La Polysémie Et Les Facettes Sémantiques

UNIVERSITATEA TRANSILVANIA BRAȘOV

FACULTATEA DE LITERE

DEPARTAMENTUL DE LINGVISTICĂ TEORETICĂ ȘI APLICATĂ

LIMBI MODERNE APLICATE FRANCEZĂ – ENGLEZĂ

LUCRARE DE DIPLOMĂ

Absolvent

Rădescu Andreea

Coordonator

Lector universitar dr. Corina Silvia Micu

Brașov

2016

UNIVERSITÉ TRANSILVANIA DE BRAȘOV

FACULTÉ DES LETTRES

DÉPARTEMENT DE LINGUISTIQUE THÉORIQUE ET APPLIQUÉE

LANGUES MODERNES APPLIQUÉES FRANÇAIS-ANGLAIS

MÉMOIRE DE DIPLÔME

LA POLYSÉMIE ET LES FACETTES SÉMANTIQUES

Candidate

Rădescu Andreea

Conseillère scientifique

Dr. Corina Silvia Micu

Brașov

2016

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

La polysémie joue un rôle important dans la langue, car elle l’aide à évoluer. 80% des mots du vocabulaire français sont polysémiques. Les mots polysémiques sont des mots qui ont plusieurs sens différents. Les mots peuvent avoir aussi des facettes sémantiques qui sont des variations de sens. Ce mémoire de diplôme s’occupe de la différence entre la polysémie et les facettes sémantiques au niveau des noms et des verbes.

J’ai choisi d’étudier cette partie de la sémantique parce que les recherches dans cette direction ne sont pas très fréquentes, notamment dans le dernier temps et parce que je suis intéressée à analyser les plusieurs sens qu’un mot peut avoir.

Le présent mémoire de diplôme est composé de trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous présenterons la définition de la polysémie et de facettes sémantiques. Nous commencerons l’étude à partir de la théorie du Georges Kleiber concernant la polysémie, les facettes sémantiques et les variations contextuelles de sens.

Le deuxième chapitre parle de la polysémie et des facettes sémantiques au niveau des noms. Nous ferons une analyse des contextes différents qui contiennent de noms polysémiques et des facettes sémantiques, en observant la différence entre les deux concepts. Nous verrons comment se manifestent ces deux concepts en liaison avec les sens concrets et abstraits de noms.

Dans le troisième chapitre nous analyseront les verbes polysémiques qui présentent des facettes sémantiques. Nous observerons la différence entre le concept de polysémie et celui de facettes sémantiques, utilisés dans des diverses contextes avec des verbes. Nous allons voir quels types de sens et de polysémie présente les verbes.

Nous avons choisi 21 noms et 12 verbes pour montrer la différence entre la polysémie et les facettes sémantiques (voir Annexe 1) et 149 contextes (voir Annexe 2 et Annexe 3). La conclusion comprend les observations que nous avons pu tirer de l’analyse du corpus.

CHAPITRE 1 : LA POLYSÉMIE ET LES FACETTES SÉMANTIQUES

La polysémie

La polysémie englobe « une pluralité de sens liée à une seule forme et des sens qui ne paraissent pas totalement disjoints, mais se trouvent unis par tel ou tel rapport.» (G. Kleiber : 1999 :55)

Le mot « polysémie » vient du latin « polysēmus » et du grec ancien « polusēmos » qui signifie « qui a beaucoup de significations. » (http://www.cnrtl.fr/etymologie/polysemie-Consulté en ligne)

La polysémie appartient aux relations paradigmatiques qui sont des relations sémantiques. Dans la même catégorie se trouvent : la monosémie , l’homonymie, la synonymie, l antonymie, l’hyponymie et l’hyperonymie).

Un terme monosémique est un mot qui a un seul sens. Les mots monosémiques se trouvent dans le vocabulaire scientifique ou technique, par exemple : dicotylédone , alcaloïde .(Nyckees :1998 :193)

« L’homonymie est une relation paradigmatique qui s’établit entre deux unités lexicales qui ont la même forme mais des signifiés différents. » ( L.Alic : 2006 :88)

Nous ne devons pas confondre la polysémie avec l’homonymie.

Exemples d’homonymie :

avocat (homme de loi) et avocat (fruit)

pompe (chaussure) et pompe (appareil)

voler (dérober) et voler (se déplacer dans les airs)

( Fuchs :1996 :4)

Exemples de polysémie :

la souris (mammifère) et la souris (de l’ordinateur)

tuer (les soldats) et tuer (le temps)

éloigner (mettre ou envoyer loin) et éloigner (séparer) ( L.Alic :2006 :82, 85,86)

La synonymie représente « une relation d’équivalence sémantiques entre deux ou plusieurs unités dont la forme diffère. » ( L. Berthet : 2000 :54)

« L’antonymie est une relation paradigmatique qui se manifeste entre des mots de sens contraire. » (L.Alic :2006 :96)

La relation d’hyponymie s’établit entre des unités lexicales qui entretiennent un rapport d’inclusion ou d’implication. » (L.Alic :2006 :99)

Exemple :

J’ai acheté un bouquet de fleurs pour l’offrir à ma mère.

Le mot fleurs est ambigu parce que nous ne savons pas le type de fleur. Les fleurs pourraient être : des roses, des violettes, des tulipes etc.

Le contexte a un rôle important dans la polysémie.

En ce qui concerne les types de polysémie, nous trouvons :

– la polysémie au niveau des noms, par exemple, le terme atmosphère : humidité de l’atmosphère signifie partie de l’atmosphère terrestre la plus proche du sol qui est le siège des nuages, de la pluie et de la neige pendant que couches de l’atmosphère signifie couche d’air qui entoure le globe terrestre.

-la polysémie au niveau des verbes, par exemple le verbe éloigner : J’ai acheté un produit qui éloigne les moustiques signifie mettre ou envoyer loin, à distance pendant que Chaque jour nous éloigne notre jeunesse. signifie séparer par un intervalle du temps.

-la polysémie adjectivale, par exemple le terme carré,e : plan carré signifie qui forme une quadrilatère dont les angles sont droits et les quatre cotes égaux pendant que épaules carrés signifie larges, robustes .

Les termes   métaphore ,  métonymie  et  synecdoque sont liés à la polysémie.

La métaphore vient du grec « metaphora » et signifie « transport », ça veut dire qu’il s’agit d’un sens qui est changé.

Exemple :

C’est un vrai manche à balai . (C’est une personne maigre)

C’est un grand cheval » (une femme aux traits masculin, peu délicats). ( L.Alic :2006 :111)

La métonymie vient du grec « metônumia » qui signifie « changement de nom ». Elle est fondée sur la contiguïté, c’est-à-dire qu’elle « désigne un objet par le nom d’un autre objet autonome par rapport au premier, mais qui a avec lui un lien nécessaire, soit existentiel, soit de voisinage » (Dictionnaire de rhétorique et de poétique : 1999 :588).

Exemple :

boire du Champagne veut dire boire du vin produit en Champagne

Il a pris son quatre heures signifie Il a pris son gouter de quatre heures . (Alic :2006 :112)

La synecdoque vient du grec « sunekdokhê » et signifie « compréhension simultanée ». Dans le Dictionnaire de rhétorique et de poétique, 1999, la synecdoque est « la figure qui désigne un objet par le nom d’un autre objet avec lequel il forme un ensemble, un tout ».

Exemple :

Une bouche de plus à nourrir. où la bouche signifie une personne.

Mourir par le fer veut dire tué par une arme en fer.

(Alic :2006 : 114)

En ce qui concerne les sens des mots dans la polysémie, M. Bréal a dit que « Le sens nouveau, quel qu’il soit, ne met pas fin à l’ancien. Ils existent tous les deux l’un a côté de l’autre. » (Bréal :1897 :154).

La polysémie joue un rôle important dans la langue parce qu’elle aide la langue à évoluer.

1.1.1.La polysémie par déplacement et métonymie intégrée

La polysémie par déplacement et métonymie intégrée concerne le déplacement du sens vers la référence.

Exemple :

1)Je suis (garé) sur la place.

2)a)Je suis dans l’annuaire de téléphone.

b) Picasso est au Louvre.

(Kleiber :1999 :123)

Ces exemples peuvent être interprétés comme ça :

1’) Ma voiture est (garée) sur la place.

2’) a) Je suis dans l’annuaire de téléphone.

b) Des œuvres de Picasso sont au Louvre.

Pour interpréter ces phrases nous devons faire appel au phénomène de référence indirecte, plus précisément celui de référence indirecte métonymique parce que la relation est une relation de métonymie comme celle qui unit des œuvres ( romans, tableaux..) a celui qui les a créés (auteur, peintre) ( G. Kleiber : 1999 :123).

Un changement de référent à partir de l’existence d’une relation métonymique : dans les exemples 1) et 2), les expressions Je et Picasso ne renvoient plus à leur référent habituel, mais aux référents sujets et objets des énoncés 1’) et 2’) en vertu d’un lien ou fonction pragmatique ou connecteur. qui permet d’utiliser le nom de l’un, le référent déclencheur, pour l’autre, le référent cible, comme dans la règle de G. Fauconnier( 1984 :16) : « Si deux objets(au sens le plus général) a et b sont lies par une fonction pragmatiques F( b=F(a)), une description de a, peut servir à identifier son correspondant b. »

L’omelette au jambon est partie sans payer.( G. Fauconnier : 1984 🙂

Il s’agit de la polysémie fermée chez P.D. Deane et d’un connecteur fermé chez G. Fauconnier « ou c’est une relation entre le référent visé , le client et le référent dénoté par l’expression, à savoir le plat commande par le client, qui permet d’utiliser le nom du plat pour renvoyer au client. » (G.Kleiber :1999 : 124).

Picasso est au Louvre. Il est recouvert de poussière ( il= les tableaux)

Maman, je suis sur la liste (des reçus au baccalauréat). Je suis tout petit. (je=moi)

Dans ces exemples, contrairement au règle 3 de G. Fauconnier, « une connexion métonymique n’est pas suffisante pour assurer le transfert. Tout prédicat qui peut s’appliquer au référent cible ne saurait s’accommoder de l’expression du référent déclencheur. » (G.Kleiber :1999 : 125)

Dans l’exemple: Je suis (garé) sur la place., il y a une relation de contiguïté entre le propriétaire ou conducteur d’une voiture et la voiture garée. Le pronom je renvoie au référent cible, c’est-à-dire à la voiture .« Il faut qu’il y ait une correspondance entre les deux propriétés en jeu et il faut que le prédicat transféré soit une propriété remarquable pour le porteur. » (G.Kleiber :1999 :132)

L’omelette au jambon est partie sans payer. (G.Kleiber :1999 :132)

Ici il s’agit d’un transfert prédicatif où il y a une relation entre les plats commandés et les clients qui les ont commandés.

1.1.2. La métonymie intégrée

Paul est bronzé. (G.Kleiber :1999 :144)

Paul renvoie à la peau et dans cet exemple il y a une relation du type partout-tout.

« C’est d’abord un critère diachronique qui a servi à définir la polysémie. » ( B. Victorri, C. Fuchs :1996 :4)

Les mots polysémiques sont différents d’une langue à l’autre, ils ne coïncident pas. La polysémie et l’ambiguïté ne sont pas la même chose. La polysémie aide à évoluer et enrichir la langue.

La polysémie et la paraphrase n’existent pas l’une sans l’autre. La polysémie représente une seule expression linguistique qui a plusieurs sens et la paraphrase représente plusieurs expressions linguistiques différents qui ont un seul sens. « Deux expressions linguistiques différents sont dites « en relation de paraphrase » si l’on peut remplacer l’une par l’autre dans un certain nombre d’énoncés sans en changer notablement le sens. » (B. Victorri, C. Fuchs :1996 :6) Quand un mot n’accepte pas les mêmes paraphrases dans différents énoncés il est polysémique.

Une expression monosémique ne peut pas être ambiguë, contrairement à une expression polysémique qui dans certains énoncés ambigus, peut être ambigüe.

« La polysémie est la propriété pour une unité lexicale d’être associée à plusieurs sémèmes, possédant au moins un sème commun. » (B. Victorri, C. Fuchs :1996 :25)

Chaque unité polysémique possède un ensemble de sèmes.

Par exemple le mot père peut être décrit par un ensemble de sèmes génériques ( animé, humain, adulte, ascendant, masculin) et par un ensemble de sèmes spécifiques( éducateur, bienveillant, sacre ). (B. Victorri, C. Fuchs :1996 :26)

Une expression polysémique contient deux espaces :

-un espace co-textuel qui est représenté par les différents énoncés dans lesquels peut se trouver l’expression

-un espace sémantique qui est représenté par les différents sens que peut prendre cette expression dans ces énoncés.

La polysémie représente une pluralité de sens. La polysémie de sens peut être :

– sans modification de sens :

quelque chose coule ( Le sujet désigne un liquide) = se déplacer

quelque chose coule ( Le navire coule) = aller au fond de l’eau

-avec modification de construction :

changer quelque chose : changer les rideaux

changer de quelque chose : changer de rideaux

changer quelque chose en quelque chose : changer le plomb en or

changer quelque chose contre quelque chose : changer des florins contre des francs

Dans les dictionnaires, les relations polysémantiques sont marquées avec les notes suivantes : par ext.= par extension ( un sens large du mot), spécialt.= spécialement ( un sens plus étroit du mot) , par anal.=par analogie , par métaph.= par métaphore, méton.= métonymie.

Exemple : Farce

« Petite pièce comique populaire, très simple où dominent les jeux de scène. »

Par anal.  Action réelle qui se déroule comme une farce, a quelque chose. de bouffon. 

Par ext. « Tour plaisant que l’on joue à qqn ».

Par méton. « Objet vendu dans le commerce, servant à faire une farce ».

(Cristea : 2001 : 60)

1.1.3. Ressemblance de famille

La sémantique cognitive explique la polysémie par les mécanismes de la psychologie humaine.

G. Kleiber parle dans l’œuvre « La sémantique du prototype » de la notion de ressemblance de famille en disant que : « il faut et il suffit que chaque membre de la catégorie partage au moins une propriété avec un autre membre de la catégorie. »

L. Wittengenstein dit que les « les membres d’une même famille se ressemblent de plusieurs manières (même trait de forme, couleur de cheveux, d’yeux, même tempérament sans qu’aucune de ces caractéristiques ne se retrouve chez chacun d’eux). » (https://tel.archivesouvertes.fr/file/index/docid/545777/filename/ThA_se_HA_lA_ne_Mazaleyrat_ Vers_une_approche_linguistico-cognitive_de_la_polysemie.pdf Consulté en ligne).

1.1.4. Les ambiguïtés du français

Une expression de la langue qui a plusieurs significations différentes s’appelle ambiguë.

Exemple :

pompe= machine aspirant ou refoulant un liquide ou un gaz

= chaussure (emploi populaire) ( C. Fuchs : Les ambiguïtés du français : 8)

Quand nous rencontrons le cas de polysémie, nous devons être capables de déterminer le sens de l’unité lexicale dans le contexte dans lequel elle est employée.

Exemples d’ambiguïtés dues à la polysémie d’unité lexicale :

Paul recule.

– Il fait un mouvement physique en arrière. ou Il régresse. ?

Votre pantalon, voulez –vous le repasser ?

-lui donner un coup de fer ou le passer ( l’essayer à nouveau ) ?

C’est Jean qui a monté l’escalateur.

-qui a gravi l’escalator ou qui a installé l’escalateur ?

(C. Fuchs : Les ambiguïtés du français : 105)

« Une unité lexicale est dite monosémique si tous ses synonymes sont synonymes entre eux. » « Une unité est dite polysémique si elle n’est ni monosémique ni homonymique, c’est-à-dire si elle admet des synonymes qui ne sont pas synonymes entre eux, mais qui sont toujours reliés par synonymie entre eux à l’aide d’une chaîne de synonymes de l’unité considérée (et différents de cette unité). » (Ploux et Victorri 1998 : 2-3)

Dans le dictionnaire électronique des synonymes (DES,http://elsap1.unicaen.fr/dicosyn.html) on trouve les synonymes suivant pour « livre » :album, atlas, bouquin, brochure, cahier, carnet, fascicule, journal, keepsake, livraison, livret, manuel, manuscrit, matricule, œuvre, opuscule, ouvrage, plaquette, publication, recueil, registre, rituel, tome, travail, volume, écrit, édition. (Représentation géométrique et calcul dynamique du sens lexical : application à la polysémie de livre : Fabienne Venant : 56- https://www.cairn.info/revue-langages-2008-4-page-30.htm -Consulté en ligne).

Les facettes sémantiques

Geoges Kleiber, dans son livre « La polysémie en question », parle du concept de facette sémantique en les appelant « variations de sens ».

J. Pustejovsky a introduit la notion de paradigme conceptuel lexical, cela veut dire que « un même item lexical peut réunir ou agglomérer différents sens de telle sorte qu’il puisse présenter à la fois chacun des sens agglomérés et l’ensemble de ces sens » (G. Kleiber : 1999 : 88). Au mot « fenêtre » on associe un type complexe qui s’appelle pointé pour qu’on puisse interpréter le mot comme « objet physique » ou « ouverture » ou les deux comme dans l’exemple :

J’aime les fenêtres.

Paul est sorti par la fenêtre que Pierre a repeinte.

J. Pustejovsky dit que « il ne s’agit pas véritablement de sens différents, mais d’aspects différents. » Selon D.A. Cruse , le concept de facette « ressemble à la solution de l’agglomérat de types ». Il y a des différences : une « d’essayer d’éviter par là la polysémie » et l’autre « de fournir les moyens nécessaires pour identifier ce concept sémantique nouveau de facettes ». (G. Kleiber, 1999, : 89)

Les trois types de variation de sens sont : l’homonymie, la polysémie et la variation contextuelle. Par exemple :

a) Homonymie : Grève=terrain plat ( forme de sable, graviers) situe au bord de la mer ou d’un cours d’eau.

Grève= cessation volontaire et collective du travail décidée par des salaries pour obtenir des avantages matériels ou moraux

b) Polysémie : John occupe une excellente position à l’Université.

Quelle est votre position sur la légalisation du cannabis ?

c) Variation contextuelle : Notre docteur s’est marie avec une Tahitienne.

Notre docteur est en congé de maternité.

(G. Kleiber, 1999, : 90)

1) C’est un gros livre avec de nombreuses illustrations en couleurs.

2) C’est un livre très dense, difficile à comprendre.

3) Marie a repeint la fenêtre.

4) Paul est sorti par la fenêtre. (G. Kleiber : 1999 : 86)

Il est difficile d’interpréter les énoncés mentionnés au-dessus parce que le réfèrent pour « livre » et « fenêtre » dans 1) et 3) est diffèrent de celui dans 2) et 4). Dans 1) et 3), il s’agit de l’objet concret qui représente un livre ou une fenêtre, pendant que dans 2) le texte ou l’objet informatif et dans 4) l’ouverture pour la fenêtre.

Pour savoir faire la différence entre ces exemples, nous devons tenir compte des aspects suivants : le phénomène de polysémie qui « assigne à livre et à fenêtre deux sens, celui d’objet concret et celui de texte abstrait pour livre et celui d’objet physique et celui d’ouverture pour fenêtre », « l’angle de la référence indirecte et le résout en termes de changement de référent au moyen de fonctions pragmatiques ou d’autres dispositifs mutants » et « le sens et la référence de « livre » et « fenêtre » et la différence d’interprétation observée soit par un procédée d’ellipse qui entraine l’équivalence sémantique entre la phrase ellipse et la phrase non ellipsée, soit par un principe pragmatique général de combinaison prédicative, le principe de de métonymie intégrée. »(G. Kleiber : 1999 : 88)

Pour savoir faire la différence entre les exemples, repris par Kleiber, 1) (renvoie à un objet concret ) et 2) ( renvoie à une entité abstraite )avec « livre », D.A. Cruse introduit la notion de facette. Il dit qu’il y a « une différence de facette sémantique pour le même mot livre : dans 1), c’est la facette [TOME] qui est valide, dans 2), c’est la facette [TEXTE].( G. Kleiber :1999 : 90) 

De l’analyse de D.A. Cruse nous comprenons que « les lexèmes, tout en n’étant pas polysémiques, peuvent néanmoins présenter des composants, les facettes, qui peuvent apparaitre seuls en emploi et donc donner lieu à une variation de sens non polysémique et non simplement contextuelle de l’item. » (G. Kleiber, 1999, : 90).

Comme les sens d’un polysème, les facettes sont autonomes et il y a quatre propriétés qui démontrent cela :

1) « chaque facette doit recevoir une représentation prototypique indépendante »( D.A Cruse : 1996:94), comme ça, « aux deux facettes de livre correspondent deux prototypes différents : les « tomes »(ou volumes) prototypiques et les textes prototypiques ».

2) « chaque facette ‘’peut avoir ses propres relations sémantiques’’(D.A Cruse :1996 :94) ». « Poème est ainsi un hyponyme de [TEXTE], mais non de [TOME] ».

3) « le marqueur (lui)-même, lorsqu’il indique qu’il s’agit exactement de la chose ou de l’être en question, peut s’appliquer à chacune des facettes » : a) Je ne suis pas intéressé par la typographie ou la reliure, c’est le livre( lui)- même qui m’intéresse. ; b) Je ne suis pas intéresse par le contenu, c’est le livre (lui)-même qui m’intéresse.

4) « chaque facette peut agir de façon indépendante comme le point d’attache d’un adjectif, par exemple, ou d’un verbe »( D.A.Cruse :1996 :94), de telle sorte qu’une ambiguïté peut apparaitre dans certains cas : Un nouveau livre= un nouveau [TOME] ou un nouveau [TEXTE]. ].

(G. Kleiber :1999 : 91)

Pour distinguer les facettes de la polysémie, D. A. Cruse dit que « c’est l’unité du concept global dans les facettes ».

Entre la polysémie et la variation contextuelle simple, il y a un type de ‘’sens multiple ‘’. Nous pouvons voir ça dans le champ sémantique des formes d’écrits et dans le secteur des organismes, établissements ou institutions avec des mots comme « banque », « école », « hôpital » où sont actives des facettes comme : [IMMEUBLE], [INSTITUTION] et [PERSONNEL] :

La banque dans la grand-rue a brulé hier soir. [IMMEUBLE]

La banque est très aimable avec moi. [PERSONNEL]

La banque a été créée en 1990. [INSTITUTION].

Nous parlons « d’une nouvelle modalité de sens multiple, les facettes d’un concept global, dont l’originalité est de tenir à la fois de la polysémie, par l’autonomie des facettes, et du sens unique, par le caractère unitaire du tout conceptuel. » (G. Kleiber :1999 : 93)

Les facettes se divisent en catégories sémantiques comme : abstrait, concret, animée, humain. Dans les exemples mentionnés, nous avons pour « banque » la facette [IMMEUBLE] qui est concrète, [PERSONNEL] qui est humaine et [INSTITUTION] qui est abstraite.

« On ne peut pas éviter la multiplication des facettes si on accepte la multiplication des référents . Il n’y a pas de changement de référent de 1) et 2). A chaque fois « livre » renvoie à un même catégorie référentielle. C’est qui est vrai, par contre, c’est que le predicat n’active qu’une zone, en somme qu’une partie du référent global. » (G. Kleiber : 1999 : 98,99)

En ce qui concerne le principe de métonymie intégrée, « une « partie » d’un référent singulier ou collectif permet une assertion sur le référent tout entier (dans sa globalité) ». (G. Kleiber : 1999 : 99)

Paul pèse 100 kilos.

Paul est intelligent.

Dans ces exemples, le référent ne se change pas avec le prédicat : « quoique ne s’appliquant qu’a une facette de Paul,la partie concernée et le prédicat qui s’y applique saillants pour l’individu tout entier. » (G. Kleiber : 1999 : 100)

Les facettes dont nous avons parlé, représentent « des facettes du référent conçu comme une totalité globale, auxquelles peut s’appliquer tel ou tel prédicat sans qu’il y ait pour autant déconstruction du référent(ou déplacement référentiel) ». (G. Kleiber, 1999, : 100)

Il y a une liaison entre la polysémie et les facettes: « chaque lexème polysémantique différent peut avoir ses propres facettes. » ( C.Micu :2011:123).

Le sens de mots qui appartiennent aux facettes est plus clair que le sens de mots polysémiques. Les noms abstraits peuvent se manifester sous deux ou plusieurs facettes comme : [état],[ action],[ qualité],[ sentiment].

Le mot « agitation » peut se manifester sous plusieurs facettes, selon le contexte où il apparaît.

Ainsi, il peut entrer dans la catégorie des noms d’état [-animé] :

[État] de ce qui est parcouru par des mouvements irréguliers : L’agitation de la mer.

[État] d’une personne que des émotions diverses bouleversent.

Exemple :

J'ai été hier chez elle, et je l'ai trouvée dans une agitation qui faisait bien de la peine. Elle marchait à grands pas dans sa chambre, malgré son extrême faiblesse. Sa pâleur était quelquefois remplacée par une vive rougeur qui disparaissait aussitôt. (C. Micu : 2011:129,130)

CHAPITRE II : LA POLISÉMIE NOMINALE ET LES FACETTES SÉMANTIQUES

2.1. La polysémie au niveau des noms et les facettes sémantiques

La polysémie qui se manifeste au niveau des noms représente soit un effacement de sèmes, soit une addition de sèmes qui ont un noyau sémique commun. L’effacement de sèmes donne naissance à l’extension de sens et l’addition à ce qui s’appelle restriction de sens. (L.Alic :2006 :83)

Pour voir comment l’extension de sens se manifeste, nous avons choisi le mot éclairage.

Action, manière d'éclairer la voie publique, les locaux par une lumière artificielle (bougies, lanternes, lampes, etc.): Éclairage au gaz électrique.

Par ext. Distribution de la lumière (naturelle ou artificielle): Le mauvais éclairage des couloirs. (P. Robert)

Le sème [ + artificiel] a été effacé dans le deuxième cas.

Pour la restriction de sens, nous avons choisi le mot gaz.

Tout corps qui se présente à l'état de fluide expansible et compressible (état gazeux) dans les conditions de température normale: Gaz comprimé, gaz raréfié, gaz plus lourd que l'air.

Corps gazeux utilisable pour le chauffage, l'éclairage: Payer la note de gaz.

Dans le deuxième cas, il s’agit d’une addition de sème [ +fonction utilitaire ] qui restreint le sens du mot. ( T. Cristea : 2001 : 61, 62)

En ce qui suit, nous avons quelques exemples de polysémie au niveau des noms et des facettes sémantiques.

1) AIR

Sens concret

Nous avons trouvé deux sens concrets du mot air :

Fluide gazeux, invisible, inodore, pesant, compressible et élastique, qui entoure le globe terrestre et dont la masse forme l'atmosphère; un des quatre éléments de la physique ancienne.

(1) L'air agit chimiquement sur le contenu de la graine et le rend propre à servir de nourriture première à la plante.[…]Les graines doivent être assez recouvertes pour être maintenues humides, et assez peu pour rester sous l'influence de l'air. (Gressent, Traité complet de la création des parcs et des jardins,1891, p. 694)

Le nom air est utilisé dans des syntagmes comme :

N+ Dét.(Aj) où N= air

un air automnal, brumeux, chaud, débilitant, empesté, ensoleillé, frais, marin, maritime, pluvieux, pollué, printanier, pur

N+ prép. + N1

l'air de la campagne, des champs, du jour, du matin, de la mer, des montagnes, de la nuit

Vb.+prép. + N

aspirer, exhaler, expirer, expulser, insuffler de l'air, manquer d'air, renouveler l'air

Mélodie composée pour accompagner les paroles d'un chant.

(2) … mais souvent le bruissement des feuilles emportait l'air avec les paroles. (A. de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines,1911, p. 4)

N+ Dét.(Aj)

un air ancien, un air populaire, célèbre, connu, à la mode

Sens abstrait

Le nom air a aussi un sens abstrait qui signifie :

Apparence, comportement, attitude extérieure d'une personne (maintien, expression des traits…).

(3) La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l'air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mmed'Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide. (G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 183)

N+ Dét.(Aj)

(Avoir) l'air absent, agréable, attentif, fâché, honnête, hypocrite, indifférent, joyeux, maladif, moqueur, naïf, prétentieux, provocant, triste

En analysant les exemples ci-dessus, nous pouvons voir la présence de la polysémie du mot air.

Dans l’exemple (1), le mot air signifie un fluide gazeux qui forme l’atmosphère.

Dans l’exemple (2), le sens du nom air est celui de la musique d’une chanson.

L’exemple (3) contient le sens abstrait du mot air qui signifie l’apparence d’une fille qui paraît sincère et amiable.

Comme nous avons pu constater, le mot air n’actualise pas des facettes sémantiques.

2) BALLE

Sens concret

Objet de forme sphérique généralement élastique et de petite dimension, que l'on utilise dans de nombreux jeux.

Pour démontrer le sens concret du nom balle, on a choisi l’exemple suivant :

(4) La pelote basque se joue en plein air, contre un mur de face, sur une piste cimentée. La pelote ou balle est faite de cordes très serrées, recouvertes de peau de mouton. Elle est élastique au point de rebondir à une hauteur et à une distance inouïes, et dense, au point de ne se déformer que rarement sous le choc. (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 169)

Si on considère le nom balle comme N, alors on trouve des syntagmes comme :

N+ (de) + Dét (N/Aj.)

Balle (de, en) caoutchouc; balle oblique, longue

Vb + (prép.)+art. N

jouer à la balle; (re) lancer la balle (en l'air); (r)attraper la balle; prendre, saisir la balle (au bond); manquer ses balles; (r)envoyer la balle; arrêter, servir la balle; se jeter la balle

Une autre définition pour balle pour son sens concret est :

Petit projectile généralement métallique, de forme sphérique ou oblongue, propulsé isolément par certaines armes de jet (fronde, etc.), par les armes à feu portatives, ou propulsé en nombre par certaines pièces d'artillerie.

(5)… il défait son fusil qu'il portait en bandoulière et lâche deux coups sur Brunel. L'un des deux coups était chargé à balle et blessa le Brunel (…). Le docteur jura qu'il avait oublié que l'un des canons avait une balle. (Stendhal, Lamiel,1842, p. 50)

N+ de+ N1

Balle d'arquebuse, de fronde, de fusil, de mitrailleuse, de mousquet, de mousqueton, de pistolet, de revolver.

Vb+(C.O.D) + prép+ N

Abattre qqn d'une balle, mourir d'une balle, tomber sous les balles de qqn; mériter une balle dans la tête, dans la peau; se tirer une balle dans la tête, dans le cœur.

Le mot balle signifie aussi :

Balle de fourrage. Masse de fourrage sec comprimé mécaniquement pour améliorer sa conservation et faciliter le transport.

(6) On cherche (…) ces fourrages charnus surtout, aux reflets sombres, qui, séchés et pressés, avant d'être expédiés, s'accumulaient en balles grises sous le haut hangar. (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1928, p. 209)

Le nom balle renvoie aux trois sens différents :

Dans l’exemple (4), balle renvoie à un objet sphérique qui est utilisé dans les jeux.

Dans l’exemple (5), balle renvoie à un objet sphérique, en métal qui est propulsé par certains armes de jet.

Dans l’exemple (6), balle renvoie à une masse de fourrage sec.

Comme nous avons pu constater, le mot balle est un mot polysémique qui n’actualise pas des facettes sémantiques.

3) BANQUE

Sens concret

Service public ou privé se chargeant des opérations de dépôt, d'achat, de prêt, de vente, auxquelles peut donner lieu le commerce de l'argent et des titres négociables.

(7)… ils regagnèrent leur logis, échangeant au hasard des remarques tout à fait sans but et sans suite sur la température, le prix inabordable du beurre et du sucre et les déceptions que réserve à l'homme sentimental et généreux le commerce trop suivi de gens qui s'occupent de banque, de commission ou de négoce. (Miomandre, Écrits sur de l'eau, 1908, p. 86)

Si on considère le nom banque comme N, alors on trouve des syntagmes comme :

N+ prép (de) + N1

Banque d'affaires, de dépôts, d'État

N+ Dét (Aj)

banque coloniale, populaire, privée, universelle; la grande, la haute banque. Banques mixtes.

(8) La banque a été créée en 1990. (G. Kleiber, Problèmes de sémantique, La polysémie en question ,1999, p. 93)

Bâtiment où est installée une banque ou une de ses succursales. Aller à la banque :

(9) En remontant la rue de cette petite ville du Sud, rue semblable à des milliers d'autres rues dans toute l'Amérique, avec ses banques de marbre blanc, ses Prisunic écarlates, ses pompes à essence jaunes ou rouges, (…), je me disais que le Sud avait perdu la guerre non en 1865, mais à partir du jour où il a consenti à imiter le Nord. (Green, Journal, 1937, p. 102)

(10)La banque dans la grand-rue a brulé hier soir. (G. Kleiber, Problèmes de sémantique, La polysémie en question ,1999, p. 93)

Ensemble des personnes exerçant une fonction de direction dans les banques.

(11)La banque est très aimable avec moi.( G. Kleiber, Problèmes de sémantique ,La polysémie en question ,1999, p. 93)

Le nom banque présente trois facettes sémantiques, comme on peut observer dans les exemples du Georges Kleiber. La facette [ INSTITUTION] dans l’exemple (8) ,qui est abstraite, la facette [IMMEUBLE] dans l’exemple (10) qui est concrète et la facette [PERSONNEL]dans l’exemple (11), qui est humaine.

Sorte de banc ou de banquette; « espèce de banc triangulaire sur lequel l'ouvrier en peignes travaille, assis à califourchon ».

(12) On était assis sur des banques ou bancs, tantôt élevés, tantôt assez bas, et la table montait et descendait en proportion. (Francois-René de Chauteaubriand , Essai sur la littérature anglaise, t. 1, 1836, p. 41)

Dans l’exemple (12), le mot banque signifie un objet sur lequel on peut s’asseoir.

Sens abstrait

Pour illustrer le sens abstrait du nom banque, nous avons choisi la définition et l’exemple suivant :

Somme dont (à certains jeux de cartes, à la roulette, etc.) celui qui tient le jeu dispose pour payer ceux qui gagnent contre lui.

(13) La banque gagne, la banque perd. (Larousse. 19e, Larousse. Encyclopédie)

Le mot banque est un mot polysémique parce qu’il comprend des sens différents qui renvoient vers des référents différents.

4) BOUTON

Sens concret

Nous avons trouvé quatre sens concrets du mot bouton :

a) Bourgeon peu avancé, petit corps arrondi ou ovoïde poussant sur les arbres, les arbustes et les plantes et donnant naissance aux branches, aux feuilles, aux fleurs et aux fruits.

(14)… souvent ils hésitaient, ne sachant pas distinguer les boutons à bois des boutons à fleurs. Ils s'étaient réjouis d'avoir des fleurs; mais, ayant reconnu leur faute, ils en arrachaient les trois quarts pour fortifier le reste. (Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, t. 1, 1880, p. 41.)

Le mot bouton peut être rencontré dans des syntagmes comme :

N1+prep. +N où N= bouton

Fleur en bouton, bouton de rose.

(15) Et la fleur immortelle est encore en boutons. (Paul Claudel, L'Annonce faite à Marie, 1re version, 1912, p. 100 )

b) Petite saillie arrondie habituellement de couleur rougeâtre apparaissant à la surface de la peau.

N1+de+N

Bouton d'acné, d'Alep, de fièvre, de petite vérole; une éruption de boutons

(16) C'est l'âge ingrat, l'âge de la bourre, une époque de boutons, de furoncles. (François Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 185)

c) Petite pièce le plus souvent circulaire mais pouvant avoir d'autres formes, faite de diverses matières (métal, bois, matière plastique, etc.) servant à la fermeture d'un vêtement ou à son ornementation.

(17) Je ne le pressai pas, sachant bien qu'il est malséant d'entraîner à la psychologie un homme qui n'est pas sûr de ses boutons de chemise ou de ses lacets de chaussure. (Sydonie-Gabrielle Colette, La Naissance du jour, 1928, p. 47)

d) Pièce de vingt francs

(18)[Paye ta bienvenue;] tu vas voir si je ne te fais pas changer un de tes écus, de tes boutons, entends-tu. ( L. Vidal, J. Delmart, La Caserne, mœurs milit., 1833, p. 80 )

Le nom bouton se manifeste sous des quatre sens différents qui appartiennent au sens concret du mot et qui donnent naissance à la polysémie. Le sens a) du bouton signifie un bourgeon, le sens b) est un problème au niveau de la peau qui produit l’acné, le sens c) représente une petite pièce qui aide à fermer les vêtements et le sens d) signifie une monnaie.

Le mot polysémique bouton n’actualise pas des facettes sémantiques.

5) CANARD

Sens concret

Oiseau aquatique palmipède de la famille des Anatidés, à large bec jaune, aux pattes courtes et aux ailes longues et pointues, dont la chair comestible est recherchée.

(19) Quand passent les canards sauvages à l'époque des migrations, ils provoquent de curieuses marées sur les territoires qu'ils dominent. Les canards domestiques, comme attirés par le grand vol triangulaire, amorcent un bond inhabile. L'appel sauvage a réveillé en eux je ne sais quel vestige sauvage. (Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 249)

Tasse à long bec permettant de donner à boire à un malade en position allongée. (en médicine)

(20) Elle lui tendit le « canard », le petit récipient à long col. (J. de La Varende, La Tourmente,1948, p. 156).

Mauvais journal, journal quelconque.

(21) Tous ces ouvriers communistes ou communisants dont je vous parlais, ils achètent volontiers en même temps que L'Huma un journal d'information, mais pas un autre canard politique. (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 130)

Sens abstrait

Petit nom affectif souvent donné à un enfant :

(22) Mon pauvre canard, dès que j'y pense, je tremble de tout mon corps. Je m'étais endormi sur l'herbe. Tu jouais au bord de la fontaine, tu as glissé, tu es tombé, tu criais, tu te débattais, et moi, misérable, je n'entendais rien. (Renard, Poil de Carotte,1894, p. 197)

Nous pouvons voir que le mot canard est polysémique. Il a trois sens concrets et un sens qui est abstrait et il ne présente pas des facettes sémantiques.

Dans l’exemple (19), le mot est utilisé comme canards sauvages et canards domestiques avec le sens d’oiseau aquatique.

Dans l’exemple (20), le mot canard signifie une tasse utilisée en médicine.

Dans l’exemple (21), le mot canard fait référence à un mauvais journal politique.

En ce qui concerne le sens abstrait, canard est utilisé dans le syntagme mon pauvre canard qui est une appellation d’un enfant

6) COUCHE

Sens concret

Lit, endroit préparé pour y dormir.

(23) Grand ou petit, couche ou couchette, le lit est garni, quand il est bon, d'une paillasse, dont l'enveloppe peut être bourrée de foin aussi bien que de paille, puis, au-dessus, d'un matelas de laine et de coton, enfin d'une couette de plumes. (Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis,1942, p. 159)

Linge ou bande absorbante à l'usage des jeunes enfants qui n'ont pas encore le contrôle de leurs fonctions naturelles, servant notamment à préserver la literie.

(24) Comme monsieur Gervais finissait de téter, Marianne s'aperçut qu'il s'était oublié dans sa couche. (Zola, Fécondité,1899, p. 234)

Nous pouvons constater que le mot couche présente des facettes sémantiques :

Dans l’exemple (23), c’est la facette [LIT] qui est valide.

Dans l’exemple (24), c’est la facette [LINGE] qui apparait.

Sens abstrait

Le nom couche a aussi des sens abstraits :

L'accouchement lui-même.

(25) Ma cousine Élisa (…) souffrait depuis quelque temps des suites d'une couche difficile. (Verlaine, Œuvres compl.,t. 5, Confess., 1895, p. 103)

Ensemble de personnes ayant en commun des caractères tels que l'âge, le sexe, la religion, les activités professionnelles ou économiques.

Il y a des syntagmes qui contient le mot couche comme :

N+ (de)+ N1 où N= couche

Couche d'âge, couche sociale, couches laborieuses.

(26) Le public de Zola est un public petit-bourgeois, classes moyennes, « nouvelles couches » comme on disait. (Thibaudet, Hist. litt. fr.,1936, p. 425)

Couches d'air, de l'atmosphère; couches de l'océan.

(27) Le rayonnement cosmique des hautes couches de l'atmosphère. (Goldschmidt, Avent. atomique,1962, p. 237)

Nous pouvons voir la présence de la polysémie du mot couche. L’exemple (25) renvoie à l’accouchement, l’exemple (26) renvoie à une couche sociale et l’exemple (27) renvoie à une couche de l’atmosphère. Ces sens sont différentes de sens concrets du mot couche.

7) DEVOIR

Sens concret

Le sens concret du mot devoir est représenté par la définition suivante :

Association d'ouvriers unis par les liens du compagnonnage.

(28) Au début du XIXe siècle toutes les sociétés de compagnons existantes se rattachaient à l'une ou l'autre de ces deux grandes fédérations : le Devoir de Liberté (Enfants de Salomon); le Devoir ou Saint Devoir de Dieu. (Martin Saint-Léon, Compagn., 1901, p. 88)

Sens abstrait

Impératif de conscience, considéré dans sa généralité, qui impose à l'homme sans l'y contraindre nécessairement d'accomplir ce qui est prescrit en vertu d'une obligation de caractère religieux, moral ou légal.

(29) Le devoir, fils du droit, sous nos toits domestiques Habite comme un hôte auguste et sérieux. (HUGO, Voix intér., 1837, p. 206)

Tâche écrite, de dimension limitée, variant suivant les matières, imposée à des élèves ou à des étudiants en cours de scolarité.

(30) Il [Félix] conservait aussi l'habitude d'écrire son nom avant son prénom au coin de ses longs devoirs calligraphiés. (Malegue, Augustin, 1933, p. 165)

Selon les exemples (29) et (30), on peut remarquer le sens abstrait du nom devoir. C’est un mot polysémique, car le sens de l’exemple (28) est différent de sens des exemples (29) et (30). Dans les derniers exemples, le nom devoir actualise des facettes sémantiques.

Dans l’exemple (29) c’est la facette [OBLIGATION]  qui est présente et dans l’exemple (30) la facette est [TÂCHE ÉCRITE].

8) DOCTEUR

Pour le nom docteur, nous avons trouvé les définitions suivantes :

Celui qui est savant en une matière quelconque et qui cherche à transmettre son savoir, sa sagesse.

(31) Rien n'est plus doux ni plus rare qu'un docteur aimable. C'est une chose divine que d'enseigner avec grâce. (France, Vie littér. 1, 1888, p. 340)

Personne qui a une grande expérience en matière intellectuelle, idéologique, artistique, etc., et qui peut en faire bénéficier autrui.

Le docteur en mélancolie a comme objet de l’observation, la personne qui l’éprouve, observation effectue de l’intérieur. (Conformément à Van de Velde, Le spectre nominal, 1995)

(32) … vous caressez votre douleur comme un petit enfant chéri (…). J'ai passé par là et j'ai manqué en mourir. Je suis un grand docteur en mélancolie. (…). Mais je me secoue comme un homme mouillé et je m'approche de mon art qui me réchauffe. ( Flaubert, Correspondance,1858, p. 271)

Personne ayant obtenu le plus haut grade universitaire (généralement après soutenance d'une thèse d'État). Grade de docteur.

Docteur ès sciences- objet d’étude auxquels on explore toutes les dimensions de l’extérieur.

(33) Je reçus le titre de docteur en droit de l'université de Pensylvanie. (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 460)

On trouve le nom docteur dans des expressions comme :

Docteur en droit, Docteur en pharmacie, Docteur en théologie.

Appellation usuelle du médecin.

(34) Mais le docteur se guérirait vite; hélas Madame, ce sont les médecins qui sont les plus mal soignés. (Sartre, Nausée,1938, p. 65)

Comme nous avons pu constater, le mot docteur actualise des facettes sémantiques.

Dans l’exemple (30), le nom docteur se manifeste sous la facette [SAVANT].

L’exemple (32) présente la facette [SAVANT] . Cette facette représente quelqu’un qui s’y connait, qui avait senti ou ressenti. Le docteur en mélancolie a comme objet de l’observation, la personne qui l’éprouve, observation effectue de l’intérieur.

L’exemple (33) contient la facette [ TITRE UNIVERSITAIRE].

Dans l’exemple (34), on trouve la facette [ MÉDECIN].

9) FENÊTRE

Sens concret

Ouverture pratiquée dans un mur, une paroi, pour faire pénétrer l’air et la lumière à l’intérieur d’un local, et normalement munie d’une fermeture vitrée.

Dans cette qualité d’ouverture dans un mur, le mot fenêtre se trouve dans l’exemple suivant :

(35)… (il n'y a) qu'à monter par-dessus un mur, qu'à grimper par une fenêtre et qu'à passer sous une porte. On en a tant qu'on veut. (Victor Hugo ,Les Misérables.,t. 2, 1862, p. 165)

(36) Marie a repeint la fenêtre. (G. Kleiber , Problèmes de sémantique, La polysémie en question , 1999 : 86)

Le mot fenêtre est utilisé dans des syntagmes comme :

Vb. + (la,une) N où N=fenêtre

Aménager, barricader, boucher, murer, percer une fenêtre; courir, se mettre, se pencher, se précipiter à la fenêtre; regarder, sauter, tomber par la fenêtre

N+ Dét.( Aj)

fenêtre claire, étroite

N+ Dét 1(Aj)

grande, haute, large, petite fenêtre

Vb.+ (la) N

Ouvrir, fermer la fenêtre;

N1+ de+ N où N1 = barreau, espagnolette, verre, vitre

barreau, espagnolette, verre, vitre de/de la fenêtre

Une autre définition, pour le sens concret de la fenêtre, est :

Châssis vitré qui ferme l'ouverture par divers systèmes mécaniques.

(37) Paul est sorti par la fenêtre. (G. Kleiber, Problèmes de sémantique, La polysémie en question, 1999, p. 86)

Au niveau du mot fenêtre, on peut observer la présence de la notion de facette sémantique. L’exemple (36) contient la facette [CADRE ] qui et dans l’exemple (37) est présente la facette [OUVERTURE] .

La fenêtre peut être fermée ou ouverte. Pour la fenêtre fermée, les facettes [ CADRE] et [OUVERTURE] font référence au [matériel] et [objet], tandis que pour la fenêtre ouverte, les deux facettes sémantiques exclurent le [MATÉRIEL] et [OBJET]. 

Sens abstrait

Ouverture permettant une communication avec le monde extérieur, ouvrant de nouveaux horizons et d'autres perspectives.

Pour illustrer son sens abstrait, nous avons choisi l’exemple suivant :

(38) Il importait seulement de bien constater l'insensible déclin d'une congrégation [de l'Oratoire] sage, modérée, polie, qui avait trop de fenêtres ouvertes sur le monde pour que l'air extérieur n'y entrât pas très-aisément. (Sainte-Beuve, Portr. contemp.,t. 4, 1846-69, p. 33)

Nous pouvons dire que le mot fenêtre est un mot polysémique. Il a un sens figuré car il entre dans le syntagme jeter l'argent par les fenêtres qui signifie dépenser beaucoup.

10) FLEUVE

Sens concret

Cours d'eau important, généralement caractérisé par une très grande longueur et largeur, un débit abondant, des affluents nombreux, et qui se jette le plus souvent dans la mer.

(39) … au carrefour de trois vallées qui lui apportent leur liquide tribut, (…) l'humble cours d'eau se transforme en petite rivière. La géographie lui a déjà imposé son nom de fleuve, l'illustre nom qu'il gardera pour porter les imposants bateaux de mer et résister à l'impétueux effort des mascarets. Mais il n'est encore qu'un fleuve adolescent. (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 52)

Le nom fleuve se trouve dans des syntagmes comme :

N + Dét. (Aj) où N = fleuve

Fleuve élargi, immense; fleuve débordé, encaissé, invisible, souterrain; fleuve jaune, noir, rouge

Vb.+ prép. + N

Se jeter, plonger dans le fleuve; descendre au/jusqu'au/vers le fleuve.

Le nom fleuve se combine avec des adverbes qui renvoient à des positions spatiales :

Adv. + N

Au(x) bord(s)/au-dessus/au fil/au long/au milieu/au travers/au voisinage du fleuve; de l'autre côté du fleuve; sur les bords du fleuve.

Sens abstrait

Ce qui suit un cours régulier, paisible; ce qui se développe continûment, avec ampleur.

N+ de+ N1 où N= fleuve

Fleuve d'éloquence, d'oubli, de paix.

(40) … ma vie avait une direction. Elle n'était plus éparse comme un troupeau sans loi, mais ramassée, orientée. Un fleuve, et non plus un marécage. Un chant grave et plein, après des clameurs discordantes. (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 191.)

Le mot fleuve a deux sens : un sens concret et un sens abstrait.

L’exemple (39) contient le sens concret du mot. Le référent fleuve renvoie à un cours d’eau d’une largeur et longueur grande, qui coule parfois dans l’eau.

Dans l’exemple (40), le nom fleuve est utilisé avec son sens abstrait. Ici, fleuve signifie la vie d’une personne qui se déroule.

Ces exemples montrent la polysémie du mot fleuve. Celui-ci n’actualise pas des facettes sémantiques.

11) LENTILLE

Sens concret

a) Plante herbacée annuelle (de la famille des Légumineuses papilionacées), principalement représentée par la variété Ervum lens, aux gousses plates, à petites graines discoïdes, généralement brunâtres.

(41) La lentille est généralement peu cultivée dans le potager; c'est à tort car elle fournit un assez bon légume sec pour l'hiver, et un fourrage précieux. ( Alfred Vincent Gressent, Le Potager moderne , 1863, p. 791 )

b) Graine comestible de cette plante, utilisée comme légume sec.

Le mot lentille se trouve dans des syntagmes comme :

N+ Dét (Aj) où N= lentille

Lentille blonde, rouge; lentille verte du Puy

N1+ aux/ de + N

soupe aux lentilles; purée de lentilles

(42) Maman posa sur la table le plat de lentilles avec une saucisse. (Georges Duhamel, Le Notaire du Havre,1933, p. 34)

Le mot lentille a encore un sens qui signifie :

c) Pièce de verre ou d'une substance transparente réfringente, généralement de forme arrondie et limitée par deux surfaces courbes (ou l'une plane et l'autre courbe).

N+ Det ( Aj) où N= lentille

Lentille convergente (lentille biconvexe, plan-convexe); lentille divergente (lentille biconcave, plan-concave)

(43) Ses souvenirs le pressent, mais groupés au même point de la mémoire, ainsi que les rayons lumineux au foyer de la lentille. ( Georges Bernano, Soleil Satan, 1926, p. 154 )

Comme on peut voir, les sens du mot lentille dans les exemples (41), (42) et (43) sont différents, d’où la présence de la polysémie. Le sens c) où le nom lentille signifie une pièce de verre est diffèrent de sens a) et b) qui définissent le mot comme une plante et une légume.

Les facettes sémantiques ne sont pas présentes au niveau du mot lentille.

12) LIVRE

Sens concret

Assemblage de feuilles en nombre plus ou moins élevé, portant des signes destinés à être lus. Ouvrage écrit (le plus souvent d'un seul côté) sur un support varié et se présentant sous la forme d'un rouleau.

Pour cette définition, nous avons choisi l’exemple suivant :

(44) C’est un gros livre avec de nombreuses illustrations en couleurs. (G. Kleiber , Problèmes de sémantique, La polysémie en question , 1999 : 86)

Sens abstrait

Le nom livre a aussi un sens abstrait qui signifie :

Ouvrage en vers ou en prose, d'une certaine étendue.

(45) L'ouvrage de M. Nisard est un livre; il se publie de nos jours bien des volumes; il y a peu de livres; il y a bien des assemblages faits de pièces et de morceaux, il est très-peu de constructions qui s'élèvent selon un plan tracé et sur des fondements qui leur soient propres. (Charles Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 15, 1851-62, p. 207)

(46) C’est un livre très dense, difficile à comprendre. (G. Kleiber , Problèmes de sémantique, La polysémie en question , 1999 : 86)

Ici on peut observer la présence de la facette sémantique parce que le mot livre se manifeste sous des variations de sens.

Dans l’exemple (44), il y a la facette [ TOME] qui signifie livre comme objet concret, tandis que dans l’exemple (46), c’est la facette [ TEXTE] qui apparait , cela veut dire que livre signifie le texte qui est difficile à comprendre.

Le mot livre est aussi un mot polysémique selon les différences de sens qu’il présente.

13) MÈRE

Femme qui a mis au monde, élève ou a élevé un ou plusieurs enfants.

(47) La femme est faite pour être mère: c'est sa fonction dans la nature et dans la société; tout ce qui ne sert pas à cette fonction est un hors-d'oeuvre. (Ménard,Rêv. païen, 1876, p.112)

Mère adoptive, d'adoption. Femme ayant obtenu le statut de mère par un acte légal lui ouvrant des droits identiques à ceux d'une mère naturelle; p. ext. personne que l'on considère un peu comme sa propre mère.

(48) Un mariage lui acquérait le droit de vivre avec sa tante, la duchesse de Verneuil, soeur du prince de Blamont-Chauvry, qui pour elle était une mère d'adoption. (Balzac,Lys, 1836, p.60)

Mère nourrice, nourricière. Femme ayant élevé au sein un ou plusieurs enfants autres que les siens.

(49) Toute science ne s'acquiert que par l'expérience. Enseigner aux enfants la vertu par la théorie de la morale, c'est leur enseigner à parler par la grammaire, et à marcher par les lois de l'équilibre: sur tous ces points, leurs mères nourrices leur feraient faire plus de progrès que tous les professeurs des académies. (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p.283)

Celle, ce qui est à l'origine des êtres ou des choses ; Ève, mère du genre humain.

(50) Elle n'est pas la première à qui ça arrive, depuis notre mère Ève. (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Père Amable, 1886, p.216)

Mère, mère universelle. La nature.

(51) Nature! Abri de toute créature! Ô mère universelle! indulgente nature!(Hugo,Voix intér.1837,p.290)

Le nom mère est un mot qui présente des facettes sémantiques.

Dans l’exemple (47), il y a la facette [QUI DONNE NAISSANCE].

Dans l’exemple (48), c’est la facette [ QUI ÉLEVE UN ENFANT] qui apparait.

L’exemple (49) présente la facette [NOURRICIÈRE].

Dans l’exemple (51) le mot mère présente la facette [CRÉATRICE].

14) MINUTE

Sens concret

Première rédaction (d'un texte, d'un document officiel) qu'on se propose de mettre au net, de recopier. Minute diplomatique.

Dans cette qualité de première rédaction d’un texte, on trouve le mot minute dans l’exemple suivant :

(52) Lucien feuilletait la minute du ministre, qui avait douze pages. «Pour tout au monde, mon père ne lirait pas un rapport aussi long (…) (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.22)

Sens abstrait

Unité de temps égale à la 60e partie de l'heure (abrév. mn, m (s'il n'y a pas d'ambiguïté) ou (récent) min.).

(53) Vous n'avez plus que demain. − Eh bien! Mais le jour se compose de vingt-quatre heures, chaque heure se compose de soixante minutes, chaque minute de soixante secondes; en quatre-vingt-six mille quatre cents secondes on fait bien des choses. (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.468)

Si on considère le nom minute comme N, alors on trouve des syntagmes comme :

Vb.+ nombre/numéral cardinal + N

Accorder, donner x minutes (à qqn, pour faire qqc.), consacrer x minutes (à qqc.), disposer de x minutes (pour faire qqc.), mettre, passer x minutes (pour faire qqc.), perdre x minutes; passer x minutes (avec, chez qqn); qqc. dure, prend x minutes; attendre x minutes

Prép. + N

au bout de, dans, depuis, en, pendant, sous x minutes

(Très) petit intervalle de temps.

(54) Qu'est-ce qu'il faut, Mamzelle Claire? − L'omelette, bien vite. − Dans une minute, mamzelle. (Maupass., Contes et nouv., t.2, Marquis de F., 1886, p.68)

Vb +prép.+ N

Attendre, arriver dans une minute; finir (qqc.) dans une minute

Moment de la vie d'un individu, d'un groupe social, remarquable par son contenu affectif, par l'importance qu'on y attache.

(55) Mais les moments sont précieux, sire. Il m'a fallu cinq ans pour obtenir cette minute…Faites qu'elle ne soit pas perdue. (Dumas père, Napoléon, 1831, ii, 4, p.149)

N+ Dét. (Aj)

Minute affreuse, déchirante, fatale, horrible, irréparable, pathétique, tragique; minute délicieuse, divine, exquise; minute impérissable, inoubliable, précieuse, privilégiée; minute décisive, importante, solennelle

Analysant les exemples (52), (53), (54) et (55), nous avons constaté que le nom minute est un mot polysémique et qu’il a des facettes sémantiques. Le sens du mot dans l’exemple (52) est différent de sens du mot dans les autres exemples.

Dans l’exemple (53), minute présente la facette [UNITÉ DE TEMPS].

Dans l’exemple (54), minute présente la facette [TEMPS COURT].

Dans l’exemple (55), minute présente la facette [MOMENT REMARQUABLE].

15)MONTAGNE

Sens concret

Forme de relief consistant en élévations importantes de terrains, résultant d'un soulèvement du sol et caractérisée par une forte dénivellation entre sommets et fonds de vallées.

Dans cette qualité de forme de relief, on trouve le mot « montagne » dans l’exemple suivant :

(56) Laissant de côté les «horst», volcans et autres montagnes du profane qui, malgré parfois deux ou trois milliers de mètres d'altitude, ne présentent pas grand intérêt tectonique, étudions sommairement les chaînes plissées qui sont les vraies montagnes de géologues. (Charles Combaluzier, Introduction à la géologie. 1961 p.134)

Si on considère le nom montagne comme N, alors on trouve des syntagmes comme :

N+ Dét ( Aj) où N=montagne

Belle, grande, haute, petite montagne; montagne alpine, aride, dégagée, élevée, granitique, lointaine, moyenne, neigeuse, voisine;

N1+de+ N

cirque, crête, groupe, ligne, massif, sommet, système de montagnes;

prep+ (adv ,de)+ (la) N

en haut, en bas, au milieu, au pied de la montagne; sur la montagne

Sens abstrait

Amoncellement d'éléments de tous ordres, matériels ou non, que l'on compare par exagération à une montagne.

Pour illustrer son sens abstrait, nous avons choisi l’exemple suivant :

(57) [Beyle] avait connu de très près, noté, percé, raillé les sottises et les vertus des hommes en place; observé quelquefois leur vénalité, toujours leur soif de l'avancement, (…) leur goût des phrases et de l'importance, les embarras qu'ils se faisaient et qu'ils faisaient; leur courage incroyable devant ces montagnes de dossiers, ces colonnes de nombres qui écrasent l'âme, sans enrichir l'intellect… (Paul Valéry, Variété II, 1929, p.81)

Nous pouvons le rencontrer dans des expressions comme :

N+ de+ N1 où N1= bagages, billets, lettres

Montagne de bagages, de billets, de documents, d'immondices, de lettres, de mots, de nourriture, de paquets; montagnes d'angoisses, de souffrances, de souvenirs.

(58) Je reçois des montagnes de livres et des avalanches de lettres. Il y a là-dedans bien des choses que nous eussions lues au dessert, tu sais. ( Victor Hugo, Correspondance., 1864, p.462)

On peut observer que la polysémie se manifeste au niveau du mot montagne par les deux sens

qu’il a.

Dans le premier cas, montagne représente une forme de relief, c’est-à-dire une élévation naturelle du sol.

Dans le deuxième cas, le sens abstrait de la montagne signifie un grand nombre (de livres).

De ce que nous avons pu constater, le nom montagne n’actualise pas des facettes sémantiques.

16) ORANGE

Sens concret

a) Fruit comestible du genre citrus, à pulpe très juteuse, divisée en cloisons et en loges, au jus jaune et parfois rouge, à l'écorce d'un jaune tirant sur le rouge.

(59) Dans les cours des maisons, on improvisait des cabanes décorées de fleurs en papier, de citrons, de cédrats et d'oranges de Jaffa. (Tharaud, An prochain, 1924, p.265)

Si on considère le nom orange comme N, alors on trouve des syntagmes comme :

N1+ de+ N

Écorce, pépin, pulpe, quartier, zeste d'orange; caisse d'oranges; confiture, jus, marmelade d'orange(s)

Vb. + N

Éplucher, peler une orange;

b) Teinte orange. Peindre en orange.

(60) Depuis un temps immémorial, les marchandes d'oranges exposent leurs fruits sur du papier bleu: c'est que le bleu est la couleur diamétralement opposée à l'orange, et par conséquent la plus propre à faire ressortir cette teinte. (Mérimée, Mél. hist. et littér., 1855, p.352)

Comme nous avons pu constater, le nom orange a deux sens.

Dans l’exemple (59), le mot orange a un sens concret qui signifie un fruit qui est comestible.

Dans l’exemple (60), on peut voir que le nom orange a un sens abstrait qui signifie une nuance qui est semblable à celle du fruit et qu’on peut la percevoir avec la vue.

Selon les exemples ci-dessus, nous pouvons affirmer que le nom orange est un mot polysémique qui n’actualise pas des facettes sémantiques.

17) PLUME

A. Sens concret

Appendice tégumentaire, se composant généralement d'un tuyau épais, prolongé par une tige effilée, garnie de barbes latérales, et qui, recouvrant l'oiseau en grand nombre, le protège et lui permet de voler.

Pour le sens de appendice tégumentaire, le mot plume apparait dans l’exemple suivant :

(61) Il y avait de longues plumes noires de dinde et des plumes d'oie, blanches et lisses, (…) des plumes légères de poules, dorées, bigarrées (…). Les plumes étaient vivantes encore, tièdes d'odeur. Elles mettaient des frissons d'ailes, des chaleurs de nid, entre leurs lèvres. (Emil Zola, Ventre Paris, 1873, pp.772-773)

Le nom plume a une autre définition qui signifie :

Instrument dont la pointe, enduite d'encre, permet d'écrire, de dessiner. Grosse plume d'oiseau (oie, corbeau, etc.) au tuyau taillé en pointe et fendu à son extrémité.

(62) La plume taillée dans une penne de corbeau peut tracer des lignes d'une extrême finesse et la plume d'oie, taillée à bout carré et présentée de biais, permet d'obtenir un trait simple d'épaisseur uniforme. (S. Collins-Rosetds, Écriture et enluminure en Lorraine au Moy. âge, Nancy, éd. Th. Alix, 1984, pp.6-7)

Le mot plume apparait dans des expressions comme :

N + de+N1 ou N= plume

Boa, toque de plume(s); bouquet, couronne, panache de plumes; éventail de plume(s), en plumes.

Sens abstrait

Nous pouvons voir qu’il a aussi de sens abstraits :

Chose ou personne qui représente un élément décoratif à la manière des plumes, qui orne au physique ou au moral.

(63) Parcouru mes lettres à Trebutien, −collection qui doit être la plus belle plume de mon aile, si je dois devenir un oiseau glorieux (…). Le meilleur de moi est dans ces lettres. (Barb. D'Auvr.,Memor. 3, 1856, p.51)

Caractère de l'écriture, manière de former les lettres. Avoir une belle plume.

(64) M. Nivardet a une assez belle écriture et il fait le faux dans la perfection, imitant toutes les mains, depuis l'anglaise jusqu'à la ronde bâtardée. Un amour de plume, quoi! (Ponson Du Terr.,Rocambole, t.1, 1859, p.83)

Fait d'écrire contre rémunération; métier d'écrivain ou travail des écritures.

(65) J'entre dans une sphère bouillante de travail pour obliger un de mes éditeurs qui poursuit un succès, j'ai des engagements de plume effrayants. (Balzac,Corresp., 1844, p.721)

On peut constater que le nom plume a un sens concret et un sens abstrait et qu’il est un mot polysémique.

Les exemples (61) et (62) illustrent son sens concret où le mot plume représente une penne des oiseaux et une penne des oiseaux utilisée pour écrire.

Les exemples (63), (64) et (65) démontrent le sens abstrait du mot plume. Dans l’exemple (64), plume représente l’aspect de l’écriture tandis que dans l’exemple (65), plume signifie l’écrivain.

On peut remarquer que le nom plume n’actualise pas des facettes sémantiques.

18) POSITION

Lieu où est placée une chose, une personne, par rapport à un ensemble.

(66) Il parcourut les pièces où régnait une température polaire en grondant des choses folles à propos (…) de la position des fenêtres. (Duhamel,Désert Bièvres,1937, p.92)

Emplacement d'un terrain, d'une construction ou d'un ensemble de constructions, considéré le plus souvent par rapport à la commodité ou à l'agrément qu'il peut procurer.

(67) Le bonheur d'une vie tranquille et où tout semble fait à souhait: un joli château dans une position pittoresque, beaucoup d'aisance, une bonne femme, trois jolis enfants. (Stendhal,Amour,1822, p.282)

Situation d'un individu dans la société pour ce qui concerne le rang, la fonction, l'état de la fortune.

On trouve le mot position dans des syntagmes comme :

N+ Dét.( Aj) où N= position

Position élevée, inférieure; une position officielle, sociale

(68) L'observateur (…) aura à mesurer la façon dont les individus, selon leur position sociale, participent à la culture globale. (Traité sociol., 1968, p.392)

Manière de disposer son corps ou une partie de son corps.

Vb.+ prép. + N

Prendre la position, assise, debout, horizontale, verticale; dormir dans la position dorsale, ventrale

(69) [La scoliose] est surtout produite par les mauvaises positions des enfants pendant les exercices d'écriture. (Macaigne,Précis hyg.,1911, p.182)

Manière dont une chose est placée, disposée.

N+ Dét.( Aj)

Position basse, haute, intermédiaire; position horizontale, verticale, inclinée; position relative

(70) Il indique le bouton (…) qui déclanche la crémaillère qui permet de modifier à volonté la position du dossier. (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 19, p.22)

En analysant les exemples, nous pouvons observer que le mot position se manifeste sous plusieurs facettes sémantiques.

Dans l’exemple (66), c’est la facette [EMPLACEMENT]  qui est valide.

Dans l’exemple (67), c’est la facette [EMPLACEMENT] qui est présente.

Dans l’exemple (68), on observe la polysémie du mot position parce qu’il a un sens abstrait qui signifie hiérarchie.

Dans l’exemple (69), le mot position a la facette [ MANIÈRE DE DISPOSER SON CORPS /UNE PARTIE DE SON CORPS] qui est concrète.

L’exemple (70) contient la facette [MANIÈRE DE DISPOSER UN OBJET /UNE PARTIE DE L’ OBJET] qui est concrète.

 Le mot position est un nom polysémique qui actualise des facettes sémantiques.

19) SOURIS

Sens concret

Le nom souris renvoie aux deux référents différents :

a) Petit mammifère rongeur omnivore de la famille des Muridés dont l'espèce commune ou souris domestique (mus musculus) mesure de 8 à 10 cm, possède un pelage gris, une longue queue, de grandes moustaches, un museau pointu, et peut, par ses facultés extrêmes d'adaptation et de reproduction, causer de nombreux dégâts dans les habitations.

(71) La bête attrapée se sauve; il la rattrape, après l'avoir laissée aller; il lui laisse de l'avance, la souris se croit sauvée; en deux bonds, il est dessus; puis la lâche encore, se détourne, fait semblant de ne plus la voir, de l'avoir oubliée. La souris fait dix pas, elle est reprise. (Edmond de Goncourt, Journal de Goncourt, 1862, p. 1137 )

b) Périphérique d'entrée relié à l'ordinateur par un cordon et permettant, en guidant le déplacement du curseur sur l'écran, de sélectionner une commande ou une option, sans passer par le clavier de l'ordinateur.

(72) Le MacIntosh, nouvel ordinateur domestique lancé par Apple, possédera une « souris », petit périphérique permettant de visualiser sur l'écran les fonctions à réaliser. (L'Express, 27 janv. 1984, p. 41, col. 3)

Les exemples (71) et (72) montrent la polysémie du mot souris. Dans l’exemple (71) souris signifie le petit animal tandis que dans l’exemple (72) le nom souris renvoie vers le sens d’une partie composante de l’ordinateur.

On peut constater qu’il s’agit d’un mot polysémique qui n’actualise pas des facettes sémantiques.

20) STYLE

Sens concret

Poinçon généralement de métal ou d'os, utilisé dans l'Antiquité et au Moyen Âge pour écrire sur des tablettes enduites de cire.

Pour cette définition du mot style, nous avons choisi l’exemple suivant :

(73) C'était une tablette à écrire, d'où pendait un style d'argent. La cire en était presque toute usée, mais on avait dû repasser plusieurs fois les mots tracés. (Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 35)

Instrument métallique pointu servant à dessiner, inscrire, inciser quelque chose.

(74) Dans les appareils à stencil] l'opérateur écrit, avec un poinçon métallique ou d'agathe, sur une feuille de papier ciré (…). La pointe du style (…) dessine les caractères par une quantité de perforations. (Pethoud, Organ. industr. et comm., 1931, p. 188)

Sens abstrait

Mode d'expression verbale qui est spécifique de tel genre ou sujet littéraire, qui correspond ou non à certaines normes formelles.

(75) Il est un style qui n'est que l'ombre (…), le dessin de la pensée; (…) [il] convient à la métaphysique, où tout est vague et étendu, et aux sentiments de piété, qui ont quelque chose d'infini. (Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 63)

Le nom style est utilisé dans des syntagmes comme :

N+ Dét.( Aj) où N= style

Style littéraire, oratoire, parlé; style admirable, exquis, médiocre; style didactique, énergique, pur; style allégorique, artiste, emphatique, épique, fleuri, lyrique, familier, naturel, biblique, chrétien

N1+ du+ N +(de)

beauté, charme, élégance, grâce(s), magie, négligence, perfection, pureté, qualité, raffinement, recherche du style (de).

Ensemble des moyens d'expression (vocabulaire, images, tours de phrase, rythme) qui traduisent de façon originale les pensées, les sentiments, toute la personnalité d'un auteur.

N+ de+ N1

Style d'un auteur, d'un poète;

(76) Le caractère de l'homme (…) est son style. Dans le style de Dante, ferme, presque sans épithète, amer et mystique, qui ne sent le gibelin dévot? Dans celui de Montaigne, l'homme heureux, oisif, curieux et paisiblement soigneux de son éloquence (…)? (Vigny, Journal poète, 1854, p. 1317)

Ensemble des traits esthétiques qui caractérisent les œuvres d'une école, d'une nation, d'une époque et qui permettent de les dater, classer, évaluer.

(77) L'architecture monastique (…) passa successivement par toutes les variations de formes qui caractérisent les cinq grandes divisions de l'art chrétien: style latin, style byzantin, style roman, style ogival, et style classique ou de la renaissance. (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. xvi)

Dans cette qualité d’ensemble des traits esthétiques, on trouve le mot style dans des syntagmes comme : Style ancien, barbare, baroque, colonial, décoratif, grec, rétro, rocaille, rococo, rustique, troubadour; style Henri II, Louis XIII, Louis XIV

Selon les définitions et les exemples ci-dessus, nous pouvons remarquer la présence des facettes sémantiques et de la polysémie du mot style.

Pour le sens concret, le nom style a dans l’exemple (73) la facette [INSTRUMENT POUR ÉCRIRE] et dans l’exemple (74) la facette [ INSTRUMENT POUR DESSINER].

Les exemples (75), (76) et (77) contiennent le sens abstrait du mot style. Dans l’exemple (75), le mot est utilisé dans le domaine du langage, dans (76) style signifie la façon propre d’écriture d’un auteur et dans (77) le mot est utilisé dans le domaine d’architecture.

21) VUE

Sens par lequel on perçoit la lumière, la forme, la couleur, la position des objets.

(78) On ne parvient pas tout d'un coup à juger par la vue de la résistance que le toucher doit éprouver; cet art demande quelques expériences (Laclos, Éduc. femmes, 1803, p. 46)

Si on considère le nom vue comme N, alors on trouve des syntagmes comme :

Vb. (avoir) + Dét (Aj.) + N

Avoir une bonne/mauvaise vue

N+ Dét. (Aj.)

Vue affaiblie, courte, perçante.

Ce qui est vu. Espace, paysage que l'on découvre du lieu où l'on se trouve.

Dans cette qualité de paysage on trouve le mot vue dans l’exemple suivant :

(79) Une fenêtre percée de l'autre côté de la maison (…) donne sur une autre vue . (Proust, Fugitive, 1922, p. 682)

Le nom vue signifie aussi : Carte postale

(80) Il ne pouvait s'empêcher de juger ridicule, à part soi, qu'on m'interdît d'acheter pour mes camarades des crayons de couleur et des vues de Cracovie. (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 320)

Faculté de se représenter mentalement quelque chose, de percevoir par l'esprit.

N+ de + N1

Vue de l'esprit, de l'âme; vue intellectuelle.

(81) À mesure que la belle femme blanche perdait ses principaux traits dans ma vue intérieure, je devenais excessivement triste (Jouve, Scène capit., 1935, p. 177)

Comme nous avons pu constater, c’est difficile de distinguer les sens du mot vue. Celui-ci est un nom polysémique qui se trouve entre le sens concret et le sens abstrait.

L’exemple (78) présente la facette [ SENS EXTERIUER] qui est concrète, tandis que l’exemple (81) présente la facette [ SENS INTERIUER] qui est abstraite.

CHAPITRE III : LA POLYSÉMIE VERBALE ET LES FACETTES SÉMANTIQUES

3.1. La polysémie au niveau des verbes et les facettes sémantiques

En ce qui concerne la polysémie verbale, il s’agit d’une désambiguïsation du sens d’un verbe polysémique. Cette désambiguïsation est réalisée par l’environnement syntagmatique ou actanciel. (Conformément à L. Alic :2006 : 85)

L’actant sujet peut être animé ou non-animé.

Exemple : annoncer

Je lui ai annoncé la bonne nouvelle. [S+ humain]

Son regard n’annonçait rien de bon. [ S-humain] [+animé] (L. Alic :2006 :85)

L’environnement syntagmatique contient des compléments avec lesquels un verbe se construit.

Par exemple, le verbe tuer :

Tuer+ Complément d’objet direct [ +anime], [+concret]

Il a tué quelques soldats ennemis.

Tuer+ Complément d’objet direct [-anime], [-concret]

Je suis allé prendre un café pour tuer le temps. (L. Alic :2006 :85)

La polysémie verbale peut être interne quand le sémème du verbe est modifié ou externe, quand les actants sont modifiés, pas le sens du verbe.

Pour montrer la polysémie interne, nous avons choisi le verbe garer. Il a un sens propre ou un sens figuré :

Sens propre :Garer un véhicule, le rentrer dans un garage ou dans un endroit aménagé, ou le ranger à l'écart de la circulation.

Garer sa voiture au bord du trottoir.

Sens figuré :

Garer sa fortune= le mettre en lieu sûr

Garer les meubles= sauver son bien.

Pour la polysémie externe, nous avons choisi le verbe transmettre où l’actant implique : un sujet(source), un objet direct (objet de la transmission), un objet indirect (but, un destinataire, ou un espace).

Transmettre un héritage à qqn. ( léguer )

Transmettre son autorité, son pouvoir (déléguer )

Transmettre un message à qqn. (faire parvenir )

Transmettre une information, une nouvelle. ( communiquer )

Transmettre une maladie. (contaminer )

Transmettre le son, l’électricité, le mouvement. (conduire )

( T. Cristea : 2001 : 63, 65)

En ce qui suit, nous avons quelques exemples de polysémie au niveau des verbes et des facettes sémantiques.

1)ABOYER

Sens propre

Le verbe aboyer a un actant sujet qui est soit un animal, soit une personne comme nous pouvons voir dans les exemples ci-dessous :

Émettre son cri le plus habituel consistant en un bruit sonore et bref, généralement répété par saccades. [Le sujet est un nom désignant un chien ou un animal de la même famille]

(1) Aux champs, au fond des terres même, l'absence de bruits n'est jamais entière. Un chien aboie, un taureau mugit de désir en rôdant, une bête maraudeuse jette son cri de chasse.( J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 1, 1925, p. 182)

Reproduire volontairement ou involontairement le cri du chien; prononcer des paroles violentes et incohérentes. [En parlant d'une pers.]

(2) Moi, j'use d'une autre recette que j'ai apprise dans mes livres. Je dis, mais tout bas, à part moi : Messieurs, ne vous gênez point; criez, aboyez tant qu'il vous plaira. (P.-L. Courier, Lettres de France et d'Italie,1810, p. 825)

Sens figuré 

Le langage ou le sentiment humain.

(3) Il est devenu complètement apoplectique et sa parole tudesque, comme étranglant de colère par moments, aboie contre l'ineptie, les bourdes, l'ignorance de ses confrères, qu'il accuse d'avoir fait la guerre, qu'il accuse de l'avoir rendue si fatale.

Dans le domaine militaire : l'explosion de grenades, obus, etc. sur le champ de bataille.

(4) Je distingue, près de moi, la silhouette de Mesnil Joseph qui, tout debout, sans chercher à se dissimuler, se dirige sur le point où des suites saccadées d'explosions aboient. Une détonation jaillit d'un coin de la tranchée, entre nous deux. (E. et J. de Goncourt, Journal,janvier 1871, p. 728)

Comme nous pouvons remarquer, le verbe aboyer est un verbe qui actualise des facettes sémantique et un verbe qui a des sémèmes différents, donc il est polysémique.

Les exemples (1) et (2) présentent les facettes du verbe. L’exemple (1) contient la facette [BRUIT DE L’ANIMAL] et l’exemple (2), la facette [FACON DE PARLER D’UNE PERSONNE]. 

Dans l’exemple (3), le verbe aboyer est utilisé avec un sens figuré ou a le sens de crier contre l’ineptie, les bourdes.

2) AFFECTER

Pour le verbe affecter nous avons trouvé 5 sens du mot pout montrer sa polysémie dans le livre Pour une cartographie de la polysémie verbale de Jacques François.

I Toucher- Produire un effet sur quelqu'un ou quelque chose de manière à y déterminer une action ou une modification.

(5) La nouvelle du naufrage a affecté tous les présents. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale,2007, p124 )

II Simuler- Adopter (une attitude) avec un certain degré d'ostentation et parfois d'insincérité.

(6) Paul affecte la gaieté, mais en fait il est soucieux. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale,2007, p124 )

III Montrer- Montrer une grande prédilection pour, s'intéresser vivement à.

(7) Le juge affiche un intérêt particulier pour le nouveau témoignage. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale, 2007, p124 )

IV Attribuer- Attribuer (une fonction à qqc.)

(8) Le gouvernement envisage d’affecter une taxe aux spéculations boursières. (Jacques François, Pour une cartographie de la polysémie verbale, 2007, p124 )

IV Nommer- Le placer, par une décision consécutive à un examen de la situation, dans un emploi, dans une fonction spécialisée.

(9) Le ministre a affecté le proviseur dans un nouveau lycée. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale, 2007, p124 )

Comme nous avons pu constater selon les exemples ci-dessus, le verbe polysémique affecter a des sémèmes qui sont changés, donc il s’agit d’une polysémie externe.

APPELER

Dans le cas du verbe appeler, nous pouvons distinguer plusieurs sens :

S'adresser à quelqu'un en vue d'un certain résultat.

(10) J'ai passé la nuit près de lui : il a prononcé souvent votre nom; il vous appelait; il a aussi prononcé le nom de sa sœur, m'a donné un paquet pour elle, écrit avant qu'il fût si mal. (Mmede Krüdener, Valérie,1803, p. 269)

Faire comprendre à quelqu'un à haute voix (ou par quelque autre moyen de communication immédiatement perceptible) qu'on lui demande de venir auprès de soi.

(11) Heureux d'avoir une raison pour remettre l'exécution, le Procureur-général appela par un geste monsieur Gault près de lui. (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 607)

Pour demander une aide, un secours. Le verbe appeler se trouve dans des syntagmes comme :

Appeler à l'aide, à son secours; appeler des renforts ; Appeler le médecin, un chirurgien en consultation; appeler la police

(12) Mes craintes, pendant la nuit, de rester malade si loin de chez moi avec mes enfants. Au matin, j'envoie demander l'adresse du médecin à M. Fléchelle, malade lui-même. Je vais moi-même appeler M. Coupé, médecin de l'hôpital. (Michelet, Journal,1839, p. 320)

Le verbe appeler a aussi un sens figuré qui signifie : Faire venir, attirer à ou sur quelqu'un ou quelque chose. Appeler l'attention de qqn sur qqc. :

(13) « Mes amis, je crois devoir appeler votre attention sur certains faits qui se sont passés dans l'île, et au sujet desquels je serais bien aise d'avoir votre avis. (Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 411)

Inviter, obliger quelqu'un à faire quelque chose.

(14) Cette vie nous plaisait et endormait en nous ces mouvements fiévreux de l'âme, qui usent inutilement l'imagination des jeunes hommes avant l'heure où leur destinée les appelle à agir ou à penser. ( Lamartine, Les Confidences,Graziella, 1849, p. 151)

Attribuer un nom, une qualité à quelqu'un ou à quelque chose.

(15) Ayant oublié son véritable nom, je l'appellerai Michaël. .( Dusaulx, Voyage à Barège,t. 2, 1796, p. 187)

Le verbe appeler présente des facettes sémantiques comme on peut voir dans les exemples (10) et (11). Dans l’exemple (10) le verbe a la facette [S’ ADRESSER] et dans l’exemple (11) on trouve la facette [ DEMANDER DE SE RAPPROCHER VERS QQN].

Nous avons constaté que le verbe appeler a des actants différents, d’où l’existence de la polysémie externe :

Appeler+ C.O.D Sujet[+humain] : appeler une personne

Appeler+ C. O.D Sujet[+abstrait] :appeler l’attention de quelqu’un

Appeler+ C.O.D Sujet [+humain][autorité] : appeler la police

4) CHANGER

Le verbe changer présente plusieurs sens selon les définitions ci-dessous :

Faire autre, faire que quelque chose ou quelqu'un soit autre. Rendre plus ou moins différent, transformer, modifier.

Nous pouvons trouver le verbe changer dans des syntagmes comme :

Changer ses projets; changer le sens d'un texte; le fard change son visage.

(16) Comment avez-vous pu la changer [ma fille], à ce point? (Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 148)

Remplacer, renouveler, mettre à la place quelque chose de différent mais de même nature ou fonction.

Sens propre : changer les rideaux, les draps

Sens figuré : Changer l'air

(17) Son nom de baptême est Radégonde. − Je n'aime pas beaucoup (…) changer, comme c'est l'usage, le nom des serviteurs. ( A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 201)

Rendre autre.

(18)Votre maison possède une propriété merveilleuse, celle de changer les perles en diamants. (A. Dumas Père, Piquillo,1837, II, 3, p. 234)

Changer d'air :

Sens propre : Quitter une région pour une autre dont le climat est plus tonique.

Sens figuré : S'en aller vivre ailleurs.

(19) Nous tiendrons le coup cette fois encore, dit-il d'une voix qui s'affermissait à mesure. Mais je devrais changer d'air. Hein? répondez donc! Un changement d'air me ferait du bien, hé? (Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 914)

Selon les exemples ci-dessus, nous pouvons constater que le verbe changer est polysémique et présente des facettes sémantiques. Dans l’exemple (16) , il y a la facette[CHANGEMENT]. L’exemple (17) présente la facette [REMPLACEMENT]. Dans l’exemple (18) il s’agit de la facette [TRANSFORMATION]. 

Le verbe changer a un emploi pronominal : SE CHANGER. Cet emploi présente trois sens différents :

1. Ôter ses vêtements pour en mettre d'autres :

(20)Envoyez Moan se changer, avait-il [le capitaine] dit. Et Moan, quatre à quatre, était monté se mettre en toilette de ville.( Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 110)

2. Se changer les idées. Se distraire :

(21) MmeRosenthal tapota la main de MmeKamenskaia et MmeLyons dit que la comtesse devrait bien chanter des choses russes pour se changer les idées. (Nizan, La Conspiration,1938, p. 147)

3.Se changer en ; Se transformer en

(22) Elle l'attendait, elle n'était pas surprise de le voir enfin se changer en prince. (Zola, Le Rêve,1888, p. 120)

Le verbe se changer est un mot polysémique parce qu’il agit sur des actants différents : se changer les vêtements, se changer les idées et se changer lui-même en autre chose.

5) COULER

Sens propre

I Se déplacer (en pente) d'un mouvement continu et naturel.

Le verbe est utilisé avec le sens ci-dessus dans les syntagmes suivants :le fleuve coule; le sang coule dans les veines .Il s’agit d’un mouvement horizontal d’un liquide. [FLEUVE] et [SANG] représente des facettes sémantiques. Le fleuve coule sans avoir des limites, tandis que le sang coule dans les veines, donc il a des limites.

(23)C'est un grand ambitieux et un illuminé et en même temps c'est un paysan dans les veines de qui coule le même sang que dans les veines de son frère, l'affreux. (Quirin Baillard. Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1909-11, p. 236)

II Se déverser d'un mouvement continu; glisser, tomber en glissant.

(24) On a entendu couler du sable et tomber des pierres. (Giono, Regain,1930, p. 18).

Faire passer dans un mouvement continu un liquide d'un lieu à un autre.

Couler un sirop sur un gâteau. (www.cnrtl.fr)

(25) C’est une lave en ébullition que la ménagère dompte et coule orgueilleusement dans les pots [de confiture]. (S. de Beauvoir, Le Deuxième sexe,1949, p. 241)

III S'engloutir, aller au fond de.

Ici, le verbe couler représente un mouvement vertical d’un objet concret.

(26) Le navire coule. (www.cnrtl.fr)

Sens figuré 

Ruiner quelqu'un ou quelque chose.

On trouve le sens de mouvement vertical du verbe couler aussi pour quelque chose abstraite.

(27) Nous pouvons avec cette folie couler en un soir une réputation de quinze ans. (Anouilh, Répét.,1950, I, p. 27).

Selon les exemples ci-dessus, nous pouvons voir que le verbe couler a un sens propre qui signifie le mouvement continu et un sens figuré quand le verbe signifie ruiner quelqu’un ou quelque chose. Dans le sens propre, on trouve des facettes sémantiques. La première est [MOUVEMENT HORIZONTAL] dans l’exemple(23) , la deuxième [MOUVEMENT SOUS UN CERTAIN ANGLE] dans l’exemple (24) et  la troisième est [MOUVEMENT VERTICAL] dans l’exemple (26).

Le verbe couler est un verbe polysémique qui actualise des facettes sémantiques.

6) DANSER

Sens propre

Exécuter une suite de pas, de mouvements, suivant un rythme musical, selon les règles de la danse.

(28) Allez, disparaissez dans les plaisirs divers! … Aux bois, peut-être, y trouveriez les Muses, Toutes ensemble à cette heure confuses, L'une chantant, l'autre disant des vers, Et l'autre danse, et c'est la plus heureuse! ( Valéry, Cantate du Narcisse,1938, p. 255)

Le verbe danser est utilisé dans des syntagmes comme :

Danser follement, frénétiquement, joyeusement, lourdement, noblement; danser ensemble; danser avec élégance, entrain, grâce, souplesse; danser au son d'un accordéon, d'un piano

Mouvement résultant d'un dressage. [En parlant d'animaux]

(29) Selon le P. Ménétrier, le violon convenait très bien pour dresser les chevaux et les préparer à danser les quadrilles dans les carrousels. (Grillet, Ancêtres violon,t. 2, 1901, p. 36).

Être animé de mouvements lents ou vifs, réguliers et rythmés.

(30) Je suis réconcilié avec les chemins de fer… La rapidité est inouïe… les villes, les clochers et les arbres dansent et se mêlent follement à l'horizon. (Hugo, France et Belgique,1885, p. 92)

Danser un ballet, le boléro, une ronde, la valse; faire danser une danse à sa cavalière; savoir danser une danse.

(31) Nous nous mîmes à danser, Antonia et moi, les danses que ces autres personnes avaient choisies. (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 139):

Danser le boston, la bourrée, la capucine, le fox-trot, la gigue, la java, le menuet, la polka, le rock, une sarabande, le swing, le tango, le twist; danser une figure de danse, un pas.

Sens figuré

Se succéder rapidement et sans ordre précis dans l'esprit.

(32) Pensées qui dansent dans la tête. (www.larousse.fr)
Comme nous avons pu constater, le verbe danser contient des variations contextuelles, un sens propre et un sens figuré. Dans les exemples ci-dessus, nous avons trouvé des facettes sémantiques du verbe danser. Par exemple la facette [ MOUVEMENT DE DANSE] dans l’exemple (28) et la facette [ MOUVEMENT DE DRESSAGE] dans l’exemple (29). En conclusion, le verbe danser est un verbe polysémique et présente des facettes sémantiques.

7) ÉLOIGNER

Sens propre

[En parlant d'une distance spatiale] Mettre loin ou plus loin; faire aller à une certaine distance.

(33) Si elle allait le rejeter!… le repousser!… l'éloigner avec horreur!… lui, le petit voleur du collège d'Eu! (…) s'il allait ne plus la revoir, ne plus vivre à ses côtés. (G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 25)

[En parlant d'une distance temporelle] Mettre plus loin dans le temps passé ou à venir.

(34) Chaque instant qui s'écoule repousse vers le passé l'instant où je te voyais encore; le temps s'éloigne, le dévore. (Cottin, Cl. d'Albe,1799, p. 177)

Sens figuré

Créer une séparation; écarter, détourner.

Éloigner d'un but, d'un idéal, de son travail; éloigner du christianisme, du rationalisme; éloigner de Dieu.

(35) Tout ce qui peut éloigner l'homme de la fin sainte et divine à laquelle l'appelle sa nature. (Renan, Souv. enf.,1883, p. 405)

Séparer par des éléments distinctifs; distinguer, différencier.

(36) Le caractère de leurs travaux, leurs habitudes mentales, (…) tout les éloigne des hommes d'action enclins à dépasser la mesure .(Clemenceau, Iniquité,1899, p. 142).

Selon les définitions ci-dessus, le verbe éloigner est polysémique et présente des facettes sémantiques. L’exemple (35) contient la facette [ ÉCARTER] et l’exemple (36), la facette [DISTINGUER].

Le verbe a aussi un emploi pronominal, S’ÉLOIGNER , où l’actant est le sujet lui-même.

Sens propre

Aller au loin ou plus loin; quitter un lieu, une personne.

S'éloigner à grands pas, à pas lents; s'éloigner brusquement, doucement, lentement, rapidement, vite.

(37) J'avais beau m'éloigner de la triste oasis, à mesure que j'avançais, mes impressions désolées se renforçaient. (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 151)

Devenir plus lointain dans le passé ou l'avenir. S'éloigner de sa jeunesse, du présent.

(38) Je voyais, plein d'ennui, s'éloigner toujours le cher instant où je pourrais soigner l'intimité naissante du doux ami que je trouvais en vous. (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1891)

Sens figuré

Se séparer, se détourner de.

S'éloigner de la question, du sujet , du réel.

(39) Ne vous éloignez pas de moi, parce que je vous dis mes petites lâchetés. (Rolland, J.Chr.,Foire, 1908, p. 740)

L'idée de distance traduit celle de disparition ou de régression.

(40) Les deux cauchemars de l'humanité, la peste et la famine, semblent s'éloigner d'elle sans retour. (Bloch, Dest. du S.,1931, p. 198).

Nous pouvons distinguer les sens différents du verbe s’éloigner. Dans les exemples (37) et (38) il s’agit d’une distance dans l’espace et dans le temps. Le verbe s’éloigner utilisé avec le sens figuré signifie séparation ou disparition, comme on peut voir dans les exemples (39) et (40).

8) FUIR

Sens propre

I Se sauver en toute hâte pour échapper à une personne, à une chose, importune ou menaçante.

(41) Il ne s'agit pas de nous défendre, il s'agit de fuir. (Dumas père, Tour Nesle,1832, I, tabl. 2, 5, p. 22)

Dans cet exemple, l’actant sujet du verbe fuir est [+humain], [animé].

II S'écouler, s'éloigner à toute vitesse.

(42) Si les galaxies fuient avec une vitesse croissante à mesure qu'elles s'éloignent, qu'arrivera-t-il lorsque leur vitesse avoisinera celle de la lumière? (Decaux, Mesure temps,1959, p. 23)

Dans l’exemple (42), l’actant sujet du verbe fuir est [-humain] parce qu’il s’agit des galaxies.

III Chercher à éviter quelqu'un ou quelque chose, à s'y soustraire ou à s'en éloigner.

(43) Je n'aime point les journalistes. Ce sont des esprits brouillons et entreprenants qu'il faut fuir comme la peste. (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 58)

Sens figuré

Se dérober aux difficultés, aux devoirs qui pèsent ou indisposent.

(44) Incitant parfois à fuir devant les responsabilités. (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 215).

Le mot fuir est un verbe polysémique avec des sens propres et figurés et il n’actualise pas des facettes sémantiques.

9) JOUER

Sens propre

I Faire quelque chose pour se distraire, s'amuser.

(45) Dans son dos, Mathieu entendait les cris des gamins qui jouaient dans les ruelles abandonnées du village. (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 144)

II S'adonner à un jeu.

Jouer au ballon, au cerceau, à la poupée; jouer avec une balle, une dînette.

(46) Il est resté enfant; il s'amuse avec des images, joue aux billes, à la toupie. (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 629)

III Faire quelque chose par jeu, par plaisanterie.

(47)Je jouais de lui avec une aisance merveilleuse… D'un simple regard, je le faisais passer de la colère à l'attendrissement. (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 85)

IV Se livrer, avec une ou plusieurs autres personnes, à un jeu où l'on peut perdre ou gagner.

Jouer à la belote, au bridge, au poker; jouer aux cartes, aux dames, aux dés. [Termes propres à certains jeux] Jouer en carreau (vx), jouer cœur, jouer dans la couleur

(48) « Tiens, le voilà ton atout. − Qu'est-ce que c'est l'atout? » Grande échine noire courbée sur le jeu : « Hahaha! » « Quoi? Voilà l'atout, il vient de le jouer. » (Sartre, Nausée,1938, p. 36)

V Pratiquer un sport d'équipe, de façon professionnelle ou en amateur.

(49) Les Niçois (…) ont encore joué un excellent match devant le Bayern. (L'Équipe,9 janv. 1981, p.3)

VI Se servir d'un instrument de musique, en tirer des sons harmonieux.

Jouer de l'orgue, du piano, du violon, de la trompette.

(50) Valdemar, avec la même pathétique maladresse, jouait de quatre ou cinq instruments différents. Il avait, ce jour-là, descendu son violon. (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 69).

VII Représenter sur une scène. (théâtre)

Jouer un opéra, un sketch, une comédie, une farce, une tragédie; jouer une pièce de Molière et, p. ell., jouer du Molière ou jouer Molière.

(51) On joue le Cid à la Comédie Française. Antoine jouerait une fois trois petites pièces de son répertoire dans une soixantaine de localités différentes, et aurait cent francs de fixe. (Goncourt, Journal,1896, p. 976)

Dans le cas A du verbe jouer, nous avons trouvé des sens différents et des facettes sémantiques. Dans les exemples (46) et (48), le verbe est utilisé avec un instrument : jouer + instrument. L’exemple (46) contient la facette [SPORT] : jouer aux billes et l’exemple (48) contient la facette [ACTIVITÉ DE RÉCREATION] : jouer aux cartes. Même si dans le dictionnaire les sens II et IV sont différents, les deux sont complémentaires.

Dans l’exemple (50), on trouve : jouer+ un instrument de musique. Dans l’exemple (51), le verbe signifie faire du théâtre et présente la facette [ ACTEUR], tandis que dans l’exemple (46), la facette est [ ENFANT].

Sens figuré

Manipuler avec habileté les choses de l'esprit et du langage.

(52) Il jouait avec la grammaire, le dictionnaire, la double entente des termes. (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 25)

Le verbe jouer a aussi un sens figuré selon l’exemple (52) où jouer avec la grammaire signifie connaître très bien la grammaire et l’utiliser sans difficultés.

10) RECULER

Sens propre

Aller en arrière. (déplacement dans l’espace)

(53) Le train s'arrêta dans un grand bruit de freins. Puis, se mit à reculer. (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 31)

S'éloigner, s'estomper.

(54) Avec la fin du jour recule le bruit et jusqu'au matin il n'y a plus rien à attendre de cette intimité terrible qui étreint la ville. (Morand,Chron. homme maigre, 1941, p. 172)

Rendre plus lointain, éloigner dans le temps.

(55) Le savant conservateur de cette partie du Museum (…) m'a montré (…) le squelette d'un homme fossile dont l'âge reculerait singulièrement l'apparition du règne humain sur notre planète. (Michelet,Chemins Europe, 1874, p. 183)

Remettre à plus tard, différer. Reculer une visite.

(56) Elle se flattait de reculer les aveux qu'il exigeait d'elle. (Staël,Corinne, t. 2, 1807, p. 169)

Sens figuré

Renoncer à ses intentions, à ses ambitions; faire marche arrière.

(57) Que de liens, mon ami, rompus en quelques heures! J'en étais effrayé (…); mais la nécessité me poussait en avant, et il n'y avait plus moyen de reculer. (Renan,Souv. enf., 1883, p. 393)

Comme nous avons pu constater selon les exemples ci-dessus, le verbe reculer est polysémique et il n’actualise pas des facettes sémantiques. Il s’agit d’une polysémie interne, car le verbe a des sens propres et un sens figuré : dans l’exemple (53), reculer signifie se déplacer, tandis que dans l’exemple (57), le verbe est utilisé avec son sens figuré qui signifie renoncer à quelque chose.

11) VENIR

Sens propre

Se déplacer dans la direction d'un lieu ou d'une personne de référence.

Venir avec qqn; venir en personne; venir d'une minute à l'autre; venir à cheval, à pied, en voiture, par le train; venir par Paris; en vacances

(58) Le chasseur lui fit part d'un coup de téléphone; le comte d'Orgel regrettait de ne pouvoir venir après dîner. (Radiguet, Bal, 1923, p. 72)

Provenir par héritage de.

(59) J'ai même dû vendre, l'an dernier, un domaine de cent soixante hectares, la Michouille, qui me venait de ma grand'mère maternelle. (Romains, Knock, 1923, ii, 5, p. 12)

Arriver à un certain moment, dans la vie sociale, etc.

On trouve le verbe venir dans des syntagmes comme :

Venir à son heure, trop tard, trop tôt; venir après qqn; venir à temps.

(60) Comment se peut-il (c'est ici le mystère) que ceux qui vinrent après nous, et qui s'en iront tout de même (…) aient eu d'autres désirs que les nôtres, et d'autres dieux? (Valéry, Variété[I], 1924, p. 110)

Sens figuré

Arriver, se manifester, se développer.

(61) Ce matin, travaillé à mon livre avec ces éternelles difficultés: les idées viennent, les mots refusent de se montrer. (Green, Journal, 1957, p. 319).

Le verbe venir est un verbe polysémique qui n’actualise pas des facettes sémantiques. Si on compare les exemples (58) et (61), nous pouvons constater qu’il s’agit de la polysémie interne.

Dans l’exemple (58), on trouve le sens propre du verbe venir qui signifie se déplacer pour arriver à une destination, tandis que dans l’exemple (61), le verbe a le sens figuré qui signifie se développer, arriver.

12) VOIR

I Percevoir par le sens de la vue. [Le subst. désigne un objet, une réalité du monde phys.] Enregistrer l'image de ce qui se trouve dans le champ visuel, d'une manière passive, sans intention préalable; en percevoir la forme, la couleur, la position, le mouvement. Synon. apercevoir, découvrir, distinguer, remarquer.

Le verbe voir est utilisé dans des syntagmes comme :

Voir un paysage; voir une forme, une silhouette; voir qqn sans être vu; regarder et ne pas voir qqc./qqn.

(62) … Suzanne et moi nous montions tout en haut [de l'arbre], et de la cime on criait à ceux des régions inférieures: « On voit la mer! On voit la mer! ». (Gide, Si le grain, 1924, p. 412)

L’exemple (62) présente le verbe voir + C.O.D Sujet [-humain], [concret].

II Le sujet ou l'agent désigne l'organe de la vue.

(63) La nature nous a donné, comme aux animaux, des yeux pour voir les objets que la lumière éclaire .(Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 151)

Dans l’exemple (63), nous pouvons observer l’actant sujet[-humain], [+animé].

Voir clairement, Voir à distance, au loin qqc./qqn; voir de loin, d'en-bas, d'un balcon, d'une fenêtre

III Se rendre compte de l'état d'esprit, des sentiments, de la compétence de quelqu'un en observant son comportement ou sa mimique.

Voir la figure, la gueule de qqn; voir la mine, l'air étonné de qqn. ; Voir l'embarras, la fatigue, la gêne, la honte, l'irritation de qqn.

(64) Rosenthal doit avoir des idées de derrière la tête. On lui voit cette satisfaction hypocrite des hommes qui font des plans. (Nizan, Conspir., 1938, p. 56)

L’exemple ci-dessus présente le verbe voir+ C.O.D Sujet [+abstrait].

IV Prendre connaissance du contenu d'un texte, d'une liste de chiffres; découvrir en lisant.

Voir le courrier, le cours de la Bourse; voir un article, un laissez-passer.

(65) Six mille, ils m'en ont donné!… Et Cristina l'avait payé dix-huit!… Je le sais, j'ai vu la facture! (Bourdet, Sexe faible, 1931, ii, p. 366)

V Rencontrer quelqu'un, se trouver par hasard en sa présence.

(66) Depuis qu'il existe, le Café de l'Univers a toujours été (…) le rendez-vous des auteurs dramatiques. J'ai vu là des hommes illustres dont on ne parle plus. (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 92)

Dans l’exemple (66), le sujet actant est [+humain].

VI Prévoir, pressentir quelque chose.

(67) Tu sais, il ne va pas fort, mon Philibert, je le vois sur la fin (Aymé, Jument, 1933, p.83)

VII Examiner, étudier

(68)Frédé peut faire mieux qu'un courrier. Il a été responsable politique à Toulouse. − Je verrai cela avec Caracalla (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 10)

Comme nous avons pu constater, selon les exemples ci-dessus, le verbe voir à plusieurs sens différents. C’est un verbe difficile à l’analyser parce qu’il se trouve entre les deux sens : concret et abstrait. Nous avons trouvé la polysémie externe du mot voir, car il y a des actants différents. Le verbe ne présente pas des facettes sémantiques.

CONCLUSION

Le présent mémoire de diplôme a comme sujet la polysémie et les facettes sémantiques au niveau des noms et des verbes, en faisant la différence entre les deux notions. Nous avons présenté le concept de polysémie, en le distinguant des autres types de relations sémantiques, nous avons réalisé une classification de polysémies et nous avons parlé aussi des facettes sémantiques.

Nous avons vu qu’il y a une différence entre la polysémie et les facettes sémantiques. Celui qui a parlé de ces concepts est Georges Kleiber dans son ouvrage « Problèmes de sémantique, La polysémie en question ». Il définit les facettes sémantiques comme des variations de sens. En employant comme base théorique son point de vue sur les facettes, nous avons choisi certains noms et verbes qui sont polysémiques et qui présentent des facettes sémantiques, en les analysant. Le but de notre mémoire de diplôme est de montrer la différence entre le phénomène de polysémie et les facettes sémantiques au niveau des noms et des verbes. Nous avons constaté qu’un mot est polysémique s’il a des sens totalement différents entre eux, tandis que pour présenter des facettes sémantiques, il faut que le lexème présente des semés communs avec le sens de base.

Au niveau des noms, on a vu que la polysémie est représenté par l’extension de sens ou par la restriction de sens selon les sèmes ajoutés ou effacés. Les noms peuvent avoir de sens concrets ou abstraits et peuvent présenter ou pas de la polysémie ou des facettes sémantiques. Nous avons observé que les facettes sémantiques peuvent se manifester au niveau du sens concret ou abstrait du nom, ou dans les deux cas.

Au niveau des verbes, nous avons remarqué que la polysémie peut être interne ou externe. Nous avons choisi des verbes avec des sens propres et figurés. Les verbes peuvent avoir ou pas de la polysémie ou des facettes sémantiques. Les facettes sémantiques sont présents sois dans le sens propre, soit dans le sens figuré du verbe. Il y a des verbes qui ont un emploi pronominal qui présente aussi les deux concepts.

Le corpus de notre mémoire contient des différents contextes dans lesquels se trouvent les noms et les verbes analysés. Nous avons réussi à présenter la différence entre la notion de polysémie et celle de facettes sémantiques en ce qui concerne les noms et les verbes.

RÉFÉRENCES

Alic, L. (2006)- La sémantique, Editura Universității Transilvania, Brașov

Breal, M. (1897)- Essai de sémantique, Hachette, Paris

Cristea, T. (2001)- Structures Signifiantes et relations sémantiques en français contemporain , Editura Fundației România de Mâine, București

François,J.(2007 )- Pour une cartographie de la polysémie verbale, Peeters, Paris

Fuchs, C. (1996)- Les ambiguïtés du français, Ophrys, Paris

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Grezka,A. (2006 )- La polysémie des verbes de perception visuelle,L’Harmattan

Kleiber,G. (1999)- Problèmes de sémantique, La polysémie en question, Presses Universitaires du Septentrion

Leard, J., Khadiyatoulah F, Siblot P ( 1996 )- Polysémie et construction du sens, Praxiling, Montpellier

Martin, R. (1992)- Pour une logique du sens, P.U.F, Paris

Micu, C. (2011)- Les noms abstraits noms d’état, Editura Universității Transilvania, Brașov

Nyckees, V. (1998)- La sémantique, Belin, Paris

Sources des exemples

Ambrière ,F. (1984) -Les grandes vacances

Anouilh, J. (1950)- Répétition ou l'Amour puni

Aymé,M. (1933)- La Jument verte

Balzac,H. (1844)- Correspondance

Balzac,H. (1847)- Splendeurs et misères des courtisanes

Balzac,H. (1836) – Le lys dans la vallée

Barrès,M.(1909) – Mes cahiers

Beauvoir,S. (1954)- Les Mandarins

Beauvoir,S. (1949)- Le Deuxième sexe

Bernanos,G. (1926)- Soleil Satan

Bernanos,G. (1948)-Un Mauvais rêve

Bloch, J.R. (1931)- Destin Du Siècle

Bourdet,E (1931)- Sexe faible

Châteaubriant,A. (1911)- Monsieur des Lourdines

Chauteaubriand ,F.R (1836)- Essai sur la littérature anglaise

Claudel,P. (1912)- L'Annonce faite à Marie

Clemenceau, G. (1899) – L’Iniquité

Colette,S. (1928)- La Naissance du jour

Collins,R- (1984)- Écriture et enluminure en Lorraine au Moyenne âge

Coppée, F. (1989) -La Bonne souffrance

Combaluzier,C. (1961)- Introduction à la géologie

Cottin,M. (1799)- Claire d'Albe

Courier, P.-L. (1810) – Lettres de France et d'Italie

Cournot, A. (1851) – Essai sur le fondement des connaissances

Decaux,B. (1959)- La Mesure du temps

Delmart, L. ,Vidal, J. (1833) – La Caserne, mœurs militaires

Duhamel, G. (1920) -Confession de minuit

Duhamel,G. (1933)- Le Notaire du Havre

Duhamel,G. (1937) -Désert Bièvres

Dumas Père (1846) – Le Comte de Monte-Cristo

Dumas Père (1831)- Napoléon Bonaparte

Dumas Père (1837)- Piquillo

Dumas Père (1832)-Tour Nesle

Dusaulx ,J. (1796) -Voyage à Barège

Faral, E. (1942)- La Vie quotidienne au temps de St Louis

Fargue, L. (1939)- Le Piéton de Paris

Feydeau, G. (1914) -La Dame de chez Maxim

Flaubert,G. (1858) – Correspondance

Flaubert, G. (1848) -Par les champs et par les grèves, Touraine et Bretagne

France, A. (1918) – Le Petit Pierre

Gressent,A. (1863)- Le Potager moderne

Gressent,A. (1891)- Traité complet de la création des parcs et des jardins

Gide, A. (1891) -Correspondance [avec Valéry]

Gide,A. (1924)- Si le grain

Giono,J. (1930)- Regain

Goncourt, E. (1842)-Journal de Goncourt

Grillet,L. (1901)- Ancêtres du violon

Hugo, V. (1862)- Les Misérables

Hugo,V. (1837)- Les voix intérieures

Hugo,V. (1864)- Correspondance

Joffre (1931)- Mémoires

Joubert,J. (1824)- Pensées

Krüdener, M. (1803)- Valérie

Laclos,C. (1803)- Éducation des femmes

La Varende,J. (1948) – La Tourmente

Leroux,G. (1908)- Le Parfum de la dame en noir

Loti,P. (1886)- Pêcheur d’Islande

Louÿs,P. (1896)- Aphrodite

Maupassant,G. (1866)- Contes et nouvelles, Le Père Amable

Michelet,J. (1839)- Journal

Mirbeau,O. (1900)-Le Journal d’une femme de chambre

Nizan,P. (1938) – La Conspiration

Pesquidoux,J. (1921) -Chez nous

Pesquidoux,J. (1928)- Le Livre de raison

Proust,M. (1922)- La Fugitive

Renan,E. (1883)- Souvenirs d’ enfance et de jeunesse

Renard, J. (1894) -Poil de Carotte

Romains,J. (1939) -Les Hommesde bonne volonté

Sainte-Beuve, C. (1851) -Causeries du lundi

Saint-Exupéry,A.(1939) – Terre des hommes

Staël,G. (1807) -Corinne

Stendhal (1822)-De l’Amour

Tharaud,J. (1924)- An prochain

Thibaudet,J. (1936)- Histoire de la littérature française

Vailland,R. (1945)- Drôle de jeu

Valéry,P. (1929)- Variété II

Verne,J. (1874)- L’Île mystérieuse

Zola,E. (1888).- Le Rêve

SITOGRAPHIE

http://atilf.atilf.fr

Consulté le : 10.03.2016, 10.00 AM, 6.30 PM

15.03.2016, 15.00 PM, 4.00 PM

www.cnrtl.fr

Consulté le : 07.04.2016, 12.00 AM

12.04.2016, 9.00 AM, 5.00 PM

21.04.2016, 11.00 AM, 4.00 PM

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Consulté le : 23.05.2016, 5.35 PM

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Consulté le : 18.04.2016, 9.00 AM

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Consulté le : 12.03.2016, 12.00 AM

ANNEXES

ANNEXE 1.- NOMS ET VERBES

NOMS

Air

Balle

Banque

Bouton

Canard

Couche

Devoir

Docteur

Fenêtre

Fleuve

Lentille

Livre

Mère

Minute

Montagne

Orange

Plume

Position

Souris

Style

Vue

VERBES

Aboyer

Affecter

Appeler

Changer / Se changer

Couler

Danser

Éloigner / S’éloigner

Fuir

Jouer

Reculer

Venir

Voir

ANNEXE 2. – LES NOMS

1) AIR

(1) L'air agit chimiquement sur le contenu de la graine et le rend propre à servir de nourriture première à la plante.[…]Les graines doivent être assez recouvertes pour être maintenues humides, et assez peu pour rester sous l'influence de l'air. (Gressent, Traité complet de la création des parcs et des jardins,1891, p. 694)

(2) … mais souvent le bruissement des feuilles emportait l'air avec les paroles. (A. de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines,1911, p. 4)

(3) La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l'air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mmed'Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide. (G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 183)

2) BALLE

(4) La pelote basque se joue en plein air, contre un mur de face, sur une piste cimentée. La pelote ou balle est faite de cordes très serrées, recouvertes de peau de mouton. Elle est élastique au point de rebondir à une hauteur et à une distance inouïes, et dense, au point de ne se déformer que rarement sous le choc. (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 169)

(5)… il défait son fusil qu'il portait en bandoulière et lâche deux coups sur Brunel. L'un des deux coups était chargé à balle et blessa le Brunel (…). Le docteur jura qu'il avait oublié que l'un des canons avait une balle. (Stendhal, Lamiel,1842, p. 50)

(6) On cherche (…) ces fourrages charnus surtout, aux reflets sombres, qui, séchés et pressés, avant d'être expédiés, s'accumulaient en balles grises sous le haut hangar. (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1928, p. 209)

3) BANQUE

(7)… ils regagnèrent leur logis, échangeant au hasard des remarques tout à fait sans but et sans suite sur la température, le prix inabordable du beurre et du sucre et les déceptions que réserve à l'homme sentimental et généreux le commerce trop suivi de gens qui s'occupent de banque, de commission ou de négoce. (Miomandre, Écrits sur de l'eau, 1908, p. 86)

(8) La banque a été créée en 1990. (G. Kleiber, Problèmes de sémantique, La polysémie en question ,1999, p. 93)

(9) En remontant la rue de cette petite ville du Sud, rue semblable à des milliers d'autres rues dans toute l'Amérique, avec ses banques de marbre blanc, ses Prisunic écarlates, ses pompes à essence jaunes ou rouges, (…), je me disais que le Sud avait perdu la guerre non en 1865, mais à partir du jour où il a consenti à imiter le Nord. (Green, Journal, 1937, p. 102)

(10)La banque dans la grand-rue a brulé hier soir. (G. Kleiber, Problèmes de sémantique, La polysémie en question ,1999, p. 93)

(11)La banque est très aimable avec moi.( G. Kleiber, Problèmes de sémantique ,La polysémie en question ,1999, p. 93)

(12) On était assis sur des banques ou bancs, tantôt élevés, tantôt assez bas, et la table montait et descendait en proportion. (Francois-René de Chauteaubriand , Essai sur la littérature anglaise, t. 1, 1836, p. 41).

(13) La banque gagne, la banque perd. (Larousse. 19e, Larousse. Encyclopédie)

4) BOUTON

(14)… souvent ils hésitaient, ne sachant pas distinguer les boutons à bois des boutons à fleurs. Ils s'étaient réjouis d'avoir des fleurs; mais, ayant reconnu leur faute, ils en arrachaient les trois quarts pour fortifier le reste. (Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, t. 1, 1880, p. 41.)

(15) Et la fleur immortelle est encore en boutons. (Paul Claudel, L'Annonce faite à Marie, 1re version, 1912, p. 100 )

(16) C'est l'âge ingrat, l'âge de la bourre, une époque de boutons, de furoncles. (François Mauriac, Le Mystère Frontenac,1933, p. 185)

(17) Je ne le pressai pas, sachant bien qu'il est malséant d'entraîner à la psychologie un homme qui n'est pas sûr de ses boutons de chemise ou de ses lacets de chaussure. (Sydonie-Gabrielle Colette, La Naissance du jour, 1928, p. 47)

(18)[Paye ta bienvenue;] tu vas voir si je ne te fais pas changer un de tes écus, de tes boutons, entends-tu. ( L. Vidal, J. Delmart, La Caserne, mœurs milit., 1833, p. 80 )

5) CANARD

(19) Quand passent les canards sauvages à l'époque des migrations, ils provoquent de curieuses marées sur les territoires qu'ils dominent. Les canards domestiques, comme attirés par le grand vol triangulaire, amorcent un bond inhabile. L'appel sauvage a réveillé en eux je ne sais quel vestige sauvage. (Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 249)

(20) Elle lui tendit le « canard », le petit récipient à long col. (J. de La Varende, La Tourmente,1948, p. 156).

(21) Tous ces ouvriers communistes ou communisants dont je vous parlais, ils achètent volontiers en même temps que L'Huma un journal d'information, mais pas un autre canard politique. (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 130)

(22) Mon pauvre canard, dès que j'y pense, je tremble de tout mon corps. Je m'étais endormi sur l'herbe. Tu jouais au bord de la fontaine, tu as glissé, tu es tombé, tu criais, tu te débattais, et moi, misérable, je n'entendais rien. (Renard, Poil de Carotte,1894, p. 197)

6) COUCHE

(23) Grand ou petit, couche ou couchette, le lit est garni, quand il est bon, d'une paillasse, dont l'enveloppe peut être bourrée de foin aussi bien que de paille, puis, au-dessus, d'un matelas de laine et de coton, enfin d'une couette de plumes. (Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis,1942, p. 159)

(24) Comme monsieur Gervais finissait de téter, Marianne s'aperçut qu'il s'était oublié dans sa couche. (Zola, Fécondité,1899, p. 234).

(25) Ma cousine Élisa (…) souffrait depuis quelque temps des suites d'une couche difficile. (Verlaine, Œuvres compl.,t. 5, Confess., 1895, p. 103).

(26) Le public de Zola est un public petit-bourgeois, classes moyennes, « nouvelles couches » comme on disait. (Thibaudet, Hist. litt. fr.,1936, p. 425)

(27) Le rayonnement cosmique des hautes couches de l'atmosphère. (Goldschmidt, Avent. atomique,1962, p. 237)

7) DEVOIR

(28) Au début du XIXe siècle toutes les sociétés de compagnons existantes se rattachaient à l'une ou l'autre de ces deux grandes fédérations : le Devoir de Liberté (Enfants de Salomon); le Devoir ou Saint Devoir de Dieu. (Martin Saint-Léon, Compagn., 1901, p. 88)

(29) Le devoir, fils du droit, sous nos toits domestiques Habite comme un hôte auguste et sérieux. (HUGO, Voix intér., 1837, p. 206)

(30) Il [Félix] conservait aussi l'habitude d'écrire son nom avant son prénom au coin de ses longs devoirs calligraphiés. (Malegue, Augustin, 1933, p. 165)

8) DOCTEUR

(31) Rien n'est plus doux ni plus rare qu'un docteur aimable. C'est une chose divine que d'enseigner avec grâce. (France, Vie littér. 1, 1888, p. 340)

(32) … vous caressez votre douleur comme un petit enfant chéri (…). J'ai passé par là et j'ai manqué en mourir. Je suis un grand docteur en mélancolie. (…). Mais je me secoue comme un homme mouillé et je m'approche de mon art qui me réchauffe. ( Flaubert, Correspondance,1858, p. 271)

(33) Je reçus le titre de docteur en droit de l'université de Pensylvanie. (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 460)

(34) Mais le docteur se guérirait vite; hélas Madame, ce sont les médecins qui sont les plus mal soignés. (Sartre, Nausée,1938, p. 65)

9) FENÊTRE

(35)… (il n'y a) qu'à monter par-dessus un mur, qu'à grimper par une fenêtre et qu'à passer sous une porte. On en a tant qu'on veut. (Victor Hugo ,Les Misérables.,t. 2, 1862, p. 165)

(36) Marie a repeint la fenêtre. (G. Kleiber , Problèmes de sémantique, La polysémie en question , 1999 : 86)

(37)Paul est sorti par la fenêtre. (G. Kleiber, Problèmes de sémantique, La polysémie en question, 1999, p. 86)

(38) Il importait seulement de bien constater l'insensible déclin d'une congrégation [de l'Oratoire] sage, modérée, polie, qui avait trop de fenêtres ouvertes sur le monde pour que l'air extérieur n'y entrât pas très-aisément. (Sainte-Beuve, Portr. contemp.,t. 4, 1846-69, p. 33)

10) FLEUVE

(39) … au carrefour de trois vallées qui lui apportent leur liquide tribut, (…) l'humble cours d'eau se transforme en petite rivière. La géographie lui a déjà imposé son nom de fleuve, l'illustre nom qu'il gardera pour porter les imposants bateaux de mer et résister à l'impétueux effort des mascarets. Mais il n'est encore qu'un fleuve adolescent. (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 52)

(40) … ma vie avait une direction. Elle n'était plus éparse comme un troupeau sans loi, mais ramassée, orientée. Un fleuve, et non plus un marécage. Un chant grave et plein, après des clameurs discordantes. (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 191.)

11) LENTILLE

(41) La lentille est généralement peu cultivée dans le potager; c'est à tort car elle fournit un assez bon légume sec pour l'hiver, et un fourrage précieux. ( Alfred Vincent Gressent, Le Potager moderne , 1863, p. 791 )

(42) Maman posa sur la table le plat de lentilles avec une saucisse. (Georges Duhamel, Le Notaire du Havre,1933, p. 34)

(43) Ses souvenirs le pressent, mais groupés au même point de la mémoire, ainsi que les rayons lumineux au foyer de la lentille. ( Georges Bernano, Soleil Satan, 1926, p. 154 )

12) LIVRE

(44) C’est un gros livre avec de nombreuses illustrations en couleurs. (G. Kleiber , Problèmes de sémantique, La polysémie en question , 1999 : 86)

(45) L'ouvrage de M. Nisard est un livre; il se publie de nos jours bien des volumes; il y a peu de livres; il y a bien des assemblages faits de pièces et de morceaux, il est très-peu de constructions qui s'élèvent selon un plan tracé et sur des fondements qui leur soient propres. (Charles Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 15, 1851-62, p. 207)

(46) C’est un livre très dense, difficile à comprendre. (G. Kleiber , Problèmes de sémantique, La polysémie en question , 1999 : 86)

13) MÈRE

(47) La femme est faite pour être mère: c'est sa fonction dans la nature et dans la société; tout ce qui ne sert pas à cette fonction est un hors-d'oeuvre. (Ménard,Rêv. païen, 1876, p.112)

(48) Un mariage lui acquérait le droit de vivre avec sa tante, la duchesse de Verneuil, soeur du prince de Blamont-Chauvry, qui pour elle était une mère d'adoption. (Balzac,Lys, 1836, p.60)

(49) Toute science ne s'acquiert que par l'expérience. Enseigner aux enfants la vertu par la théorie de la morale, c'est leur enseigner à parler par la grammaire, et à marcher par les lois de l'équilibre: sur tous ces points, leurs mères nourrices leur feraient faire plus de progrès que tous les professeurs des académies. (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p.283)

(50) Elle n'est pas la première à qui ça arrive, depuis notre mère Ève. (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Père Amable, 1886, p.216)

(51) Nature! Abri de toute créature! Ô mère universelle! indulgente nature!(Hugo,Voix intér.1837,p.290)

14) MINUTE

(52) Lucien feuilletait la minute du ministre, qui avait douze pages. «Pour tout au monde, mon père ne lirait pas un rapport aussi long (…) (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.22)

(53) Vous n'avez plus que demain. − Eh bien! Mais le jour se compose de vingt-quatre heures, chaque heure se compose de soixante minutes, chaque minute de soixante secondes; en quatre-vingt-six mille quatre cents secondes on fait bien des choses. (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.468)

(54) Qu'est-ce qu'il faut, Mamzelle Claire? − L'omelette, bien vite. − Dans une minute, mamzelle. (Maupass., Contes et nouv., t.2, Marquis de F., 1886, p.68)

(55) Mais les moments sont précieux, sire. Il m'a fallu cinq ans pour obtenir cette minute…Faites qu'elle ne soit pas perdue. (Dumas père, Napoléon, 1831, ii, 4, p.149)

15)MONTAGNE

(56) Laissant de côté les «horst», volcans et autres montagnes du profane qui, malgré parfois deux ou trois milliers de mètres d'altitude, ne présentent pas grand intérêt tectonique, étudions sommairement les chaînes plissées qui sont les vraies montagnes de géologues. (Charles Combaluzier, Introduction à la géologie. 1961 p.134)

(57) [Beyle] avait connu de très près, noté, percé, raillé les sottises et les vertus des hommes en place; observé quelquefois leur vénalité, toujours leur soif de l'avancement, (…) leur goût des phrases et de l'importance, les embarras qu'ils se faisaient et qu'ils faisaient; leur courage incroyable devant ces montagnes de dossiers, ces colonnes de nombres qui écrasent l'âme, sans enrichir l'intellect… (Paul Valéry, Variété II, 1929, p.81)

(58) Je reçois des montagnes de livres et des avalanches de lettres. Il y a là-dedans bien des choses que nous eussions lues au dessert, tu sais. ( Victor Hugo, Correspondance., 1864, p.462)

16) ORANGE

(59) Dans les cours des maisons, on improvisait des cabanes décorées de fleurs en papier, de citrons, de cédrats et d'oranges de Jaffa. (Tharaud, An prochain, 1924, p.265)

(60) Depuis un temps immémorial, les marchandes d'oranges exposent leurs fruits sur du papier bleu: c'est que le bleu est la couleur diamétralement opposée à l'orange, et par conséquent la plus propre à faire ressortir cette teinte. (Mérimée, Mél. hist. et littér., 1855, p.352)

17) PLUME

(61) Il y avait de longues plumes noires de dinde et des plumes d'oie, blanches et lisses, (…) des plumes légères de poules, dorées, bigarrées (…). Les plumes étaient vivantes encore, tièdes d'odeur. Elles mettaient des frissons d'ailes, des chaleurs de nid, entre leurs lèvres. (Emil Zola, Ventre Paris, 1873, pp.772-773)

(62) La plume taillée dans une penne de corbeau peut tracer des lignes d'une extrême finesse et la plume d'oie, taillée à bout carré et présentée de biais, permet d'obtenir un trait simple d'épaisseur uniforme. (S. Collins-Rosetds, Écriture et enluminure en Lorraine au Moy. âge, Nancy, éd. Th. Alix, 1984, pp.6-7)

(63) Parcouru mes lettres à Trebutien, −collection qui doit être la plus belle plume de mon aile, si je dois devenir un oiseau glorieux (…). Le meilleur de moi est dans ces lettres. (Barb. D'Auvr.,Memor. 3, 1856, p.51)

(64) M. Nivardet a une assez belle écriture et il fait le faux dans la perfection, imitant toutes les mains, depuis l'anglaise jusqu'à la ronde bâtardée. Un amour de plume, quoi! (Ponson Du Terr.,Rocambole, t.1, 1859, p.83)

(65) J'entre dans une sphère bouillante de travail pour obliger un de mes éditeurs qui poursuit un succès, j'ai des engagements de plume effrayants. (Balzac,Corresp., 1844, p.721)

18) POSITION

(66) Il parcourut les pièces où régnait une température polaire en grondant des choses folles à propos (…) de la position des fenêtres. (Duhamel,Désert Bièvres,1937, p.92)

(67) Le bonheur d'une vie tranquille et où tout semble fait à souhait: un joli château dans une position pittoresque, beaucoup d'aisance, une bonne femme, trois jolis enfants. (Stendhal,Amour,1822, p.282)

(68) L'observateur (…) aura à mesurer la façon dont les individus, selon leur position sociale, participent à la culture globale. (Traité sociol., 1968, p.392)

(69) [La scoliose] est surtout produite par les mauvaises positions des enfants pendant les exercices d'écriture. (Macaigne,Précis hyg.,1911, p.182)

(70) Il indique le bouton (…) qui déclanche la crémaillère qui permet de modifier à volonté la position du dossier. (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 19, p.22)

19) SOURIS

(71) La bête attrapée se sauve; il la rattrape, après l'avoir laissée aller; il lui laisse de l'avance, la souris se croit sauvée; en deux bonds, il est dessus; puis la lâche encore, se détourne, fait semblant de ne plus la voir, de l'avoir oubliée. La souris fait dix pas, elle est reprise. (Edmond de Goncourt, Journal de Goncourt, 1862, p. 1137 )

(72) Le MacIntosh, nouvel ordinateur domestique lancé par Apple, possédera une « souris », petit périphérique permettant de visualiser sur l'écran les fonctions à réaliser. (L'Express, 27 janv. 1984, p. 41, col. 3)

20) STYLE

(73) C'était une tablette à écrire, d'où pendait un style d'argent. La cire en était presque toute usée, mais on avait dû repasser plusieurs fois les mots tracés. (Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 35)

(74) Dans les appareils à stencil] l'opérateur écrit, avec un poinçon métallique ou d'agathe, sur une feuille de papier ciré (…). La pointe du style (…) dessine les caractères par une quantité de perforations. (Pethoud, Organ. industr. et comm., 1931, p. 188)

(75) Il est un style qui n'est que l'ombre (…), le dessin de la pensée; (…) [il] convient à la métaphysique, où tout est vague et étendu, et aux sentiments de piété, qui ont quelque chose d'infini. (Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 63)

(76) Le caractère de l'homme (…) est son style. Dans le style de Dante, ferme, presque sans épithète, amer et mystique, qui ne sent le gibelin dévot? Dans celui de Montaigne, l'homme heureux, oisif, curieux et paisiblement soigneux de son éloquence (…)? (Vigny, Journal poète, 1854, p. 1317)

(77) L'architecture monastique (…) passa successivement par toutes les variations de formes qui caractérisent les cinq grandes divisions de l'art chrétien: style latin, style byzantin, style roman, style ogival, et style classique ou de la renaissance. (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. xvi)

21) VUE

(78) On ne parvient pas tout d'un coup à juger par la vue de la résistance que le toucher doit éprouver; cet art demande quelques expériences (Laclos, Éduc. femmes, 1803, p. 46)

(79) Une fenêtre percée de l'autre côté de la maison (…) donne sur une autre vue . (Proust, Fugitive, 1922, p. 682)

(80) Il ne pouvait s'empêcher de juger ridicule, à part soi, qu'on m'interdît d'acheter pour mes camarades des crayons de couleur et des vues de Cracovie. (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 320)

(81) À mesure que la belle femme blanche perdait ses principaux traits dans ma vue intérieure, je devenais excessivement triste (Jouve, Scène capit., 1935, p. 177)

ANNEXE 3.- LES VERBES

1)ABOYER

(1) Aux champs, au fond des terres même, l'absence de bruits n'est jamais entière. Un chien aboie, un taureau mugit de désir en rôdant, une bête maraudeuse jette son cri de chasse.( J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 1, 1925, p. 182)

(2) Moi, j'use d'une autre recette que j'ai apprise dans mes livres. Je dis, mais tout bas, à part moi : Messieurs, ne vous gênez point; criez, aboyez tant qu'il vous plaira. (P.-L. Courier, Lettres de France et d'Italie,1810, p. 825).

(3) Il est devenu complètement apoplectique et sa parole tudesque, comme étranglant de colère par moments, aboie contre l'ineptie, les bourdes, l'ignorance de ses confrères, qu'il accuse d'avoir fait la guerre, qu'il accuse de l'avoir rendue si fatale.

(4) Je distingue, près de moi, la silhouette de Mesnil Joseph qui, tout debout, sans chercher à se dissimuler, se dirige sur le point où des suites saccadées d'explosions aboient. Une détonation jaillit d'un coin de la tranchée, entre nous deux. (E. et J. de Goncourt, Journal,janvier 1871, p. 728)

2) AFFECTER.

(5) La nouvelle du naufrage a affecté tous les présents. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale,2007, p124 )

(6) Paul affecte la gaieté, mais en fait il est soucieux. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale,2007, p124 ).

(7) Le juge affiche un intérêt particulier pour le nouveau témoignage. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale, 2007, p124 )

(8) Le gouvernement envisage d’affecter une taxe aux spéculations boursières. (Jacques François, Pour une cartographie de la polysémie verbale, 2007, p124 )

(9) Le ministre a affecté le proviseur dans un nouveau lycée. (Jacques François ,Pour une cartographie de la polysémie verbale, 2007, p124 )

3) APPELER

(10) J’ai passé la nuit près de lui : il a prononcé souvent votre nom ; il vous appelait ; il a aussi prononcé le nom de sa sœur, m’a donné un paquet pour elle, écrit avant qu’il fût si mal. (Mmede Krüdener, Valérie,1803, p. 269)

(11) Heureux d’avoir une raison pour remettre l’exécution, le Procureur-général appela par un geste monsieur Gault près de lui. (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 607)

(12) Mes craintes, pendant la nuit, de rester malade si loin de chez moi avec mes enfants. Au matin, j’envoie demander l’adresse du médecin à M. Fléchelle, malade lui-même. Je vais moi-même appeler M. Coupé, médecin de l’hôpital. (Michelet, Journal,1839, p. 320)

(13) « Mes amis, je crois devoir appeler votre attention sur certains faits qui se sont passés dans l’île, et au sujet desquels je serais bien aise d’avoir votre avis. (Verne, L’Île mystérieuse,1874, p. 411)

(14) Cette vie nous plaisait et endormait en nous ces mouvements fiévreux de l’âme, qui usent inutilement l’imagination des jeunes hommes avant l’heure où leur destinée les appelle à agir ou à penser. ( Lamartine, Les Confidences,Graziella, 1849, p. 151)

(15) Ayant oublié son véritable nom, je l’appellerai Michaël. .( Dusaulx, Voyage à Barège,t. 2, 1796, p. 187)

4) CHANGER

(16) Comment avez-vous pu la changer [ma fille], à ce point ? (Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 148)

(17) Son nom de baptême est Radégonde. – Je n’aime pas beaucoup (…) changer, comme c’est l’usage, le nom des serviteurs. ( A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 201)

(18)Votre maison possède une propriété merveilleuse, celle de changer les perles en diamants. (A. Dumas Père, Piquillo,1837, II, 3, p. 234)

(19) Nous tiendrons le coup cette fois encore, dit-il d’une voix qui s’affermissait à mesure. Mais je devrais changer d’air. Hein ? Répondez donc ! Un changement d’air me ferait du bien, hé ? (Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 914)

SE CHANGER.

(20)Envoyez Moan se changer, avait-il [le capitaine] dit. Et Moan, quatre à quatre, était monté se mettre en toilette de ville.( Loti, Pêcheur d’Islande,1886, p. 110)

(21) MmeRosenthal tapota la main de MmeKamenskaia et MmeLyons dit que la comtesse devrait bien chanter des choses russes pour se changer les idées. (Nizan, La Conspiration,1938, p. 147)

(22) Elle l’attendait, elle n’était pas surprise de le voir enfin se changer en prince. (Zola, Le Rêve,1888, p. 120)

5) COULER

(23)C’est un grand ambitieux et un illuminé et en même temps c’est un paysan dans les veines de qui coule le même sang que dans les veines de son frère, l’affreux. (Quirin Baillard. Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1909-11, p. 236)

(24) On a entendu couler du sable et tomber des pierres. (Giono, Regain,1930, p. 18).

(25) C’est une lave en ébullition que la ménagère dompte et coule orgueilleusement dans les pots [de confiture]. (S. de Beauvoir, Le Deuxième sexe,1949, p. 241)

(26) Le navire coule. (www.cnrtl.fr)

(27) Nous pouvons avec cette folie couler en un soir une réputation de quinze ans. (Anouilh, Répét.,1950, I, p. 27).

6) DANSER

(28) Allez, disparaissez dans les plaisirs divers ! … Aux bois, peut-être, y trouveriez les Muses, Toutes ensemble à cette heure confuses, L’une chantant, l’autre disant des vers, Et l’autre danse, et c’est la plus heureuse ! ( Valéry, Cantate du Narcisse,1938, p. 255)

(29) Selon le P. Ménétrier, le violon convenait très bien pour dresser les chevaux et les préparer à danser les quadrilles dans les carrousels. (Grillet, Ancêtres violon,t. 2, 1901, p. 36).

(30) Je suis réconcilié avec les chemins de fer… La rapidité est inouïe… les villes, les clochers et les arbres dansent et se mêlent follement à l’horizon. (Hugo, France et Belgique,1885, p. 92)

(31) Nous nous mîmes à danser, Antonia et moi, les danses que ces autres personnes avaient choisies. (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 139) :

(32) Pensées qui dansent dans la tête(www.larousse.fr)

7) ÉLOIGNER

(33) Si elle allait le rejeter!… le repousser!… l'éloigner avec horreur!… lui, le petit voleur du collège d'Eu! (…) s'il allait ne plus la revoir, ne plus vivre à ses côtés. (G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 25)

(34) Chaque instant qui s'écoule repousse vers le passé l'instant où je te voyais encore; le temps s'éloigne, le dévore. (Cottin, Cl. d'Albe,1799, p. 177)

(35) Tout ce qui peut éloigner l'homme de la fin sainte et divine à laquelle l'appelle sa nature. (Renan, Souv. enf.,1883, p. 405)

(36) Le caractère de leurs travaux, leurs habitudes mentales, (…) tout les éloigne des hommes d'action enclins à dépasser la mesure .(Clemenceau, Iniquité,1899, p. 142).

S’ÉLOIGNER

(37) J’avais beau m’éloigner de la triste oasis, à mesure que j’avançais, mes impressions désolées se renforçaient. (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 151)

(38) Je voyais, plein d’ennui, s’éloigner toujours le cher instant où je pourrais soigner l’intimité naissante du doux ami que je trouvais en vous. (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1891)

(39) Ne vous éloignez pas de moi, parce que je vous dis mes petites lâchetés. (Rolland, J.Chr.,Foire, 1908, p. 740)

(40) Les deux cauchemars de l’humanité, la peste et la famine, semblent s’éloigner d’elle sans retour. (Bloch, Dest. Du S.,1931, p. 198).

8) FUIR

(41) Il ne s’agit pas de nous défendre, il s’agit de fuir. (Dumas père, Tour Nesle,1832, I, tabl. 2, 5, p. 22)

(42) Si les galaxies fuient avec une vitesse croissante à mesure qu’elles s’éloignent, qu’arrivera-t-il lorsque leur vitesse avoisinera celle de la lumière ? (Decaux, Mesure temps,1959, p. 23)

(43) Je n’aime point les journalistes. Ce sont des esprits brouillons et entreprenants qu’il faut fuir comme la peste. (G. Leroux, Myst. Ch. Jaune,1907, p. 58)

(44) Incitant parfois à fuir devant les responsabilités. (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 215).

9) JOUER

(45) Dans son dos, Mathieu entendait les cris des gamins qui jouaient dans les ruelles abandonnées du village. (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 144)

(46) Il est resté enfant; il s'amuse avec des images, joue aux billes, à la toupie. (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 629)

(47)Je jouais de lui avec une aisance merveilleuse… D'un simple regard, je le faisais passer de la colère à l'attendrissement. (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 85)

(48) « Tiens, le voilà ton atout. − Qu'est-ce que c'est l'atout? » Grande échine noire courbée sur le jeu : « Hahaha! » « Quoi? Voilà l'atout, il vient de le jouer. » (Sartre, Nausée,1938, p. 36)

(49) Les Niçois (…) ont encore joué un excellent match devant le Bayern. (L'Équipe,9 janv. 1981, p.3)

(50) Valdemar, avec la même pathétique maladresse, jouait de quatre ou cinq instruments différents. Il avait, ce jour-là, descendu son violon. (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 69).

(51) On joue le Cid à la Comédie Française. Antoine jouerait une fois trois petites pièces de son répertoire dans une soixantaine de localités différentes, et aurait cent francs de fixe. (Goncourt, Journal,1896, p. 976)

(52) Il jouait avec la grammaire, le dictionnaire, la double entente des termes. (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 25)

10)RECULER

(53) Le train s'arrêta dans un grand bruit de freins. Puis, se mit à reculer. (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 31)

(54) Avec la fin du jour recule le bruit et jusqu'au matin il n'y a plus rien à attendre de cette intimité terrible qui étreint la ville. (Morand,Chron. homme maigre, 1941, p. 172)

(55) Le savant conservateur de cette partie du Museum (…) m'a montré (…) le squelette d'un homme fossile dont l'âge reculerait singulièrement l'apparition du règne humain sur notre planète. (Michelet,Chemins Europe, 1874, p. 183)

(56) Elle se flattait de reculer les aveux qu'il exigeait d'elle. (Staël,Corinne, t. 2, 1807, p. 169)

(57) Que de liens, mon ami, rompus en quelques heures! J'en étais effrayé (…); mais la nécessité me poussait en avant, et il n'y avait plus moyen de reculer. (Renan,Souv. enf., 1883, p. 393)

11)VENIR

(58) Le chasseur lui fit part d'un coup de téléphone; le comte d'Orgel regrettait de ne pouvoir venir après dîner. (Radiguet, Bal, 1923, p. 72)

(59) J'ai même dû vendre, l'an dernier, un domaine de cent soixante hectares, la Michouille, qui me venait de ma grand'mère maternelle. (Romains, Knock, 1923, ii, 5, p. 12)

(60) Comment se peut-il (c'est ici le mystère) que ceux qui vinrent après nous, et qui s'en iront tout de même (…) aient eu d'autres désirs que les nôtres, et d'autres dieux? (Valéry, Variété[I], 1924, p. 110)

(61) Ce matin, travaillé à mon livre avec ces éternelles difficultés: les idées viennent, les mots refusent de se montrer. (Green, Journal, 1957, p. 319).

12) VOIR

(62) … Suzanne et moi nous montions tout en haut [de l'arbre], et de la cime on criait à ceux des régions inférieures: « On voit la mer! On voit la mer! ». (Gide, Si le grain, 1924, p. 412)

(63) La nature nous a donné, comme aux animaux, des yeux pour voir les objets que la lumière éclaire .(Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 151)

(64) Rosenthal doit avoir des idées de derrière la tête. On lui voit cette satisfaction hypocrite des hommes qui font des plans. (Nizan, Conspir., 1938, p. 56).

(65) Six mille, ils m'en ont donné!… Et Cristina l'avait payé dix-huit!… Je le sais, j'ai vu la facture! (Bourdet, Sexe faible, 1931, ii, p. 366)

(66) Depuis qu'il existe, le Café de l'Univers a toujours été (…) le rendez-vous des auteurs dramatiques. J'ai vu là des hommes illustres dont on ne parle plus. (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 92)

(67) Tu sais, il ne va pas fort, mon Philibert, je le vois sur la fin (Aymé, Jument, 1933, p.83)

(68)Frédé peut faire mieux qu'un courrier. Il a été responsable politique à Toulouse. − Je verrai cela avec Caracalla (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 10)

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