Katharina Reiss Problématiques DE LA Traduction
KATHARINA REISS : PROBLÉMATIQUES DE LA TRADUCTION
Liviu Marcel Ungurean
Université « Ștefan cel Mare » Suceava
Le livre Problématiques de la traduction de Katharina Reiss (Ed. ECONOMICA Anhropos, Paris, 2009) ouvre la collection Bibliothèque de Traductologie. La préface est signée par Jean-René Ladmiral, qui considère que la publication de ce livre en français contribue à faire connaître les travaux de Katharina Reiss en France et dans l’espace francophone.
Docteur en philologie, habilitée en linguistique appliquée, Katharina Reiss est une figure remarquable dans le domaine de la traductologie – ou théorie de la traduction – de langue allemande depuis plus de trente ans.
Parmi ses livres on peut citer Type, Kind and Individualty of Text Decision Making in Translation, The Translation Studies Reader, édité par Lawrence Venuti, London, Routledge en 2000, et « La critique des traductions, ses possibilités et ses limites », livre traduit de l’allemand par Catherine Bocquet, et publié en 2002. Elle est connue aussi comme traductrice maîtrisant outre l’allemand, l’espagnol et l’anglais.
Le livre Problématiques de la traduction est né à la suite d’un cycle de huit séances d’un cours magistral que Katharina Reiss a donné comme professeur invité à l’Université de Vienne. Selon Jean-René Ladmiral : « On trouvera dans ce livre huit "coups de projecteur" sur la recherche en traductologie qui, pour l’essentiel reprennent et actualisent des problématiques spécifiques dont Katharina Reiss avait traité auparavant lors de sa longue et féconde carrière de traductologue ».
Le premier chapitre se propose de répondre à la question : « Qu’est-ce que la traductologie et à quoi sert cette discipline ? ». L’auteur y présente les controverses théoriques concernant le concept de traductologie. La traduction est perçue différemment par ceux qui s’en occupent : elle est considérée « un artisanat » par les traducteurs des textes spécialisés, et « un art » par les traducteurs des textes littéraires. Quant à la traductologie, elle est considérée une discipline de réflexion et non une discipline de savoir. Pour ce qui est du champ de recherche de la traductologie, selon James Stratton Holmes il comprend : la traductologie descriptive, la traductologie théorique et la traductologie appliquée.
Le deuxième chapitre essaie de définir la traduction, et de présenter les types de traduction. Selon Königs la traduction est « la transposition adéquate, dans le respect de la syntaxe, du lexique et des normes stylistiques propres à la langue-cible d’un matériau linguistique constitué en langue source ». En ce qui concerne les types de traductions les plus usités, Katharina Reiss en identifie cinq : La version interlinéaire (mot à mot), la traduction littérale (grammar translation), la traduction-document, traduction savante ou philologique, la traduction communicative et la traduction-adaptation.
Il appartient au traducteur (ou à son donneur d’ouvrage) de décider quel type de traduction sera adéquat dans une situation concrète. De toute façon nous devons comprendre qu’une traduction n’est pas identique au texte original, et qu’il est impossible qu’une traduction prenne en compte toutes les dimensions du texte original.
Le troisième chapitre présente la relation entre les théories de la traduction et la pratique traduisante. Pour expliquer le rôle de la théorie dans l’activité pratique Katharina Reiss présente la théorie du skopos. Selon cette théorie, la finalité ou la fonction d’une traduction (et par conséquent le lecteur auquel cette traduction est destinée) détermine toutes les décisions du traducteur lorsqu’il transpose un texte-source (issu d’une culture-source) pour en faire un texte-cible (destiné à une culture-cible). Ensuite l’auteur nous présente les principaux facteurs qui influencent le processus traductif : le traducteur, le processus de traduction, l’émetteur, la communication, le texte, le récepteur et le transfert.
Le quatrième chapitre se propose de démontrer que signifie comprendre le texte. De ce
point de vue le traducteur a une double responsabilité : comprendre le texte à traduire et faire comprendre ce texte dans la langue-cible. E. Leibfried (1970) en parlant de la compréhension des textes littéraires faisait une distinction inspirée entre une compréhension émotionnelle et une compréhension rationnelle.
Katharina Reiss considère que la première phase de la compréhension, qui est de l’ordre
du ressenti (et qu’elle préfère désigner par « compréhension intuitive ») devrait occuper une place plus importante dans la théorie de la traduction. Elle recommande une lecture intuitive du texte dans sa globalité. Le traducteur devrait n’aborder la phase de compréhension rationnelle qu’après avoir « rencontré » ainsi le texte qui lui est confié ; l’analyse rationnelle du texte lui permettra alors de vérifier sa compréhension intuitive.
Les principaux facteurs qui influencent la compréhension d’un texte sont : La personne du récepteur (ici le traducteur) dont la compréhension est fondamentalement subjective, un pré-savoir qui comprend les informations d’arrière-plan, nécessaires au traducteur pour analyser le substrat linguistique du texte et le texte lui-même qui peut dès le début soit se prêter à diverses interprétations, soit être incompréhensible, difficile à comprendre ou ambigu.
Tous ces facteurs viennent baliser le processus herméneutique, chacun pouvant mener à
une mauvaise compréhension ou à l’impossibilité de comprendre. Une fois parvenu au terme du processus herméneutique, le traducteur aborde l’autre face de l’activité traduisante, à savoir le processus de reverbalisation. L’option fondamentale consiste, pour le traducteur, à choisir la stratégie qu’il appliquera à l’ensemble du texte sur lequel il travaille.
Le cinquième chapitre présente quelques aspects pragmatiques de la traduction. L’auteur y analyse les signes linguistiques du point de vue syntaxique, sémantique et pragmatique. Le traducteur a affaire à des signes linguistiques employés par un émetteur dans des situations concrètes : sa tâche est de chercher dans la langue-cible des signes linguistiques de même valeur, et son effort est destiné à des récepteurs qui non seulement parlent une autre langue, mais aussi font partie d’une autre communauté culturelle.
Le traducteur doit analyser chaque relation pragmatique pour déterminer sa nature, l’échelon où elle produit des effets et la fonction qu’elle remplit dans le contexte linguistique et situationnel où elle apparaît. Pour préparer la reverbalisation il faut chercher un dénominateur commun entre les facteurs pragmatiques liés à la langue-source et ceux qui sont liés à la langue-cible.
Le sixième chapitre analyse la typologie des textes dans la perspective de l’activité traduisante. En traductologie « type de texte » et « genre de texte » ne sont pas des notions concurrentes comme c’est parfois le cas en linguistique textuelle. La différence c’est que la traductologie étudie non pas seulement des textes, mais des textes traduits ou à traduire. Il importe donc de se faire une idée claire du statut du texte (vu comme un « matériau de traduction ») au sein de la culture de la langue–source avant de se prononcer sur le statut que ce texte devra (ou pourra) acquérir dans la culture-cible.
Lorsqu’il veut rédiger un texte, tout auteur fait son choix parmi les trois formes principales que revêt la communication. Si l’auteur rédige un texte pour informer, les textes de ce type seront qualifiés d’informatifs. Si le contenu est mis en forme d’une manière artistique, s’il est organisé selon des critères esthétiques, c’est un texte qui relève du type expressif. Si le texte est conçu pour déterminer son récepteur à agir, on dit qu’il s’agit d’un texte opératif. Mais un texte peut fort bien ne pas appartenir à un seul et unique type de texte. Il y a ce qu’on appelle les formes hybrides de texte.
Le septième chapitre traite de l’incidence des genres de textes et des conventions textuelles sur l’activité traduisante. Dans ce chapitre l’auteur ressent le besoin de préciser le sens de certains termes comme : groupe de textes, classe de textes, genre littéraire, modalité textuelle, domaine textuel et type de textes. On accorde un espace généreux à la notion de genre de texte ; en partant de la définition de Friedemann Lux, Katharina Reiss fait quelques observations personnelles et présente aussi diverses réflexions d’autres auteurs.
Il y a plusieurs catégories de genres textuels dont Reiss en distingue trois : les genres textuels complexes, les genres textuels homogènes et les genres textuels complémentaires. Les genres textuels « accueillants » qui peuvent accueillir d’autres par enchâssement (cf. Lux 1981), et que l’auteur qualifie de complexes, constituent un défi supplémentaire pour le traducteur.
Il y a un grand nombre de conventions qui s’appliquent à l’intérieur d’une communauté linguistique et qui doivent être respectées pour certains groupes de textes. Elles peuvent influencer le comportement du traducteur et ses choix traductifs.
Le dernier chapitre présente deux notions-cléf de la théorie et de la pratique de la traduction : l’équivalence et l’adéquation. Adéquation signifie approximativement pertinence. Or la pertinence ne peut se concevoir de manière absolue : elle doit être mise en relation avec un agir. Une action peut être adéquate, ou pertinente, au regard de la finalité qui a été donnée à cet agir. On peut donc dire que l’adéquation est une relation entre la fin et les moyens ; cette notion est axée sur le processus (on peut dire aussi qu’elle relève de la praxéologie).
À la différence de l’adéquation, qui concernait le choix des signes linguistiques en fonction de la visée assignée au texte-cible, l’équivalence est la relation d’égalité de valeur entre des signes appartenant à deux systèmes linguistiques.
La formulation de critères d’équivalence entre un texte original et sa traduction obéit à deux principes qui sont : 1) la sélection et 2) la hiérarchisation. Le traducteur applique le principe de sélection lorsqu’en procédant à l’analyse du texte-source, il choisit les éléments caractéristiques du texte à traduire.
Le livre de Katharina Reiss est le résultat de plus de trente ans d’expérience en tant que traductologue et traducteur. C’est pourquoi elle met en permanence en balance la théorie et la pratique, en mettant en évidence le fait que rien n’est plus utile pour la pratique traduisante qu’une bonne théorie de la traduction. Dans ses conférences elle aborde des problèmes essentiels pour la traductologie comme par exemple : la typologie de la traduction, le concept d’équivalence, la traduction communicative, la compréhension intuitive ou la théorie du skopos.
Tous ces problèmes sont abordés d’une manière didactique, basée sur une argumentation solide, illustrée par de nombreux exemples. On peut affirmer que ce livre est un très utile instrument de travail pour tous les théoriciens et les praticiens du domaine de la traduction et de la traductologie.
Références bibliographiques :
HOLMES James Stratton, [1972] 1987: “The name and nature of translation studies” in Indian Journal of Applied Linguistics, (revue semestrielle paraissant à New Delhi); vol. 13 No. 2, juin 1987.
KÖNIGS Frank G., 1979 : Übersetzung in Theorie und Praxis, Ansatzpunkte für die Konzeption einer Didaktik der Übersetzung, Seminar für Sprachlehrforschung, Ruhr-Universität Bochum, (diffusé par) Julius Groos Verlag, Heidelberg.
LADMIRAL Jean-René, 1997: « Les quatre âges de la traductologie. Réflexions sur une diachronie de la théorie de la traduction », in L’histoire et les théories de la traduction. Actes du Colloque international tenu les 3,4 et 5 octobre 1996 à Genève, ASTTI , Berne, Université de Genève (ETI), Genève.
LEIBFRIED Erwin 1970: Kritishe Wissenschaft vom Text. Manipulation, Reflexion, transparente Poetologie, J. B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung und Carl Ernst Poeschel Verlag, Stuttgart.
LUX Friedeman, 1981 : Text, Situation, Textsorte. Probleme der Textsortenanalyse, dargestellt am Beispiel der britischen Registerlinguitik. Mit einem Ausblick auf eine adäquate Textsortentheorie, Tübinger Beiträge zur Linguistick , Gunter Narr Verlag, Tübingen.
ORTEGA Y GASSET José, [1937] 1983 : « Miseria y Esplendor de la Traductión », (série d’articles publiés initialement à Buenos Aires dans La Nación, entre mai et juin 1937) in Obras completas in 12 volúmenes, tomo V, Alianza editorial Revista de Occidente, Madrid, 1983.
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