA PROFESSION DE FOI 50

1. Distance et tension dans la profession de foi 51

1.1. La catégorie de la personne 54

1.1.1. Analyse quantitative des pronoms personnels dans le corpus 55

1.1.2. L’interprétation des données 57

1.2. Les adjectifs possesifs 59

1.3. La présence des adjectifs dans le corpus 61

1.4. L’expression de l’autorité 64

1.4.1. L’impératif caché 65

1.4.2. Les injoctifs du type IN-discours 67

1.5. Les figures de style dans la profession de foi 69

2. La nominalisation – modalité opacifiante de la profession de foi 72

3. En guise de conclusion 77

CONCLUSIONS 81

ANNEXE 84

BIBLIOGRAPHIE 111

INTRODUCTION

Notre vie quotidienne est dominée de plus en plus, et malgré notre volonté, par la politique, par des « guerres » verbales qui s’engagent entre la droite et la gauche de n’importe quel pays. Le champ de manifestation le plus éloquent de cette « guerre » est représenté par la campagne électorale.

Tout au long d’une campagne électorale, les partis politiques cherchent, par tous les moyens possibles, de convaincre la masse des électeurs que leur idéologie et leurs hommes politiques sont les meilleurs.

Pour être plus proches de leurs électeurs, les partis politiques français ont développé des stratégies de communication politiques variées et efficaces, dont les professions de foi représentent un moyen intéressant de présenter leur idéologie sans que les gens soient obligés de les écouter parler.

La profession de foi représente une obligation légale à laquelle doivent se soumettre tous les partis participant à une campagne électorale. Elle consiste dans une synthèse des idées lancées pendant la campagne et envoyée par courrier à chaque électeur. Par l’intermédiaire de ce document que les partis envoient à leurs électeurs, les organs législatifs peuvent vérifier si les lois de la campagne électorale ont été respectées par les partis qui y participent.

Notre ouvrage se propose, par des moyens linguistiques, de démontrer si cette profession de foi représente ou non une manifestation spécifique du discours politique français.

En partant de l’idée que la profession de foi représente une autre manière d’agir sur les électeurs afin de les convaincre de l’importance d’un certain parti, nous allons voir si elle répond à une analyse linguistique spécifique à tout discours politique.

L’organisation interne de notre ouvrage comprend trois chapitres et une conclusion.

Le premier chapitre va être réservé à la présentation du système politique français, à la typologie des partis et aussi à la présentation historique et idéologique des plus importants partis politiques français dont les professions de foi appartiennent à notre corpus de textes (voir l’annexe).

Dans ce chapitre, nous allons retrouver quelques tentatives de définition du parti politique, nous allons voir aussi quel est le rôle des partis politiques, quelle en est leur organisation (en France qu’ailleurs). La deuxième partie de ce chapitre sera réservée au pluralisme politique français et plus précisément aux partis politiques présents aux élections présidentielles du 23 Avril 1995.

Le deuxième chapitre va être réservée à la présentation théorique du discours politique. Nous allons commencer par la présentation du cadre général théorique et méthodologique de l’analyse du discours dans la perspective de l’École Française d’Analyse de Discours. Nous insistons aussi sur les linguistes qui se sont penchés sur l’analyse du discours, en général, et sur l’analyse du discours politique, en particulier.

Le deuxième chapitre contient aussi la présentation du discours politique comme sous-type du discours non-fictionnel. Toute cette présentation va nous conduire à déceler la nature pariculière du discours politique.

Le troisième chapitre sera réservé à l’analyse proprement-dite de la profession de foi, vue comme manifestation spécifique du discours politique français. Pour démontrer son appartenance à un type spécifique de discours, nous allons analyser les formes spécifiques d’énoncé utilisé par l’énonciateur pour parler de lui-même et du monde auquel il appartient. Pour voir comment il établit ces relations, nous allons analyser la distance qui s’instaure entre l’énonciateur et son discours, mais aussi la tension qui s’établit entre les participants à ce type de communication politique.

Nous allons analyser les professions de foi de notre corpus du point de vue de la distance et de la tension instaurées dans le discours par la présence des marques de personne, des adjectifs possesifs, des adjectifs (axiologiques) et des structures injonctives. Nous allons aussi analyser les métaphores qui apparaissent dans notre corpus comme figures de signification manifestant la fonction poétique du langage politique du même point de vue de la distance et de la tension dans ce type de texte.

La deuxième partie de ce chapitre sera destinée à l’analyse de notre corpus du point de vue de la présence des nominalisations vues comme manière d’opacifier le discours politique et, implicitement, de la profession de foi de nos candidats aux élections présidentielles de 1995.

Nous espérons que les analyses que nous allons aborder vont conduire à la conclusion que la profession de foi est une manifestation spécifique du discours politique français, ayant des caractéristiques particulières.

« J’ai connu des hommes de la politique. Et j’ai vu ce qu’ils entraînaient de conséquences : la guerre et l’erreur, l’illusion et le mensonge. Certains n’étaient pas des hommes mauvais. Ils voulaient se dévouer aux autres. Ils se sentaient responsables de la communauté à laquelle ils appartenaient mais ils étaient pris dans l’engrenage de la politique et celle-ci est trop souvent tromperie.

Il faudrait que la politique soit sagesse et vérité, morale et pureté. Quoi de plus noble et de plus important que la politique qui se donne pour but de guider le groupe des hommes vers une vie meilleure ? Quoi de plus grand que la charge de la politique et quoi de plus lourd à porter que le destin d’une collectivité ?

Mais il faudrait que les hommes qui sont chargés de la politique soient à la fois modestes et savants, il faudrait qu’ils se sentent chaque jour les égaux de ceux qu’ils gouvernent, qu’ils n’oublient jamais qu’ils sont au même rang que les plus humbles citoyens. Alors que le pouvoir que donne la politique aveugle et que l’homme politique s’imagine qu’il sait ce qui est bon pour tous les hommes.

Et que sait-il de plus, l’homme politique ? Il possède des dossiers, des chiffres, des experts l’assurent que l’avenir se dessinera ainsi. Et l’Histoire est pleine de surprises qui étonnent l’homme politique. Devant le mystère de l’évolution, l’homme politique est aussi désarmé que le citoyen.

Il faudrait que la politique se donne pour but d’améliorer chaque vie, chaque jour. Qu’elle renonce aux grands mots qui donnent des couleurs joyeuses à l’avenir pour les mots utiles, ceux qui changent la vie des plus humbles aujourd’hui. »

MARTIN GRAY, Le nouveau livre (Paris, Ed. Robert Laffont, 1980).

« La politique c’est l’art d’empêcher les gens de s’occuper de ce qui les regarde. »

PAUL VALERY, Tel quel (in ŒUVRES, Ed. La Pléiade, 1960, II, p. 615)

CHAPITRE I

LA VIE DES PARTIS POLITIQUES EN FRANCE

La profession de foi représente une manifestation spécifique du discours politique. Elle répond à l’obligation légale d’envoyer par courrier à chaque électeur un texte résumant les grands lignes du programme politique soutenu pendant la campagne électorale. Elle se présente ainsi comme une voie de communication entre le parti politique, participant aux élections, et la masse de ses électeurs.

Pour arriver à l’analyse de ces professions de foi, nous devons tout d’abord les intégrer, les associer à un certain parti politique qui a une idéologie propre, parce qu’un discours politique ne peut pas être envisagé en dehors du parti qui le lance (oralement ou par écrit).

Le corpus que nous allons analyser comprend les professions de foi appartenant à : Jacques Chirac, Édouard Balladur, J. M. Le Pen, Lionel Jospin, Robert Hue, Dominique Voynet, Arlette Laguiller.

Dès le début, on doit reconnaître que la politique a dominé la vie des gens depuis l’Antiquité. Beaucoup de philosophes, de politologues se sont occupés de définir les notions de politique, de parti politique et de préciser les conditions de fonctionnement de ces partis.

On a observé, tant de foi, que dans la plupart de ses aspects le jeu politique est semblable au jeu théâtral. « À l’avant-scène, là où se trouvent les professionnels du spectacle, apparaissent les partis politiques et les gouvernants. Dans les coulisses, nous rencontrons les groupes de pression et les technocrates au lieu des machinistes. La figuration, réservée aux amateurs est assurée par les citoyens. »1

1. Les partis politiques. Notions générales.

Apparus en Europe au XIXe siècle alors que les monarchies perdaient de leur absolutisme, les partis politiques se sont imposés avec le suffrage universel.

Présents dans tous les États, ils ont monopolisé le jeu politique. En France ils ont été tolérés longtemps avant d’être acceptés, fait qui sera constitutionnalisé à la naissance de la Ve République.

1.1. Définition du parti politique

De point de vue étymologique « le mot “parti” provient d’une acceptation révolue du verbe “partir” qui, en vieux français, signifiait “faire des parts, diviser”. “Parti” désignera tout d’abord un groupe armé (une troupe militaire d’irréguliers) ; une sorte de “corps franc” (ex. un parti de reîtres). Avec le temps, le mot en vient à désigner une faction armée organiquement constituée, pour devenir, par la suite, le synonyme de faction politique avant de revêtir son acception actuelle. »2

Ainsi, la définition donnée par le « Littré » nous dit qu’un parti politique représente « l’union de plusieurs personnes contre d’autres qui ont un intérêt, une opinion contraire. »3 Donc un parti politique représente un groupement d’hommes unis par les mêmes conceptions politiques, idéologiques, c’est la partie la plus active et la plus organisée d’une classe ou d’une couche sociale.

Conformément à l’affirmation de Jean Blondel4, à la base de tout parti on décèle la présence d’un conflit social profond. On peut donc dire que les partis politiques représentent des émanations des conflits sociaux, des produits de la société et du conflit.

Pour mieux voir ce que signifie un parti politique, nous allons donner quelques définitions du parti politique, définitions formulées par de grands philosophes, essayistes, politologues et sociologues préocupés par ce problème :

– pour Benjamin Constant, un parti politique représente « une réunion d’hommes qui professent la même doctrine politique. »5

– François Goguel considère qu’ « un parti politique c’est un groupement organisé pour participer à la vie politique en vue de conquérir partiellement ou totalement le pouvoir et d’y faire prévaloir les idées et les intérêts de ses membres. »6

– pour Joseph Lapalombara et Myron Weiner, un parti politique se caractérise par :

« 1. La continuité dans l’organisation, c’est-à-dire une organisation dont l’espérance de vie ne dépend pas de celle de ses dirigeants actuels ;

2. Une organisation visible et vraissemblablement permanente au niveau local dotée de communication régulières et d’autres modes relationnels entre les échelons locaux et nationaux ;

3. Une consciente volonté des dirigeants de conquérir et de conserver le pouvoir de décisions, seuls ou en coalition, tant au niveau local que national, au lieu d’influencer simplement l’exercice de pouvoir ;

4. Un souci de l’organisation de se gagner des partisans, lors des élections ou d’autres occasions de conquérir l’appui du peuple. »7

Le parti politique nous apparaît ainsi comme « une organisation visant à mobiliser des individus dans une action collective menée contre d’autres, pareillement mobilisés, afin d’accéder seuls ou en coalition, à l’exercice des fonctions de gouvernement. Cette action collective et cette prétention à conduire la marche des affaires publiques sont justifiées par une conception particulière de l’intérêt général. »8

1.2. Le rôle des partis politiques

Les fonctions des partis politiques appartiennent à un aspect précis du champ politique : la représentation.

Dans les régimes de pluripartisme qui admettent une lutte ouverte pour la conquête du pouvoir, les partis politiques exercent deux fonctions importantes : la relève et la légitimation.

La relève consiste à fournir des gouvernants de façon continue ; pour conquérir le pouvoir, les partis doivent préparer la relève politique par la sélection des candidats qui pourront revendiquer leurs patronages. C’est la conséquence du suffrage universel.

La légitimation rend le mode d’accès aux fonctions de gouvernement acceptable aux gouvernés. Les partis politiques assurent la représentation des citoyens tout en leur conférant la légitimation nécessaire à l’accomplissement de la fonction représentative.

Par le recours aux votes des électeurs, les partis apportent au régime l’onction du suffrage universel qui est à la base de toute légitimité.

Chaque parti recherche le monopole de la représentation légitime d’un secteur de la population et par cela ils exercent la fonction de médiation.

Représentant des intérêts des électeurs, les partis permettent de faire entendre les revendications des catégories sociales qui les soutiennent mais ils les canalisent, ils les interprètent, ils les traduisent dans le code politique.

1.3. L’organisation des partis politiques

L’organisation des partis politiques dans le cadre d’une société nous renvoit à plusieurs types de partis, séparés entre eux par la nature de leurs adhérents, de leurs adepts, par leurs convinctions et idées politiques. On reconnaît ainsi les partis de cadres, les partis de masses, les partis de rassemblement, les partis d’intégration sociale etc.

La première distinction entre partis de cadres et partis de masses a été faite par Maurice Duverger. Il définit les partis de cadres comme des « proto partis clientélaires » (un proto-parti étant, d’après Max Weber, un parti constitué avant l’instauration du suffrage universel), des « clubs politiques épisodiques » ou « des groupes parlementaires ». Par contre, les partis de masses « apparaissent avec l’institution des machines politiques encadrant les masses et animés par des professionnels au service des chefs charismatiques. »9

Si les partis de cadres sont nés au sein des oligarchies censitaires, les partis de masses sont les enfants du suffrage universel et de la démocratie. Même si les partis de cadres sont les plus vieux comme constitution, Duverger reconnaît, en concordance avec Max Weber, que l’avenir appartient aux partis de masses, mais les premiers existent toujours.

À partir de ces deux types de partis politiques, Jean Charlot10, dans le « Phénomène gauliste », fait la distinction entre les suivants types de partis politiques :

– les partis d’électeurs qui comprennent les notables, les membres et les militants, sont des partis tournés vers leur électorat.

– les partis de militants représentent une forme de partis de masse, qui sont orientés vers leurs militants.

– les partis de notables sont représentés par les partis de cadres, au sens stricte du terme et qui admettent la démocratie de masses, la solidarité de groupe, tout en récusant l’individualisme.

C’est toujours Jean Charlot qui a présenté un autre type de parti politique, le parti de rassemblement, type de parti « attrape tout », parti qui se trouve à la lisière des partis de cadres et des partis de masses, mais plus ouvert dans son recroutement et plus volontiers électoraliste.

Les partis d’intégration sociale représentent le type de parti politique qui s’est développé de vaste réseaux d’organisation parallèles spécialisés afin d’encadrer tous les citoyens, « du berceau jusqu’à la tombe » (comme l’ancien Parti Communiste Roumain).

1.4. Courte conclusion sur les partis politiques

Un parti politique est vu comme une association qui combine unité et diversité. « Si la diversité donne lieu à des confrontation trop vives, qui conduisent à des combats à l’intérieur de la même faction politique, le parti risque de perdre son sens de gravité et d’éclater en schismes durables. »11

Les partis politiques doivent assurer un équilibre qui apparaît assez fragile entre la liberté, source de diversité, et l’autorité, facteur d’unité et d’efficacité.

Aujourd’hui, les partis font de la conquête du pouvoir et de son exercice leur ambition principale, au détriment de leur cohérence idéologique.

2. Le pluralisme politique français

Toute démocratie véritable doit être fondée sur les principes du pluralisme politique, du pluripartisme, principe qui donne des chances égales à tous les participants à la conquête du pouvoir politique.

Les textes que nous allons analyser dans le troisième chapitre sont les discours politiques des leaders des plus importants partis politiques français prononcés lors des élections présidentielles organisées le 25 Avril 1995.

La notion de pluralisme représente ainsi la reconnaissance « de la pluralité des opinions et des tendances en matière de politique sociale, économique, syndicale. »12 Plus précisement, le pluralisme politique inclut la notion de pluripartisme, notion par laquelle on admet l’existence et l’activité de plusieurs partis politiques.

Le plus souvent, en France, le pluripartisme est rendu par l’opposition qui s’établit entre la Gauche et la Droite, opposition faite à partir de la distinction entre mouvement et ordre.

En ce qui concerne la doctrine, on peut dire que la Gauche est identifiée avec la conquête du socialisme et la Droite avec la défense du libéralisme.

Dans la vie politique française, la Gauche et la Droite représentent deux constantes. La distinction entre elles est née à l’Assemblée Nationale, le 11 Septembre 1789, lors d’un débat important sur la Constitution. Ceux qui ont défendu le pouvoir fort du roi, grâce à un véto absolu sur les lois se placèrent à droite par rapport au président de séance. Les partisans d’un exécutif amoindri du rôle déterminant du Parlement, émanation de la souvéraineté nationale, se situèrent à gauche.

La Gauche rassemble en principe les partis du mouvement, alors que la Droite ceux de l’ordre établi, même si parfois la Gauche se résigne à l’immobilisme et la Droite s’agite, réactionnaire et activiste. Même si la Gauche se réclame de la liberté, il y a aussi une Droite libérale et même si la Gauche invoque la nation, la Droite se dit volontiers nationaliste.

Mais aujourd’hui, ces termes contraires de gauche et de droite « n’ont plus de valeur. Ce fait est expliqué par le déclin des idéologies, la complexité des techniques, les mutations sociales de la civilisation industrielle.

Pourtant, le dualisme de la vie politique dure même si la Droite s’avoue moins aisément qu’autrefois et la Gauche recouvre beaucoup d’équivoque. »13

Ainsi les hommes passent, les régimes s’effondrent, les mots changent de sens. Mais ce clivage entre la Gauche et la Droite demeure la clé de la vie politique et ceux qui le nient, contre l’évidence, ne le font pas sans y trouver quelque intérêt.

2.1. Les partis politiques de Gauche

La Gauche représente l’ensemble des groupements et partis qui se caractérisent par des opinions radicales, progressistes dont le positionement dans l’Assemblé les situe à la gauche du Président. Un adepte de ce concept devient le partisan du mouvement des travailleurs, de la politique révolutionnaire.

2.1.1. Le Parti Communiste

L’un des participants à la campagne électorale de 25 Avril 1995, Robert Hue, appartient au Parti Communiste Français.

La date de naissance du PC est considérée celle de l’adhération de la majorité du Parti Socialiste SFIO à la IIIe Internationale, le Komintern, en décembre, 1920. Fondée par Jean Jaurès, « l’Humanité » demeure l’organ centrale de presse du parti.

Le PC peut se considérer l’héritier direct du socialisme d’avant-guerre et dispose d’une implantation et de moyens puissants.

Selon les status de Komintern, le prolétariat de tous les pays trouve pour la première fois en URSS une véritable partie, le PC épousant fidèlement au commencement les variations de la politique soviétique.

En 1941, le parti prend part à la Résistance avec d’autant plus d’efficacité que ses membres ont toujours pratiqué le désintéressement et l’esprit de sacrifice et que ses structures sont bien adaptées à la vie clandestine.

En mars 1967 se produit la remontée du PC, sa sortie progressive de l’isolement, l’évolution du parti lui-même, la transformation de l’image que se faisait de lui le corps électoral et le changement dans l’attitude à son égard des autres groupement de gauche.

L’ouverture, accompagnée d’un changement de style, s’est développées de façon continuelle sous la direction d’un nouveau leader. En février 1970, lors du XIXe congrès, Georges Marchais devient secrétaire général adjoint et supplé en fait Waldeck Rochet, malade, avant d’être nommé secrétaire général en titre au XXe congrès, en décembre 1972, son précedent recevant le titre de président d’honneur. Georges Marchais réussit très bien à faire évoluer l’image de son parti, en même temps que la sienne, et à faire sortir de façon durable le PCF de son isolement.

L’alliance avec le Parti Socialiste fut très avantageuse pour le PCF lors des élections municipales de 1977. Le dourcissement à l’égard des socialistes a finalement conduit le PC à arriver au pouvoir avec eux (puisque le PS obtenait en juin 1981 une majorité absolue des sièges).

Pourtant, « le PC n’a jamais cessé d’avoir une force, d’être une puissance qui ne se laisse pas mesurer simplement en termes de suffrage, de mandats, ni même de membres. Il continue à offrir à ses adhèrents quelque chose de plus qu’un champ d’action politique, à savoir une sorte de famille sociale, un groupe d’accueil donnant un sens à la vie quotidienne. »14

2.1.2. Le Parti Socialiste

Un autre discours politique inclus dans notre corpus appartient à Lionel Jospin, représentant du Parti Socialiste.

L’histoire de ce parti commence en 1905, quand naît un parti qui va prendre le nom de Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) et « adopte, conformément au voeu de l’Internationale, un programme strictement marxiste, ce qui ne l’empêche pas d’avoir le plus souvent le comportement “révisionniste” de Jaurès : dès sa naissance, le Parti gardera toujours la contradiction entre l’emploi d’une terminologie révolutionnaire et l’application d’un parlementarisme réformiste trop modéré. »15 Sous la direction de Léon Blum, le développement de la SFIO est rapide vers 1933, elle a renversé la position de 1921 entre le nombre de ses membres et ceux du PC.

Au début des années soixante, la SFIO, malgré un déclin électoral constant, semblait constituer un des élément les plus stables de la vie politique française. Sa clientèle, en partie ouvrière, était surtout composée d’employés et de fonctionnaires. Ses militant étaient assez agés. Son rayonnement intellectuel, son pouvoir d’attraction sur les jeunes étaient faibles.

Le 10 Septembre 1965, le lendemain de l’annonce par François Mitterrand de sa candidature aux élections présidentielles, une nouvelle fédération a été crée, c’est-à-dire, la Convention des institutions républicaines qui va se transformer dans le Parti Socialiste d’aujourd’hui.

Un changement important se produira dans le recrutement et dans le style du PS. Le rajeunissement des cadres et des militants était fort sensible, en même temps que le changement dans la structure professionnelle.

« Pour s’implanter durablement, il lui fallut trouver de nouveaux militants et promouvoir de nouveaux dirigeants dans les milieux en faveur desquels il voulait transformer l’ordre social et économique. »16

2.1.3. Le Parti Écologiste ( Les Verts)

La profession de foi de Dominique Voynet, représentant du parti Les Verts, d’orientation écologiste, fait aussi partie de notre corpus. Ce parti écologiste de gauche a été fondé en 1984.

Bien qu’il ait participé à la vie politique, aux élections locales ou présidentielles, le Parti Écologiste n’a jamais eu un grand succès.

Cet insuccès peut être dû aux incertitudes idéologiques du mouvement, situé fort à gauche, par le pacifisme traditionnel ou par la lutte antinucléaire, au centre, par la croissance douce, ou fort à droite par « l’arbre contre l’usine, la terre contre la technique. » En tout cas, l’écologisme n’est parvenu à s’implanter vraiment ni à gauche, ni au centre.

2.2. Les partis politiques de Droite

La notion de peuple de gauche est ainsi beaucoup plus mythique que celle de peuple de droite. Le second est en tout cas foncièrement plus homogène que le premier.

« Reste qu’unie dans ses soubassements, la droite demeure divisée au sommet aux élections cantonales, municipales et législatives, la logique majoritaire l’unifie. Aux élections régionales et européennes, la loi de la représentation proportionnelle l’expose aux divisions. Mais c’est surtout l’élection présidentielle – cette institution suprêmement gaullienne – qui tend irrésistiblement à atomiser la droite. »17

Chaque famille de la droite est donc prête à tous les sacrifices pour être représentée lors de l’élection reine.

2.1.1. L’union des partis de droite : RPR – UDF

Le parti de droite – le Rassemblement pour la République – a été représenté aux élections présidentielles de 1995 par deux personnalités de la vie politique française : Jacques Chirac (qui d’ailleurs est l’actuel président de la France, suite à ces élections) et Édouard Balladur. Chirac est le président fondateur du RPR. Balladur, tout en étant membre du RPR, se présente aux élections présidentielles comme en dehors de son parti.

L’homme politique Jacques Chirac a été le président du RPR depuis 1976, ensuite il a été le maire du Paris depuis 1977, Premier Ministre entre 1974 – 1976 et entre 1986 – 1988. Actuellement, il est le président de la République Française depuis 1995.

Édouard Balladur, homme politique, lui aussi membre du RPR, a été ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation entre 1986 – 1988, pour être nommé Premier Ministre en 1993.

En ce qui concerne les partis politiques de cette union de droite, nous pouvons dire qu’en 1978, le 1er février, l’Union pour la démocratie française (UDF) apparaissait sur l’échiquier politique français. L’UDF se donnant aussi un président, dans la personne de Jean Lacannet, des vice-présidents, un délégué général, Michel Pinton, mais il était normal que chaque formation qui avait participé à la naissance de l’UDF (c’est-à-dire le Parti républicain, le Centre des démocrats sociaux, le Parti radical, les clubs Perspectives et Réalités) gardât son autonomie et continuât à recrouter des gens.

L’histoire de ce parti politique de Chirac commence dans les années cinquante.

Au printemps 1947, Charles de Gaulle décidait de revenir à la vie politique et essayait de regrouper les hommes politiques autour de son Regroupement du peuple français (RPF) qui va obtenir un grand succès aux élections de 1951.

En novembre 1958, les gaullistes, regroupés autour et dans l’Union pour la nouvelle République (UNR) gagnent beacoup de terrain pendant les élections.

Mais aux élections de 1968, le triomphe électoral revient aux candidats gaullistes, réunis sur le label Union pour la défense de la République (UDR). Ce parti tente constamment d’apparaître comme une force autonome, capable d’initiative politique et idéologique.

Le 5 Décembre 1976, au cours d’une grande manifestation à Paris, l’UDR disparaissait pour céder la place aux Rassemblement pour la République (RPR), qui apparaissait comme le parti de Jacques Chirac, futur candidat à la présidence de la République.

« Les statuts étaient inspirés par ceux du RPF et par la constitution de 1958 : le président du RPR, élu par les assises nationales, “conduit le Rassemblement. Il préside les instaces nationales et assure l’execution de leurs décisions. Il représente le Rassemblement dans tous les actes de la vie politique. Il nomme le Secrétaire général et, sur proposition de celui-ci, les membres de la comission executive.” »18

Parti de la majorité et critique du Gouvernement dont il faisait partie, le RPR reprenait une tradition ancienne dont Valéry Giscard d’Estaing avait été la précedente incarnation.

2.3. Les extrêmes politiques en France

De notre corpus font aussi partie les professions de foi des extrêmes politiques, gauche et droite. Il s’agit d’Arlette Laguiller, candidate du parti Lutte Ouvrière, appartenant à l’extrême gauche (trotskies) et de Jean-Marie le Pen, candidat du Front National, le parti représentatif de l’extrême droite française, une extrême droite d’orientation fasciste.

2.3.1. L’extrême gauche française

« Très morcelée, formée de groupuscules de faible densité, l’extrême gauche française est dogmatique dans son langage, le dogme comportant l’idée de révolution, mais fort modérée dans son comportement. Quand Alain Krivine ou Arlette Laguiller s’adressent aux électeurs au cours d’une campagne présidentielle, ils n’appellent pas à l’émeute. »19

La tentation de la violence de l’ultra-gauche est restée faible en France et le terrorisme ne s’y est vraiment développé qu’à partir des revendication ethniques (basques, corses, arméniennes, bretonnes). Peut-être parce que le langage révolutionnaire est parlé par l’ensemble de la gauche et n’entraîne donc pas un phénomène de rejet, d’exclusion : la société politique française exclut peu, ce qui limite l’agressivité contre elle.

2.3.2. L’extrême droite française

La scène de l’extrême droite en France est dominée par la présence du Front National, parti politique créé en 1972 de tendance fasciste et dont le président est J.M. le Pen.

En gros, à l’intérieur de l’extrême droite française nous pouvons distinguer deux traits issus de la tradition : une droite contre-révolutionnaire et une droite populaire, plus tardive.

L’extrême droite des années trente va devenir une union assez complexe : contre-révolutionnaires de l’Action française, integristes catholiques, populistes, fascistes, obsédés par l’antisémitisme, champions de « la France aux Français », anti-communistes acharnés.

C’est, à peu près, la même conjoncture, lorsque au coeur des années quatre-vingts a surgi le Front National. Le Pen, bénéficiant d’une conjoncture de crise, a réussi ce que ses prédécesseurs avaient raté : il a su réunir à peu près toutes les composantes de l’extrême droite sous son magnétisme démagogique. On y retrouve les fonds historiques de l’extrême droite : sa maladive demande d’autorité ; le goût de l’ordre vient se confondre avec le désir d’homogénéité et le refus de l’altérité.

« L’antisémitisme qui se fait entendre dans la bouche de Le Pen nous rappelle sa fonction de ciment idéologique. Le Juif y est désigné comme l’Autre par excellence, l’étranger, le conquérant, le spoliateur, le capitaliste insatiable, le révolutionnaire au couteau entre les dents, le maître des médias, le manipulateur occulte de la classe politique, le nomade, l’aspirant au pouvoir mondial. »20

2.4. En guise de conclusion

La courte présentation des partis politiques français nous a permis de dessiner le paysage idéologique français de la période électorale de 1995. Les repères idéologiques présentés ne restent pas sans reflet au niveau de l’énonciation politique qui va être marquée par une appropriation particulière de la langue. C’est justement ce que nous allons voir dans le chapitre destiné à l’analyse des professions de foi qui constituent notre corpus.

NOTES

1. BAGUENARD, Jacques, 1978, L’Univers politique, Paris, Ed. PUF, p.11

2. SEILER, Daniel-Louis, 1993, Les partis politiques, Paris, Ed. Armand Colin, p.9

3. « Le parti politique », in Littré – le dictionnaire de la langue française, 1994, București, Ed. Prietenii Cărții

4. BLONDEL, Jean, apud. SEILER, D.L., 1993, op. cit., p.20

5. CONSTANT, Benjamin, apud. SEILER, D.L., 1993, op. cit., p.21

6. GOGUEL, François, apud. SEILER,D.L., 1993, op. cit., p.21

7. LAPAROMBARA, J., WEINER, M., apud. SEILER, D.L., 1993, op. cit., p.10

8.SEILER, D.L., 1993, op. cit., p.22

9. DUVERGER, M., apud. SEILER, D.L., 1993, op. cit., p.94

10. CHARLOT, J., qpud. SEILER, D.L., 1993, op.cit., pp.95-97

11. BAGUENARD, J., 1978, op. cit., p.16

12. Le pluralisme politique, in Le Petit Larousse en couleurs, 1994, Paris, Ed. Larousse

13. DESFRESNE, Jeqn, 1972, La gauche en France de 1789 à nos jours, Paris, Ed. PUF, pp.3-4

14. GOGUEL, Fr., GROSSER, Q., 1984, La politique en France, Paris, Ed. Armand Colin, p.99

15. Idem, p.101

16. Idem, p.105

17. DUHAMEL, Alain, 1989, Les habits neufs de la politique, Paris, Ed. Flammarion, p.95

18. GOGUEL, F., GROSSER, A., 1984, op. cit., p.116

19. Idem, p.108

20. WINOCK, Michel, 1993, Histoire de l’extrême droite en France, Paris, Ed. Du Seuil, p.13

« A l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre, il n’est plus. »

JEAN-JACQUES ROUSSEAU, Du contrat social ou principes du droit publique (in « Œuvres complètes », liv. III, chap. XV, Ed. La Pléiades, 1964, III, p.431)

CHAPITRE II

L’ANALYSE DU DISCOURS POLITIQUE FRANÇAIS

Après avoir vu la configuration du système politique français et la spécificité idéologique des participants à la campagne présidentielle de 1995, nous allons insister dans ce chapitre sur les aspects théoriques de l’analyse du discours politique.

Le pouvoir politique est d’abord le pouvoir des mots. Si le langage est constitué de mots qui renferment une signification conceptuelle, ceux-ci sont aussi chargés d’une puissance émotionnelle variable. Le langage politique use avec prédilection d’un vocabulaire qui a perdu son sens précis, mais qui s’est enrichi d’une puissante force d’évocation et d’expression. Ainsi, des mots assez fréquemment employés comme « démocratie », « socialisme », ou « liberté » n’ont plus une seule signification ; mais leurs possibilités de mobilisation restent intactes. Ces mots, à forte densité émotionnelle, ont la valeur magique des formules rituelles. Leur emploi détourne les hommes politiques de l’action ; ils s’affrontent pour obtenir l’adhésion des citoyens par le choix très attentif d’un vocabulaire suggestif.

« En politique, le langage n’est plus un moyen de communication : c’est un instrument d’occultation. Ils (les hommes politiques) font croire que les problèmes sont résolus, les difficultés aplanies et les maux exorcisés dès lors qu’ont été trouvés les mots clés qui permettent de les énoncer. »1

Pour susciter la confiance, l’homme politique sait user d’un langage qui stimule la foi, à défaut de provoquer la réflexion. L’univers politique est donc envisagé comme le monde du verbe.

Tout discours politique se veut le porteur d’une idéologie, les mots utilisés en constituant le révélateur. Par leur présence ou leur absence, les mots trahissent la personnalité de celui qui les emploie ou les oublie, mais aussi son idéologie.

1. L’analyse du discours

Nous avons choisi comme cadre théorique et méthodologique l’analyse du discours et plus précisément les positions des chercheurs regroupés aujourd’hui sous le nom de l’École Française d’Analyse de Discours. Nous considérons que cette discipline linguistique nous offre le cadre le plus adéquat pour pouvoir trouver les réponses aux questions de recherche que nous nous sommes posées, voir quelle est la spécificité discursive d’un type spécial de discours politique qui est la profession de foi.

C’est pour cela que la présentation de cette nouvelle discipline linguistique nous semble importante pour la présentation du territoire analytique dans lequel nous nous inscrivons.

Dominique Maingueneau2, le théoricien de ce courant d’analyse, souligne le fait que AD (voir l’École Française d’Analyse de Discours) représente une rencontre heureuse entre une certaine tradition épistémologique et une conjoncture intellectuelle précise. Maingueneau considère que les origines de la réflexion théorique moderne sur le discours monte jusque dans les années vingt, dans les travaux des formalistes russes.

Une autre source importante est représentée par les travaux de Charles Bally3 qui s’est orienté vers une linguistique de la parole qui met l’accent sur les phénomènes émotionnels, subjectif et individuels dépendant du contexte psycho-sociologique.

La glossématique de Hjelmslev et la technique traditionnelle de l’explication de texte purement philologique sont deux autres possibles sources de l’AD.

Deux autres origines de l’AD dont parle Maingueneau sont l’« althusserianisme »4 et la psychanalyse. On voit ainsi que cette nouvelle discipline a des racines puissantes dans la réflexion théorique du commencement du siècle mais elle a su diversifier d’une façon constante ses outils et adapter ses méthodologies aux derniers courants théoriques.

Le syntagme « analyse de discours » est aussi utilisé dans l’espace nord-américain dans une acception sociologique et psychologique désignant une discipline dominée par le courant interactioniste et ethno-méthodologique ayant comme objet d’étude la conversation courante. C’est toujours Maingueneau qui présente les différences entre l’École Française d’Analyse de Discours et les approches anglo-saxones.

La publication de l’ouvrage « L’archéologie du savoir » de Michel Foucault, en 1969, ouvre pour l’AD une voie nouvelle, différente de l’althusserianisme et facilitée par le développement des travaux sur l’énonciation et la pragmatique.

L’AD présente une évolution qui comprend deux étapes importantes de développement. La première, qui comprend le discours comme une expression textuelle écrite et/ou parlée des idéologies liées aux lieux sociaux des individus pensés comme acteurs conscients et volontaires, met en évidence les particularités des formations discoursives (discours communiste, socialiste, syndicale), considérées comme espaces autarchiques (fermés sur eux-mêmes) que nous pourrions connaître à partir de leur lexique. La deuxième apparaît après les années 70 et pratique une analyse plus nuancée avec une vision plus complexe dans laquelle le pouvoir devient plus manifeste.

Les analyses pratiquées par l’AD sont basées sur les théories énonciatives. De point de vue strictement linguistique, l’AD a évolué, au fil des années, et a diversifié ses méthodes et ses stratégies analytiques. Les analyses d’inspiration structurale, lexicométriques, lexicographiques, sémiotiques, actancielles et harissiennes appliquées sur des corpus vastes ont fait de AD une branche puissante de la recherche.

Aujourd’hui le discours constitue une dimension de l’activité sociale et son analyse même devient une composante essentielle des enjeux du pouvoir.

Parmi les linguistes qui sont intéressés par l’analyse du discours nous pouvons citer : Patrick Charaudeau5, J.B. Marcellesi6, J. M. Marandin7, C. Kerbrat-Orecchioni8 et beaucoup d’autres.

L’analyse du discours ne vise « ni l’organisation textuelle elle-même, ni la situation de communication, mais elle pense le dispositif d’énonciation qui lie une organisation textuelle et un lieu social déterminé. »9 Suite à cette manière d’envisager l’analyse du discours, celui-ci va être considéré comme une activité rapportée à un genre et à une institution discursive.

L’analyse du discours étudie les matériaux verbaux comme des structures langagières.

Elle se soumet à de multiples facteurs de diversification comme :

« a) La diversité des traditions scientifiques et intellectuelles.

b) Ces traditions sont inséparables des disciplines de référence.

c) La diversité des présupposés théoriques. Ces présupposés théoriques sont, à leur tour, inséparables du type de corpus visé par la recherche.

d) Toute analyse du discours suppose que l’on regroupe dans des corpus une dispersion d’énoncés autour d’invariants. Mais ces derniers peuvent être de types très différents. Il peut s’agir d’un genre de discours (un sermon, une demande de renseignement à un policier dans la rue, un manuel de chimie…), d’un lieu social (les activités discursives tenues dans un hôpital, par exemple) qui n’est toujours une institution matériellement circonscriptible ; ce peut être une fonction sociale qui intègre une grande variété d’institutions : ainsi le discours religieux, le discours administratif etc. Un autre invariant peut être un certain positionnement dans un champ : le discours libéral dans le champ politique de tel pays à telle époque, la grammaire générative dans le champ linguistique etc. L’invariant peut même être un énoncé unique : par exemple les transformations d’un énonce spécifique, par une série de “vulgarisations”, en un élément du savoir commun.

e) La visée, “appliquée” ou non, de l’analyse joue aussi un rôle important. »10

Comme le terme discours connaît une utilisation inflationiste, D. Maingueneau11 fait une classification des divers types de « discours » à partir des différent sens du mot. Ainsi, le chercheur fait la distinction entre :

« Discours 1 : équivalent de la "parole" de l’opposition saussurienne "langue"/"parole", c’est-à-dire toute occurance verbale.

Discours 2 : unité supérieure à la phrase, équivalent de texte.

Discours 3 : dans une perspective énonciative ou pragmatique l’emploi de “discours” plutôt que “d’énoncé” permet d’insister sur le caractère dynamique de l’énonciation, sur la relation qu’elle établit entre les partenaires de l’échange, sur son inscription dans un contexte.

Discours 4 : par une spécialisation de la valeur 3, “discours” désigne la conversation, l’intéraction orale, considérée comme le type essentiel d’énonciation.

Discours 5 : une opposition entre “langue” et discours permet de distinguer les valeurs qu’une unité linguistique possède virtuellement hors contexte, et celles qu’elle acquiert à travers son usage effectif. On dira par exemple que la néologie lexicale est un phénomène de “discours” qui peut se fixer dans la “langue”.

Discours 6 : on utilise parfois discours pour désigner le système sous-jacent à un ensemble d’énoncés tenus à partir d’une certaine position sociale ou idéologique. Ainsi parle-t-on de “discours féministe”, de “discours administratif”, de “discours de l’école” etc.

Discours 7 : en France, depuis les années 1960, on recourt parfois à une opposition entre énoncé et discours, ainsi formulée :

« L’énoncé, c’est la suite de phrases émises entre deux blancs sémantiques, deux arrêts de la communication ; le discours, c’est l’énoncé du point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne. Ainsi un regard jeté sur un texte du point de vue de sa structuration “en langue" en fait un énoncé ; une étude linguistique des conditions de production de ce texte en fera un "discours".1(1. L. Guespin, Problématique des travaux sur le discours politique, in LANGAGE, nr. 23, 1971, p.10). »

C’est la septième acception du terme discours qui intéresse notre analyse linguistique.

2. La dichotomie discours fictionnel/discours non-fictionnel

Pour introduire le discours politique dans un certain type de discours, plus général, on doit faire appel premièrement à cette dichotomie qui s’opère entre le discours fictionnel, d’une part, et le discours non-fictionnel, d’autre part.

Tout d’abord, nous allons nous occuper du discours fictionnel et, pour le distinguer très bien de l’autre type de discours, nous devons regrouper sous son nom tous les genres littéraires y compris le genre romanesque (ou narratif), le genre théâtral, le genre lyrique (voir la poésie) et même le genre cinématographique.

Dans ce que nous appellons genre littéraire, nous pouvons, en cittant Patrick Charaudeau, faire aussi une autre classification de ses composants.

« Le Réalisme qui se caractérise par une alternance ou une simultanéité des effets de fiction et du réel qui font s’interpénétrer les deux scènes au nom d’une plus grande vraissemblance.

Le Fantastique qui se caractérise également par une alternance et une simultanéité des effets de fiction et du réel, mais distingue et confond à la fois les deux scènes qui sont présentées avec une importance égale de sorte que le locuteur ne sache point comment il doit consommer l’histoire racontée.

L’Objectivisme qui tente d’abolir la scène de fiction. »12

Par contre, dans le cadre du discours non-fictionnel nous incluons des discours qui font partie de la situation de communication unique qui existe entre le locuteur et le récepteur et dont aucun élément ne se rapporte à une situation fictive.

En citant de nouveau P. Charaudeau, nous pouvons voir quels sont les genres discursifs (non-littéraires) auxquels peuvent appartenir les discours non-fictifs (non-fictionnels). Ces genres discursifs sont :

« Le Publicitaire, dont les effets de fiction créent une parole publicitaire qui occultent la scène du réel sur laquelle s’organise la publicité comme phénomène socio-économique.

Le Législatif qui se donne sur la scène d’un réel injonctif (le “dire de faire”).

Le Scientifique qui s’institue d’évidences sur la scène du réel, mais présente également des effets de fiction à de fins persuasives.

L’Information qui se diversifie en de nombreux sous-genres mais propose toujours un contrat d’autenticité sur la scène du réel. »13

Une fois cette dichotomie étant établie et les différences entre ces deux types de discours comprises nous allons passer à l’analyse du discours politique proprement dit.

2.1. L’analyse du discours politique comme sous-type de discours non-fictionnel

Quoiqu’on ait vu déjà les genres discursifs que P. Charaudeau attribue au discours non-fictionnel, nous ne pouvons pas incadrer le discours politique dans un certain type de ces genres. Nous devons considérer donc le discours politique comme un sous-type de discours non-fictionnel tout-à-fait distinct des autres.

En partant de la septième acception que D. Maingueneau attribue au mot « discours », nous pouvons cosidérer que le discours politique est employé pour nous aider à opérer l’opposition entre l’énoncé et le discours (voir note 1, appartenant à L. Guespin).

Si l’on affirme que le discours politique appartient au non-fictionnel, nous l’envisageons comme une situation communicationnelle unique qui s’établit entre un locuteur et un récepteur et dont aucun élément ne se rapporte à une situation fictive.

En ce qui concerne l’analyse du discours politique, elle présente pour les linguistes (comme L. Guespin, J. M. Adam, C. Kerbrat-Orecchioni, M. Collin-Platini, R. Ghiglione, A. Trognon etc.14) une spécificité propre et la première tâche du chercheur en analyse de discours politique (ADP) est de travailler sur des textes politiques définis comme politiques. Mais aussi nous devons prendre en compte le fait que le discours politique, tout en étant politique, il est avant tout un discours (au sens que donne D. Maingueneau).

« Quelle que soit la gravité des enjeux politiques des gens, le discours politique est un domaine où la parole est action », affirme L. Guespin dans « L’analyse du discours politique en France » (voir les notes de la fin du chapitre). Alors, le principe de la logique du discours politique s’intéresse au mode de transformation des mots en référants.

Étant un type de discours non-fictionnel, le discours politique regroupe dans sa signification quelques traits du discours « Législatif » (quand il est envisagé comme « dire de faire ») mais aussi des traits appartenant au discours « Information » (quand il s’agir d’un contrat d’authenticité sur la scène du réel) pour se transformer dans un discours qui cherche à entraîner l’adhésion de ceux auxquels il s’adresse. Pour qu’il puisse critiquer, dénoncer, rassurer, féliciter ou mobiliser, l’orateur (voir l’homme politique) dispose de trois moyens : expliquer, plaire et émouvoir. Par tout ces procédés, l’homme politique tend à modifier l’univers de croyance de celui auquel il s’adresse, de le faire voir les choses qui vont mal d’une perspective plus heureuse.

2.1.1. Essai de définition du discours politique

Une première définition du discours politique, ou pour mieux dire une tentative de définition, est donnée par R. Ghiglione15, en attribuant au discours politique les traits génériques de tout discours persuasif, parce qu’il considère que « le discours politique n’est qu’un discours d’influence parmi d’autres. Il obéit aux règles communes des discours d’influence produits dans un monde social où le but est d’agir sur l’autre pour le faire agir, le faire penser, le faire croire etc. »

J.M. Adam, dans son approche pragmatique et textuelle, envisage le discours politique « a) comme constitué de séquence textuelle de phrases productrices d’un certain nombre d’effets-séquences ; b) comme séquence cohérente d’actes de discours visant un effet perlocutionnaire à produire sur les destinataires. »16

Pour compléter ces deux tentatives de définir le discours politique, nous devons absolumment ajouter l’opinion de C. Kerbrat-Orecchioni. Elle considère le discours politique comme « un discours de parti, un discours apologétique et polémique, dont l’enjeu est de dévaloriser la position discursive de l’adversaire tout en valorisant la sienne propre, et qui pour parvenir à ses fins persuasives, il exploite un certain nombre de ruses, stratégies ou stratagèmes qui frisent la mauvaise foi, ou même en relèvent à l’évidence. »17

En combinant toutes ces définitions du discours politique, nous pouvon dire qu’il a pour fin de convaincre quelqu’un de le faire-faire, plus précisément dans notre cas (la profession de foi des candidats aux élections présidentielles), d’obtenir dans le cadre des élections, un vote conforme aux intérêts de la classe politique dirigeante.

En ce qui concerne la typologie des discours politiques, les analystes établissent les types suivants : discours didactique et discours polémique.

Pour définir le discours didactique, nous allons faire appel à ce que dit L. Guespin sur ce sujet, voir : « le discours didactique est aussi proche que possible de la description grammaticale de la compétence : en décrivant la langue, on décrit un type de discours dont le sujet énonciateur est absent. »18

Une autre acception du discours didactique est donnée par Courdesses qui l’analyse du point de vue de la nominalisation : « la nominalisation neutralise toute modalisation ou toute référence et accentue la distance que le jeu de l’énonciation prend avec son énoncé ; elle marque un discours de type didactique. »19 Dans cette perspective, la nominalisation est une marque du discours didactique, parce qu’elle représente une opération d’effacement des modalisations, des temps verbaux, du sujet, produisant ambiguïté et indétermination sémantique. Cette manière d’envisager le discours didactique est en concordance avec la manière dont l’envisageait Guespin, c’est-à-dire effacement total du sujet énonciateur.

Pour conclure sur le discours didactique, nous allons dire qu’il se caractérise par la présence massive du destinateur dans l’énoncé due à l’effacement relatif du sujet énonciateur qui se cache derrière un savoir anonyme, ou bien derrière une grande personalité en matière « d’autorité ».

Pour ce qui est du discours polémique, nous devons dire qu’il consiste en un échange d’avis opposés autour d’un sujet. Ces discours peuvent parfois se répondre, mais très souvent ils avancent sur des voies parallèles, sans jamais se rencontre ni faire avancer le débat.

Le discours polémique engage d’habitude trois actants abstraits : «  un locuteur polémiste (qui vise à discréditer), une cible aux yeux d’un destinataire, que le locuteur cherche à se constituer comme complice. »20 Mais, parfois, dans le discours polémique, la cible coïncide avec le destinataire.

Pour qu’un discours puisse être perçu comme polémique, la cible doit être nécessairement mentionnée dans l’énoncé ou, au moins, identifiable.

À la différence du discours didactique et du discours scientifique, le discours polémique est fortement marqué du point de vue énonciatif et pour cela l’énonciateur-émetteur (et parfois l’énonciateur-récepteur) doit être inscrit dans la surface textuelle.

Donc le langage nous aide à voir la société d’une manière structurelle, dans ses fonctions, parce qu’elle est souvent traversée de conflits et cet aspect est refleté par le discours polémique. Mais ainsi la société assure un enseignement et pour cela elle se sert du discours didactique.

Maintenant, après avoir vu que signifie discours didactique et discours polémique, nous pouvons dire que le discours politique est rendu par la somme de leurs traits caractéristiques, parce que souvent dans le discours politique le sujet énonciateur manque (comme dans le discours didactique) soit en se cachant derrière le groupe politique dont il fait partie, soit en s’incluant dans le groupe des destinataires de son message ; ou bien ce sujet énonciateur est fortement présent (comme dans le cas du discours polémique) et il essaie de convaincre le destinataire, de le transformer dans un complice de ses actions futures.

Ainsi envisagé, nous pouvons dire que le discours politique tourne autour de cinq points importants pour son contenu : un événement qui doit être présent dans ce discours et qui en constitue l’objet, tout le discours se construisant autour de cet événement-sujet. Ensuite, l’orateur est une présence aussi nécessaire parce que c’est lui qui va prononcer le discours ; cet orateur, pour marquer sa présence, peut dire je, nous, on, le gouvernement, le parti, pour donner plus de poids à son discours.

Les forces dont l’orateur sollicite le soutien constituent le troisième point important dans un discours politique (forces qui le plus souvent sont représentées par le peuple). Dans son discours politique, l’orateur fonde son autorité sur des valeurs politiques et morales, ce qui renvoit à référence légitime, c’est-à-dire, ce qui donne à l’orateur sa légitimité (la justification de son bon droit).

Enfin, mais non au dernier lieu, nous devons mentionner les opposants qui à leur tour représentent une force, mais non pas une force qui aide l’orateur, mais une qui s’oppose avec acharnement contre ce qu’il expose dans son discours et contre ce qu’il entreprend comme action politique ; ces forces sont représentées d’habitude par les partis en opposition avec ceux qui détiennent le pouvoir à un certain moment, et par leurs militants.

2.2. En guise de conclusion sur le discours politique

Jusqu’à présent, nous avons vu comment nous pourrions définir le discours politique ; maintenant, nous allons essayer de tirer une conclusion sur la nature de ce type de discours à travers les traits que A. Trognon considère comme caractérisants de ce discours. Cette conclusion va se constituer comme une liaison entre ce qui a été déjà dit sur le discours politique, et ce que nous allons dire dans le troisième chapitre.

Le premier trait caractérisant de la nature du discours politique est celui que : « le discours politique ne constitue pas un ornement de la conduite politique, mise en mots, expliquée ou commentée […]. Le discours est constitutif de la politique. Les représentations politiques par lesquelles les individus et les groupes se reconnaissent, se distinguent, orientent leurs stratégies et leurs conduites, résultent de l’entrecroissement des discours. »21

Cela veut dire que de nombreux actes politiques sont des actes de discours, des actes accomplis au moyen du discours et qui ne peuvent s’accomplir que de cette façon.

L’étude du discours politique peut être envisagée d’une perspective pragmatique. C’est-à-dire, quand il utilise un signe linguistique ou il émet une phrase dans une certaine situation, un communicateur (nous-mêmes ou un homme politique) dit quelque chose – sur le plan locutoire ; il fait quelque chose en disant ce qu’il dit – sur le plan illocutoire ; il induit en faisant ce qu’il fait une conduite chez son récepteur qui l’interprète ainsi – sur le plan perlocutoire.

« Par exemple », nous explique A. Trognon, « l’énonciateur politique dit un certain nombre de choses sensées et, ce faisant, il argumente pour contredire une opinion qui vient d’être émise en sa présence, et/ou pour convaincre ses militants dans un meeting, et/ou pour répondre à une question d’un journaliste, et/ou pour se disculper d’une accusation d’un adversaire, et/ou pour proposer une "paix des braves" à un destinataire absent, et/ou pour convaincre "l’opinion publique" et pour l’engager peut-être. C’est ce qu’il induit. »22

Dans une approche pragmatique du discours politique, nous devons aussi tenir compte de la situation politique qui peut être différente d’un cas à l’autre d’un discours politique et peut opposer le meeting au débat politique télévisé à l’interview politique ou au courrier adressé à un journal politique.

Le fait que le discours politique est toujours un inter-discours constitue un deuxième trait spécifique du discours politique. Aujourd’hui, nous voyons se produire la démultiplication massive du discours politique, parce que de nos jours il faut atteindre et convaincre l’opinion publique, de façon qu’il s’est transformé dans une énonciation polyphonique.

Un troisième trait caractéristique est constitué par l’incontournable mise en scène du discours politique qui dans sa structuration même vise à influencer, émouvoir, persuader et se théâtralise.

L’analyse que nous allons entreprendre dans le troisième chapitre va nous démontrer que la profession de foi représente une manifestation spécifique du discours politique partant justement de cette perspective pragmatique d’envisager le discours.

NOTES

1. BAGUENARD, J., 1978, op. cit., p.193

2. MAINGUENEAU, D., 1987, Nouvelles tendences dans l’analyse du discours, Paris, Hachette, p.5

3. BALLY, Ch., La vie et le langage, apud G. PROVOST-CHAUVEAU, 1971, Problèmes théoriques et méthodologiques en analyse du discours, in Langue Française N°9, février, p.7

4. Le terme est utilisé par D. Maingueneau, 1991, en L’analyse du discours. Introduction aux lectures de l’archive, Paris, Hachette, p.11, pour montrer le fait que non pas la philosophie d’Althusser, mais une sorte de vulgarisation a exercé une influence décisive sur le développement de l’analyse du discours français.

5. CHARADEAU, P., 1983, Langage et discours – éléments de sémiolinguistique, Paris, Hachette

6. MARCELLESI, J.B., L’analyse du discours à l’entrée lexicale (ADEL), in KERBRAT-ORECCHIONI, C., MOUILLAUD, M, 1984, Le discours politique, Ed. Presses Universitaires de Lyon

7. MARANDIN, J.M., Problèmes d’analyse du Discours, in Langages, 1979, N°55, Paris, Larousse

8. KERBRAT-ORECCHIONI, C., MOUILLAUD, M., 1984, op. cit.

9. MAINGUENEAU, D., 1991, op. cit., p.13

10. Idem, p.16

11. Idem, p.10

12. CHARAUDEAU, P., 1993, op. cit., pp.99-100

13. Idem, p.100

14. GUESPIN, L., L’analyse du discours politique en France, pp.131-160, ADAM, L., Pour une pragmatique textuelle, pp.187-211, KERBRAT-ORECCHIONI, C., Discours politique et manipulation, pp.213-225, in KERBRAT-ORECCHIONI, C., MOUILLAUD, M., 1984, op. cit.

COLLIN-PLATINI, M., Une analyse d’un discours politique, in La linguistique, N°14, 1978, pp.29-54

GHIGLIONE, R., 1989, Je vous ai compris, Paris, Ed. Armand Colin

TROGNON, A., LARRUE, J., 1994, Pragmatique du discours politique, Paris, Ed. Armand Colin

15. GHIGLIONE, R., 1989, op. cit., p.9

16. ADAM, J.M., op. cit., p.187

17. KERBRAT-ORECCHIONI, C., 1984, op. cit.

18.GUESPIN, L.,apud. Langages, N°55, 1979, p.27

19.COURDESSES, 1971, Blum et Thorez en Mai 1936 : analyse des énoncé, in Langue Française, N°9, p.27

20.KERBRAT-ORECCHIONI, C., 1980, op. cit., p.158

21. TROGNON, A., 1994, op. cit., pp.10-16

22. Idem, p.11

« La bataille idéologique-politique, qui ne se réduit, bien sûr, à une bataille des mots, est aussi une bataille qui se porte par l’intermédiaire des mots. »

EDGAR MORIN

CHAPITRE III

L’ANALYSE PRAGMATIQUE DE LA PROFESSION DE FOI

Dans les deux chapitres précédents, nous avons vu ce que signifie un parti politique, quels sont les principaux partis politiques français qui ont eu des représentants aux élections présidentielles de 1995 et aussi quel est le moyen d’expression de l’idéologie politique des partis en question, voir le discours politique.

Le chapitre que nous allons commencer va s’occuper d’une manifestation spécifique du discours politique : la profession de foi. Plus précisément, durant ce chapitre, nous allons essayer de faire une courte analyse pragmatique des textes de notre corpus.

Comme nous l’avons déjà annoncé dans l’introduction, les profession de foi de notre corpus représentent des documents conclusifs de tout le programme du parti qui participe aux élections. Chaque parti qui cherche à obtenir le pouvoir, est obligé par la loi d’envoyer ses textes par courrier à chaque électeur pour que celui-ci puisse être informé de l’idéologie de tout parti et pour qu’il puisse ainsi faire le meilleur choix électoral.

En général, ces professions de foi sont construites de la même manière, elles ont une certaine longueur (qui ne peut pas dépasser trois pages pour ne pas ennuyer l’électeur) et quelques traits caractéristiques communs. Avant tout, une profession de foi contient sur la première page (à côté de la photo du candidat) le slogan spécifique du parti émitent, slogan qui est repris une ou plusieurs fois à l’intérieur du texte et qui concentre la ligne idéologique du parti.

Un autre élément commun de ce type particulier de discours politique est représenté par les formules de début de chaque texte, formules qui sont aussi spécifiques pour chaque parti présent aux élections. À l’intérieur ou en marge du texte, nous pouvons aussi rencontrer des phrases écrites à caractères gras pour mettre en évidence une idée qui apparaît dans le texte ou une idée qui va être dévelopée par une phrase qui va suivre.

Les professions de foi de notre corpus se donnent à une analyse pragmatique des marques énonciatives. Cette analyse, que nous allons faire, va nous renseigner sur les mots, les expressions et les procédés d’écriture que chaque candidat aplique dans son discours pour essayer de convaincre le lecteur-électeur que son programme politique est le meilleur.

1. Distance et tension dans la profession de foi

Les deux concepts de distance et de tension dans un discours ont été introduits par le linguiste français Jean Dubois1 et représentent deux types de relations qui s’instaurent entre le locuteur et son texte, d’une part, et entre le locuteur et son interlocuteur, d’autre part.

Pour J. Dubois, qui suivit dans cette perspective R. Jakobson, R. Bartes et Irigaray, le concept de distance renvoit à la distance que le locuteur « met entre lui-même et son énoncé ».2

Quand cette distance tend vers zéro, cela signifie que « le sujet parlant assume totalement son énoncé, qu’il y a donc une relative identification entre le "je" sujet de l’énoncé et le "je" sujet de l’énonciation. Mais le fait de construire un énoncé avec "je" ne signifie nullement que la distance tend vers zéro. »3 

Si cette distance tend vers le degré maximum, le sujet parlant considère son énoncé comme « faisant partie d’un monde distinct de lui-même ». Dans le cas d’une distance maximale, le « je » sujet de l’énonciation « s’identifie à d’autres "je" dans le temps et dans l’espace et cette identification peut être partielle ou totale. »4

La distance relative que le sujet met entre lui et son énoncé peut varier linéairement, mais non pas entre le sujet et l’énoncé qu’il émet, mais entre lui-même et le monde par l’intermédiaire de son énoncé qui représente lui aussi une distance traduite par ses règles et par la distribution de ses éléments constitutifs.

Les repères qui nous aident à observer la distance mise entre les deux instances (le « je » sujet de l’énoncé et le « je » sujet de l’énonciation) sont représentés par : les déictiques, les formes des pronoms personnels, l’aspect des verbes, le jeu des adverbes etc. Mais notre analyse ne va pas atteindre tous ces repères, elle va s’arrêter seulement sur une partie d’entre eux, voir sur les formes des pronoms personnels, les adjectifs possessifs, les adjectifs axiologiques et les verbes à l’impératif plus évidents dans notre corpus de texte.

Toujours dans ce premier sous-chapitre nous allons aussi inclure l’analyse des professions de foi du point de vue de la présence des métaphores comme figures de signification marquant une certaine distance (ou tension) à l’intérieur de ce type de discours politique.

Le deuxième concept important introduit par J. Dubois et nécessaire pour notre analyse est celui de tension. Ce concept interprète l’énonciation comme « un rapport entre le sujet parlant et son interlocuteur ; la communication est d’abord désir de communication ; et cette volonté est traduite par l’image du désir (L. Irigaray) et de la tension (G. Guillaume). Le texte est le médiateur de ce désir ».5

Par une telle interprétation, nous arrivons à la conclusion que le discours peut être considéré comme un essai de « séquestration » de l’autre ou du monde. Cette essai est repérable par l’intermédiaire de l’analyse de quelques éléments comme les temps verbaux, les rapports entre les pronoms personnels etc.

La tension se manifeste avec prédilection dans l’opposition entre les formes ÊTRE et AVOIR d’une part et des auxiliaires du type VOULOIR, POUVOIR, DEVOIR, FAIRE. « Les premiers marquent un état, un accompli, une distance, une absence de tension, les autres, factitifs ou désidératifs, indiquent une prise en charge, une tension plus ou moins grande du sujet en face de l’interlocuteur. »6

Quelle est l’attitude du sujet parlant (auteur de profession de foi électorale) à l’égard de son énoncé, quelle est la distance qu’il met entre lui-même et son énoncé (et implicitement entre lui-même et le monde), quelle est la tension qui se crée entre le sujet et son destinataire et quel est le type de discours réalisé, la manifestation discursive de ces deux concepts, ce sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre dans ce chapitre.

1.1. La catégorie de la personne

La catégorie de la personne nous aide à pénétrer dans la zone vivante du langage, là où l’illusion de son identité avec l’existence est plus forte.7 La manifestation linguistique de la catégorie de la personne traduit la vocation de la relation interindividuelle qui définit le fonctionnement de la langue.

Les formes des pronoms personnels indiquent les rapports qui s’établissent entre le locuteur et le monde environnant et entre le locuteur et son interlocuteur par l’intermédiaire de l’énoncé.

Dire JE signifie se manifester comme énonciateur et par cela postuler l’existence/présence d’un destinataire TU/VOUS susceptible d’accepter/d’entrer dans la communication.

En ce qui concerne les pronoms pluriels, ils ont un statut assez particulier. Pour voir à qui renvoient ces pronoms, nous allons faire appel au schéma proposé par C. Kerbrat-Orecchioni.8

– JE + TU(singulier ou pluriel)

NOUS = JE + non-Je « NOUS INCLUSIF »

– JE + IL(S) : « NOUS EXCLUSIF »

– JE + TU + IL(S)

À partir de ce schéma, nous pouvons affirmer que le NOUS ne correspond jamais à un JE pluriel. Son contenu se définit de la manière suivante : dans le cas d’un « NOUS INCLUSIF », le sujet parlant s’inclut lui-même dans la masse de ses militants. Par contre, le « NOUS EXCLUSIF » n’inclut pas dans sa formule la masse de ses militants, mais regroupe dans son sens le locuteur et le parti auquel il appartient. Pour ce qui est de la formule NOUS + JE + TU et/ou IL, ce pronom de la troisième personne (IL) doit être accompagné d’un syntagme nominal fonctionnant comme antécédant pour ce IL.

Le pronom personnel de la cinquième personne, le VOUS, peut avoir les formules suivantes :

– TU (pluriel) : valeur déictique

VOUS = TU + non-Je

– TU + IL(S) : déictique + contextuel,

formules qui renvoient à la masse des militants auxquels les hommes politiques accordent parfois le pouvoir d’actionner.

Les formes des pronoms personnels disent des choses intéressantes sur la tension et la distance qui s’instaurent par l’intermédiaire du discours.

1.1.1. Analyse quantitative des pronoms personnels dans le corpus

Une courte analyse quantitative des pronoms personnels présents dans les professions de foi de notre corpus nous a donné le tableau suivant :

À partir de ces données, nous pouvons faire l’affirmation que les discours dans lesquels le pronom JE est prédominant, comme par exemple dans les discours de J. Chirac (10 occurences), de E. Balladur (13 occurences), mais spécialement dans le discours de L. Jospin où le JE a 32 occurences (marquant une puissante présence de l’énonciateur dans son message), l’homme politique manifest fortement sa présence et assume ainsi son énoncé.

La prise en considération du partenaire de l’acte de communication, c’est-à-dire du lecteur – électeur, est fortement marquée dans les discours de Le Pen (13 occurrences) et de R. Hue (12 occurences) où le VOUS dépasse en nombre la présence du JE. Ce pronom de la cinquième personne est présent aussi dans les discours de L. Jospin (12 occurences), de A. Laguiller (8 occurences), de E. Balladur (4 occurences), mais son nombre ne dépasse pas celui des autres pronoms présents dans le texte. Nous pouvons voir aussi que dans toutes les professions de foi de notre corpus la deuxième personne manque complètement.

En ce qui concerne l’utilisation du NOUS dans notre corpus de textes, il a une présence assez importante dans le discours de L. Jospin (19 occurences), une présence réduite dans les discours de E. Balladur et de A. Laguiller (seulement 6 occurences) et il manque complètement ou a une seule occurence (R.Hue) dans les autres discours.

Un autre pronom personnel qui apparaît dans nos discours est le pronom ON qui a une valeur généralisante qui renvoit à nous tous et aussi à l’idée de volonté commune. Ce pronom ON connaît les occurences les plus nombreuses dans le discours de A. Laguiller (11 occurences). Dans les autres discours politiques, il apparaît en nombre assez réduit (seulement 3 occurences pour les discours de J. Chirac, L. Jospin et R. Hue et une seule occurence chez D. Voynet) ou il manque complètement.

Pour ce qu’il y a de la référence au monde ou aux autres par l’utilisation des pronoms personnels de la troisième personne – singulier et pluriel, masculin et féminin – , leurs occurences sont assez réduites par rapport aux autres pronoms qui apparaissent dans le corpus (en total 17 occurences dans tous les textes), et ils renvoient généralement à la France, aux Français et plus rarement à d’autres hommes politiques (différents de celui qui écrit le discours).

Les formes de la non-personne (il(s), elle(s)) ont des sens connotés :

– positivement :

L. Jospin : ELLE (la France) : « elle déborde ses frontières hexagonales ».

IL (le pays) : « il sera à la pointe du combat ».

R. Hue : IL (le parti) : « il a changé et il change ».

– negativement :

Le Pen : ILS (les autres) : « ils baptisent xénophobie ou racisme ».

1.1.2. L’interprétation des données

Nous pouvons remarquer l’insistance par laquelle l’énonciateur politique se manifeste dans la plupart de nos professions de foi (spécialement dans le cas de L. Jospin). Nous sommes aussi frappés par l’insistance des énonciateurs de cacher derrière un NOUS collectif (toujours dans le cas de Jospin). Bien que la deuxième personne soit absente, la cinquième personne est très présente dans notre corpus et cela pour marquer le fait que le sujet parlant est conscient de la présence et de l’importance de son destinataire. Pour le convaincre, il essaie de l’inclure dans son programme et dans ses actions futures.

Par cette présence discursive massive des pronoms personnels, les sujets parlant réalisent, par le biais de leurs discours politiques, une distance minimale entre eux-mêmes et le monde environnant, d’une part, et une tension maximale entre eux-mêmes et leurs interlocuteurs, d’autre part. Même s’ils sont en nombre réduit dans le discours, les pronoms JE et VOUS sont toujours présents.

Le pronom NOUS a parfois un contenu ambigu, mais il a toujours une valeur globalisante, il veut regrouper tous autour des mêmes idées.

Notre corpus de textes présente aussi un discours où les pronoms personnels manquent complètement ; il s’agit de la profession de foi de D. Voynet qui par cette absence des pronoms de tout type instaure une distance maximale, entre l’énonciateur et le monde environnant, qui conduit à un manque de tension entre cet énonciateur et son destinataire.

1.2. Les adjectifs possessifs

Par leur présence, les adjectifs possessifs représentent un indice de la volonté de celui qui parle d’inclure toute une réalité dans un groupe bien défini, mais aussi un indice de la volonté de manifester, par l’intermédiaire de ces adjectifs, la force et l’unité du groupe politique qui est l’auteur d’une profession de foi.

P. Charaudeau considère ces adjectifs possessifs « des procédés de mise en dépendence plus ou moins hiérarchisée d’une entité par rapport à une personne. »9

Dans le tableau qui suit, nous pouvons observer les occurences que ces adjectifs possessifs ont dans les discours de notre corpus. Tous ces adjectifs apparaissent pour souligner la présence de celui qui s’adresse à ses militants, mais aussi pour tenir la place des pronoms qui manquent (comme dans le cas du discours de D. Voynet). En tout cas, leur nombre est assez réduit pour le total des textes du corpus.

Comme nous allons observer, dans ce tableau manquent les adjectifs possessifs correspondants à la deuxième personne. Ce fait s’explique par le manque absolu du pronom personnel TU de la totalité des discours de notre corpus.

Par la lecture de ce tableau, nous pouvons observer que le discours de L. Jospin possède le plus grand nombre d’adjectifs possessifs, adjectifs qui, dans ce cas, renvoient à la quatrième personne.

Pour ce qu’il y a des autres professions de foi le nombre des occurences des adjectifs possessifs est réduit et renvoie plutôt à la quatrième et la cinquième personne.

Le procès de mise en dépendance d’une entité par rapport à une personne, peut recouvrir toute sorte de substantif :

/+ concret ; – animé ; + dénombrable/ :

notre territoire (J. Chirac) ; nos villes, nos campagnes (L. Jospin) ; nos fleuves, nos forêts (D. Voynet).

/– concret ; – animé ; + dénombrable/ :

notre pays, ma démarche, ma volonté (J. Chirac) ; nos habitudes, notre patrie (E. Balladur) ; mon crime, votre choix, votre emploi (Le Pen) ; vos suffrages, mes projets, ma conception (L. Jospin) ; votre refus (R. Hue) ; votre vote (A. Laguiller).

/+ humain ; ± collectif/ :

nos aînés (J. Chirac) ; nos prédécesseurs (E. Balladur) ; vos enfants (Le Pen).

/– concret ; – animé ; – dénombrable/ :

notre protection sociale (J. Chirac) ; notre agriculture (E. Balladur) ; mon patriotisme (Le Pen) ; notre société, notre histoire (L. Jospin).

Même si les adjectifs possessifs NOS, NOTRE sont en présence assez grande (dans le discours de Jospin), ce fait ne veut pas marquer un manque de tension, mais au contraire, une tension assez forte entre le sujet et son destinataire, tension qui exclut ou réduit la distance mise entre ce sujet et le monde environnant.

1.3. La présence des adjectifs axiologiques dans le corpus

Un autre élément qui peut nous fournir des indices sur la distance et/ou la tension qui s’établit, par l’intermédiaire du discours, entre l’énonciateur/destinataire et le monde est représenté par les adjectifs subjectifs.

Et parce que « tout est relatif dans l’usage des adjectifs », Kerbrat-Orecchioni distingue plusieurs types d’adjectifs. Nous présentons maintenant le schéma proposé par Orecchioni10 :

Les adjectifs prédominants dans notre corpus font partie de la catégorie des adjectifs subjectifs évaluatifs axiologiques. Même si leur présence dans les professions de foi analysées est assez réduite, elles peuvent quand-même nous donner des renseignements sur les relations de distance et de tension que l’énonciateur politique établit en les utilisant dans son discours.

Ce type d’adjectifs évaluatifs axiologiques ont à la base, selon l’opinion de Kerbrat-Orecchioni, une double norme :

1. interne à la classe de l’objet – support de la qualité ;

2. spécifique du locuteur et relié à son système d’évaluation esthétique, éthique etc.

Par rapport aux adjectifs évaluatifs non-axiologiques, ceux derniers sont « deux fois subjectifs », parce qu’ils expriment un jugement de valeur, positif ou négatif, sur l’objet dénoté par le substantif qu’ils déterminent.

En analysant les adjectifs qui apparaissent dans notre corpus, nous observons qu’ils ont une présence assez réduite, mais qui s’adapte à la courte étendue des textes de notre corpus. Ainsi, nous y rencontrons des exemples du type :

« l’heure est venue de faire face aux défis d’une époque nouvelle » ; « j’ai en moi la force et la volonté de mettre en œuvre le vrai changement » ; « je m’engage donc à combattre le chômage avec des armes nouvelles » ; « je m’engage à libérer les forces vives de notre pays » (J. Chirac)

« le chemin […] me conduit à vous proposer de partager un projet ambitieux pour la France » ; « chacun a pu mesurer la déception brutale du réveil » ; « redresser notre pays, lui faire prendre un nouveau départ grâce à de profondes réformes, c’est tourner le dos au passé » (E. Balladur)

« vous avez un large choix » (Le Pen)

« Mais je sais que vous aspirez à une nouvelle politique et aussi à une nouvelle manière de faire de la politique » ; « le pays sera à la pointe du combat pour un nouveau développement » (Jospin)

« Comment faire pour que la vie, l’avenir soient davantage marqués par votre refus de l’injustice et votre exigence de choix nouveau ? » ; « le parti s’efforce d’être plus dynamique, plus ouvert, plus démocrat » (R. Hue)

« On peut en sortir rapidement, en développant les énergies nouvelles » (D. Voynet)

« les lois aveugles du marché doivent être réglementées en fonction de l’intérêt collectif » (A. Laguiller)

Comme nous pouvons observer, même si les adjectifs axiologiques apparaissent en nombre réduit, il y a un (au moins) qui se répète dans tous les discours présents dans notre corpus. Il s’agit de l’adjectif axiologique « nouveau, nouvelle ».

Les adjectifs évaluatifs axiologiques enregistrés dans les textes analysés expriment la position, favorable ou non, du locuteur face à l’objet dénoté.

De tous ces exemples, nous pouvons tirer la conclusion que dans le cas de nos professions de foi, la présence réduite de ce type d’adjectifs marque une distance réduite entre l’énonciateur et le monde et, par contre, une tension assez grande entre lui-même et son destinataire.

1.4. L’expression de l’autorité dans la profession de foi

L’emploi de l’impératif et de toutes les formes injonctives peut nous indiquer un autoritarisme qui se manifeste dans le discours politique. L’utilisation des formes injonctives exprime la tension qui s’établit entre l’énonciateur et son destinataire, car le premier veut provoquer, par son acte verbal, une certaine attitude de la part de deuxième.

L’injonctif appartient à la zone modale de la manipulation qui est définie comme « l’action de l’individu sur d’autres individus, visant à les faire exécuter un certain programme : il s’agit d’un FAIRE-FAIRE. »11 Greimas et Courtès montrent qu’ « il s’agit d’une communication destinée à FAIRE SAVOIR, dans laquelle le locuteur – manipulateur pousse le récepteur – manipulé vers une position de manque de liberté (ne pas pouvoir ne pas faire) jusqu’à ce que ce dernier soit obligé d’accepter le contrat proposé. »12

Dans cette perspective, l’apparition de l’impératif dans un discours politique (comme nos professions de foi) est très importante parce que l’énonciateur – homme politique doit éprouver tout au long de son énonciation qu’il représente l’autorité.

Un autre trait spécifique de l’impératif est le décalage entre la situation de son énonciation et le moment de sa validation. Ce moment de validation représente la réalisation de l’injonction.

Le discours politique, étant projeté dans l’avenir, veut convaincre et c’est pourquoi la modalité injonctive et prospective qui est l’impératif se présente comme une représentation de l’autorité.

Une analyse basée sur des critères énonciatifs – pragmatiques va permettre la précision des valeurs des énoncés impératifs.

Quoiqu’il soit utilisé à intention manipulatrice, l’impératif (proprement dit ou caché) n’est pas trop présent dans notre corpus de textes. Et pourtant, l’impression de l’autorité explicitement manifestée reste présente.

1.4.1. L’impératif caché

Le ton injonctif des discours de notre corpus est donné par la multitude des formes injonctives du type « il faut », ou « devoir », mais aussi par les formes de futur de l’indicatif ou d’infinitif qui peuvent apparaître dans une profession de foi.

La situation statistique de l’impératif caché dans notre corpus se présente de la manière suivante :

Par la lecture de ce tableau, nous pouvons observer quels sont les discours les plus injonctifs, et quels sont ceux où l’impérativité est presque absente.

Ainsi, par l’utilisation des verbes « devoir » et « faloir » (au présent, au passé ou au futur), les discours de A. Laguiller et de L. Jospin sont les plus « autoritaires » :

A. Laguiller : « Il faut changer cela, car il faut que la population puisse savoir ce qui se passe. »

« La lutte contre le chômage et la lutte contre la misère doivent être des priorités d’intérêt public, devant lesquelles les privilèges économiques doivent s’effacer. »

L. Jospin : « Nous devons conforter notre système de santé. »

« Il faudra donner plus de pouvoir à l’Assemblé […] »

Il en est de même pour les verbes au futur de notre corpus, comme dans les exemples :

A. Laguiller : « Nous verrons si c’est impossible ou pas. »

« Selon le choix que vous ferez, votre voix sera entendue ou pas. »

L. Jospin : « Je lancerai quatre grands programmes nationaux. »

Les infinitifs à valeur impérative abondent dans la profession de foi de D. Voynet, où nous avons 13 occurences du verbe « oser » (qui, par son sémantisme même, marque une injonction) et encore 6 verbes à l’infinitif.

Les autres discours contiennent un nombre assez réduit de verbes à l’infinitif, pas plus de 6 (dans le discours de R. Hue) ou bien ils n’ont aucun verbe à l’infinitif (Le Pen, L. Jospin, A. Laguiller).

D. Voynet : « Oser […], ça change tout! »

« Donner l’égalité des chances à chacune et à chacun dans une école laïque. »

R. Hue : « Traiter de vos préoccupations les plus pressantes. »

« Entendre sa raison, mais aussi son coeur. »

1.4.2. Les injonctifs du type IN-discours

À part les injonctifs cachés que nous avons présentés dans le sous-chapitre précédent, le discours de D. Voynet et, par une seule présence, le discours de Le Pen présentent un autre type d’injonctif. Il s’agit de l’injonctif du type IN-discours.

Les formes injonctives du type IN-discours (qui représente une forme interne à l’énonciation) vont grouper les actes locutoires, les modalités de la stratégie discursive qui renvoient à l’énonciation même.

Par ce type d’injonction, l’énonciateur politique s’adresse à son destinataire pour l’obliger à s’impliquer dans sa démonstration. Dans le cadre de ce type d’injonction, nous pouvons déceler deux sous-catégories :

– IN-discours 1 : dans lequel le locuteur et le destinataire sont impliqués dans la même mesure

– IN-discours 2 : dans lequel le locuteur, en dépit de l’introduction du destinataire, introduction marquée par la quatrième personne, oriente l’action vers le destinataire.

Dans la profession de foi de D. Voynet, cette forme injonctive IN-discours 1 apparaît plusieurs fois. Plus précisément, nous avons à faire avec 65 occurences (si nous prenons aussi en compte les 13 occurences de « ça change tout » présent dans son slogan).

« Produisons propre, favorisons le durable et le recyclable, traitons les déchets à la source, donnons la priorité aux transports collectifs, aux piétons et aux deux roues et rendons sa convivialité à la ville. »

La forme injonctive du type IN-discours 2 apparaît seulement dans le discours politique de Le Pen :

« Entendez bien la différence! »

Dans ces exemples de IN-discours, le destinataires est solicités d’accompagner l’énonciateur dans sa démarche discursive.

Pour conclure sur l’expression de l’autorité dans la profession de foi, nous pouvons dire que l’utilisation de la modalité énonciative de l’injonction est une stratégie discursive d’interpélation autoritaire du destinataire, interpélation qui renvoie ce dernier à l’intérieur de l’énonciation. L’injonctif permet ainsi d’exprimer l’attitude de volonté de l’énonciateur politique, d’instaurer un rapport immédiat, direct avec le destinataire, mais aussi une économie rhétorique importante.

Par sa présence dans les professions de foi de notre corpus, les formes injonctives, même si elles ne sont pas trop nombreuses, aident à l’établissement d’une relation de tension entre l’énonciateur et son destinataire, fait qui réduit la distance entre cet énonciateur et le monde.

1.5. Les figures de style dans la profession de foi

Les figures de style représentent aussi une marque de l’implication de l’énonciateur politique dans son discours, parce qu’il essaie d’embellir et de faire convainquant son discours. La présence ou l’absence des figures de style dans la profession de foi est aussi une marque de la tension ou de la distance qui s’établit à l’intérieur de ce discours.

De toute la classe des figures de style, les énonciateurs politiques choisissent avec prédilection des métaphores dynamisantes, pour rendre leur discours plus plastique.

Vue comme un trope à fonction poétique, la métaphore donne des valeurs spéciales aux signifiants d’une profession de foi par les images qu’elle peut suggérer. Tout discours politique représente aussi un espace où la métaphore se manifeste avec prédilection.

Les métaphores entrent dans la catégorie des figures de signification qui opèrent le changement de sens des structures impliquées.

Les métaphores des discours politiques peuvent appartenir à des domaines variés : religieu, guerrier, médecine, maritim etc. ; le plus souvent, les métaphores de notre corpus peuvent se rattacher aux mots du type « France », « Europe » qui, liés à des mots qui désignent des parties du corps, se personnalisent :

J. Chirac : « Les petits pas […] ne sont que l’une des formes de l’immobilisme, le pire des dangers pour la France. »

E. Balladur : « L’Europe a pu ainsi retrouver son crédit aux yeux des Français. »

« La France retrouvera […] son prestige aux yeux du monde. »

Les autres types de métaphores utilisées dans notre corpus peuvent se regrouper dans les groupes suivants de métaphores :

– la métaphore de la construction ,dans des exemples du type:

L.Jospin : « C’est avec l’ensemble des Français que nous bâtirons la France du 21ème siècle. »

J.Chirac : « Je veux bâtir une France pour tous. »

– la métaphore du progrès 

J. Chirac : « L’heure est venue de jouer nos atouts. »

– des métaphores choquantes (de la décomposition) :

Le Pen : « Si vous souffrez de la décadence de la France […] »

L. Jospin : « Le chômage des jeunes qui fracture et démoralise notre société. »

R. Hue : « Les fortunes et les profits ont "explosé". »

D. Voynet : « Trop de dérapages (la corruption, les affaires) pourissent notre vie publique. »

– des métaphores de la lutte :

J. Chirac : « Une Europe forte et prospère, capable de lutter à armes égales avec nos concurrents américains et asiatiques. »

E. Balladur : « […] je m’engage à conduire une lutte sans merci contre le chômage. »

Le Pen : « […] j’ai crée et dirigé pendant 25 ans une petite entreprise tout en continuant le combat politique pour le redressement de la France. »

L. Jospin : « Le 21ème siècle sera aussi celui de la bataille de l’intelligence, donc de l’étucation, de la recherche, de la culture. »

Si nous citons les affirmations de Dumarsais (dans « Des tropes ou de différents sens » de 1730), qui dit que les métaphores savent, en premier lieu, « déguiser des idées dures, désagréables, tristes ou contraires à la modestie », alors nous devons affirmer le fait que cette métaphore devient une nécéssité de la communication et une source de créativité lexicale, parce que « les langues n’ont pas autant de mots que nous avons d’idées ; cette disette d’idées a donné lieu à plusieurs métaphores. »13

Même si l’absence des autres figures de style dans notre corpus marque une distance maximale qui s’établit entre le locuteur et son énoncé, parce que le locuteur ne veut pas et n’a pas l’espace discursif nécessaire pour embellir stylistiquement son discours, l’analyse des métaphores qui apparaissent dans les professions de foi analisées marque une certaine relation de tension qui s’établit entre le locuteur et son destinataire. Le but discursif de l’énonciateur politique est très clair : il veut convaincre même les derniers indécis et les pousser vers l’acte du vote en sa faveur.

2. La nominalisation – modalité opacifiante de la profession de foi

Le double concept de transparence et d’opacité appartient à Tzvetan Todorov, mais Jean Dubois14 le reprend pour l’appliquer à l’analyse énonciative du discours. Selon Dubois, ce concept se place dans la sphère du destinataire.

Dans le cas d’une transparence totale, nous assistons à « l’effacement complet du sujet d’énonciation. »15 Dans ce cas, l’énoncé est présenté comme émis par l’interlocuteur même ou comme destiné à être assumé par le récepteur. C’est l’exemple classique des maximes, aphorismes ou discours didactiques.

Pour ce qu’il y a de l’opacité totale, elle est réservée, selon Todorov, à la poésie lyrique dans laquelle le sujet de l’énonciation n’est plus repérable, se mettant ainsi à la disposition du lecteur – destinataire qui est transformé en sujet de l’énonciation pour assumer un énoncé dont les modalisations lui échappent.

Jean Dubois nous dit aussi que « l’opacité et la transparence représentent une ouverture sur l’ambiguïté du message ; la transparence correspond au minimum d’ambiguïté et l’opacité au maximum. »16

Dans tout discours politique et implicitement dans la profession de foi, cette opacité est donnée par plusieurs structures discursives, comme : la coordination intensive, la nominalisation excessive, la passivisation, la stéréotypie etc.

Notre analyse énonciative va s’arrêter seulement sur la nominalisation dans les professions de foi présentées lors des élections présidentielles de 1995.

La nominalisation se situe comme phénomène dans une région de frontière entre la syntaxe et le lexique. Tout discours politique va contenir un nombre plus ou moins grand de nominalisations qui présentent le texte comme produit fini, clos qui entretient un contrat spécifique avec le monde extérieur.

Les théories linguistiques présentent la nominalisation comme la forme transformée de quelque chose, qui entretient un rapport avec le point d’origine.

Si nous admettons que la nominalisation est définie comme « une forme substantivale du verbe », alors nous avons à faire avec deux types fondamentaux de dérivation morphologique :

1. nomen actiones 2. nomen qualitas

verbe – substantif adjectif – substantif

(participer – participation) (fidel – fidélité)

Suite à ces deux représentations, la nominalisation est vue comme un procédé de réification, car elle « concentre l’attention du récepteur ou du locuteur sur certains thèmes en défavorisant d’autres. Elle fait disparaître les actants et l’agentivité et tend à présenter les processus comme des choses. »17 En plus, la nominalisation représente un moyen qui opacifie le discours, qui ambiguïse le message et qui égare le récepteur.

Dans la vision de P. Charaudeau, la configuration nominale se développe à partir du processus où elle est présentée sous la forme d’un nom et « correspond à une manière de description des éléments qui traitent l’action comme réalisée […] »18

Dans ce sens, notre analyse des professions de foi du corpus va s’arrêter seulement sur la catégorie nomen actiones, parce qu’ils sont plus nombreux et réalisent ainsi une certaine ambiguïsation du message.

Pour exemplification, nous présentons le tableau des nominalisations présentes dans les textes de notre corpus.

Comme nous pouvons observer, le nombre total des nominalisations dérivées des verbes correspondants ne dépasse pas 52 occurences. Peu d’entre ces nominalisations connaissent plus de deux occurences (ex. « changement » a 3 occurences) dans le même texte. Parfois, nous avons remarqué qu’une certaine nominalisation apparaît dans les discours de plusieurs hommes politiques.

Par exemple, « changement » apparaît dans les discours de :

J. Chirac (une fois) : « J’ai en moi la force et la volonté de mettre en œuvre le vrai changement. »

E. Balladur (deux fois) : « Vous donnerez au prochain président de la République […] les moyens de mener à bien les grands changements dont nous avons besoin. »

«  Le changement que je propose n’est pas fondé sur l’illusion […] »

R. Hue (trois fois) : « […] parti utile à la contestation de l’ordre existant et au changement de société. »

« […] pour que tout le monde tienne compte de votre besoin de changement […] »

« […] le 23 Avril nous allons faire œuvre utile pour la justice et le changement. »

Mais la plupart des nominalisations n’apparaît que dans une seule profession de foi et parfois (mais très rarement) dans deux.

Dans le cas de la nominalisation, le verbe est sacrifié en faveur du substantif. Les nominalisations peuvent être séparées, de point de vue sémantique, en deux catégories : /+ résultat de l’action/ et /+ action de/. Mais l’effet opacifiant des nominalisations ressort de l’ambiguïté donnée par leur double lecture, résultat et action à la fois. Cette ambiguïté n’est pas toujours résolue à l’aide du contexte.

– /+ résultat de l’action/ : augmentation, contestation, corruption, croissance, éducation, émergence, exclusion, formation, imposition, mobilisation, pollution, préservation, progression, rattrapage, révalorisation, transformation.

L. Jospin : « […] le second (programme) sur l’émergence des nouveaux services sociaux. »

« […] ouvrir la discussion sociale afin d’aboutir à une augmentation maîtrisée des salaires. »

– /+ action de/ : amélioration, agression, aménagement, appauvrissement, construction, engagement, investissement, négociation, préoccupation, reconstruction, renforcement, répartition, résistance.

Le Pen : « […] si vous êtes les victimes de l’appauvrissement […]. »

E. Balladur : « […] j’engagerai résolument notre pays dans la voie de la construction éuropéene. »

– /± le résultat de l’action ; ± l’action de/ : changement, consommation, corruption, développement, exclusion, formation, immigration, mobilisation, négociation, redressement, réduction.

D. Voynet : « […] réduction du temps de travail. »

« […] (les institution) qui fonctionneraient de manière démocratique pour le développement écologique et équitable. »

À côté de cette ambiguïté des structures du type nomen actiones (c’est nous qui soulignons), P. Charaudeau souligne aussi le fait que l’utilisation des nominalisations « rend l’action plus abstraite (parce que le processus est conceptualisé dans la personne, d’où le terme de personne processuelle). »19 La présence réduite des nominalisations rend le discours transparent et renvoit à un effacement relatif de la personne de celui qui écrit les professions de foi.

3. En guise de conclusion

Ce dernier chapitre a essayé d’offrir un modèle d’analyse pragmatique de cette manifestation spécifique du discours politique français qu’est la profession de foi. Même si nous avons atteint les questions de la distance et de la tension ou celles de la transparence et de l’opacité, nous n’avons pas épuisé toutes les manifestations énonciatives de ces concepts.

De toutes ces analyses, nous pouvons établir un tableau qui comprend les caractéristiques des deux types de discours politiques, que nous avons déjà annoncé, c’est-à-dire les caractéristiques du discours didactique et polémique à partir des marques énonciatives que nous avons analysées.

Par le fait que les professions de foi de notre corpus sont marquées (presque toutes) par une tension maximale, qui induit une distance assez réduite, et une transparence relative, par rapport à une opacité presque absente, nous pouvons affirmer que les textes de notre corpus appartiennent au type de discours polémique qui essaie d’exercer une certaine influence sur l’électeur.

Le manque de l’énonciateur politique dans le discours de D. Voynet nous fait penser au fait qu’il peut être intégré dans la catégorie des discours didactiques, qui veulent donner, par leur contenu, des renseignements aux électeurs.

En dépit de sa brièveté, nous espérons que cette analyse soit bien argumentée par les exemples que nous avons offerts et par les données théoriques qui se veulent le réseau de base, non seulement de ce chapitre, mais aussi de l’ouvrage entier.

NOTES

1. DUBOIS, Jean, Énoncé et énonciation, in Langages, 1969, N°13, Mars

2. Idem, p.104

3. Idem, ibid.

4. Idem, ibid.

5. Idem, p.106

6. IRIGARAY, L., apud. DUBOIS, J., op. cit., p.107

7. Illusion de l’identité. Pour Greimas et Courtès, le mot conduit seulement à une illusion énonciative ou une illusion référencielle. Cf. Greimas, A.J., Courtès, 1986

8. KERBRAT-ORECCHIONI, C., 1980, op. cit., p.41

9. CHARAUDEAU, P., 1992, Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Ed. Hachette, p.203

10. KERBRAT-ORECCHIONI, C, 1980, op. cit., p.84

11. GREIMAS, A.J., COURTÈS, 1979, Sémiotique. Dictionnaire Raisonné de la théorie du langage, Paris, Ed. Hachette Université, p.220

12.Idem, ibid.

13. DUMARSAIS, 1730, Des tropes ou de différents sens, p.136, apud. LABBE, D., Les métaphores du Général De Gaulle, in Mots – Les langages du politique, 1995, N°43, pp.51-61

14. DUBOIS, J., 1969, op. cit., p.106

15. Idem, ibid.

16. Idem, ibid.

17. THOMPSON, J., 1987, Langage et idéologie, in Langage et société, N°39, Mars, p.20

18. CHARAUDEAU, P., 1992, op. cit., p.410

19. Idem, p.412

CONCLUSIONS

L’intérêt pour une manifestation du langage au sein de la vie sociale nous conduit vers un discours politique vu comme l’une des modalité d’exerciter le pouvoir. Élément important de la manifestation publique du pouvoir, le discours politique avec toutes ses formes d’expression gagne du poids pendant les périodes électorales.

L’une des formes spécifiques du discours politique est la profession de foi. Texte résumatif et conclusif, elle représente la quintessence du programme politique du candidat et de son parti lors des élections.

Par l’analyse de ces professions de foi, nous avons voulu voir quelle est la spécificité de ce type spéciale de discours politique français.

Le paradigme interprétatif que nous avons choisi est la linguistique du discours qui nous a aidé à mettre en évidence les conditions historiques, sociales, politiques, idéologiques de production discursive.

Le courent analytique choisi – l’École Française d’Analyse de Discours – nous a fourni, par l’intérêt qu’il porte au discours politique, les éléments nécessaire à notre analyse.

Les concepts opératoires utilisés dans l’analyse des professions de foi de notre corpus – tension et distance, transparence et opacité – nous ont permi de mesurer le positionnement discursif des énonciateurs politiques.

Le choix du corpus a tenu compte de quelques contraintes méthodologiques :

– le même univers discursif : l’espace de l’idéologie de chaque parti présent aux élections de 1995

– le même champ discursif : l’espace du politique

– la même institution discursive : les partis dont les professions de foi appartiennent à notre corpus

– le même cadre discursif : les élections présidentielles du 23 Avril 1995

– le même genre discursif : les professions de foi de notre corpus

L’organisation énonciative des textes se manifeste par :

– la consistence de la source énonciative ; l’émetteur d’une profession de foi se présente comme tel dans son discours.

JE = énonciateur politique (chez Jospin, Balladur)

– la consistence de la cible discursive : l’énonciateur politique s’adresse à tous les Français, possible électeur

VOUS = les Français (chez Jospin, Le Pen)

– la typologie des professions de foi qui sont interprétées comme des textes politiques polémiques, mais c’est un polémique implicite, sauf Le Pen, qui a un discours polémique implicite.

Le mode d’organisation des professions de foi de notre corpus correspond à celui de type argumentatif. Ce mode d’organisation d’un discours a pour but d’expliquer la vérité afin d’influencer l’interlocuteur d’une manière rationnalisée. Les principes d’organisation des textes argumentatifs répond à la manière d’organisation de la logique argumentative, mais aussi à celle d’organisation de l’argumentation (par des procédés sémantiques et discursifs).

Tout au long de notre travail, nous avons vu que la proffesion de foi est un type particulier de discours politique qui a des normes d’organisation discursive précises. Comme la profession de foi représente la dernière manifestation politique d’une campagne électorale, elle doit concentrer les arguments les plus forts des candidats.

Nous avons vu que tous les textes sur lesquels a porté notre analyse répondent à cet objectif majeure de parole concluante après laquelle l’électeur reste seule avec sa conscience et son geste mesure la force persuasive de toutes les manifestations d’une campagne électorale.

ANNEXE

JACQUES CHIRAC

FRANÇAISES, FRANÇAIS, MES CHERS COMPATRIOTES,

Quand on écoute les Français depuis des années et qu’on est proche d’eux, on se rend compte que les choses vont mal dans notre pays. Avec la progression du chômage, le renforcement des inégalités, le fossé qui se creuse entre le peuple et ses dirigeants, c’est la cohésion sociale qui s’est brisée. C’est l’idéal républicain qui a été perdu de vue. Je ne l’accepte pas.

Au terme de quatorze ans de mitterrandisme, et malgré les efforts entrepris par les deux gouvernements de cohabitation, l’heure est venue de faire face aux défis d’une époque nouvelle. L’heure est venue de jouer nos atouts.

Je suis candidat à la Présidence de la République, parce que j’ai en moi la force et la volonté de mettre en œuvre le vrai changement. Les petits pas, les demi-mesures ne sont que l’une des formes de l’immobilisme, le pire des dangers pour la France. Je veux m’entourer d’hommes et de femmes nouveaux qui partagent ma volonté de réforme et ma passion des autres.

Je veux bâtir une France pour tous. Je m’engage donc à combattre le chômage avec des armes nouvelles, et à susciter contre lui une mobilisation sans précédent. Je m’engage à tout faire pour rendre l’exclusion impossible. Je m’engage à préserver notre protection sociale, à renforcer les solidarités entre les Français et à rétablir l’harmonie entre les différentes parties de notre territoire.

Au centre de ma démarche, il y a une certaine conception de l’homme et un profond attachement aux valeurs de la République : l’impartialité de l’État, la solidarité, la justice, la tolérance, l’intégration et la laïcité, la juste récompense du travail et du mérite, l’égalité des droits et des chances.

Je m’engage à libérer les forces vives de notre pays. Moins d’impôts, moins de charges. Moins de contraintes administratives. L’investissement encouragé. Le travail mieux rémunéré. L’effort mieux récompensé. Les fruits de la croissance doivent profiter à tous, particulièrement à nos aînés, qui sont une force et non une charge, et dont la place est au cœur de notre société et non à ses marges.

Cette nouvelle France, plus solidaire, et donc plus dynamique, pourra jouer le rôle historique qui est le sien : être le moteur de la construction européenne. Une Europe forte et prospère, capable de lutter à armes égales avec nos concurrents américains et asiatiques. Une France forte capable de faire entendre dans le monde son message de liberté et de dignité humaine.

La France n’est elle-même que lorsqu’elle se rassemble autour des valeurs de la République. C’est la grande leçon du Général de Gaulle. C’est mon ambition la plus haute. Pour la réaliser, j’ai besoin de vous.

ÉDOUARD BALLADUR

FRANÇAISES, FRANÇAIS, MES CHERS COMPATRIOTES,

J’ai décidé de me présenter à la présidence de la République parce que le chemin que nous avons parcouru ensemble me conduit à vous proposer de partager un projet ambitieux pour la France.

Depuis deux ans, il a fallu du courage et de la ténacité, mais que de résultats encouragents ! Nous avons retrouvé la croissance qui s’était effondrée en 1993. Le chômage, dont la montée continue paraissait inexorable, recule. La négociation du Gatt, si mal engagée par nos prédécesseurs, a été sauvée au bénéfice de notre agriculture. L’Europe a pu ainsi retrouver son crédit aux yeux des Français. Nous avons restauré la sécurité au quotidien et mené à bien la réforme du code de la nationalité. L’effort de défense a été rétabli. Le grand chantier de l’aménagement du territoire a pu être ouvert. Notre système éducatif s’est reconnu dans le « contrat pour l’école » qui prépare son avenir. Nous avons engagé avec fermeté mais humanité la maîtrise nécessaire d’une immigration excessive et désordonnée. La capacité à diriger se juge aussi aux résultats, pas seulement aux promesses.

En rétablissant l’entente et l’unité au sommet de l’État, vous donnerez au prochain président de la République et à la majorité élue en mars 1993 les moyens de mener à bien les grands changement dont nous avons besoin. La France retrouvera le premier rang parmi les nations européennes et son prestige aux yeux du monde. C’est ce qu’avait obtenu jadis, en une situation aussi difficile, le Général de Gaulle.

Je ne formulerai que des promesses que je suis sûr de tenir. Je préfère être porteur d’espoir que marchand de rêve. Il y a 14 ans, la France avait rêvé. Chacun a pu mesurer la déception brutale du réveil. Le changement que je propose n’est pas fondé sur l’illusion, mais sur la volonté, sur la confiance dans la France et dans l’ardeur des Françaises et des Français.

Si vous décidez de me confier la plus haute responsabilité de notre République, je m’engage à conduire une lutte sans merci contre le chômage. Nous avons commencé par le stabiliser. Maintenant, pour la première fois depuis vingt ans, il recule. Les entreprises recréent des emplois. Alors que le nombre de chômeurs s’est accru de deux millions et demi en vingt ans, je m’engage à le réduire, comme j’ai commencé à le faire, d’au moins un million dès les prochaines années.

Redresser notre pays, lui faire prendre un nouveau départ grâce à de profondes réformes, c’est tourner le dos au passé, c’est gouverner pour tous et non plus au l’égalité des chances ; égalité de tous devant une justice sereine et indépendante ; deuxième chance professionnelle offerte à tous ceux qui le désirent, grâce au congé-formation qui bouleversera nos habitudes et nos routines ; égalité devant l’impôt, grâce à une fiscalité simplifiée ; égalité entre femmes et hommes en ouvrant très largement l’accès des femmes aux responsabilités de la Cité ; égalité des jeunes devant le Service national comme dans l’accès à l’Université.

Parce qu’enfin la France du XXIe siècle ne peut être grande que si elle prend résolument le parti d’une Europe plus forte, plus démocratique, plus solidaire, j’engagerai résolument notre pays dans la voie de la construction européenne, y compris, comme j’ai commencé à le faire, dans le domaine de la défense. C’est cela aussi, l’espoir de la jeunesse : une France qui, riche de ses atouts et notamment de ses départements et territoires d’outre-mer, rayonne davantage sur le monde.

Comme à chaque tournant de son Histoire, le peuple français dispose au fond de lui-même des ressources d’intelligence, de générosité et d’enthousiasme qui ont fait et feront de notre patrie républicaine une référence, un espoir et un exemple. C’est cette cause que j’entends servir. Je vous demande de m’y aider.

JEAN-MARIE LE PEN

APPEL AUX FRANÇAIS

Candidat à la Présidence de la République, je suis un citoyen français comme vous. Orphelin de guerre, boursier de l’État, dirigeant étudiant, officier combattant, créateur et dirigeant de PME, pére de famille, député français et européen, je connais pour les avoir vécus et pour les vivre, vos problèmes, vos soucis, vos angoisses, vos espoirs.

Parce que je dis la vérité, j’ai été insulté et diabolisé.

Par qui ? Par ceux qui, aujourd’hui peuplent les cabinets des juges d’instruction et les boxes des tribunaux correctionnels ; les Noir, Tapie, Carignon, Longuet, Fabius, Emmanuelli etc.

Mon crime, à leurs yeux : mon patriotisme, mon amour de la France et des Français d’abord, qu’ils baptisent xénophobie ou racisme.

Votre choix va être capital pour la France, pour vous-mêmes, pour vos enfants. Maintenant, c’est à vous de décider.

Si vous trouvez que les problèmes français qui continuent de s’aggraver depuis 20 ans vont recevoir une solution grâce aux belles promesses de la campagne électorale, vous avez un large choix, puisque les responsables de cette situation se présentent aux élections : Balladur, Chirac, de Villiers, Jospin, tous énarques, tous ministres de cette période.

Mais si vous souffrez de la décadence de la France, de la ruine de pans entiers de son économie industrielle, agricole, commerciale, artisanale ; si vous avez déjà perdu ou si vous avez peur de perdre votre emploi ou que vos enfants n’en trouvent pas un ; si vous êtes les victimes de l’immigration massive, de l’insécurité, du fiscalisme écrasant, de l’appauvrissement, si vous avez peur pour votre retraite et êtes lassés d’être de plus en plus considérés comme des étrangers dans votre propre pays, alors, je vous le dis carrément, vous n’avez pas d’autre choix que celui de voter pour moi.

Parce que je suis, comme l’immense majorité d’entre vous, issu du peuple, d’un père patron pêcheur et d’une mère paysanne, que je suis le seul candidat à avoir connu les rudesses du travail manuel, la gêne et même la pauvreté, que j’ai créé et dirigé pendant 25 ans une petite entreprise tout en continuant le combat politique pour le redressement de la France.

Certains disent vouloir la France pour tous.

Moi, je veux la France pour tous les Français. Entendez bien la différence !

LIONEL JOSPIN

MADAME, MADEMOISELLE, MONSIEUR,

Le 23 avril prochain, vous participerez au premier tour de l’élection présidentielle. Ce choix sera très important pour l’avenir de notre pays. Candidat à cette élection, je veux vous dire quels sont mes projets et ma conception de la Présidence de la République.

Le premier engagement que je prends devant vous est celui de la vérité. Je vous dirai ce que je veux faire et, si vous me faites confiance, je ferai ce que j’ai dit.

Je connais l’inquiétude ressentie par beaucoup d’entre vous. Je n’ignore pas que beaucoup d’espoirs déçus vous ont rendu sceptiques. Mais je sais que vous aspirez à une nouvelle politique et aussi à une nouvelle manière de faire de la politique. Aussi, après avoir analysé les réussites passées et les échecs, après avoir réfléchi aux problèmes qui se posent à nous et aux solutions possibles, j’ai décidé de me présenter à vos suffrages. Je le fais avec l’ambition d’être un Président-citoyen, et pour construire avec vous une France plus juste.

Nous ne trouverons la solution à nos problèmes ni dans l’immobilisme, ni dans la démagogie, ni par le désengagement de la puissance publique, ni par les décision venu seulement d’en haut. Je veux, tout à la fois, indiquer fermement une direction à suivre et mobiliser nos concitoyens car c’est avec l’ensemble des Français que nous bâtirons la France du 21ème siècle.

Aujourd’hui les mécanismes économiques et financiers dominent l’Homme au lieu de le servir. Je veux inverser cette logique et remettre l’Homme au cœur de l’économie.

Qu’est-ce qu’un citoyen sans travail, voir sans ressources ?

Le premier problème qu’il faudra résoudre, c’est bien sûr le chômage, le chômage masif, le chômage des jeunes, qui fracture et démoralise notre société. La prospérité et même la richesse pour les uns, l’exclusion, la précarité, la peur du lendemain pour les autres. Qui voudrait s’y résigner ?

Je propose d’engager une bataille nationale contre le chômage, dont l’État serait l’inspirateur et le coordinateur mais qui impliquerait tous les acteurs de notre société : pissance publique, collectivité territoriales, entreprises grandes et petites, association, partenaires sociaux. Je les invite tous à cette mobilisation.

Je lancerait quatre programmes nationaux. L’un sur la reconstruction des banlieues et le logement social, le second sur l’emergence des nouveaux services sociaux, de santé ou éducatif, le troisième pour reconquérir notre environnement et nos paysages, le quatrième pour amplifier l’action humanitaire à l’étranger ou en France. Ces programmes permettront de créer des emplois par centaines de milliers.

Je souhaite que les salaires ne soient plus oubliés de la croissance. Je veux réhabiliter le travail et donc ouvrir la discussion salariale afin d’aboutir à une augmentation maîtrisée des salaires.

Je demande que l’on s’engage immédiatement vers une réduction du temps de travail qui devrait nous conduire au début du siècle prochain à quatre jours par semaine. Les 37 heures, c’est possible d’ici deux ans. J’entends aussi favoriser l’emploi par des mesures fiscales pour les PME-PMI.

Une répartition plus équitable entre salaire et profit impliquera des impôts plus justes qui ne pénalisent pas le travail par rapport aux revenus du capital (sans toucher aux petits épargnants).

Chacun le sait, je suis un défenseur vigilant de notre système de protection sociale. Or, on voit bien les menaces qui pèsent sur lui. Les puissances d’argent cherchent à démanteler notre protection sociale et à la transférer aux assurances privées. Les Français doivent savoir qu’un système de protection sociale de type privé coûte 30% de plus, avec 30% de couverture en moins, comme c’est le cas outre-Atlantique. Nous devons conforter notre système de santé et rétablir son équilibre financier grâce à une meilleure maîtrise des coûts et une meilleure gestion.

Il n’est pas normal que des centaines de milliers de retraités vivent dans la plus grande difficulté. Nous devons préserver notre système de retraite en réaffirmant notre solidarité entre générations. Je suis favorable dans cet esprit à une revalorisation des petites retraites qui l’on a trop négligées ces dernières années.

Je veux préparer l’avenir de la France, faire en sorte que nous entrions dans le 21ème siècle dans les conditions dignes de notre histoire et de nos traditions sociales.

L’égalité n’est pas encore assurée : égalité entre tous les jeunes, mais aussi entre les femmes et les hommes. Notre système éducatif devra évoluer de manière à ce que la formation soit possible tout au long de la vie. De même, il faut que nous réalision l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et que nous avancions vers la parité homme-femme dans tous les instances élues.

Le 21ème siècle sera aussi celui de la bataille de l’intelligence, donc de l’éducation, de la recherche, de la culture. Je développerai largement ces domaines. Je veux donner toutes leurs chances aux créateurs français dans une compétition internationale que je sais difficile.

Nous aimons l’espace où nous vivons, nos villes, nos campagnes : il nous appartient de les embellir et de les protéger contre les pollutions et les catastrophes naturelles.

Ce sera la bataille pour l’écologie, pour la préservation de la nature, pour une reconquête de la pureté de l’eau, de l’air, pour une écologie urbaine. J’ai fait des propositions précises dans ce sens.

La démocratie moderne doit se donner un Président-citoyen qui instaure une nouvelle pratique du pouvoir et réduise le mandat présidentiel à 5 ans, de façon à instituer en France un rythme plus démocratique et plus vivant. Il faudra donner plus de pouvoir à l’Assemblée, limiter le cumule des mandats afin que chacun puisse accomplir sa tâche d’élu plus complètement, prévenir la corruption par la transparence de la vie publique.

Il faudra garantir absolument l’indépendance de la justice : je la veux plus proche des citoyens et plus rapide grâce à des moyens renforcés.

Les citoyens doivent vivre en sécurité grâce à une police républicaine et de proximité.

Si tous ensemble nous bâtissons une telle France, notre pays sera plus harmonieux, mais aussi plus fort pour affronter un monde incertain, dans une compétition économique de plus difficile.

L’une des fonctions essentielles du Président de la République est de représenter la France dans le monde.

La France est grande, par sa puissance économique, par sa culture, par sa science, par ses valeurs. Elle doit les porter à travers le monde. Grâce à ses départements et territoires d’Outre-Mer qui attendent de nous l’égalité, grâce aussi aux très nombreux Français établis à l’étranger, elle déborde ses frontières hexagonales.

Notre avenir, c’est d’abord l’Europe. Plus l’Europe sera forte, plus la France le sera. En m’élisant, vous élirez un européen convaincu, mais un européen vigilant. Un européen qui veut construire une Europe politique mais aussi sociale, qui ne soit ni technocratique, ni un grand marché libérale ; une Europe qui affirme ses valeurs et qui se défende contre les agressions commerciales et culturelles.

Si je suis Président, je peux garantir que notre pays sera à la hauteur de son histoire, qu’il sera à la pointe du combat pour un nouveau développement, la lutte contre la pauvreté et pour la Démocratie. En Afrique, continent à l’égard duquel nous avons des devoirs, nous devrons poursuivre l’aide au développement mais veiller à la Démocratie. Dans l’Ex-Yougoslavie, la France devra œuvrer avec l’Europe et les États-Unis pour le respect absolu des frontières des États, des droits des minorités et le retour à une Paix durable. En Algérie, nous aiderons les démocrates à faire de ce pays un pays moderne, où les droits des femmes soient respectés.

Par notre histoire, nous sommes héritiers d’une culture démocratique et républicaine. Je veux la faire vivre aujourd’hui. Liberté, égalité des droits pour tous et en particulier égalité des hommes et des femmes, justice sociale, laïcité, sécurité, responsabilité : voilà les valeurs qui guideront mon action.

Je vous propose de vous rassembler autour d’elles.

Au-delà de votre suffrage, je souhaite que nous nous engagions ensemble pour l’avenir de la France. Rien ne peut se faire sans vous. Avec vous, tout devient possible.

ROBERT HUE

MADAME, MONSIEUR,

Vous qui, avec raison, êtes révoltés par l’inhumanité croissante de notre société et du monde, un grand problème vous est posé :

Comment faire pour que la vie, l’avenir soient d’avantage marqués par votre refus de l’injustice et votre exigence de choix nouveaux ?

Ma candidature n’a pas d’autre but que de faire entendre ce message.

Vous pouvez le constater : ces dernières années, avec le recule du Parti communiste, la résistance aux puissants s’est affaiblie. Les milieux d’affaires ont dicté leur loi aux gouvernements successifs. Les fortunes et les profits ont « explosé », mais le chômage, le travail précaire, les inégalités sociales allant jusqu’à l’exclusion, l’inquiétude pour les enfants se sont beaucoup aggravés. La société est devenue plus dure et plus violente.

Pour se donner les moyens de rompre avec cette évolution, d’inventer un autre avenir, il y a besoin de ce que représente le Parti communiste ait plus de force. Je me suis efforcé de le montrer : ce parti s’est remis en cause. Il a changé et il change. Il s’efforce d’être plus dynamique, plus ouvert, plus démocrate pour être fidèle à sa raison d’être de parti utile à la contestation de l’ordre existant et au changement de société.

Cela fait trop longtemps que la droite et les milieux financiers ont l’initiative. Je vous propose de montrer clairement que vous n’êtes pas dupes de la démagogie honteuse de Jacques Chirac et d’Édouard Balladur, de vous permettre de résister à la droite et de faire fronte contre Le Pen avec plus de force.

Changer n’est pas un rêve : c’est une nécessité. Il faut pour cela s’en prendre à la cause des difficultés : la priorité donnée à la finance, qui domine tout. Je vous propose d’exprimer votre exigence d’un projet de société nouveau, qui fasse le choix de l’être humain et non plus de l’argent-roi.

On ne fera pas renaître l’espoir en proposant de continuer ce qu’ont fait les gouvernements socialistes. L’expérience le prouve, le rapport est étroit entre l’ancrage à gauche et l’influence communiste. Je vous propose de peser efficacement pour que tout le monde, à gauche, tienne compte de votre besoin de changement, pour qu’on ne recommence pas ce qui a échoué.

Ce n’est qu’au second tour que le président de la République sera élu. Au premier tour, le dimanche 23 avril, vous avez l’occasion de prendre la parole. C’est très important : si tant de choses vont mal, c’est aussi parce qu’on n’écoute jamais votre avis. Cette fois, vous allez le donner en étant sûr d’être entendu, où que vous votiez. Je sais que certains d’entre vous allez m’accorder votre suffrage pour dire ce qui vous tient à cœur sans pour autant être d’accord avec tout ce que dit le Parti communiste. J’en tiendrai compte.

Pour cette élection présidentielle, j’ai adopté la même règle que celle que je respecte en tant que maire de ma commune, en tant qu’« homme de terrain », comme on dit. Beaucoup écouter. Traiter de vos préoccupation les plus pressantes. Entendre sa raison, mais aussi son cœur. Inviter à réfléchir aux neuf. J’ai la convinction que, le 23 avril, ensemble, nous allons faire œuvre utile pour la justice et le changement.

DOMINIQUE VOYNET

OSER, ÇA CHANGE TOUT !

Oser les 35 heures aujourd’hui, ça change tout !

Travailler moins pour travailler tous – en maintenant le niveau de vie des travailleurs – c’est une priorité pour s’attaquer à l’exclusion. Travailler autrement pour vivre mieux – en redéfinissant la place du travail dans notre vie et en repensant le rythme travail/loisirs – c’est se donner plus de temps pour soi et pour les autres.

Oser une vie sans pollution, ça change tout !

Pour protéger l’eau, l’air, la forêt, attaqués par la pollution, pour protéger la nature et les générations futures, produisons propre, favorisons le durable et le recyclable, traitons les déchets à la source, donnons la priorité aux transports collectifs, aux piétons et aux deux roues, et rendons sa convivialité à la ville.

Oser les énergies nouvelles, ça change tout !

La France est un des derniers pays à croire au nucléaire pour produire son électricité. Résultat : tous les ans, des tonnes de déchets radioactifs qui resteront dangereux pendant des milliers d’années ! On peut en sortir rapidement en développant les énergies nouvelles : bois, vent, soleil… et en faisant une priorité nationalle des économies d’énergie.

Oser la parité femme-homme, ça change tout !

Pour l’égalité dans la vie publique, professionnelle et privée, commençons par une loi sur la parité pour que soient élues autant de femmes que d’hommes, à tous les niveaux de la vie publique.

Oser une Europe écologique, sociale, démocratique, ça change tout !

Dans tous les pays européens : réduction du temps de travail, harmonisation par le haut des systèmes de protection sociale, des droits de travail et de l’environnement. Sortons de la logique de Maastricht.

Oser le droit à l’éducation et à la formation, ça change tout !

Il faut permettre à chacun d’être un citoyen conscient. Donner l’égalité des chances à chacune et à chacun dans une école ouverte et laïque, une formation professionnelle à tous les moments de la vie.

Oser donner à la jeunesse des moyens de vivre, ça change tout !

Transformation des emplois précaires et stages-alibi en emplois stables, service national à 6 mois, droit au RMI dès 18 ans.

Oser la démocratie et la solidarité pour la planète, ça change tout !

L’accès à la dignité humaine et à la paix ne doit pas être l’apanage des pays riches. Il faut cesser de soutenir les régimes autoritaires et corrompus, annuler la dette du tiers-monde, encourager le désarmement. Il faut redéfinir des institutions internationales qui fonctionneraient de manière démocratique pour un développement écologique et équitable.

Oser redistribuer les richesses, ça change tout !

Pour financer les dépenses publiques, protéger l’environnement, garantir les acquis sociaux, s’opposer aux licenciements, permettre une rémunération plus juste, il faut une fiscalité qui s’attaque véritablement aux causes et qui diminue la part prélevée sur le travail.

Oser moraliser la vie publique, ça change tout !

Les affaires, les trafics d’influence, les délits d’initiés, les écoutes téléphoniques, la corruption : trop de dérapages pourrissent notre vie publique. Garantissons l’indépendance de la justice, organisons la transparence entre les finances publiques et privées, supprimons le cumule des mandats.

Oser la culture pour tous, ça change tout !

Donnons des moyens pour l’expression culturelle. Soutenons la diversité des langues et des cultures. Réduisons à 5% la TVA sur les disques. Soutenons le cinéma d’Europe et du tiers-monde.

Mes 5 engagements :

1. Pour préserver notre environnement :

– Favorisons les économies d’énergie et les énergies nouvelles pour permettre la sortie progressive du nucléaire.

– Développons les transports en commun et privilégions le rail pour les marchandises.

– Protégeons nos fleuves, nos forêts, nos espaces naturels remarquables.

– Faisons adopter une loi sur la qualité de l’air.

2. Pour lutter contre le chômage et l’exclusion :

– Passons tout de suite aux 35 heures et préparons les 30 heures.

– Créons des emplois d’utilité écologique et sociale.

– Redistribuons les richesses.

3. Pour réinventer la citoyenneté et la démocratie :

– Instaurons la parité femme-homme, la proportionnelle, le référendum d’initiative citoyenne, le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, adoptons le Contrat d’union civile.

– Renforçons et démocratisons les régions.

4. Pour la paix et la solidarité entre les peuples :

– Réduisons les budgets militaires et les ventes d’armes, arrêtons les essais nucléaires, annulons la dette des pays pauvres, impulsons des relations internationales équitables.

5. Pour lutter efficacement contre le Sida :

– Engageons en plan d’urgence : recherche, prévention, soins.

– Mettons en œuvre une véritable politique d’accompagnement sociale et humain.

– Médicalison les drogues dures pour protéger les toxicomanes et casser les trafics mafieux.

ARLETTE LAGUILLER

TRAVAILLEUSES, TRAVAILLEURS,

Pratiquement toutes les grandes entreprises du pays, celles qui ont bénéficié, et bénéficient toujours, des plus gros contrats de l’État, ont été ces derniers temps, plus ou moins impliquées dans des scandales financiers et ont vu plusieurs de leurs principaux dirigeants poursuivis pour des malversations financières, des affaires de pots-de-vin ou de trafics d’influence.

Parallèlement, des ministres, des députés, des maires de grandes villes, des conseillers régionaux, ont été mis en examen, comme on dit maintenant au lieu de dire inculpés, voire emprisonnés pour des affaires semblables.

Est-ce cela, la démocratie ?

Oui, quelle sorte de démocratie est cette situation où l’on voit des financiers, des chefs d’industrie, des gens dont les noms ne sont guère connus du grand public et restent dans l’ombre tant qu’un scandale n’éclate pas, avoir plus de pouvoir, plus d’influence sur les hommes politiques, que ceux qui les ont élus !

Dans une telle situation, les élections sont une mascarade. On nous laisse choisir les pantins qui occupent le devant de la scène, mais nous n’avons aucun moyen de contrôle sur eux, ni même le moyen de connaître ceux qui, dans le secret des conseils d’administration de la haute finance, tirent les ficelles des pantins en question. 

On peut tourner ces faits en dérision, mais ce n’est pas risible.

Cela n’est pas risible car le sort de millions d’hommes, de femmes, de famille, dépend des décisions de ces hommes du patronat et de la finance. Des hommes qui peuvent décider de fermer une entreprise comme on claque la porte de son réfrigérateur, et qui n’hésitent pas à ruiner une ville, voire une région entière, si cela peut leur rapporter un ou deux pour cent de profit en plus.

Il faut changer les choses.

Il faut changer cela car il faut que la population puisse savoir ce qui se passe.

Il faut que la population puisse savoir ce que sont devenus les centaines de milliards de francs que l’État, pour paraît-il créer des emplois, a versés à ces gens-là ; des centaines de milliards qui n’ont servi, d’un côté, qu’à créer du profit et, de l’autre, qu’à fabriquer d’abord des chômeurs, puis des RMIstes, et enfin des exclus, comme on dit pudiquement.

Cela est inique, doit cesser et il y a des mesures d’urgence à prendre.

Il faut rendre publics, c’est-à-dire accesibles à tout un chacun, les revenus, les avoirs et les biens de tous les hommes politiques et aussi de tous les dirigeants du grand patronat, de leurs alliés, de leur famille directe, de leurs hommes de paille qui ne sont pas si difficile à trouver quand on cherche. C’est-à-dire de tous ceux qui leur servent de prête-noms. Avez-vous vu comme les hommes politiques ne possèdent rien par eux-mêmes et que leurs propriétés et leurs principaux biens sont toujours au nom de leur épouse ? Les patrons de la finance font pire.

Il faut aussi rendre publique la comptabilité des grandes entreprises. Que tout le monde, et pas seulement les juges, puisse y avoir accès. Que chaque travailleur de ces entreprises puisse vérifier si c’est vrai ou pas. Que les employés, que les comtables, que les travailleurs puissent dire si ce qu’on publie est véritable ou pas, et puissent vérifier si ce qu’on leur fait faire correspond bien aux nécessités de l’entreprise ou à tout autre chose.

Oui, il faut un contrôle de la population sur l’économie et la politique. Un contrôle permanent. Et il faut en premier lieu un contrôle des travailleurs sur leur propre entreprise.

Cela pénaliserait les petits patrons ? Mais non ! Ceux qui travaillent eux-mêmes et ne réalisent pas de profits fabuleux sur le dos de leurs travailleurs n’ont rien à craindre de la publication des comptabilités.

Il faut réquisitionner, c’est-à-dire exproprier sans rachat ni indemnité, toutes les entreprises qui licencient et en premier lieu celles qui font des bénéfices. C’est ce que le contrôle de leur comptabilité permettra de vérifier.

Et avec ces entreprises, il faut produire, y compris à prix coûtant, en priorité ce qui est le plus utile à la population.

L’État doit intervenir de façon autoritaire dans l’économie.

Il ne faut pas laisser la recherche égoïste du maximum de profit individuel décider du sort de toute l’économie. Les lois aveugles du marché doivent être réglementées en fonction de l’intérêt collectif. La lutte contre le chômage et la lutte contre la misère doivent être des priorités d’intérêt public, devant lesquelles les privilèges économiques doivent s’effacer.

Si la productivité fait des progrès grâce aux innovations technologiques, il faut que ces progrès profitent à tous, pas seulement aux actionnaires. Il faut que ces progrès soient un bienfait et pas une calamité. L’augmentation de productivité ne doit pas servir à jeter les travailleurs à la rue pour augmenter la marge de profit, elle doit servir à diminuer le travail de tous, en répartissant le travail en fonction des besoins et en faisant évoluer le niveau de vie en fonction des progès de la productivité.

L’État doit cesser de subventionner les entreprises, soi-disant pour créer des emplois, et consacrer les centaines de milliards qu’il a dilapidés de cette façon depuis des années, à créer lui-même, directement, des emplois.

D’abord dans les services publiques : hôpitaux, Éducation nationale, transports en commun etc. Ensuite, l’Etat doit lui-même investir dans des travaux d’intérêt public : construction de logements populaires, aménagement de l’environnement urbain, amélioration de la vie et des moyens de communication et d’échanges dans les campagnes, et tout cela directement, sans enrichir les grandes entreprises de travaux publics. Avec, là aussi, tous les comptes, les commandes, les devices, les travaux effectués, rendus publics pour que cela reste sous le contrôle de l’ensemble de la population.

Pour améliorer le fonctionnement de la Sécurité Sociale, il faut rétablir le cotisations patronales à leur niveau antérieur. Il faut supprimer le CSG sur les revenus les plus faibles mais l’augmenter sur les revenus les plus élevés, y compris sur ceux du capital, avec une forte progressivité. Il faut rétablir les tranches supérieures d’imposition sur les revenus au niveau où elles étaient précédemment.

La santé publique est une priorité. On ne demande pas à l’Education nationale d’être rentable, et à l’armée encore moins. Pourquoi le demanderait-on à la Santé ? Cela doit être une priorité de l’Etat et il doit lui consacrer une large part du revenu national.

Depuis des années que les salaires et les retraites sont bloqués, le niveau de vie de la population laborieuse a considérablement baissé. Le retard pris par les salaires et les retraites en dix ans est d’au moins 1000 à 1500 F par mois. Il faut un rattrapage de ce montant qui sera, s’il concerne les revenus les moins élevés, immédiatement réutilisé dans la consummation au lieu de l’être dans la spéculation comme c’est le cas pour les revenus tirés des profits.

Tout cela serait impossible ?

Eh bien contrôlons, justement, les fortunes des plus riches et les comptes des grandes entreprises, et nous verrons si c’est impossible ou pas ! Aujourd’hui, on nous demande de croire le patronat sur parole et on demande aux licenciés de se sacrifier pour sauver leur entreprise, qui n’avait jamais été la leur jusque-là et qui, bien évidemment, le sera encore moins après.

Bien sûr, ce n’est pas parce que vous voterez pour ce programme qu’il sera automatiquement réalisé.

Mais c’est en vous affirmant pour ce programme, que vous direz à la face du pays que ce programme est le vôtre, qu’il fait partie de vos exigences.

Plus vous serez nombreux à l’affirmer par votre vote, plus ce sera une menace pour le grand patronat et un avertissement pour les hommes politiques du pouvoir.

De plus, il est certain que des grèves, des luttes, vont éclater dans l’année qui vient, tellement la situation est insuportable pour les travailleurs. Avant même les élections, bon nombre de travailleurs ont montré qu’ils attendaient plus de la grève que du bulletin de vote.

Il ne faut pas que les luttes révendicatives, inéluctables, se dispersent et éclatent à des moments différents, avec des revendications différentes et à cause de cela restent inefficaces et soient vaincues.

Il faudra au contraire à ces mouvements un objectif unique, un même programme, pour réaliser l’unité, indépendamment des opinions publiques, indépendamment des branches professionnelles, des catégories, des divers divisions entre travailleurs, entre ceux qui sont au travail et ceux qui sont au chômage, entre employés et ouvriers.

Il faut un objectif de lutte qui nous unisse et qui nous permette d’imposer des mesures qui sont vitales, indispensables pour la survie des masses populaires dans la période qui vient.

Voilà le sens du vote que je propose, du vote sur ce programme, du vote sur mon nom.

Certaines diront que c’est un vote inutile parce que je n’ai aucune chance ? Mais, à part les deux principaux candidats de la droite, aucun candidat n’a une chance de l’emporter dans cette élection. Je ne serai certes pas élue. Aucun de ceux qui prétende incarner les intérêts des travailleurs non plus.

Dans ce cas, le problème n’est pas de savoir quel candidat aura le plus de voix, mais de savoir quel est le vote qui sera le plus entendu.

Et s’il y a une chose que je peux vous affirmer, c’est que quelques millions de voix de plus qui se porteraient sur ce programme, au travers de ma candidature, feraient bien plus de bruit et auraient bien plus de conséquences, que le même nombre de voix en plus sur la candidature de n’importe quel autre candidat de gauche.

Selon le choix que vous ferez, votre voix sera entendue ou pas.

J’espère que les voix que vous me donnerez me permettront de jouer un rôle, et j’y suis prête, dans le troisième tour social qui sera indispensable après les élections, pour que les travailleurs ne soient plus victimes du chômage, des bas salaires, de l’exclusion, que les retraités ne soient pas inéluctablement condamnés à la misère et que la jeunesse populaire ne soit pas privé d’avenir.

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