Je tiens en premier lieu à remer cier et et à exprimer ma profonde gratitude à mon directeur de [609840]

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Remerciements

Je tiens en premier lieu à remer cier et et à exprimer ma profonde gratitude à mon directeur de
thèse, Madame le Professeur Cristiana -Nicola TEODORESCU, qui, toujours positive, a eu le courage de
me prendre sous son aile et la patience de m’encourager, de me soutenir et d’être près de moi pendant
toute cette période . Sans elle, je n’aurais pas réussi de profiter d’une telle expérience enrichissante . Plus
encore, je n e l’aurais pas essayé …
J’exprime mes remerciements les plus chaleureux à Madame le Professeur Cecilia Co ndei, à
Madame le Professeur Daniela Dincă et à Madame le Professeur Cecilia Mihaela Popescu pour avoir
accepté de faire partie de comité d’encadrement et pour leurs remarques judicieuses et leurs
recommandations.
Je remercie tout spécialement les membres du jury qui ont accepté d’évaluer ma thèse e t de
m’honorer de leur présence à la soutenance .
J’adresse de vifs remerciements à l’équipe de la Maison des Sciences de l’Homme de l’Université
de Bourgogne pour le support technique pendant les cinq mois de mobilité Erasmus, spécialement à
Monsieur le Professeur Laurent GAUTIER pour ses commentaires pertinents et pour ses suggestions grâce
auxquels j’ai pu aff iner ma réflexion.
Un grand merci à Madame le Professeur Monica TILEA, de l’Université de Craiova, pour son
soutien pendant la mobilité Erasmus à Dijon, à l’Université de Bourgogne.
Je tiens à remercier du fond de mon coeur à mes parents, qui n’ont jamais cessé de m’encourager,
de m’aimer et d’être fiers de moi. Je leur remercie pour le confort émotionnel qu’ils m’offrent et je leur
demande pardon pour mon absence de leur vie surtout pendant la dernière année… Je leur dois tout !
Je remercie aussi ma sœur pour sa patience et son soutien moral , pour être toujours à ma
disposition quand j’ai besoin d’elle , mon fr ère et sa famille pour leur protection et leur soutien…
De grands remerciements à Teodora, ma nièce dont les peintures embelissent ma vie, grâce à son
talent de joindre les plus belles couleurs, le sujet de ma recherche.
Merci, Mihaela, de m’avoir épaulée et encouragée pendant toute cette période.
Mille remerciements à tous mes amis qui ont été près de moi, qui ont passé leur temps pour
m’encourager quand je soupirais , pour tenir leurs doigts croisés et qui ne m’ont pas partagé leurs soucis
personnels pour me protéger.

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7
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION
1. Éléments de contextualisation ……………………………………………………………… ….… 27
2. Intérêt scientifique du sujet ………………………………………………… ………… …… ….… 29
3. Intérêt personnel du sujet ……………………………………………… …………… ……… …… 30
4. Hypothèse et objectifs de la recherche ……………………………………………………… …… 32
5. Éléments de problématique ………………………………… …………. …………………… …… 33
6. Motivation du choix du corpus …… ………………………………… ……… ……………… …… 33
7. Méthodologie ……………………………………………………… ………………………… …… 35
8. Plan de la recherche …………………………………………………… …………………. ……… 35

PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE I – CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE ………………… ……… …………… … 39
Introduction ……………………………………………………… ……………………………… …… 39
1.1. Le discours spécialisé. Perspectives théoriques ……………………… …… …………… .….. 39
1.1.1. Langue générale / langue spécialisée ………………… ……… ………………… .….. 40
1.1.2. Langue spécialisée ou langue de spécialité ……………… ……………………… ..….41
1.1.3. Texte ou discours spécialisé ………………………………… ………………… ….…46
1.1.4. Spécificités du discours ……………………………………… …..……………… .… 50
1.1.5. Spécificités du discours spécialisé ………………………………… …..………… .… 56
1.1.5.1. Au niveau lexical ……………………………………………… …….. ……… .… 56
1.1.5.2. Au niveau sémantique ………………………………………… ………………… 58
1.1.5.3. Au niveau gra mmatical …………………………………… .…………………… 59
1.1.5.4. Au niveau pragmatique ………………………………………… ..………………60
1.1.6. Langue de l’histoire comme langue spécialisée ……………………… ..…………… 61
1.2. Lexicologie. Perspectives théoriques ……………………………………………… ….………… 67
1.2.1. Champ lexical ……………………………………………… …………….. ………… 69
1.2.2. Réseau lexical ………………………………………………… ……………. ……… 71
1.2.3. Champ sémantique …………………………………………… ……….. …………… 71
1.2.4. Le champ lexical sémantique …………………………………… …..……………… 74
1.2.5. Dénotation/connotation ………………………………………… …………………… 74
1.3. Terminologie. Perspectives théoriques …………………………………………………… ..…… 75
1.3.1. Histoire de la terminologie …………………………………………………… ..…… 76
1.3.2. La démarche wüstérienne …………………………………………………… ……… 76
1.3.3. État actuel de la terminologie ……………………………………………… ….…… 77
1.3.3.1. Les adeptes de la théorie de Wüster …………………………… …………. …… 77
1.3.3.2. Les c ritiques de la théorie de Wüster ……………………………… ………… … 78
1.3.3.3. Les orientations actuelles de la terminologie ………………………………… … 78
1.3.4. La terminologie en Roumanie …………………………… ……………………. …… 79
1.3.5. La socioterminologie ……………………… ……………………………… ………… 80
1.3.6. Terminologie versus socioterminologie ………… ………….. ……………………… 81
1.4. Terminologie versus lexicologie …………………………… ……………………………… ……83
1.4.1. La position de Maria Teresa Cabré ……………… ………………. ………………… 83
1.4.2. La lexicologie comme discipline ……………………… ………………… ………… 84
1.4.3. Mot versus terme ………………………………… …………………………………. 86
1.4.4. La terminologie dans les dictionnaires ……………… …………… ………………… 89
1.4.5. La position d’autres chercheurs …………………… ………………….. …………… 91
1.4.6. Approches en terminologie ……………………… ………………………. ………… 94
Conclusions partielles …………………………… ……………………………………………… …… 95

8

CHAPITRE II – LA VIE DES COULEURS ……………………… ……………………… ………… … 97
Introduction ……………………………… ……………………………………………………… …… 97
2.1. La couleur – résultat des transformations culturelles ……………………………… ………. … 97
2.2. L’histoire des couleurs ……………………………… ……………………………….. ……… 102
2.2.1. Michel Pastoureau, historien des couleurs ……………………………… …..…..… 103
2.2.2. La démarche de Michel Pastoureau ……………………………… …….. ……… … 104
2.3. Les couleurs en tant qu’éléments d’analyse linguistique ……………………… ……… …… 105
2.3.1. Les termes basiques de Berlin et Kay ……………………………… …………… … 107
2.3.2. Les termes chromatiques chez Michel Pastoureau ……………………… …… …… 111
2.3.3. Les dictionnaires d’Annie -Mollard Desfour …………………………… .…… …… 114
2.3.4. D’autres ouvrages sur les couleurs …………………………… ……………… …… 117
Conclusions partielles ……………………………… ……………………………………………. … 119

CHAPITRE III – LE CORPUS ……………………… ………………………… ……………………… 121
Introduction ………………………………………… …………………………………………. …… 121
3.1. Présentation schématique du corpus ……………………………… …………. ……………… 121
3.2. Le corpus principal …………………………………………… …………………………… … 123
3.2.1. Les défis de l’auteur …………………………………… ……………….. ………… 123
3.2.2. Les ouvrages de Michel Pastoureau ……………………………… ..……………… 126
3.2.2.1. Bleu. Histoire d’une couleur ……………………………… ………………… 126
3.2.2.2. Noir. Histoire d’une couleur …………………………………… ..………… 130
3.2.2.3. Vert. Histoire d’une couleur …………… ………………………… ………… 134
3.2.2.4. Rouge. Histoire d’une couleur ………………………………… ..………… 138
3.3. Spécificités du corpus ………………………………………… ………………………… …… 142
3.4. Approche du corpus ………………………………………… ………………………… …… 143
Conclusions partielles …………………………………… ……………………………….. ………… 144

DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE I – ANALYSE DU CORPUS ……………………………… ……………. ……………… 149
Introduction ……………………………………………… …………………………………… ……. 149
1.1. Identification du champ lexico -sémantique des termes de couleur ……… ..…………………… 149
1.2. Critères de catégorisation des termes de couleur ……… …………………… ..………………… 155
1.2.1. Critère sémantique ………………………………………… …………………… … 158
1.2.1.1. Analyse sémique …………………………………………… …………….. … 168
1.2.1.2. Typologie sémique ………………………………………… …………… …… 172
1.2.1.3. Définitions lexicographiques ……………………………………… ………… 175
1.2.2. Critère morpho -syntaxique ……………………………………………… ……….. 176
1.3. Analyse sémique des termes de couleur ………………………………………… …….. …… 180
1.3.1. Analyse des adjectifs de couleur ……………………………………………… …… 182
1.3.1.1. Classèmes et sémantèmes ……………………………………………… …… 183
1.3.1.1.1. Choix des sèmes marqués dans le tableau ……………………… …… 184
1.3.1.1.2. Interprétation du tableau ……………………………………… ……… 186
1.3.1.2. Virtuèmes …………………………………………… …………………… … 189
1.3.2. Analyse des noms de couleur ……………………………………………… ……… 196
1.3.2.1. Classèmes et sémantèmes ……………………………………………… …… 197
1.3.2.2. Virtuèmes des noms de couleurs ……………………………………… …..… 199
1.3.3. Traits sémiques communs ………………………………………… ………… …… 207
1.3.4. Archisémème /couleur/ ……………………………………………… ……………. 209
Conclusions partielles ……………………………………… ………………………………. ……… 211

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CHAPITRE II – LES TERMES DE COULEUR DANS LA PHRASEOLOGIE …………… ..…… 213
Introduction ……………………………………………… …………………………………………. 213
2.1. Tour d’horizon du domaine de la phraséologie ……… …………………………… ………… 213
2.1.1. Synapsie ……………………………………………… …………………………… 218
2.1.2. Groupe terminologique ………………………………………… ……………. …… 219
2.1.3. Collocation et colligation ……………………………………………… ………….. 220
2.1.4. Collocation ……………………………………………… ………………………… 220
2.2. La collocation dans l’œuvre de Michel Pastoureau ………………………………………… 226
2.3. Classification des collocations ……………………………………………… ……………… 234
2.3.1. Selon le critère sémantique ……………………………………………… ………… 235
2.3.2. Selon le critère composition …………………………………………… ………. … 236
2.3.3. Selon le critère fonction ……………………………………………… …………… 243
2.3.4. Selon le critère registres de la langue ……………………………………………… 244
2.4. Locution vs. expression ……………………………………………… ……………………… 254
2.4.1. Locution figée / expression figée ………………… …………………………… ….. 256
2.4.2. Les expressions figées dans l’œuvre de Michel Pastoureau ………………… ……. 267
2.4.3. Degrés de figement des expressions figées …………………………… …………… 271
2.5. Analyse des séquences chromatiques …………………………………………… ……….. … 273
2.5.1. Locutions figées à structure nominale ……………………………………… …..… 273
2.5.2. Locutions figées à structure verbale ………………………………………… ……. 277
2.5.3. Locutions figées à structure adjectivale ………………………………………… … 283
2.6. Degrés de comparaison des termes de couleur ………………………………………… ….. 291
2.7. Le figement ……………………………………………… …………………………………. 294
Conclusions partielles ……………………………………… ……………………… ……… ………. 300

CHAPITRE III – TRAITEMENT AUTOMATIQUE DU CORPUS ……………………… ………. 303
Introduction ……………………………………………… ………………………………………… 303
3.1. Démarche ……………………………………………… ……………………………………… 303
3.2. Champ terminologique des couleurs dans l’œuvre de Michel Pastoureau ………………… .… 306
3.3. Classification scientifique des couleurs ……………………………………………… ……….. 306
3.4. Résultats de la recherche ……………………………………………… ………………………. 307
3.4.1. Les termes bleu, noir, rouge et vert ……………………………………… ..……… 308
3.4.2. Attributs de la couleur dans notre corpus. Concordances ……………………… …. 315
3.4.3. Paramètres pour la classification des couleurs ……………………………… ……. 321
3.4.3.1. Teinte ……………………………………………… ……………………….. 322
3.4.3.2. Nuance ……………………………………………… ……………………….. 323
3.4.3.3. Ton ………… …………………………………… …………………………… 325
3.4.3.4. Tonalité ………………………………… ……………………………………. 326
3.4.3.5. Saturation ……………………………………………… ……………………. 327
3.4.3.6. Luminosité ………………………………………… …………………… …… 330
3.4.3.7. Contraste des couleurs ……………………………………………… ……….. 332
3.4.4. D’autres termes relevant du champ terminologique de la couleur ……… ………… 333
3.4.4.1. Les colorants ……………………………………………… …………………. 336
3.4.4.2. Les pigments ……………………………………………… .………………… 338
3.4.4.3. La teinture ……………………………………………… ……………………. 346
3.4.4.4. Les mordants ……………………………………………… …………………. 348
3.4.4.5. Synthèse matières colorantes ……………… ……………………………… … 350
3.4.4.6. Facteurs décolorants ……………………………………………… …………. 350
3.4.4.7. Palette ……………………………………………… ………………………… 351
3.4.4.8. Harmonie ……………………………………………… …………………….. 352
3.4.4.9. Gamme ……………………………………………… ………………………. 353

10
3.4.4.10. Rayures ……………………………………………… ………………… 354
3.4.5. Principaux supports de la couleur ……………………………………………… …. 357
3.4.6. D’autres supports ……………………………………………… ………………….. 362
3.4.7. Métiers du domaine des couleurs …………………………………………… …….. 363
3.5. La migration des termes chromatiques ……………………………………………… ………… 365
3.5.1. Bleu – migration terminologique …………………………… ………………… ….. 366
3.5.2. Noir – migration terminologique ……………………………………………… ….. 367
3.5.3. Rouge – migration terminologique ……………………………………………… … 368
3.5.4. Vert – migration terminologique ……………………………………………… ….. 369
Conclusions partielles ……………………………………………… ………………………………. 370

CONCLUSIONS GÉNÉRALES ………………………………………… …………………. …… 371
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………… ………………………………… 381
1. Ouvrages ……………………………………………… ………………………………………… 386
2. Articles ……………………………………………… …………………………………………. 393
3. Corpus …………… ………………………………… …………………………………………. 394
4. Sitographie ……………………………………………… ……………………………………… 395

ANNEXES
ANNEXE 1. Schéma corpus ……………………………………………… ………………………… 397
ANNEXE 2. Corpus ……………………………………………… …………………………………. 398
ANNEXE 3. Arbre du domaine ……………………………………………… ……………………… 417
ANNEXE 4. Synthèse matières colorantes ……………………………………………… …… …….. 420
ANNEXE 5. Captures d’écran ……………………………………………… ………………………. 427

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LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figure 1 : Le rapport Langue générale / Lange spécialisée selon Hoffmann
Figure 2 : LS – variante de LG
Figure 3 : LS comme sous -ensemble de la LG
Figure 4 : Imbrication LG/LS
Figure 5 : De la LS au DS
Figure 6: Photographie d’une page extraite de l’ouvrage Bleu. Histoire d’une couleur (2000 : 76).
Figure 7: Michel Pastoureau, Bleu. Histoire d’une couleur, ( 2000 :181).
Figure 8 : Michel Pastoureau, Noir. Histoire d’une couleur, (2008 : 194).
Figure 9 : Michel Pastoureau, Rouge. Histoire d’une couleur, (2016 : 192).
Figure 10 : Michel Pastoureau, Vert. Histoire d’une couleur, (2008 : 221).
Figure 11 : Le rappo rt Lexicologie / Terminologie
Figure 12 : Le trajet historique du bleu
Figure 13 : Le trajet historique du noir
Figure 14 : Le trajet historique du vert
Figure 15 : Le trajet historique du rouge
Figure 16: Le modèle prototypique des couleurs
Figure 17 : Le modèle prototypique des quatre couleurs du corpus
Figure 18: Sème spécifique /sert à décrire/
Figure 19: Sème spécifique /situé entre deux couleurs/
Figure 20: Sème spécifique /présent dans la nature/
Figure 21: Sème spécifique /rapport au spectre/
Figure 22: Sème spécifique /luminosité/
Figure 23: Le trajet historique du Bleu
Figure 24: L’axe de l’intensité des valeurs de bleu à travers les siècles
Figure 25: Le trajet historique du Noir
Figure 26: L’axe de l’intensité des valeurs de noir à travers les si ècles
Figure 27: Le trajet historique du Rouge
Figure 28: L’axe de l’intensité des valeurs de rouge à travers les siècles
Figure 29: Le trajet historique du Vert
Figure 30: L’axe de l’intensité des valeurs de vert à travers les siècles
Figure 31 : Terme de couleur nom / Terme de couleur adjectif
Figure 32 : Capture d’écran selon le critère de la fréquence des occurrences
Figure 33 : Graphique de spécificité du terme bleu
Figure 34 : Graphique de spécificité du terme noir
Figure 35 : Graphique de spécificité du terme rouge
Figure 36 : Graphique de spécificité du terme vert
Figure 37 : Graphique de spécificité bleu, noir, rouge et vert dans les quatre ouvrages
Figure 38 : Graphique de la progression des termes bleu, noir, rouge, vert et de leurs formes décliné es
Figure 39 : Graphique de la progression des concordances couleur bleue, couleur noire, couleur rouge et
couleur verte
Figure 40: Capture d’écran « Concordance de <[frlemma="bleu"][frpos="ADJ"] »
Figure 41 : Diagramme en bâtons – Calcul des spécificités
Figure 42 : Diagramme en bâtons – Calcul des spécificités
Figure 43 : Ton + terme de couleur
Figure 44 : Ton + DE +terme de couleur
Figure 45 : Progression des termes relevant de la saturation dans les ouvrages de Michel Pastoureau
Figure 46 : Progression des termes relevant de la luminosité dans les ouvrages de Michel Pastoureau
Figure 47 : Capture d’écran calcul des cooccurrents de colorant/s
Figure 48 : Capture d’écran illustrant les concordances du terme colorant

12
Figure 49 : Calcul des cooccurrents de p igment
Figure 50 : Calcul de la progression de pigment(s) dans l’œuvre de M. Pastoureau
Figure 51 : Progression de CORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : ["teinture?s?"%d]
Figure 52: Progression de [word="vêtement"], [word="vêtements"], [word="étoffes"], [word="étoffe"]
dans les ouvrages de Michel Pastoureau
Figure 53 : Calcul des spécificités

Tableau 1 : Critères de classification des quatre couleurs
Tableau 2 : Sèmes génériques et sèmes spécifiques
Tableau 3 : Classème et sémantème – adjectifs de coule ur
Tableau 4 : Bleu – Sèmes virtuels
Tableau 5 : Bleu – Sèmes virtuels – synthèse
Tableau 6 : Noir – Sèmes virtuels
Tableau 7 : Noir – Sèmes virtuels – synthèse
Tableau 8 : Rouge – Sèmes virtuels
Tableau 9 : Rouge – Sèmes virtuels – synthèse
Tableau 10 : Vert – Sèmes virtuels
Tableau 11 : Bleu – Sèmes virtuels – synthèse
Tableau 12 : Sèmes génériques et sèmes spécifiques
Tableau 13 : Classème et sémantèmes – noms de couleurs
Tableau 14 : Bleu – Sèmes virtuels
Tableau 15 : Noir– Sèmes virtuels
Tableau 16 : Rouge – Sèmes virtuels
Tableau 17 : Vert – Sèmes virtuels
Tableau 18 : Bleu, noir, vert, rouge – base des collocations
Tableau 19 : Collocatif monolexical, bilexical et plurilexical
Tableau 20 : Couleur – sèmes génériques et spécifiques
Tableau 21 : Coule ur – sèmes virtuels
Tableau 22 : Couleur + Prép. + N
Tableau 23 : Collocations à structure bilexicale
Tableau 24 : Collocations à structure polylexicale
Tableau 25 : Moule collocations N (base) + Prép. + N + Adj.
Tableau 26 : Collocations nominales
Tableau 27 : Collocations adjectivales
Tableau 28 : Structure Np + de + prédéterminant + Ns
Tableau 29 : Structure Np + de + prédéterminant + Ns + Adj. + N Prédét.
Tableau 30 : Tableau phraséotermes
Tableau 31 : Tableau collocations
Tableau 32 : Locutions
Tableau 33 : Locutions figées à structure nominale
Tableau 34 : Terme de couleur nom / Terme de couleur adjectif
Tableau 35 : Locutions figées à structure verbale
Tableau 36 : Bleu – locutions nominales
Tableau 37 : Noir – Locutions figées
Tableau 38 : Rouges – locutions nominales et verbales
Tableau 39 : Vert – locutions figées
Tableau 40 : Bleu – locutions
Tableau 41 : Noir, vert, rouge – locutions
Tableau 42 : moule Adj. + comme + Article (défini/indéfini) + N
Tableau 43 : Degrés de comparaison
Tableau 44 : Couleurs primaires, secondaires, complémentaires

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Tableau 45 : Fréquences des termes bleu, noir, rouge et vert dans les quatre ouvrages de Michel
Pastoureau
Tableau 46 : concordances bleu, noir, rouge et vert + ADJ.
Tableau 47 : Concordances bleu, noir, rou ge et vert + N
Tableau 48 : Bleu – Phraséotermes
Tableau 49 : Noir – Phraséotermes
Tableau 50 : Rouge – Phraséotermes
Tableau 51 : Vert – Phraséotermes

14

15
Bleu, noir, rouge et vert – entre lexicologie et terminologie
(Résumé de la thèse)

Mots clés : mot, terme, champ lexico -sémantique, analyse sémique, terminologie

I. Introduction
Notre recherche se propose d’étudier le champ lexico -sémantique de quatre couleurs, bleu, noir,
rouge et vert, tout en mettant en exergue le va et vient des termes chromatiques entre le lexique et la
terminologie, ce qui nous conduit à leur analyse séparée , en fonction de leur appartenance à la langue
générale ou à la langue spécialisée. Puisque les quatre ouvrages dont nous avons extrait notre corpus sont le
résultat du travail de recherche d’un historien de l’héraldique et de la symbolique occidentale, ma is aussi
des couleurs, nous considérons que la terminologie spécifique au domaine de l’histoire, dans notre cas de
l’histoire des couleurs, n’est pas empreinte d’un degré de spécialité extrêmement élevé. Situé au carrefour
de plusieurs domaines, dont les p lus exploités sont celui de l’histoire et celui chromatique, le discours de
Michel Pastoureau nous est plus accessible qu’un autre discours spécialisé du fait que nous connaissons
beaucoup de termes à force de les avoir déjà rencontrés dans nos lectures, d ans notre contact direct avec
des textes spécialisés, voire avec des spécialistes, le discours étant ainsi facile à décoder, sans nous exiger
des connaissances approfondies dans les deux domaines.
II. Cadre conceptuel et théorique
Les couleurs ont suscité au f il des siècles l’intérêt d’un grand nombre de spécialistes de divers
domaines, mais aussi l’intérêt des peuples qui les ont intégrées dans leurs cultures. En tant que sujet de
recherche, les physiciens, les chimistes, les médecins, les physiologistes, mais aussi les psychologues, les
artistes, les philosophes s’y sont penchés de manière systématique, en établissant des classifications et des
études, selon des approches relevant de chaque domaine, choisies en fonction des objectifs qu’ils s’étaient
proposés.
À son tour, Michel Pastoureau étudie tous les aspects de la vie humaine pour retracer les histoires
des quatre couleurs, qu’il envisage comme faits de société , du matériel à l’idéologique : les aspects
pratiques, scientifiques, quotidiens, voire la symbo lique de la couleur. L’auteur a insisté bien entendu sur
les domaines de prédilection où les couleurs se sont manifestées au fil du temps, pour comprendre et pour
nous aider à nous faire une idée complète de ce que la production et la préservation de la co uleur supposent.
La partie théorique de la thèse confère le cadre conceptuel de notre travail de recherche. Nous
situant du côté des recherches linguistiques, la définition des notions telles que champ lexical, champ
sémantique, champ lexico -sémantique, di scours et texte spécialisé, langue générale et langue spécialisée,
terminologie et socioterminologie s’est avérée très utile pour notre démarche.
En ce qui concerne la dénomination des couleurs, nous avons présenté les deux théories reconnues
dans la litté rature de spécialité, la théorie relativiste , connue également sous le nom de « l’hypothèse Sapir –
Whorf », conformément à laquelle c’est le langage qui détermine la catégorisation de la couleur, et la
théorie universaliste , la théorie des termes basiques d e Brent Berlin et Paul Kay, selon lesquels c’est la
perception humaine qui détermine la catégorisation des couleurs.
III. Hypothèse et objectifs de la recherche
Au centre de notre préoccupation se trouve l’idée que, dans l’œuvre de Michel Pastoureau, il est
possible d’identifier tant des champs lexico -sémantiques pour les couleurs étudiées – le bleu, le noir, le
rouge et le vert – qui se prêtent à une analyse lexico -sémantique, mais aussi un champ terminologique qui
comprenne les termes chromatiques appartenant aux divers domaines spécialisés.
Un autre aspect intéressant pour notre étude est représenté par les séquences construites avec ces
termes chromatiques que nous avons classifiées dans des collocations, locutions et expressions figées d’un
côté et groupes terminologiques ou phraséotermes de l’autre côté. Ainsi le défi a été d’étudier les séquences
identifiées selon les mêmes méthodes, plus précisément selon l’analyse morpho -syntaxique et l’analyse
sémique.

16
Étant donné la spécificité de notre corpus, qui réside dans l’existence de ces deux champs, l’un
relevant de la sémantique et de la lexicologie, l’autre de la terminologie, nous avons proposé une analyse
sémique des éléments composant les deux champs.
Une autre hypothèse que nous avons proposée est qu’u ne couleur n’est pas « positive » ou «
négative » par excellence, et que c’est la société qui lui confère la valeur, d’une part en fonction de son
évolution technique, d’autre part selon le goût des peuples et de leur perception des couleurs en discussion.
L’objectif de notre recherche vise l’analyse du champ lexico -sémantique des termes de couleurs
dans les quatre ouvrages de Michel Pastoureau, la décomposition en traits sémantiques des éléments
composants du corpus. Nous nous proposons de dégager les uni tés minimales de signification, les sèmes, et
d’utiliser les unités minimales ainsi identifiées tant dans l’analyse des termes considérés séparément, qu’au
niveau des collocations et des locutions figées construites avec des termes de couleur et au niveau de la
terminologie chromatique.
IV. Corpus
Le corpus que nous étudions dans notre recherche est structuré en deux parties :
 Un corpus principal – les termes qui composent les champs lexico -sémantiques du bleu, du noir,
du rouge et du vert que nous avons extraits des ouvrages de Michel Pastoureau que nous avons
numérisés : Bleu. Histoire d’une couleur , 2000, Paris, Seuil ; Noir. Histoire d’une couleur , 2008,
Paris, Seuil ; Rouge. Histoire d’une couleur , 2016, Paris, Seuil et Vert. Histoire d’une couleur ,
2013, Paris, Seuil et
 Un corpus secondaire , organisé dans deux sous -catégories :
o Dictionnaires généraux, pour les définitions des quatre termes analysés, nécessaires pour
l’analyse sémique des termes en discussion qui se divisent à leur tour en
 Version papier :
i. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome II, Bip -Cout, 1985, Dictionnaires Le
Robert, Paris ;
ii. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et an alogique
de la Langue Française, Tome VI, Lim -Oz, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
iii. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome VIII, Raiso -Sub, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
iv. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome IX, Suc -Z, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
 Version en ligne :
Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://atilf.atilf.fr/ ;
o Les dictionnaires spécialisés d’Annie Mollard -Desfour :
i. Le Bleu . Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2013, Paris, CNRS Éditions ;
ii. Le Noir. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2010, Paris, CNRS Éditions ;
iii. Le Rouge. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe
– XXIe, 2009, Paris, CNRS Éditions ;
iv. Le Vert. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’ hui XXe –
XXIe, 2012, Paris, CNRS Éditions ;
b. Les dictionnaires d’expressions / de combinaisons de mots
i. version papier : Dictionnaire des expressions et locutions , 1989 et
Dictionnaire de Combinaisons de Mots , 2007, Dictionnaires LE ROBERT,
Paris ;
ii. en ligne : Dictionnaire des collocations (http://www.tonitraduction.net/ ) et
Dictionnaire des cooccurrences TERMIUM Plus® du Gouvernement du
Canada,

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(http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha -fra.html?lang=fra .).
V. Méthodologie
En vue d’atteindre l’objectif que nous nous sommes proposé, nous avons choisi d’employer la méthode
de l’analyse sémique (en ce qui concerne sa dénomination, nous avons préféré la variante utilisée par B.
Pottier, A. -J. Greimas, E. Coșeriu, au lieu de celle d’analyse componentielle d’origine américaine, promue
par J. -J. Katz et J. -A. Fodor), une méthode à l’aide de laquelle nous avons suivi la réalisation d’une analyse
claire et précise, en traits pertinents sémantiques. Nous avons opté pour les perspectives lexico -sémantique
et terminologique, ayant en vue la spécificité de notre corpus.
VI. Survol descriptif des chapitres de la thèse
Notre travail de recherche comprend une introduction – dans laquelle nous avons présenté notre
intérêt personnel et scientifique, nous avons motivé le choix du corpus et nous avons délimité la
problématique, les hypothè ses, les objectifs que nous nous sommes proposés et la méthodologie choisie en
fonction de notre corpus et des objectifs établis – et deux grandes parties, chacune de ces parties
comprenant trois chapitres.
Dans la première partie, nous avons inclus : un premier chapitre consacré au Cadre conceptuel
et théorique de la thèse , avec des sous -chapitres traitant de la lexicologie, de la terminologie, du langage
courant, ainsi que du langage spécialisé ; un deuxième chapitre intitulé La vie des couleurs dans leq uel
nous avons fait une revue des ouvrages écrits sur les couleurs, tant du point de vue scientifique que du point
de vue linguistique, en rappelant les théories sur la dénomination des couleurs et un troisième chapitre
intitulé Le corpus consacré à la des cription détaillée de notre corpus principal et des démarches que nous
avons faites en vue de le préparer pour l’étude que nous avons faite.
La deuxième partie est destinée à l’analyse proprement -dite et aux résultats obtenus. Elle comprend
à son tour trois chapitres : le premier, intitulé Analyse du corpus , propose une analyse du corpus en
utilisant l’analyse sémique ; le deuxième chapitre, Les termes de couleur dans la phraséologie,
commence avec un tour d’horizon de la phraséologie comme domaine dont relèvent les expressions, les
locutions et les collocations d’une langue et avec quelques délimitations terminologiques vu le
foisonnement des d énominations dont ces phénomènes bénéficient, pour passer ensuite à l’identification de
telles séquences dans les quatre ouvrages de Michel Pastoureau et à leur analyse, ainsi que l’analyse de la
langue à laquelle elles appartiennent – générale ou spéciali sée ; le troisième chapitre, Traitement
automatique du corpus, présente l’analyse du corpus – surtout du champ terminologique des couleurs –
que nous avons faite à l’aide du logiciel TXM, tout en réalisant également une délimitation entre la
lexicologie et la terminologie. Nous précisons que le logiciel nous a servi d’une part à rassembler les
éléments qui composent le champ lexico -sémantique des termes de couleur et à identifier leurs contextes, et
d’autre part dans l’analyse de ce corpus. Ainsi, nous avon s pu dresser des listes de fréquences, nous avons
pu observer et comparer les concordances et les cooccurrences des termes en discussion et nous avons pu
faire des calculs de la progression de ces termes et présenter des graphiques de spécificité dans les ouvrages
de Michel Pastoureau.
VII. Éléments nouveaux
Par notre travail de recherche, nous nous sommes proposé de mettre en lumière l’hypothèse de
Michel Pastoureau en ce qui concerne les couleurs : la couleur est un fait de société . Elle mérite toute
l’attent ion, à côté de l’hypothèse Sapir -Whorf et de la théorie des termes basiques de Brent Berlin et Paul
Kay. Si, conformément à la théorie relativiste, la catégorisation de la couleur est due au langage et selon la
théorie universaliste cette catégorisation dé pend de la perception humaine de la couleur, l’hypothèse de
Pastoureau (2016 : 9) présente la couleur « comme un fait de société, et non pas comme une matière, ni
comme une composante de la lumière, encore moins comme une sensation », étant ainsi vue comme le
résultat de la société, c’est celle -ci qui la fait, qui la met en valeur et « lui donne son vocabulaire et ses
définitions, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux »
(Pastoureau, 2016 : 9).
Ce que nous avons encore apporté de nouveau par notre recherche est la délimitation du champ
lexico -sémantique des couleurs de celui terminologique, ayant en vue la double appartenance des mots /
termes chromatiques au lexique et à la terminologie d’une part, et, d’a utre part, la spécificité du domaine

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dans lequel s’inscrivent les ouvrages de Pastoureau, le domaine historique, un domaine transdisciplinaire
par excellence,.
Un autre élément que nous considérons intéressant est l’analyse des mots, des termes et des
séquences plus ou moins figées identifiés dans le corpus selon les méthodes de l’analyse sémique, ainsi que
l’identification d’un grand nombre de sèmes virtuels qui caractérisent les mots de couleur dans les quatre
ouvrages de Michel Pastoureau.
VIII. Conclusions
Le phénomène de circulation des mots entre le lexique et la terminologie et des termes entre la
langue spécialisée et la langue générale, qui est dû au manque de frontière nette entre nos vies
professionnelles et nos vies personnelles, conduit au constat que les mots et les termes peuvent partager des
sens identiques dans des contextes différents et des sens différents dans des contextes similaires.
La richesse des significations des termes de couleur a engendré une palette très large de
séquences construite s avec ces termes qui peuvent être inventoriées dans des catégories comme les
collocations, les locutions figées (nominales, adjectivales, verbales), les proverbes et les dictons, mais aussi,
pour ce qui est des groupes terminologiques, dans celle des phra séotermes.
Ce travail de recherche pourrait continuer avec la réalisation de la cartographie sémantique des
quatre termes de couleur que nous avons analysés, ainsi que d’un glossaire de termes chromatiques dans la
réalisation duquel les résultats de la ré colte de données faite en vue de la présente recherche peuvent
s’avérer très utiles.

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Blue, black, red and green – between lexocology and terminology
(Abstract)

Keywords: word, term, lexico -semantic field, semic analysis, terminology
I. Introduction
Our research aims to study the lexico -semantic field of four colors, blue, black, red and green,
while highlighting the chromatic terms between the lexicon and the terminology, which leads us to their
separated analysis, according to their belonging to th e general language or to the specialized language.
Since the four works from which we have extracted our corpus are the result of the research work of a
historian of heraldry and of Western symbolism, but also of colors, we consider that the terminology
specific to the domain of history, in our case of color history, is not marked by an extremely high degree of
specialty. Located at the crossroads of several domains, the most exploited of which are the one of history
and the chromatic one, the speech of Mic hel Pastoureau is more accessible to us than another specialized
discourse because we know a lot of the terms by dint of having already encountered many of them in our
readings, in our direct contact with specialized texts, that is with specialists, the di scourse being thus easy
to decode without requiring us to know thoroughly both fields.
II. Conceptual and theoretical framework
Over the centuries, colors have aroused the interest of a large number of specialists in
various fields, but also the interest of the peoples who have integrated them into their cultures. As a
research subject, physicists, chemists, physicians, physiologists, but also psychologists, artists,
philosophers have systematically studied it, establishing classifications and studies, dep ending on each area,
chosen according to the objectives they had proposed to investigate.
In turn, Michel Pastoureau studies all aspects of human life in order to trace the stories of the four
colors, which he considers as facts of society, from material to ideological: the practical, scientific,
everyday aspects, even the symbolism of color. The author of course insisted on the areas of predilection
where colors have manifested themselves over time, in order to understand and to help us get a complete
picture of what both the production and preservation of color imply.
The theoretical part of the thesis confers the conceptual framework of our research work. Seen as
a linguistic research, the definition of notions such as lexical field, semantic field, lexical -semantic field,
speech and specialized text, general and specialized language, terminology and socioterminology has
proved to be very useful for our approach.
Concerning the denomination of colors, we have presented the two theories recognized in the
specialist literature, the relativistic theory , also known as the "Sapir -Whorf hypothesis” according to which
it is language that determines the categorization of color, and the universalist theory, that is the theory of
the basic terms of Brent Berlin and Paul Kay, according to which it is human perception that determines the
categorization of colors.
III. Hypothesis and objectives of research
At the center of our concern is the idea that , in the work of Michel Pastoureau , it is possible to
identify l exico -semantic fields for the studied colors – blue, black, red and green – that can be submitted to
a lexico -semantic analysis, but also a terminological field which includes the chromatic terms belonging to
the various specialized fields.
Another intere sting aspect for our study is represented by the sequences constructed with these
chromatic terms which we have classified in collocations, locutions and fixed expressions (idioms) on one
side and terminological groups or word phrases on the other side. Th us the challenge was to study the
sequences identified according to the same methods, more precisely according to the morpho -syntactic
analysis and the semic analysis.
Given the specificity of our corpus, which resides in the existence of these two fields, one of
semantics and lexicology, the other of terminology, we proposed a semic analysis of the elements
composing the two fields.
Another hypothesis that we have proposed is that a color is not "positive" or "negative" par
excellence and that it i s the society that confers on it the value, on the one hand according to its technical

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evolution, on the other hand, according to the taste of the people and their perception of the colors under
discussion.
The aim of our research is to analyze the lexico -semantic field of color terms in the four works of
Michel Pastoureau, the decomposition into semantic features of the components of the corpus. We propose
to extract the minimum units of significance, the semes, and to use the minimal units thus identifie d both in
the analysis of the terms considered separately, and in the collocations and fixed locutions constructed with
terms of color and at the level of chromatic terminology.
IV. Corpus
The corpus that we study in our research is structured in two part s:
• A main corpus – the terms that compose the lexical -semantic fields of blue, black, red and green that we
have extracted from the works of Michel Pastoureau and that we have digitized: Bleu. Histoire d’une
couleur , 2000, Paris, Seuil ; Noir. Histoire d’une couleur , 2008, Paris, Seuil ; Rouge. Histoire d’une
couleur , 2016, Paris, Seuil and Vert. Histoire d’une couleur , 2013, Paris, Seuil and
• A secondary corpus , organized into two subcategories:
o General dictionaries , for the definitions of the four te rms analyzed, necessary for the
semic analysis of the terms under discussion, which in turn divide into
 Paper version:
iii. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome II, Bip -Cout, 1985, Dictionnaires Le
Robert, Paris ;
iv. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome VI, Lim -Oz, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
v. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabét ique et analogique
de la Langue Française, Tome VIII, Raiso -Sub, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
vi. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome IX, Suc -Z, 1985, Dictionnaires Le Robert, P aris ;
 Online version :
Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://atilf.atilf.fr/ ;
o Specialized dictionaries by Annie Mollard -Desfour :
v. Le Bleu . Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2013, Paris, CNRS Éditions ;
vi. Le Noir. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2010, Paris, CNRS Éditions ;
vii. Le Rouge. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe
– XXIe, 2009, Paris, CNRS Éditions ;
viii. Le Vert. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2012, Paris, CNRS Éditions ;
c. Dictionaries of idioms/ of composed words
i. paper version : Dictionnaire des expressions et locutions , 1989 et
Dictionnaire de Combinaisons de Mots , 2007, Dictionnaires LE ROBERT,
Paris ;
ii. online : Dictionnaire des collocations
(http://www.tonitraduction.net/ ) et Dictionnaire des cooccurrences
TERMIUM Plus® du Gouvernement du Canada,
(http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha -fra.html?lang=fra .).
V. Methodology
In order to achieve the objective we have proposed, we have chosen to use the method of semic
analysis (with respect to its denomination, we preferred the variant used by B. Pottier, A. -J Greimas, E.
Coșeriu, instead of the Component Analysis of American O rigin, promoted by J. -J. Katz and J. -A. Fodor),
a method by means of which we have followed the realization of a clear and precise analysis, in relevant

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semantic features. We have opted for lexico -semantic and terminological perspectives, having in view th e
specificity of our corpus.
VI. Descriptive overview of the chapters of the thesis
Our research includes an introduction – in which we have presented our personal and scientific
interest, we have motivated the choice of the corpus and we have delimited t he problematic, the hypotheses,
the objectives that we proposed and the methodology chosen according to our corpus and established
objectives – and two major parts, each of these parts consisting of three chapters.
In the first part, we have included: a f irst chapter devoted to the Conceptual and Theoretical
Framework of the thesis , with sub -chapters dealing with lexicology, terminology, common language and
specialized language; a second chapter entitled The Life of Colors , in which we have made a review o f the
written works on colors from both a scientific and a linguistic point of view, recalling the theories on the
denomination of colors and a third chapter entitled The Corpus ( Le Corpus) devoted to the detailed
description of our main corpus and the ste ps we have taken to prepare it for the study we have made.
The second part is intended for the actual analysis and the results obtained through it. It also
includes three chapters: the first, entitled Analysis of the Corpus, proposes an analysis of the c orpus using
semic analysis; the second chapter, The terms of color in phraseology , begins with an overview of
phraseology as the domain of expressions, locutions and collocations of a language and with some
terminological delimitations given the abundance of denominations of which these phenomena benefit, to
go on to the identification of such sequences in the four works of Michel Pastoureau and to their analysis,
as well as the analysis of the language to which they belong – general or specialized; the thi rd chapter,
Automatic Corpus Processing, presents the analysis of the corpus – especially the terminological field of
colors – that we have done using the TXM software, while also making a delimitation between lexicology
and terminology. We specify that th e software has served us on the one hand to bring together the elements
that make up the lexico -semantic field of color terms and to identify their contexts, only in the analysis of
this corpus. Thus, we were able to compile lists of frequencies, we were able to observe and compare the
concordances and co -occurrences of the terms under discussion and we were able to make calculations of
the progression of these terms and to present graphs of specificity in the works of Michel Pastoureau.
VII. New Elements
Through our research work, we propose to highlight the hypothesis of Michel Pastoureau as far
as colors are concerned: color is a fact of society . It deserves our entire attention, alongside the Sapir –
Whorf hypothesis and the theory of the basic terms of Brent Berlin and Paul Kay. If, according to the
relativistic theory, the categorization of color is due to language and according to the universalist theory
this categorization depends on the human perception of color, Pastoureau's hypothesis (2016: 9) pr esents
the color "as a fact of society, and not as a matter, nor as a component of light, even less as a sensation",
being thus seen as the result of society, it is the latter that makes it, highlights it and "confers to it its
vocabulary and definitions, which builds its codes and values, which organizes its practices and determines
its stakes" (Pastoureau, 2016: 9).
What we have brought in as new through our research is the setting of clear boundaries between
the lexico -semantic field of the colors and the terminological one, having in view the double belonging of
the words / chromatic terms to the lexicon and the terminology on the one hand and on the other hand, the
specificity of the domain in which the works of Pastoureau are inscribed in, the histor ical domain, a
transdisciplinary field par excellence.
Another element that we consider interesting is the analysis of the words, the more or less fixed
words, terms and sequences identified in the corpus according to the methods of semic analysis, as wel l as
the identification of a large number of virtual semes which characterize the words of color in the four
works of Michel Pastoureau.
VIII. Conclusions
The phenomenon of word circulation between the lexicon and the terminology and that of terms
circula tion between the specialized language and the general language, which is due to the lack of a clear
boundary between our professional lives and our personal lives, leads to the conclusion that words and
terms can share identical meanings in different conte xts as well as different meanings in similar contexts.

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The richness of the meanings of the terms of color has given rise to a very wide range of
sequences constructed with these terms which can be inventoried in categories such as collocations, fixed
expressions (nominal, adjectival, verbal), proverbs and sayings, but also, as regards the terminological
groups, in that of word phrases.
This research work could continue with the realization of the semantic mapping of the four color
terms we have analyzed, as well as a glossary of chromatic terms in which the results of the data collection
made for this research can be very useful.

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Bleu, negru, roșu și verde – între lexicologie și terminologie
(Rezumatul tezei)

Cuvinte cheie : cuvânt, termen, câmp lexico -semantic, analiză semică, terminologie

I. Introducere
Cercetarea noastră își propune să studieze câmpul lexico -semantic al celor patru culori albastru,
negru, roșu și verde, punând în evidență circulația termenilor cromatici între lexic și terminologi e, ceea ce
ne conduce la analiza lor separată, în funcție de apartenența acestora la limba generală sau la limba
specializată. Ținând cont de faptul că cele patru opere din care am extras corpusul reprezintă rezultatul
muncii de cercetare a unui istoric al heraldicii si al simbolisticii occidentale, dar și al culorilor, considerăm
că terminologia specifică domeniului istoric, în cazul nostru al istoriei culorilor, nu este marcat de un grad
de specializare extrem de ridicat. Situat la intersecția mai multor domenii, dintre care cele mai exploatate
sunt cel al istoriei și cel al cromaticii, discursul lui Michel Pastoureau ne este mai accesibil decât un alt
discurs specializat datorită faptului că deja cunoaștem mulți dintre termeni pentru că i -am întâlnit în
lecturile noastre, în contactul nostru direct cu texte specializate, chiar cu specialiști, discursul devenind
astfel ușor de decodat, fără a impune cunoștințe aprofundate din cele două domenii.
II. Cadrul conceptual și teoretic
De-a lungul secolelor, culorile a u stârnit interesul unui număr mare de specialiști din diverse
domenii, dar și interesul popoarelor, care le -au integrat în culturile lor. Ce subiect de cercetare fizicienii,
chimiștii, medicii, fiziologii, dar și psihologii, artiștii și filosofii si -a înd reptat atenția asupra lui în mod
sistematic, efectuând clasificări și studii, după abordări adecvate fiecărui domeniu, alese în funcție de
obiectivele propuse. La rândul său, Michel Pastoureau studiază toate aspectele vieții umane pentru a reface
istoria c elor patru culori, pe care le considera fapte de societate , de la material la ideologic : aspectele
practice, științifice, cotidiene, chiar simbolistica acestora. Desigur, autorul a insistat pe domeniile de
predilecție în care culorile s -au manifestat de -a lungul timpului, pentru a înțelege și pentru a ne ajuta să ne
facem o idee completă despre ce presupun producerea și păstrarea culorii.
Partea teoretică a tezei conferă cadrul conceptual al lucrării noastre de cercetare. Situându -ne pe
linia cercetărilor lingvistice, definirea unor noțiuni precum câmp lexical, câmp semantic, câmp lexico –
semantic, discurs și text specializat, limbă generală și limbă specializată, terminologie și socioterminologie
s-a dovedit foarte utilă pentru demersul nostru.
În ceea ce p rivește denumirea culorilor, am prezentat cele două teorii cunoscute în literatura de
specialitate, teoria relativistă , cunoscută și sub numele de « ipoteza Sapir -Whorf », conform căreia
limbajul este cel care determină categorizarea culorii, și teoria uni versalistă , teoria termenilor de bază a lui
Brent Berlin și Paul Kay, potrivit cărora percepția umană este cea care determină categorizarea culorilor.
III. Ipoteza și obiectivele cercetării
În centrul preocupărilor noastre se regăsește ideea că în opera lui Mic hel Pastoureau este posibil să
identificăm atât câmpuri lexico -semantice pentru culorile studiate – albastru, negru, roșu și verde – care pot
fi supuse unei analize lexico -semantice, cât și un câmp terminologic care include termenii cromatici
aparținând di verselor domenii specializate.
Un alt aspect interesant pentru cercetarea noastră îl reprezintă secvențele construite cu acești
termeni cromatici pe care i -am clasificat în colocații, locuțiuni și expresii fixe pe de o parte și grupuri
terminologice sau fr azeoterme pe de altă parte. Astfel, provocarea noastră a fost să studiem secvențele
identificate prin aceleași metode, mai exact prin analiza morfo -sintactică și analiza semică.
Având în vedere specificitatea corpusului nostru, care constă în existența acestor două câmpuri,
unul ținând de semantică și lexicologie, celălalt de terminologie, am propus o analiză semică a elementelor
care alcătuiesc cele două câmpuri.
O altă ipoteză pe care am propus -o este aceea că o culoare nu este « pozitivă » sau « negat ivă »
prin excelență, și că societatea este cea care îi conferă valoarea, pe de o parte în funcție de evoluția tehnică
a acesteia, pe de altă parte în funcție de gustul popoarelor și de percepția culorilor în discuție de către
acestea.

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Obiectivul cercetări i noastre vizează analiza câmpului lexico -semantic al termenilor de culoare în
cele patru opere ale lui Michel Pastoureau, descompunerea în trăsături semantice a elementelor care
alcătuiesc corpusul. Ne propunem să delimităm unitățile de semnificație minim ale, semele, și să utilizăm
unitățile minimale astfel identificate atât în analiza termenilor tratați în mod individual, cât și la nivelul
colocațiilor și locuțiunilor fixe construite cu termeni de culoare și la nivelul terminologiei cromatice.
IV. Corpus
Corp usul pe care îl studiem în cercetarea noastră este structurat în două părți :
 Un corpus principal – termenii care alcătuiesc câmpul lexico -semantic al cuvintelor albastru,
negru, roșu și verde pe care i -am extras din operele lui Michel Pastoureau pe care le-am
numerizat : Bleu. Histoire d’une couleur , 2000, Paris, Seuil ; Noir. Histoire d’une couleur , 2008,
Paris, Seuil ; Rouge. Histoire d’une couleur , 2016, Paris, Seuil și Vert. Histoire d’une couleur ,
2013, Paris, Seuil și
 Un corpus secundar , organizat î n două sub -categorii :
o Dicționare generale, pentru definițiile celor patru termeni analizați, necesare pentru
analiza semică a termenilor în discuție, care se împart la rândul lor în
 Versiunea imprimată :
iii. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome II, Bip -Cout, 1985, Dictionnaires Le
Robert, Paris ;
iv. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome VI, Lim -Oz, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
v. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome VIII, Raiso -Sub, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
vi. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et analogique
de la Langue Française, Tome IX, Suc -Z, 1985, Dictionnaires Le Robert, Paris ;
 Versiunea online :
Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://atilf.atilf.fr/ ;
o Dicționarele specializate ale lui Annie Mollard -Desfour :
V. Le Bleu . Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2013, Paris, CNRS Éditions ;
VI. Le Noir. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2010, Paris, CNRS Éditions ;
VII. Le Rouge. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe
– XXIe, 2009, Paris, CNRS Éditions ;
VIII. Le Vert. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe –
XXIe, 2012, Paris, CNRS Éditions ;
o Dicționare de expresii / de combinații de cuvinte
vii. versiunea imprimată : Dictionnaire des expressions et locutions , 1989 et
Dictionnaire de Combinaisons de Mots , 2007, Dictionnaires LE ROBERT,
Paris ;
viii. versiunea online : Dictionnaire des c ollocations
(http://www.tonitraduction.net/ ) et Dictionnaire des cooccurrences
TERMIUM Plus® du Gouvernement du Canada,
(http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha -fra.html?lang=fra .).
V. Metodologie
În vederea atingerii obiectivului pe care ni l -am propus, am ales să folosim metoda analizei semice
(în ceea ce privește denumirea acesteia, am preferat varianta utilizată de B. Pottier, A. -J. Greimas, E.
Coșeriu, în locul celei de analiză componențială d e origine americană, promovată de J. -J. Katz și J. -A.
Fodor), o metodă cu ajutorul căreia am urmărit realizarea unei analize clare și precise, în trăsături

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semantice pertinente. Am optat pentru perspectivele lexico -semantică și terminologică, având în vede re
specificitatea corpusului nostru.
VI. Survol descriptiv al capitolelor tezei
Lucrarea noastră de cercetare cuprinde o introducere – în care am prezentat interesul nostru
personal și interesul științific al tezei, am motivat alegerea corpusului și am delimit at problematica,
ipotezele, obiectivele pe care ni le -am propus și metodologia aleasă în funcție de corpusul nostru și de
obiectivele stabilite – și două părți mari, fiecare dintre aceste părți cuprinzând trei capitole.
În prima parte, am inclus : un prim capitol consacrat Cadrul conceptual și teoretic al tezei , cu
subcapitole referitoare la lexicologie, la terminologie, la limbaj curent, precum și la limbaj specializat ; un
al doilea capitol intitulat Viața culorilor, în care am trecut în revistă opere scr ise despre culori, atât din
punct de vedere științific, cât și din punct de vedere lingvistic, reamintind teoriile legate de denumirea
culorilor și un al treilea capitol intitulat Corpus consacrat descrierii detaliate a corpusului nostru principal
și demer surilor pe care le -am făcut în vederea pregătirii acestuia pentru studiul pe care l -am efectuat.
A doua parte este destinată analizei propriu -zise și rezultatelor obținute. Aceasta cuprinde la rândul
ei trei capitole : primul, intitulat Analiza corpusului , propune o analiză a acestuia utilizând analiza semică ;
al doilea capitol, Termenii de culoare în frazeologie, începe cu trecere în revistă a frazeologiei ca
domeniu în care intră expresiile, locuțiunile și colocațiile dintr -o limbă și cu câteva delimităr i terminologice
având în vedere abundența denumirilor de care beneficiază aceste fenomene, pentru a ne îndrepta ulterior
către identificarea unor astfel de secvențe în cele patru opere ale lui Michel Pastoureau și la analiza
acestora, precum și la analiza limbii căreia îi aparțin – generală sau specializată ; al treilea capitol,
Tratamentul automatic al corpusului, prezintă analiza corpusului – în special a câmpului terminologic al
culorilor – pe care am făcut -o cu ajutorul programului TXM, efectuând în ace lași timp o delimitare între
lexicologie și terminologie. Precizăm că programul ne -a fost util pe de o parte la selectarea elementelor
care compun câmpul lexico -semantic al termenilor de culoare și la identificarea contextelor acestora, pe de
altă parte la analiza acestui corpus. Astfel, am putut întocmi liste de frecvență, am putut observa și
compara concordanțele și coocurențele termenilor în discuție și am putut să facem calcule ale progresiei
acestor termeni și să prezentăm grafice de specificitate în operele lui Michel Pastoureau.
VII. Elemente de noutate
Prin cercetarea noastră, ne -am propus să punem în evidență ipoteza lui Michel Pastoureau în ceea
ce privește culorile : culoarea este un fapt de societate . Aceasta merită toată atenția, alături de ipoteza
Sapir -Whorf și de teoria termenilor de bază a lui Brent Berlin și Paul Kay. Dacă, potrivit teoriei relativiste,
categorizarea culorii se datorează limbajului, iar conform teoriei universaliste această categorizare depinde
de percepția umană a culorii, ipot eza lui Michel Pastoureau (2016 : 9) prezintă culoarea « ca un fapt de
societate, și nu ca o materie, nici ca o componentă a luminii, cu atât mai puțin ca o senzație », fiind astfel
văzută ca rezultatul societății, aceasta este cea care o face, care o pune în valoare și « îi dă vocabularul și et
definițiile acesteia, care îi construiește codurile și valorile, care îi organizează practicile și îi determină
mizele » (Pastoureau, 2016 : 9) (traducerea noastră).
Un alt element de noutate pe care l -am adus prin cercetarea noastră este delimitarea câmpului
lexico -semantic al culorilor de cel terminologic, având în vedere dubla apartenență a cuvintelor / termenilor
cromatici la lexic și la terminologie pe de o parte, și, pe de altă parte, specificitatea domeniului în care se
înscriu operele lui Pastoureau, domeniul istoric, un domeniu transdisciplinar prin excelență.
Un alt element pe care îl considerăm interesant este analiza cuvintelor, a termenilor și a secvențelor
mai mult sau mai puțin fixe identificate în corp us după metodele analizei semice, astfel încât identificarea
unui număr mare de seme virtuale care caracterizează cuvintele care desemnează culoarea în cele patru
opere ale lui Michel Pastoureau.
VIII. Concluzii
Fenomenul de circulație a cuvintelor între lexic și terminologie și a termenilor între limba
specializată și limba generală, care se datorează atât lipsei unei frontiere nete între viața noastră
profesională și cea personală, conduce la constatarea faptului că termenii și cuvintele pot avea sensuri
ident ice în contexte diferite și sensuri diferite în contexte similare.

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Bogăția semnificațiilor termenilor de culoare a dat naștere unei palete foarte variate de secvențe
construite cu acești termeni care pot fi inventoriați în categorii precum colocații, locuț iuni fixe (nominale,
adjectivale, verbale), proverbe și dictoane, dar și, în ceea ce privește grupurile terminologice, în cea a
frazeotermelor.
Această muncă de cercetare ar putea continua cu realizarea unei cartografii semantice a celor patru
termeni de c uloare pe care i -am analizat, precum și un glosar de termeni cromatici în realizarea căruia
rezultatele recoltării de date făcută în scopul prezentei cercetări se pot dovedi foarte utile.

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INTRODUCTION

1. Éléments de contextualisation
Au fil du temps, les couleurs ont fait couler beaucoup d’encre. La simple utilisation de
cette expression nous fait penser à la couleur. Ou à une non -couleur selon certains chercheurs, au
noir plus exactement. Une non -couleur que nous mettons traditionnellement sur une aut re non –
couleur (le blanc) pour partager nos réflexions sur les couleurs.
Toute notre vie est pleine de couleurs. Tout ce qui nous entoure a une ou plusieurs
couleurs, qu’il s’agisse de la couleur naturelle, celle des fleurs, des papillons, des forêts, du ciel,
voire de l’eau de la mer ou des rivières, couleur s qui ne dépendent pas de l’intervention humaine
ou bien de la couleur fabriquée, produite, recherchée, celle des vêtements, des murs, des tableaux
et celle utilisée par les artistes d’autres domaines (photographie, sculpture, architecture, mosaïque,
vitrail, etc.). Nous l’utilisons tous tant pour nous exprimer, que pour embellir notre environnement
et notre vie d’une manière générale.
Couleurs, non -couleurs, couleurs primaires, couleurs secondaires, co uleur saturées,
couleurs chaudes ou couleurs froides, toutes ces catégories représentent le résultat du travail des
spécialistes. Mais est -ce que cette catégorisation présente une vraie importance dans la vie
quotidienne ? Lorsque nous choisissons une coul eur pour un vêtement pensons -nous que la
couleur est primaire ou secondaire ?
Du côté des non -spécialistes, la réponse est simple : tout ce qui nous intéresse est qu’elle
nous plaise, qu’elle nous fasse sentir des émotions, qu’elle nous donne une bonne hu meur.
Du côté des spécialistes, les choses ne se révèlent pas aussi simples. Dès son apparitio n et
sa perception en tant qu’ outil d’expression, la couleur a suscité et suscite encore l’intérêt des
chercheurs, se situant ainsi depuis longtemps au centre de s préoccu pations dans plusieurs
domaines que nous organiserions dans trois grandes catégories :
 une première catégorie, plutôt scientifique, qui s’intéresse au phénomène de la couleur et
qui essaie d’en expliquer l’existence et le fonctionnement, d’établi r les éléments qui

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contribuent à la perception de la couleur comme la physique, la chimie, la physiologie et la
psychologie ;
 une deuxième catégorie, plutôt pratique, qui montre son intérêt face à la manifestation de
la couleur, à sa matérialisation et à s on utilisation dans de nombreux domaines comme tous
les arts (par exemple, la peinture, le dessin, les vit raux), la mode, les vêtements de culte,
les déc orations, les accessoires, etc. et
 une troisième et dernière catégorie qui place au centre de ses préoc cupations la symbolique
des couleurs et qui traite plutôt de la perception culturelle de la couleur et de son utilisation
selon des codes déjà établis au sein d’une société.

En ce qui concerne le sujet des couleurs dans l’histoire, nous trouvons qu’il pou rrait
paraître simple, mais il ne l’est en aucun cas. Tout d’abord, parce que ce domaine spécial englobe
tous les aspects relevant des trois catégories que nous avons établies ci -dessus. Cela signifie que
l’historien doit comprendre à la fois comment fonct ionne l’univers de la couleur tant du point de
vue scientifique, que du point de vue artistique et social, pour qu’il soit capable de nous offrir une
histoire cohérente, une histoire née de l’interpénétration de tous ces domaines et pour qu’il fasse
une pr ésentation des relations d’interdépendance dans leur intégralité. Nous trouvons très
laborieux un tel travail qui joigne des aspects scientifiques et des aspects de la vie quotidienne,
travail dont Michel Pastoureau fait une histoire intéressante à la fois pour les spécialistes et pour le
grand public, sans se confiner à une seule catégorie de lecteurs.
Du point de vue du sujet dont nous traitons dans cette recherche, c’est justement cette
pluridisciplinarité du domaine historique qui fournit , à notre avis , un vrai réservoir terminologique,
au sein duquel il est absolument naturel d’observer un phénomène migratoire des éléments qui le
constituent. Un phénomène qui se manifeste non seulement entre les divers domaines spécialisés,
mais aussi entre la langue gé nérale et la langue spécialisée.
Cela peut être expliqué par le fait que le langage historique , langage spécifique à un
domaine soucieux de préserver la réalité et d’offrir un tableau complet de la vie et des activités de
l’humanité au long des siècles, es t à la fois extrêmement intéressant et riche. Nous y trouvons ainsi
des termes relevant du côté scientifique de la couleur, de sa découverte, de sa fabrication et de sa
préservation sur les matériaux support, mais aussi les mots usuels que l’homme utilise tant pour

29
nommer une couleur, que pour décrire son environnement ou pour faire l’écho de son univers
intérieur.
La structuration du champ lexico -sémantique des couleurs constitue un enjeu pour nous
parce que les éléments qui le composent et qui constituent le point d’intérêt de notre travail de
recherche se divisent entre ces deux niveaux de la langue, entre la langue générale et la langue de
spécialité.

2. Intérêt scientifique du sujet
La couleur représente un élément tellement important et présent dans nos vies qu’il est
parfois difficile de nous imaginer notre environnement privé de couleur. C’est l’une des premières
catégories dont nous apprenons les éléments dès l’ enfance et qui nous accompagne tout le long de
notre existence intérieure et extérieure.
La couleur sédu it, la couleur parle à notre compte , nous en faisons parfois un usage dans l e
but de transmettre des messages, elle nous fait rêver, elle embellit notre milieu ou elle nous fait,
parfois, la détester . À travers la couleur, nous connaissons des cultures, des traditions, des
histoires, des valeurs d’une société, nous montrons l’intérêt envers quelqu’un ou quelque chose.
Elle nous arrête ou nous donne la permission de passer, elle apaise, elle fatigue notre regard, elle
réconforte, elle punit ou ré compense et nous pouvons continuer de cette manière encore quelque
pages…
Tous ces aspects se reflètent au niveau du langage. Chaque nuance, chaque élément
relevant du domaine chromatique, chaque symbole se matérialise du point de vu e linguistique
dans des mots que nous introduisons dans le champ lexico -sémantique des termes de couleurs – le
centre d’intérêt scientifique de notre thèse. Il est question du bleu, du noir, du rouge et du vert,
mais , à l’instar de Michel Pastoureau, nous ne pouvons pas élimine r de ce travail d’autres termes
chromatiques, quoiqu’ils ne soient pas inclus dans le champ de ces quatre couleurs, parce qu’une
couleur n’est presque jamais seule, elle naît et vit à côté des autres, les unes plus manifestes que
les autres. C’est une lutt e à laquelle la couleur doit participer si elle veut se placer en haut de la
hiérarchie chromatique et , pour gagner , elle a eu et a encore besoin de beaucoup d’éléments
objectifs comme les divers paramètres scientifiques dont les chercheurs se servent pour les
classifier, mais aussi d’éléments plus subjectifs comme la préférence et l’attitude envers la couleur.

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Notre corpus se situant entre le lexique et la terminologie, nous pourrions parler ainsi de
deux champs distincts :
 le champ lexico -sémantique des mots de couleur et
 le champ terminologique des couleurs que nous retrouvons dans les quatre
ouvrages de Michel Pastoureau dont nous avons extrait notre corpus.
Ce va et vient entre le lexique et la terminologie nous semble un phénomène très intéressant
qui pourrait constituer un défi à la fois pour un linguiste que pour un terminologue, vue la
tendance des mots appartenant à la lang ue générale de se diriger vers d es domaines spécialisés et
celle des termes de pénétrer dans la langue générale, phénomèn e connu sous le nom de
terminologisation1 / déterminologisation .

3. Intérêt personnel du sujet
La motivation personnelle de notre choix d’étudier les termes de couleur part d’une
fascination que nous avons depuis toujours sentie envers la couleur de manière générale, d’un
intérêt manifesté d’abord comme enfant , lorsque nous portions des vêtements roses ou rouges,
mais presque jamais bleus ou noirs (c’étaient les couleurs des vêtements des garçons), lorsque les
gâteaux prenaient miraculeusement la couleur de l a pêche grâce au colorant alimentaire, ensuite
comme presque toute adolescente qui commence à apprécier le noir, sans lui attribuer cependant
une symbolique négative, mais tout simplement parce que c’était le comble de l’élégance, pour
revenir après la tre ntaine aux couleurs vives, en évitant les couleurs que nous avons commencé à
considérer tristes et en faisant beaucoup plus d’attention aux significations dont les couleurs sont
porteuses. Nous pourrions dire que nous avons commencé finalement à comprendre le pouvoir de
la couleur.
Une autre raison qui nous a poussée vers le champ lexico -sémantique des couleurs est le
constat personnel que même si nous prononçons le même terme chromatique, nous ne parlons pas
forcément de la même nuance, la perception de la couleur étant fortement individuelle et
subjective. Surtout si les personn es impliqué es dans le dialogue sont de genre différent, voire
d’âge différent. Il arrive que deux ou trois personnes situées devant un objet prononcent des

1 Pour la terminologisation, nous reproduisons la défininition des Recommandations relatives à la terminologie qui
selon lesquelles « [p]ar le processus de terminologisation, un mot de la langue générale se voit attribuer une nouvelle
signification. Il devient ainsi un terme ; sa signification s’étend, sa forme reste toutefois inchangée » (CST, 2014 : 22).

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termes de couleur différe nts pour ce qu’elles voient. Nous trouvons cela vraiment fascinant :
comment établir qui a raison ?
Une autre étape de notre vie qui nous a fait réfléchir au domaine des couleurs est liée à une
période de douze ans dans lesquels nous avons enseigné le FLE au Lycée Théologique de Craiova.
Dans un décor complètement particulier , spécifique au domaine religieux, nous avons commencé
à nous poser de s questions sur les vêtements de culte, sur les habits des prêtres qui officiaient la
messe chaque matin avec tous les élèves et les enseignants de l’école et le service divin à
l’occasion des fêtes et sur les peintures de l’église. C’est alors que nous avons trouvé dans la Bible
beaucoup de détails sur les styles vestimentaires, sur les couleurs et les matériaux de ces
vêtements portés depuis plus de deux mille ans .
La Bible nous parle aussi des types de tissus, des couleurs et des teintures. Quant aux
supports de la couleur, les principaux tissus étaient en laine et en lin. Ces tissus étaient teints en
une multitude d e couleurs, dont les plus souvent mentionnées sont le bleu, le pourpre et le rouge
brique, tissus utilisés pour en faire des vêtements. Ce qui nous a semblé aussi intéressant a été
l’image que la Bible nous présente : il ne s’agit pas de l’image des gens q ui vivaient du jour au
lendemain portant des vêtements sombres et privés de couleur, mais celle des gens ayant de divers
styles vestimentaires et de divers es couleurs, adaptés à l’occasion, à la saison et aux ressources
matérielles de chaque famille.
Notre parcours universitaire a enregistré deux volets : une première formation en
linguistique et une deuxième en sciences juridiques nous a toujours menée à la confluence des
deux niveaux de la langue, la langue générale et la langue spécialisée. Professionnel lement, nous
travaillons en tant qu’enseignante de FLE au niveau lycée et traducteur autorisé pour le domaine
juridique et pour le domaine technique, joignant toujours les deux niveaux de langue mentionnés
et comprenant le rôle de la terminologie tant dans la vie personnelle que dans celle professionnelle.
Notre expérience en ce qui concerne les termes de couleur est liée, d’une part, à
l’enseignement du lexique chromatique aux élèves et d’autre part à la traduction des termes
spécialisés, parmi lesquels l es termes chromatiques que nous avons rencontré s dans plusieurs
domaines, même dans celui juridique. Cela nous fait encore réfléchir à la question si les termes
chromatiques pourraient relever d’un seul domaine spécialisé .

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À la suite de toutes ces expériences, personnelles mais aussi professionnelles, nous avons
pris la décision de nous pencher de manière scientifique et élaborée sur le champ lexico –
sémantique des termes de couleurs.

4. Hypothèse et objectifs de la recherche
Comme hypothès e de notre thèse, nous posons que da ns l’œuvre de Michel Pastoureau
nous pouvons identifier
 des champs lexico -sémantiques autour de chacune des couleurs étudiées, autour du
bleu, du noir, du rouge et du vert, qu’il est possible d’analyser tant au niveau
lexical, qu’au niveau sémantique, mais aussi
 un champ terminologique où nous pouvons introduire tous les termes chromatiques
relevant des domaines spécialisés.
Si dans le cas des mots composant le champ lexico -sémantique des couleurs, le s ème est
facile à identifier / + couleur / , nous posons que nous pourrions nous servir de la même analyse
sémique pour en distinguer l’archilexème des collocations et des expressions formées autour de
ces mots.
En tenant compte de l’hypothèse de Michel Pastoureau selon leq uel la couleur est un fait
de société, une autre hypothèse que nous proposons est qu’une co uleur n’est pas « positive » ou
« négative » par excellence , mais que ce sont les individus qui lui donnent ces valeurs .
L’objectif spécifique de notre thèse réside dans l’analyse lexicale et sémantique des
éléments qui entrent dans le champ lexico -sémantique des couleurs qui font l’objet de chaque
monographie de Michel Pastoureau et d’en étudier les possibilités combinatoir es dans le discours
historique de l’auteur qui retrace le trajet parcouru par les quatre couleurs depuis l’Antiquité
jusqu’à présent. Nous réaliserons la décomposition en traits sémantiques des éléments du corpus
pour en dégager les unités minimales de sig nification et nous utiliserons ces unités minimales tant
dans l’analyse des collocations et des locutions figées qui comportent des mots désignant des
couleurs que dans l’étude de la terminologie chromatique.
Nous nous pencherons également sur la fréquence des termes en discussion en vue
d’observer la présence et la variation d’utilisation des mots désignant les couleurs au fil du temps,
pour nous rendre compte si le nombre des mots qui constituent le champ lexico -sémantique

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s’accroît ou diminue en fonction de la position dans la hiérarchie des préférences des peuples
européens.
Une fois établi le champ lexico -sémantique des couleurs auxquelles Michel Pastoureau a
consacré ses ouvrages, nous nous proposons d’étudier le c orpus selon les méthodes de la
lexicologie et sémantique, mais aussi de la terminologie, étant donné que le corpus est constitué
d’ouvrages de spécialité.

5. Éléments de problématique
Au centre du champ d’étude que nous nous proposons se trouve une problématique de
recherche que no us org anisons autour de quelques questions principales.
Tout d’abord, nous nous interrogeons sur l’appartenance des termes relevant du domaine
des couleurs à la langue générale ou à la langue sp écialisé (dans ce cas précis, le langage
historique).
Dans un deuxiè me temps, nous nous demandons en quelle mesure les termes relavant du
domaine chromatique qui entrent dans des collocations et dans des locutions figées gardent le
sème / + couleur/ dans ces structures.
Finalement, nous nous posons la question s’il est poss ible de mieux comprendre le statut
d’une couleur dans une société et l’évolution historique de cette couleur à partir de la richesse
lexicale et sémantique du champ de la couleur en question dans les époques et les sociétés visées,
dans notre cas dans les sociétés européennes.

6. Motivation du choix du corpus
Le corpus que nous analysons se compose de quatre ouvrages de Michel Pastoureau,
l’historien qui a étudié les couleurs en diachronie et de plusieurs dictionnaires, pour en extraire les
définitions des couleurs et de certains paramètres dont nous avons eu besoin dans la classification
des éléments composant le champ lexico -sémantique des couleurs.
Les quatre monographies des couleurs écrites par Michel Pastoureau, Bleu. Histoire d’une
couleur, Noir. Hist oire d’une couleur, Rouge. Histoire d’une couleur et Vert. Histoire d’une
couleur, retracent chacune le parcours, depuis leur parution dans la préoccupation de l’humanité et
bien entendu en fonction des documents que l’auteur a eu l’occasion d’étudier pour peindre ce
tableau historique des quatre couleurs qui en donnent le titre.

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L’auteur étudie leur évolution historique et ces textes constituent une importante source
d’analyse parce que chacun de ces quatre ouvrages écrits par Pastoureau contient un grand nombre
d’informations en ce qui concerne « la vie » des couleurs en cause, ainsi que leur évolution et les
transformations socio -culturelles qu’elles ont subies au cours des siècles.
Notre corpus s’organise en fonction des méthodes d’analyse que nous util isons : par
exemple, pour le chapitre destiné à l’analyse sémique, l’analyse vise premièrement les quatre mots
désignant la couleur, bleu, noir, rouge et vert tant comme noms que comme adjectifs, tandis que le
chapitre consacré à l’analyse informatisée du corpus commence avec les mêmes mots, mais
continue avec une structuration des éléments du champ en fonction des thèmes (pigments,
matières colorantes, supports) et en fonction des paramètres scientifiques employés par des
spécialistes dans la classificatio n de la couleur.
À ce corpus principal s’ajoute un sous -corpus secondaire formé de dictionnaires pour
l’étude des mots qui composent le champ lexico -sémantique du bleu, du noir, du rouge et du vert,
car nous y retrouvons des informations pertinentes sur le s signes linguistiques qui font le sujet de
notre recherche, ainsi que sur les relations structurales qu’ils peuvent entretenir avec d’autres
éléments du lexique.
Pour essayer de recueillir un corpus qui prenne la forme d’un ensemble unitaire prêtable à
l’analyse linguistique que nous proposons, nous avons constamment recours aux quatre termes
principaux autour desquels Michel Pastoureau a tissé ses histoires : bleu, noir, rouge et vert. Ainsi,
nous organisons tant notre corpus que notre travail de recherch e en fonction de ces quatre mots /
termes. Cette démarche est à notre avis très importante pour jalonner notre travail et pour ne pas
nous égarer dans le foisonnement des mots et des termes chromatiques.
Nous devons préciser que, à côté du bleu, du noir, du rouge et du vert, nous avons
considéré pertinent d’ajouter comme terme -pivot pour l’organisation du corpus le terme couleur .
La motivation de ce choix est double : la première raison est que le mot résulte de l’approche
sémique que nous utilisons dans l ’analyse du corpus, ce mot représentant l’archilexème des quatre
mots principaux de notre corpus, et la seconde raison est qu’il se réjouit d’un statut privilégié dans
le discours de Michel Pastoureau, étant, d’une part, présent dans chacun des quatre ouvr ages et,
d’autre part, faisant partie d’une séquence que l’auteur emploie alternativement avec le terme
considéré individuellement : bleu / couleur bleue ; noir / couleur noire ; rouge / couleur rouge ;
vert / couleur verte .

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7. Méthodologie
Pour répondre aux questions soulevées, de tous les types d’analyse que nous pourrions
utiliser (analyse sémique, analyse générative, analyse distributionnelle, analyse conceptuelle et
analyse étymologique), nous avons choisi la première, l’analyse sémique (terme utilisé par B.
Pottier, A. -J. Greimas, E. Coș eriu) ou componentielle (terme d’origine américaine, employé par
J.-J. Katz et J. -A. Fodor), qui est une méthode d’analyse en traits pertinents séman tiques, une
analyse très claire et précise et dont la v isée est purement linguistique, et les perspectives lexico –
sémantique et terminologique . Pour ce qui est de l ’analyse sémique, les principaux concepts que
nous utiliserons sont : le sème, le sémème, l’archisémème et l’archilexème, concepts que nous
allons définir dans la partie consacrée au cadre théorique de la thèse.
Dans l’analyse sémique, qui se fonde sur la notion saussurienne de valeur, le sens d’un mot
dépend de la relation qu’il développe avec d’autres mots, et son rôle est d’analyser le signifié en
traits distinctifs. Il faut la distinguer de la notion de signification. La valeur du signe linguistique
réside dans justement la différenciation entre le signe en cause et les autres signes linguistiques.
Les spécialistes attirent l’attention sur le fait qu’un sème représente une unité minimale de
différenciation qui ne doit pas être confondue avec une unité minimale de signification.
Par conséquent, la méthode d’analyse commence avec la détermination du sème, la
détermination du sémème et par l’étude du sens dénotatif des unités lexicales qui constituent le
champ lexico -sémantique des quatre couleurs que nous étudions.
Nous profiterons des résultats de cette analyse pour continuer l’analyse du champ en
discussion avec l’étude des séquences construites av ec des mots relevant du domaine chromatique,
ainsi que pour rassembler le champ terminologique des quatre couleurs.

8. Plan de la recherche
La thèse comporte une partie introductive, dans laquelle nous présentons brièvement les
éléments de contextualisation, la motivation du choix du corpus, l’intérêt personnel et l’intérêt
scientifique de la thèse, nous formulons l’hypothèse, la problématique et les objectifs de la
recherche, ainsi que la méthodologie adoptée.
Nous continuons avec une premi ère partie qui se divise en trois chapitres : le premier
touche au cadre théo rique et présente un état des lieux des recherches sur les mots / termes de
couleur ; le deuxième chapitre se donne pour objectif de présenter quelques aspects de la vie des

36
couleu rs, aspects liées à l’apparition et à l’existence des couleurs, sans nous limiter à une approche
linguistique ; dans le troisième chapitre de cette première partie nous présentons le corpus et la
méthode d’analyse choisie pour l’étudier.
La deuxième partie de la thèse comprend la recherche proprement -dite et les résultats
enregistrés. Elle est structurée toujours en trois chapitres : dans le premier chapitre nous nous
penchons sur le corpus en utilisant l’analyse sémiq ue ; le deuxième chapitre de cette partie est
destiné à l’étude des termes de couleur dans la phraséologie et le troisième chapitre vise le
traitement automatique du corpus, tout en réalisant également une délimitation entre la lexicologie
et la terminologie, ce chapitre traitant plutôt de la terminologie chromatique.
Dans la dernière partie de la thèse nous présentons les conclusions de notre recherche , à la
suite de l’analyse sémique du champ lexico -sémantique et de l’étude du champ terminologique des
quatre couleurs, en soulignant la poss ibilité de réaliser un glossaire chromatique.
Les conclusions sont suivies de la bibliographie, que nous organisons en quatre parties :
ouvrages, corpus, articles et sitographie, et des annexes qui comprennent le corpus et des captures
d’écran.
La joie que la présence de la couleur fournit à notre existence nous fait parfois oublier d’où
elle provient, quels sont les facteurs qui jalonnent son parcours avant de s’offrir dans l’expression
la plus vive de sa beauté. Il est difficile de nous imaginer la vie sa ns couleurs, qui influencent
certainement notre humeur. Nous essayons, par notre recherche, de mettre en évidence
l’importance des couleurs de plusieurs points de vue : scientifique, technique, artistique,
symbolique et social et aussi le comportement lexi cologique et terminologique des quatre couleurs
sur lesquelles a porté notre réflexion.

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PREMIÈ RE PARTIE

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CHAPITRE I

CADRE CONCEPTUEL ET TH ÉORIQUE

Introduction
Nous commençons notre recherche avec une partie théorique que nous trouvons
absolument nécessaire pour assurer le cadre conceptuel adéquat au présent travail. Ainsi, nous
allons définir dans ce premier chapitre les notions relevant de la langue spécialisée , de la
lexicologie et de la terminologie (voire de la socioterminologie), ayant en vue le fait que les
ouvrages de Michel Pastoureau représentent les histoires de quatre couleurs (bleu, noir, rouge et
vert). Dans son effort de nous offrir un tableau clair et systématique du passé et de l’évolution
historique des quatre couleurs, l’auteur touche tous les aspects de la vie, toutes les activités
déployées par les sociétés européennes au fil des siècles, tant dans le quotidien le pl us naturel, que
dans la vie des spécialiste s. Vu que l es termes chromatiques se situent tantôt dans la langue
générale, tantôt dans la langue spécialisée, ayant parfois de statut de mot et d’autres fois celui de
terme, nous avons contourné ainsi un cadre c onceptuel qui nous aide à répondre aux questions que
nous avons formulées.

1.1. Le discours spécialisé. Perspectives théoriques
Le corpus que nous étudions dans la présente recherche est constitu é à partir d’un discours
de spécialité. Ce qui nous intéresse particulièrement est le corpus extrait d e quatre ouvrage s
historique s, ceux-ci étant le résultat du travail acharné d’un historien qui s’est dédié à l’histoire
symbolique des sociétés européennes et surtout à l’histoir e des couleur s depuis l’Antiquité
romaine jusqu’à présent.
Il est question, par conséquent, d’une langue spécialisée , utilisée par un spécialis te en
histoire pour construire s on discours de spécialité . Suivant cette logique, pourrions -nous
également parle r d’une langue des couleurs en tant que langue spécialisée autonome ? La richesse
du champ lexico -sémantique des couleurs justifierait -elle un tel statut ?

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1.1.1. Langue générale / langue spécialisée
Étant donnée les nombreux travaux effectués dans le domaine de la terminologie et du
discours spécialisé, nous ferons une revue des recherches en la matière.
Parmi les chercheurs, nous rappelons Mounin (1979), Hoffman (1979), Kocourek (1982),
Lerat (1995), Cabré (1998, 2000) et Desmet (2007). Nous ferons également, à cette occasion , un
rappel des notions les plus utilisées, dont nous choisirons celles que nous considérons les plus
appropriées pour notre démarche.
Il y a, dans la littérature de spécialité, un manque de consensus au niveau de la
dénomination : langue de spécialité (chez Kocourek, 1982 ; Cabré, 1998 ; Petit, 2010 ; Dubois et
al., 2012), langue spécialisée (pour Lerat, 1995 ; Cabré, 2000 ; Depecker , 2002 et Desmet, 2007),
langue courante, vocabulaire spécialisé ou de spécialité , texte spécialisé ou disco urs spécialisé ,
etc.
Pour Charaudeau (2009 : 40-41), la langue représente un
« lieu de conformation entre des formes et du sens s’organisant en systèmes, c’est -à-dire en réseaux
de relations entre des unités minimales selon des règles de combinaisons synt agmatiques et
paradigmatiques, systèmes dont on pourra dire qu’ils témoignent de catégories de pensée prenant
position sur des visions du monde ».

Tout d’abord, nous précisons le fait que la langue présente trois dimensions :
 la langue générale, la langu e accessible à toute une communauté linguistique qui a la
possibilité de la connaître, voire de la maîtriser. Depecker l’appelle le « grand
réservoir » (2002 : 62), qui est caractérisé par un « ensemble de règles, d’unités et de
restrictions qui font partie des connaissances de la majorité des locuteurs d’une
langue » (Cabré, 1998 : 115) ; la langue générale est la source de
 la langue commune que toute une communauté linguistique partag e dans la vie
quotidienne ;
 la troisième dimension est constituée par la langue spécialisée .
Selon Dubois et al. (2012 : 440), la « langue de spécialité s’oppose à la langue commune »,
tandis que Depecker (2002 : 63) affirme que « la langue technique ou s cientifique est à considérer
dans la continuité de la langue générale ». Depecker souligne le manque de frontière nette entre la
langue commune et la langue technique et scientifique , du fait que les termes c irculent entr e les
deux , sans pouvoir les cloiso nner, la langue spécialisée « s’articulant par secteur d’activité »
(Depecker, 2002 : 64).

41
Cela ne veut pas nécessairement dire, à notre avis, que les connaissances transmises sont
comprises par le grand public sans aucun effort et que les termes utilisés par les spécialistes se
retrouvent dans les situations de communication de la vie quotidienne. La langue spécialisée reste
cependant l’outil des spécialistes, dont ils se servent pour communiquer le résultat de leurs
recherches ou de leurs travaux tout d’ abord aux autres spécialistes. Cette langue peut impliquer la
présence, à côté des moyens linguistiques, des moyens non linguistiques, comme par exemple les
formules ou les symboles spécifiques au domaine respectif .
Étant donné la présence des termes de co uleur à la fois dans la langue gé nérale et dans les
langues spécialisées , nous nous demandons où les inventorier : dans les mots et les expressions
courantes d’une langue ou dans la dénomination des notions ?
Une approche purement linguistique, dont la dém arche onomasiologique nous conduit de
l’objet à la conceptualisation pour arriver à la dénomination, nous aide à les classer selon des
critères linguistiques dans une catégorie grammaticale, à analyser leur fonction syntaxique, etc.
Selon Pierre Lerat (1995 : 45) , les termes relèvent du sy stème général de la langue,
fonctionna nt comme toute autre unité linguistique, mais dont le sens doit être plus clair et
compréhensible même en dehors d’un contexte particulier :
« il faut que ce [les termes] soient des unités linguistiques intégrables dans des énoncés et pouvant
y remplir des fonctions syntaxiques, même si leur morphologie n’est pas conforme aux règles de
bonne formation lexicale, et il faut en même temps que ce s oient des unités de connaissance à
contenu stable, donc plus indépendantes du contexte que les mots ordinaires »

En revenant aux règles dont parlait Cabré, elles ne peuvent pas s’appliquer uniquement
dans la langue commune ou la langue générale, elles re stent valables également pour la langue
spécialisée. Les règles de syntaxe et de grammaire sont les mêmes pour une langue, sans
distinction en fonction d’une certaine spécialisation. Les différences interviennent uniquement au
niveau sémantique, au niveau du vocabulaire (l’emploi des termes propres aux domaines
spécialisés).
1.1.2. Langue spécialisée ou langue de spécialité
Il nous arrive parfois d’utiliser soit l’un, soit l’autre des termes, parfois les deux, sans en
faire une différence, bien que les chercheurs l’ont déjà faite d’une manière très claire. Il y a
également plusieurs dénominations, telles que technique et scientifique à côté de celle de
spécialisée pour parler d’une telle langue.

42
Nous commençons la revue des recherches avec la norme ISO 1087, qui la définit de la
manière suivante :
« Langue de spécialité : Sous -système linguistique qui utilise une terminologie et d’autres moyens
linguistiques et qui vise la non -ambiguïté de la com munication dans un domaine particulier »2.
(ISO 1087 : 1990)

Nous avons également remarqué une alternance entre les termes langue et langage , le
premier désignant le système employé par les individus pour s’exprimer soit mentalement, soit
dans la communic ation, tandis que l’autre terme, le langage, est choisi pour désigner les langues
spécialisées, tout ce qui sort du cadre de la langue générale ou commune. En réalité, le langage
n’est qu’une faculté humaine dont nous nous servons pour exprimer nos pensées et pour
communiquer « au moyen d'un système de signes conventionnels vocaux et/ou graphiques
constituant une langue », selon le CNRTL3. Ce langage joue un rôle primordial dans nos vies,
puisque sans lui la communication ne pourrait pas se réaliser.
Nous rappelons brièvement les fonctions du langage4 que Georges Mounin (1968 : 80)
identifie dans son ouvrage Clefs pour la linguistique :
 « sa fonction de communication interhumaine immédiate » ;
 « une fonction expressive (ou émotive […]), celle par laquelle l e locuteur
manifeste son affectivité, […] grâce au débit, à l’intonation, au rythme de ce qu’il
dit » ;
 « une fonction appellative (ou conative) […] par laquelle le locuteur cherche à
provoquer chez son auditeur certaines tonalités affectives sans les part ager lui –
même » ;
 « une fonction […] d’élaboration de la pensée » ;
 « une fonction esthétique (ou poétique) » ;
 « une fonction phatique , celle grâce à laquelle le langage semble ne servir qu’à
maintenir entre des interlocuteurs une sensation de contact acoustique […] ou de
contact psychologique, de proximité agréable […] » (gras de l’auteur).
Pour ce qui est de la distinction que nous essayons de faire entre langue générale et langue
spécialisée , les fonctions du langage peuvent nous servir de critères en ce qui concerne la
communication faite à l’aide de la première et la communication effectuée par le biais de la
seconde. En réalité, les deux types de langue servent à communiquer. C’est le rôle fondamental de
la langue en général, mais la langue spécialisé en fait de même par ses propres moyens. Pour

2 AFNOR – Association Française de Normalisation, Norme ISO 1087 , 1990
3Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales , disponible à l’adresse
http://www.cnrtl.fr/definition/langage , dernière consultation le 6 mars 2017
4 Selon R. Jakobson, ces fonctions sont : référentielle, expressive, conative, métalinguistique, phatique et poétique .
Voir en ce sens Jakobson, Roman, 1963, Essais de linguistique générale , Paris, Editions de Minuit .

43
Mounin (1968 : 80) , le langage communique « la totalité de l’expérience que nous avons de la
réalité non linguistique ». Par conséquent, la différe nce entre les deux langues réside justement
dans la réalité sur laquelle porte le messa ge, qui constitue l’objet de leurs préoccupations. C’est
donc leur point commun en ce qui concerne les fonctions remplies.
Pour Durieux (1996 -1997 : 90), « spécialisée o u de spécialité, il s’agit d’une langue
servant à véhiculer des connais sances spécialisées ». L’auteur oppose cette langue à la langue
usuelle, même si elle soutient que « dans taxinomie des discours, il n’y ait pas opposition mais
plutôt coexistence dans la continuité » (1996 -1997 : 91). Par langue usuelle , l’auteur comprend
« langue commune […] partagée par tous les membres de la communauté linguistique » et
« langue courante enrichie d’emprunts à des champs d’expérience spécialisés et utilisée surtout
par les classes socioprofessionnelles favorisées (Galisson, 1979) ou les plus cultivée s » (1996 –
1997 : 91). La théorie de Durieux peut être résumé e au fait qu’il n’existe pas de frontière nette
entre la langue usuelle et la langue spécialisée, entre les deux existant une migration permanente.
Pierre Lerat (1995 : 20) considère que
« [l]a notion de langue de spécialité est plus pragmatique : c’est une langue naturelle considérée en
tant que vecteur de connaissances spécialisées ».

L’auteur (Lerat, 1995 : 21) plaide pour la notion de langue spécialisée qui
« ne se réduit pas à une terminologie : elle utilise des dénominations spécialisées (les termes), y
compris des symboles non linguistiques, dans des énoncés mobilisant les ressources ordinaires
d’une lan gue donnée. On peut donc la définir comme l’usage d’une langue naturelle pour rendre
compte techniquement de connaissances spécialisées ».

Elle se rapproche de la langue commune, qui est maîtrisée par les membres d’une
communauté, mais son objectif essen tiel est de transmettre des connaissances, cette langue étant
« une langue en situation d’emploi professionnel » (Lerat, 1995 : 21) et les connaissances en cause
sont « dénommées linguistiquement par les termes, qui sont principalement des mots et des
groupes de mots (nominaux, adjectivaux, verbaux) sujets à des définitions conventionnelles »
(Lerat, 1995 : 22).
Par conséquent, la langue spécialisée est la langue utilisée dans les milieux professionnels,
elle est plus que la terminologie spécifique d’un do maine donné, c’est la langue employée par des
spécialistes et pour des spécialistes, dans les buts professionnels de transmettre les savoirs.
Dominique Vinck (2007 : 225), en parlant des articles scientifiques, distingue une
catégorie destinée « à un public profane » qui est empreinte de « termes généraux susceptibles de

44
retenir l’attention des lecteurs », des articles dont le public cible est r eprésenté par des spécialistes
qui travaillent dans d’autres domaines, les articles destinés « aux spécialistes du domaine pour
faire le point » 5 et ceux s’adressant toujours aux spécialistes, mais dans le but de « faire part de
quelques éléments d’inform ations nouveaux ».
Selon Dubois (1994 : 440), la langue spécialisée désigne « un sous -système linguistique
tel qu’il rassemble les spécificités linguistiques d’un domaine particulier ». L’auteur explique
comment « la terminologie, à l’origine de ce concept , se satisfait très généralement de relever les
notions et les termes considérés comme propres à ce domaine. Sous cet angle, il y a donc abus à
parler de langue de spécialité, et vocabulaire spécialisé convient mieux » (Dubois, 1994 : 440) .
Il est importan t également de préciser qu’il ne s’agit pas tout simplement de termes, de
lexique, mais surtout de textes spécialisés qui représentent les manifestations de cette langue
spécialisée. En réalité, les langues spécialisées emploient des mots de la langue géné rale, les règles
de grammaires sont les mêmes, la manière de formation des mots est identique à celle de la langue
générale, la différence fondamentale réside uniquement dans l’emploi d’une terminologie propre à
un domaine ou à un autre.
Il résulte de la l ittérature de spécialité que la notion de langue spécialisée a trois
acceptions :
 l’acception de Hoffmann (1979 ), selon lequel la langue spécialisée représente un
code distinct de la langue générale , ayant se propres règles ;

Figure 1 : Le rapport Langue générale / Lange spécialisée selon Hoffmann

5 Italiques de l’auteur. LA LANGUE
GÉNÉRALE la langue
spécialisée

45
 l’acception de la linguistique descriptive, selon laquelle la langue spécialisée est
une variante lexicale de la langue générale6 et

Figure 2 : LS – variante de LG

 la troisième acception conformément à laquelle la langue spécialisée représente un
sous-ensemble semi -autonome de la langue générale7.

Figure 3 : LS comme sous -ensemble de la LG
Selon R.G. Burcea (2015 : 19), la langue spécialisée signifie
« le système de communication verbale et écrite comprenant l’inventaire des moyens d’expression
linguistique (lexicaux, morphologiques, syntaxiques et stylistiques) employés essentiellement par
les spécialistes , à l’intérieur d’un domaine du savoir humain déterminé, pour transmettre des
concepts fondamentaux et pour communiquer des connaissances spécialisées se rattachant au
domaine envisagé » (italiques de l’auteur) .

Si nous traitons de cette manière la langue spécialisée, nous arrivons à la conclusion
qu’elle comprend un peu plus que la langue générale : elle en reprend la phonétique, la phonologie,

6 Mounin est l’un des ad eptes de cette acception. Il soutient l’idée qu’« au sens propre il n’existe pas de langue du
droit en soi, mais seulement, à l’intérieur de la langue française, un vocabulaire du droit et sans doute quelques tours
syntaxiques spécifiques » (1979:13).
7 C’est Varantola ( 1986 ) qui a imposé cette acception. LA LANGUE
GÉNÉRALE
la langue
spécialisée –
variante lexicale
LA LANGUE
GÉNÉRALE
la langue
spécialisée

46
la morphologie, la syntaxe et la stylistique et elle y ajoute la terminologie propre au domaine en
cause.
En réalité, la langue spécialisée utilise les ressou rces de la langue générale, mais elle
effectue un choix des éléments linguistiques, elle ne peut pas utiliser la langue commune, du
moins si nous parlons d’un niveau de professionnalisme dans cet usage. Nous n’entrons pas dans
le sujet de la vulgarisation scientifique, nous limitons notre recherche à la langue spécialisée.

Figure 4 : Imbrication LG/LS

Nous pourrions cependant formuler une première conclusion sur cette question portant sur
la ligne de démarcation entre la langue générale et la langue spécialisée. À notre avis, cette
frontière est floue, nous sommes de nos jours en présence d’un processus continu
d’interpénétration. Il existe, bien entendu, des situations où le contexte impose un degré de
spécialisation plus élevé, mais cela ne conduit en aucun cas à l’élimination des mots relevant de la
langue générale, ni aux règles de syntaxe et de grammaire. De plus, nous pourrions nous imaginer
un dialogue entre deux spécialistes en dehors du contexte professionnel : si entre des non –
spécialistes on a recours à des termes synonymes plus connus, pour ceux qui maîtrisent un ou
plusieurs domaines scientifiques, il n’y a pas de raison pour laquelle le dialogue diminue le degré
de spécialisation. Une autre remarque que nous voudrions faire est qu’il n’exi ste non plus de
frontière nette entre les domaines spécialisés, parce que le progrès de la science et de la technique
repose actuellement sur les connaissances inter – et transdisciplinaire, ce qui conduit ainsi à une
interpénétration des termes spécialisés .
1.1.3. Texte ou discours spécialisé
Étant donné que « [l]es chercheurs mettent en discours leur activité notamment dans la
construction de textes » (Vinck, 2007 : 224), il nous semble important de nous pencher sur les la langue
spécialisée LA LANGUE
GÉNÉRALE

47
écrits spécialisés, dont les stratégies son t certainement différentes, en fonction du type de
publication ou du public auquel les chercheurs s’adressent.
Une première démarche que nous considérons utile concerne la défini tion exacte des
notions texte et discours en linguistique.
Selon Benveniste (1966 : 242), le discours représente « toute énonciation supposant un
locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influence r l’autre en quelque manière ».
Dubois (Dubois et al., 2012 : 150) passe en revue toutes les acceptions du discours , à partir
de celle de « langage mis en action », en passant par celle d’
« unité égale ou supérieure à la phrase, […] constitué par une suite formant un message ayant un
commencement et une clôture », pour finir avec l’acception la plus modern e, selon laquelle le
discours représente « tout énoncé supérieur à la phrase, considéré du point de vue des règles
d’enchaînement des suites de phrases ».

Dominique Maingueneau (2014 : 18) synthétise les relations du discours avec les autres
unités d’analyse linguistique sous la forme d’oppositions : « entre discours et phrase , entre
discours et langue , entre discours et texte ». Nous retrouvons par conséque nt les mêmes idées
avancées par Dubois.
Dans le cadre de la première opposition, le discours est, selon Maingueneau , « une unité
linguistique ‘transphrastique’, c’est -à-dire constituée d’un enchaînement de phrases », tandis que
dans l’opposition entre discours et langue , il s’agit de « la langue conçue comme système et son
usage en con texte » (Maingueneau, 2014 : 18). La troisième opposition (entre discours et texte ) est
plus complexe, étant tout d’abord « très différente si l’on associe à un ensemble d e textes un seul
discours ou à chaque texte un discours » (Maingueneau, 2014 : 31), dans le premier cas l’auteur
identifiant des « entités de nature différente » comme :
« une discipline […] ; un positionnement dans un champ […] ; une thématique […] ; la production
associée à une aire déterminée de la société […] ; des productions verbales qui sont spécifiques
d’une catégorie de locuteurs […], etc. » (Maingueneau, 2014 : 32).
Selon François Rastier (2001 : 21), « un texte est une suite linguistique empirique attestée,
produite dans une pratique sociale déterminée, et fixée sur un support quelconque ». Par cette
définition, Rastier couvre l’aspect oral et écrit de la production langagière, tout code qui pourrait
être employé, de même que le fait qu’il est le résultat d’une pratique sociale. Pour ce qui est du
texte qui est « attesté », « il n’est pas une création théorique comme l’exemple de linguistique
forgé par le linguiste » (Rastier , 2001 : 21).

48
Dans Sens et textualité , le même auteur définissai t la notion de discours, en la reliant à la
notion de texte et à celle de genre :
« [u]n discours s’articule en divers genres, qui correspondent à autant de pratiques sociales
différenciées à l’intérieur d’un même champ. Si bien qu’un genre est ce qui ratta che un texte à un
discours . Une typologie des genres doit tenir compte de l’incidence des pratiques sociales sur les
codifications linguistiques » (Rastier, 1989 : 40).
Selon J. -M. Adam (2011 : 33), « [t]out texte est la trace langagière d’une interaction
sociale, la matérialisation sémiotique d’une action sociohistorique de parole ». Il donne des
exemples comme « la narration , la description , l’argumentation , l’explication et le dialogue » de
ce qu’il appelle « conduite discursive ». Pour ce qui est des genres, l’auteur les définit comme
« des patrons sociocommunicatifs et sociohistoriques que les groupes sociaux se donnent pour
organiser les formes de la langue en discours » (J-M. Adam, 2011 :33). En partageant l’opinion de
Rastier, Adam conclut qu’ « il n’y a pas de textes sans genre(s), et c’est par le système de genre
d’une formation sociohistorique donnée que la textualité rejoint la discursivité » (J-M. Adam,
2011 : 33).
Dans la même lignée que J. -M. Adam s’inscrit la théorie de P. Charaudeau (2009 : 44),
selon lequel
« [l]e discours n’est pas le texte mais il est porté par des textes. Le discours est un parcours de
signifiance qui se trouve inscrit dans un texte, et qui dépend de ses conditions de production et des
locuteurs qui le produisent et l’i nterprète. Un même texte est donc porteur de divers discours et un
même discours peut irriguer des textes différents »,
la relation entre les deux étant une relation d’interdépendance.
Au niveau de la manifestation de la langue spécialisée, nous avons trouvé également deux
notions, texte spécialisé et discours spécialisé , et nous devons choisir un seul terme pour nous
rapporter à notre corpus. Quelle serait la différence entre les deux e t quel serait le terme le plus
approprié pour notre recherche ?
Selon Maria Teresa Cabré ( 2007 -2008 : 38) les textes spécialisés
« sont les productions linguistiques, orales ou écrites, qui se manifestent dans le cadre des
communications professionnelles et dont la finalité est e xclusivement professionnelle ».
La définition de Cabré reprend les caractéristiques que Rastier attache au texte en
linguistique, en ajoutant la condition du contexte professionnel. Ce contexte est représenté par une
certaine situ ation de communication, une situation professionnelle, plus exactement, les actants
qui sont toujours des professionnels qui traitent d’un sujet qui s’inscrit dans leur domaine
professionnel, en ajoutant l’objectif de cette production linguistique, qui con siste en l’information
qui doit circuler au niveau professionnel.

49
Pour être très précise à ce sujet, M. T. Cabré (2007 -2008 : 38-39) dresse une liste de trois
conditions à remplir par un texte pour qu’il soit considéré spécialisé :
 la première catégorie e st constituée par les conditions qu’elle appelle « discursives :
les propriétés de la situation spécialisée de ce type de communication » ;
 la deuxième catégorie est dédiée aux « conditions cognitives : le thème qui est
traité et la façon dont il est trai té » et
 une dernière catégorie, celle des
« conditions linguistiques : les conditions textuelles générales (précision, concision et systématicité,
les deux dernières à des degrés différents suivant les conditions discursives), la forme macro et
micro textuelle, et surtout les unités lexicales propres au domaine dont il est question dans le
texte ».
Pour synthétiser les aspects les plus importants à retenir, nous citons Kocourek (1982 : 32),
selon lequel le discours spécialisé est « un instrument qui sert à communiquer le contenu
spécialisé ». L’auteur entend par contenu spécialisé ses composantes essentielles, les
connaissances, les concepts employés, voire les méthodes utilisés et les objectifs de ce travail
spécialisé.
Petit (2010) propose la notion de discours des domaines spécialisés qui signifie
« que la propriété désignée par le terme de spécialisé, construite au niveau du domaine, se transmet
ou se diffuse au niveau des composants (concepts ; connaissances ; discours ; pratiques ; etc.) du
doma ine ».
Nous voulons rappeler à ce moment la définition que Petit (2010 : 9) donne pour le
domaine spécialisé qui, selon l’auteur, représente
« tout secteur de la société constitué autour et en vue de l’exercice d’une activité principale qui, par
sa natur e, sa finalité et ses modalités particulières ainsi que par les compétences particulières
qu’elle met en jeu chez ses acteurs, définit la place reconnaissable de ce secteur au sein de la
société et d’un ensemble de ses autres secteurs et détermine sa compo sition et son organisation
spécifiques ».
Nous utiliserons la notion de discours spécialisé, en ce sens qu’il englobe la dimension
pragmatique (les contenus abordés ayant un niveau élevé de spécificité, la terminologie utilisée
pour transmettre les connais sances, le contexte de communication professionnelle, les
destinataires du message, etc.).
Nous avons réalisé un schéma de ces notions :

50

Figure 5 : De la LS au DS

Par conséquent, force est de constater que tous les éléments présenté ci -dessus ne peuvent
pas être dissociés : pour analyser un discours spécialisé nous devons analyser les textes spécialisés
qui le composent et la langue spécialisée que ceux -ci utilisent , soit oralement, soit par écrit, dans
un contexte qui est, à son tour, caractérisé par une spécialisation. Autrement dit, il n’existe pas de
discours sans texte, tout texte s’inscrivant à son tour dans un type de discours.
1.1.4. Spécificités du discours
Tout d’abord, nous présenterons brièvement les « idées -forces » que Dominique
Maingueneau dégage de l’emploi du terme dans les sciences humaines et sociales pour caractériser
le discours :
 « Le discours est une organisation au-delà de la phrase » (Maingueneau, 2014 : 19).
Par cette acception, Maingueneau comprend d’un côté l’aspect quantitatif, la taille du
discours étant plus grande que celle de la phrase, et de l’autre côté le discours en tant qu’unité
transphrastique, qui suit des règles d’o rganisation.
Dans le cas de l’œuvre sur laquelle repose notre corpus, si nous traitons cette condition du
discours, elle est pleinement remplie, nous parlons de quatre ouvrages, dont chacune traite d’une
des quatre couleurs que nous étudions. Si nous regar dons uniquement un fragment, par exemple,
nous pouvons déjà aisément démontrer que la taille de son discours « est plus grande que celle de
la phrase » (Maingueneau, 2014 : 19).
Dans l’image qui suit, nous remarquons dans un premier temps la dimension des
paragraphes, qui à leur tour sont composés de plusieurs phrases, le premier occupant quasiment
trois quarts de la page reproduite, et dans un deuxième temps la cohésion du texte et le respect des
règles générales d’organisation de ce type d’écriture. langue
spécialis ée éléments
linguistiques texte
spécialis é éléments
extra –
linguistiques discours
spécialis é

51

Figure 6: Photographie d’une page extraite de l’ouvrage Bleu. Histoire d’une couleur (2000 : 76).

 « Le discours est une forme d’action » (Maingueneau, 2014 : 21).
Cette acception s’inscrit dans la lignée de la théorie pragmatique des actes de langage de
J.L. Austin (1962) et de J.R. Searle (1969), selon lesquels le langage ne sert pas seulement à
décrire, mais aussi à agir et à faire agir, à accomplir des actions.
Pour ce qui est de ce trait, le discours de Michel Pastoureau, même s’il retrace l’histoire de
chaque couleur (et de toutes, en même temps, parce que c’est impossible de parler d’une couleur
en ignorant les autres, leur histoire étant parfois marquée par des guerres pour la suprématie), il est
beaucoup plus qu’un enchaînement de données. Il fait réfléchir aux choix d’une couleur ou d’une
autre à des époques différentes ou même à l’intérieur d’une même époque, aux choix et l’emploi

52
des couleurs par domaines d’activité, a la mesure dont la société a influencé l’évolution culturel le
d’une couleur ou la couleur à « éduqué » le goût des peuples, au statut et à la symbolique de
chacune d’elles, il fait changer la façon de se rapporter au passé, aux autres cultures et à
comprendre les hiérarchies en matière chromatique.
Par exemple, l’ouvrage Bleu. Histoi re d’une couleur finit avec une assertion qui pourrait
passer comme sa conclusion , mais nous pensons que ce paragraphe final contient plutôt une
question plus qu’une affirmation. Une question que nous devrions nous poser nous -mêmes parce
que le message paraît , d’une certaine façon , inquiétant :

Figure 7 : Michel Pastoureau, Bleu. Histoire d’une couleur , (2000 :181).
En ce qui concerne la monographie du noir, l’auteur finit son travail avec une série de trois
questions qui ont le même rôle de nous faire réfléchir, et, pourquoi pas, d’agir ou d’attribuer au
noir un statut plus signifiant que celui d’une couleur neutre ou moyenne.

Figure 8 : Michel Pastoureau, Noir. Histoire d’une couleur, (2008 : 194).
La monographie consacrée au rouge soulève une réflexion de la part de l’auteur qui ne va
certainement pas laisser indifférent tout lecteur :

53

Figure 9 : Michel Pastoureau, Rouge. Histoire d’une couleur, (2016 : 192).
Pour ce qui est du vert, sont histoire finit par ce qui paraît un simple constat :

Figure 10 : Michel Pastoureau, Vert. Histoire d’une couleur, (2008 : 221).
Mais, à notre avis, c’est toujours un signal d’alarme qu’il tire au lecteur, pour que celui -ci
prenne conscience de l’importance de cette couleur et pour qu’il agisse en conséquence.
Une fois que nous prenons conscience de ce que chaque couleur a représenté dans notre
société, une fois que nous comprenons pourquoi une certaine couleur est aimée, détestée, préférée
et ce qu’elle a déclenché au fil des siècles, nous changero ns certainement notre relation avec cette
couleur, nous serons plus conscients de sa valeur et du rôle qu’elle a joué et continue à le faire de
nos jours, ce qui se manifestera certainement dans nos choix chromatiques ultérieurs.
 « Le discours est interact if » (Maingueneau, 2014 : 20).
Ce trait porte sur la description du discours comme « une inter -activité qui engage deux ou
plusieurs partenaires » (Idem), donc un échange. L’auteur précise qu’il ne s’agit pas seulement de
conversation, qui est l’exemple c lassique d’interactivité dans la communication (surtout orale),
mais en général de toute énonciation qui « suppose la présence d’une autre instance d’énonciation
par rapport à laquelle on construit son discours » (Ibidem ). Nous comprenons que la forme du
discours ne présente plus un intérêt déterminant dans la qualification d’un échange comme
discours.

54
Par exemple, nous trouvons dans le Bleu. Histoire d’une couleur de Michel Pastoureau des
questions adressées aux lecteurs qui, même sans être présents, peuve nt être considérés de vrais
interlocuteurs dans un tel type de discours qui semble construit comme dans une situation de
communication réelle :
« Peut-on dire dans l’absolu, hors de tout contexte, quelle est la couleur que l’on préfère? Et quelle
portée cela doit -il réellement avoir sur le travail du chercheur en sciences sociales, notamment de
l’historien? » (Pastoureau, 2000 : 172)
Les questions suivantes se trouvent à la fin du Noir. Histoire d’une couleur , par
conséquent, c’est à nous de continuer la réflexio n, de nous donner une réponse :
« Serait -il enfin devenu une couleur moyenne? Une couleur neutre? Une couleur comme les
autres? » (Pastoureau, 2008 : 194) .
Dans Rouge. Histoire d’une couleur nous avons trouvé une série de questions qui semblent
inciter également à l’action de recherche historique, pas seulement à une réflexion plus ou moins
pour soi -même :
« Quand et comment est -on passé d’étoffes véritables, installées au sommet d’une hampe et faites
pour être vues de loin, à des images non texti les, prenant place sur des supports de toutes sortes et
conçues pour être vues de près ? Quelles mutations a entraînées dans tous les domaines ce passage
de l’objet physique à l'image emblématique? Ces questions attendent encore leurs historiens, elles
semblent même n’avoir jamais été posées. » (Pastoureau, 2016 : 176)
Bien entendu, l’auteur garde le même style dans le quatrième ouvrage, Vert. Histoire d’une
couleur , dont nous citons :
« Mais est -ce suffisant pour justifier ces étranges rubans, devenus rapidement emblématiques d’un
rôle, d’une œuvre, d’une couleur ? Je ne le pense pas, mais, évidemment, sur ce terrain des
préférences, il est impossible d’être affirmatif. » (Pastoureau, 2013 : 158)

 « Le discours est contextualisé » (Maingueneau, 2014 : 21).
Ce trait pourrait être lié au premier, selon lequel le discours va au -delà de la phrase, et cela
signifie que le discours prend du sens grâce à des facteurs contextuels. Il n’existe que dans un
contexte et c’est en fonction de ces contextes qu’il pren d son sens et que nous lui attribuons une
place dans la typologie des discours.
 « Le discours est pris en charge par un sujet » (Maingueneau, 2014 : 21), cela veut dire
qu’il existe un « je » qui se positionne en tant que responsable et garant de ce qu’il affirme.
Maingueneau et Chareaudeau (2002 : 189) soutiennent que la condition que le d iscours
doit remplir est d’être
« rapporté à une instance qui à la fois se pose comme source des repérages personnels, temporels,
spatiaux et indique quelle attitude il adopte à l’égard de ce qu’il dit et de son interlocuteur ».

55
L’œuvre de Michel Pastoureau est pleine d’indices personnels de la première personne (par
exemple, je, ma, mes, mon , etc.). L’auteur introduit son opinion personnelle par ces indices, il
assume les affirmations qu’il fait.
 « Le discours est régi par des normes » (Maingueneau, 2014 : 22).
L’activité discursive se soumet aux normes générales et particulières de toute
communication. L’œuvre de Pastoureau respecte ces lois du discours en général, qu i sont
impératives pour la compréhension du message transmis, mais aussi les normes spécifiques du
discours spécialisé, du discours historique, c’est -à-dire des règles comme fournir seulement des
informations pertinentes pour l’objectif que l’auteur s’est proposé de transmettre à son
interlocuteur, l’appropriation au contexte, être la garantie de ses affirmations, etc.
 « Le discours est pris dans un interdiscours » (Maingueneau, 2014 : 22).
Cette idée porte sur l’acquisition de sens par le discours ou par un énoncé dans sa relation
avec d’autres énoncés ou discours du même genre. Dans le cas de l’œuvre de Michel Pastoureau,
en tant que discours spécialisé, historique plus précisément, il doit se rapporter à d’autres discours
historiques pour s’inscrire dans ce type de discours spécialisé.
 « Le discours construit socialement le sens. » (Maingueneau, 2014 : 23)
Ce sens dont parle l’auteur n’est pas attaché une fois pour toutes au texte ou au d iscours,
mais s’y rattache dans le cadre des interactions sociales, concernant « les interactions orales entre
deux personnes comme les productions collectives destinées à un large public ». La composante
sociale d’un discours est essentielle pour son exis tence, elle lui sert de cadre de construction et de
reconstruction.
Nous avons présenté ci -dessus les traits du discours dans le but d’encadrer correctement
l’œuvre de Michel Pastoureau au niveau des textes ou des discours spécialisés. Par conséquent,
après avoir démontré par des extraits des quatre ouvrages sur lesquels repose notre corpus, nous
considérons que nous avons affaire avec un discours spécialisé, relevant du domaine de l’histoire,
un discours qui remplit ainsi les conditions nécessaires pour bé néficier pleinement de ce statut.
Dans son article « La terminologie du bleu : une approche didactique »8, Cristiana -Nicola
Teodorescu parle du « domaine spécialisé de l’histoire des couleurs » et du « sous-domaine de la
couleur bleue ». Suivant ce modèle, nous pourrions par conséquent identifier, dans les ouvrages

8 L’article publié sur https://www.academia.edu a une visée didactique qui nous semble très utile dans l’enseignement
de la terminologie chromatique.

56
historiques dont nous avons extrait notre corpus, quatre sous -domaines, correspondant aux quatre
termes chromatiques analysés. Une fois établie l’appartenance à cette catégo rie, nous allons
présenter les traits du discours spécialisé.
1.1.5. Spécificités du discours spécialisé
Le discours spécialisé est divisé par les chercheurs en trois classes :
 discours scientifique ,
 discours technique et
 discours professionnel .
Nous ferons maintenant une revue des particularités des discours spécialisés , en traitant
toutes les trois catégories ensemble, parce que, même s’il y a un nombre très grand de langues
spécialisées, de textes où ces langues se matérialisent et, par conséqu ent, de discours spécialisés,
les chercheurs ont pu en cerner quelques traits qui leur sont communs.
1.1.5.1. Au niveau lexical
Au niveau lexical, il est généralement admis que les discours spécialisés se caractérisent
par l’existence d’une terminologie propre. Il est plus facile de réaliser une analyse de ce qui est
généralement appelé en littérature de spécialité « lexème », parce que le mot, en tant qu’unité de la
langue générale, est facile à identifier et à catégoriser.
Pour ce qui est des termes, nous pouvons les inclure dans cette catégorie uniquement si
nous tenons comptes de certains traits.
Lerat (1995 : 52) identifie trois critères selon lesquelles nous pouvons les reconnaître :
« 1) il appartient à une série morphologique de mots de sens spécialisé au sein d’une langue
considérée ; 2) il y a une syntagmatique restreinte […] ; 3) il y a des relations de dépendance par
rapport à des unités présentant les caractéristiques 1 et 2 ».

Tous les mots qui remplissent ces conditions représentent la terminologie d’un domaine
spécialisé.
D’une part, c e qui est important à ce niveau est que nous sommes dans une démarche qui
vise la langue spécialisé, compte tenu de la distinction lexique / vocabulaire selon laquelle nous
analysons « la langue de spécialité, si l’on travaille sur le lexique (les lexè mes) et le discours
spécialisé si l ’on travaille sur le vocabulaire (les vocables) » (Petit, 2010) .
D’autre part, le discours spécialisé ne se réduit pas à la langue spécialisée, son lexique
étant plus complexe et hétérogène. Durieux (1996 -1997 : 91) parle

57
« d’un continuum avec l’existence d’une zone mixte intermédiaire » caractérisée par la migration
des termes de la langue spécialisée vers la langue courante et par « l’aspiration de termes
appartenant à la langue usuelle dans des langues de spécialité ».

Burcea (2015 : 23) classe les lex èmes en :
« lexèmes qui relèvent du vocabulaire commun au discours spécialisé et à la langue commune […] ;
lexèmes qui relèvent d’une zone intermédiaire entre langue commune et discours spécialisé […] ;
lexèmes/syntagmes avec un haut degré de spécialisati on, qu’on ne trouve pas dans la langue
commune ».

Prenons l’exemple des couleurs dans l’œuvre de Michel Pastoureau : où se situe son bleu,
son noir, son rouge ou son vert ? Sont -ils des termes ou des mots de la langue commune ? S’ils
appartiennent à la t erminologie des langues spécialisées, ont -ils le même sens dans plusieurs
domaines ?
L’apparition tardive d u bleu, si nous l e comparons aux autres couleurs, est rigoureusement
décrite par l’historien Michel Pastoureau dans son ouvrage Bleu. Histoire d’une couleur , ce qui
nous pousse à nous demander si , en fin de compte , la présence du bleu a été observée par le peuple
ou par les spécialistes qui, depuis lors, n’ont cessé de lutter pour le mettre en valeur. Certes, la
couleur existait avant cette date, puis que le ciel était toujours bleu, pour ne prendre que cet
exemple à la portée de tout être humain, l’eau aussi existe depuis toujours, le bleu existait
certainement dans la couleur des yeux de certaines personnes et, malgré toute cette présence
accablante d ans la vie de l’humanité, il semble inexistant jusqu’au XIIe siècle ou une autre
explication possible est que les gens choisissaient de ne pas voir le bleu, l’ignorant complètement,
voire le détestant.
« […] à Rome se vêtir de bleu est en général dévaloris ant, excentrique (surtout sous la République
et au début de l’Empire) ou bien signe de deuil. Au reste, cette couleur, disgracieuse quand elle est
claire, inquiétante quand elle est sombre, est souvent associée à la mort et aux enfers. Quant à avoir
les ye ux bleus, c’est presque une disgrâce physique. Chez la femme, c’est la marque d’une nature
peu vertueuse; chez l’homme, un trait efféminé, barbare ou ridicule. » (Pastoureau, 2000 : 27)

Après cette période sombre pour le bleu, il commence à faire son apparition sur les
vêtements, en peinture ou ailleurs (sur des supports comme l’étoffe, les parures, l’émail ou le
mosaïque) et cela est dû à l’utilisation des matières colorantes. Cela veut dire que le bleu
commence gagner une place dans la société, les gens s’efforçant à trouver des méthodes pour se
réjouir du bleu dans leurs vies.
Michel Pastoureau emploie beaucoup de termes chromatiques. Puisqu’il s’agit d’un
ouvrage historique, appartena nt à un domaine spécialisé, son langage est parsemé de termes

58
appartenant à plusieurs domaines spécialisés (comme la géologie, la chimie ou la biologie),
puisque l’histoire vise les aspects les plus divers de la vie humaine, y compris les domaines
spéciali sés. Les matières colorantes que nous avons trouvées dans l’œuvre de Michel Pastoureau
(guède, mollusques , indigo, indigotine, végétaux, minéral, kermès, coquillage, pyrite de fer,
carbonate basique de cuivre, cendres, céruse, etc.) nous prouve que la créa tion du bleu et
l’introduction dans la vie sous diverses formes a été longuement recherchée. Excepté le ciel, la
mer, les yeux bleus, certaines fleurs ou quelques minerais, l’humanité n’a épargné aucun effort
pour pouvoir s’en réjouir à son gré.
Nous souli gnons que, la vie personnelle côtoyant la vie professionnelle, il n’existe pas de
frontière nette qui limite l’emploi des termes à un certain domaine spécialisé, qu’il s’agisse de
médecine, de technique, d’histoire ou d’autres domaines, les termes ayant ai nsi la possibilité de
circuler soit entre les divers domaines spécialisés, soit entre ces domaines et la vie courante,
pénétrant de la sorte dans la langue commune.
Pour conclure, la langue spécialisée peut être caractérisée par la présence des termes
spécifiques qui constituent la plus grande partie du vocabulaire spécialisé d’un domaine donné, de
certains mots que nous retrouvons également dans la langue générale, phénomène qui po rte le nom
de terminologisation – procédé qui consiste en l’attribution d’une nouvelle signification au mot de
la langue générale – et de mots qui pourraient facilement passer pour des termes spécialisé si nous
les rencontrons dans des textes spécialisés o u de mots de la langue courante si nous les
rencontrons dans un discours relevant de la vie quotidienne. Bref, il n’existe pas de règle qui
impose l’usage des termes à un niveau professionnel quel qu’il soit ou par une certaine
communauté professionnelle s e partageant un domaine et une terminologie propre.
1.1.5.2. Au niveau sémantique
La sémantique désigne, en linguistique, la discipline qui étudie les sens des mots d’une
langue naturelle, les significations qui sont attribuées aux unités lexicales d’une manière
conventionnelle.
Selon Georges Mounin (2010 : 12), « la sémantique est la science des significations
linguistiques » et selon Francis Corblin (2013 : 20), elle « traite de la signification des expressions
linguistiques en termes de renvoi au monde, de véri té ou de correspondance ». Par conséquent, si
le mot ou le terme est assez facile à analyser et à encadrer dans des catégories du point de vue de
la forme, nous ne pouvons pas dire la même chose à propos des sens que peut revêtir un mot,

59
puisque la signifi cation peut enregistrer des différences majeures d’une langue à une autre, d’une
civilisation à une autre, voire d’un locuteur à un autre à l’intérieur d’une même langue.
Cependant, en ce qui concerne le terme, la situation est un peu différente, en ce sen s que la
terminologie ne peut par revêtir autant de sens que revêt la langue générale.
Les plus évidentes caractéristiques des discours spécialisés sont la précision, la clarté et le
degré élevé d’objectivité.
Selon J. -C. Verstiggel (1997 : 20), « une exp ression linguistique est ambiguë lorsqu’elle
est virtuellement susceptible, sans l’apport d’informations contextuelles, de signifier plusieurs
choses ». Cette ambiguïté de sens ne caractérise pas la langue spécialisée, la terminologie devant
répondre à des conditions strictes de clarté et de précision.
Nous rappelons la théorie traditionnelle concernant le caractère monosémique des termes
et, par conséquent l’absence de polysémie et de synonymie. Selon cette théorie ancienne, un terme
est utilisé dans des d omaines différents avec des sens différents, nous sommes en présence de
l’homonymie, contrairement à la lexicologie, qui traiterait le phénomène de polysémie. Dans la
littérature actuelle, la polysémie et la synonymie ont commencé à être reconnues égalemen t dans
les domaines spécialisés.
1.1.5.3. Au niveau grammatical
Du point de vue morphologique, le discours spécialisé est composé, selon Burcea (2015 :
24), de :
« structures morphologiques composées de formes savantes […] ; syntagmes terminologiques […] ;
structures nominales et nominalisations à partir des verbes […] ; termes à caractère
monoréférentiel et monosémique ; phrases généralement courtes ; peu de subordination complexe ».

Selon la même auteure, le discours spécialisé est caractérisé par « la no n-occurrence de
certaines unités et structures propres au système linguistique général » comme par exemple
« certains affixes – familiers ou populaires », dans la catégorie du verbe elle remarque l’absence
des « formes impératives, formes de la deuxième pe rsonne », mais également « l’absence de
certaines formes pronominales (les pronoms de la deuxième personne) (Burcea, 2015 : 25).
Pour ce qui est des termes de couleur qui constituent notre corpus,
 selon l’approche morphologique (qui sert à classifier les mots), nous ferons, par
exemple, des distinctions entre bleu substantif et bleu adjectif, entre noir substantif
et noir adjectif, entre rouge substantif et rouge adjectif et entre vert substantif et
vert adjectif ;

60
 selon l’approche distributionnelle , nous étudierons les occurrences des termes de
couleur à côté d’un nom, avec ou sans prédéterminant ( noir de lampe, noir de
fumée, vert pistache, vert de Florence, rouge fraise ) ou d’un adjectif ( vert de gris,
vert pâle, bleu clair, rouge vif, etc.).
La syntaxi que du discours spécialisé doit rester simple, dans le but de transmettre les
connaissances et les informations dans une manière objective et impersonnelle, sans que le
destinataire puisse remarquer les opinions personnelles de l’émetteur. Alors les phrase s sont plus
simples que les phrases appartenant au domaine littéraire, par exemple, privées de subordination
complexe qui puisse rendre le texte difficile à comprendre. Nous n’y trouvons pas de marques de
subjectivité, de mots appartenant au registre famil ier, etc.
1.1.5.4. Au n iveau pragmatique
Généralement, la pragmatique s’occupe du rôle du contexte dans la signification des mots
et des expressions.
Francis Corblin (2013 : 20) soutient que « la pragmatique traite de la signification des
énonciations en contexte » et que « son objectif est de déterminer quelle valeur prend une
énonciation en contexte ».
Pour ce qui est du contexte, J. -C. Verstiggel (1 997 : 20) le définit tant du point de vue
linguistique comme « le co -texte ou ‘texte alentour’ (Fuchs, 1988) lui -même de taille variable (par
exemple un mot, un syntagme ou une phrase […] », que du point de vue extralinguistique comme
« les connaissances e t/ou les croyances que les individus partagent sur le monde, sans oublier,
bien sûr, les facteurs multiples et complexes liés à la situation de communication ».
Dans le cas du discours spécialisé, ce contexte comprend « des sujets, des utilisateurs
(émette urs et destinataires), des buts/intentions et des situations de communication spécifiques »
(Burcea, 2015 : 28).
Pour ce qui est des sujets traités dans un discours spécialisé, même s’il peut donner
l’impression d’être connu ou facilement accessible par u ne communauté plus large d’utilisateurs
(comme par exemple dans le cas d’un discours appartenant aux sciences juridiques, d’un
commentaire sportif, d’un contrat conclu à la banque ou tout simplement chez un opérateur de
téléphonie, d’un discours sur la nou rriture saine ou les constructions), il arrive que ce discours ne
soit pas voué à une compréhension générale, puisqu’il y a des connaissances spécifiques au
domaine en espèce que le destinataire du discours doit maîtriser.

61
Par conséquent, le degré de spéci alisation peut être différent, mais une conclusion
s’impose : le discours spécialisé s’adresse à un public averti. Nous passons ainsi à la catégorie des
utilisateurs, qui doit être formé de spécialistes (surtout dans le cas des émetteurs, parce que dans le
cas des destinataires, ils peuvent appartenir à une catégorie de spécialistes en voie de formation).
Les intentions visent la communication des savoirs, en ce sens de transmission des acquis, et ces
savoirs sont partagés dans des situations de communicati on gouvernées par les traits définit oires
du domaine en discussion.
1.1.6. Langue de l’histoire comme langue spécialisée
Nous avons vu dans les pages précédentes quelques traits communs des discours
spécialisés, mais nous voulons préciser le fait que ces caractéristiques peuvent varier d’un
domaine à l’autre, parce que chaque domaine peut avoir des particularités propres qui le
distinguent des autres domaines. Par exemple, dans le cas du discours sportif le groupe cible est
plus large9, dans le cas du disc ours scientifique, le public est beaucou p plus restreint et plus avisé.
La terminologie scientifique est empreinte du plus haut degré de spécialité et de ce fait,
même si nous connaissons certains termes que nous avons rencontré au fil du temps soit dans n os
lectures, soit dans notre contact direct avec des spécialistes, le discours en entier reste difficile à
décoder, il impose des connaissances approfondies dans le domaine visé. Outre les traits communs
à tous les domaines spécialisés, est -ce que ce domai ne particulier des couleurs se caractérise par
d’autres traits qui lui soient propres ?
Puisque dans notre cas le corpus est tiré d’un ouvrage historique, écrit par un historien de
la symbolique occidentale, de l’héraldique et des couleurs dans les société s occidentales, il paraît
que nous avons affaire avec des textes écrits par un spécialiste, pour des spécialistes. Mais une
autre question que nous nous posons, à part les spécificités du discours historique et à son
appartenance aux domaines spécialisés, est liée au destinataire de ce discours. Est -il destiné aux
initiés dans ce domaine précis ou bien il pourrait être accessible au grand public ? Quel est son
statut parmi les discours spécialisés ?
Prenons un fragment de Michel Pastoureau (2016 : 72) :

9 Il existe cependant un degré de spécialisation élevé en fonction du sport sur lequel ce discours porte : par exemple, si
nous parlons du football, le message est aisément compris par un nombre plus élevé de spectateurs / lecteurs ; dans le
cas de l’escrime, puisqu’il est question d’un jeu que nous ne pouvons pas pratiquer chez nous, en autonome, sans les
conseils d’un spécialiste et hors toute forme organisée, le public n’est pas si nombreux et avisé que celui qui
s’intéresse au football.

62
« Philippe Ier ayant hérité du Vexin en 1077, ce furent désormais les rois de France qui eurent
l’honneur de porter l’oriflamme de Saint -Denis au combat. Il semble que ce soit Louis VI, fils de
Philippe Ier, qui l’ait effectivement fait pour la première fois en 1124 ; et Louis XI qui le fit une
dernière fois, lors de la bataille de Montlhéry, en juillet 1465. Simple gonfanon monochrome à
l’époque féodale, l’oriflamme semble s’être dotée de grandes queues flottant au vent pendant la
guerre de Cent Ans et avoir parfois reçu un décor de fleurs, de cercles, de flammes ou de
croisettes. »

Nous remarquons la quantité de références historiques contenues dans ce fragment et nous
nous posons la question si un non -spécialiste pourrait comprendre toute la complexité de
l’information, non seulement l’aspect lié à la couleur de l’oriflamme. Considé rés séparément, les
termes n’ont pas un degré d’opacité très élevé : nous connaissons des termes comme roi, guerre,
combat, bataille , sans plus parler de fleur, cercle ou flammes , que nous utilisons avant même de
commencer toute étude d’histoire à l’école. Mais pour la compréhension du tableau global, pour
faire les connexions nécessaires pour tout comprendre, il faut avoir un bagage de connaissances
historiques un peu plus sérieux.
Selon Dubois et al. (2012 : 440), la langue de spécialité est « un sous -système linguistique
tel qu’il rassemble les spécificités linguistiques d’un domaine particulier ». Par conséquent, nous
nous demandons quelles sont les spécificités de ce qu’on appelle la langue du domaine historique .
Notre intention actuelle est d’identifi er les caractéristiques du discours historique en tant
que discours spécialisé du point de vue de sa configuration, du lexique employé et de sa syntaxe.
L’objectif du discours historique est de transmettre des informations liées à l’histoire, et de
ce fait , le discours historique est borné à un domaine précis, le domaine de l’histoire.
À son tour, l’histoire est définie par le CNRTL comme
« a) Recherche, connaissance, reconstruction du passé de l’humanité sous son aspect général ou
sous des aspects particu liers, selon le lieu, l’époque, le point de vue choisi ; ensemble des faits,
déroulement de ce passé […] ; b) Science qui étudie, relate de façon rigoureuse le passé de
l’humanité; discipline scolaire, universitaire correspondante ; leur contenu »10.

En ce qui concerne le discours appartenant à cette discipline, Michel Petit (2010) considère
qu’il existe
« des discours manifestement spécialisés , par quoi nous entendons des discours dont au moins le
contenu référentiel (les sujets dont ils traitent) et certaines caractéristiques formelles
(terminologiques et phraséologiques notamment) sont immédiatement reconnus par la grande
majorité des membres du corps social comme étrangers à leur expérience commune. Cette évidence
devient pourtant moins… évidente lorsque l’on considère d’autres types de discours (historique,

10 CNRTL, http://www.cnrtl.fr/definition/histoire , dernière consultatio n le 30 mars 2017

63
sociologique, journalistique, politique, etc.) auxquels les critères du manifestement spécialisé ne
s’appliquent qu’imparfaitement ».
Par conséquent, le degré de spécialisation de la terminologie du discours historique n’est
pas aussi grand que celui de la terminologie technique, de la terminologie médicale ou de la
terminologie juridique, par exemple.
L’auteur précise en ce sens que
« [l]e discours sociologique ou historique, dont le contenu est sans doute moins difficilement
accessible et qui présente par ailleurs peu de spécificité terminologique , apparaît ainsi comme peu
spécialisé sel on ces critères, même s’il paraît pouvoir être considéré comme spécialisé dans la
mesure où il reste, pour sa production, aff aire de spécialistes ». (Petit, 2010) (nous soulignons)

Dans ces conditions, cela signifie que le discours historique n’est pas un discours
spécialisé ?
De la définition donnée à l’histoire par le CNRTL, nous remarquons l’envergure d’une
démarche historique : d’une part, elle constitue une science en soi, d’autre part, elle englobe
recherches et connaissances du passé de l’humanité entière, examinée sous des angles différents,
selon des méthodes rigoureuses, selon des critères bien établis et poursuivant un objectif préétabli.
Nous observons également dans les écritures historiques une quantité importante de mots issus de
la langue g énérale, comme : temps, forêt, opinion, saison, succès, avenir, naissance, image, gens,
hommes, femme, tête, vie, vêtement, nature, problème, pensée, famille, sang, amour, œil, feu,
richesse, corps, aliment, etc.
L’écriture historique, qui sert en premier lieu au rappel du passé par le biais de la langue,
puisque c’est l’instrument fondamental institué par l’homme pour communiquer, est le résultat de
l’activité de recherche des spécialistes du domaine de l’histoire . Elle est une science, en ce sens
que le CNRTL la définit en tant
qu’« [e]nsemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois
objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systématisation et méthod e »11.

Le trait « accessibilité » n’apparaît dans aucune de ces définitions comme critère
fondamental d’appartenance à la catégorie des discours spécialisés.
L’histoire, selon Jean -Louis Trouillon (2009 : 2), « n’existe, en effet, que parce qu’elle
nous parle de faits humains, sociaux, techniques, scientifiques, artistiques ou culturels… ». Selon
l’auteur, le discours de l’histoire a recours aux terminologies employées par chacun des domaines
décrits. Ce typ e de discours « paraît présenter une absence remarquable de terminologie propre au

11 Selon le CNRTL, http://www.cnrtl.fr/definition/science , dernière consultation le 29 mars 2017 .

64
domaine », mais il existe en revanche « un certain nombre d’autres caractères apparents qui
renvoient à des propriétés fondamentales de l’histoire (rapport au temps, aux sou rces ; absence
d’observation directe ; etc. » (Petit, 2010). Il est vrai que l’histoire ne possède pas de terminologie
propre, ou si elle en a, elle est assez restreinte12, mais selon nous, puisque le domaine historique
représente le champ de manifestation d’un croisement de toutes les terminologies, ce fait le rend
d’autant plus complexe et à la fois important.
Pour soutenir notre opinion liée au fait que le discours historique est un discours spécialisé
et, par conséquent, le discours de Pastoureau est à s on tour un discours spécialisé, nous avons
utilisé la version 8.4 du logiciel Tropes13 pour soutenir notre affirmation que le langage utilisé par
l’auteur dans les ouvrages que nous analysons appartient aux langages spécialisés et, par
conséquent, il existe une terminologie spécifique au domaine historique dans les quatre ouvrages
de Michel Pastoureau qui constituent notre corpus , mais également les occurrences de ces termes
dans les ouvrages sur lesquels porte notre recherche14.
En revanche, p our le traiteme nt automatique du corpus, nous avons utilisé un autre logiciel,
le TXM , que nous avons considéré plus approprié pour notre démonstration. Ainsi , pour démontrer
l’appartenance du discours historique aux discours spécialisés, nous avons eu recours au logicie l
Tropes , la raison pour ce choix pouvant être justifiée par le fait que ce dernier contient une
fonction appelée Scénario . Cette fonction s’est avérée très utile dans notre recherche pour
classifier les termes relevant du domaine qui nous préoccupe. Conformément au Manuel de
référence de Tropes (p. 35), « [u]n Scénario est constitué d’un certain nombre de groupes
sémantiques, c’est -à-dire de regroupemen ts de mots et/ou de classes d’équivalents, qui peuvent
être hiérarchisés sur neuf niveaux de profondeur »15.
Nous avons obtenu de la sorte le résultat suivant:
– histoire et préhistoire 1793

– antiquité 0148
o 1er siècle 0017
o avant J. -C. 0004
o civilisation celtique 0017

12 Nous pr écisions quelques termes qui constituent la terminologie historique, termes extraits de l’ œuvre de Michel
Pastoureau : histoire, historien, médiéviste, époque, Première Guerre Mondiale, Ancien Régime, Moyen Âge,
monarchie, etc.
13 Disponible à l’adresse www.tropes.fr .
14 Voir Annexe 5 – Le discours scientifique – domaine histoire. Captur e d’écran logiciel Tropes. P. 427 -428.
15 Tropes© Version 8.4, Manuel de référence , Logiciel développé par Pierre Molette et Agnès Landré sur la base des
travaux de Rodolphe Ghiglione, Manuel de Tropes – www.tropes.fr .

65
 celte 0016
o Égypte antique 0003
o gaulois 0003
o histoire de la Grèce 0006
 époque hellénistique 0004
o histoire romaine 0023
 gréco -romain 0007
 Rome antique 0009
o IIIe siècle 0004
o IVe siècle 0003
o Phénicie 0005

– époque contemporaine 0146
o XIXe siècle 0098
o XXe siècle 0047
 Première Guerre Mondiale 0012
 Seconde Guerre Mondiale 0008

– époque moderne 0352
o Ancien Régime 0013
o Renaissance 0009
o XVe siècle 0058
o XVIe siècle 0050
o XVIIe siècle 0087
o XVIIIe siècle 0088
 directoire 0003
 Révolution Française 0007
 Siècle des Lumières 0011

– histoire 0377
o histoire 0200
o historien 0151
o historique 0025

– moyen âge 0732
o carolingien 0019
o croisades 0020
o féodalité 0031
o IXème siècle 0004
o médiéval 0129
o mérovingien 0003
o Moyen Âge 0239
o Royaume de France 0004
o Ve siècle 0006
o VIe siècle 0006
o VIIe siècle 0005
o IXe siècle 0019
o XIIe siècle 0074
o XIIIe siècle 0096
o XIVe siècle 0047

66
– préhistoire 0038
o ère géologique 0031

Pour ce qui est du degré de spécificité des termes qui composent ce domaine, il est
certainement variable : certains termes, étant employés également dans d’autres domaines,
peuvent être plus facilement déchiffrables que d’autres. Par exemple, des termes c omme siècle,
époque ou médiéval ne requièrent pas nécessairement des connaissances approfondies en matière
d’histoire, tandis que le Saint Empire Romain Germanique , la monarchie de juillet, le Premier
Empire ou l’Ancien Régime impose une certaine initiatio n en la matière.
Eu égard à tous ces aspects, nous considérons que le discours historique mérite
entièrement ce statut de discours spécialisé, d’autant plus qu’il englobe tous les domaines de
l’activité humaine, l’histoire de l’humanité ne pouvant pas se r éduire à un seul domaine. Par
exemple, la terminologie du discours juridique porte sur le domaine juridique, celle du discours
médical sur le domaine médical, celle du discours technique sur le domaine technique, ainsi de
suite. Quant à l’histoire, elle tr aite de tous ces domaines, elle ne peut laisser de côté aucun des
aspects de l’évolution de l’humanité, nous pourrions dire que son domaine est illimité. Pastoureau
lui-même s ynthétise le mieux cette idée : son ouvrage
« souhaite s’appuyer sur des documen ts de toutes natures afin d’envisager l’histoire des couleurs
sous tous ses aspects, et montrer comment elle ne se réduit pas au seul domaine artistique.
L’histoire de la peinture est une chose, l’histoire des couleurs en est une autre, bien plus vaste. »
(Pastoureau, 2000 : 9)
L’auteur met en relief le fait que la couleur n’est pas présente uniquement dans la peinture,
qui est en réalité le premier exemple qui nous vient à l’esprit si nous pensons à la manière
d’introduire la couleur dans nos vies. Nous ou blions les autres aspects, plus techniques, qui sont
aussi importants (sinon plus importants de ce point de vue) que la manifestation artistique. Sa ns
l’industrie des colorants, sa ns les pigments et toutes les matières colorantes artificielles pourrions-
nous peindre ? Si l’historien parle de couleur, il doit tenir compte de tous les aspects qui ont
conduit à ce que nous voyons, mais aussi à ce que nous ne voyons plus et que nous ne pourrions
pas apprendre nous -mêmes, sauf un tel travail laborieux. Dans l’op inion de Pastoureau (2000 : 10),
l’historien doit
« essayer de cerner ce qu’a pu être l’univers des couleurs pour les différentes sociétés qui nous ont
précédés, en prenant en compte toutes les composantes de cet univers : le lexique et les faits de
nomi nation, la chimie des pigments et les techniques de teinture, les systèmes vestimentaires et les
codes qui les sous -tendent, la place de la couleur dans la vie quotidienne et dans la culture
matérielle, les règlements émanant des autorités, les moralisatio ns des hommes d’Eglise, les
spéculations des hommes de science, les créations des hommes de l’art. Les terrains d’enquête et

67
de réflexion ne manquent pas et posent des questions multiformes. D’autre part, dans la diachronie,
en se limitant à une culture do nnée, l’historien doit étudier les pratiques, les codes et les systèmes
ainsi que les mutations, les disparitions, les innovations ou les fusions qui affectent tous les aspects
de la couleur historiquement observables. Ce qui, contrairement à ce que l’on p ourrait croire, est
peut-être une tâche encore plus difficile que la première. »

Au niveau sémantique , pour caractériser les termes appartenant au discours historique,
nous utiliserons les termes de Gaudin (1993) :
 univocité,
 monoréférentialité et
 appartenance à un domaine.
Par exemple, si nous prenons le terme monarchie, nous ne pouvons pas penser à autre
chose qu’à la monarchie, nous n’avons pas de doute sur sa signification, par conséquent nous ne
pensons pas à un possible sens attribué par la c ollectivité à un moment donné. Le concept désigné
reste clair et unique. Les termes sont caractérisés par la monosémie parce que l’auteur prend soin à
utiliser des termes monosémiques dans le but de communiquer clairement ses connaissances,
n’ayant aucune intention à se faire comprendre uniquement par les plus avisés de ses lecteurs ou
d’élaborer des énoncés ambigus.
Du point de vue morpho -syntaxique , comme tout autre discours spécialisé, le discours
historique suit les règles de la langue générale qui doiv ent être appliquées de la même façon dans
tous les types de discours, y compris dans les discours spécialisés.

1.2. Lexicologie. Perspectives théoriques
Pour constituer le champ lexico -sémantique des couleurs et en vue de réaliser une analyse
correcte du corpus proposé, nous nous sommes proposé d’établir le cadrage théorique des notions
dont nous nous servirons dans notre recherche.
Dans la littérature de spécialité, il existe de nombreux termes que nous pouvons utiliser
pour nommer les structures lexicales, comme par exemple : champ sémantique, champ lexical,
classe lexicale, champ dérivationnel, champ associatif, paradigme lexico -sémantique, champ
lexico -sémantique, groupe lexico -sémantique, classe paradigmatique et bien d’autres. Nous
présenterons brièvement les plus importants concepts que nous utiliserons pour conduire notre
recherche.

68
À côté de la phonétique et de la grammaire, la lexicologie est l’un e des disciplines dont
traite la linguistique, la science qui étudie la langue. Les chercheurs ont élaboré une hypothèse
fondamentale qui distingue la langue de la parole , la langue représentant un produit de la
collectivité, créé pour soutenir la communic ation, tandis que la parole est un acte individuel qui se
manifeste dans une collectivité et la langue représente un instrument.
Les deux théories fondamentales liées à la linguistique sont la théorie saussurienne,
conformément à laquelle la langue doit co nstituer l’unique objet d’étude de la linguistique, et la
théorie coș érienne, selon laquelle l’objet d’étude de la linguistique repose sur la parole.
Le lexique d’une langue est composé de tous les mots disponibles dans la langue en
question. De ce lexique , la partie ou l’ensemble des mots qu’un locuteur de cette langue utilise
porte le nom de vocabulaire, partie définie par Alain Rey (1992 :23) comme « ensembles d’unités
observables dans la réalisation du langage ». Par conséquent, le lexique se rattache à la langue,
tandis que le vocabulaire se rattache au discours.
L’étude du lexique impose l’utilisation de la notion de « signe linguistique », par laquelle
Ferdinand de Saussure, au début du XXe siècle, désigne l’association d’un signifiant (Sa), image
acoustique ou visuelle, et d’un signifié (Sé) – contenu sémantique, concept.
« Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un co ncept et une image acoustique. […]
[Le signe] est donc une entité psychique à deux faces. […] . Ces deux éléments sont intimement uni s
et s’appellent l'un l'autre. […] Nous appelons signe la combinaison du concept et de l'image
acoustique. […] . Nous proposons de conserver le mot signe pour désigner le to tal, et de remplacer
concept et image acoustique, respectivement par signifié et signifiant; ces derniers termes ont
l’avantage de marquer l’opposition qui les sépare soit entre eux, soit du total dont ils font partie »
(Saussure, 1972 : 98 et svt).

La re lation d’interdépendance des deux faces de l’entité, du signe linguistique plus
précisément, pourrait être comprise de la manière suivante : l’aspect matériel du signe linguistique
constitue le signifiant qui évoque son contenu sémantique ; à son tour, le contenu sémantique que
le signifiant en cause évoque porte le nom de signifié . Les deux aspects ne peuvent pas fonctionner,
voire exister l’un sans l’autre, l’association entre le contenu et la forme étant indissoluble.
Dans l’ouvrage Lexicologie et sémantique lexicale , Alain Polguère (2003 : 33) attire
l’attention sur le fait que le signe « est une entité entièrement physique, qui réside dans le
cerveau » et que même si l’on prononce d’une manière différente une expre ssion, le cerveau la
reconnaît.

69
1.2.1. Champ lexical
Deux notions qui doivent être très clairement délimitées sont celles de champ lexical et
champ sémantique . Selon Catherine Fuchs « en lexicologie, le terme champ est utilisé pour
désigner la structure d'un domaine linguistique donné »16. Puisq u’il y a le risque de confondre ces
deux notions, l’auteur continue en précisant qu’ « on réserve généralement le terme champ
sémantique pour caractériser le fonctionnement propre à une unité lexicale, et celui de champ
lexical pour décrire des relations entre plusieurs unités lexicales. ».
Le champ lexical est défini par Eugen Coșeriu (1975 : 31) comme la
« structure paradigmatique par excellence […] , paradigme constitué par des unités lexicales de
contenu (« lexèmes ») se partageant une zone de signifi cation continue commune et se trouvant en
opposition imméd iate les unes avec les autres. […] ».
Coșeriu (1975 : 31) précise également le fait qu’il est possible d’inclure un champ lexical
dans un autre champ considéré « supérieur ». Par conséquent, selon l’auteur, les champs se
divisent en micro -champs et macro -champs et la situation à l’intérieur de ces deux catégories est la
suivante :
« Dans un micro -champ, les oppositions s’établissent entre des unités lexicales tout
court (« lexèmes »). Dans un macro -champ, un macro -champ tout entier peut s’opposer, en tant
qu’archilexème, à un lexème ou bien à d’autres archilexèmes. » (Coșeriu, 1975 : 31)

Il donne un exemple pour illustrer le choix que l’on fait « à un point donné de la chaîne
parlée » entre l es unités lexicales. Selon Coșeriu (1968 : 8), dans la phrase
« j’ai été à Mayence pendant deux…, le choix à opérer est limité au paradigme : seconde, minute,
heure, jour, semaine, mois, an, etc. […] En présentant les choses d’une autre façon, on peut dir e
aussi qu’un champ lexical est constitué par le terme présent à un point de la chaîne parlée et les
termes que sa présence exclut. Par exemple, la présence de rouge dans l’expression ceci est rouge
exclut blanc, vert, jaune etc. (termes appartenant au mêm e champ), mais non pas des termes tels
que grand, petit, long, court, etc.».
Le champ lexical est constitué d’un ensemble de mots désignant une certaine réalité. Dans
un texte, la réalité sur laquelle portent les mots composant ce champ représente le thème du texte
en cause.
À leur tour, les champs lexicaux peuvent être divisés en sous -champs qui ne doivent pas
appartenir au même thème, par conséquent on peut diviser également le thème en sous -thèmes.

16 Dans son article « Champ Sémantique et Champ L exical », publié sur Encyclopædia Universalis [en ligne],
consulté le 1 août 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/champ -semantique -et-champ -lexical/

70
Les mots qui composent un champ lexical ne doivent pas nécessairement appartenir à la
même catégorie grammaticale, mais ce qui les unit est l’élément de signification commun – le
sème.
Le sème a été défini par Pottier (1980 : 169) comme étant
« le trait distinctif sémantique d’un sémème, relativement à un petit ensemble de termes réellement
disponibles et vraisemblablement utilisables chez le locuteur dans une circonstance donnée de
communication ».
Étant donné le nombre élevé de champs, qui sont en même temps très variés, Coșeriu
(1975 : 33) essaie, dans Vers une typologie des champs lexicaux , de trouver des principes et des
critères pour en établir une typologie. Il reprend la classification de Leo Weisgerber (1927) , qui
distingue entre les champs « à une seule couche » et les champs « à plusieurs couches ». Les
premiers sont divisés, par le même auteur, en champs à « organisation linéaire », « organisation
plane », et « organisation stéréométrique ».
Eugen Coșeriu propose une typologie des champs fondée sur « un classement des
oppositions lexématiq ues » (1975 : 33), et il identifie les types d’opposition suivantes :
« graduelles », « équipollentes » et « privatives ». La conclusion de Coșeriu est que les types
formels d’oppositions représentent un critère important, mais insuffisants dans la tentati ve de
réaliser une typologie des champs, parce qu’ils peuvent fonctionner dans un seul champ, et, par
conséquent, ils ne caractérisent pas des macro -champs. Par conséquent, Coșeriu ajoute d’autres
critères en vue d’une typo logie correcte : « le nombre de « dimensions » manifesté par les
oppositions d’un champ », ensuite « la façon dont les « dimensions » (s’il y en a plus d’une) se
combinent entre elles à l’intérieur d’un champ », et puis « le type « ontique » des oppositions
lexématiques » et finalement « le type du rapport entre le contenu et l’expression des lexèmes (et
de leurs oppositions) ».
Une autre notion qui doit être délimitée du champ lexical est celle de classe lexicale , qui
est définie par Coșeriu (1968 : 11) comme
« une classe de lexèmes dét erminés par un classème, celui -ci étant un trait distinctif fonctionnant
dans toute une catégorie verbale (ou, du moins, dans toute une classe déjà déterminée par un autre
classème) d’une façon en principe indépendante des champs lexicaux. Les classes se r évèlent dans
les combinaisons grammaticales ou lexicales des lexèmes : appartiennent à la même classe les
lexèmes qui permettent les mêmes combinaisons lexicales ou grammaticales, ou lexicales e t
grammaticales en même temps. […] ».

Coșeriu distingue les substantifs, les adjectifs et les verbes en fonction des critères comme
[+animé]/[ -animé] ; [+positif]/[ -positif] ; [+adlatifs]/[+ablatifs] :

71
Pour les substantifs, on peut, par exemple, établir des classes telles que « être vivant », « choses »
et, à l’int érieur de la classe « être vivants », par exemple, des classes telles que « êtres humains », «
êtres non -humains » etc. Pour les adjectifs, on a des classes telles que « positif », « négatif », qui
justifient des combinaisons copulatives du type « bello e bueno » (« grande e grosso », « piccolo e
brutto », etc. : adjectifs appartenant chaque fois à la même classe), ou bien des combinaisons
adversatives du type « povero ma onesto » (adjectifs appartenant à des classes différentes). Pour les
verbes, par exemp le, […] sur la base d’un classème de direction par rapport à l’agent de l’action,
on peut établir la classe des verbes « adlatifs » (acheter, recevoir, prendre, saisir etc.) et celle des
verbes « ablatifs » (vendre, donner, laisser, lâcher etc.). » (1968 : 11)

Selon Alain Rey (1992 : 22),
« l’étude des champs lexicaux rélève, à l’intérieur d’un lexique global, des structures de nature
variée : structures morphosémantiques (systèmes préfixaux, suffixaux…), structures
socioculturelles ou historiques repérables par la sémantique des unités lexicales, structures
diachroniques et étymologiques. »
L’auteur retient ainsi dans le cadre de l’analyse du champ lexical plusieurs aspects qui
dépassent, à notre avis, le cadre du lexique, mais en fait les mots se manifestent dans des contextes
qui leur donnent du sens, se développent au fil du temps et s’enrichissent par divers procédés et
nous devons ainsi prendre en considération tous ces a spects dans l’étude du lexique.
1.2.2. Réseau lexical
Une autre notion que Jacque line P icoche m et en discussion est la notion de réseau lexical
qui, selon l’auteure, est « métaphorique », tout comme la notion de c hamp. Selon Picoche (1992 :
68)
« Un réseau est une structure de fils reliés ensemble par des nœuds, jeté sur un espace occupé par
divers objets et destiné à attraper tout ce qui ne s’échappera pas entre les mailles ; de façon figurée,
un ensemble d’oppositions pertinentes permettant au langage d’appréhe nder le réel
extralinguistique ».
Cela veut dire que nous sommes en prés ence d’un mécanisme dont les parties fonctionnent
en interdépendance, tout est relié par des éléments plus ou moins saillants qui aident le système
lexical à se matérialiser.
1.2.3. Champ sémantique
La notion avec laquelle le champ lexical est généralement mis en relation est le champ
sémantique.
Deux autres termes, sens et signification, font l’objet de certains emplois différents, avec
des définitions qui les séparent, ce qui aboutit à créer des confusions. Neveu (2004 : 265)
considère que les deux notions, que Nicolas Beauzée distinguait comme représentant le sens
propre ou primitif (la signification) et les acceptions dérivées ou le sens figuré (le sens), peuvent
être tenues pour des synonymes .

72
Le champ sémantique , notion que Jost Trier (1930) a définie pour la première fois,
représente, dans la littérature de spécialité, un système fer mé qui met en relation un champ lexical
(ensemble d’éléments du lexique) et un champ conceptuel ou notionnel.
Pour Gardes -Tamine, le champ « notionnel » remplace le champ « conceptuel » et pour
Mounin (1995 : 65) , le champ lexical est associé aux signifia nts et le champ conceptuel à leur
dénotation, et ces deux champs constituent les « deux faces du champ sémantique ».
Selon Mounin, dans la mesure où le champ conceptuel peut être nommé par un mot (plutôt
que par une paraphrase), le champ sémantique est l’association d’un ensemble de termes
spécifiques et d’un terme générique . La condition que ces mots doivent remplir est d’appartenir
même classe syntaxique ou grammaticale.
Plusieurs spécialistes, parmi lesquels Picoc he (1977) et Rémi -Giraud (1988) , ont utilisé la
notion de champ générique pour remplacer celle de champ sémantique , mais cela n’a pas été aussi
l’option des autres chercheurs.
Pour Fuchs17, la notion de « champ » est définie comme une « structure d’ un domai ne
linguistique donné ». Ainsi, le champ sémantique désigne « l’ensemble des significations d’un
mot », tandis que le champ lexical représente « un ensemble d’unités lexicales entretenant entre
elles des relations sémantiques ». De ces définitions nous pouvons aisément conclure qu’une
démarcation nette entre le champ lexical et celui sémantique peut s’avérer inutile.
Selon Niklas -Salminen (1997 : 128 -129), le champ sémantique est défini comme
« l’association d’un ensemble de term es du lexique (champ lexical) à une notion particulière
(champ notionnel) ». L’auteur introduit également d’autres notions dans cette relation : il distingue
entre champ dérivationnel , famille de mots et champ associatif , et soutient que le champ
sémantiqu e s’oppose au champ dérivationnel (dont les éléments constitutifs sont reliés par un
morphème lexical commun – un lexème commun, auquel on ajoute des préfixes ou des suffixes) et
aux familles des mots (ayant pour point commun une seule racine, un même étym on) et au champ
associatif (dans lequel il y a des mots liés à une certaine notion et qui appartiennent à des classes
syntaxiques ou grammaticales différentes.
Dans leurs recherches sur les mots, Chiss, Filliolet et Maingueneau attirent l’attention sur
une autre distinction qu’un chercheur doit prendre en considération, puisqu’ils cherchent « à

17 Dans le même article article publié sur Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 1 août 2016. URL :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/champ -semantique -et-champ -lexical/

73
intégrer les mots dans un ensemble de relations à d’autres mots, sur les deux axes, paradigmatique
et syntagmatique » (2013 : 132). Le sens d’une unité lexicale peut être trouvé, dans leur opinion,
dans « l’étude de ces interrelations ».
Pour les auteurs (2013 : 132),
« [l]es champs linguistiques que la lexicologie cherche à structurer recouvrent des réalités très
diverses ; dans tous les cas il s’agit d’un ensemble de morphèmes formant un micro -système dans
lequel les éléments tirent leur valeur de leurs relations à tous les autres. Ce sont là des champs
sémantiques puisque leur découpage s’inscrit dans le cadre d’une étude du sens, mais il faut bien
distinguer entre champs sémantiques onomasiologiques et champs sémantiques sémasiologiques ,
selon que le découpage se fonde sur le référent ou sur des critères linguistiques. » (gras des auteurs)

Selon Chiss, Filliolet et Maingueneau, la différence entre les deux démarches,
onomasiologiques et sémasiologiques, est que la première s’occupe des « signes linguistiques qui
relèvent d’un même domai ne d’expérience » et la seconde « étudie les signes comme unités du
système linguistique ». Cette distinction étant faite, i l s’ensuit de choisir les types d’approche
appropriés :
 l’approche sémasiologique qui s’établit comme point de départ le mot et ensuite en
cherche les correspondants (du signifiant au signifié), en s’appuyant sur le contexte
d’usage. Selon Mounin (1968 : 151), la sémasiologie « tend à ne plus désigner que
l’étude des significations, ou signifiés, ou concepts, en partant des mots »
ou
 l’approche onomasiologique , qui part du concept pour chercher ensuite les termes
qui l’expriment (du signifié au signifiant ) ; elle « vise à décrire l’étude des
dénominations des signifiants à partir des concepts » (Mounin, 1968 : 151) ; elle
considère le mot décontextualisé, en ignorant complètement le discours dans lequel
les mots peuvent apparaître, mais en prenant en consi dération, par les sèmes
dégagés, tant la dénotation du mot que ses sens connotatifs.
Pour constituer un champ sémantique, le premier pas est la d élimitation du champ
conceptuel et le second est de chercher les termes du champ lexical.
La démarche onomasiologique , que nous aborderons dans notre recherche , nous aidera à
constituer le champ générique des termes de couleur, mais nous ferons également usage de la
démarche sémasiologique pour analyser le co rpus ainsi constitué.

74
1.2.4. Le champ lexical sémanti que
Pour ce qui est de l’analyse du lexique, Éric Trudel (2009 : 2) fait une revue de plusieurs
recherches mennées à ce sujet . Par conséquent, l’auteur joint les deux aspects que les spécialistes
traitaient auparavant d’une manière séparée et le résultat – le champ lexical sémantique – sert à
« regrouper dans un champ tous les mots qui font partie de séries ouvertes (aspect lexical) tout en
étudiant le rapport entre signifiant et signifié (aspect sémantique). L’extension, d’abord
conceptuelle, consiste ai nsi à introduire comme des champs lexicaux sémantiques tous les
ensembles que Niklas -Salminen refuse de typer comme proprement sémantiques : les champs
dérivationnels, les familles de mots et les champs associatifs. D’autre part, l’extension, ici
terminolo gique, établit deux grandes catégories de champs lexicaux sémantiques, les uns
sémasiologiques, les autres onomasiologiques. Picoche reste foncièrement « traditionnelle » en
spécifiant les champs sémasiologiques de type « un seul signifiant, un seul signif ié » et de type «
un seul signifiant, plusieurs signifiés », pour y examiner les rapports de monosémie, de polysémie
et d’homonymie. Par exemple, pour expliquer la polysémie d’acceptions, le signifié de puissance ,
redevable au linguiste Guillaume, est conv oqué : il serait le sens – le « concept » – principal d’un
mot autour duquel s’organiseraient tous les autres sens que cette unité lexicale contracte en
discours, ces significations secondaires étant appelées effets de sens ; ce sens archétypique
garantira it la cohérence des acceptions. »

Cette approche nous semble très importante pour notre démarche, parce qu’elle englobe
dans une même catégorie, qui reste ouverte, tout un univers sémantique, étant très utile dans la
constitution de notr e corpus.
1.2.5. Dénotation/connotation
Un autre couple de termes importants pour notre démarche est le couple dénotation /
connotation , termes qui apparaissent dans toutes les analyses lexicales et sémantiques.
Selon Neveu (2004 : 92), la dénotation représente la
« [p]ropriété que manifeste un concept de s’appliquer aux objets qui forment son extension […]
employée généralement pour désigner la relation entre un signe linguistique et une classe d’objets
du monde. »
Les linguistes emploient également le terme de « sens ou signifié dénotatif », opposé à
celui de « sens ou signe connotatif ».
La dénotation représente le sens stable, empreint d’objectivité, dont le mot est porteur,
compréhensible en dehors d’un contexte qui guide le locuteur. Elle est identique pour tout le
monde et facilement identifiable. Si nous parlons des dictionnaires, le sens dénotatif est le premier
marqué à l’entrée du mot que nous cherchons .
La connotation est définie par Neveu (2004 : 79) comme « [e]nsemble de significations
réputées second es […] d’un signe linguistique, qui se surajoutent à son sens conventionnel »,
c’est -à-dire au sens dénotatif du signe linguistique. Les significations qu’il appelle « secondes »

75
appartiennent aux différents registres de langue et peuvent appartenir à un s eul individu, à un
groupe ou à une communauté et sont empreintes de représentations culturelles. Relevant du
domaine de l’énonciation, les connotations sont illimitées et instables, ce qui les rend assez
difficiles à les inventorier. Il arrive que le même mot désigne des réalités différentes dans des
communautés différentes. Chaque communauté a sa propre expérience, ses perceptions et ses
émotions qu’il transmet par le biais des sens qu’il ajoute au sens premier d’un mot, parfois sans
que quelqu’un qui n’ap partient pas à cett e communauté puisse le deviner.

1.3. Terminologie. Perspectives théoriques
Le développement des sciences et techniques au XXe siècle a sans doute engendré un essor
considérable de la terminologie. Les pratiques terminologiques, dans le sens structuration des
concepts, informations techniques et dénominations et contenus scientifiques n’est pas nouvelle,
ce qui est de date récente, c’est seulement les recherches qui placent au milieu de leurs
préoccupations visant les pratiques terminologique s, ce qui a conduit au classement de la
terminologie parmi les disciplines scientifiques.
Dans cette partie de notre thèse, nous nous occuperons des notions terminologie,
socioterminologie, lexicologie et traduction, notions que nous considérons essentielles pour notre
démarche parce que nous devons délimiter avec précision le cadre de l’analyse du corpus choisi.
Étant donné le fait que le corpus que nous avons proposé pour notre recherche est écrit par un
historien, dont l’œuvre s’inscrit dans le domaine des recherches historiques sur les couleurs, cela
veut dire que nous devons analyser un corpus constitué de textes spécialisés. Alors, notre intention
est d’encadrer notre démarche dans l’une de ces deux disciplines d e la linguistique appliquée, la
terminologie ou la lexicologie .
En ce qui concerne la notion de socioterminologie, nous la mettons en discussion
justement parce que son objet d’étude est formé des termes spécialisés dans des interactions
langagières et soc iales concrètes, bref les discours spécialisés.
La troisième notion, la traduction , présente également un intérêt particulier, parce que
nous réaliserons une analyse comparative des termes désignant la couleur, termes qui composent
le champ lexico -sémantiq ue des deux couleurs (bleu et noir) qui sont au centre des œuvres qui
constituent le corpus, et il s’agit dans ce cas d’une traduction spécialisé, étant donné
l’appartenance de ces termes désignant la couleur t raduits du français en roumain.

76
1.3.1. Histoire de la terminologie
La terminologie a connu, depuis son apparition et au long de son développement, deux
acceptions : la première est liée aux termes spécialisés et désigne surtout une fonction de
vocabulaire et la seconde fait référence à la science qui porte c e nom, une science qui se donne
pour objet d’étude un vocabulaire spécifique, sa structure, sa formation, son développement et
l'usage de cette terminologie, y compris la théorie pour réaliser ce type d’étude.
Pour transmettre les contenus scientifiques et les informations purement techniques, les
spécialistes devaient se mettre d’accord sur un système commun de termes. Par conséquent, nous
pourrions dire que les préoccupations visant la dénomination des objets ou des phénomènes
remontent très loin dans le passé. L’homme a toujours eu besoin de mots qui désignent avec
précision le monde qui l’entoure et dont il se serve pour transmettre le résultat de ses
préoccupations plus spécifiques, pour comparer avec la réalité d’autrui et pour en établir des
ressembla nces et des différences. Les recherches en la matière nous montrent que dès 1906 a été
fondée la Commission Electrotechnique Internationale (CEI) dont l’objectif initial était de se
constituer un vocabulaire et qui regroupe à présent plus de 150 pays. Le résultat du travail
corroboré des spécialistes du monde entier sont les normes qui représentent un consensus à
l’échelle mondiale pour le savoir -faire et les compétences de pointe.
1.3.2. La démarche wüstérienne
Un moment important dans l’histoire de la terminologie est représenté par les travaux du
l’ingénieur autrichien Eugen Wüster (1898 -1977), le fondateur de l’école de Vienne, le premier
qui s’est préoccupé de cette nécessité de trouver un outil de travail (une théorie de la terminologie)
qui concili e les spé cialises quant à ce problème .
Selon Lerat (1989 : 51),
« la terminologie en tant que science du langage n’a guère qu’un demi -siècle d’existence, et son
seul théoricien à proprement parler est son fondateur, Eugen Wüster ».
Il est généralement reconnu comme le père de la théorie générale de la terminologie, le
fondateur de la terminologie moderne, mais son œuvre a reçu également beaucoup de critiques, ce
qui a conduit à réduire ses préoccupations en la matière surtout à la no rmalisation terminologique.
Cette conclusion est due au fait que le résultat de ce groupe est classé sous la forme de normes
ISO, dont le rôle est d’assurer l’équivalence des termes au niveau des sciences en général. Ils ont
minimisé excessivement le rôle de la linguistique, en accordant en revanche une place primordiale

77
à la science et à la nécessité d’imposer une terminologie stricte. Cependant, cela n’empêche pas
les chercheurs à lui attribuer le mérite d’avoir stimulé l’intérêt des linguistes pour la te rminologie.
En 1971 a été créé le Centre international d’information pour la technologie Infoterm18, qui
s’est occupé de l’héritage documentaire d’Eugen Wüster et qui est devenu, après 1996, une
association scientifique internationale indépendante dont l’ob jectif était de transformer la
terminologie en une science int erdisciplinaire.
1.3.3. État actuel de la terminologie
La terminologie continue à présenter un intérêt majeur pour les recherches actuelles,
surtout grâce au développement continu des technologies, au renouvellement accéléré des savoirs
et des résultats des travaux des spécialistes dans divers domaines. L’essor de la communication
spécialisée a conduit à une coopération internationale de plus en plus étroite dans tous les
domaines, tant au niveau des re cherches proprement -dites, qu’au niveau du marché international
des produits. Par conséquent, après l’étape wüstérien ne, la terminologie a continué de se trouver
au centre des préoccupations des chercheurs.
1.3.3.1. Les adeptes de la théorie de Wüster
Il y a beaucoup de chercheurs qui ont partagé la théorie wüstérienne, tout comme il y a des
chercheurs qui ont vivement critiqué sa démarche.
Parmi ceux qui ont continué le travail de Wüster, nous rappelons Helmut Felber (1987,
Manuel de terminologie , Paris) et A lain Rey (1992), ce dernier mettant en évidence le mérite de
Wüster dans l’élaboration de la théorie du concept.
Dans la même ligne s’inscrit l’opinion du chercheur Pierre Lerat, qui considère que la
démarche wüsterienne est linguistique et reconnaît le mé rite incontestable de Wüster dans le
développement de la discipline, sa théorie étant considérée par l’auteur
« vieillie dans ses formulations mais non en ce qui concerne l’essentiel : l’idée que la terminologie
est d’abord affaire de concepts, contrairement à la lexicologie et à la lexicographie. » (Lerat 1988 :
12).

Dans son ouvrage Que nous reste -t-il d’Eugen Wüster ?19, Marc Van Campenhoudt (2006 :
2) reprend, en citant Rita Temmerman (2000 : 5), cinq principes promus par l’École de Vienne :
 La terminologie étudie les concepts avant les termes (approche onomasiologique) ;

18 Infoterm, http://www.infoterm.info/fr/a_propos_de_nous/histoire_d_infoterm.php, dernière consultation le 5 février
2017.
19 Intervention dans le cadre du colloque international Eugen Wüster et la terminologie de l’École de Vienne ,
Université de Paris7, 3 et 4 février 2006

78
 Les concepts ont des contours précis et une place attribuée dans un système conceptuel ;
 Les concepts doivent être définis de manière traditionnelle ;
 Le concept et le terme sont en relation biunivoque ;
 Les termes et les concepts s’étudient en synchronie.
De ces principes, nous observons que les terminologues placent au centre de leurs
préoccupations les concepts et les termes. Dans la même ligne s’inscrit la préoccupation de s
membres de cette école par rapport à la distinction entre le mot (dont le sens est lié, selon eux, à
son contexte linguistique) et le terme (qui est étroitement lié à son environnement pragmatique).
1.3.3.2. Les critiques de la théorie de Wüster
Parmi les cherch eurs qui n’ont pas partagé les idées de Wüster, nous citons Philippe
Thoiron et Henri Béjoint (2010 : 105 -118), qui reprochent à la terminologie wüstérienne
« de s’être construite sur des idéaux autant que sur la description de phénomènes réels: idéaux de la
monosémie stable, de l’univocité, de la démarche onomasiologique, de la précision des définitions,
du terme comme étiquette apposée de manière immuable et quasi immanente sur la chose qu’il
désigne, de la standardisation ou normalisation, bref d’une lan gue fabriquée de toutes pièces et
contrôlée par la communauté linguistique pour façonner le monde ».
La plus importante opposition à la théorie de Wüster, selon laquelle le concept précède le
terme, dans la terminologie il n’y a pas de synonymie ou de pol ysémie, etc., vient des
socioterminologues de Rouen, et cette opposition s’appelle la socioterminologie . Selon cette
dernière, les termes relèvent à la fois de la langue que de la parole.
En fait, après une période de rejet des idées de Wüster, les chercheurs ont commencé à
reconnaître qu’il est impossible de ne pas se rapporter à sa doctrine terminologique et de n’en pas
faire usage dans les recherches sur la terminologie.
1.3.3.3. Les orientations actuelles de la terminologie
Deux chercheurs qui se sont imposés dans les travaux sur la terminologie sont Maria
Teresa Cabré (auteure de l’ouvrage Terminologie : théorie, méthode et applications , 1998), qui
ajoute à la théorie de Wüster une a nalyse du terme comme des unités de langage, des unités de
cognition et des unités de communication et Marie -Claude L’Homme (2004), auteure de La
terminologie. Principes et techniques , dans laquelle elle souligne l’impact de l’utilisation des
outils inform atiques dans la constitution et dans l’analyse des corpus spécialisés, dans la
constitution des bases de données.
Les orientations actuelles de la terminologie tiennent compte plutôt du côté pratique de la
discipline, en accordant une place importante aux aspects sociolinguistiques comme le contexte et

79
les besoins ou l’attitude des utilisateurs. C’est une approche fonctionnelle et pragmatique de la
terminologie, différente de celle traditionnelle qui était seulement prescriptive.
La terminologie ne doit pas être confondue avec la terminographie , qui est étroitement liée
à la première, dont elle peut être considérée une branche, une partie pratique. Une distinction entre
les deux termes ayant été faite par Alain Rey dans les années 70 : l’une s’occupe de la partie
théorique de cette science, et l’autre du côté pratique, de l’acquisition et la gestion des termes, de
leur description. Bien entendu, leurs domaines ne sont pas si nettement distinctes en réalité, elles
s’entremêlent, elles fonctionnent l’une selon l’autre, en se construisant un chemin parfois commun.
Cela veut dire que la gestion des termes est possible à l’aide des modèles théoriques fournis par la
terminologie, tandis que la terminologie a la possibilité d’élaborer les modèles à la suite de
l’ana lyse des données terminologiques. La terminologie a comme résultat le cadre conceptuel
nécessaire à l’étude des termes qui constitue son objet, et la terminographie a comme résultat des
dictionnaires spécialisés selon les domaines étudiés et des bases de d onnées ou banques de
terminologie qui englobent plusieurs domaines, les termes y introduits étant également attribués à
des domaines spécialisés. Rey opère la même distinction qu’il y a entre la lexicologie et la
lexicographie. Selon Marie -Claude L’Homme ( 2008 : 16), « on éprouve plus de difficulté à
scinder théorie et pratique » et l’une sans l’aut re ne pourrait pas fonctionner.
1.3.4. La terminologie en Roumanie
En Roumanie, les travaux les plus remarquables dans le domaine de la term inologie
appartiennent à Ang ela Bidu -Vrănceanu dont nous citons les plus significatives : Lexic comun,
lexic specializat (2000) , Lexicul specializat în mișcare . De la dicționare la texte (2007) și
Terminologie și terminologi i (2010) .
Selon l’auteur , les technologies représentent le lexique spécialisé (2010 : 11), ayant une
importance particulière du point de vue culturel, social, économique et qui requiert une approche
interdisciplinaire (2000 :71), vue la migration des termes du langage spécialisé vers le langage
courant dont il ne peut pas se délimiter rigoureusement.
En revanche, Angela Bidu -Vrănceanu (2007 : 19) rattache à la terminologie la notion de
discipline qui traite de la communication spécialisée, tout en réalisant une distinction entre une
terminologie interne qui s’adresse surtout aux spécialistes et une terminologie externe , dont le
public cible est plus large – les non spécialistes. La terminologie appelée externe représente, selon
Bidu -Vrănceanu (2007 : 23), en fait, la socioterminologie, avec tous les aspects qu’elle implique :

80
l’émetteur (spécialiste ou non), le destinataire (non spécialiste en général), le canal de
communication (l’auteur donne l’exemple des médias) et les conditions d’usage. Elle conclut que
la terminologie se croise avec la sémanti que, la lexicologie et avec la pragmatique.
Une autre linguiste roumaine qui a réfléchi à ce sujet est Georgeta Ciobanu (1998 : 11), qui
trouve à son tour plusieurs acceptions de la terminologie : domaine d’activité, théorie, groupement
de termes, publicat ion ; elle soutient qu’un travail terminologique est le résultat de toute une
équipe formée d’au moins trois spécialistes : un spécialiste dans le domaine visé, un terminologue
professionnel et un documentaliste (Ciobanu, 1998 : 13).
Il y a également beauc oup d’articles écrits par des chercheurs roumains au sujet des
terminologies par domaines de spécialisation, ce qui prouve une préoccupa tion constante dans le
domaine.
1.3.5. La socioterminologie
Suite à l’apparition de la sociolinguistique, terme qui est apparu au Québec, la
terminologie a enregistré à son tour un développement remarquable : elle abordera également « les
aspects sociolinguistiques de la communication scientifique et technique » (Dubois et al. : 436) .
Le terme socioterminologie est de date assez r écente (1981) et il est attribué à Jean -Claude
Boulanger qui l’a utilisé dans le compte -rendu d’un ouvrage de Jean -Claude Corbeil pour
souligner l’importance du développement d’une terminologie d’orientation sociolinguistique. La
socioterminologie s’oppose à la terminologie wüstérienne, en étudiant le terme « dans une optique
qui part du signe linguistique » et est intéressée surtout aux « situations d’interface ». Ces
situations sont créées dans des contextes, dans les échanges et dans l’interaction spécif ique.
Dans la même direction s’inscrit l’opinion de Françoise Dufour (2004 : 208 ), selon laquelle
« [l]a socioterminologie se caractérise par l’étude de la circulation sociale des termes et de leur
appropriation, ce qui implique l’analyse des pratiques la ngagières, du fonctionnement discursif et du
parcours historique des termes en lien avec l’histoire des idées ».
Cela veut dire que les termes présentent de l’intérêt également lorsqu’ils sortent du cadre
purement scientifique ou technique (spécialisé) et s’adressent à un public composé de non
spécialistes ; ils sont étudiés dans des situations de communication, sortant ainsi du cadre
terminographique. Elle souligne aussi, à la différence de la démarche wüstérienne synchronique, la
nécessité d’étudier les termes en discours d’une perspective diachronique.

81
La différence entre la terminologie et la socioterminologie réside dans le changement de
l’objet d’étude : la première s’occupe des termes, en tant qu’unités isolées, tandis que pour la
seconde l’intérêt e st orienté vers le discours spécialisé.
Au début, l’utilisation de ce terme répondant, selon Gaudin (2004 : 88), « à des besoins
sociaux », le défi des responsables de politique linguistique étant d’adoucir la terminologie,
appropriée aux besoins du public, en la rendant plus facile à comprendre et, par conséquent, à
manier. Un aspect intéressant dans cette nouvelle approche réside dans le fait que la
socioterminologie s’occupe de plusieurs contextes de réalisation des discours (comme par exemple
l’oral), pas seulement de l’écrit. Cette opération porte le nom d’« enquête socioterminologique »
(terme introduit par F rançois Gaudin en 2004), qui la surnomme « la fille de la sociolinguistique »)
et son rôle est de décrire les usages réels, dont le premier est considéré l’oral.
L’apparition de la socioterminologie a été influencé e par la sociolinguistique théorique et
la sociolinguistique de terrain, et son objet d’étude est « la circulation des termes en synchronie et
en diachronie, ce qui inclut l ’analyse et la modélisation des significations et des
conceptualisations » (Gaudin , 2005 : 82). Ce qui intéresse le socioterminologue, c’est la diversité
des usages sociaux, y compris « l’étude des conditions de circulation et d ’appropriation des termes,
envisagés comme des signes linguistiques, et non comme des étiquettes de concepts » (Gaudin ,
2005 : 82).
Par conséquent, pour une analyse pertinente des termes, nous devons avoir en vue en égale
mesure la théorie et les aspects pratiques, les termes et leurs contextes, par contexte comprenant
toutes les conditions de manifestations.
1.3.6. Terminologie versus sociot erminologie
Ce qui distingue la terminologie de la socioterminologie est le déplacement de l’intérêt du
terme considéré séparément vers le contexte dans lequel les termes se concrétisent, la seconde
traitant les termes en usage, dans les discours. Nous po uvons dire que la première s’occupe de
l’étude systématique des termes qui sont utilisés uniquement dans le but de transmettre des
informations scientifiques pourvues de clarté et de précision entre les spécialistes d’un certain
domaine d’activité. Ses ade ptes distinguent nettement les termes (qu’ils lient à la dimension
conceptuelle) des mots (caractérisés par la dimension lexicologique).

82
En revanche, la démarche socioterminologique, qui prend en considération le
fonctionnement discursif et social des term es, établit une liaison entre les deux notions, le terme et
le mot :
 chaque domaine spécialisé a sans aucun doute besoin d’une terminologie propre au
sujet de laquelle les spécialises se mettent d’accord pour pouvoir transmettre les
savoirs et pour pouvoi r coopérer en s’appuyant sur des termes communs ;
 les informations s’adressent dans la majorité des cas également à des non spécialistes,
ce qui conduit à l’entrée des termes spécialisés dans le langage courant. L’emploi
correct de tels termes par le publi c non spécialiste n’est possible que grâce aux
explications des termes à l’aide de la langue générale. Bidu -Vrănceanu (2007: 31) parle
de l’emploi adéquat du sens spéci alisé par le locuteur commun dû à l’extension de ces
termes dans la langue commune.
Dans son article « Le domaine aujourd’hui. Une notion à repenser », Valérie Delavigne
(2002 : 2-3) affirme que la terminologie « réinvestit les acquis théoriques et méthodologiques de
la sociolinguistique à l’analyse des pratiques langagières spécialisées ». Par conséquent, la
socioterminologie remet en question la notion de domaine, en considérant qu’elle n’est plus
adéquate à sa démarche. Dans la terminologie classique, fondée sur l’univocité, la
monoréférentialité et l’appartenance à un domaine (Gaudin , 1993 : 78) (un terme désigne un seul
concept et un concept est désigné par un seul terme, le terme appartenant strictement à un
domaine), tout en se délimitant clairement des mots de la langue courante, l’auteur suggérant
l’emploi d’une vision dynamique de s termes. Valérie Delavigne (2002 : 2-3) considère que ce
raisonnement n’est plus d’actualité, parce que
« [l]es notions ne préexistent pas aux termes dans des systèmes notionnels, les termes ne sont pas
des objets en soi qui fonctionnent hors de toute én onciation et les domaines ne sont pas des lieux
stables et clos qui harponnent les termes dans des sens fixes et immuables ».
Pour qu’une analyse terminologique soit complète et correcte, nous devons prendre en
considération le contexte, les circonstances sociolinguistiques dans lesquelles les termes sont
employés, parce que les termes « ne doivent plus être conçus comme des étiquettes de concepts,
mais resitués dans le cadre des échanges langagiers au sein desquels ils apparaissent et se
maintiennent » (Ga udin, 2005 : 85).
De plus, nous ne devons pas perdre de vue le fait que nous étudions des ouvrages
historiques, un discours spécialisé que Michel Pastoureau conçoit dans le but de retracer l’histoire

83
des quatre couleurs vues comme des faits de société. Ainsi, l’auteur refait le trajet de chacune des
quatre couleurs tant du point de vue de l’évolution dans des milieux spécialisés dans le domaine
chromatique, que dans la vie quotidienne des gens, y compris la perception sociale de la couleur et
le lexique chromatique en diachronie.

1.4. Terminologie versus lexicologie
Eu égard à la difficulté d’encadrer une unité lexicale soit dans la catégorie des mots, soit
dans celle des termes, u ne autre question soulevée par de nombreux théoriciens et qui se dégage
également du cadre th éorique que nous avons présenté est la suivante : quelle est la différence
entre la lexicologie et la terminologie ? Est -ce que ces deux notions dé signent -elles la même
science ?
1.4.1. La position de Maria Teresa Cabré
Maria Teresa Cabré présente comme connexes la lexicologie et la terminologie, puisque
les deux disciplines traitent les mots, chacune d’elles a deux volets, théorique et appliqué, et leur
objectif principal est d’élaborer des dictionnaires. Selon la même a uteure (1998 :74), on peut les
séparer en tenant compte des différences liées au domaine d’étude, à leur unité de base, aux
objectifs et à la méthode de travail de chacune.
Pour ce qui est du premier critère, la conclusion de Maria Teresa Cabré est que la
lexicologie est plus vaste et inclut la terminologie, ce qui transforme la terminologie en un
domaine de la lexicologie.

Figure 11 : Le rapport Lexicologie / Terminologie
Quant à leur unité de base, la lexicologie étudie le mot20, tandis que la terminologie traite
par excellence du terme21. En fait, dans les deux cas il s’agit d’unités lexicales, ce qui les

20 Le CNRTL définit le mot comme « Son ou groupe de sons articulés ou figurés graphiquement, constituant un e unité
porteuse de signification à laquelle est liée, dans une langue donnée, une représentation d ’un être, d ’un objet, d ’un
concept, etc. », http://www.cnrtl.fr/definition/mot , page consultée le 7 février 2017. Lexicologie
Terminologie

84
différencie est seulement le domaine de manifestation : le premier apparaît dans le lexique général
et le second dans le lexiq ue spécialisé d’un certain domaine.
Le troisième critère vise l’objectif principal des deux disciplines, qui est également
différent : la lexicologie vise la compétence lexicale des locuteurs, tandis que la terminologie n’est
pas préoccupée par cet aspect en ce qui concerne les spécialises -usagers de la terminologie. Ce qui
l’intéresse, c’est « l’identification des notions de façon univoque »22 (Cabré : 1998 : 78).
Le dernier critère, la méthode de travail des deux disciplines, sert également à les séparer :
la démarche de la lexicologie part de la théorie, représentant une étude scientifique du lexique,
tandis que la terminologie vise seulement la recherche des dénominations pour des concepts
existants.
Selon Maria Teresa Cabré (1998 : 61), la terminologie est une matière interdisciplinaire
qui sélectionne de tous les domaines qu’elle englobe « un certain nombre de concepts et
d’éléments » dont elle fait « un objet et un champ propres ». Elle distingue trois orientations
différentes :
 une orientation selon laquelle la terminologie e st « une discipline autonome », « au
service des disciplines scientifiques et techniques » ;
 une orientation centrée sur la philosophie, ce qui décrirait la terminologie comme
une science qui s’occupe de « l’organisation de la co nnaissance » ;
 une orientation centrée sur la linguistique, conformément à laquelle la terminologie
est une composante du lexique.
Par conséquent, la terminologie se sert des éléments et des concepts de plusieurs
disciplines, linguistiques et scientifiques, faisant ainsi partie des « sciences du langage, étant
donné que la langue constitue son élément de base, sa substance » (Cabré, 1998 : 71).
1.4.2. La lexicologie comme discipline
La lexicologie est une discipline linguistique qui croise d’autres di sciplines comme la
phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique. Elle a deux acceptions : conformément à

21 Dans le Dictionnaire de sciences du langage (2004 : 286), Franck Neveu définit le s terme s comme « des unités
lexicales (mots ou groupes de mots) qui relèvent d’un domaine de connaissances spécifique, et qui font l’objet d’une
définition conventionnelle dans un e communauté technique ou scientifique déterminée ».
22 La lexicologie se rapproche plutôt à la socioterminologie, qui se préoccupe de la diffusion et de l’apprentissage des
termes par les locuteurs non spécialistes et pas seulement de la création de répert oires de termes voués à un usage
strictement scientifique par les spécialistes.

85
la première, elle est une branche de la sémantique, s’occupant par conséquent du sens des unités
lexicales, tandis que selon la seconde elle étudie à la fois la forme des mots et leur syntaxe.
Neveu (2004 : 177) définit la lexicologie comme « l’étude des structures du lexique, c’est –
à-dire la description (à la fois grammaticale et sémantique) des relations qui s’établissent entre les
unités du lexique ». De la définition de Franck Neveu, nous comprenons que les structures du
lexique sont les mots, puisque les termes appartiennent à la terminologie.
Tournier & Tournier (2009 : 211) réalisent un schéma avec les domaines de la lexicologie,
dans le quel la terminologie ne figure pas. Nous y trouvons la morpholexicologie, la
lexicosémantique, la sociolexicologie, la lexicographie et d’autres, sauf la terminologie.
En partant de l’ambition de certains spécialistes, d’une part, de séparer la terminologi e de
la linguistique, en la considérant une discipline autonome, et, d’autre part, de l’acharnement
d’autres spécialistes du domaine de la considérer une branche de la linguistique, dans toutes les
démarches il y a des renvois à la notion de lexicologie. P ar conséquent, nous en présenterons
brièvement la définition, le champ d’étude et les principes de fonctionnement. Traditionnellement,
la lexicologie peut être définie comme l’étude du lexique.
Selon Alain Polguère (2002 : 31) , « [l]a lexicologie est une b ranche de la linguistique qui
étudie les propriétés des unités lexicale s de la langue, appelées lexies ». Dans les autres renvois à
la lexicologie, nous avons remarqué l’emploi du terme « mot », mais Polguère le rejette et choisit
un terme technique, en ju stifiant son choix par le désir d’éviter des confusions. Il utilise des
notions telles que « mot-forme », caractérisé par une « autonomie de fonctionnement » et « lexie »,
dans le sens d’unité lexicale.
Le terme « lexie », selon le Dictionnaire de Linguis tique et des Sciences du langage
(Dubois et al., 2012 : 282), est « l’unité fonctionnelle significative du discours » qui peut être
simple (ou mot), composée (« plusieurs mots en voie d’intégration ou intégrés ») ou complexe (ce
qui correspond à « une séqu ence figée »).
De la définition donnée dans le Dictionnaire de Linguistique et des Sciences du langage, il
résulte que la lexicologie est
« l’étude du lexique, du vocabulaire d’une langue, dans ses relations avec les autres
composants de la langue, phonologique et surtout syntaxique, et avec les facteurs sociaux, culturels
et psychologiques » (Dubois et al., 2012 : 281).
C’est la définition la plus complexe de la lexicologie, Mounin (1995 : 203) limitant le
domaine de cette science à l’étude du lexique ou du vocabulaire et à la « réflexion théorique sur

86
les problèmes posés par l’élaboration des dictionnaires ». Pour Neveu (2004 : 177), la le xicologie
décrit les « relations qui s’établissent entre les unités du lexique ».
Pour conclure, l’étude de la langue est l’objet de la linguistique, étude qui se fait du point
de vue de la compétence, de la performance et de l’acquisition d’une langue. L’étude de l’unité
lexicale de base, qui est le mot (ou le lexème, unité de la langue commune), des formes (dues à la
flexion) et des relations qu’il développe dans son usage co ncret revient à la lexicologie.
1.4.3. Mot versus terme
Les deux, le mot (le lexème) et le terme , sont des unités lexicales, le premier étant intégré
dans le lexique général d’une langue, tandis que le deuxième fait partie du lexique scientifique et
technique. Mais, si le mot est l’unité lexicale, le terme est -il une unité ter minologique ? Le terme
fait-il aussi l’objet d’étude de la lexicologie ? Il y a trois disciplines qui utilisent le terme : la
lexicologie, la terminologie, mais aussi la lexicographie.
Enilde Faulstich (1996 : 239) distingue les deux éléments, le lexème et le terme à partir de
la notion générique d’unité lexicale. L’auteur considère le lexème comme une « unité virtuelle qui
se concrétise dans l’emploi commun », tandis que le terme est « l’unité réelle de(s) la(les) langue(s)
de spécialité ». Dans son art icle, Enilde Faulstich trace une limite claire entre unité lexicale et
unité terminologique, la dernière trouvant « sa signification spécifique circonscrite par un des
sous-codes du code majeur », et par cela l’auteur veut dire qu’elle « se contextualise à l’intérieur
d’une langue de spécialité » et par conséquent « le terme assume le statut d’unité lexicale définie ».
La définition de Depecker (2002 : 138), selon laquelle le terme « est un signe linguistique
spécialisé (technique ou scientifique) […] const itué d’une désignation renvoyant à un concept » et
celle de Neveu (2004 : 286) sont plus claires, ce dernier considérant que le terme relève « d’un
domaine de connaissances spécifique » et qu’il bénéficie d’une « définition conventionnelle dans
une communa uté technique ou scientifique déterminée ».
Dans le dictionnaire de Dubois et al. (2007 : 480), il y a trois entrées pour le terme, dont la
troisième est la suivante :
« En terminologie, le terme ou unité terminologique est l’unité signifiante constituée d’un mot
(terme simple ) ou de plusieurs mots ( terme complexe ), qui désigne une notion de façon univoque à
l’intérieur d’un domaine (définition de l’Office de la langue française du Québec) ».
Une fois de plus, la notion de terme est liée aux domaines, aux langages spécialisés, aux
sciences et aux technologies.

87
Par cette définition, fidèle à l’enseignement wüstérien, les auteurs du dictionnaire limitent
le terme « à la face signifiante du signe linguistique ». Dubois et al. (2007 : 480) attirent
l’attentio n à ne pas « confondre pour autant le terme ainsi conçu avec le signifiant saussurien » et
affirment qu’il y a
« des notions (issues d’aspects du référent) qui s’organisent en systèmes : le terme n’est alors,
comme on le voit dans la définition, que la traduction linguistique univoque d’une notion qui lui
préexiste ».
L’idée d’univocité du signe est essentielle en terminologie et réalise une différenciation
entre la langue commune et la terminologie : les mots du lexique sont en majorité polysémiques,
situation qui de vient en terminologie homonymie.
Pour Maria Teresa Cabré (1998 : 149), il n’y a pas une différence essentielle entre mot et
terme du point de vue formel et sémantique, mais les différences sont évidentes du point de vue de
la pragmatique et de la communication. Les termes ont deux volets : « un volet systématique
(formel, sémantique et fonctionnel), tou t en relevant d’un code établi » et un volet pragmatique,
les termes étant utilisés pour la dénomination des « objets » préexistants. L’auteur classe les
termes en fonction de leur forme, de leur fonction, de leur sens et de leur origine. Au premier
critèr e, elle ajoute d’autres critères (1998 : 155), comme : le nombre de morphèmes (les termes
étant simples ou complexes) ; « les types de morphèmes qui interviennent dans la formation d’un
terme complexe » – le résultat en étant termes dérivés et termes compo sés ; la combinaison des
« mots qui suivent une structure syntaxique déterminée », situation dans laquelle elle parle des
syntagmes terminologiques ou synapsies ; dans une dernière sous -catégorie, l’auteur introduit les
termes ayant « une formation d’origi ne complexe », c’est -à-dire les sigles, les abréviations, les
formes raccourcies etc.
Du point de vue de la fonction des termes, Maria Teresa Cabré (1998 : 157) en réalise une
classification « d’après leur comportement syntaxique : noms, adjectifs, verbes et adverbes » et du
point de vue du sens elle considère que les termes se regroupent en fonction des concepts
dénommés et les concepts entrent dans des classes selon des traits communs et de leur interaction.
Quant à leur origine linguistique, selon l’aute ur les termes sont « créés ou construits en
application des règles de leur propre code linguistique ou bien empruntés d’un autre code ou sous –
code ».
Nous remarquons la multitude de types de termes, une systématisation claire, mais nous
remarquons aussi un e recherche en quelque sorte thématique, recherche qui s’occupe de

88
l’ensemble des termes d’un domaine. Dorothy Nakos -Aupetit (1980) attire l’attention dans son
article « Réflexions sur la terminologie » sur le manque d’intérêt de la part des spécialistes e nvers
la recherche ponctuelle en terminologie, qui, selon l’auteur, est celle qui s’occupe des problèmes
terminologiques isolés et qui est essentielle surtout en terminologie comparée. Grâce à ce type de
recherche, les terminologues peuvent s’occuper des t ermes entre lesquels il n’y a pas de liaison
obligatoire.
Le terme paraît être pour la terminologie ce que le mot est pour la lexicologie.
Selon Marie -Claude L’Homme (2008 : 22), « les termes sont des unités lexicales dont le
sens est envisagé par rapport à un domaine de spécialité ». Le terme est une unité lexicale, mais en
tant qu’objet d’étude de l’une des deux sciences, la différence entre l’unité lexicale dont s’occupe
la lexicologie et l’unité lexicale de l’étude de laquelle s’occupe la terminologie est que la
deuxième catégorie est porteuse d’un sens spécialisé, par conséquent il entre dans un domaine
spécialisé, étant utilisé par des spécialistes du domaine en question. Nous avons, par conséquent ,
une première différence entre la terminologie et la lexicologie.
Par rapport au concept , le terme s’y oppose en ce sens qu’il représente sa forme
linguistique. Le terme désigne un concept propre à un domaine. Selon Marie -Claude L’Homme
(2008 : 25), « [l]e concept est une représentation mentale qui retient les caractéristiques communes
à un ensemble d’objets ». Conformément à l’optique conceptuelle, cette représentation m entale ne
peut pas être remise en cause, elle préexiste tout simplement à sa représentation linguistique. Bref,
une fois le concept créé, il faut chercher un terme qui le désigne.
Franck Neveu (2004 : 76) le définit comme « une représentation symbolique as sociée à un
signe linguistique » et le Grand Dictionnaire Larousse (Dublois et al., 1994) considère concept
« toute représentation symbolique, de nature verbale, ayant une signification générale qui convient
à toute une série d’objets concrets possédant de s propriétés communes ».
Par conséquent, si la terminologie classique traitait les termes selon un modèle qui n’est
plus d’actualité, les terminologues ont proposé de s’en occuper en tenant compte de la dimension
communicative de la terminologie (Cabré, 19 98), et de sa dimension sociale (Gaudin, 1993).
Monique Slodzian (2006) distingue deux courants majeurs :
 la terminologie conceptuelle et

89
 la terminologie textuelle , qui « déplace la problématique de la terminologie aux
relations entre signifiés et à la s pécificité du fonctionnement des signifiés dans les
textes à caractère technique et scientifique ».
La vitesse de circulation des termes en langages spécialisés, ainsi que la multiplication des
échanges dans tous les secteurs d’activité dans les quatre co ins du monde, obligent les
terminologues à trouver des solutions rapides aux problèmes soulevés dans ces contextes. La
diffusion des connaissances impose un travail efficace de traduction des termes spécialisés dans
toutes les langues impl iquées dans le ré seau en cause.
1.4.4. La terminologie dans les dictionnaires
En vue de soutenir le choix que nous avons fait de l’un des sens de la notion en question
pour cette recherche, qui sera terminologique, nous utiliserons quelques définitions des
dictionnaires et des opinions des spécialistes du domaine.
Conformément au dictionnaire Larousse en ligne, la terminologie est un
« [e]nsemble des termes, rigoureusement définis, qui sont spécifiques d'une science, d'une
technique, d'un domaine pa rticulier de l'activité humai ne »23.
Cette définition correspond parfaitement à la première acception que nous avons évoquée
ci-dessus, celle qui a pour objet le vocabulaire spécifique, un vocabulaire commun à une certaine
communauté et dont les termes sont employés surtout dans le ca dre spécialisé.
Pour cette acception le CNRTL24 offre la définition suivante :
« ensemble des termes relatifs à un système notionnel élaboré par des constructions théoriques, par
des classements ou des structurations de matériaux observés, de pratiques sociales ou d'ensembles
culturels. »
Nous y trouvons également une distinction en tre « [e]nsemble des termes spécifiques à un
auteur, à un penseur, à un courant de pensée », en donnant comme exemple le
syntagme « terminologie kantienne » et « [e]nsemble des termes, des expressions propre à une
région, à un groupe social », définition s outenue par l’exemple « terminologie populaire ».
Nous considérons que ce genre de délimitations ne devraient pas occuper une place
importante dans une recherche, sinon nous aboutirions à créer autant de terminologies que
d’activités humaines, voire davan tage si l’on fait des démarcations en fonction de tous les critères
qui pourraient avoir une liaison avec une certaine activité. Chaque domaine utilise son propre

23 Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/terminologie/77407 , dernière consultation le 24
août 2016 .
24Centre National de Ressources Textuelles et Lexic ales, http://www.cnrtl.fr/definition/terminologie , dernière
consultation le 24 août 2016 .

90
langage, qu’une communauté plus ou moins restreinte maîtrise, mais ce langage se croise parf ois
avec le lexique général ou avec le langage propre à un autre domaine et cela devrait conduire à la
multiplication des critères d’analyse en vue de délimiter chacun de ces langages. En outre, ce
serait trop difficile, même pour les linguistes, de les id entifier et de les distinguer l’un de l’autre,
étant donnée l’évolution rapide que les technologies et les sciences enregistrent à présent. C’est
peut-être la raison pour laquelle même dans les bases de données ou dans les dictionnaires que les
spécialiste s s’efforcent de mettre à jour, nous ne trouvons parfois un certain terme que nous
rencontrons dans tel ou tel domaine. Par conséquent, le syntagme « langue de spécialité » devrait
couvrir toutes les terminologies propres à tous les domaines scientifiques et techniques.
Larousse en ligne présente également une définition pour la deuxième acception de la
notion, celle qui touche le côté scientifique de la notion envisagée : il s’agit d’une
« [d]iscipline qui a pour objet l'étude théorique des dénominations des objets ou des concepts
utilisés par tel ou tel domaine du savoir, le fonctionnement dans la langue des unités
terminologiques, ainsi que les problèmes de traduction, de classement et de documentation qui se
posent à leur sujet. »25
Cette deuxième accept ion est de date plus récente que la première, étant le résultat d’un
travail commencé par des scientifiques et des techniciens, qui se sont proposé d’élaborer une
théorie terminologique à partir de la pratique terminologique. Maria Teresa Cabré (1998 : 30)
retrace le mieux le trajet de la notion en question en affirmant que
« la théorie terminologique naît et se développe, encore aujourd’hui, dans le prolongement d’une
pratique qui, elle -même, est liée à la résolution de problèmes de commu nication de nature
linguistique ».
De la définition que le Grand Dictionnaire, Linguistique & Sciences du langage (Dubois et
al., 2007 : 481) donne à cette notion, nous pouvons dégager les mêmes acceptions, une acception
qui représente « un ensemble de termes, définis rigoureusement » qu’une discipline ou une science
utilise pour désigner les notions dont elle se sert dans ses travaux ; une seconde qui désigne
« l’étude systématique de la dénomination des notions (ou concepts) spécifiques de domaines
spécialisés des c onnaissances ou des techniques » (Idem ).
D’une part, de toutes ces définitions et citations, il s’ensuit que la notion de terminologie
ne peut en aucun cas être réduite à un seul sens, tout ce qui reste est de choisir le sens approprié en
fonction du contexte dans lequel elle est employée, comme pour tout autre mot polysémique.

25 Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/terminologie/77407 , dernière consultation le 24
août 2016 .

91
D’autre part, à partir des définitions ci -dessus, nous nous interrogeons quelle est la
dénomination de l’objet avec lequel opère la terminologie : elle s’occupe du terme , de la notion ou
du concept ?

1.4.5. La position d’autres chercheurs
` Pour l’ingénieur -terminologue et le normalisateur autrichien Eugen Wüster, le fondateur de
la terminologie moderne, la terminologie se situe aussi au carrefour de plusieurs disciplines : la
linguistique, les sciences cognitives, l’informatique et la commun ication, ce qui lui confère ce
statut de matière interdisciplinaire et indépendante à la fois, ayant son propre objet d’étude et ses
propres règles et sa méthodologie.
Il identifie une différence essentielle entre la lexicologie et la terminologie, dans l e sens
que la lexicologie accorde, dans son étude, la première place au mot, en laissant de côté les
signifiés n’étant pas liés au mot, et la terminologie situe au premier plan la notion, liée ou séparée
de la dénomination ou du terme.
Franck Neveu (2004 : 287) associe la notion de terminologie, d’une par t, avec celle de
« nomenclature pour désigner l’ensemble des termes employés dans le cadre de l’exercice d’une
science, d’une technique, d’un art » et d’autre part avec la notion de « terminographie pour
désigner l’étude systématique des dénominations employées dans les technolectes, étude distincte
de la lexicographie » (italique de l’auteur) . Le terme de « nomenclature » utilisé par Neveu
désigne une simple liste, mais ce qui présente de l’intérêt dans la formulation de la définition, est
le fait que Neveu (2004 : 284) utilise deux autres notions :
 la terminographie , qu’il définit dans le même dictionnaire comme le domaine qui
traite les termes qui appartiennent au langage spécialisé, termes scientifiques et
techniques et
 les technolectes qui désignent justement ces langues spécialisées, utilisées par
certaines communautés scientifiques ou techniques et qui transmettent des
informations relevant d’un domaine spécifique.
Dans son Dictionnaire de la linguistique, Georges Mounin (1995 : 323) définit la
terminologie comme
« [e]nsemble des termes techniques d’une science ou d’un art, qui sont créés à mesure que se
développe la spécialisation dans la connaissance scientifique comme dans l’activité industrielle,
commerciale, etc. Quand une technique acquiert une certaine impor tance pour une communauté

92
linguistique ses termes peuvent perdre leur valeur ésotérique, et entrer dans le vocabulaire de base
comme mots disponibles. Ceci est le cas, par exemple, pour certains termes du domaine de
l’automobile: embrayer, caler, avoir le feu vert . Les systèmes des termes scientifiques et
technologiques présentent en général des définitions conceptuelles assez rigoureuses, et des
relations bien établies, par comparaison avec le reste du lexique – ce qui permet souvent d’en
donner la structu ration assez fine. Cette constatation est relative, car nous trouvons dans les
terminologies des sciences humaines de nombreuses contradictions et incohérences, souvent dues à
la multiplication des terminologies personnelles ou d’écoles. »

La définition donnée par Mounin met en évidence les hésitations enregistrées au fil du
temps dans l’utilisation de la notion de terminologie, mais en même temps il souligne le
développement continu de l’ensemble des termes en fonction du développement scientifique,
artistique et technologique dans le monde, ce qui entraîne l’enrichissement du lexique de toutes les
langues.
Daniel Gouadec (2004 : 23-29) fait une tentative de sépare r les sens du terme, en nommant
 les terminologies « des ensembles structurés de chaînes de c aractères dont les
valeurs sont spécifiables et spécifiques » ou « des ensembles de désignations » et
 la terminologie « la discipline qui étudie les terminologies, analyse les conditions
d’utilisation des terminologies et définit les modèles et procédures de l’activité
terminographique ».
Par conséquent, il serait plus simple d’utiliser « les terminologies », au pluriel, pour
désigner l’acception d’ensemble de termes spécifiques à un domaine scientifiq ue ou technique et
le singulier « terminologie » pour p arler de la science qui étudie la dénomination des notions.
Traditionnellement, beaucoup de linguistes considèrent que la terminologie en tant que
science dérive de la lexicologie et qu’elle en emprunte les méthodes d’analyse pour réaliser
l’étude de toute s les terminologies. Cela veut dire qu’elle n’est pas considérée une discipline
autonome, même s’il y a beaucoup de différences entre la terminologie et la lexicologie. Le statut
de cette discipline est encore controversé.
Selon le dictionnaire Larousse (2007 : 481), la démarche wüstérienne est onomasiologique ,
allant de la notion spécifique à la forme linguistique correspondante, du concept au terme , dans
une relation biunivoque, ce qui signifierait qu’à une forme correspond un sens et à un sens
correspond une forme. En ce qui concerne cette bi -univocité, les spécialistes s’efforcent de
normaliser la terminologie, pour en éviter les ambiguïtés. Marie -Claude L’Homme cite la
polysémie et la synonymie comme source d’ ambiguïté, mais parfois cette relation biuni voque est

93
impossible, parce qu’il y a des termes spécialisés qui renvoient à plusieurs significations (comme
par exemple le terme même de terminologie ). La réalité langagière actuelle dépasse ce genre
d’approche traditionnelle.
Le concept représente le poi nt de départ et le terme en est la réalisation linguistique. Dans
le Grand Dictionnaire Larousse (2007 : 107), le concept représente
« toute représentation symbolique, de nature verbale, ayant une signification générale qui convient
à toute une sé rie d’ob jets concrets possédant des propriétés communes ».
Cela veut dire que le concept ne représente pas une réalité, il n’est pas un objet ou quelque
chose de concret, il en est seulement la représentation mentale. Pour communiquer, le locuteur a
besoin d’un s igne linguistique qui transmette ses idées et cela dépend en grande partie de la
manière dont il s’approprie les connaissances sur la langue. Le triangle que cette école pro pose
dans l’analyse du sens est « concept -terme -objet » et il s’agit d’une démarche conceptuelle, triade
différente de celle saussurienne « signifiant -signifié -référent ». Pour réaliser une analyse
terminologique, il faut choisir l’une des deux démarches, wüsterienne au saussurienne.
Il y a eu des hésitations au début entre l’utilisation des termes « notion » et « concept »,
mais les spécialistes se sont arrêtés sur la généralisation du premier terme, que l’Office de la
langue française du Québec définit comme « [u]nité de connaissance constituée d'un ensemble
unique de caractères et qui peut généralement s ’exprimer par un terme. »26.
Maria -Teresa Cabré (1991 : 55-63) insiste su r le rôle de la normalisation de la
terminologie, processus né au début des années 80, qui est essentielle dans les domaines
scientifiques et techniques où les résultats des recherches et les découvertes doivent être
dénommés d’une manière uniforme pour faciliter le transfert des conn aissances dans toutes les
langues sans créer des ambiguïtés, en s’assurant de la sorte d’une utilisation appropriée d’un terme.
Elle propose le synonyme « standardiser », le rôle des spécialistes étant, dans ce cas, de trouver
une dénomination standardisée par consensus. L’auteur affirme que ce processus signifie
« appauvrir la langue en faveur de la communication ». La normalisation est le produit du travail
d’un groupe formé de linguistes et de scientifiques ayant l’autorité de décider sur les termes en
tenant compte, bien entendu, de leur usage et de leur formation.
Dans le but de définir correctement la terminologie, l’auteure opère dans l’article cité une
distinction entre les « articles spécialisés de grande diffusion », qui sont adressés à un public plus

26 Office québéquois de la langue français, http://www.granddictionnaire.com/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26500977 ,
dernière consultation le 29 août 2016 .

94
ou moins avisé et qui sont parsemés de mots du lexique général, et « la terminologie scientifique
et technique spécifique » (1991 : 55-63), objet de la re cherche théorique ou appliquée.
1.4.6. Approches en terminologie
Pour ce qui est strictement de la terminologie, nous présenterons brièvement les approches
principales en la matière, pour en choisir ensuite l’approche appropriée à notre travail de recherche.
Comme dans tout autre domaine, dans le domaine de la terminologie la première place est
occupée par l’approche « classique » ou « traditionnelle ». Cette approche est étroitement liée à
Eugen Wüster et à ses travaux qui représentent à la fois la continuation des préoccupations
d’autres chercheurs et le fondement de la terminologie en tant que discipl ine. Cette démarche est
onomasiologique, démarche allant du concept au nom ou aux termes, tandis que la démarche
utilisée en lexicologie est sémasiologique, en partant de l’étude des mots pour s’occuper de leur
signification.
Eu égard aux nouvelles recherc hes en la matière et aux nouvelles orientations de la
terminologie, il est impératif d’adopter une approche qui prenne en compte la dimension
discursive de la terminologie dans le cadre de la communication entre les spécialistes et dans le
cadre de la comm unication entre les locuteurs non spécialistes. Dans l’étude des termes, nous
devons considérer tous les sens que les différents contextes peuvent attribuer au terme analysé.
Une approche possible est l’approche diachronique, qui nous aide à retracer le tr ajet
parcouru par un terme depuis sa « naissance » jusqu’à présent.
Au sujet des approches en terminologie, Rachele Raus (2013 ) en réalise un panorama dans
La terminologie multilingue. La traduction des termes de l’égalité H/F dans le discours
internationa l. Selon l’auteur , il y a
 une approche classique,
 des approches prescriptives -normatives,
 des approches descriptives et
 une approche « mixte ».
Les approches prescriptives -normatives, nées d’une politique linguistique dans des pays
plurilingues, ont po ur but de normaliser les concepts et les termes et leur résultat est représenté par
des banques de terminologies. Les approches descriptives, selon Raus (2013 : 13 -16),
comprennent l’approche socioterminologique, l’approche communicative, l’approche cognit ive,

95
l’approche ethnique et l’approche texto -discursive de la linguistique de corpus. Ces approches
accordent plus d’attention aux contextes dans lesquels les termes sont utilisés.
Dans l’article intitulé Terminologie, culture et société. Éléments pour une théorie
variationniste de la terminologie et des langues de spécialité , Isabel Desmet (2007 : 3) présente
des aspects des approches traditionnelles, modernes et contemporaines de la terminologie. Parmi
les approches modernes en terminologie, l’auteur c ite
« la glottopolitique et la socioterminologie, où la dimension sociale de la terminologie gagne sa
place ; la terminologie sociocognitive, fondée sur des principes sociocognitifs ; la terminologie
axée sur le caractère polyédrique des termes et leurs d imensions cognitive, formelle, conceptuelle
et fonctionnelle ; la terminologie culturelle, orientée vers la culture spécifique d’une communauté
humaine donnée ».

Nous pensons que l’approche la plus appropriée à notre démarche est l’approche
socioterminol ogique, qui selon Rousseau (2005 : 100) « met l’accent sur les conditions
sociolinguistiques de la production du discours scientifique et technique ». L’auteur promeut
l’emploi conjoint de différentes approches : l’approche conceptuelle, communicationnelle ,
linguistique et socioterminologique en les considérant « complémentaires les unes des autres ».
De nos jours, nous pourrions affirmer qu’il n’y a plus de domaine dont les recherches ou
dont le résultat des travaux soit absolument inconnu au public. L’an alyse de notre corps, qui est
tiré de l’œuvre d’un historien, touche plusieurs domaines à la fois, puisque l’histoire de l’humanité
ne se préoccupe pas d’un domaine précis, mais de tous les domaines en même temps.
La socioterminologie nous aide dans notre démarche à saisir les éventuelles interactions
entre les domaines envisagés par l’auteur au niveau de la dénomination des couleurs au fil du
temps. Nous pourrons voir comment l’information scientifique (par exemple, dans le cas des
matières colorantes) a é té reçue par le public et comment cela a marqué l’évolution des termes.

Conclusions partielles
Étant donné les éléments qui constituent notre corpus et qui peuvent aussi bien être traité s
comme des mots relevant de la langue générale e t comme des termes relevant du domaine
spécialisé, nous utiliserons les notions présentées ci -dessus dans l’analyse des éléments en
discussion .
Ce cadre théorique nous aidera à constituer le champ lexico -sémantique des termes de
couleur, de joindre le champ lexical au champ sémantique, et de bien comprendre ce que la

96
terminologie chromatique signifie et ce qu’elle retient des ouvrages dont nous constituons notre
corpus.
Pour ce qui est de notre démonstration concernant l’appartenance du discours de Michel
Pastoureau à la catégorie des discours spécialisés, cela n’exclut pas la présence dans ses ouvrages
de mots de la langue générale. Nous ne devons pas perdre de vue le fa it que ce domaine particulier,
l’histoire, comprend tous les aspects de l’activité humaine, mettant sur le même plan la vie
quotidienne et la vie professionnelle. Il est vrai que la quantité de termes chromatiques est
supérieure à celle de mots chromatiques, mais à notre avis leur importance reste tout aussi grande.
Situé ainsi entre la lexicologie et la t erminologie, notre corpus doit être analysé en fonction
de l’appartenance des éléments qui le composent soit à l’une, soit à l’autre, analyse qui nous
aidera à tracer, dans la mesure du possible, une ligne de démarcation entre les deux.

97

CHAPITRE II

LA VIE DES COULEURS

Introduction
Le deuxième chapitre de notre travail de recherche sera consacré aux ouvrages écrits sur
les couleurs, sans pour autant nous limiter aux quatre couleurs sur lesquelles repose notre corpus,
parce que chaque chercheur a envisagé son travail soit autour d’une couleur ou d’une autre, soit en
traitant de toutes les couleurs, en fonction de ses propres intérêts.
La couleur est si présente dans nos vies que nous ne pourrions plus nous imaginer le
monde en noir et blanc. Les préoccupations en la matière datent depuis longtemps, le sujet
présentant encore un intérêt accru de la part des spécialistes de plusieurs domaines. En ce qui suit,
nous essayerons de dresser un inventaire des domaines où nous avons iden tifié des études sur les
couleurs.
Certes, nous nous posons la question si les couleurs sont devenues si importantes dans
notre vie comme résultat des recherches conduites par les spécialistes en la matière ou ce sont
l’usage dans la vie quotidienne et la place que les gens lui accordent qui ont engendré des
questionnements et des travaux scientifiques sur leur apparition, leur production, leur histoire et
leur devenir.
Dans le cadre de ce chapitre nous allons également présenter d’une manière plus détaillé e
les quatre ouvrages de Michel Pastoureau d’où nous avons extrait notre corpus, ainsi que les
dictionnaires écrits sur chacune de ces quatre couleurs par Annie Mollard -Desfour.

2.1. La couleur – résultat des transformations culturelles
Au centre de notre travail de recherche se trouve le champ lexico -sémantique de quatre
termes qui désignent la couleur : bleu, noir, rouge et vert.
Une question que nous nous posons alors légitimement est : Qu’est -ce que la couleur est ?
Selon Zuppiroli e t Bussac (2001 : 144),

98
« celui qui veut comprendre l’apparence colorée du monde de la matière ne doit jamais oublier que
les couleurs d’un corps n’appartiennent pas en propre aux matériaux qui le constituent. Elles
résultent plutôt de l’interaction lumièr e-matière ».

La notion de couleur est employée en égale mesure dans la langue générale et dans des
domaines d’activité spécialisés. Est -ce qu’elle désigne la même chose dans tous les domaines ?
Les physiciens l’utilisent, et cela depuis longtemps, la préo ccupation d’un physicien visant
« l’énergie des vibrations électro -magnétiques ou la manière de se comporter des corpuscules
lumineux, qui produisent la lumière, les diverses possibilités de production de phénomènes colorés,
[…] les mélanges de lumière col orée, les spectres des divers éléments, le nombre des vibrations et
les longueurs des diverses ondes colorées » (Itten, 1967 : 16).

Les chimistes l’utilisent aussi , ceux -ci étant intéressés à
« la constitution moléculaire des matières colorantes ou pigments, les problèmes de la conservation
des couleurs et de leur résistance à la lumière, les liants et la préparation des couleurs
synthétiques » (Itten, 1967 : 16).

Le sujet intéresse les physiologistes également, puisque sans l’œil, que Maurice Dérib éré
(2008 : 57) appelle « fenêtre ouverte sur l’univers », la couleur ne pourrait pas être perçue, leur
travail se dirigeant vers « les diverses actions de la lumière et des couleurs sur notre système
visuel – œil et cerveau – » et vers « les conditions et les fonctions anatomiques de celui -ci »
(Déribéré, 2008 : 57).
Nous voilà arrivée à une autre catégorie professionnelle pour laquelle la couleur présente
une importance particulière, celle des psychologues, qui étudient les « problèmes de l’action de
rayonnements colorés sur notre âme et notre esprit » ; les artistes représentent peut -être la
catégorie la plus fréquemment reliée à la couleur, mais selon le même auteur, l’artiste coloriste
« doit posséder des connaissances aussi bien physiologiques que psy chologiques » ceux -ci
joignant « les phénomènes optiques, physiques et spirituels » (Itten, 1067 : 16) les créateurs de
mode l’utilisent et nous -mêmes dans les situations quotidiennes les plus diverses, des situations
qui touchent à un domaine spécialisé ( les colorants alimentaires, la couleur du vin, la coloration
des cheveux, la chromatique vestimentaire, la couleur de la flore et de la faune, la couleur de notre
environnement, etc.) ou des situation complètement personnelles et subjectives (comme les
couleurs que nous utilisons pour exprimer nos émotions et nos états d’esprit – même si en général
nous avons recours à des séquences figées contenant des termes de couleur, mais nous pouvons
créer d’autres structures qui ne soient pas toutes faites, mais notr e propre création – et pour décrire

99
ce que nous voyons autour de nous, la couleur de notre chat ou des yeux, de la mer, de la nature,
voire de la peau, ainsi de suite).
Est-il question du même bleu quand nous parlons du bleu du ciel ou de la mer et quand
nous parlons du bleu de méthylène ou d’une personne qui a le sang bleu , du noir des vêtements et
du noir de fumée , du rouge d’une fleur , d’une personne qui est rouge de honte ou d’ une piste
rouge , du vert de la nature et du pétrole vert ? Bien en tendu, dans certains cas nous comprenons
plus facilement l’entrée des couleurs dans des structures de la langue générale sans exprimer
nécessairement le terme de couleur tel qu’il est utilisé pour dénommer la couleur, et ce fait est dû à
certains traits co mmuns (parmi lesquels l’archisémème /couleur/), dans d’autres cas plus opaques
sémantiquement, l’association n’a rien à faire avec ce que nous connaissons généralement de la
couleur en question.
Nous pourrions essayer de classifier en plusieurs catégories les termes de couleur, en
fonction du domaine dont ils relèvent :
 catégorie linguistique , constituée par les mots de la langue général e, classés en noms et
adjectifs bleu, noir, rouge et vert ;
 catégorie terminologique : les termes de cou leur employé s dan s des discours spécialisés,
les nuances que les spécialistes enregistrent dans les nuanciers développés dans des buts
professionnels autour de ces termes ;
 catégorie cognitive , ce qui veut dire envisager les couleurs en fonction des prototypes de
chacune d ’elles, prototypes qui englobent les traits typiques des éléments qui composent la
catégorie en discussion ; à son tour cette catégorie qui relève de la psychologie peut
enregistrer deux volets :
o le premier vise les couleurs unanimement reconnues comme bleu, noir, rouge et
vert, en ce sens de meilleur exemplaire de la couleur
o le second vise l’objet prototype auquel chaque couleur est associée : le ciel ou la
mer pour le bleu, la nuit ou l’obscurité pour le noir, le coquelicot ou le sang pour le
rouge et la nature ou l’émeraude pour le vert ;
 catégorie scientifique , les couleurs représentant un sujet qui a préoccupé un grand nombre
de spé cialistes comme les physiciens, qui les ont classifiées en couleurs primaires,
couleurs secondaires, couleurs chaudes, cou leurs froides , les chimistes, qui se sont
intéressés à la composition, à la fabrication de la couleur, les médecins, pour lesquels la

100
couleur de la peau ou de la chair peut porter des informations très utiles pour se rendre
compte de l’état de santé des ge ns ou de l’évolution d’une maladie, voire des psychologues,
etc.
 catégorie artistique : nous profit ons de deux vers de La Fontaine qui nous semblent
pertinentes pour notre démarche d’établir des catégories auxquelles la couleur appartient :
« Les mots et les couleurs ne sont choses pareilles,
Ni les yeux ne sont les oreilles. »
(Le Tableau , La Fontaine)

En peinture, tout comme dans le domaine du tissu, des vêtements, dans celui de la
décoration, la couleur est l’élément principal de la manifestation artistique, c’est l’instrument par
lequel le créateur communique ses réflexions sans avoir recours aux mots et le consommateur de
n’importe quel de ces domaines devient le récepteur d’un message, en décodant « la langue » de la
couleur.
N’oub lions pas que les arts visuels ne sont pas les seuls à faire usage des couleurs, même si
nous devons admettre que ce sont leurs domaines de prédilection. La littérature, d’autre part, se
sert du pouvoir du mot pour transmettre les mêmes sensations. Jacques Le Rider (1997 : 7) en
pensait :
« l’art des mots, la littérature, la poésie, l’écriture utilisent et construisent un système sémiotique
qui, pour traduire les couleurs, n’est ni plus, ni moins arbitraire que celui de la peinture ».

Dominique Chevé (200 8 : 42) synthétise une grande partie de ces catégories dans le
fragment suivant :
« Entre le rouge sang et le blanc éclatant, couleurs de la beauté des femmes pour les Anciens,
couleur de vie qui se métamorphosent en couleurs de mort ou d’amour, toute la chromatique des
affections décline ses teintes et joue de ses tons. Nous vibrons, souffrons, désirons, aimons,
mourrons et naissons, sommes émus et effrayés, tristes ou enthousiastes… en couleurs ».

Tout l’univers de la couleur se trouve associé, dans cette affirmation , à notre univers
intérieur, aux sentiments et au x cycle s de la vie. Autrement dit, toute notre vie est pleine de
couleurs, qu’il s’agisse de la vie intérieure ou de la vie extérieure, des sentiments, des états ou de
la peau, de notre lan gage qui comprend des mots et des expressions associant souvent les couleurs
à de divers états d’âme ou objets de notre environnement , des vêtements que nous mettons , des
murs que nous colorions selon nos goûts ou de la nature qui émerveille notre regard .

101
Ces catégories ne peuvent pas être fermées, les frontières d’un domaine où les termes sont
initialement identifiés restent ouvertes, parce que les termes sont très mobiles, ils circulent, ils
pénètrent dans les autres domaines, en gardant dans la plupart d es cas leur sens attribué dans le
domaine initial. Pour essayer d’illustrer cet aspect, nous nous arrêtons dans un premier temps sur
ce que le dictionnaire L’atelier du peintre. Dictionnaire des termes techniques note, en parlant du
peintre et du physicien , à propos de la couleur :
« En effet, bien que, pour l’un comme pour l’autre, la lumière constitue un phénomène
déterminant, l’artiste, lui, doit manipuler des matériaux dont la texture et le comportement
conditionnent des effets optiques qu’il recherch e en fonction des exigences de sa propre création,
création pour laquelle il opère déjà une sélection subjective constante. Même les artistes
ˮscientifiquesˮ, comme les cinéticiens, demeurent en partie tributaires de cette subjectivité ; leurs
lumières et couleurs ˮobjectivesˮ dépendent aussi de leur imagination. Dans les deux cas, ce sont
évidemment les formes de la recherche artistique en fonction des matériaux choisis qu i engagent le
jeu de la couleur » (Waresquiel, 1998 : 68-69).

Les termes sur lesquels repose la couleur pour la création dans les deux domaines, l’un
artistique et l’autre scientifique, sont les pigments et les supports.
Une autre systématisation des approches en matière de couleurs appartient à Josef Albers
Hazan (2008 : 71), qui ajoute un troisième domaine à l’approche de la couleur, celui de la
psychologie. Selon l’auteur,
« elles sont fondées sur les soucis différents du physicien, du psychologue et du coloriste. Pour
n’indiquer qu’une seule différence : alors que les couleurs premières pour les coloristes (peintres,
dessinateurs) sont, comme nous le savons, le rouge, le jaune et le bleu, le physicien en a 3 autres
(qui ne comprennent pas la jaune) et le psychologue en compte 4 (le vert étant la quatrième), plus 2
neutres, le bl anc et le noi r ».

René -Lucien Rousseau (1959 : 8) résume le trajet complexe des couleurs comme suit, tout
en passant par chaque étape ou domaine, mais dirigeant tout vers une approche philosophique de
la couleur :
« Passant du monde dit inanimé à la vie, c’est -à-dire de la physico -chimie à la biologie […] » les
couleurs y prennent une signification, pour peu que les phénomènes […] sont classés d’après une
hiérarchie de valeur et ensuite comparés entre eux. Enfin, des phénomènes biologiques, nous
sommes a mené, par une pente sensible, jusqu’au domaine des phénomènes psychiques, qui nous
introduit lui -même, dans les arcanes du monde spirituel et moral ».

Selon le même auteur, si nous prenons en considération le
« niveau profond des archétypes, les couleurs nous apparaîtront comme des carrefours où se
rencontrent, l’art, la Science, la Philosophie, les Religions », celles -ci constituant un « pont entre la
Science et l’Art, entre la Physique et la Métaphysique, entre la Nature et Dieu » (Rousseau, 1959 :
13).

102
Nous observons qu’il existe des classifications différentes, des approches différentes, des
points de vue que chacun défend en fonction de ses objectifs, de ce que chacun des chercheurs
veut démontrer. Nous avons essayé de faire une synthèse dans notre tr avail, pour ne pas omettre
des aspects qui peuvent se révéler importants, tout en nous guidant cependant selon l’hypothèse de
Michel Pastoureau, conformément à laquelle la couleur est un fait de société. Apparemment, cette
hypothèse est aussi réductrice qu e celle physiologique d’Arthur Schopenhauer (1986 : 63), pour
lequel « La couleur est l’activité qualitativement divisée de la rétine ».
En fait, c’est toujours Pastoureau (2000 : 31) qui soutient que
« pour que le ‘phénomène couleur’ puisse se produire, trois éléments sont indispensables : une
lumière, un objet sur lequel tombe cette lumière et un regard qui fonctionne à la fois comme un
émetteur et un récepteur ».

De cette affirmation, nous pouvons observer que l’auteur lui -même ne peut pas se
soustrai re aux critères qui sont déjà universellement reconnus en matière d’étude des couleurs,
même s’il promeut l’idée que la couleur n’est qu’un fait de société.
Tout en considérant un élément plus important qu’un autre, en réalité tous les chercheurs
reconnais sent la nécessité de l’existence des autres éléments. En parlant de l’image, Emmanuel
Florio (2000 : 16) affirme que l’existence de celle -ci est soumise à la présence d’« une source de
lumière qui éclaire un objet. L’objet réfléchit les rayons lumineux ver s l’œil de l’observateur »
dont « le système nerveux doit décrypter pour en extrapoler l’apparence initiale ».
Force est de con stater que tous les aspects soulevés par les chercheurs , en insistant sur
l’importance plus grande de l’un ou de l’autre en fonction de leurs spécialisations ou des objectifs
qu’ils souhaitent atteindre , font partie d’un mécanisme absolument nécessaire pour l’existence et
pour la perception de la couleur.

2.2. L’histoire des couleurs
Nous avons déjà présenté les traits définit oires du domaine de l’histoire en général. Nous
voudrions nous pencher en ce qui suit sur l’histoire des couleurs comme un sous -domaine de
l’histoire de l’humanité qui a suscité l’intérêt de certains chercheurs qui ont essayé de reconstruire
le parcours de s couleurs.
Le premier qui a écrit une Histoire des couleurs est Manlio Brusatin, mais l’auteur traite
des couleurs de manière plus gén érale, toujours diachronique, de s origines jusqu’à présent, à la

103
différence de Michel Pastoureau, qui s’y est penché d’une manière beaucou p plus rigoureuse et
détaillée .
2.2.1. Michel Pastoureau, historien des couleurs
Spécialiste des emblèmes et de l’hér aldique, par la publication d es monographies des
quatre couleurs et d’autres ouvrages sur les couleurs, Michel Pastoureau est reconnu ainsi comme
le premier spécial iste de l’histoire des couleurs .
Nous rappelons à ce stade que notre analyse porte sur quatre ouvrages de Michel
Pastoureau :
Bleu. Histoire d’une couleur (2000, Paris, Seuil) ,
Noir. Histoire d’une couleur (2008, Paris, Seuil)
Rouge. Histoire d’une couleur (2016, Paris, Seuil) et
Vert. Histoire d’une couleur (2013, Paris, Seuil).
Comme le titre laisse comprendre, le fil conducteur de chacun de ces livres est la couleur
qui en donne le nom.
Dans ses ouvrages, l ’auteur retrace le parcours des quatre couleurs, la place qu’elles ont
occupée et la place qu’elles occupent à présent dans les sociétés européennes, sous la forme d’une
histoire détaillée qui commence dans l’Antiquité et s’étend jusqu’à nos jours. Ainsi, Pastoureau
dédie une grande partie de son œuvre à retracer le passé et le devenir des quatre couleurs, les
guerres qu’elles ont portées soit entre elles soit avec d’autres couleurs, leurs interdépendances, les
pratiques sociales qui les ont visées, l’intérêt que leur a porté la science et la technique, leur place
dans l’art, la religion, la création littéraire et artistique dans les sociétés et beaucoup d’autres
aspects qui relèvent de l’ac tivité humaine en général qui a rapport avec les couleurs.
Selon Pastoureau (2016 : 10), « toute histoire des couleurs doit d’abord être une histoire
sociale », par conséquent il touche tous les domaines qui ont rapport d’une part à la fabrication de
la couleur, d’autre part à son emploi, sans pour autant négliger le côté symbolique.
À côté de ces monographies que nous décrirons dans les pages suivantes, Michel
Pastoureau est l’auteur de nombreux autres ouvrages sur les couleurs comme
Figures et couleurs. Études sur la symbolique et la sensibilité médiévales (1986),
Couleurs, images, symboles. Études d'histoire et d’anthropologie (1989),
Rayures. Une histoire des rayures et des tissus rayés (1995),
Jésus chez le teinturier. Couleurs et teintures dans l’ Occident médiéval (1997),
Dictionnaire des couleurs de notre temps. Symbolique et société (1999),
Les couleurs de notre temps (2003),

104
Le petit livre des couleurs (2005, co -auteur Dominique Simonnet),
Les couleurs expliquées en images (2015, co -auteur D ominique Simonnet),
et un nombre impressionnant d’articles autour du même sujet.
En guise de concl usion, nous pourrions dire que Pastoureau a transformé les couleur s en de
vrais personnages que le lecteur, plus ou moins avisé dans le domaine historique ou dans celui
encore plus étroit de la chromatique, suit au fil de ses ouvrages, en manifestant à la fois un intérêt
scientifique et un intérêt purement personnel. Si q uelqu’un nous pose la question portant sur la
couleur préférée, nous choisissons une ou peut -être plusieurs, mais nous ne répondrons jamais
« Aucune. ». Ainsi, en lisant les écrits de Michel Pastoureau, nous avons l’occasion de mieux
comprendre le statut d es couleurs, leur évolution due aux travaux des spécialistes, et, pourquoi pas,
d’essayer de deviner leur avenir.
2.2.2. La démarche de Michel Pastoureau
L’auteur met en lumière un parcours qui part du matériel pour devenir idéologique, il
présente les transformations culturelles subies par les couleurs et les causes des changements de
perception sociale et d’attitude face à la couleur.
Selon lui, les coul eurs sont des « faits de société ». Au fil du temps, à partir de l’Antiquité
(depuis l’invention de l’écriture jusqu’à la chute de l’empire romain en 476), continuant avec le
Moyen Âge (entre 476 et 1492, année de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb), la
période moderne (qui commence en 1492 et se termine en 1789 par la Révolution française) et
l’époque contemporaine (depuis 1789 jusqu’à nos jours), le statut de chaque couleur a changé, et
ce changement est lié surtout à une construction cultu relle, déterminée par des facteurs strictement
techniques .
D’une part, dans sa démarche, l’auteur ne respecte pas les échelons temporels traditionnels
pour les quatre couleurs, parce que chacune d’elles a subi ses propres transformations en son
propre ryt hme ou au rythme différent dans des sociétés différentes, chacune a mené ses propres
luttes pour la suprématie dans la hiérarchie chromatique et chacune s’est créé e son propre parcours
historique, plus ou moins sinueux, plus ou moins constant, parfois vict orieuse, parfois vaincue, et ,
même dans ce dernier cas , la couleur existe et continue à se manifester, à une échelle plus réduite
peut-être, mais elle ne disparaît pas du paysage chromatique.
D’autre part, Pastoureau (2016 : 8) s’est proposé de retracer « l’histoire des couleurs dans
les sociétés européennes, de l’Antiquité romaine jusqu’au XVIIIe siècle », mais il a souvent
entrepris des recherches en franchissant ces frontières qui se sont avérées floues à certains moment

105
de l’évolution des couleurs. Ai nsi, l’auteur « déborde considérablement en amont et en aval de ces
deux périodes », mais uniquement pour étayer ses propos, pour apporter des renseignements
supplémentaires nécessaires à la compréhension de l’évolution et à une contextualisation de sa
démarche.
En réalité, il limite ses recherches les plus approfondies aux sociétés européennes dont il
fait partie et qu’il connaît le mieux et aux périodes mentionnées, pour éviter d’avoir recours à des
informations d’autres chercheurs qui s’y sont investis. Cela ne veut pas dire qu’il élimine toute
information qui pourrait s’avérer importante dans sa démarche, mais qui appartient à une autre
culture. Ainsi, il déborde également du point de vue géographique . Selon Pastoureau (1989 : 19),
« [p]rétendre retrace r une histoire universelle des couleurs qui, des origines au XXe siècle,
engloberait aussi bien la ou les couleurs occidentales que les couleurs amérindiennes, africaines,
asiatiques ou océaniques […] semble scientifiquement vain ».

Pour ce qui est de sa démarche d’étudier séparément (comme les titres des quatre volumes
l’indiquent) chacune des quatre couleurs, l’histoire des couleurs ne peut pas être écrite sans tenir
compte des autres couleurs, comme nous le verrons plus tard dans la revue des ouvrages d e
Pastoureau. Nous retrouvons cette idée même dans la philosophie de Ludwig Wittgenstein (1984 :
19), selon lequel
« S’il y avait une théorie de l’harmonie des couleurs, elle commencerait par quelque chose
comme une division des couleurs en groupes et elle interdirait certains mélanges ou
certaines proximités, tandis qu’elle en autoriserait d’autres. Et, tout comme l’Harmonie,
elle ne donnerait pas de fondement à ses règles ».
Il existe des groupes, il existe des catégories de couleurs, bien évidemment, mais il n’y a
aucune règle qui interdise leur mélange, leur combinaison matérielle, tout comme il n’y a aucune
frontière qui sépare leurs histoires ou, nous oserions affirmer, leur histoire.

2.3. Les couleurs en tant qu’éléments d’analyse linguistique
Puisqu e notre travail de recherche se construit autour des termes désignant les couleurs, il
faut comprendre ce qu’une couleur signifie d’une part du point de vue scientifique et d’autre part
dans la perception humaine qui peut être purement subjective. Les term es chromatiques sont
étroitement liés à nos vies personnelles en tant qu’individus, mais également à nos communautés
et finalement à nos cultures. Ils se sont beaucoup diversifiés à partir des couleurs primaires, leur
domaine enregistrant de milliers de nu ances, et les divers aspects de l’évolution de l’humanité

106
(qu’il s’agisse de l’évolution de la science et de la technique ou des emplois plus « domestiques »
ou courants) ont mis leur empreinte sur les dénominations des couleurs.
Le lexique chromatique a servi de sujet pour de nombreuses recherches et d’analyses
conduites de plusieurs perspectives : morphosyntaxique, étymologique, syntaxique, stylistique et
sémantique dont nous ferons une revue en ce qui suit. Ces termes ont fait l’objet d’étude de la
lingu istique, mais aussi de la philosophie, de la physique ou de l’art. Les termes chromatiques
préoccupent également les spécialistes des domaines scientifiques et techniques, ils ne font pas
seulement l’objet des préoccupations et des recherches des sciences humanistes.
Selon Rastier (1991 : 49), la linguistique peut être : historique (ce type ne présentant aucun
intérêt pour les recherches cognitives ; comparée qui peut être sollicitée « dans les recherches sur
la traduction automatique » et descriptive ou synchronique, avec application dans l’« analyse et
synthèse de la parole, dialogue homme -machine ». Cela veut dire que , même du point de vue
linguistique , les termes chromatiques peuvent être analysés par des approches différentes.
Pour ce qui est du côté plus technique, nous l’avons déjà mentionné ci -dessus, les termes
chromatiques suscitent leur intérêt en égale mesure, devenant un objet de recherche en soi,
puisque toute découverte doit porter un nom : plus il y a de nuances, plus il doit trouver des mot s
pour les dire. En ce sens, nous rappelons les travaux menés dans le domaine, dès 1927, par un
comité allemand27, qui s’était chargé de la standardisation les termes de couleur et qui a créé un
nuancier des couleurs utilisées en peinture et en architecture, construction, industrie et sécurité
routière qui comptait au début 40 échantillons et qui compte actuellement environ 2000 couleurs
et nuances28.
Selon la définition que l’on trouve dans le dictionnaire Larousse en ligne, la couleur est
une
« [s]ensation résultant de l ’impression produite sur l’œil par une lumière émise par une source et
reçue directement (couleur d’une source : flammes, etc.) ou après avoir interagi avec un corps no n
lumineux (couleur d’un corps) »29.

Le CNRTL propose la définition suivante :

27 Le comité qui s’est préoccupé de ce sujet s’appelle Reichsausschluss für Lieferbedingungen .
28 Couleurs RAL , disponible en ligne à l’adresse http://www.couleursral.com/ , dernière consultation le 3 mai 2017.
29 Définition reprise du dictionnaire Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/couleur/19757 ,
dernière consultation le 5 juin 2016.

107
« Qualité de la lumière que renvoie un objet et qui permet à l’œil de le distinguer des autres objets,
indépendamment de sa nature et de sa forme ; PHYS. Phénomène visible conditionné par la
longueur d’onde de la lumière émise, réfléchie, transmise ou diffusée par un objet »30.

Si nous cherchons les définitions des quatre couleurs dans les dictionnaires, nous trouvons
naturellement le sens dénotatif de chacune, mais dans l’analyse du corpus au centre duquel se
trouve la notion de couleur, il est intéressant d’examiner dans les champs constitués autour de
chaque couleur la proportion entre les sens dénotatifs ( par exemple, le terme « rouge » désigne une
couleur) et les sens dénotatifs des mêmes termes (rouge signifie amour, vie, mort, passion, etc.).
Pablo Ruiz Picasso (1935) affirmait : « En réalité on travaille avec peu de couleurs. Ce qui
donne l’illusion de leur nombre, c’est d’avoir été mises à leur juste place ». Le nombre des
couleurs est limité, mais ce qui les rend si nombreuses, c’est justement leur utilisation tant au
niveau de l’expression artistique, scientifique ou technique (en peinture, littératur e, dessin, cinéma,
physique, industrie textile ou automobile, etc.) qu’au niveau purement linguistique, situation dans
laquelle le locuteur utilise de différents signes linguistiques pour mettre en valeur soit une nuance,
soit l’usage social de la couleur, la signification culturelle ou le statut de la couleur en question
dans une certaine société ou à une certaine ép oque.
C’est exactement pour cette raison qu’il est impossible d’en faire un inventaire sans
dépasser le cadre du lexique. Il faut aller plus l oin, au discours, notion définie par Neveu (2004 :
105) comme « la mise en œuvre effective par le locuteur d’un ensemble de signes socialement
institués mis à sa disposition pour l’expression de sa pensée ».
Avant de procéder à l’analyse du corpus, nous av ons fait une revue des ouvrages
linguistiques qui ont traité les termes désignant les couleurs, l’objet de notre recherche, mais nous
n’avons pas limité la recherche aux couleurs analysées dans notre thèse, puisque nous trouvons
qu’il est intéressant de re marquer l’abondance ou le nombre réduit de travaux ayant au centre de
l’attention les couleurs en général, non seulement le bleu, le noir, le rouge et le vert, mais aussi
des recherches plus spécifiques, dédiées à un nombre limité de couleurs, en fonction des objectifs
que les chercheurs se proposent d’atteindre.
2.3.1. Les termes basiques de Berlin et Kay
Dès le début, nous voulons préciser le constat que les plus importantes théories sur les
couleurs (en ce sens qu’elles suscitent aujourd’hui encore l’intérêt des chercheurs contemporains)

30Définition extraite du site du CNRTL , http://www.cnrtl.fr/definition/couleur , dernière consultation le 5 juin 2016.

108
sont ce qu’on appelle « l’hypothèse Sapir -Whorf » (Sapir, 1929) et « la théorie des termes
basiques ( Basic Color Terms ) » due à Brent Berlin et Paul Kay (1969).
Aux deux théories correspondent deux courants : le courant relativiste , respectivement, le
courant universaliste . La différence entre les deux théories réside dan s la catégorisation de la
couleur : pour Sapir et Whorf, la catégorisation de la couleur est due au langage, tandis que chez
Berlin et Kay cette catégorisation dépend de la perception humaine.
En 1969, Brent Berlin et Paul Kay ont publié l’ouvrage Basic Co lor Terms devenu l’un des
principaux points de repère dans l’analyse des termes de couleur. C’est le résultat d’une enquête
comparative sur 98 langues que les auteurs ont menée ayant pour sujet la catégorisation de la
couleur . Ils se sont limités finalemen t à 20 langues auxquelles ils ont appliqué une série de critères
qui ont conduit à délimiter un nombre de 11 termes de base. Pour ce faire, les auteurs ont utilisé le
nuancier fourni par Munsell Color Company comprenant 329 pastilles, dont ils ont élaboré un set
de 320 reparties selon la teinte (40 teintes), la brillance (8 niveaux), de saturation maximale et 9
pastilles de teinte neutre (noir, gris et blanc).
« The set is composed of 320 color chips of forty equally spaced hues and eight degrees of
brightn ess, all at maximum saturation, and nine chips of neutral hue (white, black and
greys ) »31 (Berlin et Kay, 1969 : 5) .

Les sujets devaient indiquer le contour de ce qu’ils considéraient entrer dans les catégories
de couleurs en question, tout en identifiant la pastille qu’ils considéraient la plus typique pour une
certaine couleur : « all those chips which he would under a ny conditions call x »32 et « the best,
most typical examples of x »33 (Berlin et Kay, 1969 : 7).
Nous rappelons également les conditions requises pour qu’un terme soit considéré « de
base ». Selon Berlin et Kay (1969 : 6-7), un terme de couleur doit remplir les conditions suivantes :
– il doit être « monolexemique », ce qui signifie n’est pas à prédire ou à déterminer à
partir du sens de ses composants ;
– « Its signification is not included in that of any other color term »34, ce qui prouve sans
équivoque son au tonomie sémantique, aucun autre terme n’ayant dans son sens celui
du terme de base en question ;

31 « Le set est composé de 320 casettes puces de couleur ayant 40 nuances situées à distance égale et huit degrés de
luminosité, toutes à une saturation maximale et neuf casettes de nuance neu tre (blanc, noir et gris) » (notre traduction) .
32 « Tous ces puces qu’il aurait sous toutes les conditions appelé x » (notre traduction) .
33 « Les meilleurs, les plus typiques exemples de x » (notre traduction) .
34 « Sa signification n’est incluse dans celle d’aucun autre terme de couleur » (notre traduction) .

109
– « Its application must not be restricted to a narrow class of objects »35, les auteurs
soutenant cette condition à remplir par l’exemple de « blond », dont l’em ploi est limité,
ne pouvant pas être utilisé pour déc rire une palette large d’objets ou de phénomènes ;
– « It must be psychologically salient for informants »36, cette saillance psychologique
résultant de son positionnement par les locuteurs parmi les termes de base, la stabilité
de la référence à la fois pour les usagers et dans les contextes les plus divers ;
– en ce qui concerne les termes qui peuvent poser des problèmes quant à leur
catégorisation, ils devraient enregistrer le même potentiel distributionne l que les termes
de base déjà reconnus comme tels ;
– les auteurs considèrent suspects les termes de couleur qui proviennent d’un nom
désignant des objets qui sont de ces couleurs -là ;
– les emprunts de date récente passent également pour suspects pour les auteurs :
« Recent foreign loan words may be suspect »37 ;
– et finalement, un dernier critère servant à délimiter les termes de base dans le cas des
termes dont le statut lexical est diffi cile à établir selon le premier critère,
« morphological complexity is given some weight as a second criterion »38.

Les couleurs de base identifiées par les auteurs pourraient entrer dans 2048 combinaisons,
mais en réalité ils ont trouvé uniquement 22 comb inaisons, ce qui représente environ « 1 per
cent » (Berlin et Kay, 1969 : 4) des possibilités combinatoires.
La liste des onze termes de base identifiés comprend les couleurs suivantes : blanc, noir,
rouge, vert, jaune, bleu, brun, violet, rose, orange et gris39, dont l’évolution dans les langues au fil
du temps est la suivante (Berlin et Kay, 1969 : 4) :

white [green]  [yellow] purple
[red] [blue] [brown] pink
black [yellow]  [green] orange
grey

Cette recherche a mené à une découverte très intéressante que nous citons en ce qui suit :
« 1. All languages contain terms for white and black.
2. If a language contain three terms, t hen it contains a term for red.
3. If a language contain four terms, then it contains a term for either green or yellow (but not both).
4. If a language contain five terms, then it contains terms for both green and yellow.
5. If a language contain six terms, then it contains a term for b lue.
6. If a language contain seven terms, the n it contains a term for brown.

35 « Son application ne doit pas être limitée à une classe restreinte d’objets » (notr e traduction).
36 « Celui -ci doit être psychologiquement saillant pour le public » (notre traduction).
37 « Les mots récemment empruntés d’autres langues peuvent être suspects » (notre traduction).
38 « La complexité morphologique acquiert un certain poids co mme un second critère » (notre traduction).
39 Les termes en français du schéma réalisé par les auteurs sont: blanc, noir, rouge, vert ou/et jaune, bleu, brun, violet
(pourpre), rose (mauve), orange, gris (notre traduction).

110
7. If a language contain eight or more terms, then it contains a term for purple, pink, orange, gre y,
or some combination of these »40 (Berlin et Kay, 1969 : 2 -3).

Cette évolutio n croissante conduit les auteurs à remarquer que les couleurs présentes dans
toute langue sont le noir et le blanc , chaque couleur qui s’ajoute n’annulant en rien la présence des
couleurs qui se situent à leur gauche dans le schéma ci -dessus.
À chaque éta pe identifiée par les auteurs dans les 20 langues, aux termes existants
s’ajoutent un ou deux termes nouveaux, sauf dans le dernier cas, quand le groupage comprend
quatre termes. Si une langue ne contient que deux termes, ce sont noir et blanc ; pour la langue qui
enregistre trois termes, c’est le terme rouge qui vient s’ajouter aux deux premières. Une situation
intéressante a été remarquée par Berlin et Kay dans le cas des langues qui contiennent quatre
termes : le quatrième terme est soit vert, soit jaune , mais jamais les deux. La situation des lang ues
qui ont cinq termes de base apporte l’équilibre : la langue qui avait déjà le terme vert reçoit le
terme jaune et la langue qui enregistrait déjà le terme jaune reçoit le terme vert. En sixième
position, nous trouvons le terme bleu, en septième position le terme brun et à partir de la huitième
la hiérarchie ne s’avère plus aussi rigoureuse que jusqu’à cette étape : c’est la position des termes
violet, rose, orange ou gris.
Bref, noir et blanc sont présents dans toutes les langues où, par exemple, bleu est présent,
mais également dans les langues où bleu n’est pas présent, ce qui n’est pas valable également pour
bleu, celui -ci n’étant pas présent dans toutes les langues où noir et blanc sont présen ts, mais
uniquement dans celles où brun, violet, rose, orange et gris sont présents.
Cela ne veut pas dire que pour les peuples parlant les langues qui n’ont que deux termes de
couleur (noir et blanc) les autres couleurs n’existent pas. Elles existent, mai s elles ne se
manifestent pas au niveau linguistique, elles ne sont pas lexicalisées, ce qui conduit à introduire
toutes les teintes sombres ou foncées dans la catégorie du noir et les teintes claires dans la
catégorie du blanc.

40 « 1. Toutes les langues possèdent des termes pour le blanc et le noir.
2. Si une langue possède trois termes, alors elle possède un terme pour le rouge.
3. Si une langue possède quatre termes, alors elle possède un terme soit pour le vert, soit pour le jaune (mais pas pour
les de ux).
4. Si une langue possède cinq termes, alors elle possède des termes pour les deux, le vert et le jaune.
5. Si une langue possède six termes, alors elle possède un terme pour le bleu.
6. Si une langue possède sept termes, alors elle possède un terme po ur le brun.
7. Si une langue possède huit termes, alors elle possède un terme pour le pourpre, le rose, l’orange, le gris ou quel que
combination de ces couleurs » (Berlin et Kay, 1969 : 2 -3) (notre traduction) .

111
La deuxième catégorie qui s urgit est celle du rouge et qui comprend « all reds, oranges,
most yellows, browns, pinks, and purples (including violet) »41 (Berlin et Kay, 1969 : 17).
Nous ne reprenons pas toutes les catégories, mais nous soulignons le constat des auteurs
selon lequel chaque terme qui apparaît dans une langue en vue de catégoriser les couleurs englobe
plusieurs couleurs rapprochées du point de vue de la teinte et de la saturation.
L’universalité dans la catégorisation de la couleur prouve en réalité qu’il y a un consens us
entre de différentes langues du monde en ce qui concerne les couleurs, les auteurs constatant qu’il
y a légèrement plus de différences entre les sujets natifs d’une même langue qu’entre natifs de
langues différentes. Il s’agit de l’existence de catégori es perceptuelles universelles.
Par les travaux déroulés, dans lesquels ils se sont servis des méthodes de Linneberg et
Roberts (1956), l’étape couverte par Berlin et Kay dans les recherches conduit es sur le lexique des
couleurs, a voulu rompre avec la théorie culturaliste de Sapir et Whorf et a mis en place une
approche des termes de couleurs fondée sur un protocole et sur les couleurs typiques ou focales
(foci)42. Cette théorie universaliste , selon laquelle « the eleven basic colo r categories are pan –
human perceptual universals »43 (Berlin et Kay, 1969 : 109) tient compte de l’évolution historique
des catégories et promeut le déterminisme biologique des couleurs que les auteurs considèrent
universelles.
2.3.2. Les termes chromatiques chez Michel Pastoureau
Nous avons mentionné ci -dessus les préoccupations des linguistes et des scientifiques
visant les termes chromatiques. Nous complétons que les couleurs représentent en égale mesure un
sujet de réflexion et de manifestation de tous les peup les de la planète, relevant de la culture, des
traditions et des coutumes de chacun, entre lesquels nous pouvons prouver des ressemblances,
bien entendu, mais à la fois des différences majeures. Les couleurs et leurs dénominations ont
représenté le long de l’histoire un champ d’étude d’une richesse toujours grandissante, qui a
représenté un outil extrêmement important dans les manifestations matérielles et dans les
manifestations linguistiques. Ces aspects ne pourraient pas rester hors recherche, par conséq uent
ils ont été traités à juste raison comme une partie de l’histoire des sociétés.
L’auteur qui a écrit la plus grande partie de son œuvre sur les couleurs est Michel
Pastoureau, mais ses livres et ses articles ne s’inscrivent pas dans la catégorie d’ana lyse

41 « Tous les rouges, les orange, la plupart des jaunes, bruns, roses et pourpres (y compris violet) » (notre traduction).
42 Notion que Roch utilisera elle -aussi, même si sa théorie ne va pas dans la direction de ces deux auteurs.
43 « Les onze catégories de couleurs basiques sont des universels perce ptuels pan -humains » (notre traduction).

112
linguistique, sa préoccupation visant une perspective historique. Nous trouvons cependant dans
chacun de ses ouvrages s ur lesquels repose notre corpus, des aspects linguistiques sur lesquels
l’auteur fond e ses réflexions, les faits de langue représentant un réservoir où le chercheur peut
trouver des informations très utiles pour sa démarche. Selon Pastoureau (2000 : 10),
« tous les documents doivent être interrogés : la couleur est par essence un terrain
transdocumentaire et transdisciplinaire. Mais certains terrains se révèlent à l’usage plus fructueux
que d'autres. Ainsi celui du lexique: ici comme ailleurs, l’histoire des mots apporte à notre
connaissance du passé des informations nombreuses et pertinente s ; dans le domaine de la couleur,
elle souligne combien, dans toute société, la fonction première de celle -ci est de classer, de
marquer, de proclamer, d’associer ou d’opposer. Ainsi et surtout celui des teintures, de l’étoffe et
du vêtement ».
Le lexique des quatre termes de couleur que nous étudions accompagne indissolublement
les autres manifestations de la couleur. Il sert à dénommer les couleurs de base, mais également
les teintes ; il sert aussi à catégoriser les couleurs à travers les époques et les sociétés ; il est plus
riche ou plus pauvre en fonction de la position d’une certaine couleur dans une société donnée.
Par exemple, Pastoureau (2008 : 28) réalise une analyse très intéressante à partir du terme
noir qui
« n’isole pas toujours complètemen t son champ chromatique de celui d’autres couleurs (brun, bleu,
violet) et, surtout, il distingue nettement deux grands ensembles : le noir mat ( ater) et le noir
brillant ( niger ). C’est là sa caractéristique essentielle: tandis que le rouge ( ruber ) et le vert ( viridis )
s’expriment par un seul terme de base, et que le bleu et le jaune sont au contraire privés d’un tel
terme et se nomment en ayant recours à un vocabulaire incertain et changeant […] le noir et le
blanc bénéficient chacun de deux mots d’usage courant, deux termes de base solides dont le champ
sémantique est suffisamment riche pour couvrir toute la palette chromatique et symbolique de ces
deux couleurs. Ater et niger pour le noir, albus et candidus pour le blanc ».
L’auteur analyse le lexique de s termes de couleur tant du point de vue sémantique, que du
point de vue étymologique et tout cela pour mieux comprendre l’évolution des couleurs au fil du
temps, ayant en vue le fait que chacune d’elles a mené une lutte avec une autre ou avec les autres
pour occuper une place ou pour garder sa position dans la hiérarchie des préférences sociales en
matière chromatique. Pastoureau (2000 : 26-27) souligne la
« difficulté à nommer le bleu se retrouve en latin classique (et plus tard en latin médiéval). Certes ,
il existe ici quantité de termes ( caeruleus, caesius, glaucus, cyaneus, lividus, venetus, aerius,
ferreus ), mais tous sont polysémiques, chromatiquement imprécis et d’emploi discordant. À
commencer par le moins rare d’entre eux, caeruleus , qui étymologiq uement évoque la couleur de la
cire, cera (entre blanc, brun et jaune), puis désigne certaines nuances de vert ou de noir, avant de se
spécialiser dans la gamme des bleus. […] Ce qui plus tard favorisera l’introduction de deux mots
nouveaux dans le lexique latin pour désigner le bleu, l’un venu des langues germaniques ( blavus ),
l’autre de l’arabe ( azureus ). […] Ainsi en français — comme du reste en italien et en espagnol —
les deux mots les plus courants pour désigner la couleur bleue ne sont pas hérités du latin mais de
l’allemand et de l’arabe: ‘bleu’ ( blau) et ‘azur’ ( lazaward ) ».

113
Nous remarquons que les préoccupations de Pastoureau visent l’apparition tant de la
couleur, que des termes pour la dénommer. Ces recherches linguistiques l’ont aidé à mieux
comprendre le chemin parcouru par chaque couleur.
C’est grâce à de tels faits de langue que l’auteur peut tirer des conclusions comme la
suivante :
« Le lexique cherche d’abord à dire si la couleur est mate ou brillante, claire ou sombre, dense ou
diluée, en suite seulement à déterminer si elle s’inscrit dans la gamme des blancs, des noirs, des
rouges, des verts, des jaunes ou des bleus. C’est là un fait de langue et de sensibilité d’ une
importance considérable […] » (Pastoureau, 2008 : 28-29).

Dans Rouge. Histoire d’une couleur , Michel Pastoureau critique la théorie universaliste sur
la catégorisation des termes de couleur des chercheurs américains Brent Berlin et Paul Kay,
théorie exposée dans l’ouvrage Basic Color Terms que nous avons présenté ci -dessus, en résumant
cette théorie de la manière suivante : « plus une société est technologiquement avancée, plus son
vocabulaire chromatique est riche et diversifié » (Pastoureau, 2016 : 51). Selon l’historien, il n’y a
rien d’universel « dans les faits de lexiqu e », vu le fait qu’il existe des langues dans lesquelles il
n’y a aucun terme de couleur et que d’autres langues qui « ignorent le blanc et le noir ». Sa
critique vise également le rapport entre le lexique et la technologie :
« les langues modernes de l’E urope, par exemple, usent au quotidien d’un vocabulaire chromatique
bien plus réduit que telle ou telle langue indigène d’Afrique noire, d’Asie centrale ou d’Océanie
parlée par un petit nombre de locuteurs. » (Pastoureau, 2016 : 51)
Dans ce travail de refa ire l’histoire vécue par l es couleurs, Pastoureau identifie même des
changements de catégories morphologique (le passage de l’adjectif au nom, gagnant de la sorte le
statut de catégorie abstraite, au -delà de la matérialité envisagée jusqu’alors) ou des emp lois
connotatifs des termes en discussion. En fait, la langue n’a fait rien d’autre que d’essayer de suivre
au fil du temps les actions humaines en matière chromatique, par cela comprenant à la fois la
découverte des pigments et des teintures et l’industri e qui s’est développée autour d’eux, le travail
des teinturiers ou des artistes qui s’efforçaient de produire, de reproduire ou de maintenir les
nuances, des prétentions des nobles de porter le meilleur exemplaire d’une couleur à la mode, les
limites impos ées par des autorités ou par l’église, etc.

114
2.3.3. Les dictionnaires d’Annie -Mollard Desfour
Annie Mollard -Desfour44 est l’auteure qui dédie une grande partie de son œuvre aux
couleurs45, la plupart de ces œuvres étant des dictionnaires. Spécialiste du lexique des couleurs, et
présidente du Centre Français de la Couleur, Annie Mollard -Desfour propose des dictionnaires
consacrés au blanc, au bleu, au gris, au noir, au rose, au noir, au rouge et au vert. Nous avons la
chance de retrouver un dictionnaire pour chacu n des termes sur lesquels porte notre recherche.
Dans les quatre dictionnaires qui nous intéressent :
Le Bleu. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui (XXe – XXIe), 2013,
Paris, CNRS Éditions ,
Le Rouge. Dictionnaire des mots et expressions d’aujourd’hui (XXe – XXIe), 2009, Paris,
CNRS Éditions ,
Le Noir. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui (XXe – XXIe), 2010,
Paris, CNRS Éditions et
Le Vert. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui (XXe – XXIe), 201 2,
Paris, CNRS Éditions

l’auteure rassemble tous les termes se rattachant à ces quatre couleurs, qu’il s’agisse de la langue
courante ou de la langue spécialisée, tout en précisant les domaines desquels relèvent les termes en
discussion. Œuvres dédiées entièrement au bleu, au noi r au rouge et au vert, les dictionnaires sont
construits selon la même structure, en trois parties bien délimitées :
 une première partie consacrée au terme générique , qui commence par l’étymologie
et continue avec le terme
o en tant qu’adjectif :
 bleu (seul ou dan s des locutions nominales comme heure bleue, nuit bleue,
ligne bleue, Plan Bleu, houille bleue, Cavalier bleu, papier bleu, billet
bleu, livre bleu, ruban bleu, sang bleu, maladie bleu , etc.) ;
 noir (suivant la même structuration, d’abord seu l, ensuite dans des
locutions nominales : la Perle noire, or noir, fleur noire, marée noire, café
noir, tulipe noire, carte noire, triangle noir, habit noir, viande noire,
gueule noire, vent noir, etc.) ;

44 Annie Mollard -Desfour , linguiste -lexicographe au CNRS, a collaboré à la rédaction du Trésor de la Langue
française de 1975 à 1992. Elle est devenue la spécialiste du lexique chromatique du français contemporain et elle a
publi é plusieurs volumes du Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui (Le Bleu, Le Rouge, Le
Noir, Le Vert, etc.).
45 À côté des qu atre dictionnaires consacrés au quatre couleurs que nous étudions, son ouvrage comprend d’autres
dictionnaires et un grand nombre d’articles parmi lesquels : Le lexique de la couleur : de la langue à la culture… et
aux dictionnaires , article paru dans la R evue d’Études Françaises, No 16 (2011) ; Le Dictionnaire des mots et
expressions de couleur. Le Rose , 2002, Paris, CNRS Éditions ; Le Blanc. Dictionnaire de la couleur. Mots et
expressions d’aujourd’hui XXe-XXIe, 2008, Paris, CNRS Éditions, Le Gris. Dicti onnaire de la couleur. Mot s et
expressions d'aujourd'hui XXe-XXIe, 2015 , Paris, CNRS Éditions.

115
 rouge (une fois de plus, l’auteure commence par la définition de l’adjectif
et continue avec des locutions nominales comme planète rouge, boues
rouges, poisson rouge, bec rouge, viande rouge, le Dimanche rouge,
chiffon rouge, bille/boule rouge, lanterne rouge, drapeau rouge, axe rouge ,
etc.) ;
 vert (l’au teur en donne la définition, suivie de locutions nominales comme
rayon vert, l’enfer vert, la verte Erin, œil vert, blé vert, volée de bois vert,
cuir vert, feu vert, onde verte, guide vert, Chevalier vert, bérets verts,
habit vert, billet vert, verte jeun esse, des vertes et des pas mûres , etc.).
o en tant qu’adverbe – c’est la section composée de locutions adverbiales ou
verbales dont nous citerons quelques exemples pour chacune des couleurs
 bleu, A. Mollard -Desfour (2013 : 55-56) retient : flamber bleu, il fait bleu,
cracher bleu
 noir, A. Mollard -Desfour (2010 : 48), nous citons : faire noir, voir noir ;
 rouge , A. Mollard -Desfour (200 9 : 131 -132), nous avons trouvé : faire
rouge, de fâcher tout rouge, voir rouge, voter rouge et
 vert (A. Mollard -Desfour, 2012 : 69) retient une seule expression voter
vert, vers la fin de la section « adjectif » du dictionnaire.
o en tant que substantif , marqué séparément dans chaque dictionnaire des
sous-sections différentes pour les substantifs masculins et les substantifs
féminins, à leur tour inventoriés et définis, tant au sens propre qu’au sens
figuré, selon le nombre (au singulier et puis au pluriel), le niveau de langue
(argotique, familier, etc.), les domaines spécialisés et à la fin dans des
locutions (nominales ou v erbales).

Pour chaque entrée, termes simples ou locutions dans lesquelles ces termes apparaissent,
l’auteur en précise tant le domaine dans lequel le terme est utilisé, que des citations illustrant le
sens en discussion.
 une deuxième partie est consacrée aux dérivés du bleu, du noir, du rouge et du vert,
chacun dans le dictionnaire dont il est le maître -mot.
o dans le dictionnaire du bleu, l’auteure commencer par « bleu-bite / bleubite », elle
définit tous les dérivé du bleu ( bleuâtre, bleuet,ette bleuir, bleuté, etc.) jusqu’à
« blueswoman ». Quantitativement, cette section est la moins riche, mais complète :
elle comprend tant des usages de l’argot que des usages du langage spécialisé ;
o dans le dictionnaire du noir, Annie Mollard -Desfour (2010 : 65) nous présente les
dérives du noir « de Atrabile à Ultra -noir… En passant par black, melano, niger et
percno ». D’autres exemples : mélancolie, nielle, noirceur, noircir, noirien , etc. ;
o dans le dictionnaire du rouge , nou s découvrons ses dérivée à partir des termes
composés à l’aide de l’élément érythr(o) – jusqu’au terme rubrique . Entre ces
termes, nous mentionnons aussi : rouge -gorge, rougeâtre, rougeaud,
rougeoyant(e), rougeur et rougi ;
o dans le dictionnaire du vert, Ann ie Mollard -Desfour (2012 : 91) nous propose les
dérivés de ce terme « De Chlor(o) – à Viride … En passant par Green, Grün, Verd /
Vert ». Nous sélectons quelques autres termes : verdâtre, verdeur, verdir, déverdir,
reverdissage, verdoyer, verdure, etc.

116
 finalement, la troisième partie de chaque dictionnaire est la partie quantitativement
supérieure aux deux autres, prouvant ainsi une richesse remarquable des variations
sur les quatre couleurs :
o le bleu enregistre des variations « De Acier à Wallis » (Mol lard-Desfour, 2013 :
123),
o le noir est défini « De Airelle à Zan » (Mollard -Desfour, 2010 : 117) ,
o le rouge présente ses variations « De Amarant(h)e à Zeffirellien » (Mollard –
Desfour, 2009 : 195) et
o le vert présente ses variations « De Absinthe à Wagon » (Mollard -Desfour, 2012 :
161).

Entre les deux auteurs, Michel Pastoureau et Annie Mollard -Desfour, nous avons constaté
deux différences significatives:
 Michel Pastoureau retrace l’histoire et s’interroge sur le devenir de la couleur, en
nous présentant l e trajet social à la suite de l’analyse de la « vie » de quelques
couleurs depuis leur « naissanc e » jusqu’à présent, tandis qu’ Annie Mollard –
Desfour s’occupe du bleu, du blanc, du rose et d’autres couleurs en tant que mots
du lexique ou termes du langage spécialisé, en précisant leur signification, leurs
relations sémantiques, leur étymologie et leur formation (dérivation ou
composition). Nous pouvons utiliser ces dictionnaires pour délimiter les champs
lexico -sémantiques du bleu, du noir, du rouge et du v ert.
 Pastoureau dédie lui -aussi un ouvrage à chaque couleur, mais les deux auteurs les
traitent différemment, en ce sens que chez Michel Pastoureau les histoires de quatre
couleurs s’entre -pénètrent parfois, il est impossible de parler uniquement d’une
couleur à n’importe quelle époque, tandis que chez Annie Mollard -Desfour chaque
couleur peut facilement délimiter son « territoire », n’ayant pas besoin des autres
pour en répertorier les sens dans des contextes de manifestation des plus différentes.
Cependant, elle y a recours dans les définitions. Par exemple,
 l’adjectif et le nom bleu qualifient la couleur qui « se situe entre l’indigo et le vert »
(Mollard -Desfour, 2013 : 6) ;
 l’adjectif noir désigne quelque chose « qui est de la ‘couleur’ la plus foncée, sombre »
(Mollard -Desfour, 2010 : 6), et dans le cas du nom noir c’est pareil, aucune autre couleur
ne peut aider à le délimiter ou à le décrire ;
 cela ne se répète pas dans le cas du r ouge : il est rapporté uniquement au spectre solaire,
même ses nuances sont comprises entre clair et foncé ;
 l’adjectif vert est la couleur d’un objet qui « se situe entre le bleu et le jeune […]. Le terme
vert englobe les nuances pouvant varier du vert foncé au vert très clair, vers les nuances du

117
jaune ou du bleu, du foncé au pâle et blême » (Mollard -Desfour, 2012 : 6) et dans la
définition du nom vert l’auteure ajoute « complémentaire du rouge » (Mollard -Desfour,
2012 : 71).
Nous n’avons pas pris en compte les précisions faites par l’auteure pour des contextes
spéciaux où les termes peuvent apparaître, ceux -ci ne représentant pas le cas général, lorsque pour
les décrire il est inévitable de faire appel à d’autres couleurs.
2.3.4. D’autres ouvrages sur les couleurs
Un ouvrage qui mérite une attention particulière appartient à l’historien d’art britannique
John Gage, qui s’intitule Couleur & Culture. Usages et significations de la couleur de l’Antiquité
à l’abstraction, ouvrage qui retrace l’histoire de l’utilisation de la couleur dans l’art et dans la
culture en Occident, mais il a recours également aux explications scientifiques et technique,
puisqu’une couleur derrière son histoire en ensemble, appartient à une multitude de domaines, des
plus pratiques et concrets comme le domaine scientifique et technique – par exemple, la
fabrication des pigments, la composition mais aussi l’importance de la palette des peintres qu’il
envisage comme « la mère de toutes l es couleurs (Gage, 1993 : 177), aux domaines comme la
philosophie et la religion.
Il existe beaucoup d’ouvrages sur les couleurs, surtout des ouvrages scientifiques, avec un
degré de spécificité plus ou moins élevé, en fonction du public auquel ils s’adres sent. Nous avons
consulté quelques -uns de ces ouvrages, surtout pour en extraire des paramètres de classification
des couleurs et des définitions, informations que nous avons utilisées notamment dans le chapitre
dédié aux termes spécialisés relevant du dom aine chromatique.
Parmi ces ouvrages, nous citons l’Art de la couleur de Johannes Itten, le Code Universel
des Couleurs d’Eugène Séguy, L’étoffe au fil des civilisations de Nicole Renau, Rayures. Une
histoire des rayures et des tissus rayés de Michel Past oureau, Dictionnaire d’histoire de l’art de
Jean-Pierre Néraudau, Couleurs et lumière de Chérif Zananiri, L’harmonie des couleurs : le guide
de Tina Sutton et Bride Whelan et d’autres.
Nous avons essayé de consulter des ouvrages spécialisés dont le sujet avait trait à la
couleur dans le but d’aborder la terminologie d’une manière plus complexe, puisque les histoires
des couleurs écrites par Pastoureau englobent à leur tour plusieurs domaines des sociétés
européennes.
Par exemple, nous avons utilisé ces ouv rages spécialisés pour en emprunter les paramètres
selon lesquels les couleurs peuvent être classifiées et à l’aide desquels nous avons identifié tant les

118
termes relevant du champ terminologique de la couleur, que les groupes terminologiques formés
avec ce s termes chromatiques. Pour ne donner qu’un seul exemple à ce stade, nous nous sommes
penchée sur la comparaison des couleurs qui aboutit à établir ce que les spécialistes appellent
contraste de couleurs , car elle pouvait nous conduire à la découverte de nouveaux termes
chromatiques, que nous avons ensuite recherchés dans les quatre ouvrages de Pastoureau pour
compléter l’inventaire et l’analyse de la terminologie chromatique.
Pour ce faire, nous avons e u recours à la classification proposée par Johannes Itten (1967 :
35), peintre et chercheur qui, convaincu que « les organes de nos sens ne peuvent percevoir que
par l’intermédiaire de comparaisons », a proposé sept contrastes des couleurs : le contraste d e la
couleur en soi ; le contraste clair -obscur ; le contraste chaud -froid ; le contraste de
complémentaires ; le contraste simultané ; le contraste de qualité ; le contraste de quantité .
En ce qui concerne le premier contraste, il est obtenu par l’utilisa tion de trois couleurs
pures, à condition qu’elles soient différentes l’une de l’autre, l’opinion de l’auteur étant que l’effet
le plus fort est obtenu à l’aide des couleurs primaires et le plus faible lorsque nous nous en
éloignons.
Le deuxième contraste, celui du clair -obscur , atteint son maximum par l’opposition du
noir et du blanc, entre les deux se situant beaucoup de tons gris, qui à leur tours peuvent être
obscurs et clairs.
Le contraste chaud -froid identifie « une sensation de température du domaine de
l’impression optique des couleurs », qui provient de la nature même de la couleur. Pour ce qui est
du corps, l’auteur note que « le bleu -vert amortit la circulation du sang, alors que le rouge -orangé
la rend active » (Itten, 1967 : 64). De la catégorie des couleurs chaudes font partie le rouge, le
jaune et l’orangé, mais également leurs dérivés, tout comme de la catégorie de couleurs froides
font partie le bleu, le vert et le violet avec leurs dérivés.
Même si selon Eugène Séguy (1936 : XVI) « [d]eux co uleurs simples ou composées dont
la réunion produit du ‘blanc’ ou du gris sont des couleurs complémentaires », pour ce qui est du
contraste des complémentaires, Itten (1967 : 78) soutient que « [d]eux couleurs pigmentaires qui,
mélangées, donnent du gri -noir neutre, nous les désignons sous le nom de couleurs
complémentaires ». L’auteur continue sa théorie :
« Physiquement, deux lumières colorées qui, mélangées, donnent de la lumière blanche sont
également complémentaires.

119
Deux couleurs complémentaires sont une paire de couleurs étrange. Elles sont opposées, elles
s’exigent réciproquement, elles se renforcent jusqu’à la luminosité la plus grande l’une à côté de
l’autre et se détruisent par le mélange, en gris – comme le feu et l’eau » (Itten, 1967 : 78).

Le contraste suivant sur la liste d’Itten est le contraste de qualité , l’auteur comprenant par
la notion de qualité « le degré de pureté ou de saturation des couleurs » et par le contraste de
qualité l’« opposition de couleurs saturés, lumineuses, et de cou leurs éteintes, ternes » (Itten,
1967 : 96). Puisqu’il existe un contraste de qualité, il semble parfaitement normal d’exister aussi
un contraste de quantité, qui « concerne les rapports de grandeurs de deux ou de plusieurs taches
de couleurs. C’est donc l ’opposition ‘beaucoup et peu’ ou ‘grand et petit’ » (Itten, 1967 : 104).
Le contraste simultané consiste dans
« le phénomène qui fait que notre œil, pour une couleur donnée, exige en même temps, donc
simultanément, la couleur complémentaire, et qu’il engendre lui -même si elle n’est pas donnée »
(Itten, 1967 : 87).
Tous ces contrastes sont possibles parce qu’il est possible de comparer les couleurs et
d’établir des différences visibles entre elles.

Conclusion s partielles
La couleur a toujours suscité un intérêt particulier, tant dans la vie privée des individus qui
l’ont toujours utilisée pour embellir leur environnement ou pour transmettre des messages, que
dans les milieux professionnels. Dans cette deuxième catégorie, nous pourrions identifier deux
volets majeurs : le premier scientifique et le second humaniste.
Dans ce chapitre, nous avons présenté plusieurs aspects de la vie des couleurs, en essayant
de nous attarder sur les ouvrages qui traitent des termes de couleur, d u langage chromatique, de la
dénomination et des faits de langue de manière générale, sans cependant ignorer les ouvrages
scientifiques, qui nous ont fourni des paramètres de classification de la couleur nécessaires pour
une analyse ultérieure.
Nous avons insisté sur les ouvrages de Michel Pastoureau sur les quatre couleurs ( bleu,
noir, rouge et vert), parce que ce sont les ouvrages dont nous avons extrait notre corpus, ainsi que
sur les dictionnaires d’Annie Mollard -Desfour, où nous avons découvert un nomb re
impressionnant de termes chromatiques pour chacune des quatre couleurs qui nous préoccupent.

120

121

CHAPITRE III

LE CORPUS

Introduction
Cette section de la première partie de notre thèse se donne pour objectif de présenter le
corpus que nous nous proposons d’analyser et la source dont nous avons rassemblé le corpus
principal. Ainsi, le corpus que nous avons l’intention d’étudier inclut le champ lexico -sémantique
des termes de couleur extrait à partir des quatre ouvrages de Michel Pastoureau, monographies
consacrées aux couleurs bleue, noire, rouge et verte . Nous présenterons dans cette partie chacun
de ces ouvrages, dans le but d’offrir une perspective du contexte dans lequel se matérialisent les
éléments du champ lexico -sémantique en discussion.
Nous présenterons sous une forme schématisée ce corpus, qui sera accompagné par un
corpus secondaire, composé des dictionnaires consultés dans not re démarche.
La présente sous -section continue avec les spécificités du corpus constitué en vue de cette
étude, ensuite nous tournons notre attention sur le logiciel auquel nous avons eu recours pour
numériser le corpus en discussion et sur les fonctions d u logiciel choisi que nous utiliserons dans
l’analyse.

3.1. Présentation schématique du corpus
Le corpus auquel nous nous intéressons pour notre recherche peut être schématisé de la
manière suivante :
 Le corpus principal , constitué des termes qui composent les champs lexico –
sémantiques des couleurs bleu, noir, rouge et vert extraits des quatre ouvrages de
Michel Pastoureau
 Bleu. Histoire d’une couleur , 2000, Paris, Seuil ;
 Noir. Histoire d’une couleur , 2008, Paris, Seuil ;
 Rouge. Histoire d’une couleur , 2016, Paris, Seuil et
 Vert. Histoire d’une couleur , 2013, Paris, Seuil.

122

 Un corpus secondaire , que j’ai organisé selon l’usage que j’en ai fait :
 Dictionnaires généraux, dont j’ai extrait les définitions des quatre termes
chromatiques analysés, pour en faire ressortir les différentes catégories de
sèmes nécessaires pour le chapitre destiné à l’analyse sémique des termes
en tant que substantifs et adjectifs :
 Version papier :
Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome II, Bip -Cout, 1985, Dictionnaires
Le Robert, Paris ;
i. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome VI, Lim -Oz, 1985,
Diction naires Le Robert, Paris ;
ii. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome VIII, Raiso -Sub, 1985,
Dictionnaires Le Robert, Paris ;
iii. Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire Alphabétique et
analogique de la Langue Française, Tome IX, Suc -Z, 1985,
Dictionnaires Le Robert, Paris ;

 Version en ligne
Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://atilf.atilf.fr/;

 Les dictionnaires spécialisés, dont l’auteur est Annie Mollard -Desfour et
qui ont servi à la vérification des termes relevant de la langue spécialisée :
i. Le Bleu . Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui
XXe – XXIe, 2013, Paris, CNRS Éditions ;
ii. Le Noir. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui
XXe – XXIe, 2010, Paris, CNRS Éditions ;
iii. Le Rouge. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions
d’aujourd’hui XXe – XXIe, 2009, Paris, CNRS Éditions ;
iv. Le Vert. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui
XXe – XXIe, 2012, Paris, CNRS Éditions ;

 Les dictionnaires d’expressions / de combinaisons de mots
 Version papier : Dictionnaire des expressions et locutions , 1989 et
Dictionnaire de Combinaisons de Mots , 2007, Dictionnaires LE
ROBERT, Paris ;

123
 En ligne : Dictionnaire des collocations
(http://www.tonitraduction.net/) et Dictionnaire des cooccurrences
TERMIUM Plus® du Gouvernement du Canada,
(http://www .btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha –
fra.html?lang=fra .).

3.2. Le corpus principal
Puisqu’une telle démarche n’est pas du tout facile, ayant en vue le grand nombre de
domaines que l’auteur devait étudier dans son travail de reconstitution de l’histoire des quatre
couleurs, Michel Pastoureau (2000, 2003, 2008, 2016) explique très clairement les défis qu’une
telle démarche suppose et il identifie trois catégories de difficultés dont un historien peut se
heurter dans sa recherche, difficultés qu’il rappelle dan s chacun des quatre ouvrages :
3.2.1. Les défis de l’auteur
a) la première catégorie enregistre des difficultés d’ordre documentaire .
Dans cette catégorie, l’historien introduit d’un part les documents qu’il étudie (les œuvres
d’art, les images, les monuments et tou te sorte d’objets qui l’aident à mieux comprendre ce qui
s’est passé il y a longtemps, et d’autre part il ajoute la contribution du temps à conserver ou à
transformer la couleur sur tous ces documents en ces couleurs qui se présentent devant nous après
des périodes plus ou moins longues, en insistant également sur l’importance des conditions
d’éclairage qui ont beaucoup changé depuis l’Antiquité – celles offertes par la torche, la lampe à
huile, la bougie ou la chandelle – jusqu’à celles des temps modernes assurées par le courant
électrique et sur les modifications apportées dans le temps aux créations initiales en raison de
l’évolution de l’industrie des colorants ou de « l’action des hommes qui, au fil des siècles, ont
peint et repeint, modifié, nettoyé, v erni ou supprimé telle ou telle couche de couleur posée par les
générations précédentes » (Pastoureau, 2008 : 13), qui constitue à son tour une précieuse source
d’information pour l’historien.
Il avoue cependant ses réserves face aux « entreprises de labo ratoire qui se proposent, avec
des moyens techniques désormais très élaborés, et une publicité parfois tapageuse, de ‘restaurer’
les couleurs ou – pire – de les remettre dans leur état premier restauration » parce que « la réalité
historique n’est pas seul ement ce qu’elle a été dans son état premier, c’est aussi ce que le temps en
a fait ». (Pastoureau, 2008 : 13).
L’auteur constate un fait très intéressant et étonnant en quelque sorte en ce qui concerne les
recherches faites auparavant par les historiens e t les archéologues qui, à force d’avoir conduit ces

124
recherches sur la base des photographies, gravures, iconothèques et tous autres documents
existants qui étaient quasiment tous en noir et blanc, ils
« ont, jusqu’à une date récente, pensé et étudié le pa ssé soit comme un monde fait de gris, de noirs
et de blancs , soit comme un univers d’où la couleur était totalement absente » (Pastoureau,
2008 : 14).

Nous considérons cela étonnant, d’autant plus que nous ne devons pas être spécialistes (dans
n’importe quel domaine) pour nous rendre compte qu’au moins la couleur des yeux, de la peau et
la couleur des cheveux, sans plus parler des couleurs de la nature, sont les mêmes depuis toujours,
ce qui, même si les documents de certaines époques n’en fournissent pas d’informations en tenant
compte du manque de matières colorantes, n’est pas impossible de déduire. Mais l’auteur justifie
cela par une pratique qui date depuis longtemps de mener les enquêtes sur l’histoire en utilisant le
plus souvent pour diverses raisons des documents sous la forme de reproductions en noir et blanc.
b) dans la deuxième catégorie l’auteur retient des difficultés d’ordre méthodologique
Cette catégorie est étroitement liée à la première, celle des documents. Ayant en vue la
multitude accablante de documents que l’historien doit étudier pour relater la vie complète des
couleurs (comme nous l’avons déjà dit, il s’agit de textes, d’images, d ’œuvres d’art, de
monuments, de vêtements, au -delà desquels se trouve toute une industrie des colorants et des
pigments dans différents moments de son développement, donc des aspects techniques et
scientifiques et par l’interprétation desquels le spécialis te se dirige vers la symbolique, l’idéologie,
la sociologie, etc.), l’historien est forcé de limiter la ou les méthodes qu’il emploie en fonction de
l’objectif qu’il s’est proposer, de l’idée qu’il essaie de démontrer. Selon Pastoureau (2016 : 9),
jusqu’à présent « aucun chercheur, aucune équipe n’a encore proposé des méthodes pertinentes
qui aideraient l'ensemble de la communauté savante à mieux étudier les problèmes de la couleur ».
Il est évident que nous ne pouvons pas employer la même méthodologie pour étudier par exemple
le lexique chromatique et les pigments ou un texte et une œuvre d’art. Par conséquent,
l’abondance des questions que soulèvent les domaines de manifestation des couleurs et la
spécificité tant des domaines en cause que des méthodes emp loyées dans chacun des domaines
déterminent les chercheurs à se diriger vers une direction ou vers une autre, en choisissant les
moyens et les méth odes appropriées pour ce faire.

125
c) la troisième et dernière catégorie est constituée par des difficultés d’ordr e
épistémologique
Ce dernier groupage de difficultés rassemble celles dues à l’évolution des savoirs dans ce
domaine si spécial des couleurs. Comme Pastoureau (2008 : 15) l’affirmait,
« il est impossible de projeter tels quels sur les monuments, les œuvres d’art, les images et les
objets produits par les siècles passés nos définitions, nos conceptions et nos classements actuels de
la couleur ».

Il y a eu au fil des siècles et il exist e encore de nos jours des différences au niveau de la
perception, au niveau de la dénomination et aussi à celui de la catégorisation. L’exemple le plus
connu est celui du noir et du blanc qui ont été considérés des couleurs, ensuite des non couleurs,
pour revenir plus tard au statut de couleurs.
Selon Arthur Schopenhauer (1986 : 65), la théorie des couleurs se fonde sur des « paires de
coule urs, et la pureté […] dépend de l’exactitude de la fraction qu’elle exprime » et si nous
admettons
« un nombre déterm iné de couleurs, par exemple sept, qui seraient originairement données
à l’extérieur, et qui produiraient ensemble la totalité des couleurs, indépendamment de
l’activité de la rétine et de ses rapports de divisibilité, est absurde. Le nombre des couleurs
est infini ».

Ainsi, les paires de couleurs se situent en positions de compléments de chacune des
couleurs rouge, bleu et vert.
Pour ce qui est de la catégorisation en couleurs chaudes et couleurs froides, que l’auteur
considère « pure convention » ou en couleurs primaires et couleurs complémentaires, tout comme
« du spectre (inconnu avant la fin du XVIIe siècle), […] de la loi du contraste simultané ou des
prétendus effets physiologiques ou psychologiques des couleurs » (Pastoureau, 2016 : 9), tous ces
savoirs ne coïncident plus avec ceux du passé et n’annoncent en rien ceux de l’avenir.
Autrement dit, l’histoire de l’humanité est en évolution ininterrompue, y compris bien
entendu tous les aspects de la vie humaine, depuis la vie quotidienne d’un individu, de la vie des
communautés plus ou moins étendues qui enregistre permanemment des transformations sociales
et culturelles, des changements de rapports de tout ce qui tient de la vie d’une société jusqu’aux
découvertes scientifiques et aux progrès de la tec hnique. C’est pour cela qu’il est impossible
d’utiliser un seul moule où l’historien introduise tout ce qu’il veut étudier, de n’importe quelle

126
époque ou de n’importe quel domaine, parce que le risque d’employer des informations obsolètes
est très grand.
Nous voulons préciser que dans l’analyse de notre corpus, nous avons traité les termes de
couleur alphabétiquement, mais dans cette sous -section ne respecterons pas le même ordre, mais
nous présenterons les ouvrages chronologiquement, en ordre de leur parut ion.
3.2.2. Les ouvrages de Michel Pastoureau
Nous présenterons dans les pages suivantes chacun des quatre ouvrages de Michel
Pastoureau sur lesquels repose notre corpus.
3.2.2.1. Bleu. Histoire d’une couleur
Le premier ouvrage rédigé sous la forme d’une monographie est Bleu. Histoire d’une
couleur , paru en 2000. Comme le titre l’annonce, l’ouvrage est dédié à la reconstitution de
l’histoire d’une couleur, dans ce premier cas, le bleu.
Comme nous l’avons précisé ci -dessus, l’évolution en diachronie de la couleur ne respe cte
pas les périodes selon lesquelles les historiens divisent les faits historiques, mais elle se forge ses
propres âges, en fonction de la perception de la société et, bien évidemment, en fonction des
progrès au niveau de l’industrie des colorants et des pigments.
Les périodes que Michel Pastoureau identifie en respectant ce développement scientifique,
technique et surtout social dans le parcours du bleu dans l’histoire des sociétés européennes
servent à l’auteur d’échafaudage de son travail comme suit :

Figure 12 : Le trajet historique du bleu
Ces quatre chapitres de la monographie auxquels correspondent les quatre périodes
inventoriées par l’historien dans l’évolution du bleu sont organisés à leur tour en sous -parties qui des origines au XIIe siècle
« Une
couleur
discrète » du XIe au XIVe siècle
« Une
couleur
nouvelle » entre le XVe et le XVIIe
siècle
« Une
couleur
morale »

du XVIIIe au
XXe siècle
« La couleur
préférée »

127
traitent des aspects différents, des domaines différents ou des modifications sociales moins
saisissables que celles qui composent les grandes périodes.
Selon l’auteur, le bleu, comme toute autre couleur, nous allons le voir plus tard, est un fait
de société . Ainsi, il ne relè ve pas seulement de la physique, de la chimie et de notre vue, de notre
perception, mais il est porteur des phénomènes culturels de l’humanité. En réalité, c’est la société
qui met la couleur sur telle ou telle place de la hiérarchie de ses valeurs, de ses préoccupations,
c’est elle qui la crée, c’est toujours elle qui la promeut et qui lui assigne des rôles ou des symboles
valorisants, et c’est de nouveau elle qui l’ignore jusqu’à ce que celle -ci perde sa valeur, la
détruisant de cette manière. Cela ne veu t pas dire que la couleur disparaît, mais seulement qu’elle
ne compte plus, elle n’est plus un personnage principal sur la scène de la société.
Michel Pastoureau met en exergue d’une manière très détaillée l’apparition tardive du bleu
par rapport à d’autre s couleurs. Jusqu’au XIIe siècle, l’auteur constate l’existence d’un système
chromatique comprenant le blanc, le noir et le rouge (la couleur par excellence), par conséquent
sans le bleu (tout comme d’autres couleurs bien entendu). Cette couleur paraissait inexistante,
même si l’individu s’en réjouissait certainement par un coup d’œil jeté vers le ciel qui a la même
couleur depuis toujours ou en admirant une fleur de couleur bleue, ou plus encore, il disposait de
la guède et de l’indigo comme matières color antes, les celtes et les germains les employaient déjà.
Ainsi, le bleu est longtemps resté silencieux et discret, mais aussi « la couleur des Barbares, Celtes
et Germains » tout simplement, ce qui signifiait pour les Romains qu’il était utilisé par les peu ples
barbares.
La réponse à la question que même les spécialistes ont formulée si les Grecs et les
Romains distinguaient la couleur bleue, paraît simple et incompréhensible en même temps :
l’individu la voyait, mais il choisissait de l’ignorer. Plus encore , l’histoire nous raconte que les
gens la détestaient. Cette couleur particulièrement, sous toutes ses formes, ce qui inclut bien
entendu les personnes aux yeux bleus : « Quant à avoir les yeux bleus, c’est presque une disgrâce
physique. Chez la femme, c’e st la marque d’une nature peu vertueuse ; chez l’homme, un trait
efféminé, barbare ou ridicule. » (Pastoureau, 2000 : 27)
L’étude des documents de l’époque ont montré à l’auteur l’absence du bleu de leurs
vêtements des nobles, ce qui constitue une preuve d u fait que cette catégorie sociale refusait de la
porter, même si elle existait comme une couleur discrète. En revanche, elle était portée par « les
paysans et les personnes de basse condition » (Pastoureau, 2000 : 30) et nous comprenons ainsi la

128
position occupée dans la société par le bleu à ses débuts, puisqu’il est généralement connu qu’un
vêtement est un élément important pour prouver le statut d’une couleur dans une civilisation
donnée et dans une époque donnée, cela étant en outre plus facile à observ er par nous tous que la
peinture ou l’art en général, domaines de prédilection des couleurs. Un autre domaine important
de la vie sociale d’où le bleu était également absent est l’église. Il n’était pas l’une des couleurs
liturgiques, mais plus tard cela a changé et le bleu est devenu la couleur de la Vierge et ensuite la
couleur du roi.
Cette absence de la vie quotidienne se retrouve bien évidemment au niveau du lexique de
l’époque : du latin classique, Pastoureau (2000 : 26) retient plusieurs termes qui dénommaient le
bleu comme « caeruleus, caesius, glaucus, cyaneus, lividus, venetus, aerius, ferreus » mais ces
termes sont polysémiques et imprécis en même temps ; puisque les langues n’enregistraient pas de
mots stables pour cette couleur, ce fait a déter miné par exemple l’emploi de mots comme glaukos
et kyaneos dans le grec, et cette même hésitation dans le processus de dénomination a conduit
ainsi à l’existence en français de deux mots, l’un emprunté de l’allemand, du terme blau (bleu) et
l’autre de l’ar abe lazaward (azur) (Pastoureau, 2000 : 27).
À partir du XIIe siècle, le bleu a subi une « mutation culturelle de grande ampleur »
(Pastoureau, 2000 : 50), l’histoire enregistrant ainsi un nouvel ordre des couleurs. Le bleu
commence son ascension, il devi ent un enjeu religieux46 depuis le vêtement de la Vierge, une
couleur mariale qui fait vite son apparition sur les armoiries et dans la vie des rois, devenant une
couleur politique47, une couleur royale (tandis que le rouge reste la couleur impériale) ; du XVe au
XVIIe siècle, le bleu est une couleur morale, faisant cette fois -ci concurrence au noir ; son
évolution est due également à l’industrie des colorants et des pigments ou au domaine des
vêtements, qui se révèle un précieux réservoir d’informations pou r cette histoire, par exemple il y
avait des couleurs prescrites et des couleurs interdites, des couleurs porteuses de marques
discriminatoires, mais le bleu ne s’y retrouve pas, « il n’est ni prescrit ni interdit, son usage est
libre, neutre, sans danger » (Pastoureau, 2000 : 93), ce qui peut justifier son succès jusqu’à
présent ; il est présent également sur la palette des peintres, au début comme une couleur lointaine,

46 Pastoureau identifie au niveau de l’église deux catégories de prélats : des chromophiles et des chromoph obes, les
premiers identifiant le bleu avec la divinité, la lumière et le ciel, les seconds considérant que la couleur, en tant que
matière, s’interpose dans la relation avec la divinité.
47 En tant que couleur politique, le bleu apparaît premièrement en France sur les armoiries, la cocarde, le drapeau et
les uniformes, pour devenir plus tard le symbole de la paix, tel que l’Union Européenne le promeut en le mettant sur
son drapeau, par exemple .

129
plus tard comme l’une des couleurs primaires ; dans la littérature, il bénéficie d’un statut
particulier, il est associé « à l’idée de joie, d’amour, de loyauté, de paix et de réconfort, le bleu
devient à la fin du Moyen Âge, pour certains auteurs, la plus belle et la plus noble des couleurs »
(Pastoureau, 2000 : 80).
Toutes ces transforma tions enregistrées dans l’histoire du bleu ont conduit à ce qu’il est
aujourd’hui. L’auteur a constaté la difficulté de fabriquer et de maîtriser cette couleur au fil du
temps et nous pourrions nous expliquer ainsi l’absence initiale du bleu dans les socié tés, mais une
fois que les teinturiers ont appris comment le faire, ce n’est pas exactement la raison pour laquelle
le bleu a commencé à gagner du terrain à la défaveur d’autres couleurs (comme le rouge). Selon
Pastoureau (2015 : 22), ce renversement est d û à « un changement profond des idées religieuses.
Le Dieu des chrétiens devient en effet un dieu de lumière. Et la lumière devient… bleue » et « La
Vierge devient le principal agent de promotion du bleu ».
Il apparaît vraiment plus tard ou il est pris en compte plus tard, mais il finit par devenir la
couleur préférée des sociétés européennes. Selon Pastoureau (2003 : 32), « le bleu est la couleur
préférée de plus de la moitié de la population européenne, lin devant le vert […] et le rouge ». Les
résultats des enquêtes conduites en ce sens montrent qu’« en France cette préférence marquée pour
le bleu […] frise parfois les 60% ».
En essayant de répondre aux questions portant sur la raison de cette préférence et sur le
moment où il a gagné cette place dans la hiérarchie des préférences des Européens, Pastoureau
(1999 : 33) reconnaît que ce « n’est pas un exercice facile. Elles soulèvent des problèmes
complexes qui s’inscrivent dans la longue durée et qui touchent à tous les domaines de la vie
sociale, religieus e, artistique et intellectuelle ».
Même les mots qui composent le champ lexico -sémantique du terme bleu bénéficient
d’une charge sémantique particulière, l’auteur affirmant que « [l]es faits de lexique confirment les
pratiques vestimentaires : bleu est dev enu un mot magique, un mot qui séduit, qui apaise, qui fait
rêver. U n mot qui fait vendre également ». Tout cela contribue à l’explication du choix du bleu par
les Européens en tant que couleur préférée : « La musique du mot est douce, agréable, liquide; s on
champ sémantique évoque le ciel, la mer, le repos, l’amour, le voyage, les vacances, l’infini ».
(Pastoureau, 2000 : 179)
Pour résumer le parcours du bleu, nous pourrions dire que d’une couleur détestée, il
devient au fil des siècles couleur mariale, couleur royale, couleur morale, couleur préférée. En

130
conclusion de son ouvrage, en ce qui concerne cette dernière position qui lui est attribuée à présent
dans les sociétés européennes « quels que soient le sexe, les origines sociales, la profession ou le
bagage culturel », (Pastoureau, 2000 : 179) l’auteur se demande si le bleu y est situé en raison
d’être une couleur neutre, pui squ’il ne provoque pas de réactions fortes comme pourraient
provoquer chez certaines personnes le rouge ou le noir, par exemple, au contraire « il ne fait pas
de vague, il est calme, pacifique, lointain » (Pastoureau, 2000 : 180).
Il existe des auteurs, p armi lesquels l’ethnologue Hélène Dionne (2003 : 115) qui, tout en
admettant l’ambivalence du bleu ( Bleu d’espoir et bleu de désespoir ), mettent en exergue la
nécessité du bleu dans notre vie, parce que
« Le ciel bleu d’une journée ensoleillée apporte le bien-être, la sérénité et le sentiment de sécurité.
Le soir déverse mélancolie et tristesse, alors que le bleu de la nuit tisse sa toile de craintes et de
visions imaginaires jusqu’à la peur de mourir. Le retour de la lumière fait renaître l’espoir et la j oie
de vivre ».

En revanche, la conclusion tirée par Pastoureau (2000 : 181) est à notre avis un peu
inquiétante, beaucoup plus profonde : malgré ce triomphe reconnu du bleu, l’auteur le caractérise
de « Froid comme nos sociétés occidentales contemporaine s dont le bleu est à la fois l’emblème,
le symbole et la couleur préférée ».
3.2.2.2. Noir. Histoire d’une couleur
La série des histoires écrites par Michel Pastoureau continue avec l’ouvrage dédié à la
couleur noire. Comme l’auteur l’affirme lui -même
« une couleur ne vient jamais seule; elle ne prend son sens, elle ne ‘fonctionne’ pleinement du
point de vue social, artistique et symbolique que pour autant qu’elle est associée ou opposée à une
ou plusieurs autres couleurs » (Pastoureau, 2008 : 12).

Ainsi, l’histoire du noir est, elle aussi, étudiée par rapport à l’histoire des autres couleurs
desquelles il est impossible de le séparer. Par exemple, son histoire est étroitement liée à celle du
bleu qui était considérée « une sorte de ‘sous -noir’ ou de n oir d’un type particulier » (Pastoureau,
2008 : 12).
Par conséquent, l’historien continue ses recherches sur les couleurs en retraçant l’histoire
d’une autre couleur, cette fois -ci du noir48. Ainsi, même s’il écrit un nouvel ouvrage séparé dédié à

48 L’auteur rappelle brièvement les hésitations de certains chercheurs de nommer le noir (et le blanc aussi) une vraie
couleur, considérant plutôt que c’est une non -couleur, mais il reconnaît qu’à présent le noir bénéficie de ce statut. En
ce qui concerne sa position, si nous prenons en considération seulement le titre, elle est très évidente : Pastoureau
traite le noir d’une vraie couleur, « une couleur à part entière », voire « un pôle fort de tous les systèmes de la
couleur ». (Pastoureau, 2008 : 11) .

131
une autre couleur de celles que nous étudions, nous y retrouvons, comme dans chacun des autres
volumes, des témoignages sur les trois autres, puisqu’aucune couleur n’a été seule à un tel ou tel
moment de l’histoire de l’humanité, comme nous l’avons vu dans le parag raphe précédent. Nous
avons aussi souligné déjà dans les pages antérieures, que les couleurs ont été toujours (et elles le
sont encore à présent) dans une compétition qui les pousse à évoluer et à lutter pour occuper une
place en haut de la hiérarchie chro matique dans les sociétés, tout comme si sans la présence des
autres il n’existait pas d’enjeu.
Comme dans le cas du bleu, l’approche de Pastoureau en ce qui concerne la couleur noire
est toujours diachronique, tous les âges étant minutieusement étudiés de ce point de vue
chromatique dans les sociétés européennes pour pouvoir fournir au lecteur une histoire complète
de cette couleur et pour démontrer une fois de plus que la couleur est un fait de société.
Les périodes selon lesquelles Michel Pastoureau (2008) construit le présent ouvrage
correspondent aux périodes de « construction » du noir comme fait de société :
 dans la période qui va des origines à l’an mil, le noir est le début par excellence :
« Au commencement était le noir ». Ainsi, comme le titre du premier chapitre le dit
explicitement, tout commence par le noir, les ténèbres, la couleur de la mort et
l’oiseau noir pour faire plus tard place à d’autres couleurs ;
 la deuxième période que Pastoureau enregistre dans le développement historique du
noir et sur laquelle il écrit le deuxième chapitre de son ouvrage commence au Xe
siècle et s’étend jusqu’au XIIIe siècle : l’histoire du noir est alors tissée « Dans la
palette du Diable », période marquée ainsi par le Diable, le bestiaire et le chevalier
noir ;
 la troisième période, correspondant au troisième chapitre du Noir. Histoire d’une
couleur débute au XIVe siècle et finit au XVIe siècle, période marquée par un noir
qui devient « Une couleur à la mode » ;
 entre le XVIe et le XVIIIe siècle l’humanité enre gistre ce que Pastoureau intitule
dans le quatrième chapitre la « Naissance d’un monde en noir et blanc », cette
période étant marquée par la guerre déclarée aux couleurs, le retour au Diable et,
inévitablement, l’apparition d’un nouvel ordre des couleurs ;
 la dernière période que Pastoureau étudie et qui correspond au chapitre final de
l’ouvrage dédié au noir commence au XVIIIe siècle et s’étend jusqu’au XXIe siècle.

132
C’est la période de manifestation de « Toutes les couleurs du noir », dans les
domaines le s plus variés de l’activité humaine, depuis le domaine poétique
jusqu’au domaine du développement technologique des sociétés, le noir devenant à
son tour « une couleur moderne ».

Figure 13 : Le trajet historique du noir
Dans ce deuxième ouvrage aussi, les chapitres (qui cette fois -ci comptent un de plus par
rapport à l’histoire du bleu) sont composés de plusieurs sous -parties, organisées selon l’aspect
traité ou le domaine étudié.
Si bleu a été pendant longtemps ignoré, évité, méprisé pour réussir final ement à s’imposer
comme la couleur préférée des sociétés européennes, nous constatons que le noir existait dès les
débuts de l’humanité, et ce qui est remarquable, il existait dans les deux visions sur la création du
monde – la Genèse dans la théologie et le big -bang initial en astrophysique – et il précède la
lumière.
L’auteur démontre à travers des recherches minutieuses dans tous les domaines de
manifestation de la couleur dans les activités les plus diverses des sociétés européennes la nature
ambivalent e du noir et le rôle qu’il y a joué et joue encore. des origines à l’an 1000
« Au
commence
ment était
le noir » du Xe au XIIIe siècle
« Dans la
palette du
Diable » entre le XIVe et le XVIe siècle
« Une
couleur à la
mode »

du XVIe au XVIIIe siècle
« Naissance
d’un monde
en noir et
blanc »
du XVIIIe au
XXIe siècle
« Toutes les
couleurs du
noir »

133
Pastoureau s’est penché dans une approche transdisciplinaire sur les domaines liés aux
teintures, aux colorants et aux pigments49, à l’imprimerie, aux vêtements, aux emblèmes, à
l’industrie, à l’art aux d omaines pour nous faire retrouver le noir dans sa matérialité, mais aussi
sur des domaines plus sensibles, comme celui de la mythologie, de la poésie, de la peau, de la
symbolique et des mœurs.
Comme dans les recherches sur la couleur bleue, pour retracer l’histoire du noir l’auteur a
eu recours dans bien des cas au lexique et aux faits de langue qui lui ont fourni de précieuses
informations sur cette couleur. Par exemple, cette couleur a bénéficié au début de deux termes
pour la dénommer : ater (pour désig ner le noir mat) et niger (pour désigner le noir brillant), ce qui
démontre le soin pour les nuances qui n’a pas résisté jusqu’à nos jours.
L’histoire du noir commence ainsi avec l’association aux ténèbres, à la nuit, au sommeil, à
l’angoisse, au secret, à la détresse, à la punition, au malheur et à la mort, mais il bénéficie
également d’une symbolique positive par l’association à la terre, à des lieux obscurs qui se situent
près des « entrailles de la terre : antres, grottes, gouffres, galeries souterraine s ou rupestres » qui
ne sont pas perçu comme des lieux obscurs, même s’ils manquent de lumière, mais ce « sont des
creusets fertiles, des lieux de naissance ou de métamorphose, des réceptacles d'énergie et par là
même des espaces sacrés et à la fertilité e t plus tard à l’élégance, à la modernité et à l’autorité ».
(Pastoureau, 2008 : 22).
Pour ce qui est de cette symbolique ambivalente du noir, Pastoureau (2015 : 128) affirme
que « [s]pontanément, nous pensons à ses aspects négatifs : les peurs enfantines, les ténèbres, et
donc la mort, le deuil », mais il existe aussi « un autre noir, celui du chic et de l’élégance », par
conséquent « il y a un bon noir et un mauvais noir ».
L’histoire culturelle de cette couleur s’est avérée extrêmement riche pour les rech erches
entreprises par Pastoureau. Associé au début à la mort et au bestiaire, devenu ensuite la couleur du
diable, le noir devient une couleur à la mode du XIVe au XVIe siècle, une couleur curiale, une
couleur royale, une couleur luxueuse. La révolution chromatique provoquée par la classification
spectrale des couleurs faite par Isaac Newton au XVIIe siècle lui apporte le statut de non -couleur
(au blanc aussi, les deux sont exclus à ce moment -là des couleurs « à part entière ») et c’est grâce

49 Parmi les pigments, l’auteur énumère les charbons végétaux, le charbon de bois, l’oxyde de manganèse, l’encre, le
noir de charbon, le noir de lampe en solution dans l’eau, le noir de bitume, le noir de fumée, le noir de vigne, le noir
d’ivoire, les terres na turelles noires ou brunes , etc., la plupart de ces pigments étant des termes appartenant à langue
spécialisée, ses recherches dépassant ainsi le cadre des sciences de l’homme et se dirigeant aussi vers des aspects
scientifiques de la fabrication de la coul eur.

134
aux artistes qu’il regagne sa place parmi les couleurs. Ainsi, selon Pastoureau (2005 : 105),
« aujourd’hui, les scientifiques, d’un côté, et les artistes, de l’autre, reconnaissent finalement que
le noir est, comme le blanc, une couleur à part entière ».
Toutes les t ransformations que les sociétés ont subies ont apporté des changements dans la
perception sociale notamment de la couleur. Dans sa démarche, l’auteur a pris en compte à la fois
les raisons religieuses, les raisons économiques et celles sociales et culturel les, chacune de ces
catégories s’avérant complexe et changeantes, ce qui a rendu plus difficile la tâche de l’historien,
mais il réussit à nous livrer un ouvrage cohérent, où les siècles se succèdent au rythme des
mutations sociales subies par les couleurs .
Aujourd’hui encore le noir est pourvu d’une symbolique ambivalente, mais l’auteur
souligne que le côté négatif du noir relève plutôt des peurs qui « viennent de loin, de très loin,
d’époques où l’homme n’avait pas encore maîtrisé le feu et avec lui, part iellement, la lumière »
(Pastoureau, 2008 : 24), des superstitions que nous recevons telles quelles et auxquelles il nous est
très difficile de renoncer. Cette symbolique négative est illustrée également par des faits de langue,
chaque langue ayant « de no mbreuses locutions d’usage courant qui soulignent la dimension
secrète, interdite, menaçante ou funeste de la couleur noire » (Pastoureau, 2008 : 193).
En ce qui concerne la position du noir dans la hiérarchie, «parmi les six couleurs de base –
bleu, vert, rouge, noir, blanc, jaune, citées ici par ordre de préférence –, le noir n’est ni la plus
appréciée (bleu) ni la moins aimée (jaune) : pour la première fois de son histoire, il se situe au
milieu de la gamme » (Pastoureau, 2008 : 194).
À la fin de cette monographie, l’auteur pose (à soi -même , mais aussi à nous) la question si
le noir est devenu une couleur moyenne, neutre, autrement dit une couleur plutôt banale.
3.2.2.3. Vert. Histoire d’une couleur
Bien que dans l’introduction de son ouvrage antérieur Noir. His toire d’une couleur Michel
Pastoureau (2008 : 12) affirme
« Loin de moi, cependant, l’idée de me lancer dans une série complète qui, volume après volume,
tenterait de retracer l’histoire de chacune des six couleurs ‘de base’ de la culture occidentale (blanc,
rouge, noir, vert, jaune, bleu), puis des cinq couleurs ‘du second rang’ (gris, brun, violet, rose et
orangé) »,

le voilà nous offrir en 2013 le Vert. Histoire d’une couleur . Il avait cependant annoncé que, si une
autre monographie arrivait, elle « se construirait autour des mêmes problématiques et conduirai t
ses enquêtes sur les mêmes terrains documentaires » (Pastoureau, 2008 : 12).

135
Par conséquent, l’histoire du vert est soumise à la même approche visant de manière
diachronique (de l’Antiquité jusqu’à présent, comme dans les deux monographies précédentes)
l’histoire de cette couleur comme fait de société, de même que l’histoire culturelle et symbolique
de la couleur en question dans les sociétés européennes. L’auteur affirme que
« Quelle que soit l’époque concernée, le regard est toujours culturel » et que son travail d’historien
le détermine à envisager la couleur « comme un fait de société, et non pas comme une matière, ni
comme un fragment de la lumière, encore moins comme une sensa tion » (Pastoureau, 2013 : 9).
Il n’y a rien de nouveau dans cette positi on. Au contraire, l’auteur réitère son hypothèse
conformément à laquelle la couleur fait la société et suit la même démarche, ce qui ne peut être
que très satisfaisant pour le lecteur, qui retrouve dans ce nouvel ouvrage la même succession
d’événements cul turels, sociaux, scientifiques et techniques50 qui ont contribué à l’évolution des
couleurs, en l’espèce du vert.
À travers les cinq chapitres qui composent l’ouvrage que nous présentons à présent, le vert,
à l’instar des deux autres couleurs déjà étudiées par l’historien, se divise les périodes de
manifestation selon son propre rythme. Ainsi,

Figure 14 : Le trajet historique du vert

50 Comme dans le cas des autres couleurs sur lesquelles l’auteur se penche dans ses recherches extrêmement détaillées,
nous retrouvons dans Vert. Histoire d’une couleur des informations recueillies de tous les domaines de l’activité
humaine. Nous voulons rappeler ici quelques -unes des matières colorantes utilisées pour obtenir la couleur verte que
Pastoureau découvre dans ses études : les terres vertes, la malachite, le vert -de-gris, la baie de nerprun, les feuilles
d’ortie, le nerprun, le jus d’ir is, le jus de poireau, les verts de cuivre artificiels, des matières colorantes minérales à
base de cuivre, etc. Ainsi, une fois de plus, nous soulignons le caractère interdisciplinaire des recherches conduites par
l’historien dans son effort de ne pas lim iter ses constats à certains domaines peut -être plus faciles à déchiffrer. des origines à l’an 1000
« Une
couleur
incertaine » du XIe au XIVe siècle
« Une
couleur
courtoise » entre le XIVe et le XVIe siècle
« Une
couleur
dangereuse »

du XVIe au XIXe siècle
« Une
couleur
secondaire »
du XIXe au
XXIe siècle
« Une
couleur
apaisante »

136
En ce qui concerne la composition de l’ouvrage, les cinq chapitres que nous avons
mentionnés ci -dessus sont organisés, à leur tour et comme dans le cas des deux couleurs
précédentes, dans 6 ou 7 sous -parties chacun, suivant l’évolution de cette couleur, ce qui nous
semble parfaitement naturel, ayant en vue la grande période comprise entre l’Antiquité grecque et
le présent, d ’une part et d’autre part, l’immense quantité d’informations recueillies des domaines
les plus divers.
Tout comme dans le cas des deux couleurs dont Pastoureau avait déjà recomposé l’histoire
avant la parution de ce volume, l’auteur a mis en exergue la sym bolique ambivalente de la couleur
qu’il recherche dans cette monographie. Ainsi, le vert n’y échappe pas : c’est la couleur de la
nature qui renaît au printemps et la couleur du destin, mais aussi la couleur du diable et des
sorcières, la couleur de la cha nce et celle de la malchance, la couleur du bonheur et celle du
malheur, la couleur de la vie et celle du poison.
Cette idée n’est pas du tout nouvelle. Nous citons en ce sens René -Lucien Rousseau (1959 :
39), qui compare l’ambivalence des couleurs avec ce lle des sentiments humains et des énergies
vertes : « Le vert, s’il évoque l’eau de la mer et la surface verte de la biosphère évoque également
les couleurs de reptiles répugnants, des verts, de beaucoup de poissons et celle de la putréfaction ».
À cause d e l’instabilité de la couleur, pour la maîtrise de laquelle les teinturiers se sont
beaucoup efforcés, comme dans le cas du bleu, la symbolique qui lui a été attribuée vise aussi des
moments ou des aspects fugitifs, devenant ainsi la couleur
« de ce qui e st instable, de ce qui change, de ce que l’on désire ardemment mais qui se révèle
aléatoire ou éphémère : la jeunesse, le jeu, l’amour, l’espérance, l’argent même » (Pastoureau,
2003 : 177).

Son ambiguïté l’a rendue inquiétante, ce qui s’est manifesté pa r la représentation en cette
couleur des « mauvais esprits, démons, dragons, serpents et autres créatures maléfiques qui errent
dans l’entre -deux, entre le monde terrestre et l’au -delà » (Pastoureau, 2005 : 67). Plus tard, elle est
devenue la couleur de la végétation par excellence, la couleur de l’écologie, la couleur de la liberté,
du sport et de la santé.
Plus encore, comme dans les deux ouvrages précédents, l’auteur ne sépare pas
complètement l’histoire de la couleur verte de l’histoire des autres couleurs, chose impossible
d’ailleurs, puisque sa « vie » se déroule en présence des autres, qu’elle complète, avec lesquelles
elle se combine ou avec lesquelles elle lutte pour une position vers le haut de la hiérarchie
chromatique.

137
Couleur incertaine, mê me si présente dans le quotidien, mais absente des rituels et de tous
les événements spéciaux de la société, le vert devient au début Moyen Âge une couleur respectée,
une couleur courtoise, chevaleresque, une couleur présente dans les rituels religieux. Ma is ce
triomphe ne dure pas et à la fin du Moyen Âge elle se dévalue et est perçue comme une couleur
dangereuse surtout en raison de non instabilité mais aussi du plein essor du bleu, et ce nouvel
statut engendre d’une part à la diminution de sa présence da ns la vie artistique et dans le quotidien
et l’enrichissement du vocabulaire qui est attribué aux différentes nuances.
Sa dévalorisation continue à l’époque moderne selon Pastoureau (20 13 : 137), quand
« tant pour les décrets vestimentaires émanant des a utorités civiles que pour les sermons
moralisants des grands réformateurs protestants, le vert est une couleur frivole, immorale, dont tout
bon citoyen, tout chrétien vertueux doit se dispenser ».

Cette couleur est ainsi bannie de la vie quotidienne, du domaine artistique et de celui
scientifique (où il n’était qu’une couleur complémentaire), autrement dit de tout ce qui n’est pas
lié à la nature.
Et c’est justement la nature qui l’aide à se revalo riser à commencer par la fin du XIXe
siècle. Le triomphe de la nature est dû au changement des rapports entre l’homme et la végétation
lorsqu’il redécouvre les bienfaits de la nature, et implicitement du vert, et cette quête du vert se
fait d’une manière exaltée au XXe siècle. Dorénavant, tout doit être vert :
« classes vertes, vacances vertes, nourritures vertes, énergies vertes, révolution verte. Le vert n’est
plus seulement la couleur de la nature, de l’espérance et de la liberté, c’est aussi celle de la santé,
de l’hygiène, des loisirs, de l’agrément et même du civisme » (Pastoureau, 20 13 : 181).

De nos jours le vert est devenu une couleur idéologique, symbole de la lutte pour la
protection de l’environnement, une couleur que certains partis politiqu es ont choisie pour nom
(Les Verts , per exemple), une couleur que Pastoureau caractérise de messianique, qui, même si
« [a]utrefois délaissé, rejeté, mal aimé […]. Il va sauver le monde ».
En ce qui concerne la dénomination, le vert enregistre lui aussi, à ses débuts, une
inconstance lexicale, tout comme le bleu, ce qui a déterminé les chercheurs à se demander si les
Grecs étaient aveugles au vert également. Par exemple, dans le grec ancien Pastoureau (20 13 : 14)
identifie seulement deux mots qui
« semblen t solides et correspondre à un champ bien délimité : leukos (blanc) et melanos (noir). Un
troisième, erythros , couvre un champ indéterminé dans la gamme des rouges. Tous les autres mots
sont instables, incertains ou polysémiques ».

138
Les autres mots renvoyaient plutôt à « des qualités de lumière ou de matière » ou à la
symbolique qu’à la coloration proprement -dite. L’auteur donne des exemples édificateurs en ce
sens : chloros , employé tant pour le vert que pour le jaune et
« glaukos , […] qui exprime tantôt le vert, tantôt le gris, tantôt le bleu, parfois même le jaune ou le
brun. Il traduit davantage une idée de pâleur ou de faible concentration de la couleur qu’une
coloration véritablement définie » (Pastoureau, 2013 : 15).

3.2.2.4. Rouge. Histoire d’une couleur
La quatrième odyssée écrite par Michel Pastoureau, qui s’inscrit dans une série51 consacrée
aux couleurs et que nous avons utilisée pour constituer le corpus sur lequel porte notre recherche
traite de la couleur par excellence, de la couleur archétypale, comme le titre le montre de la
manière la plus univoque, le rouge.
Ce statut de co uleur première, située dès le début en haut de la hiérarchie chromatique dans
les sociétés européennes, suscite des études plus complexes que toute autre couleur.
Pastoureau (2016 : 7) se propose de retracer histoire du rouge depuis le Paléolithique
jusqu’ à présent, ce qui l’oblige à étendre ses recherches sur une période très longue et dans des
domaines extrêmement variés, « du lexique aux symboles, en passant par la vie quotidienne, les
pratiques sociales, les savoirs scientifiques, les applications techn iques, les morales religieuses et
les créations artistiques », cet ensemble représentant un vrai trésor pour la recherche, mais l’auteur
réduit parfois ce « labyrinthe chromatique particulièrement fécond », puisque pour l’historien, « le
rouge est un océan » et il justifie le recours à de tels compromis par la peur de ne pas « s’y noyer ».
En outre, l’historien maintient encore une fois son hypothèse selon laquelle la couleur est
un fait de société, par conséquent son approche insiste sur les rapports que l a couleur développe au
fil des siècles avec la société. Une autre idée à laquelle l’auteur ne renonce pas vise l’impossibilité
d’étudier les couleurs individuellement, l’histoire croisant à maintes reprises leurs parcours,
Pastoureau notant les répercussio ns sur leur évolution de ces rencontres.
La première place que le rouge occupe est due au rôle culturel de la couleur, en ce sens
qu’elle rejoint savoirs, créativité et sentiments et symboles, vie matérielle et vie spirituelle, code
social, rituels et cro yances de la société envisagée dans l’analyse.
Dans un autre ouvrage, Les couleurs de notre temps , Pastoureau (2003 : 156) affirme que
le rouge est « le plus fortement connoté de tous les termes de couleur, plus encore que noir ou que

51 Jusqu’à pr ésent la série co mpte quatre ouvrages, que nous utilisons tous pour notre recherché et l’auteur annonce
déjà la parution d’une cinquième monographie, consacrée au jaune .

139
blanc » et que du po int de vue symbolique « il y a un bon et un mauvais rouge comme il y a un
bon et un mauvais sang et un bon et un mauvais feu ». Nous allons voir en ce qui suit s’il réitère
cette ambivalence du rouge dans la présente monographie.
Paru en 2016, Rouge. Histo ire d’une couleur nous offre une recherche dans la même
perspective diachronique, comme dans les monographies précédentes, sur les pratiques sociales, la
teinture, les pigments, les habits et les créations artistiques pour refaire l’histoire du rouge.
L’ouvrage comprend les quatre chapitres52 qui suivent les périodes identifiées dans
l’histoire de cette couleur:
 le premier chapitre de la monographie décrit la période allant des origines jusqu’à
la fin de l’Antiquité, quand le rouge est « La couleur première » ;
 dans le deuxième chapitre l’historien appuie ses recherches sur la période allant du
VIe au XIVe siècle, lorsque notre couleur vedette devient « La couleur préférée » ;
 au troisième chapitre revient la période qui commence au XIVe et finit au XVIIe
siècle, lorsque la couleur étudiée occupe la posit ion d’« Une couleur contestée » et,
 du XVIIIe au XXIe siècle elle se transforme en « Une couleur dangereuse », période
analysée au dernier chapitre de l’ouvrage, trait que l’auteur place sous le signe
d’interrogation.

Figure 15 : Le trajet historique du rouge

52 Nous constatons que Pastoureau divise l’histoire du rouge et celle du bleu en quatre chapitres chacune, tandis que
dans les ouvrages dédiés au noir et au vert, il a identifié cinq périodes distinctes dans le cas de caque couleur, périodes
qui correspon dent bien entendu aux cinq chapitres qui composent chaque monographie. des origines à la fin de l'Antiquit é
« La couleur
première » du VIe au XIVe siècle
« La couleur
préférée » du XIVe au XVIIe siècle
« Une couleur
contestée »
du XVIIIe au
XXIe siècle
« Une couleur
dangereuse »

140
Au niveau de l’échafaudage du présent ouvrage, comme dans les trois autres que nous
avons présentés ci -dessus, les quatre chapitres qui le composent contiennent à leur tour des sous –
parties, selon les thèmes traitées par l’historien dans son travail.
En ce qui concerne le lexique du rouge, source qui a pporte à l’historien bien des
informations liées au statut de la couleur dans la société, élément qui sert à « classer, associer,
opposer, hiérarchiser ». Ainsi, l’auteur cite pour le latin le terme ruber avec sa variante rubeus ,
avec lesquels apparaissait « un lexique riche et diversifié, traduisant une palette de tons rouges très
étendue » (Pastoureau, 2016 : 51). Couleur omniprésente, facile à fabriquer et à maîtriser, le rouge
a connu dès le début une multitude de nuances, ce qui a eu comme résultat un lexique toujours
plus riche et plus stable que ceux des autres couleurs, surtout du bleu et du vert.
Le haut Moyen Âge apporte à cette couleur un changement particulier : il se transforme
d’une couleur matérielle en une couleur concept, ce qui est constaté par Pastoureau toujours au
niveau de la langue : « les couleurs peuvent désormais être considérées comme des catégories
abstraites, générales, affranchies de toute matérialité, le rouge, le vert, le bleu, le jaune, envisagés
indépendamment de leurs suppor ts, de leur éclat, de leurs nuances, de leurs pigments ou colorants,
dans l'absolu en quelque sorte » (Pastoureau, 2016 : 56). Ainsi, les substantifs nomment direct les
couleurs.
Un autre événement qui a marqué l’histoire du rouge est l’apparition timide d u bleu au
XIIe siècle dans des domaines où le premier avait triomphé le long des siècles qui continue au
XIIIe siècle avec une promotion extraordinaire et qui provoque à la fin du Moyen Âge la
perception du rouge comme une couleur contestée, « trop voyante et trop coûteuse, indécente,
immorale, dépravée » (Pastoureau, 2016 : 96). Le rouge est dorénavant associé au crime, à la
violence, au vice, à l’enfer, à la mort, aux sentiments négatifs comme la colère ou l’envie.
Dans le dernier chapitre, l’auteur nous présente l’évolution du rouge qui est devenu une
couleur discrète dans nos vies, même si c’est la couleur des fêtes et de la joie en général, une
couleur qui enregistre un grand succès dans le domaine du commerce et une couleur adoptée par
les partis polit iques, une couleur présente sur les drapeaux et les emblèmes. Malgré son recul sur
la hiérarchie chromatique, le rouge reste la couleur la plus forte du point de vue symbolique, cette
couleur signifiant à présent le danger et l’interdiction, mais aussi l’a mour et la passion.
Tandis que le bleu ou le vert n’existaient pas ou ils étaient ignorés, ce qui a fait les
chercheurs de divers domaines se demander si les Grecs et les Romains ne voyaient pas ces

141
couleurs, le rouge était présent sur les parois des grott es, sur le corps humain, en peinture, sur des
matériaux très divers et avec des fonctions différentes : « déictique, prophylactique, esthétique »
(Pastoureau, 2016 : 17), et cette position privilégiée soulève à son tour la question si certains
peuples dist inguaient cette couleur mieux qu’une autre teinte. La réponse est évidemment la
même : il n’y a pas de différences entre la structure de l’œil entre le passé et le présent, par
conséquent c’est un choix que la société fait, de promouvoir ou de bannir une c ouleur, c’est la
société qui lui donne le statut de phénomène culturel, c’est elle qui le met en première position des
préférences, c’est toujours elle qui l’abandonne…
Nous rappelions ci -dessus la symbolique ambivalente observée par Pastoureau dans un
autre ouvrage. Comme toutes les couleurs desquelles il s’est préoccupé, le rouge est lui aussi
empreint d’une dualité : il est tantôt positif, tantôt négatif. C’est la couleur du pouvoir, de la
victoire, du sacré, « la couleur du désert brûlé par le soleil ma is aussi celle des peuples qui y
habitent ou qui en viennent, tous ennemis des Égyptiens : elle est signe de violence, de guerre, de
destruction » (Pastoureau, 2016 : 20) ; c’est la couleur associée au feu et au sang, les deux
référents étant porteurs d’un e dualité symbolique : le feu peut être positif, c’est -à-dire « favorable,
fécondant, purificateur, régénérateur » mais aussi négatif, cela veut dire « fourbe, violent,
destructeur, ennemi des hommes et de tous les êtres vivants » (Pastoureau, 2016 : 24), tout comme
il y a un sang source de vie ou cause de la mort, un sang pur et un sang impur, un sang sacré et un
sang tabou, ainsi « le sang peut être salvateur et fécondant comme il peut être périlleux ou
mortifère ».
Dans cette partie de notre travail, nous avons présenté les quatre ouvrages de Michel
Pastoureau dont nous avons extrait le champ lexico -sémantique des termes de couleur que nous
analysons dans notre thèse. L’étape suivante vise la constitution de notre corpus, ce qui implique
un travail lab orieux et très pointu. Selon Anne Condamines et Nathalie Dehaut (2011 : 268),
« [d]éfinir un corpus oblige à circonscrire un objet clos et donc à se donner des règles pour
garantir un minimum de représentativité à cet objet, cette représentativité étant el le-même liée à un
objectif d’étude ». Il est temps maintenant de présenter le corpus recueilli et retenu pour cette
étude, parce que nous n’analysons pas tous ces quatre ouvrages, mais seulement les termes
relevant du domaine chromatique.

142
3.3. Spécificités du corpus
La constitution de notre corpus vise le recueil de données langagières écrites qui serviront
à notre objectif de les analyser du point de vue lexical et sémantique.
Nous considérons cependant que les ouvrages de Michel Pastoureau s’inscrivent dan s la
catégorie des discours et, plus précisément, des discours spécialisés, mais si nous prenons en
considération la spécificité du domaine historique de traiter à la fois de la vie personnelle, de la vie
quotidienne et de la vie professionnelle, ce qui im pose une distinction dans le cadre de notre
recherche en ce qui concerne l’appartenance des éléments lexicaux relevant du domaine
chromatique au lexique ou à la terminologie.
Puisque dans la méthodologie pour laquelle nous avons opté se retrouvent les pers pectives
lexico -sémantique et terminologique, nous concevons notre corpus selon deux
volets correspondant à ces deux perspectives, en vue de répondre aux questions de recherche que
nous avons soulevées, parce que « dans la linguistique de corpus, si ‘l’ent rée’ dans les corpus se
fait par les mots, les phénomènes étudiés vont très souvent au -delà des mots et concernent des
aspects syntaxiques, discursifs, sémantiques » (Condamines et Dehaut, 2011 : 270)
Ainsi, nous avons rassemblé dans un ensemble tous les é léments relevant du champ lexico –
sémantique du bleu, du noir, du rouge et du vert et nous l’avons traité différemment : la première
approche, lexico -sémantique traite des éléments relevant de la langue générale et des mots
désignant la couleur dans la phra séologie et celle terminologique s’occupe des termes
chromatiques et des phraséotermes qui peuvent constituer le champ terminologique des couleurs
en discussion. Nous ne nous limitons pas ainsi aux mots, parce que du point de vue de la
linguistique de corp us « les termes ne sont pas seulement des mots, mais bien plus souvent des
groupes de mots (avec les variantes qu’ils peuvent comporter) » (Condamines et Dehaut, 2011 :
270).
Par conséquent, nous avons classifié notre corpus, ainsi que les résultats de not re analyse
selon plusieurs paramètres, en identifiant ainsi des couleurs chaudes, froides, pâles ou claires,
foncées ou sombres, saturées ou lumineuses, insaturées ou atténuées, harmonie, teinte, tonalité,
clarté, saturation, etc. Nous avons introduit égal ement dans cette partie du corpus les termes
relevant des supports de la couleur (comme les vêtements, les tissus, les murs, la peau, etc.), les
domaines (peinture, architecture, décoration, etc.), les pigments et les matières colorantes, ainsi
que les mét iers du domaine de la couleur.

143
3.4. Approche du corpus
La constitution du corpus a été possible grâce à un logiciel que nous avons utilisé pour
pouvoir traiter un ouvrage aussi vaste que celui de Michel Pastoureau.
Selon Dominique Maingueneau (2014 : 36), « un corpus peut être constitué d’un ensemble
plus ou moins vaste de textes ou d’extraits de textes, voire d’un seul texte ». Dans notre cas,
puisque la recherche vise le champ lexico -sémantique des termes de couleur, le corpus n’est pas
composé des quatre mo nographies de Michel Pastoureau, mais des éléments qui entrent dans le
champ en discussion. Dubois et al. (2012 : 124) considèrent que
« à partir de l’univers des énoncés réunis, le linguiste trie le énoncés qu’il va soumettre à
l’analyse : […] ce pourra être l’ensemble des phrases, ou groupes de phrases, comprenant
des mots présentant tel trait phonétique ou bien une terminaison ou une origine étrangère ».

La textométrie est, selon Lebart et Salem (1994) cités par Émeline Comby (2016 : 93) une
« forme contemporaine de la lexicométrie ». Parmi les avantages de cette méthode, Comby
énumère la possibilité d’exploiter des corpus de grande taille, mais aussi la possibilité de chercher
un seul mot et de travailler dans le détail là -dessus.
Pour pouvoir utilis er un logiciel de traitement de texte53, nous avons premièrement
numérisé54 les ouvrages cités et nous les avons importés dans le logiciel TXM sur un format .txt,
chaque ouvrage se retrouvant sur la plateforme dans un fichier séparé, ce qui nous permet d’en
constituer des sous -corpus ou des partitions.
Ainsi, à l’aide de la plateforme TXM où nous avons importé les textes complets des quatre
ouvrages dans le but de leur traitement informatisé et dans le but de sélecter notre corpus.
Notre corpus est par cons équent le résultat d’un processus de numérisation des ouvrages de
Michel Pastoureau que nous avons ensuite exploité à l’aide du logiciel TXM 0.7.8 pour faire le tri
des termes de couleur tout d’abord et puis les éléments qui composent le champs terminolog ique
des quatre termes -pivot, pour collecter automatiquement les termes pertinents pour l’analyse ;
nous avons dressé des listes de fréquences, nous en avons établi les concordances et les
cooccurrences , et nous fait des calculs de la progression des term es dans ledit corpus.

53 Nous avons opté pour le logiciel TXM, qui permet l’import ation des ressources textuelles provenant de l’œuvre de
Michel Pastoureau pour construire notre corpus.
54 Cette numérisation a été réalisée grâce à une mobilité Erasmus dont nous avons bénéficié en tant que doctorante à
l’Université de Bourgogne où nous avons reçu l’aide de l’équipe de la Maison des Sciences de l’homme de Dijon . Le
travail de numérisation a supposé les étapes su ivantes : scanner les ouvrages sous format PDF, traiter chaque
monographie à l’aide de OCR (logiciel de reconnaissance optique de caractères), les convertir au format RTF, ensuite
les enregistrer comme .txt pour pouvoir les importer sur la plateforme TXM.

144
Nous devons cependant rappeler que la constitution de corpus, même à l’aide d’un logiciel,
a impliqué une attention particulière de notre part, parce que nous avons dû éditer les données
recueillies automatiquement, nettoyer les résu ltats qui parfois n’étaient pas pertinents pour notre
recherche.
Nous rappelons que le corpus principal porte sur les quatre monographies des couleurs. En
partant de l’affirmation de Patrick Charaudeau (2009 : 38), selon lequel « [s]i le corpus est
considé ré comme partiel se pose alors le problème de sa valeur comme échantillon, et de la
possibilité de le faire varier en sous -corpus ». Par conséquent, nous avons décidé d’utiliser les
textes dans leur intégralité, ce qui nous a offert un matériel vaste, mais riche et nous avons profité
du logiciel TXM pour l’exploiter et pour en extraire tous les termes chromatiques et les séquences
plus ou moins figées construites avec les termes les plus représentatifs ( bleu, noir, rouge et vert).
Étant donné que la platefo rme nous a permis de constituer des sous -corpus à partir du
corpus principal, nous avons traité les ouvrages de Michel Pastoureau, d’une part, comme un
corpus unique, comme un ensemble unitaire, et d’autre part, lorsque l’analyse menée nous a
conduite vers une étude plus spécifique, plus pointue, nous avons divisé le corpus principal en
quatre sous -corpus, chacun correspondant à un seul des quatre monographies des couleurs.
Nous trouvons essentiel de profiter de la sorte des possibilités offertes par ce gen re de
logiciel et d’exploiter ce que Condamines et Dehaut (2011 : 271) appellent « variations entre sous –
corpus », qui sont, selon les auteurs de trois types : quantitatives qui sert à démontrer qu’« un
phénomène langagier peut être bien plus présent dans un sous -corpus que dans un autre » ;
formelles, qui traitent de la « variation dans la forme des mots (des chaînes de caractères),
éventuellement des groupes de mots. Ainsi, peuvent être rapprochés des mots au singulier vs
pluriel, des mots ayant la même b ase, des groupes avec ou sans une certaine forme (par exemple
avec ou sans déterminant) » et distributionnelles qui visent
« la variation dans les contextes dans lesquels apparaissent les mots ou les groupes de mots. Cet
indice vise plus nettement à prend re en compte le sens. Il prend appui en effet sur le point de vue
bloomfieldien selon lequel un changement de distribution est le signe d’un changement de sens »
(Condamines et Dehaut, 2011 : 272).

Conclusions partielles
Dans cette partie nous avons présenté le corpus que nous nous proposons d’étudier, qui
représente le champ lexico -sémantique des termes de couleur dans les ouvrages de Michel
Pastoureau, les quatre monographies consacrées aux quatre couleurs : le bleu, le noir, le rouge et

145
le vert. Nous avons présenté les difficultés que l’auteur a rencontrées dans sa démarche et nous
avons présenté séparément chacun des quatre ouvrages.
Nous avons ensuite organisé le corpus selon le degré d’importance que nous lui accordon s
dans la présente recherche : le corpus principal, qui comporte les quatre ouvrages de Michel
Pastoureau et le corpus secondaire, constitué des dictionnaires généraux et de spécialité dont nous
avons besoin pour définir les termes du corpus principal.
Nous avons également présenté les méthodes de travail, en insistant sur le traitement
automatique du corpus.

146

147

DEUXIÈ ME PARTIE

148

149

CHAPITRE I

ANALYSE DU CORPUS

Introduction
Le premier chapitre de la deuxième partie de notre travail de recherche sera consacré
exclusivement à l’analyse de notre corpus. Nous y présenterons la démarche que nous avons faite
en vue de constituer le corpus, de même que les résultats de l’analyse du corpus ainsi extrait, voire
celle du champ lexico -sémantique des quatre couleurs dans l’œuvre de Michel Pastoureau.
Nous commencerons avec une première partie comprenant la présentation des diverses
hypothèses en matière de catégorisation de la couleur ; dans une deuxième étape nous effectuer ons
l’analyse sémique des termes de couleur que nous organiserons en deux sous -parties, selon que le
terme de couleur est substantif ou adjectif, et une partie finale dédiée à l’analyse des quatre termes
de couleur dans la phraséologie, en essayant de toucher en même temps les deux aspects dont
relèvent les séquences chromatiques, la langue générale et la langue spécialisée.
Pour ce faire, nous présenterons les principales hypothèses de catégorisation de la couleur,
nous ferons une revue des ouvrages théori ques ayant comme sujet l’analyse sémique et nous
choisirons la typologie sémique la plus appropriée, à notre avis, pour analyser notre corpus.

1.1. Identification du champ lexico -sémantique des termes de couleur
Le corpus que nous soumettrons à l’analyse est constitué des termes de couleur dans
l’œuvre de Michel Pastoureau.
Cette dénomination de termes de couleur est très générique et elle est déjà employée dans
les recherches menées sur les couleurs dans beaucou p de domaines, parmi lesquels le domaine qui
nous intéresse, le domaine linguistique. La question en ce moment est comment et selon quels
critères constituer le champ lexico -sémantique des quatre couleurs qui font l’objet des ouvrages de
Pastoureau : bleu, noir, vert et rouge .
La nécessité d’identifier des critères est valable dans toute analyse.

150
« Quel que soit le champ, déterminé par un concept empirique (le signifié ou la notion de ˮparentéˮ,
ou ˮd’animal domestiqueˮ, ou de ˮclasse socialeˮ, etc.), le pr oblème est, et reste, toujours de
trouver des critères objectifs pour justifier les relations qu’on établit entre les termes » (Mounin,
1968 : 164 -165).

Étant donné que la couleur est l’un des premiers concepts que chaque personne apprend
dès l’enfance, c ’est exactement sur la distinction entre les diverses couleurs que repose ce
processus d’acquisition. Nous grandissons ensuite en les utilisant tant pour démontrer notre
« maîtrise » face aux étrangers, tout en rendant fières nos familles, que pour exprime r nos souhaits
en matière ludique, vestimentaire ou autre. Et ce processus continue tout le long de nos vies, le
résultat étant un vocabulaire chromatique plus ou moins riche, selon les préoccupations et les
expériences personnelles et professionnelles de chacun d’entre nous.
De manière générale, nous sommes tous d’accord que la première fonction du langage est
celle de servir à la communication. Selon Jean -René Ladmiral et Edmond Marc Lipiansky (1989 :
95), le langage constitue également « un ordre symbol ique où les représentations, les valeurs et les
pratiques sociales trouvent leurs fondements. Ces dimensions du social ne sont pas disjointes ; au
contraire elles s’interpénètrent profondément ». C’est à l’aide du langage que l’individu se forge
sa propre connaissance du monde environnant et c’est toujours ainsi qu’il partage avec les autres
sa culture personnelle et la culture de son peuple. Pour revenir à n otre sujet, les couleurs
transmettent certainement un message au -delà des mots, mais sans le langage nous ne pourrions
pas avoir la certitude que l’autre utilise le même mot pour la même couleur ou qu’il perçoit le
message que nous assignons à telle ou telle couleur.
Selon Bally (1909 : 6), « [l]e langage exprime nos idées », en nous aidant à matérialise r
nos pensées, quelle que soit la réalité que dont nous voulons parler, mais il exprime également
« nos sentiments ». L’auteur explique comment tout est transformé par l’empreinte personnelle de
chacun de nous : « nous sommes esclaves de notre moi ; nous l e mêlons sans cesse aux choses, et
la réalité, au lieu de se refléter , de se réfléchir fidèlement en nous, s’y réfracte : elle y subit une
déformation dont la nature de notre moi est la cause ». Nous pourrions alors nous poser la question
sur les couleurs, sur notre manière de les « penser » et de les « dire » et si nous savons vraiment si
notre interlocuteur « voit » dans son esprit ce dont nous parlons55. Nous ne le saurons jamais,

55 Nous pouvons nous imaginer une conversation téléphonique entre deux personnes qui se racontent ce qu’elles ont
acheté pour porter à un événement : en utilisant seulement la langue, sans avoir la possibilité de regarder en même
temps un objet ayant la ou les couleurs en discussion, chacune d’elle va s’imaginer la ou les couleurs selon ses propres
représentations. Si, par exemple, elles font appel à certains objets censés être de cette ou ces couleurs -là, il n’est pas

151
parce que le message sera filtré par ses propres pensées, et sa manière de penser est le résultat de
ses expériences et de ses sentiments par le biais desquels il a vécu toutes ses expériences.
Une autre question importante est celle qui porte sur la référence, sur ce qu’un terme de
couleur désigne. En ce sens, Ludwig Wittgenstei n (Wittgenstein, 2004 : 144) se demandait :
« Dirais -je qu’il désigne quelque chose à quoi ‘nous nous sommes tous confrontés ’, et que chacun
de nous devrait aussi avoir un autre mot pour désigner sa propre impression de rouge ? Ou bien en
est-il ainsi : Le mot ‘rouge ’ désigne quelque chose connu de nous tous, mais aussi, pour chacun de
nous, quelque chose qu’il est seul à connaître ? »

L’auteur propose ensuite l’emploi de la structure « fait référence à quelque chose de
privé » (Wittgenstein, 2004 : 144) au lieu du verbe désigner , cela représentant mieux du point de
vue philosophique la fonction de la couleur, étant étroitement liée à l’expérience de chaque
personne, à sa propre perception de la couleur.
Nous soutenons cette idée par un exemple : si nous montrons à une autre personne un objet,
nous sommes convaincus que la personne voit ce que nous voyons, le référent étant devant nos
yeux. Mais, en réalité, nous ne le savons pas, nous ne pouvons pas comparer les nuances perçues.
D’autant plus au cas où nous parlons d’un objet, sans qu’il soit présent. Notre interlocuteur se
construira sa propre image en fonction de ses expériences antérieures, selon ses propres prototypes.
Nous pensons cependant que les différences consistent surtout au niveau nuances , parce qu’il est
difficile d’imaginer que nous racontons à quelqu’un avoir vu une belle fleur rouge et
l’interlocuteur s’imagine une fleur bleue… Même entre deux locuteurs qui ne sont pas les deux
des locuteurs natifs, cela est difficile à imaginer. Cela pourrait arriver uniquement dans des cas où
la langue a catégorisé différemment les termes de couleur. Autrement, comme le soulignait Josef
Albers Hazan (2008 : 13), « Si quelqu’un dit ‘Rouge’ (le nom d’une couleur) et que 50 personnes
l’écoutent, on peut s’attendre qu’il y ait 50 rouges dans les têtes. Et on peut être certain que tous
ces rouges seront très différents ».
Pour ce qui est du champ lexico -sémantique des couleurs, nous considérons qu’il est assez
difficile même pour une personne d’établir pour elle seule le cadre ou l’étendue du propre champ,
que nous aimerions nommer répertoire chromatique individuel , puisque la réalité offre chaque
jour des défis chromatiques qui enrichissent ou qui appauvrissent notre vocabulaire, en fonction de

certain que les deux comprennent la mêm e chose : pour une nuance de vert comme les feuilles d’un certain arbre ou
comme l’herbe ou un bleu comme le ciel, une seule chose est sû re – l’autre comprend que c’est du vert ou du bleu et
non du rouge ou de l’orange, parce que la représentation que chac un de nous a de ces référents varie en fonction de la
lumière et de… nous -mêmes.

152
notre rappor t face à un tel défi : nous cherchons des dénominations existantes par exemple dans
les nuanciers de différents domaines, nous employons le terme prototypique ou nous faisons appel
à une structure (qui existe ou que nous créons sur place) en comparant le t erme générique avec un
objet qui est de cette couleur que nous voulons dénommer.
La structuration d’un champ comme celui de la couleur peut faire appel à des
connaissances de physique, par exemple, des savoirs scientifiques qui nous aident à réaliser une
dénomination correcte ou du moins rapprochée à la gradation établie par les recherches
scientifiques.
Pour ce qui est de la délimitation du champ lexico -sémantique des couleurs dans un
ouvrage comme celui de Michel Pastoureau, qui est une présentation détai llée et rigoureusement
documentée de l’évolution des couleurs le long des siècles, nous considérons que le défi est
infiniment plus sérieux. Bernd Schwischay (2001 : 3) recommande la recherche et par conséquent
la constitution des termes du champ lexical, en faisant appel au dictionnaire,
« parmi
1° les renvois analogiques, et
2° les éléments de la définition, sans oublier
3° les locutions. ».

L’idée promue par l’auteur est que nous pouvons nous servir de tout ce qu’une entrée du
mot recherché dans le dictionnaire enregistre, à partir des mots que les auteurs utilisent en tant que
mots plus ou moins de sens identique, mais en tout cas ces mots p euvent se substituer entre eux,
en cas de besoin, en passant par les mots dont les auteurs se servent pour en donner les définitions
et où nous pouvons trouver encore des mots de la catégorie en cause et, en fin de compte, les
locutions, vu que « le lexiqu e est constitué non seulement de mots, mais aussi, et en grande partie,
de groupes de mots lexicalisés, qui sont également à prendre en considération pour la collecte des
termes du champ lexical » (Schwis chay, 2001 : 3).
Pour structurer notre travail et po ur ne pas nous égarer dans la richesse du lexique des
termes de couleur dans notre démarche, nous devons tenir compte à la fois des lexies considérées
séparément et des structures lexicales dans lesquelles les lexies identifiées en indépendant se
combinent avec d’autres lexies dans le but de désigner une réalité relevant du même domaine
chromatique dans le discours de Michel Pastoureau.

153
Les lexies se réunissent dans un tel champ selon les rapports qu’elles entretiennent avec
d’autres lexies. Un exemple de rapport est celui d’identité d’un trait distinctif, mais le rapport peut
être également d’opposition.
Puisque « [r]ien ne nous paraît plus objectif et naturel, plus inhérent à la réalité physique
universelle, que le découpage du spectre en ses couleurs : violet, indigo, bleu, vert, etc. » (Mounin,
1968 : 82), et que notre impression est que, les couleurs étant partout les mêmes, leur perception et
leur dénomination devraient être identiques partout dans le monde, cela est loin d’être vrai. Il
arrive, par ex emple, que certaines langues utilisent un seul terme pour dénommer plusieurs
couleurs : « vuko , qui désigne tout ce que couvrent pour nous le violet, l’indigo, le bleu, le noir, le
gris et le marron foncé » (Mounin, 1968 : 82).
Cette idée était énoncée dep uis Arthur Schopenhauer (1986 : 63-64), selon lequel
« Comme le cercle chromatique constitue une totalité dont les rapports varient de façon constante,
sans limites internes, et que toutes ses couleurs se transforment les unes dans les autres par des
nuanc es imperceptibles, il semble qu’on puisse admettre, de ce point de vue, le nombre de couleurs
qu’on voudra, selon son bon plaisir ».

Ce paragraphe se situe entre la théorie du cercle chromatique, vu comme un continuum de
couleur, et une vision philosophiq ue, qui laisse au bon gré de chaque personne d’établir son propre
inventaire de couleurs, selon sa perception, selon ses connaissances et selon ses envies. Mais
l’auteur continue son raisonnement avec la conclusion que l’humanité s’est déjà mise d’accord e n
quelque sorte d’employer un registre commun en la matière :
« Seulement, il se trouve qu’il existe chez tous les peuples, et en tous temps, pour le rouge, le vert,
l’orange, le bleu, le jaune et le violet, des noms particuliers, qui sont compris partout, comme
désignant les mêmes couleurs bien déterminées, bien que celles -ci ne se présentent que très
rarement pures et parfaites dans la nature : elles doivent donc être connues dans une certaine
mesure a priori , d’une manière analogue à celle des figures gé ométriques régulières, qui ne se
présentent pourtant pas de façon absolument parfaite dans la réalité, et que nous reconnaissons et
comprenons pourtant parfaitemen t, avec toutes leurs propriétés » (Schopenhauer, 1986 : 63-64).
Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons, entendons, sentons ou pensons désigne
ce qui porte le nom de « monde référent iel » qui, selon Pottier ( 2011 : 61),
« désigne aussi bien ce que je vois réellement par mes yeux, ce que j’entends réellement par mes
oreilles, que ce à quoi je me réfère dans ma mémoire ou dans mon imaginaire » et tous ces aspects
nous accompagnent au moment de notre « fonctionnement linguistique ».

Tout cela doit être conceptualisé que Pottier (2011 : 62) appelle « mise en place d’une
représentation mentale qui sera la base d’un choix sémiologique : LN, dessin, geste… » et cette

154
démarche vise en même temps la perception, qui est propre à chaque indiv idu, et la langue, dont
l’individu se sert pour exprimer ce qu’il voit, entend, pense, etc.
La question de la perception présente une importance particulière dans le domaine
chromatique puisque c’est l’un des domaines les plus connus pour chaque personne, un domaine
auquel nous faisons appel dans les activités les plus variées de notre vie quotidienne. Cette
perception varie d’une personne à l’autre et Pottier (2011 : 61) distingue des critères selon les quels
nous pouvons la mesurer « [s]ur un continuum allant de l’imperceptible (existant, mais hors de la
vue humaine) à l’évident (ce qui saute aux yeux) […] : latence, saillance et prégnance ». Cette
gradation reprend ce qu’une personne pourrait percevoir, ce qui existe et qui est identique pour
tous, ensuite ce qui est plus marqué, plus évident, qui se différencie aisément de l’ensemble donné
et finalement ce qui constitue pour le sujet une priorité, qu’il cherche à découvrir ou à mettre en
évidence.
Pottier (2012 : 20) définit chacun des niveaux de la manière suivante :
« La latence se réfère à la totalité du perceptible par un humain, non nécessairement retenue en
fonction des circonstances de l communication […]. La saillance56 désigne l’ensemble des
éléments qui ˮsautent aux yeuxˮ et dont la perception est partagée éventuellement par plusieurs
observateurs […]. La prégnance est relative à une ˮpré -occupationˮ de l’énonciateur à l’instant où
il s’exprime. Il s’agit d’un choix volontaire, d’un filtre sélec tif qui domine totalement la vision du
moment ».

Si nous regardons un champ plein de fleurs de diverses couleurs ou une photo représentant
une image de carnaval, il se peut que nous interprétions de manières différentes les couleurs
présentes dans l’image , parce que chacun de nous a sa propre perception, qui est étroitement liée à
son bagage de savoirs, à sa culture, mais également à son expérience personnelle. Il faut tenir
compte également du fait que « les couleurs se présentent en flux continus qui son t en liaison
constante avec un voisinage changeant et des conditions générales changeantes » (Hazan, 2008 :
15). Tous les petits détails peuvent influencer notre perception des couleurs. Il est possible
également que certains de nous observent les détails les plus cachés, qu’ils distinguent des
nuances qui peuvent changer la perception en ensemble de l’image analysée, au détriment de ce
qui semble très évident ou saillant pour les autres.
Il se peut aussi que nous -mêmes voyions différemment la même image en fonction de
notre état d’esprit (facteur interne) ou de l’éclairage (facteur externe). Ce qui est intéressant, est

56 L’auteur distingue deux types de saillance : l’une référentielle et d’autres intentionnelles.

155
qu’une fois que nous identifions quelque chose d’autre, qui existe dans l’image sans pour autant
être saillant, mais que nous considérons pa rticulier, c’est cette chose -là qui prend la place des
aspects que nous avions identifiés dans une première étape en raison de leur saillance et cette
chose -là devient prégnante.
Pour revenir aux couleurs, au -delà de leur perception, qui est, d’une part, d ifférente pour
chacun de nous, et qui, d’autre part, est conditionnée par la présence mais aussi de l’intensité de la
lumière, le problème qui se pose est celui de la catégorisation et de la dénomination . Pottier
(2012 : 23) appelle la dénomination « ortho nymie ou la recherche du ‘mot juste’ ». Ce processus
est situé entre ce que nous voyons, ce que nous savons déjà et ce que nous voulons au moment de
l’énonciation.
Il existe deux théories – la théorie relativiste (l’hypothèse Sapir -Whorf) et la théorie
universaliste (l’hypothèse Berlin et Kay) – que nous présenterons ci -dessous, notre objectif lié à
ces théories étant d’établir en quelle mesure un tel type de théorie est approprié pour caractériser
l’évolution des quatre couleurs dans les sociétés europé ennes dont Michel Pastoureau retrace
l’histoire.

1.2. Critères de catégorisation des termes de couleur
Parler des couleurs paraît être très facile, à la portée de toute personne, voire un jeu
d’enfant. Sans une catégorisation, nous serions en présence d’un co ntinuum chromatique (le
spectre des couleurs) dont les éléments seraient difficilement identifiables. Voilà pourquoi, étant à
chaque instant dans un environnement plein de couleurs, nous nous servons de différentes
dénominations pour les nommer, tant dans le but de décrire un objet concret que pour « peindre »
une réalité ou pour décrire un état d’âme.
Même si elle « possède une signification perceptive et cognitive immédiate dans
l’expérience humaine » (Varela et al., 1993 : 213), nous remarquons parfois des hésitations dans la
dénomination d’une couleur ou d’une nuance plus spéciale. De plus, même s’il existe des
nuanciers57 où nous pourrions trouver des termes pour toutes les nuances, il arrive que nous
fassions plutô t appel à notre mémoire, aux termes que nous connaissons déjà, aux objets qui nous

57 Par exemple, le nuancier RAL, le système RAL Classic , qui propose des dénominations des couleurs en six langues
pour le domaine du revêtement et de la peinture, accessible à l’adresse http://www.couleursral.com/ ou le nuancier
Pantone, destiné toujours à des usages spécialisés, qui ajoute chaque année de no uvelles couleurs dans le catalogue –
en 2016 il y avait 1,867 couleurs dans le catalogue, 112 de plus par rapport à l’ancien catalogue, accessible à l’adresse
https://www.pantone.com/pages/pantone/index.aspx .

156
entourent pour expliquer à l’aide d’une comparaison surtout quand nous parlons dans une situation
quotidienne ; puisque les nuanciers proposent des termes spécialisés, nous y avons recours aussi
dans la vie quotidienne, mais dans des situations qui touchent quand même un domaine spécialisé :
nous choisissons la couleur pour peindre notre maison, un objet décoratif, le maquillage, un article
vestimentaire ou la nuance souhaité e pour nos cheveux. Si tel est le cas, il serait intéressant de
comprendre d’où exactement naît cet embarras du choix au niveau de la dénomination. Est -ce une
question de langage ou une question de perception de la couleur ou de la nuance en cause ?
Puisq ue la notion de perception est liée à la cognition, nous commençons notre démarche
avec une synthèse des recherches sur les couleurs conduites dans le domaine cognitif. Le concept
soumis à l’analyse est à ce moment celui de couleur en général. Puisque la c atégorisation des
termes de couleur est un sujet qui a préoccupé beaucoup de chercheurs, il existe plusieurs théories.
Après une revue de ces recherches en la matière, nous rappeller ons deux grandes perspectives :
 l’hypothèse Sapir -Whorf , qui constitue l’hypothèse connue sous le nom de perspective
relativiste et conformément à laquelle c’est le langage qui détermine la catégorisation de la
couleur et, par voie de conséquence, ces catégories obtenues grâce au langage déterminent
la percept ion humaine de la couleur ;
En parlant de cette hypothèse, Jacques le Rider (1997 : 399) affirmait :
« l’esprit humain met de l’ordre dans un monde qui se présente à lui comme un flux indistinct
d’impressions grâce aux catégories et aux types que lui fourn it sa langue maternelle. Ainsi, le
spectre des couleurs est structuré par notre langue et par les noms de couleurs dont elle dispose.
Les différences entre les langues expliquent les différences culturelles entre les systèmes des
couleurs ».
 l’hypothèse Be rlin et Kay , qui représente l’hypothèse connue sous le nom de perspective
universaliste , opposée à celle de Sapir -Whorf, en ce sens que les mécanismes perceptifs de
l’être humain sont responsables de la ca tégorisation de la couleur et, par voie de
conséquence, notre perception de la couleur n’est pas déterminée par les catégories de
couleur.
Entre ces deux théories, relativiste58 et universaliste, il existe encore, dans les travaux
dédiés à la catégorisation de la couleur, une tension que Yasmine Jra issati (2009 : 5) propose
d’atténuer en posant les bases d’une « hypothèse sur la façon dont pourraient interagir contexte,
lexique et perception dans la catégorisation de la couleur ».

58 Irène Tamba, dans son ouvrage intitulé La sémantique , parle d’une seule hypothèse, qu’elle appelle « l’hypothèse
du relatvisme linguistico -culturel, dite de Sapir -Whorf » qui va des mots vers le contenu sémantique. (Tamba, Irène,
1988, La sémantique , Paris , Presses Universitaires de France, p.19).

157
Ayant en vue notre corpus et sa spécificité, aux hypothèses exposées nous ajouterions
 l’hypothèse de Michel Pastoureau , selon lequel la couleur est un fait de société :
« C’est la société qui ‘fait’ la couleur, qui lui donne son vocabulaire et ses définitions, qui construit
ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiqu es et détermine ses enjeux. C’est pourquoi toute
histoire des couleurs doit d’abord être une histoire sociale. Faute de l’admettre, on verserait dans
un neurobiologisme réducteu r ou dans un scientisme stérile » (Pastoureau, 2016 : 10).
Nous trouvons cette hypothèse très intéressante et complète en même temps, mais grâce au
travail difficile de l’historien, nous avons la chance de bénéficier d’une image d’ensemble de ce
qu’une couleur représente pour une société donnée, mais aussi pour l’ humanité entière. Quand
nous parlons d’une image d’ensemble qu’un historien nous fournit, nous avons en vue tous les
aspects qu’il doit étudier pour « peindre » ce tableau de la vie des couleurs. Un tableau où les
couleurs se mélangent, luttent pour se met tre en évidence, se séparent ou se complètent pour nous
fournir des informations précieuses sur le passé, mais aussi sur le présent et, pourquoi pas, sur
l’avenir.
Pastoureau (2008 : 9) énumère les aspects qu’un historien doit étudier pour écrire l’histoi re
des couleurs :
« le lexique et les faits de langue, la chimie des pigments, les techniques de teinture, les systèmes
vestimentaires et les codes qui les accompagnent, la place de la couleur dans la vie quotidienne, les
règlements émanant des autorités, le moralisations des hommes d’Église, les spéculations des
hommes de science, les créations des hommes de l’art ».
C’est un travail laborieux, transdisciplinaire, ce qui le rend plus difficile, mais c’est
seulement en traitant de tous les aspects qu’une histoire peut être complète.
En ce qui concerne la dimension interdisciplinaire de la couleur, Jacques Le Rider (1997 :
4) soulignait : « On se doit, à propos de la couleur, de toucher à la philosophie, à la théorie du
langage, à la psychologie cognitive, à l’histoire culturelle, à l’histoire des sciences, à l’histoire de
l’art […] ». Selon l’auteur, le champ d’investigation est formé du langage, de la littérature, de la
peinture et de la couleur.
Michel Pastoureau se penche sur tous ces domaines dans ses ouvrages pour faire une
représentation complète de ce que la couleur a vécu au fil des siècles, à côté des autres domaines
auxquels il touche dans son travail , étant donné la spécificité de l’histoire qui doit prendre en
considération les aspects et les domaines les plus divers de l’activité humaine pour en créer un
tableau d’ensemble.

158
1.2.1. Critère sémantique
La sémantique est considérée l’une des disciplines linguistiques, dont la recherche des
méthodes a été plus difficile pour les chercheurs, par rapport aux autres domaines comme la
phonétique ou la phonologie.
Terme proposé pour la première fois par le linguiste français Michel Bréal (1883), la
sémantique a enregistré des développements qui se sont illustrés même dans sa définition. Irène
Tamba (1988 : 7) en fait une synthèse :
« 1 / ˮLa sémantique est l’étude du sensˮ (J. Lyons, Éléments de sémantique , 1978 : 9).
2 / ˮLa sémantique est l’étude du sens des motsˮ (P. Guiraud, La Sémantique : 1955 : 5).
3 / ˮLa sémantique est l’étude du sens des mots, des phrases et des énoncésˮ (P. Lerat,
Sémantique descriptive , 1983 : 3) ».

En tant que « science des significations linguistiques » (Mounin, 2010 : 12), la sémantique
enregistre déjà plusieurs domaines, l’auteur identifiant plusieurs types d’analyse :
 « Les analyses sémantiques formelles […] » avec lesquelles opèrent les chercheurs
pour étudier la « famille étymologique de mots » en utilisant « la vieille notion de
racine ou de radical » (Mounin, 2010 : 43) ;
 « Les analyses sémantiques conceptuelles » qui servent à analyser la « notion de
famille sémantique de mots » (Mounin, 2010 : 43) ;
 « Les analyses sémantiques logiques » qui se trouvent à la base de « la sémantique
nucléaire (où les particules sont l es traits descriptifs, ou traits pertinents de sens
[…]) » (Mounin, 2010 : 44) ;
 « Les analyses sémantiques artificielles » que l’auteur considère efficaces dans les
sciences physiques et naturelles […] » (Mounin, 2010 : 44).
Selon Francis Corblin (2013 : 26), la sémantique comprend :
 la sémantique lexicale qui sert à « caractériser le signification des éléments de base
de la syntaxe, les mots » ;
 la sémantique grammaticale qui aide à « caractériser la signification des
expres sions plus complexes, les phrases » ;
 la sémantique discursive qui se donne pour objet « la signification d’unités plus
vastes ».
Bernard Pottier (2011 : 20), à son tour, distingue entre

159
 sémantique référentielle , qui « étudie le phénomène de la désignatio n des objets
réels ou imaginaires et complémentairement le renvoi à des choses du monde »,
type de sémantique qui est connu également sous le nom de sémantique logique ou
sémantique vériconditionnelle et dont l’objectif est d’analyser la vérité de ce qui e st
énoncé ;
 sémantique structurale , dont la démarche est d’identifier les sèmes d’une lexie et
d’établir de la sorte la relation entre le signifié et le signifiant ;
 sémantique discursive qui traite « des mécanismes de passage de la langu e au
discours, et inversement » et
 sémantique pragmatique dont la préoccupation tourne vers « des relations de
SAVOIR et de VOULOIR entre les interlocuteurs ».
Les nombreuses recherches en matière d’analyse sémantique ont conduit au fil des années
à un nouveau type de séman tique, qui porte le nom de sémantique cognitive . Celle -ci peut être
perçue comme « un développement de la sémantique psychologique, car elle définit la
signification comme une représentation mentale » (Rastier, 1994 : 24) . La ressemblance entre ce
type de sémantique et les autres, plus traditionnalistes et d’une rigueur à laquelle il est parfois
difficile de se soumettre dans le cadre d’une analyse, réside dans le fait qu’elle s’occupe à son tour
du langage comme instrument qui sert tant à connaître, qu’à transmettre (à faire connaître), à
interpréter, à hiérarchiser les connaissances et l’expérience. Son objectif est de trouver un liant
entre ce que le langage contient ou exprime et ce que nous connaissons en réalité sur ce qui est
contenu dans les mots, en essayant d’identifier « des catégories conceptuelles considérées comme
des schémas interprétatifs » (Baylon et Mignot, 1995 : 226).
Toute analyse s’effectue en vue de constituer des catégories, des sous -ensembles, parce
que nous avons besoin d’introduire tout ce qui nous entoure, tout ce que nous connaissons, voyons
et sentons dans des catégories, ce qui est possible comme résultat des processus cognitifs, mais
aussi des outils linguistiques. Nous nous attardons un peu sur les modèles de catégorisation parce
que, nous le verrons plus tard dans le cadre de notre analyse, les définitions lexicographiques
procèdent à plusieurs modèles dans leur démarche de définir les termes de couleur.
Pour Zufferey et Moeschler (2012 : 39), une catégorie désigne « [l]’ensemble des référents
qui sont dénotés par un mot », les référents en espèce partageant bien entendu des traits communs.
Les auteurs rappellent les théories employées en vue d’effectuer la catégorisation :

160
 les conditions nécess aires et suffisantes (CNS) selon la théorie d’Aristote.
Conformément à cette théorie, si l’une des conditions nécessaires n’est pas remplie, le
référent ne peut pas entrer dans la catégorie en cause ; pour ce qui est de la suffisance, cela signifie
que l’e ntrée dans une certaine catégorie n’est conditionnée par la présence d’aucune autre
condition.
C’est une démarche assez difficile, étant donné le fait que pour faire partie d’une catégorie
à « frontières clairement identifiables » (Zufferey et Moeschler, 2 012 : 40), un référent doit
obligatoirement remplir un certain nombre de conditions pour acquérir « un statut égal » (Idem )
aux autres référents en faisant partie, faute de quoi il risque de ne pas être « accueilli » dans la
catégorie en cause. En outre, d resser une liste des conditions nécessaires et suffisantes pour
chaque catégorie est un travail extrêmement difficile, sinon impossible.
 le modèle du prototype , proposé par Eleanor Rosch et soutenu également par d’autres
psychologues, se situe à l’opposé du modèle des CNS.
Avec ce concept, nous nous trouvons sur le terrain de l’approche cognitive, selon laquelle
« l’étude de la couleur constitue un microcosme de sciences cognitives, […] les neurosciences, la
psychologie, l’intelligence artificielle, la lin guistique et la philosophie » (Varela et al., 1993 : 212)
contribuant toutes à comprendre le phénomène de la couleur.
Pour mieux comprendre cette approche, nous rappelons également la définition de la
cognition en tant que « des computations sur des repré sentations symboliques » (Varela et al.,
1993 : 73).
À son tour, la computation est définie par les mêmes auteurs comme
« une opération effectuée ou accomplie sur des symboles, c’est -à-dire sur des éléments qui
représentent ce dont ils tiennent lieu. La notion clef dans ce contexte est celle de représentation ou
d’intentionnalité, terme signifiant être à propos de quelque chose . Le point de vue cognitiviste
consiste à affirmer que le comportement intelligent présuppose la capacité de représenter le monde
comme étant de certaines manières. » (Varela et al., 1993 : 73)

Par conséquent, le référent est conceptualisé, il est transformé en symboles par les
capacités de notre esprit et , pour les comprendre ou les utiliser d’une manière adéquate, nous
devons fair e appel toujours à l’esprit, qui nous aide à « voir » le monde à travers ces symboles.
Ce que nous connaissons à propos des couleurs, notre compétence chromatique , est le
résultat de la manifestation des couleurs dans la réalité environnante (ce qui peut ê tre analysé
selon des paramètres comme saturation , teinte et luminosité , étant la manifestation extérieure, qui
est liée à l’objet, au concret et qui relève du côté scientifique de la couleur), de notre perception de

161
la couleur manifestée (et ici encore, n ous devons prendre en considération des aspects
scientifiques comme la longueur d’onde, mais la couleur que nous percevons ne dépend pas
nécessairement de l’illumination), auxquelles Varela, Thompson et Rosch (1993 : 217) ajoutent la
« comparaison coopérat ive entre les multiples ensembles neuronaux du cerveau, qui assignent des
couleurs aux objets en fonction des états émergents globaux qu’ils atteignent en présence d’une
image rétinale donnée ».
Selon Itten (1967 : 18), chaque couleur
« peut se détermine r exactement par l’indication de sa longueur d’ondes et de son nombre de
vibrations. Les ondes lumineuses, en elles -mêmes, sont incolores. La couleur naît seulement dans
notre œil et dans notre cerveau ».
Cela veut dire que la couleur est la caractéristiqu e des surfaces et que Wittgenstein (1997 :
33) appelle « une qualité de la surface » et « attributs d’images rémanentes […] », elle étant ce que
nous percevons grâce à la vision . C’est « la forme de l’expérience constituée par des schèmes
émergents d’activité neuronale » (Varela et al., 1993 : 225). Pour la catégorisation de la couleur,
nous devons passer de l’étape de la perception à l’étape cognitive, qui suppose justement cette
catégorisation (selon les teintes des couleurs, selon leur degré de saturation et selon leur éclat) e t la
dénomination des couleurs, comme l’ont faite les anthropologues et linguistes américains Brent
Berlin et Paul Kay en 1969, qui ont identifié onze ter mes de couleur basiques . Ce processus peut
enregistrer des variations d’une langue à l’autre, voire des différences substantielles, en ce sens
que dans certaines langues par exemple un seul terme peut dénommer plusieurs couleurs, par
conséquent la manifest ation de la couleur ne passe pas inaperçue, la couleur existe et se manifeste,
mais elle porte un autre nom.
Selon Varela, Thompson et Rosch (1993 : 232),
« la catégorisation des couleurs dépend dans son intégralité d’une hiérarchie enchevêtrée de
process us perceptifs et cognitifs, certains étant propres à l’espèce, d’autres appartenant
spécifiquement aux cultures ».
Pour revenir au modèle du prototype, il s’agit d’« un modèle du sens qui remédie à une
partie des faiblesses inhérentes à l’analyse sémique s ous ses formes les plus élémentaires »
(Baylon et Mignot, 2000 : 129). Les auteurs se posent le même problème de la catégorisation qui a
préoccupé d’une part les philosophes, d’autre part les linguistes. Selon eux,
« la théorie du prototype fait remarquer que les propriétés constitutives du lexique dans les langues
sont largement interactionnelles , autrement dit liées aux rapports que l’être humain entretient avec
les référents à caractériser » (Idem ).
Les auteurs considèrent q ue le prototype peut être à son tour analysé en traits sémantiques,
selon les méthodes de l’analyse componentielle, mais les traits identifiés devraient être répartis en

162
deux catégories : traits « indispensables » et traits « facultatifs », en soulignant que
« paradoxalement, ce sont des traits facultatifs qui distinguent des autres les meilleurs
représentants de la catégorie » (Baylon et Mignot, 2000 : 130). Nous comprenons que le prototype
est tout simplement le meilleur exemplaire de sa catégorie, exemplaire qui se trouve en haut d e la
hiérarchie parce que la plupart sinon tous les locuteurs le considèrent de cette façon. Une chose
qui s’avère assez difficile, ayant en vue le fait que
« [d]ans la vie de tous les jours, nous ne sommes presque entourés que de couleurs impures. Il est
d’autant plus étonnant que nous ayons for mé le concept de couleurs pures » (Wittgenstein, 1997 :
33).

L’idée centrale de la théorie du prototype est que le référent se voit catégorisé en fonction
de ce prototype, en l’envisageant comme le meilleur exemplaire, et, par conséquent, le plus
représentatif. Il sert à identifier ce qui porte le nom de couleurs focales , permettant de la sorte leur
reconnaissance grâce à leurs prototypes.
Selon Georges Kleiber (1990 : 18), la th éorie du prototype dans sa « version standard ,
n’est pas une solution miracle », par cette version l’auteur comprenant l’hypothèse d’Éléanor
Rosch et de son groupe de travail, mais elle a le mérite, selon beaucoup de chercheurs, d’avoir
déterminé un recul du modèle des CNS. Dorénavant, les éléments qui composent une catégori e ne
sont plus « ‘équidistants’ par rapport à la catégorie qui les subsume » (Kleiber, 1990 : 48).
L’auteur souligne l’ori gine psychologique du prototype et, puisque le meilleur exemplai re peut
être différent d’une personne à l’autre, cela conduit à ajouter un adverbe qui fasse le lien entre la
version standard et une versi on plus étendue : il s’agira du « meilleur exemplaire communément
associé à une catégorie » (Kleiber, 1990 : 49).
Georges Kleiber (1990 : 51) énumère les thèses sur lesquelles repose la théorie de
catégorisation selon le modèle du prototype :
« 1 / La catégorie a une structure interne prototypique ;
2 / Le degré de représentativité d’un exemplaire correspond à son deg ré d’appartenance à
la catégorie ;
3 / Les frontières des catégories ou des concepts sont floues ;
4 / Les membres d’une catégorie ne représentent pas des propriétés communes à tous les
membres ; c’est une ressemblance de famille qui les groupe ensemb le ;
5 / L’appartenance à une catégorie s’effectue sur la base du degré de similarité avec le
prototype ;
6 / Elle ne s’opère pas de façon an alytique, mais de façon globale ».

163
Toutes ces caractéristiques générales changent les anciennes CNS, laissant leur place à la
comparaison avec un prototype, qui est l’exemplaire autour duquel se construit la catégorie, dont
les frontières sont ouvertes pour permettre le passage d’un élément dans une autre catégorie et
l’entrée de tout élément qui ressemble au prototype comme un membre d’une famille.
Cette démarche est très appropriée dans des catégorisations des référents qui ne peuvent
pas être décomposés selon des traits minimaux constitutifs, en recourant de la sorte à la
ressemblance du référent analysé avec l’exemplaire représentatif d’une catégo rie donnée,
exemplaire qui est à son tour caractérisé par certaines propriétés typiques, des propriétés saillantes.
Cette procédure essentiellement intuitive est due au philosophe linguiste Ludwig
Wittge nstein (2004 : 64), qu’il appelait « air de famille » :
« un réseau complexe de ressemblances qui se chevauchent et s’entrecroisent. Des ressemblances à
grande et à petite échelle. […] c’est de cette façon -là que les différentes ressemblances existant
entre les membres d’une même famille (taille, traits du visage, couleur des yeux, démarche,
tempérament, etc.) se chevauchent et s’entrecroisent ».

Dans Le Cahier bleu et le Cahier brun , Wittgenstein (1996 : 209 -213) explique comment
les notions effort physique et effort mental se caractérisent par cette ressemblance, même s’il est
difficile de nommer cette ressemblance, en ayant recours à l’exemple des couleurs : en comparant
bleu clair et bleu fonc é, nous disons qu’une chose est bleue parce qu’une autre chose est aussi
bleue. Il formule la question « Qu’est -ce que le bleu clair et le bleu foncé ont en commun ? » et
propose la réponse suivante : « Ce sont toutes les deux des teintes de bleu. », mais cette réponse ne
suffit pas. Il propose tout d’abord d’établir sur quoi porte la question et de répondre ensuite, en
fonction des règles du jeu.
En parlant des couleurs, nous avons alors une catégorie générique, celle de la couleur, à
partir de laquelle nous pouvons identifier des sous -catégories :
 la sous -catégorie de la couleur ble ue ;
 la sous -catégorie de la couleur noire ;
 la sous -catégorie de la couleur rouge ;
 la sous -catégorie de la couleur verte, ainsi de suite.
À l’intérieur de chaque sous -catégorie, il a y toutes les nuances qui s’y rattachent, mais il
existe un seul prototype (si nous prenons en considération le premier qui nous vient à l’esprit,
parce que plus nous réfléchissons, plus nous enrichissons cette catégorie d’exemplaires
« parfaits »).

164
Par rapport au modèle des CNS, les frontières des catégories créées selon ce modèle sont
plus flexibles, ce qui peut résoudre quelques aspects problématiques, mais il peut en engendrer
d’autres. Si le prototype est le référent le plus caractéristique, le modèle idéal, le choix de ce
prototype tenant exclusivement de la percepti on des individus, et cela nous maintient en quelque
sorte dans la langue générale, il existe le risque de choisir comme prototype un référent qui est
perçu comme tel par une catégorie d’usagers d’une langue donnée, tandis que d’autres peuvent
avoir une aut re perception du même objet, à cause des différences culturelles entre les peuples.
N’étant plus question de « mesurer » tout à travers les condit ions nécessaires et suffisantes,
les éléments d’une catégorie ne doivent plus posséder tous les mêmes traits e t cela peut aboutir à
la création de classes aux frontières très floues, mais il faut quand même qu’il existe des traits
prototypiques à l’aide desquels nous choisissons les éléments de la classe.
Selon Touratier (2010 : 129), ce sont
« des traits sémiques plus ou moins pertinents, puisque, s’ils sont forcément présents dans la
signification prototypique, ils peuvent être absents de certaines des significations marginales du
lexème ».
Par conséquent, pour assurer une certaine stabilité des catégories, il faut distinguer, au
moins à l’intérieur de chaque langue, des
« niveaux principaux de catégorisation et donc de dénomination ; dans le cas des membres du
règne animal : un niveau très général […] ; un niveau intermédiaire […], un nivea u inférieur […] ».
(Baylon et Mignot, 2000 : 131).
Le premier niveau se réfère directement au mot en discussion, le deuxième à l’espèce et le
troisième à la race.
Prenons à présent la sous -catégorie du bleu : le prototype, le meilleur exemplaire de la
couleur bleu est dans la conscience publique le ciel, sans l’ombre d’un doute. Même la définition
lexicographique comporte cette référence (« un ciel sans nuages ») et non un prototype comme
« les yeux de X ». Maintenant pensons au ciel. Est -il toujours bleu ? Nous sommes tous tentés de
répondre, d’un point de vue purement personnel, « Presque jamais ! », parce qu’en réalité nous le
regardons (uniquement dans un but contemplatif) si rarement quand il est sans nuages, que nous
sommes habitués à lui accorder pl us d’attention quand il présage le mauvais temps. En revanche,
quand nous prenons notre temps de le contempler, cela arrive surtout à la tombée du soir, quand il
mélange son bleu avec de l’orange ou du rose. Cependant, si nous demandons à quelqu’un
d’assoc ier le bleu à quelque chose du monde réel, ce sera avec le ciel et parfois avec la mer. Si le
premier élément apparaît le plus souvent cité comme le prototype du bleu, cela signifie que les
deux éléments n’ont pas le même statut à l’intérieur de la catégor ie qu’ils forment avec les autres

165
termes plus rapprochés ou plus éloignés les uns des autres par leurs traits. Ce fait est probablement
dû à un usage qui remonte loin dans le passé et qui se perpétue grâce à la connaissance du référent
par tous les locuteu rs parlant n’importe quelle langue. Selon le point de vue scientifique de Chérif
Zananiri (2000 :28),
« [l]es différentes nuances de bleu que prend le ciel dépendent de la quantité de vapeur d’eau et de
poussières présentes dans l’air. Plus il y a des gouttes d’eau et de poussière dans l’air, plus la
diffusion est amplifiée augmentant ainsi la proportion de vert et de jaune, donnant une teinte plus
claire au bleu. Par contre, l’absence de poussière et de gouttes d’eau permet à la radiation bleue de
se renforcer (c omme dans les hautes montagnes) ».

Pour continuer dans cette ligne, il existe bien entendu une explication physique pour la
couleur du crépuscule qui est, selon le même auteur, jaune -rouge parce que
« la lumière solaire traverse une grande épaisseur d’atmosphère ; les radiations bleus réagissant
successivement avec plusieurs molécules sont absorbées et le ciel prend alors des couleurs
rougeâtres » (Zananiri, 2000 : 29)
Zufferey et Moeschler (2012 : 42), à partir des études expérimentales con duites par E.
Rosch et ses collègues, tirent la conclusion que
« plus un élément est typique, plus les avis sont unanimes. Pour les éléments plus marginaux, […]
les avis divergent considérablement et les mêmes sujets changent souvent d’avis lorsque
l’expé rience est répétée ».
Par conséquent, pour notre exemple avec la couleur du ciel sans nuages, nous devons
considérer le ciel comme le prototype du bleu.
Pour conclure, en ce qui concerne les termes de couleurs, en suivant ce modèle
prototypique, nous dist inguons

Figure 16: Le modèle prot otypique des couleurs COULEUR le niveau très général
LES DIFF ÉRENTES
COULEURS un niveau intermédiaire
(bleu, noir, rouge, vert;)
LES NUANCES un niveau inférieur –
les nuances les plus diverses ou
les variations sur les couleurs

166
Il s’ensuit que pour tous les quatre termes de couleur que nous analysons nous identifions
la même notion placée en haut de la hiérarchie, respectivement la notion de couleur pour le niveau
général.

Figure 17 : Le modèle prot otypique des quatre couleurs du corpus

La séparation entre les quatre couleurs surgit à partir du niveau intermédiaire, où chacun
des quatre termes enregistre sa propre catégorie dont il est le mot de base.
En revanche, au niveau inférieur nous identifions dans notre corpus à la fois des critères
communs aux quatre termes et des critères de classifi cation différents. Par exemple,
Critères BLEU NOIR ROUGE VERT
clair + – + +
foncé + – + +
dense + + – +
terne + + + +
Tableau 1 : Critères de classification des quatre couleurs
 clair apparaît dans les séquences bleu clair, rouge clair et vert clair ;
 foncé, qui situe la couleur à l’opposé de la séquence construite avec le mot clair,
apparaît dans les séquences bleu foncé, rouge foncé et vert foncé , accompagnant de
la sorte les mêmes couleurs ;
 dense est présent dans les séquences bleu dense, noir dense et vert dense ;
 terne apparaît dans les séquences suivantes bleu terne, rouge terne, noir terne et
vert ter ne, et nous remarquons que ce terme peut rejoindre tous les quatre termes
pour caractériser les couleurs en espèce.
Pour ce qui est de la différence entre les quatre termes et implicitement les quatre couleurs
qu’elles désignent, de la richesse des séquenc es identifiées dans notre corpus, nous pouvons
facilement conclure qu’en règle générale chaque couleur bénéficie de ses propres sous -divisions. COULEUR
bleu rouge noir vert

167
À ce dernier niveau, nous pouvons ainsi identifier des nuances ou des sous -catégories qui
peuvent être caractér isées pas un degré de spécialisation plus ou moins élevé comme dans les
structures :
 bleu de Saint -Denis, bleu du Mans, bleu de Prusse ou bleu romantique ;
 noir de charbon , noir de bitume, noir de fumée ou noir biblique ;
 rouge égyptien, rouge médiéval, rouge vermillon ou rouge éclatant et
 vert émeraude, vert de Schweinfurt, vert d’aldéhyde ou vert médical.
Au niveau des séquences de ce genre, le degré de spécificité est assuré par le contexte, à
notre avis, parce qu’il arrive qu’un grand nombre de ces structures soient utilisée en dehors des
milieux professionnels.
 la théorie du stéréotype
Une autre notion employée dans l’analyse sémantique est la notion de stéréotype, que Ruth
Amossy et Anne Herschberg Pierrot distinguent du cliché, du poncif, des lieux communs et des
idées reçues et la caractérisent comme « fixe et rigide » en ajoutant que « [l]e stéréotype
schématise et catégorise », tout en admettant que « ces démarches sont indispensables à la
cognition, mêm e si elles entraînent une simplification et une généralisation parfois excessives »
(Amossy et Herschberg Pierrot, 2011 : 30-31). Ce sont des croyances que nous recevons au fur et
à mesure que nous apprenons la langue, d’une part, et que nous commençons à nous rapporter aux
autres, à nous trouver une identité parmi les autres êtres de a planète. Il arrive que nous ne
connaissons pas vraiment une réalité ou une société nous -mêmes pour pouvoir la synthétiser notre
propre perception du monde dans une phrase ou une structure de ce genre, mais nous adoptons les
stéréotypes sans réfléchir et nous les utilisons comme s’ils étaient nos propres constats ou
convictions.
Au niveau de la langue, le stéréotype « croise l’étude linguistique des locutions et des
expressio ns figées » (Amossy et Herschberg Pierrot, 2011 : 87). Les auteures considèrent que dans
cette situation, il est question plutôt de cliché, qu’elles rapprochent de la locution, et plus
particulièrement des locutions nominales, adjectivales, verbales et adv erbiales. « Les clichés
correspondent en particulier à des expressions marquant l’intensité, fondées sur des comparaisons
[…], ou des métaphores figées […] » (Amossy et Herschberg Pierrot, 2011 : 88). Pour ce qui est
de cet aspect, nous l’avons traité sépa rément, dans une sous -section consacrée à la phraséologie.
En reprenant les recherches d’Hilary Putnam au sujet du stéréotype, Amossy et Herschberg
Pierrot (2011 : 89) définissent ce phénomène comme « une idée conventionnelle, associée à un
mot dans une cu lture donnée : par exemple, pour le tigre, les rayures, pour le citron, l’acidité

168
[…] », la sémantique du stéréotype étant « restreinte aux mots d’espèce naturelle » et étant
complètement opposée à l’analyse componentielle et promouvant une analyse selon l es traits
caractérisant un élément habituel de la classe étudiée.
Le stéréotype se distingue du prototype en ce que la dernière notion est « le meilleur
exemplaire d’une catégorie », tandis que la première désigne le concept qui lui correspond »
(Kleiber, 1990 : 60).
Pour Jean -Claude Anscombre (2001 : 60),
« le stéréotype d’un terme est une suite ouverte de phrases attachées à ce terme, et en définissant la
signification. Chaque phrase du stéréotype est, pour le terme considéré, une phrase stéréotypique ».

Tout cela est dû au fait que chacun de nous appartient à une communauté linguistique dont
nous partageons le point de vue, et cela peut être remarqué surtout à travers les combinaisons que
nous faisons quand nous utilisons certains mots au moment de la communication.
1.2.1.1. Analyse sémique
Dans notre cas, la raison de l’emploi de l’analyse sémantique est de dépouiller les
ouvrages de Michel Pastoureau pour constituer le champ lexico -sémantique des quatre couleurs.
En revenant à la structure traditionnelle du signe, la relation entre ses deux composantes, le
signifié et le signifiant, ce qui nous préoccupe maintenant est la « substance du signifié » qui
englobe « des ensembles de traits sémantiques » (Pottier, 1985 : 26) et qui ne peut pas être séparée
de sa fo rme (« éléments et combinatoire », Pottier, 1985 : 31). Selon Pottier (1985 : 27), les trois
composantes du signe (la substance du signifié, sa forme et le signifiant) se combinent pour créer
le message.
Autrement dit, notre objectif est de faire ressortir des ouvrages de Pastoureau des sous –
ensembles qui comprennent les termes apparentés du point de vue conceptuel des quatre termes de
couleur, termes qui appartiennent à leurs paradigmes.
Pour ce faire, nous utiliserons dans un premier temps l’anal yse sémique.
L’analyse sémique ou componentielle est un type d’analyse qui suppose la décomposition
en traits sémantiques (d’où sa dénomination d’analyse en composants), traits que Mounin (1968 :
159) appelle « traits sémantiquement pertinents (sème, sémèn e, sémième se disent aujourd’hui,
non sans confusion terminologique […]) qui sont commutables séparément ». Ces traits
sémantiques portent le nom de sèmes .

169
L’objectif de l’analyse sémique est de dégager les unités minimales de signification pour
délimiter les sens des mots, pour lesquels nous utiliserons dorénavant le terme lexème . Le lexème
représente pour Greimas (1995 : 39)
« un lieu de manifestation et de rencontre de sèmes provenant souvent de catégories et de systèmes
sémiques différents et entretenant entre eux des relations hiérarchiques, c’est -à-dire hypotaxiques ».

Selon Alise Lehmann et Françoise Martin -Berthet (2005 : 33),
« [l]’analyse sémique a une optique différentielle (c’est -à-dire contrastive) : elle vise à dégager les
oppositio ns entre sémèmes d’un ensemble lexical clos ».
Les concepts avec lesquels opère l’analyse sémique – et pour lesquels nous ferons une
revue des recherches en la matière pour leurs définitions – sont le sème , le sémème , l’archisémème ,
du côté du signifié et le lexème et l’archilexème du côté du signifiant.
Selon B. Pottier (1985 : 62), « [c]haque trait considéré comme distinctif relativement à un
ensemble est un sème »59.
A. J. Greimas (1995 : 27) définit « le sèmes s » comme « un des éléments constituants l e
terme -objet A, et […] celui -ci, au bout d’une analyse exhaustive, se définit comme la collection
des sèmes s1, s2, s3, etc. ».
Le sème est « une unité de sens contenu dans un signifié » (Depecker, 2002 : 124), c’est
une composante minimale du sens de l’unité lexicale et en même temps le trait sémantique qui
distingue une lexie d’une autre lexie. La totalité des sèmes ou de traits irréductibles
sémantiquement identifiés sur des oppositions distinctives dans une unité linguistique forme le
sémème (/Sème1 / + /Sème2/ + /Sème3/ etc)60.
Dans le cas des mots polysémiques, le sémème peut englober uniquement les sèmes
communs pour construire l’un des sens de la lexie analysée. En d’autres termes, un seul lexème
peut avoir plusieurs sémèmes, chaque sémème représentant la totalité des sèmes de l’un de ses
sens.
Dans l’ Introduction à la lexicologie. Sémantique et morphologie, Alise Lehmann et
Françoise Martin -Berthet (2005 : 26) soutiennent que « la substance sémique d’un mot […] est
constituée d’un ˮfaisceau ˮ de traits distinctifs de signification appelés sèmes », et le sémème

59 Italiques de l’auteur.
60 Dans sa Linguistique générale. Théorie et description , Bernard Pottier utilise la notion de morphème, par
conséquent, selon lui, le sémème représente « l’ensemble des sèmes caractérisant un morphème » (1985 :62) ou
« substance d u morphème, […] ensemble de sèmes distinctifs dans un ensemble donné » (1985 : 69).

170
représente « l’ensemble de sèmes caractérisant un mot (ou, dans le cas d’un terme polys émique,
une acception d’un mot) ».
Selon Franck Neveu (2004 : 264),
« [l]es sèmes ne sont pas su sceptibles de réalisation indépendante, c’est pourquoi ils ne peuvent
être identifiés qu’à l’intérieur d’un signifié (ou sémème) ».

Les sèmes sont, par conséquent analysables à l’intérieur du lexique qui constitue le corpus
choisi. Pottier (1985) et Neve u (2004) distinguent entre sèmes dénotatifs et sèmes connotatifs. Le
premier constitue le côté stable de la référence61, l’auteur les appelle « inhérents » et ils se divisent,
à leur tour, en sèmes génériques (qui peuvent caractériser à la fois plusieurs ch amps lexicaux) et
sèmes spécifiques (qui servent à différencier les termes dans le cadre d’un même champ lexical).
Sans le sème dénotatif, le mot n’aurait pas la même stabilité du point de vue linguistique.
Cette distinction correspond à la distinction classique entre dénotation et connotation.
Pottier (1992 : 74) souligne cette idée dans la délimitation qu’il fait entre les deux sens des mots :
« La dénotation renvoie essentiellement à la conceptualisation du référent ; la connotation est
dépendante du savoir (COGNITIF), du vouloir (INTENTIONNEL) de l’énonciation, et
éventuellement du contexte et de la situation ».
C’est pour cela que les sens dénotatifs sont généralement connus et facilement
reconnaissable s, tandis que pour faire un bon emploi des sens connotatifs, le locuteur doit mettre
en œuvre sa compétence linguistique tant au niveau de la production d’un message ou d’une
expression porteuse d’une connotation, qu’au niveau de la compréhension, les deux aspects, celui
cognitif et celui intentionnel, jouant un rôle d’une importance égale.
Depecker (2002 : 125) distingue entre les sèmes :
 « dénotatifs : sèmes correspondant à l’objet désigné) » et
 « connotatifs : sèmes correspondant à une représentation pa rticulière se rapportant à
l’objet ». Pour cette deuxième catégorie, l’auteur donne l’exemple des sèmes
contextuels.
Selon Pottier (1985 : 30), « [l]es sèmes dénotatifs sont soit spécifiques, lorsqu’ils
permettent de distinguer deux sèmes voisins […], soit génériques, lorsqu’ils indiquent
l’appartenance à une catégorie générale […] ».

61 Selon Pottier (1985 : 29), « [l]es sèmes ne sont pas tous de même nature. Les uns sont dénotatifs et déterminent
d’une façon stable et avec une vaste assise sociale la si gnification d’un signe […]. D’autres sont connotatifs […] ».

171
La deuxième catégorie, les sèmes connotatifs , que Neveu appelle « afférents », tiennent
plutôt du contexte, de l’usage social ou individuel. Ceux -ci « caractérisent d’une faç on instable et
souvent inhabituelle la signification d’un signe […] » (Pottier, 1985 : 30).
La stabilité des sèmes génériques et spécifiques garantit la stabilité sémantique des mots,
qui sont censés être connus par la majorité sinon par la totalité des l ocuteurs d’une langue donnée,
mais ces traits sont très importants également dans la traduction, puisque les changements
enregistrés par les mots auraient des répercussions sur les dictionnaires, d’une part, et sur la
communication entre des locuteurs de l angues différentes, d’autre part. Quant à la connotation,
elle fait partie du dynamisme des langues et de leurs locuteurs, c’est un phénomène qui met en
œuvre leurs intentions et leurs compétences et qui ne devrait jamais être ignoré. Il arrive, bien
enten du, qu’un emploi généralisé et pour une longue période détermine une première
interprétation du mot dans le sens qui au début était connotatif. Selon Mirela -Cristina Pop (2007 :
157) « [l]e locuteur fonde son point de vue à partir de son idéologie, mais il est à la fois
représentant de l ’idéologie d ’une collectivité ». L’auteure traite du terme Noir, qui de désigne pas
seulement la race, mais il est devenu un « terme stigmatisant ».
Les deux autres concepts importants dans l’analyse sémique sont l’archisémème et
l’archilexème . Le premier désigne, selon les mêmes auteurs (2005 : 26), « l’ensemble des sèmes
communs à plusieurs sémèmes, c’est -à-dire leur intersection ». Au cas où l’archisémème a une
« réalisation lexicale », il devient archilexème.
De ce qui vient d’être dit, il résulte que l’archisémème est composé des sèmes communs à
plusieurs lexèmes et c’est exactement cet ensemble de traits communs qui nous aidera à établir
finalement le champ lexico -sémantique des termes de couleur.
Pottier (19 85 : 63) définit l’archisémème comme suit : « Si l’on fait l’intersection des
sémèmes d’une série, on a un archisémème , qui PEUT avoir dans la langue un signe caractérisé
par cette même substance (ou archimorphème ) ».
Pour Touratier (2000 : 33), « [l]’arch ilexème correspond à ce que l’on appelle parfois un
hypéronyme […], c’est -à-dire un nom qui, logiquement, en domine d’autres, alors appelés
hyponymes ».
Une autre notion utilisée par B. Pottier (1985 : 63) est celle de noyau sémique , qui désigne
« le ou le s sèmes stables quels que soient les ensembles auxquels le terme appartient ».

172
Ce type d’analyse repose également sur la notion de valeur introduite par Saussure
conformément à laquelle pour déterminer la signification d’une unité linguistique, il faut all er au –
delà de la relation entre le signifiant et le signifié, cette signification étant le résultat de la relation
entre ce signe et d’autres signes. Pottier reprend cette notion de Saussure pour parler du sens que
le terme reçoit « hors contexte » et de l a valeur qu’un terme acquiert « en-contexte ». Selon
l’auteur, « [t]oute signification est relative à des ensembles d’expérience selon les circonstances
de la communication » (Pottier, 1985 : 63).
Pour notre démarche, cette notion de valeur nous aide à co mposer le champ sémantico –
lexical des termes de couleur, puisque la valeur est rattachée au traits pertinents des mots, et notre
intention est d’éviter de prendre en compte les traits non pertinents. En d’autre termes, c’est
justement la valeur d’un mot qu i le rend ce que les autres mots ne sont pas, et en termes d’analyse
sémantique structurale, c’est le sème.
Pour Marie -Françoise Mortureux (2008 : 78), dans le cas de l’a nalyse sémique,
« la comparaison des mots entre eux peut se faire, non dans le cadre d’une phrase, mais au sein
d’un ensemble de mots formant un champ notionnel, c’est -à-dire un ensemble de mots qui ont entre
eux des relations sémantiques particulières, parce qu’ils réfèr ent à des choses (concrètes ou non)
relevant d’un même domaine de la réalité ».
L’analyse sémique restreint son objet d’étude à des mots faisant partie d’une même
catégorie, tandis que le champ notionnel comprend des termes appartenant à des classes
différentes.
1.2.1.2. Typologie sémique
François Rastier, l’un des spécialistes en sciences du langage, sémanticien français
renommé , formé par Greimas et Pottier, auteur de l’ouvrage Sémantique interprétative (P.U.F.,
1987), met l’accent dans sa démarche sur l’analyse de sens des mots dans des énoncés. L’analyse
selon cette théorie porte sur le texte entier, considéré comme un tout, l’objectif visant
l’interprétation du texte en cause par son récepteur. L’aute ur reconfigure les sèmes distingués par
Pottier, dont il garde les catégories de sèmes génériques et de sèmes spécifiques, mais il modifie la
troisième catégorie, celle de sèmes virtuels, qu’il introduit dans la catégorie des sèmes pertinents,
génériques, mais aussi dans celle de sèmes spécifiques sous la dénomination de sèmes inhérents et
de sèmes afférents . Le sémème représente pour l’auteur l’ensemble de sèmes décrivant tant des
traits pertinents, que des traits non pertinents. Sché matiquement, les types de sèmes proposés par
Rastier (1994 : 53) dans la microsémantique (terme par lequel l’auteur comprend « sémantique du
palier inférieur du texte ») se divisent en deux catégories :

173
 sèmes génériques (communs à une classe entière et qui sert à inclure un lex ème
dans une classe sémantique) ; ce sont des sèmes « hérités des classes
hiérarchiquement supérieur es » (Rastier, Cavazza, Abeillé, 1994 : 53) et à leur tour
sont divisés en sèmes
o inhérents (sèmes principaux des mots), « définitoires du type » (Idem ) et
o afférents (dus au contexte)
et
 sèmes spécifiques , qui « différencient les sémèmes dans le contexte de lexies
appartenant à une même classe » (Rastier, Cavazza, Abeillé, 1994 : 53), servant
ainsi à opposer les mots d’une classe). La catégorie des sèmes sp écifiques
comporte, elle aussi, la division en sèmes
o inhérents et
o afférents .
Nous observons que les deux grandes catégories de sèmes, génériques et spécifiques, se
divisent en sèmes inhérents et sèmes afférents .
Les sèmes inhérents sont les sèmes qui apparaissent dans tout contexte, excepté le cas où
l’intention du locuteur est justement d’éliminer ce sème (l’auteur donne l’exemple du corbeau,
pour lequel « /noir/ est un sème inhérent », sème qui est éliminé dans une structure comme
« corbeau blanc » (Rastier, 1994 : 53).
La deuxième catégorie de sèmes qui caractérisent tant les sèmes génériques, que les sèmes
spécifiques – les sèmes afférents – comportent, selon Rastier, deux types :
 un premier type qui « rend compte des phénomènes dits de connotation, ainsi que
de phénomènes de prototypicalité » (Rastier, 1994 : 53). Ces sèmes sont hé rités,
liés à des traits « facultatifs du type » et qui s’actualisent dans un contexte ;
 le deuxième type, que Rastier (1994 : 54) appelle « sèmes af férents contextuels ».
Ce sème est actualisé exclusivement en contexte, sans être conditionné par un
attribut facultatif du type.
Pour ce qui est de la distinction entre les sèmes génériques et les sèmes spécifiques,
l’auteur attire l’attention sur la rela tivité de cette distinction, en ce sens qu’un sème qui est
identifié comme générique dans un sémème peut être spécifique dans un autre et que l’inventaire
des sèmes est dépendant du corpus ou du but de l’analyse conduite dans chaque cas.

174
Selon la théorie de Rastier, les classes s’organisent à partir des sèmes inhérents, mais le
risque de cette démarche est de ne pas pouvoir mettre dans la même catégorie des objets qui se
différencient par un seul trait (que l’objet possède de plus ou qui lui manque par rap port à un autre
objet qui est inclus dans la classe en cause) : « sans plumes, un animal volant ne peut être rangé
parmi les oiseaux » (Baylon et Mignot, 2000 : 130).
Selon la typologie établie par Bernard Pottier (1985), adoptée également par Cristiana –
Nicola Teodorescu (2007), nous avons trouvé une distinction, fréqu emment employée dans la
littérature de spécialité et que nous avons l’intention d’appliquer à notre analyse, cette fois -ci entre
trois types de sèmes :
 les sèmes génériques ,
 les sèmes spécifiques et
 les sèmes virtuels .
Les deux premiers types sont, selon Hélène Mazaleyrat (2010 : 58), « valables hors
contexte pour tous les membres d’une communauté linguistique donnée » et ils sont des traits
dénotatifs, tandis que les sèmes virtuels s ont considérés des sèmes connotatifs « dont
l’actualisation est liée aux facteurs variables du contexte d’énonciation ». L’exemple donné par
Hélène Mazaleyrat pour illustrer ses propos présente un intérêt particulier pour notre recherche,
puisqu’il s’agit d’un terme désignant une couleur : l’adjectif rouge . Dans ce cas,
 le sème générique est /couleur/ ;
 le sème spécifique est / se distingue de pourpre, dénotant une nuance de la couleur
rouge, au moyen des sèmes spécif iques présents dans son sémème / ;
 le sème virtuel /danger/ et /colère/.
Selon Pottier (1992 : 75), l’analyse des sèmes distinctifs, des sèmes spécifiques, appartient
à la microsémantique, les sèmes génériques du type /animé / ou /matériel / relèvent du domaine
mésosémantique, tandis que la macr osémantique traite de la forme du signifié.
Dans le cadre de l’analyse des termes désignant la couleur, pour déterminer la signification
de chaque signe, il faut comparer les termes du champ sémantique que l’on identifie autour d’eux
et qui se délimitent r éciproquement.
Puisque ces termes sont employés pour transmettre un message, dans un discours cohérent,
le rôle de ce genre d’analyse est d’établir des classes d’éléments, ce que Pottier (1985 : 27) appelle

175
« taxinomie », nous nous en servirons pour réalis er la taxinomie des couleurs dans le domaine
historique.
1.2.1.3. Définitions lexicographiques
Pour notre recherche, dans un premier temps, nous prenons comme point de départ les
définitions des quatre termes de couleur que nous analysons , définitions que nous avons extrait es
du Grand Robert de la Langue Française :
(a) Bleu, Bleue
« I. Adj. 1. Qui est d’une couleur entre l’indigo et le vert, dont la nature offre de nombreux
exemples, comme un ciel sans nuages (=> Azur, azuré, azuréen, azurin, cérulé ),
certaines fleurs (=> Bleuet, bluet, myosotis, pervenche ), certains minéraux (=> Lapis –
lazuli, saphir ). – (Phys.). La couleur bleue correspond aux radiations du spectre visible
situées entre les raies F (bleu verdâtre) et le G (indigo) du spectre solaire » (Robert , 1985 :
30).
En tant que nom, le Grand Robert définit le bleu de la manière suivante :
« Couleur bleue. Le bleu est l’une des sept couleurs fondamentales du spectre » (Idem :
31).
(b) Noir, Noire
« I. Adj. A. Concret. (Presque toujours après le nom). 1. Se dit de l’aspect d’un corps qui
produit une impression particulière sur la vue du fait que sa surface ne réfléchit aucune
radiation visible » (Robert , 1985 : 777).
D’autre part, que le nom est défini simplement comme
« Couleur noire » (Robert , 1985 : 779).
(c) Rouge
« Qui est d’une couleur voisine de celle de l’extrémité du spectre solaire, couleur dont la
nature offre de nombreux exemples (sang, fleur de coquelicot, rubis, etc.) ( Robert , 1985 :
477).
Le nom rouge bénéficie d’une définition dans la même ligne que les autres noms désignant
les couleurs :
« Couleur rouge. Le rouge (orangé) est une des sept couleurs fondamentales, à l’extrémité
du spectre visible, et contient les raies C (hydrogène), B et A (oxygène). Le vert est la
couleur complémentaire du rouge » (Robert , 1985 : 478).
(d) Vert, Verte
« I. Adj. 1. (Couleur). Intermédiaire entre le bleu et le jaune (radiations lumineuses dont la
longueur d’onde avoisine 0,52 μ) ( Robert , 1985 : 706).
Pour ce qui est du nom, il reçoit la définition suivante :
« Couleur verte. Le ve rt est complémentaire du rouge. Le vert, couleur de l’espérance »
(Robert , 1985 : 707).
Nous utiliserons ces définitions comme point de départ de l’analyse sémique , surtout pour
en faire ressortir les sèmes génériques et les sèmes spécifiques.

176
1.2.2. Critère morpho -syntaxique
D’un point de vue strictement morphologique , nous avons une classification traditionnelle
des termes de couleur ( bleu, noir, rouge, vert ), selon les paramètres de la l inguistique générale de
Bally (1944), qui les catégorise en noms et adjectifs , catégories grammaticales dont nous nous
servirons pour diviser les termes de notre corpus dans le but de les analyser séparément :
 bleu, noir, rouge et vert comme adjectifs et
 bleu, noir, rouge et vert comme noms.
Les deux font partie de la classe des mots variables, classe qui s’oppose à celle des mots
invariables (conjonctions, prépositions, adverbes et interjections). La première catégorie est
employée pour désigner des réf érents collectifs (noms communs) ou des référents individuels
(noms propres) – cela signifie les dénominations des objets, phénomènes ou êtres humains, tandis
que la seconde sert à exprimer les caractéristiques des objets ou des êtres62. En ce qui concerne le
nom, nous avons mentionné les deux types, communs et propres, parce qu’il y a des situations
dans lesquelles le nom est employé pour désigner des personnes (des anthroponymes) ou des lieux
(toponymes).
Cette classification traditionnelle se reflète égal ement dans la lexicographie. Quant à la
définition de chaque terme qui nous préoccupe, elle consiste, selon Alain Rey (2008 : 101) à
« faire correspondre à une unité lexicale supposée inconnue ou mal connue une pluralité d’unités
appartenant au même systè me linguistique, organisé selon les structures syntactiques de ce système,
et qui est supposé capable de déterminer […] l’élaboration conceptuelle adéquate ».
Dans Le Grand Robert de la Langue Française
 l’adjectif bleu est défini en le situant entre deux autres, alors en rapport avec les
autres couleurs du cercle chromatique et la définition est soutenue avec des
exemples de la nature ;
 l’adjectif rouge est rapporté au spectre solaire, en bénéficiant à son tour d’un renvoi
au monde réel, sous la même forme d’exemples pris de la nature ;
 pour ce qui est de la définition du noir et du vert, celles -ci sont beaucoup plus
courtes et plus techniques, avec un positionnement du vert entre deux autres
couleurs (bleu et jaune) et avec un appel aux conditions d’existence des couleurs, la
vue, la réflexion, la radiation visible et les longueurs d’ondes. Dans ces deux
derniers cas, il n’existe pas d’exemples pris de la nature dans ces définitions, même
si elle nous en offre pleinement.
Pour chacun des adjectifs de couleur, le dictionnaire note les sens connotatifs également,
les locutions dans lesquelles ces termes apparaissent et des emplois spécialisés.

62 L’adjectif enregistre à son tour plusieurs types, comme par exemple adjectif possessif, adjectif démonstratif,
indéfini ou interrogatif, mais pour notre analyse nous nous rapportons uniquement à l’adjectif qualificatif, la seule
forme que les termes que nous étudions puissent revêtir.

177
En tant que nom, le même dictionnaire définit le bleu comme « l’une des sept couleurs
fondamentales du spectre » et en donne ensuite des exemples tant de nuances que de son emploi
dans des structures, des locutions figées et y ajoute un autre sens propre, celui de « matière
colorante bleue ». Pour ce tte notion de couleurs fondamentales que le dictionnaire utilise pour
définir le terme désignant une couleur, n ous utiliserons une citation de Jean Rudel (1999 : 63),
selon lequel
« [l]a disposition circulaire, toujours la plus communément établie, permet d’isoler trois couleurs
fondamentales : trois primaires et trois binaires obtenues par mélange de couleurs primaires prises
deux à deux (jaune/rouge = orange, jaune/bleu = vert, rouge/bleu = violet) ».
Le noir, en ce qui concerne son premier sens, est brièvement défini comme « couleur
noire », ensuite le dictionnaire enregistre, toujours comme sens concret, les sens d’obscurité, de
matière colorante et de matière qui salit.
En ce qui concerne le rouge , il est s itué en vue de le définir entre les couleurs
fondamentales, la définition comportant également des détails scientifiques. Ensuite le
dictionnaire énumère des nuances de rouge, le pigment, comme dans le cas des autres couleurs, et
se dirige vers l’aspect qu e peut prendre soit un objet, soit la peau sous de divers stimuli, et finit
avec des emplois spécialisés.
Le nom vert se réjouit du même traitement que le noir, en ce sens que la définition est très
courte (« couleur verte ») et il est défini par rapport à sa couleur complémentaire, le rouge.
S’ensuit tour à tour l’énumération de nuances, le colorant, des locutions comprenant le nom vert et
les emplois spécialisés.
Du point de vue syntaxique , l’adjectif – qui peut être épithète ou attribut – accompagne ou
se rapporte à un substantif, tandis que le substantif n’a pas forcément besoin de la présence d’un
adjectif pour désigner l’objet, sauf si ce dernier lui est utile à marquer une propriété de l’objet
désigné.
Nous retrouvons dans la définition des termes de couleur en tant qu’adjectif le recours à la
conception de la psychologue américaine Eleanor Rosch des années 1970, fondée sur le prototype
qui représente le meilleur exemple d’une certaine couleur, désignée par un certain mot, dans notre
cas le bleu et le rouge . C’est pourquoi le dictionnaire met les termes de couleur en opposition avec
d’autres couleurs, les situant dans le spectre chromatique.
D’autre part, nous remarquons que dans la définition de l’adjectif bleu et de l’adjectif
rouge l’auteur se sert de certains objets concrets comme fleurs , minéraux , sang, rubis ce qui

178
s’inscrit dans l’hypothèse d’Anna Wierzbicka (1999), selon laquelle un nom de couleur ne peut
pas être employé comme un concept universel pour expliquer d’autres termes, et le prototype
d’une couleur est constitué par l’objet ou le phénomène naturel qui l’exemplifie le mieux.
Pour ce qui est du discours dont les quatre termes analysés et les mots qui composent leur
champ sémantico -lexical font partie, la sémantique peut constituer le pre mier critère du choix
linguistique, mais l’aspect syntaxique n’est pas du tout à négliger.
Pottier (1985 : 27) distingue trois plans : le plan de la sémantique63, le plan de la syntaxe et
le plan de la signifiance et, selon lui, « dans chacun des plans il y a […] une taxinomie (classe
d’éléments) + une combinatoire ».
Dans un premier temps, notre analyse nous conduira à réaliser la taxinomie des termes de
couleur bleu, noir, rouge et vert. Une fois la taxinomie (qui relève de la relation paradigmatique
entre les éléments de la classe des termes de couleur) établie, nous pourrons constituer le champ
lexico -sémantique des termes de couleur à base des ensembles de taxèmes, pour nous pencher sur
les relations syntagmatiques que ces éléments entretiennent (les d eux notions que Pottier utilise
pour dénomme r les relations ces éléments entretiennent étant relation paradigmatique et relation
syntagmatique ), cela veut dire sur les possibilités combinatoires des éléments des classes
analysées, les deux plans étant inte rdépendants. Nous reprendrons plus tard ces notions, dans le
cadre de l’analyse proprement -dite.
Pour ce qui est de la combinatoire sémantique, Pottier (1985 : 84-87) distingue trois
catégories :
 « isosémie grammémique », l’isosémie étant définie par l’au teur comme « la
redondance d’un sème à travers divers éléments d’un énoncé (ou d’une suite
d’énoncés) » ;
 la deuxième catégorie est composée de l’« isosémie de grammème x lexème »
situation dans laquelle « certains sèmes se retrouvent dans l’un et l’autre » et
 la troisième catégorie, celle de l’« isosémie léxémique » qui, à notre avis , présente
une importance significative pour notre corpus, parce qu’elle vise la combinatoire
des classèmes et nous aidera à mieux comprendre des combinaisons qui à première
vue nous semblent difficilement interprétables.

63 En parlant toujours de la forme et de la substance du signifié, l’auteur soutient que « [l]a forme du si gnifié
(éléments et combinatoire » est au niveau de la ma crosémantique […] ». les sèmes spécifiques et les sèmes virtuels
« constituent la microsémantique », tandis que « les sèmes génériques, qui renvoient à de grandes classes, […]
constituent la mésosémantique » (Pottier, 1985 : 31).

179
Selon l’auteur, « l’assémantisme n ’existe pas » (Pottier, 1985 : 87), en ce sens qu’une fois
qu’un individu énonce quelque chose, dans son énoncé il y a « une isosémie profonde » et qu’un
éventuel assémantisme pourrait caractériser des associations de mots issues d’une machine.
La source d’un tel phénomène d’assémantisme serait pour Pottier les « synesthésies , ou
transferts d’axe thématique avec conservation du sème essentiel » (1985 : 87).
La synesthésie est définie par le TLFi, du point de vue pathologique, comme
« [t]rouble de la perception sensorielle dans lequel une sensation normale s’accompagne
automatiquement d’une sensation complémentaire simultanée dans une région du corps différente
de celle où se produit l'excitation ou dans un domaine sensoriel différent. Par les voies
d’associations nombreuses qui relient les centres de l’audition aux autres centres, la sensation
auditive donne naissance à des incitations diverses: réflexes moteurs (oculaires; statiques ou
d’orientation; respiratoires; etc.); réflexes sensitifs ou synesth ésies (audition colorée); réactions
émotives (sécrétions; m imiques; troubles vaso -moteurs […] ) (Arts et litt., 1935, p. 34 -8) »64.
En psychologie, ce terme désigne un « [p]hénomène d’association constante, chez un
même sujet, d’impressions venant de domai nes sensoriels différents » (Arts et litt., 1935, p. 34 -8).
Parmi les éléments qui composent notre corpus, nous avons trouvé des combinaisons très
intéressantes qui se situent au carrefour de deux sens, surtout au niveau des collocations des
termes de coul eur, le phénomène étant présent dans des exemples comme :
(a) couleur sonore
(b) couleur sourde
(c) couleur criarde
(d) rouge criard
(e) vert criard
En ce qui concerne les sens impliqués dans ces structures, la base de chacune des
collocations, les termes couleur , rouge et bleu relèvent de la vue, tandis que le s terme s sonore ,
sourd et criard s’adresse nt à un autre sens, à l’ouïe.
Cependant, de ces trois derniers termes, les deux premiers entrent dans le champ lexico –
sémantique de l’ouïe, tandis que la situation du troisième nous semple particulière : même si le
premier sens du terme criard relève du son, de l’ouïe, la langue lui a attribué également un sens
métaphorique que le TLFi décrit comme « [q]ui blesse la vue par un éclat trop vif, des couleurs
discordantes »65. Nous pouvons signaler ainsi une migration du terme du sens auquel s’adressait

64 Le Trésor de la Langue F rançaise informatisé, disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1520809800 , dernière consultation le 4 août 2017.
65 Définition extraite du Trésor de la Langue Française informatisé, disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?222;s=4060985160;r=10;nat=;sol=1 , dernière consultation le 4
août 2017.

180
au début (l’ouïe) vers l’autre sens (la vue) , les collocations (c) – (e) extraites du corpus qui sont
formées avec ce terme partageant de cette manière le sème /vision/.

1.3. Analyse sém ique des termes de couleur
Comme il a été précisé auparavant, en vue de procéder à la description sémantique des
termes de couleur, nous aurons recours à l’analyse sémique ou componentielle, ce type d’analyse
fondée sur l’identification des sèmes qui nous aidera à réaliser la décomposition en tra its
sémantiques. Nous l’avons choisie parce que nous la considérons la plus précise et la plus
rigoureuse, d’une part, et, d’autre part, parce qu’elle nous permet de traiter chaque mot séparément,
sans prendre en considération le contexte66. Puisque « le sème doit se dire avec autant de mots de
la langue naturelle qu’il faut pour bien mettre en relief le trait distinctif relatif à l’ensemble
considéré », (Pottier, 1992 : 73) c’est par son identification que nous devons commencer notre
analyse.
Notre travail de recherche vise dans un premier temps les termes de couleur bleu, noir,
rouge et vert. Nous commencerons par dégager les sèmes des quatre termes de couleur pour en
constituer le champ sémantique, notamment les sèmes à caractère distinctif, qui servent
principalement à en former le signifiant, ce qui nous conduit à les distinguer des autres unités
lexicales du champ donné. Ces quatre termes constituent ce que Pottier (1985 : 97) appelle
« taxème d’expérience » et qui « est constitué d’une sér ie de signes dont les sémèmes ont un
certain nombre de sèmes en commun, dans une situation socioculturelle donnée ». Dans le cas des
couleurs, cette situation socioculturelle s’avère extrêmement importante, parce que, même si la
vision humaine des couleurs est identique, fait qui a été démontré à travers plusieurs recherches, le
niveau linguistique enregistre des différences parfois considérables, puisque les langues ont établi
leur propre catégorisation linguistique des couleurs. Quelle que soit la dénomin ation des couleurs
qu’une langue emploie, les chercheurs ont enregistré (au moment des essais d’associer certains
objets colorés aux couleurs correspondantes) des différences qui ne peuvent pas être pris es en
compte, situation qui n’est point la même au ni veau linguistique. Et c’est à ce niveau qu’un
locuteur doit bien maîtriser les dénominations, parce que, à notre avis, une délimitation correcte

66 L’analyse qui porte sur les sens des mots en contexte s’appelle analyse distributionnelle, et ce type d’analyse ne
peut pas nous être utile dans notre démarche, puisqu’elle ne peut pas identifier la signification inhérente d’un mot.
D’autre part, le texte de Michel Pastoureau nous offre un matériel extrêmement riche en significations contextuelles
des quatre termes analysés, qui, hors ce contexte, pourraient être difficilement comprises.

181
des signifiants se reflète ultérieurement dans la formation de textes acceptables dans la langue à
laquelle ils appartiennent et dans la réussite de la communication.
Le résultat de ce travail de constitution du champ lexico -sémantique est étroitement lié à la
« rigueur de définition du concept, et celle -ci à son tour dépend souvent du domaine exploré »67
(Mounin, 2 010 : 56). Dans un premier temps, nous utiliserons les définitions des quatre termes –
concepts dans la langue générale.
Nous utiliserons la terminologie de Pottier, ce qui veut dire que nous établirons les
sémantèmes , les classèmes et les virtuèmes (Pottier, 1985 : 30) des termes de couleur bleu, noir,
rouge et vert dans l’œuvre de Michel Pastoureau.
Pour ce qui est de la définition de ces trois notions avec lesquelles nous allons opérer, nous
citons le même auteur : « Le sémantème est constitué par l’ensemble des sèmes spécifiques dans
un ensemble donné » (Pottier, 1985 : 71), sa fonction étant distinctive ; en ce qui concerne le
classème, il « est constitué par l’ensemble des sèmes génériques dans un ensemble donné »
(Pottier, 1985 : 73) et la troi sième notion avec laquelle nous allons opérer, le virtuème,
« représente la partie connotative du sémème » et l’auteur précise la dépendance de celui -ci « des
acquis socio -culturels des interlocuteurs » et le caractérise comme étant « instable, mais se sit ue
dans la compétence à un moment donné » (Pottier, 1985 : 74-75). Ce sont les sèmes qui
s’actualisent uniquement dans des contextes, le virtuème étant l’« ensemble des sèmes connotatifs
dans un sémème » (Pottier, 1985 : 333).
B. Pottier distingue, dans le cadre de cette catégorie des virtuèmes, plusieurs situations
visant la connotation d’un mot :
 « connotation spontanée », pour laquelle l’auteur donne des exemples comme
l’emploi du nom d’un animal pour mettre en évidence la qualité d’une personne,
l’empl oi de certains nombres au lieu d’un concept ou d’un nom propre pour
« évoquer un type de personnage » (Pottier, 1985 : 70) ;
 la deuxième catégorie est celle de la « connotation contextuelle » (Pottier, 1985 :
71) qui suppose une certaine compétence lingu istique des locuteurs pour déchiffrer
le sens qui n’est pas explicite ;

67 Dans notre cas, les quatre concepts que nous nous proposons d’étud ier sont les quatre termes de couleur : bleu, noir,
rouge et vert.

182
 la catégorisation de Pottier continue avec la « connotation analogique » (Pottier,
1985 : 71) qui fonctionne surtout sous la forme de comparaisons qui sont connues
et acceptées par l a société dans son ensemble.
Selon Pottier (1985 : 76), « [l]a virtualité peut être commune à tous les individus d’un
groupe, ou limitée à un sous -ensemble, ou être individuelle ». Dans notre cas, la virtualité que les
termes de couleur bleu, noir, rouge et vert revêtent provient surtout des groupes et des sociétés.
Bien entendu, cette virtualité peut trouver son point de départ dans un usage individuel, parce que
tout phénomène commence à une échelle réduite, mais ce qui est resté dans la mémoire collectiv e
et dans les documents qui le prouvent, c’est le résultat ou l’effet de leur emploi généralisé par la
société entière.
Nous rappelons brièvement des sèmes employés par la plupart des chercheurs qui se
penchent sur l’analyse structurale, sèmes qui son t les plus faciles à identifier et qui fonctionnent
par couples : / matériel / non matériel ; concret / abstrait ; féminin / masculin ; animé / inanimé ;
humain / inhumain ; action / non action ; qualité / non qualité /, etc. B. Pottier (1992 : 40) les
appelle « oppositions polarisées […], en remarquant que l’un des termes est très souvent retenu
pour recouvrir l’ensemble des deux ».
Une partie de cette typologie de sèmes nous sera utile dans l’analyse des éléments qui
constituent notre corpus. Nous insisterons sur les sèmes virtuels, mais nous présenterons
brièvement les sèmes génériques et les sèmes spécifiques de chacun des termes de couleurs,
analysés en tant qu’adjectifs et en tant que substantifs.
1.3.1. Analyse des adjectifs de couleur
Nous utiliserons les défini tions ci -dessus en vue d’en dégager les sémèmes : dans un
premier temps, nous identifierons les classèmes et les sémantèmes des lexèmes bleu, noir, rouge
et vert68, plus précisément, les sèmes génériques, les sèmes spécifiques et les ouvrages de Michel
Pastoureau pour faire ressortir les virtuèmes de ces quatre adjectifs désignant les couleurs. Dans le
dictionnaire consulté il existe, bien entendu, des sèmes virtuels pour chacun des adjectifs
analysés69, mais nous considérons que les utiliser dans notre a nalyse n’est pas pertinent, vu que
notre corpus est constitué des ouvrages de Michel Pastoureau.

68 Nous utiliserons dans la première partie de l’analyse les sens dénotatifs marqués dans le dictionnaire, le sens que les
termes revêtent dans « une situation banale de communication » (Pot tier, 1985 : 62).
69 Par exemple, dans Le Grand Robert de la Langue Française nous trouvons des emplois figurés ou des locutions
construites avec les quatre adjectifs de couleur : pour l’adjectif bleu – houille bleue, bas -bleu, cordon bleu, conte bleu

183
1.3.1.1. Classèmes et sémantèmes
Pour avoir une image plus claire des résultats de cette analyse, nous organiserons ces
informations dans une disposition graphique sou s la forme d’un tableau pour les quatre termes de
couleur et les sèmes génériques et spécifiques – qui peuvent être selon Pottier (1985 : 70)
« descriptifs (ceux qui se réfèrent à la nature du terme étudié) et applicatifs (ceux qui se réfèrent à
la fonctio n ou à la destination » – et dans un second tableau les sèmes virtuels , pour en établir les
points communs et les points différents en fonction de la présence ou de l’absence de certains
sèmes. Ainsi, selon les définitions des quatre adjectifs de couleur q ue nous avons reprises du
Grand Robert de la Langue Française , les sèmes génériques et spécifiques du bleu, du noir, du
rouge et du vert sont les suivants :
Sèmes BLEU NOIR ROUGE VERT
Sèmes
génériques /couleur/
/aspect/
/couleur/
/couleur/
Sèmes
spécifiques S1 /sert à décrire/
S2 /entre l’indigo et le vert/,
S3 /présent en nature/,
S4 /correspond aux
radiations du spectre visible
situées entre les raies F
(bleu verdâtre) et le G
(indigo) du spectre solaire/ S1 /sert à
décrire/
S2 /produit une
impression
particulière sur
la vue/,
S3 /la surface ne
réfléchit aucune
radiation visible/
S1 /sert à
décrire/
S2 /voisine de la
couleur de
l’extrémité du
spectre solaire/,
S3 /présent en
nature/
S1 Ø
S2 /situé entre le
bleu et le jaune/,
S3 /radiations
lumineuses dont
la longueur
d’onde avoisine
0,52 μ/

Tableau 2 : Sèmes génériques et sèmes spécifiques
Pour avoir une image plus claire de ces résultats, nous organiserons ces informations dans
une disposition graphique sous la forme d’un tableau pour les quatre termes de couleur et les
sèmes génériques et spécifiques – qui peuvent être selon Pottier (1985 : 70) « descriptifs (ceux qui
se réfère nt à la nature du terme étudié) et applicatifs (ceux qui se réfèrent à la fonction ou à la
destination » – et dans un second tableau les sèmes virtuels , pour en établir les points communs et
les points différents en f onction de la présence ou de l’absence de certains sèmes.
Nous pourrons de la sorte identifier les sèmes communs aux quatre termes et les sèmes
spécifiques à chacun.
Selon Greimas (1995 : 35),

ou zone bleue , dans aucun de ces cas le bleu ne désignant pas la couleur, cela veut dire son sens dénotatif ; pour le
noir, il y a avoir les mains noires, blé noir, beurre noir, marché noir, jeter un regard noir ; le rouge , à son tour
enregistre de nombreuse s situations d’emploi comme griller le rouge, lanterne rouge, tirer à boulets rouges, un petit
rouge, chauffé au rouge , etc. ; et, bien entendu, pour le vert nous rencontrons des emplois pleins de connotations – vin
vert, donner le feu vert, en dire des ve rtes, en voir, en dire des vertes et des pas mûres, verte réprimande , etc.

184
l’« absence doit être interprétée comme la manifestation de l ’existence d’une opposition sémique
disjoignant, à partir d’une base sémique commune, le lexème donné des autres lexèmes possédant
ce sème ».
Si l’absence d’un certain sème sert à disjoindre les lexèmes, la présence d’un sème
commun « établit par conséque nt une relation de conjonction entre les lexèmes » (Idem ).
Nous constatons cependant une certaine inconstance dans les définitions lexicographiques
des quatre termes, dans certains cas nous trouvons des références scientifiques, comme par
exemple dans le cas du vert, « radiations lumineuses dont la longueur d’onde avoisine 0,52 μ »,
donc avec un haut degré de spécialisation, mais dans d’autres cas (celui du bleu ou celui du rouge ,
par exemple) le dictionnaire offre « des définitions dénotatives en rapport avec des réalités
objectives qui font partie de l’expérience de tout locuteur » (Touratier, 2000 : 26), ce qui les rend
facilement accessibles au lecteur, parce qu’il s’agit de la langue générale.
Pour ce qui est des sèmes utilisés habituelle ment dans l’analyse componentie lle du type
/concret/abstrait / ou /animé/in animé /, nous ne pouvons pas y avoir recours, parce qu’ils ne se
retrouvent pas dans les définitions lexicographiques. En outre, ils ne seraient pas pertinents pour
établir les différences entre les quatre termes, au moins en ce qui concerne leur sens dénot atifs.
Nous pourrions cependant en profiter dans la catégorie des virtuèmes, où le contexte historique
attribue des traits comme
 /±humain / (verts gais, verts graves, noir humble, rouge stérile, couleurs jugées «
honnêtes » ou morales, couleur triste, etc.) ou
 /±genre / (couleur féminine, couleur masculine, rouge viril, etc.).
Pour ce qui est de cet aspect, de l’existence du sème /humain/ dans les mots que nous
analysons, nous nous y pencherons plus tard, au moment de l’analyse comparative des sèmes des
mots en discussion.
1.3.1.1.1. Choix des sèmes marqués dans le tableau
En ce qui concerne le choix des sèmes marqués dans le tableau ci -dessus, le sème /couleur/
ne nous a posé aucun problème, étant présent dans trois des quatre définitions, mais pour ce qui
est du reste des traits, nous les avons uniformisés comme suit :

185

Figure 18: Sème spécifique /sert à décrire/

Figure 19: Sème spécifique /situé entre deux couleurs/

Figure 20: Sème spécifique /présent dans la nature/

Figure 21: Sème spécifique /rapport au spectre/
/sert à décrire/
« Qui est d’une
couleur » « Se dit de
l’aspect d’un
corps »
/situé entre
deux
couleurs/
« entre l’indigo
et le vert » « entre le bleu et
le jaune »
/présent en nature/
« dont la nature offre de nombreux
exemples »
/rapport au
spectre/
« correspond aux
radiations du
spectre visible » « d’une couleur
voisine de celle de
l’extrémité du
spectre solaire »

186

Figure 22: Sème spécifique /luminosité/
Dans le tableau ci-dessous nous avons marqué avec la valeur + ou – en fonction de la
présence ou de l’absence du sème en cause dans la définition du dictionnaire. En tant que
« collection sémique » (Gr eimas : 1995 :35), les quatre lexèmes se caractérisent comme suit :
Sèmes

Lexème Classème Sémantème
/sert à
décrire/ /couleur/ /situé entre
deux
couleurs/ /présent en
nature/ /rapport
au
spectre/ /luminosité/
Bleu + + + + + +
Noir + – – – – +
Rouge + + – + – –
Vert – + + – – +
Tableau 3 : Classème et sémantème – adjectifs de couleur
1.3.1.1.2. Interprétation du tableau
Nous n’avons pas marqué dans le tableau /couleur/ comme sème générique premier , parce
que le terme se retrouve dans trois définitions sur quatre (sauf dans la définition de noir). En
réalité, nous trouvons que c’est très difficile de trouver le sème de ces adjectifs chromatiques,
parce que toutes les définitions se servent d’une des cription d’autres objets (« Qui est d’une
couleur […] » ou « Se dit de […] ») dont la couleur est unanimement reconnue comme telle : « un
ciel sans nuages » pour le bleu, « l’aspect d’un corps » pour le noir et « la nature offre de
nombreux exemples (« sang, fleur de coquelicot, rubis » pour le rouge . La définition de l’adjectif
vert ne comporte pas de référence au monde concret, mais il ne contient non plus d’autres traits
qui nous aident dans l’identification de ses sèmes.
Lorsque nous avons commencé l’an alyse, nous avons utilisé, pour les quatre concepts
soumis à la recherche, le terme « couleur ». Ce n’est pas forcément notre choix, puisque cette
structure de « termes de couleurs » est généralement employée tant dans la linguistique (par
exemple, Berlin et Kay, 1969), que dans d’autres domaines. De plus, les titres des quatre ouvrages /luminosité/
« sa surface ne
réfléchit aucune
radiation
visible » « radiations
lumineuses dont
la longueur
d’onde »

187
de Michel Pastoureau contiennent le terme couleur attribué à chacun des termes autour desquels il
construit son travail en tant qu’historien ( Bleu. Histoire d’une couleur, N oir. Histoire d’une
couleur, Rouge. Histoire d’une couleur et Vert. Histoire d’une couleur ).
Cependant, du tableau ci -dessus, fondé sur les définitions des quatre termes du dictionnaire,
/couleur/ n’apparaît pas pour définir le noir.
Le seul sème générique commun aux quatre termes est /sert à décrire/, et c’est pour cette
raison que nous l’avons marqué en première position dans le tableau ci -dessus, mais nous
trouvons que ce sème n’est pas édificateur pour notre analyse, du moment qu’il peut se retrouver
dans l’analyse sémique de tout adjectif, dont le rôle est justement celui de décrire, de qualifier. Ce
sème pourrait aussi bien caractériser des adjectifs comme beau, grand, mauvais, intéressant,
ludique , etc.
Le sème /couleur/ (et /aspect/ dans le cas du noir) n’est pas forcément attaché au rôle des
adjectifs en général, mais il l’est pour les adjectifs dont nous traitons à présent.
Le seul adjectif qui contient tous les sèmes génériques et spécifiques identifiés dans notre
analyse est l’adjectif bleu. Cela peut être expliqué par le fait que le dictionnaire en offre une
définition appartenant à la langue générale et une définition scientifique, relevant du domaine de la
physique plus précisément.
Nous pourrions aisément observer que les classèmes relèvent p lutôt de la langue générale,
tandis que les sémantèmes sont constitués des sèmes relevant des deux langues : si la définition
prend comme référence la nature, cela s’inscrit dans la langue générale, parce qu’en fait c’est
justement dans le but de se faire comprendre par tout le monde que le lexicographe recourt à de
tels exemples du monde réel ; si, au contraire, la définition contient des sèmes spécifiques comme
/situé entre deux couleurs/, /présent en nature/, /rapport au spectre/ et /luminosité/, nous n ous
demandons en quelle mesure un locuteur réfléchit à la position d’une couleur par rapport à
d’autres couleur, à sa position dans le spectre visible ou solaire, sans plus parler de radiations
lumineuses ou de longueurs d’onde.
En revanche, la référence au monde réel se fait habituellement, tant pour les couleurs qui
ne posent aucun problème de compréhension ou d’identification, que pour les plus fines ou les
plus difficiles à dénommer nuances : bleu du ciel (même si le ciel peut avoir mille nuances) ou d e
la mer (même si l’eau de la mer n’est que rarement bleue), vert de l’herbe ou de la forêt (sauf en
automne ou en hiver), noir de la nuit (même s’il ne fait pas toujours si noir) et rouge du coquelicot

188
(même s’il existe des coquelicots blancs), etc. Ce so nt justement ces sèmes spécifiques qui
différencient les couleurs, en nous aidant à les introduire dans des catégories différentes,
catégories qui auront chacune comme représentant justement une des quatre couleurs.
Puisque notre analyse est menée dans le but de constituer un champ, essayons maintenant
d’établir des rapports entre les quatre adjectifs en fonction des sèmes identifiés.
Selon Christian Baylon et Paul F abre (1978 : 76),
« on a quatre types possibles de rapport entre deux signifiés :
 disjonction : aucun sème commun ;
 inclusion : les sèmes d’un des deux font tous partie des sèmes de l’autre ;
 équipollence : dans chaque signifié, une partie seulement des sèmes appartient à l’autre
signifié ;
 identité : si deux signifiés sont composés des mêmes sèmes, leur dualité disparaît ».
Par conséquent, à la suite de l’analyse des signifiés des quatre couleurs en sèmes, nous
pouvons distinguent les types de rapport suivants :
 le rapport de disjonction , rapport dans lequel il n’y a pas de sème commun entre
deux signifiés ;
Ce type de rapport ne s’établit pas entre les adjectifs analysés, parce que nous constatons
l’existence d’au moins un sème commun entre deux signifiés (par exemple, entre noir et vert, le
sème commun est /radiations lumineuses/ ; noir et rouge sont liés par le sème /sert à décrire/).
 le rapport d’ inclusion , dans le cadre duquel les sèmes d’un signifié incluent tous les
sèmes de l’autre signifié avec lequel le premier entre en relation ;
Le signifié dont le sémème comprend tous les s èmes identifiés chez les autres est bleu.
Nous identifions par la suite un rapport d’inclusion entre noir et bleu, entre rouge et bleu, entre
vert et bleu, les sèmes de chacun étant inclus dans le sémème de bleu.
 le rapport d’ équipollence , qui caractérisé par le fait que seulement une partie des
sèmes du premier signifié appartiennent au second ;
Comme nous l’avons montré au paragraphe précédent, bleu comprend tous les sèmes
identifiés chez les autres adjectifs. Il existe par conséquent un rapport d’équipol lence entre bleu et
noir, entre bleu et rouge , entre bleu et vert.
 le rapport d ’identité , situation dans laquelle à l’intérieur des deux signifiés on
identifie les mêmes sèmes.
Ce rapport n’existe pas entre les adjectifs de couleur que nous avons analysés . Chaque
adjectif enregistre un sème de plus ou de moins au minimum par rapport aux trois autres.

189
1.3.1.2. Virtuèmes
À côté du visuème « ou représentation visuelle sensible, abstraite des référents
particuliers » (Pottier, 2012 : 57) et de l’idéème qui « suppose une vision encore plus abstraite »
(Pottier, 2012 : 59) , le virtuème fait partie des images mentales que Pottier (2012 : 63) identifie
dans l’imagerie du sens. Selon l’auteur, le virtuème se divise en « virtuème culturel » (il donne les
exem ples de l’éléphant, de la souris et du lapin et montre comment ces animaux deviennent
représentatifs dans la conscience collective grâce à leurs attributs), « orthomorphie culturelle »
(Pottier, 2012 : 65) et « mémoire et chronosémie » (Pottier, 2012 : 67).
Nous rappelons la définition du sème virtuel donnée par Pottier : « élément du virtuème,
représentant des associations instables et souvent individualisées, mais dans la compétence du
sujet parlant » (Pottier, 1985 : 331). Ces traits qui relèvent, comme nous l’avons vu, de la
connotation, peuvent acquérir, grâce à l’usage fréquent, une stabilité dans la langue, mais elles
peuvent se rapporter, et par conséquent se limiter, à un contexte particulier ou à une intention
discursive d’un locuteur à un moment d onné, sans se généraliser.
Selon Pastoureau,
« [l]es problèmes de la couleur ne sont pas seulement biologiques ou neurobiologiques, ils sont
aussi et surtout sociaux et culturels. Aborder les termes de couleur uniquement d’une manière
référentialiste du sens peut mener à un inventaire des traits stab les, présents dans tout contexte,
représentant les sens dénotatifs des termes. De manière générale, les sens connotatifs sont traités
comme des sens marginaux, secondaires, mais dans le cas de l’histoire des couleurs, nous verrons
que c’est exactement dans ces sens contextuels que les sociétés attribuent aux différentes couleurs
que réside leur importance dans les sociétés visés. Pour l’historien, c’est d’abord la société qui ‘fait’
la couleur, pas la nature, ni le couple œil -cerveau. » (Pastoureau, 2013 : 19)
et c’est toujours elle, rappelons -nous ses mots, « qui lui donne sa définition et son sens, qui
construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux » (Pastoureau,
2000 : 9).
C’est exactement dans ce contexte social et culturel que nous pouvons comprendre la
richesse des sèmes virtuels que les termes de couleur reçoivent dans son œuvre. C’est le résultat de
l’expérience humaine tant de manière générale, que d’une manière plus particulière, en ce sens
que chaque commun auté ou chaque société organise son expérience à sa façon, selon ses propres
règles et employant des instruments qui lui sont plus ou moins propres.

190
Pour ce qui est des sèmes virtuels70 des quatre adjectifs de couleur, nous les marquerons
séparément des tra its génériques et spécifiques que nous avons déjà analysés.
Puisqu’il ne suffit pas, à notre avis, d’énumérer de cette manière les sèmes (un petit
nombre des sèmes virtuels dont l’histoire retracée par Pastoureau investit les quatre couleurs), ce
que nous trouvons intéressant et utile, à ce stade de notre recherche, c’est d’en réaliser une
classification par exemple selon des critères généraux comme trait positif / trait négatif / trait
neutre.
(a) Bleu – Sèmes virtuels :
/disgrâce physique/ « Quant à avoir le s yeux bleus, c’est presque une disgrâce physique. Chez
la femme, c’est la marque d’une nature peu vertueuse » (Pastoureau,
2000 : 27)
/poésie pure/
/vie idéale/
/romantisme/ « Ce roman conte la légende d’un trouvère du Moyen Âge parti à la
recherche d’une petite fleur bleue vue en rêve, fleur qui incarne la poésie
pure et la vie idéale. Le succès de cette petite fleur bleue fut considérable,
bien supérieur à celui du roman. Avec l’habit bleu de Werther elle devint
la figure symbolique du romantisme al lemand. » (Pastoureau, 2000 : 140)
/courage/
/loyauté/
/fidélité/ « Il existe dorénavant des chevaliers bleus, personnages courageux,
loyaux, fidèles. » (Pastoureau, 2000 : 60)
/fraternité/
« Ce nouveau bleu possédait lui aussi un caractère national e t semblait
faire écho à la fameuse ˮligne bleue des Vosgesˮ chère à Jules Ferry; ligne
symbolique qui invitait les nationalistes français à garder les yeux fixés
sur la crête des montagnes vosgiennes en fraternité de cœur avec les
populations d’Alsace viva nt depuis 1871 de l’autre côté, sous domination
allemande. » (Pastoureau, 2000 : 160)
/accessibilité/
« Depuis cette date, cette primauté sur les autres couleurs n’a cessé de
s’accentuer. Uniformes, costumes sombres, chemises bleu ciel, blazers,
pull-overs, tenues de bains et de sport ont pleinement contribué à ce
triomphe de tous les tons bleus dans toutes les classes et catégories
sociales. » (Pastoureau, 2000 : 163)
/publicité/
« Un mot qui fait vendre également. Bien des produits, des entreprises, des
lieux ou des créations artistiques qui n’ont qu’un lointain rapport avec
cette couleur (voire pas de rapport du tout) sont aujourd’hui qualifiés de
‘bleus’ ». (Pastoureau, 2000 : 179)
Tableau 4 : Bleu – Sèmes virtuels
Sous la forme d’un tableau, les v irtuèmes du bleu se présentent de la manière suivante :
Les virtuèmes du bleu
Positif Négatif Neutre
/poésie pure/ /disgrâce physique/ /publicité/
/vie idéale/ /accessibilité/
/romantisme/

70 Sèmes que Rastier considère afférents ; ce sont des sèmes dus au contexte dans lequel le terme se manifeste et qui
présentent vraiment un grand intérêt dans toute langue.

191
/fraternité/
/courage/
/loyauté/
/fidélité/
Tableau 5 : Bleu – Sèmes virtuels – synthèse
Nous observons que des sèmes virtuels que les sociétés ont attribués au long des siècles à
la couleur bleue, les plus nombreux sont marqués du trait positif, le seul sème négatif étant
/disgrâce physique/ et cela se passait avant le XIIe siècle. Jusque -là, le bleu semble être absent des
documents sur lesquels l’historien a fondé ses recherches, mais après cette période, le bleu a
commencé à faire son apparition et a fini par obtenir le statut de « couleur préférée », du moins
dans les sociétés européennes.
En ce qui concerne les traits positifs, les objets ou les personnages empreints sous
n’importe quelle forme de la couleur bleue, suggèrent l’idéal de la vie, de l’amour, des qualités
humaines (la loyauté, le courage ou la fidélité). Cela pourrait être expliqué par rapport au
prototype de la couleur, qui est, comme nous l’avons mentionné ci -dessus, le ciel, vers lequel se
dirige tant notre regard et nos aspirations, que nos prières « Notre Père qui est aux Cieux », c’est
l’abri des âmes fidèles , c’est la limite des courageux, c’est la source de la lumière, c’est le décor
des amoureux, etc.
Le trait /poésie pure/ devrait apparemment être inclus dans la catégorie des traits neutres,
mais il doit être perçu con formément au contexte comme la poésie sous sa meilleure forme, l’idéal
de la poésie, comme le résultat de la plus belle inspiration et d’une créativité sans égal.
(b) Noir – Sèmes virtuels :
/appartenance à une
catégorie/
/circonstances/ « Peu prisés, ces vêt ements noirs sont réservés aux classes sociales les
plus humbles, aux tâches salissantes ou dégradantes et à certaines
circonstances spécifiques, comme le deuil ou la pénitence. » (Pastoureau,
2008 : 26)
/protection/
« […] les guerriers germains cherchen t à s’attribuer ses faveurs en portant
au combat l’image de son principal attribut : un corbeau noir auquel on
prête des vertus protectrices. » (Pastoureau, 2008 : 37)
/humilité/
/pénitence/ « […] les moines entretiennent des rapports de plus en plus étroits avec la
couleur noire. Dès le IXe siècle, cette couleur – celle de l’humilité et de la
pénitence – est devenue la couleur monastique par excellence. »
(Pastoureau, 2008 : 63)
/trait distinctif/
/mauvaiseté/ « On retrouve ces deux attributs dans les chansons de geste, associés aux
Sarrasins qui affrontent les chevaliers chrétiens: plus encore que les
cheveux roux, ils ont la peau brune, sombre, voire franchement noire ;
c’est là leur trait distinctif le plus fréquent et le signe patent de leur
mauvaiseté. Plus cette peau est foncée, plus le personnage est
redoutable. » (Pastoureau, 2008 : 79 -80)

192
/rites funéraires/
« Dès le Néolithique, des pierres noires sont associées aux rites funéraires,
parfois accompagnées de statuettes et d’objets de couleu r très sombre. »
(Pastoureau, 2008 : 30)
/industrialisation/
« En outre, tout un monde souterrain s’ouvre à la présence des hommes et
à leurs activités: non seulement la mine qui devient le lieu symbolique des
mutations industrielles et des tensions soci ales, un lieu particulièrement
obscur et dangereux où les ‘gueules noires’ sont victimes du grisou et de
la silicose ; mais aussi les tunnels, les galeries, les ateliers en sous -sol et
même les premiers métros […] » (Pastoureau, 2008 : 170)
/dimension négative/ « Dans toutes les langues européennes, il existe ainsi de nombreuses
locutions d’usage courant qui soulignent la dimension secrète, interdite,
menaçante ou funeste de la couleur noire […] : ‘marché noir’, ‘travail au
noir’, ‘mouton noir’, ‘bête n oire’, ‘liste noire’, ‘livre noir’, ‘trou noir’,
‘série noire’, ‘messe noire’, ‘avoir des idées noires’, ‘broyer du noir’,
‘marquer d’une pierre noire’, etc. » (Pastoureau, 2008 : 193)
/superstition/ « […] il existe des recettes pour conjurer le mauvais s ort: se signer, croiser
les doigts, faire les cornes, porter sur soi une pierre ou une amulette
noire. » (Pastoureau, 2008 : 194)
Tableau 6 : Noir – Sèmes virtuels
Si nous les schématisons sous la forme d’un tableau, pour le noir nous obtiendrons :
Les virtuèmes du noir
Positif Négatif Neutre
/protection/ /humilité/
/pénitence/
/rites funéraires/
/industrialisation/
/dimension négative/
/superstition/
/appartenance à une catégorie/
/circonstances/
/trait distinctif/
/mauvaiseté/
Tableau 7 : Noir – Sèmes virtuels – synthèse
Dans le cas de l’adjectif noir, la situation est complètement différente par rapport à celle de
l’adjectif bleu : il existe un seul trait positif (/protection/), qui provient en réalité du corbeau
comme protecteur des guerriers, le reste des sèmes étant négatifs dans les contextes sociaux
donnés.
Les traits négatifs, si nous les regardons hors contexte, pourraient nous faire réfléchir au
fait que des traits comme /industrialisation/, /appartenance à une catégorie/, /circonstances/ et /trait
distinctif/ devraient entrer dans la catégorie des traits neutres, mais , dans cette catégorisation, nous
devions prendre en considération le texte de Pastoureau.
Pour ce qui est du trait /industrialisation/, nous aurions sans doute pu le placer dans la
catégorie des traits neutres, mais nous avons pris en compte le contexte, d’où résulte cette

193
connotation négative que l’auteur, ou plutôt l’histoire, attribuait aux transformations que les
sociétés enregistraient en matière de développement, mettant en lumière surtout les travaux qui se
déroulaient en souterrain, tellement l’impact était marquant.
Un autre trait qui pourrait passer pour neutre est /appartenance à une catégorie/, mais dans
ce contexte il est vraiment négatif, les vêtements de cette couleur marquant au niveau de la société
des différences sociales, étant voués aux classes « humbles » et aux travaux dévalorisants. La
situat ion est identique pour le trait /circonstances/, ses contextes étant uniquement négatifs, le
deuil ou la pénitence.
Nous voilà arriver au dernier, /trait distinctif/, qui dans ce contexte est signe de
« mauvaiseté », l’intensité de ce trait négatif augmentant en fonction de l’intensité d e la couleur
noire (le personnage devenant ainsi « plus redoutable »).
Nous remarquons le manque de tout trait neutre de l’adjectif noir, ce qui peut être
interprété en ce sens que cette couleur ne peut pas nous laisser indifférents, nous ne pouvons pas
nous en servir tant dans la vie quotidienne, que dans les manifestations artistiques sans lui assigner
une signification plus ou moins forte.
(c) Rouge – Sèmes virtuels :
/curiosité/
/inquiétude/
/admiration/ « Si les animaux à crête, pelage ou plumage rouge suscitent la curiosité,
l’inquiétude ou l’admiration, il n’en va pas de même des humains. » (Pastoureau,
2016 : 49)
/barrière/
« À ces eaux rouges du Rubicon font écho, plus anciennement et dans un contexte
différent, celles de la mer Rouge, autre barriè re symbolique franchie par les
Hébreux au sortir de l’Égypte pour gagner la Terre promise. » (Pastoureau, 2016 :
52)
/amour/ « […] les fruits rouges peuvent eux aussi constituer des attributs symboliques de
l’amour, spécialement les cerises. Offrir des cerises est pour les timides un moyen
de déclarer son amour, sans avoir à passer par les mots ; les cerises symbolisent la
jeunesse et le printemps ; le ˮtemps des cerises" est le temps de l’amour. »
(Pastoureau, 2016 : 85)
/attraction/
/séduction/ « […] une robe rouge n’est jamais neutre ; c’est presque toujours une robe
attrayante, destinée à séduire ou à traduire les élans du cœur. » (Pastoureau,
2016 : 84)
/victoire/ « Au tournoi, quand une dame donne la manche de sa robe à son chevalier
servant, ou b ien quand elle la promet au futur vainqueur, c’est presque toujours
une manche rouge. […] Cette manche rouge, en effet, n’est pas une pièce de
vêtement anodine : c’est la marque d’une victoire, acquise ou à venir. »
(Pastoureau, 2016 : 84)
/funéraire/ « À Rome, les fleurs rouges et violacées jouent souvent le rôle de fleurs
funéraires, surtout celles qui perdent rapidement leurs pétales, comme le pavot ou
la violette. Elles symbolisent la brièveté de la vie. » (Pastoureau, 2016 : 29)
/immortalité/ « À l’opposé, l’amarante, autre fleur rouge ou pourpre mais qui ne se fane pas,

194
représente l’immortalité : les poètes l’opposent parfois à la rose dont l’éclat est
éphémère. » (Pastoureau, 2016 : 29)
/pouvoir/
« Dès le XVIe siècle, lorsqu’un évêque ou un archevêque est promu cardinal, on
dit qu’il ‘revêt la pourpre’, ce substantif qualifiant non plus une teinture mais tout
vêtement ou tissu rouge symbolisant, comme dans l’Antiquité, le rang et le
pouvoir » (Pastoureau, 2016 : 68)
Tableau 8 : Rouge – Sème s virtuels
Nous dresserons un tableau, comme dans le cas des autres couleurs, et nous obtiendrons :
Les virtuèmes du rouge
Positif Négatif Neutre
/admiration/ /inquiétude/ /barrière/
/amour/ /funéraire/ /pouvoir/
/attraction/
/curiosité/
/séduction/
/victoire/
/immortalité/
Tableau 9 : Rouge – Sèmes virtuels – synthèse
Dans le cas de l’adjectif rouge , les traits prédominants sont marqués comme positifs, leur
nombre étant sensiblement supérieur aux traits négatifs et aux traits neutres. Nous remarquons
dans la catégorie des traits positifs une certaine intensité des sentiments que cette couleur exprime,
à partir de l’admiration, l’amour jusqu’à la séduction et à la passion ; la curiosité elle -même
enregistre plus qu’un intérêt qu elconque, sans plus parler de la victoire qui représente la réussite
de n’importe quelle action et qui est empreinte d’un sentiment fort de joie.
Comme traits négatifs, nous avons marqué /inquiétude/ et /funéraire/, le premier étant lié
aux sentiments prov oqués par les animaux dont l’aspect contient cette couleur, tandis que le
deuxième trait est attribué aux fleurs rouges qui ont une vie plus courte, symbolisant le caractère
éphémère de la vie. À l’opposé se trouve une autre fleur, l’amarante, /immortalité /
Pour ce qui est du trait /barrière/, nous l’avons introduit dans la catégorie des traits neutres,
étant attribué aux « eaux rouges du Rubicon » et constituant en fait une frontière symbolique.
Quant au trait /pouvoir/, la couleur rouge est associée dans ce contexte au rang, à une position
dans une hiérarchie, sans aucune implication positive ou négative, à notre avis.
(d) Vert – Sèmes virtuels :
/nature/
/activités en
nature/ « Même si les artistes recherchent davantage les effets de lumière que les
colorations réalistes, la représentation fréquente de scènes de pêche ou de chasse,
accompagnées de celle de l'eau, de plantes, d’arbres, les conduit à employer
abondamment la couleur verte. » (Pastoureau, 2013 : 26)
« Associer l’idée de nature à la couleu r verte est aujourd’hui un lieu commun,
une évidence, presque un réflexe immédiat. Pour nous, la nature est verte »

195
(Pastoureau, 2013 : 58)
/printemps/
« Les encyclopédistes, les moralistes, les auteurs de traités de blason, […]
s’accordent tous pour associer la couleur verte à la première et la plus admirée
des saisons. » (Pastoureau, 2013 : 65)
/porte –
bonheur/
« Mais cette couleur verte, attestée par de nombreux documents, semble avoir été
pour les pirates et les marins du Nord – ceux que la tradit ion qualifie
maladroitement de ‘Vikings’ – une couleur porte -bonheur. » (Pastoureau, 2013 :
45)
/créativité/ « Jusqu’aux années 1930, les espaces verts sont des lieux d’intense créativité. »
(Pastoureau, 2013 : 212)
/bienfaits/
« Le sport, les vacances et les activités de plein air font le reste, transformant peu
à peu la vie des Européens en une frénétique quête de vert et de verdure : espaces
verts, classes vertes, vacances vertes, nourritures vertes, énergies vertes,
révolution verte. » (Pastoureau, 2 013 : 181)
/espérance/
/bonheur/
/prospérité/ « Lorsqu’un peu avant l’an mille, une troupe de colons islandais […] accoste au
Groenland, elle juge la région habitable, y fonde deux colonies et donne au pays
le nom qui lui est resté: ‘Terre verte’. Non pas tant parce que la végétation y
pousse alors en abondance, mais parce que, pour ces hommes du Nord, une terre
verte, verdoyante, est signe d'espérance, de bonheur et de prospérité. »
(Pastoureau, 2013 : 45)
/repos/ « […] les scribes et les enlumineurs placent à côté d’eux des objets verts, voire
des émeraudes, qu’ils contemplent de temps en temps pour se reposer les yeux. »
(Pastoureau, 2013 : 57)
/désordre/
/avarice/
/folie/ « Tout au plus peut -on remarquer qu’ils ne lui attribuent pas la plupart des vertus
ni des vices que l’on associera plus tard à cette couleur: la jeunesse, la vigueur,
l’espérance d’un côté; le désordre, l’avarice, la folie de l’autre. » (Pastoureau,
2013 : 39)
/transgression/
/destin
tragique/ « Certes, la couleur de son écu est bien celle de l’amour et de la jeunesse – c’est
là une signification obligée – mais c’est aussi celle de la chasse et de la forêt, de
la musique et de la folie, du désordre et de la transgression, et, sans doute plus
encore, celle du désespoir et du destin tragique. » (Pastoureau, 2013 : 84)
/sorcières/
/poison/ « […] il tend à se dédoubler : d’'un côté le bon vert, celui de la gaîté, de la
beauté, de l’espérance, qui n’a pas disparu mais qui se fait plus discret; de
l’autre, le mauvais vert, celui du Dia ble et de ses créatures, des sorcières, du
poison […] » (Pastoureau, 2013 : 89)
Tableau 10 : Vert – Sèmes virtuels
Pour ce dernier adjectif analysé, nous dresserons également un tableau en vue de
schématiser l’information obtenue :
Les virtuèmes du vert
Positif Négatif Neutre
/porte -bonheur/ /désordre/ /nature/
/espérance/ /avarice/ /activités en nature/
/bonheur/ /folie/ /printemps/
/prospérité/ /transgression/
/repos/ /destin tragique/
/bienfaits/ /sorcières/
/créativité/ /poison/
Tableau 11 : Bleu – Sèmes virtuels – synthèse

196
Nous constatons dans ce dernier groupage que l’adjectif vert enregistre autant de
connotations négatives que de connotations positives dans l’œuvre de Michel Pastoureau.
Cependant, l’histoire de la couleur verte abonde en traits positifs qui l’ont finalement
transformée en la couleur de la nature, du printemps, donc de l’environnement qui fournit le cadre
idéal pour une vie équilibrée ; dans ce cadre mirifique, les gens ne peuvent que se réjouir de
/bonheur/, de /prospérité/ ; c’est également le cadre parfait pour créer, pour nourrir son
imagination ; d’un point de vue physique, un cadre vert nous fait espérer, nous pousse à en profiter
pour reposer nos yeux, mais aussi notre esprit. Entourés de la couleur verte, le sentiment qui nous
anime le plus souvent et que nous avons marqué comme trait positif est l’espérance.
En guise de conclusion de cette analyse des adjectifs de couleur, les sociétés européennes
ont perçu et se sont servies du bleu, du rouge (avec des co nnotations négatives aussi, mais sans
être prédominantes) et du vert (qui n’enregistre aucune connotation négative) comme des couleurs
positives, tandis que le noir était associé plutôt aux représentations négatives. Sans ces sens que
les sociétés leur don nent, un objet bleu ne serait qu’un objet d’une couleur située entre deux autres
couleurs, l’indigo et le vert, qui peut être le mieux compris par comparaison aux autres objets
représentatifs pour cette couleur qui sont présents dans la nature ; noir serai t l’aspect d’un objet
dont l’impression créée sur la vue est le résultat du manque de réflexion de radiations visibles,
sens qui ne nous aide pas du tout à concevoir au moins quelle est cette impression… ; pour ce qui
est rouge, si nous nous limitons au se ns dénotatif, nous devons penser au spectre solaire (faisons –
nous cela quand nous regardons une rose rouge, une robe rouge ou la peau rougie de colère, de
honte ou d’émotion ?) ou aux autres objets prototypiques de la couleur en espèce ; nous arrivons
enfin aux objets verts, pour l’explication desquels nous devons le situer entre le bleu et le jaune ou
aux radiations lumineuses…
1.3.2. Analyse des noms de couleur
En ce qui suit, nous allons procéder à l’identification des classèmes et des sémantèmes des
termes de couleur ayant le statut de noms . Du point de vue de la classification traditionnelle déjà
des couleurs, les critères suivis sont la teinte, la saturation et la brillance . Nous utiliserons,
comme dans le cas des adjectifs, les définitions lexicographiques , et nous aurons la possibilité
d’observer en quelle mesure ces attributs des couleurs y apparaissent.

197
1.3.2.1. Classèmes et sémantèmes
À partir des définitions extraites du dictionnaire, nous avons identifié des sèmes
génériques et des sèmes spécifiques que nous avons mar qués dans le tableau ci -dessous :
Sèmes BLEU NOIR ROUGE VERT
Sèmes
génériques /couleur/
/couleur/ /couleur/
/couleur/
Sèmes
spécifiques /une des sept
couleurs
fondamentales du
spectre/ – S1 /une des sept
couleurs
fondamentales/
S2 /à l’extrémité du
spectre visible/
S3 /contient les raies
C (hydrogène), B et A
(oxygène)/ /complémentaire
du rouge/
Tableau 12 : Sèmes génériques et s èmes sp écifiques
Nous marquerons dans un autre tableau de manière plus systématique les sèmes identifiés,
en ajoutant « + » si le sème est présent dans la définition et « – » si le sème en cause manque de la
définition. Ainsi, nous avons obtenu :
Tableau 13 : Classème et sémantèmes – noms de couleurs
Nous pouvons facilement remarquer que le sème générique /couleur/ est présent dans les
définitions des quatre noms de couleur du Grand Robert de la Langue Française . Ce qui les
distingue, c’est la présence d’un (dans le cas du bleu et du vert) ou de plusieurs sèmes spécifiques
(pour le rouge nous en avons trouvé 3), tandis que le noir n’en possède aucun, même si dans les
définitions et l es classifications scientifiques des couleurs nous retrouvons plusieurs paramètres
qui pourraient se refléter également dans ces définitions lexicographiques.
Par conséquent, les définitions lexicographiques nous semblent incomplètes de ce point de
vue. I l nous semblerait intéressant de pouvoir trouver des définitions plus unitaires, selon une Sème

Lexème Classème Sémantème
/couleur/ /une des sept couleurs fondamentales/ /complémentaire d’une autre couleur/
Bleu + + –
Noir + – –
Rouge + + –
Vert + – +

198
certaine « formule », avec des paramètres communs dans la mesure du possible à toutes les
couleurs.
En revenant aux relations paradigmatique et syntagmatique que Pot tier (1985 : 98-103)
identifie dans le taxème d’expérience, nous rappelons brièvement que selon l’auteur les relations
paradigmatiques peuvent être d’ opposition (il faut y avoir au moins un sème différent) ou
d’inclusion (l’existence d’un ou de plusieurs s èmes communs au niveau du taxème), et les
relations syntagmatiques se divisent en relation de participation (les sèmes d’un signe sont
intégrés dans les sèmes d’un autre signe) et relation d’ association (reflets des attitudes
socioculturelles, qui sont enr egistrés comme des sèmes virtuels).
Si nous comparons le tableau réalisé avec les sémèmes des noms désignant les quatre
couleurs qui constituent un taxème d’expérience, nous remarquons, à la différence de la situation
de l’adjectif, dans un premier temps q ue le nombre de sèmes est assez réduit et, dans un deuxième
temps, que nous pouvons facilement identifier qu’il existe des différences de sèmes d’un sémème
à l’autre (ce qui signifie que les quatre lexèmes entretiennent une relation paradigmatique
d’opposi tion) et qu’il existe un sème commun aux quatre noms, respectivement /couleur/. C’est le
sème qui nous aide à identifier la relation paradigmatique d’inclusion des quatre lexèmes.
Il n’existe aucun renvoi aux critères mentionnés ci -dessus, concernant la te inte, la
saturation ou la brillance. Nous n’y retrouvons pas de catégorisations du type couleur chaude ou
couleur froide , couleur primaire ou couleur secondaire , il existe en revanche, mais uniquement
dans la définition du vert, l’idée de la complémentarité d’une autre couleur (du rouge en espèce).
Ayant en vue les notions utilisées dans ce type d’analyse dont nous avons présenté déjà les
définitions, nous pouvons affirmer que /couleur/ est l’archisémème des quatre termes analys és.
En ce qui concerne le sème /une des sept couleurs fondamentales/, il est présent
uniquement dans la définition lexicographique du bleu et du rouge , même si le vert est, lui aussi,
une couleur fondamentale, à côté du violet, de l’indigo, du ja une et de l’orange . Selon Jean Rudel
(1999 : 63),
« La figuration circulaire des couleurs du spectre solaire selon l’ordre réel de leur succession. Cette
disposition théorique des couleurs a été établie par de Castel en 1735. Les couleurs issues du
prisme de décomp osition de la lumière blanche se succèdent dans l’ordre de l’arc -en-ciel, selon
sept couleurs : rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, violet ».
Mais puisque le sème n’est pas marqué dans la définition du dictionnaire utilisé, nous ne le
marquons non plus dans son classème.

199
1.3.2.2. Virtuèmes des noms de couleurs
Pour chacun des noms de couleur, nous avons retenu de notre corpus, en prenant en
compte la signification associée à chacune des couleurs à travers l’histoire, des sèmes virtuels que
nous avons orga nisé de la manière suivante :
(a) Une première catégorie organisée sous la forme de virtuèmes englobant les traits que
chacun des termes de couleurs a symbolisé au fil des siècles, éléments de signification
qui sont variables :
1. Bleu – Sèmes virtuels :
/deuil/, /pureté/, /innocence/, /joie/, /gloire/, / amour /, /affliction/, /pénitence/, /amour divin/,
/intervention divine/, /calme/, /lointain/ , /mélancolie/, /rêve/ , /liberté/
« L’idée qui domine est celle d’une couleur d’affliction, une couleur de deuil. »
(Pastoureau, 2000 : 51)
« Il devint ou redevint la couleur de l’amour, de la mélancolie et du rêve » (Pastoureau,
2000 : 140)
« […] accordant au bleu la première place en en faisant définitivement la couleur du
progrès, des lumières, des rêves et des l ibertés » (Pastoureau, 2000 : 124)
2. Noir – Sèmes virtuels :
/deuil/, /angoisse/, /discorde/, /détresse/, /vieillesse/, /souffrance/, /mort/, /monstres/,
/dangers/, /douleur/, /punition/, /châtiment/, /torture/, /cauchemars/, /perdition/
« […] toutes sont symboliquement associées de près ou de loin à la couleur noire : le
sommeil, les rêves, l'angoisse, le secret, la discorde, la détresse, la vieillesse, le malheur et
la mort. » (Pastoureau, 2008 : 21)
« […] ces vêtements noirs sont réservés aux classes soc iales les plus humbles, aux tâches
salissantes ou dégradantes et à certaines circonstances spécifiques, comme le deuil ou la
pénitence » (Pastoureau, 2008 : 26)
3. Rouge – Sèmes virtuels :
/violence/, /guerre/, /destruction/, /danger/, /malheur/, /mort/, /pa pal/, /judiciaire/, /courage/,
/puissance/, /gloire/, /amour/, /passion/, /beauté/, /plaisir/
« […] elle est signe de violence, de guerre, de destruction » (Pastoureau, 2016 : 20)

« Pas seulement celle des nobles dames, qui y trouvent la couleur de la beauté et de
l’amour, mais aussi celle des hommes parce qu’elle symbolise tout ensemble le courage, la
puissance et la gloire. » (Pastoureau, 2016 : 79)
4. Vert – Sèmes virtuels :
/vie/, /chance/, /destin/, /espérance/, /désordre/, /diable/, /poison/, /incon stance/, /enfance/,
/amour/, /jeu/, /hasard/, /argent/, /amour naissant/
« […] il a au fil des siècles été associé à tout ce qui était changeant, versatile, éphémère :
l’enfance, l’amour, l’espoir, la chance, le jeu, le hasard, l’argent. » (Pastoureau, 201 3 : 7)

200
« […] la littérature courtoise fait du vert non seulement la couleur emblématique du monde
végétal mais aussi celle de la jeunesse et de l’amour » (Pastoureau, 2013 : 53).
Cette première sous -catégorie représente un ensemble de perceptions sociales des couleurs
qui se retrouvent dans l’œuvre de Michel Pastoureau. À partir de ces traits, nous aurons la
possibilité d’établir l’association d’une couleur et des éléments de son champ lexico -sémantique à
une idée particulière (vertu, joie, amour, puissanc e, beauté, mort, bonheur ou malheur, etc.). Nous
pouvons faire cette catégorisation selon l’identification d’une constance dans ces associations :
nous imaginons un axe allant du négatif au positif (positif au sommet), sur lequel nous allons
ranger chaque couleur selon des critères apparemment simples :
 si le terme est associé à plusieurs idées ou sentiments positifs, il sera placé vers le
positif et
 si le terme est associé à plusieurs idées ou sentiments négatifs, il occupera sa place
dans la direction du négatif.
Nous avons opté pour l’adverbe « apparemment » en ce qui concerne ces critères parce que
cette catégorisation n’est pas du tout aussi simple qu’elle semble à première vue. C’est tout
comme si nous voulions séparer tout en noir et blanc…
Alors, au cas où nous essayons d’analyser la répartition selon les titres des chapitres de
chacun des quatre ouvrages de Pastoureau, telle que nous l’avons déjà présentée, nous remarquons
une certaine instabilité même dans la catégorisation faite par l’historien.
Dans le cas du bleu, selon les siècles :
Figure 23 : Le trajet historique du Bleu
Maintenant nous allons essayer de placer ces traits d e la couleur bleue sur l’axe des
intensités des valeurs :

Figure 24 : L’axe de l’intensité des valeurs de bleu à travers les siècles des origines au
XIIe siècle
•« couleur
discrète » du XIe eu XIVe
siècle
•« couleur
nouvelle » qui
engendre « un
nouvel ordre
des couleurs » entre le XVe et
le XVIIe siècle
•« couleur
morale » entre le XVIIIe
et le XXe siècle
•« couleur
préférée » de nos jours
•« couleur
neutre »
neutre discrète nouvelle morale préférée

201
Nous remarquons que cette répartition des intensités des valeurs ne suit pas le parcours
historique des couleurs, au contraire, l’attribut « neutre » le caractérise dans notre temps.
Pour ce q ui est du noir, la distribution par siècles réalisée par Pastoureau (2008 : 8-9) en
fonction de l’évolution de la couleur dans l’histoire est plus vague, en suivant d’autres critères de
répartition :

Figure 25 : Le trajet historique du Noir
Reprenons l’idée de l’axe des valeurs pour mieux visualiser si parcours diachronique
coïncide avec une échelle allant du négatif au positif.

Figure 26 : L’axe de l’intensité des valeurs de noir à travers les siècles
Dans le cas du noir, il est plus difficile de réaliser cette progression, parce que, d’une part,
toutes les catégorisations visent les ténèbres et surtout le Diable et, d’autre part, il occupe la
position de couleur à la mode dans deux périodes différentes (du XIVe au XVIe siècle et du XVIIIe
au XXIe siècle).
La troisième couleur, le rouge , bénéficie d’une catégorisation plus nette dès le début de
l’ouvrag e de M. Pastoureau (2016 : 5) :

Figure 27 : Le trajet historique du Rouge des origines à
l’an mil
•« Au
commencement
était le noir »
•noir des ténèbres du Xe au XIIIe
siècle
•« Dans la palette
du Diable »
• noir du péché du XIVe au XVIe
siècle
• « Une couleur à
la mode »
• noir de
l'élégance du XVIe au
XVIIIe siècle
•« La naissance
d’un monde en
noir et blanc »
• noir du bien et
du mal du XVIIIe au
XXIe siècle
•« Toutes les
couleurs du
noir »
• noir de la
modernité
ténébreuse inquiétante moderne triomphante dangereuse
des origines à la fin
de l’Antiquité
• « couleur
première » du VIe au XIVe siècle
•« couleur
préférée » du XIVe au XVIIe
siècle
•« couleur
contestée » du XVIIIe au XXIe
siècle
•« couleur
dangereuse »

202
La structuration en quatre périodes historiques vécues par le rouge est très claire : couleur
première, devenue plus tard couleur préférée, ensuite contestée et finalement dangereuse. Mettons –
les en ordre négatif -positif :

Figure 28 : L’axe de l’intensité des valeurs de rouge à travers les siècles
Si nous comparons ce classement avec les époques, nous constatons que c’est exactement
la position contraire de ce que l’histoire lui a attribué. Elle a débuté comme la couleur par
définition et elle finit par provoquer des inquiétudes.
Nous passons maintenant à la dernière co uleur, le vert, et nous suivons dans ce cas aussi la
répartition faite par M. Pastoureau (2013 : 5) :

Figure 29 : Le trajet historique du Vert
Dans le cas du vert, comme dans celui du bleu et du rouge , la répartition est de nouveau
claire. Nous placerons ces traits du négatif vers le positif p our visualiser si la lutte que cette
couleur a menée pour gagner une place dans la société a été sans détours :

Figure 30 : L’axe de l’intensité des valeurs de vert à travers les siècles
Comme dans le cas des autres couleurs, l’histoire du vert a enregistré des détours, mais à
notre avis, la ligne qu’elle a suivie n’est pas empreinte de négatif, le seul trait négatif étant
« dangereuse » ; pour ce qui est du reste de son histoire, elle n’o ccupe pas la première position,
mais elle ne dérange pas et elle n’est pas du tout à négliger.
Si nous comparons toutes les caractéristiques de cette structuration de la couleur par siècles
et par signification s, nous pouvons observer que bleu et rouge sont perçus comme « couleur
préférée », partageant ce statut, mais dans des périodes différentes : le rouge, qui est le seul à
occuper des origines à la fin de l’Antiquité la position de « couleur première », il est toujours la dangeureuse contestée préférée incontournable
des origines à
l’an mille
•« couleur
incertaine » du XIe eu XIVe
siècle
•« couleur
courtoise » du XIVe au
XVIe siècle
• « couleur
dangereuse » du XVIe au
XIXe siècle
•« couleur
secondaire » du XIXe au
XXIe siècle
•« couleur
apaisante »
dangeureuse incertaine secondaire courtoise apaisante

203
première couleur préférée, sa période de gloire étant du VIe au XIVe siècle ; pour le bleu c’était
plus tard, entre le XVIIIe et le XXe siècle.
La deuxième caractéristique commune dans l’histoire est celle de « couleur dangereuse »,
qui est attribuée au rouge et au vert. Cette fois -ci, le rouge ne se situe plus en haut de la hiérarchie,
laissant cette place au vert qui est perçu comme tel du XIVe au XVIe, tandis que le rouge devient
dangereux un siècle plus tard, entre le XVIIIe et le XXIe siècle.
(b) Une deuxième catégorie dans laquelle nous avons choisi d’introduire les structures
dont l’actualisation dépend du contexte d’énonciation ; le virtuème résulte d’une
combinaison de lexèmes qui partagent au moins un sème qui crée leur fondement
commun et sauf lequel les lexèmes ne pourraient p as se combiner ; ces structures
renvoient aux valeurs des termes de couleur que nous analysons construites à l’aide du
nom couleur, suivi ou non de la préposition de et d’un autre nom ou d’un adjectif –
structure que nous pouvons schématiser de la façon su ivante :
N1 (invar. couleur) + de + art. déf. + N 2 ou
N1 (invar. couleur) + Adj.
1. Bleu – Sèmes virtuels :
N1 + de + art. défini + N 2 N1 (couleur) + Adj.
/couleur du deuil/ /couleur dévalorisante/
/couleur des Barbares, Celtes et Germains/ /couleur discrète/
/couleur de l’eau/ /couleur nouvelle/
/couleur du ciel/ /couleur morale/
/couleur de l’innocence/ /couleur bénéfique/
/couleur de l’amour/
/couleur de la pureté/
/couleur du baptême/
/couleur de la conversion/
/couleur de la joie/
/couleur de la résurrection/
/couleur de la gloire/
/couleur de la vie éternelle/
Tableau 14 : Bleu – Sèmes virtuels
2. Noir – Sèmes virtuels :
N1 + de + art. défini + N 2 N1 (couleur) + Adj.
/couleur des artisans producteurs/ /couleur vide/
/couleur des ténèbres/ /couleur mortifère/
/couleur de la nuit/
/couleur des entrailles de la terre/
/couleur du monde souterrain/
/couleur des méchants et des impies/

204
/couleur des ennemis d’Israël/
/couleur de la malédiction divine/
/couleur du chaos primordial/
/couleur de la nuit dangereuse et malfaisante/
/couleur de la mort/
/couleur du deuil/
Tableau 15 : Noir – Sèmes virtuels

3. Rouge – Sèmes virtuels :
N1 + de + art. défini + N 2 N1 (couleur) + Adj.
/couleur du désert brûlé par le soleil/ /couleur première/
/couleur du dieu Seth/ /couleur contestée/
/couleur du sacré/ /couleur préférée/
/couleur du monde vivant/ /couleur dangereuse/
/couleur de la vie/ /couleur dominante/
/couleur de la force/ /couleur vivante/
/couleur de l’énergie/
/couleur de la victoire/
/couleur du pouvoir/
/couleur des traîtres/
/couleur du vin de messe/
/couleur du blason/
/couleur de la justice/
/couleur de la charité/
Tableau 16 : Rouge – Sèmes virtuels
4. Vert – Sèmes virtuels :
N1 + de + art. défini + N 2 N1 (couleur) + Adj.
/couleur de la végétation/ /couleur apaisante/
/couleur du destin/ /couleur dynastique/
/couleur de la nature/ /couleur vivante/
/couleur de la liberté/ /couleur séduisante/
/couleur de la santé/ / couleur messianique/
/couleur de l’hygiène/
/couleur de l'écologie/
/couleur de l’eau/
/couleur des yeux/
/couleur des feuilles/
/couleur du miel/
/couleur d’Osiris/
/couleur du bois de la Croix/
/couleur de l’espérance en la vie éternelle/
/couleur de la nouvelle religion/
/couleur du printemps/
/couleur de l’amour naissant/
/couleur de l’élégance/
/couleur de la jeunesse/

205
/couleur de l’exaltation de la dame/
/couleur des femmes enceintes/
Tableau 17 : Vert – Sèmes virtuels
Nous avons choisi de procéder de cette manière d’une part parce que le nombre des sèmes
virtuels identifiés dans l’œuvre de Michel Pastoureau est assurément impressionnant, et d’autre
part parce que ce sera plus facile de les analyser, d’en faire ressortir les ressemblances et les
différences et d’en établir une classification.
Il n’existe aucun sème commun aux quatre noms de couleur, mais nous avons identifié des
sèmes communs à deux ou à trois des quatre couleurs :
 bleu et noir contiennent le sème /deuil/
« À Rome se vêtir du bleu est dévalorisant ou bien signe de deuil. C’est souvent une
couleur associée à la mort et aux enfers » (Pastoureau, 2000 : 125)
« À partir du XVIIe siècle, c’est fini : noir devient définitivement la couleur du deuil. »
(Pastourea u, 2008 : 135)
 bleu et noir partagent également le sème /digne/
« Sont en revanche abondamment utilisées toutes les couleurs foncées, les noirs, les gris,
les bruns, ainsi que le blanc, couleur digne et pure, recommandée pour les vêtements des
enfants (et parfois des femmes). » (Pastoureau, 2000 : 110)
Dans le paragraphe précédent, le sème /digne/ caractérise seulement la couleur blanche,
même si l’auteur met dans le même contexte plusieurs couleurs foncées.
« Avec la Réforme protestante et tous les systèm es de valeurs qui en découlent, le bleu
devient une couleur digne, une couleur morale, ce que n’est pas le rouge, son rival »
(Pastoureau, 2000 : 169 -170)
« Dès la fin du XIIIe siècle, les pratiques vestimentaires du patriciat urbain et des
détenteurs de c harges ou d’offices prennent le relais et font du noir une couleur digne et
intègre. » (Pastoureau, 2008 : 78)
« La Réforme protestante voit dans ce noir la couleur la plus digne » (Pastoureau, 2000 :
100)
 bleu et vert partagent le sème /romantique/
« Ce b leu romantique et mélancolique, celui de la poésie pure et des rêves infinis, a
traversé les décennies mais s'est à la longue quelque peu dévoyé, noirci ou transformé. »
(Pastoureau, 2000 : 140)
« La tentation est grande de faire du vert une couleur romant ique, dont la vogue croissante
dans les dernières années du XVIIIe siècle serait liée au renouveau de l’attrait pour la
nature. Cela n’est pas faux. » (Pastoureau, 2013 : 172)
 noir et rouge contiennent le sème /mort/
« C’est aussi la couleur du chaos primo rdial, de la nuit dangereuse et malfaisante et surtout
de la mort. » (Pastoureau, 2008 : 30)
« […] les scribes tracent parfois en rouge les hiéroglyphes qui évoquent le danger, le
malheur ou la mort » (Pastoureau, 2016 : 20)
 rouge et vert partagent le sème /beauté/

206
« En français, en allemand, en anglais, le mot rouge est abondamment utilisé pour traduire
des mots qui dans le texte grec ou hébreu ne renvoient pas à une idée de coloration mais à
des idées de richesse, de force, de prestige, de beauté ou même d’amour, de mort, de sang,
de feu. » (Pastoureau, 2000 : 19)
« Couleur chimiquement instable, aussi bien en peinture qu’en teinture, il est désormais
symboliquement associé à tout ce qui est changeant ou capricieux: la jeunesse, l’amour, la
fortune, le destin. Par là même, il tend à se dédoubler : d’un côté le bon vert, celui de la
gaîté, de la beauté, de l’espérance, qui n’a pas disparu mais qui se fait plus discret […] »
(Pastoureau, 2013 : 89)
 rouge et vert partagent également le sème / vivant/
« La palette des saisons est relativement instable. Seul le printemps ne possède qu’une
couleur, vivante et séduisante : le vert. » (Pastoureau, 2013 : 65)
« Ce qui n’empêche nullement le rouge de rester une couleur pleine de majesté et de
distinct ion. Mais c’est aussi, encore et toujours, une couleur vivante, tonique, agressive
même. » (Pastoureau, 2016 : 192)
 rouge, vert et bleu contiennent le sème /amour/
« Le rouge est la couleur de l’amour, de l’éclat et de la beauté. » (Pastoureau, 2016 : 80)
« […] le vert, couleur du printemps, est aussi la couleur de l’amour. Ou du moins de
l’amour naissant, de l’amour jeune et plein d’espérance, de l’amour impatient également »
(Pastoureau, 2013 : 71).
« Au Moyen Age […] l’amour possède une palette étendue. Au vert des amours incertaines
de la jeunesse s’opposent le bleu de l’amour légitime et fidèle, le gris des amours
malheureuses, le rouge de l’amour chrétien et de la charit é » (Pastoureau, 2013 : 71).
 bleu, noir et vert contiennent le sème /sombre/ et cette fois -ci les trois couleurs se trouvent
l’une à côté de l’autre dans un même énoncé :
« Auparavant, dans les images, Marie peut être vêtue de n’importe quelle couleur mais il
s’agit presque toujours d’une couleur sombre: noir, gris, brun, violet, bleu ou vert foncé. »
(Pastoureau, 2000 : 51)
 bleu, noir et vert ont en commun également le trait /à la mode/ :
« Couleur iconographique de la Vierge, couleur emblématique du roi de France et du roi
Arthur, couleur symbolique de la dignité royale, couleur à la mode et désormais de plus en
plus fréquemment associée par les textes littéraires à l ’idée de joie, d’amour, de loyauté, de
paix et de réconfort, le bleu devient à la fin du Moyen Âge, pour certains auteurs, la plus
belle et la plus noble des couleurs. » (Pastoureau, 2000 : 80)
« Certes, le noir diabolique et mortifère ne disparaît pas complètement – les affaires de
sorcellerie et les pratiques du deuil, par exemple, continuent de le mettre en scène – mais
nombreux sont les domaines où le noir se revaloris e et devient une couleur respectable, une
couleur à la mode et même une couleur luxueuse. » (Pastoureau, 2008 : 78)
« Le vert est à la mode avant sa montée sur le trône impérial – et même avant son irruption
sur la scène militaire et politique – et le rest e longtemps après sa destitution en 1815. »
(Pastoureau, 2013 : 183)
Nous remarquons que les quatre termes de couleur ont plusieurs sèmes virtuels en commun
dans le texte de Michel Pastoureau, parfois des couleurs auxquelles nous n’aurions pas pensé
attrib uer de tels sèmes (par exemple, /deuil/ et /amour/ pour le bleu) , ce qui pourrait trouver une
explication dans le changement de perception culturelle de la couleur à travers les siècles dans les

207
différentes sociétés européennes, ce qui a engendré le changement des préférences manifestées
envers l’une ou l’autre des couleurs.
Ce qui nous semble intéressant est la symbolique ambivalente de chaque couleur qui est
certainement due à l’évolution de la couleur de son apparition jusqu’à présent, histoire que
Pastoureau réussit à nous dévoiler avec toutes les modifications de statut subies par les couleurs
dans la lutte pour se placer au plus haut degré de la hiérarchie chromatique.
1.3.3. Trait s sémique s commun s
Au niveau des collocations construites autour des quatre termes de couleur, nous avons mis
en exergue l’existence de certains traits sémiques communs à deux ou à trois des termes de
couleur que nous analysons, mais aucun de ces sèmes ne caractérisait les quatre. À cette étape de
notre recherche nous voulons souligner qu’il existe cependant un trait minimal co mmun aux
quatre termes, excepté /couleur/ dont nous allons traiter dans la sous -section suivante. Un nombre
significatif de séquences possèdent le trait sémique /humain/.
Par conséquent, nous nous interrogeons en quelle mesure ce trait sémique est commun à la
base et au collocatif. Quelle est la liaison entre une couleur (soit l’un des quatre termes
chromatiques, soit le terme couleur ) et une person ne ? Pourrions -nous dire qu’une couleur, quelle
qu’elle soit, possède le trait /humain/ ?
Nous allons inventorier les exemples des quatre ouvrages de Michel Pastoureau dans le
tableau ci -dessus, selon le terme de couleur qui représente la base de la colloc ation :
Bleu Noir Rouge Vert
bleu moral noir moral rouge viril vert gai
bleu seul noir rebelle rouge salvateur vert perdu
noir humble rouge stérile vert franc
noir omniprésent
noir policier
Tableau 18: Bleu, noir, vert, rouge – base des collocations
Quantitativement, nous observons que le nombre le plus réduit de collocations revient au
bleu, tandis que le nombre le plus grand est enregistré par le noir. En ce qui concerne les qualités
attribuées aux quatre couleurs, nous considé rons que c’est toujours au noir que revient la palette la
plus variée, tantôt positive, tantôt négative, son domaine de manifestation couvrant la plus grande
surface, intérieure ou extérieure, cette couleur étant, selon l’auteur, omniprésente.
En ce qui co ncerne le rouge, l’association avec des adjectifs tels que viril ou stérile nous
semble vraiment intéressante et avec un impact plus fort sur notre esprit que les autres
combinaisons, voire plus fort que salvateur .

208
Pour ce qui est de l’archilexème couleur , nous avons trouvé dans les quatre ouvrages de
Michel Pastoureau un nombre impressionnant de séquences construites avec ce terme et des
adjectifs ayant le trait [+humain]. Nous les avons organisées sous la forme de tableau, en fonction
du collocatif monole xical, bilexical et plurilex ical, dorénavant CM, CB et CP :
Base + CM Base + CB Base + C P
couleur gaie couleur digne et intègre couleur digne, sobre, morale
couleur discrète couleur digne et pure couleur changeante, inconstante et frivole
couleur morale couleur apaisante et salvatrice couleur incertaine, changeante, trompeuse
couleur frivole couleur apaisante ou romantique couleur jeune, vive, gaie, dynamique
couleur honnête couleur chère et valorisante couleur passive, faible, froide
couleur s franches couleur élégante et mondaine couleur recherchée, séduisante, débridée
couleur triste couleur féconde et bénéfique
couleur active couleur frivole, immorale
couleur aguichante
couleur digne
couleur hésitante
couleur infâme
couleur jeune
couleur joyeuse
couleur muette
couleur morne
couleur passive
couleur sage
couleur respectable
couleur sonore
couleur sourde
couleur spirituelle
couleur sportive
couleur vertueuse
couleur virginale
couleur virile
couleur vivante
couleur vive
couleur voyante
Tableau 19: Collocatif monolexical, bilexical et plurilexical
Nous observons que le plus grand nombre revient aux collocations construites avec un seul
adjectif, selon le moule Couleur + Adj. ; quantitativement, en deuxième position se situent les
séquences avec deux adjectifs relies par une conjonction ou juxtaposées (Couleur + Adj. + conj. +
Adj.) ; en troisième position nous avons mis les collocations construites avec plus de deux
adjectifs.
De toutes ces combinaisons, nous pouvons conclure que Michel Pastoureau, qui traite la
couleur comme un fait de société, transforme parfois la couleur en un vrai membre de la société,

209
auquel il attribue des croyances, des vertus, des vices, des qu alités et des défauts, des attributs
éminemment humains.
1.3.4. Archisémème /couleur/
Un trait minimal important dans notre analyse est /couleur/. Puisqu’il ne nous aide pas
vraiment à réaliser un classement hiérarchique ou à structurer de toute autre manière le s termes de
notre champ, nous ne l’ignorons pas, mais au contraire, nous lui consacrerons une attention
particulière à ce stade de notre recherche.
L’archisémème /couleur/ apparaît dans presque tous les cas concernant les noms et les
adjectifs désignant la couleur (excepté l’adjectif noir) et il enregistre ce q ue les linguistes
appellent une « réalisation lexicale », il est à la fois un archilexème , ce qui nous détermine à nous
arrêter un instant sur la définition de l’archilexème couleur .
Le Grand Robert71 (1991 : 984) définit la notion de couleur comme
« Caractère d’une lumière, de la surface d’un objet (indépendamment de sa forme), selon
l’impression visuelle particulière qu’elles produisent ( une couleur, les couleurs ) ; propriété que
l’on attribue à la lumière, aux objets de produire une telle impression ( la couleur ) »72.
Nous utiliserons également la définition donnée par le Trésor de la Langue Française
informatisé , selon lequel la couleur est
« Qualité de la lumière que renvoie un objet et qui permet à l’œil de le distinguer des autres
objets, indépendamment de sa nature et de sa forme »
et du point de vue de la physique elle est le
« [p]hénomène visible conditionné par la longueur d’onde de la lumière émise, réfléchie,
transmise ou diffusée par un objet » 73.
Nous utiliserons ces définitions pour situer le concept de couleur par rapport aux
définitions des quatre termes de couleur.
Nous procédons comme dans le cas des adjectifs et des noms dés ignant les couleurs
analysées ci -dessus, nous procédons à l’identification des sèmes génériques, spécifiques et
virtuels :
Couleur, n.f.
Sème s générique s /qualité de la lumière/
/qualité de la surface d’un objet/
/présence de la lumière/
/phénomène visible/

71 Nous utilisons le même dictionnaire pour assurer une stabilité à notre démarche.
72 Alain Rey, 1991 , Le Grand Robert de la Langue Française. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, Tome II Bip -Cout , Paris, Dictionnaires Le Robert.
73 Trésor de la Langue Française informatisé , accessible à
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=1687912320;r=1;nat=;sol=0 , consulté le 3 avril 2017

210
Sème s spécifique s /sert à distinguer des autres objets/
/indépendant de la forme/
/produit impression visuelle particulière/
/conditionné par la longueur d’onde de la lumière/
Tableau 20 : Couleur – sèmes génériques et spécifiques
En ce qui concerne les sèmes virtuels , comme dans le cas des adjectifs, nous aurons
recours à notre corpus qui est d’une richesse remarquable74.
Couleur – Sèmes virtuels :
/fait de société/ « La couleur est d’abord un fait de société » (Pastoureau, 2000 : 7)
/construction
culturelle
complexe/ « La couleur n’est pas tant un phénomène naturel qu’une construction
culturelle complexe, rebelle à toute généralisation […] » (Pastoureau, 2000 :
7)
/beauté/
« Toutes les techniques et tous les supports – peinture, vitrail, émail,
orfèvrerie, étoffes, pierreries – sont donc sollicités pour faire de sa nouvelle
église abbatiale un temple de la couleur car la richesse et la beauté,
nécessaires pour vénérer Dieu, s’expriment par la couleur. » (Pastoureau,
2008 : 61)
/lumière/,
/matière/
« Pour lui, celle -ci est d’abord lumière (d’où l’importance accordée aux
vitraux), ensuite seulement matière. » (Pastoureau, 2008 : 61)
« Pour Bernard, la couleur est matière avant d’être lumière. »
/fard/
« Pour l’abbé de Clairvaux, en effet, la couleur est matière bien avant d’être
lumière. C’est une enveloppe, un fard, une vanitas dont il convient de
s’affranchir et qu’il faut chasser du temple. » (Pastoureau, 2000 : 47)
/artifice/ « Entre l’art cistercien du XII siècle et la peinture calviniste ou janséniste du
XVIIe, en passant par les miniatures en grisaille des XIVe et XVe siècles et la
vague chromoclaste des débuts de la Réforme, il n’y a aucune rupture mais au
contraire un discours univoque : la couleur est fard, lu xe, artifice, illusion. »
(Pastoureau, 2000 : 108)
« La couleur est pour le père du monachisme occidental un artifice inutile. »
(Pastoureau, 2008 : 63)
/dangereuse/
/incontrôlable/
/rebelle/ « À ces reproches anciens, s’ajoute parfois l’idée que la coule ur est
dangereuse parce qu’elle est incontrôlable: elle se refuse au langage – nommer
les couleurs et leurs nuances est un exercice incertain – et échappe à toute
généralisation, sinon à toute analyse. C'est une rebelle: il faut s’en dispenser
chaque fois qu’on le peut.» (Pastoureau, 2008 : 155)
/vivante/ « […] la couleur est un phénomène vivant, humain, qui ne peut se réduire à
des formules mathématiques. » (Pastoureau, 2000 : 138)
/mouvement/
« En même temps, d’autres savants développent l’idée – encore très
aristotélicienne – que la couleur est mouvement : elle se meut comme la
lumière et elle met en mouvement tout ce qu’elle touche. » (Pastoureau,
2008 : 141)
/trouble/ « […] la couleur est parfois qualifiée de «trouble» (turbidus), de «saturée»
(spissus) et même de «sourde» (surdus). » (Pastoureau, 2008 : 62)

74 Le TLFi enregistre à son tour des d éfinitions de la couleur d ont nous nous pourrions servir pour en dégager les
sèmes virtuels (par exemple, /opinion/ dans couleur politique , /prétexte / dans sous couleur de , /se préciser/ dans
L’affaire prend couleur , /vie/ dans Cela a beaucoup de couleur , etc., mais nous procéderon s comme dans le cas des
couleurs, nous les identifierons dans l’ouvrage de Michel Pastoureau.

211
/matière/
/densité/ « […] la couleur, c’est d’abord de la matière, de la densité » (Pastoureau,
2008 : 54)
/catégories
abstraites/ « […] les couleurs peuvent désormais être considérées com me des catégories
abstraites, générales, affranchies de toute matérialité, le rouge, le vert, le bleu,
le jaune, envisagés indépendamment de leurs supports, de leur éclat, de leurs
nuances, de leurs pigments ou colorants, dans l’absolu en quelque sorte. »
(Pastoureau, 2016 : 56)
Tableau 21 : Couleur – sèmes virtuels
Ces définitions et implicitement l’identification des sémantèmes, des classèmes et des
virtuèmes de la couleur nous conduisent à l’identification des « acteurs » qui jouent le rôle
principal dans toute cette problématique chromatique :
 la vue (le sens à l’aide duquel nous percevons la couleur),
 la lumière (sans laquelle il n’y aurait pas de couleur) et
 l’impression .
Pour ce qui est de ces derniers paramètres, nous allons profiter de leur présence dans le
texte de Michel Pastoureau et nous allons les utiliser dans le chapitre destiné au traitement
informatisé du corpus.

Conclusions partielles
En guise de conclusion, nous vou drions affirmer que si nous comparons les sèmes
génériques et spécifiques des quatre couleurs (bleu, noir, rouge et vert) et du terme couleur avec
leurs sèmes virtuels qui résultent du texte de Michel Pastoureau , nous constatons d’abord une
quantité nettement supérieure des derniers, mais nous pouvons aussi nous rendre compte que cette
richesse sémantique des couleurs provient d’un parcours impressionnant de chacune d’elles au fil
des siècles.
Nous rappelons le fait que nous avon s utilisé les définitions lexicographiques pour en
extraire les sèmes génériques et ceux spécifiques, tandis que pour l’identification des sèmes
virtuels nous avons utilisé les quatre ouvrages de Michel Pastoureau dont nous avons extrait notre
corpus. Cette démarche nous aide ainsi à mieux comprendre l’hypothèse de l’auteur qui envisage
la couleur comme un fait de société .
Même s’il existe des chercheurs selon lesquels les termes de couleur ne peuvent pas être
analysés du point de vue sémique, nous pensons avoir prouvé le contraire, d’autant plus que
l’abondance de structures empreintes de significations que l’humanité a attribuées aux couleurs ne
peut pas être ignorée. Selon nous, c’est justement l’analyse sémique qu i nous a servi le mieux à

212
exploiter cette partie de notre corpus , et nous insistons là -dessus sur l’identification des unités
minimales de signification virtuelles .

213

CHAPITRE II

LES TERMES DE COULEUR DANS LA PHRASÉ OLOGIE

Introduction
La question de recherche à laquelle nous nous proposons de répondre dans le présent sous –
chapitre est si des structures comme tons bleus, bleu de montagne, bleu royal, teinte bleue, gamme
des tons rouges, couleur de la mort, noir brillant, noir comme la poix, heure noire ou gamme des
noirs peuvent être considérées des unités phraséologiques ou elles sont uniquement le résultat
d’une combinaison libre.
Question pas du tout facile, vue la multitude de typologies des unités phraséologiques dans
les recherches conduites jusqu’à prése nt. Pour pouvoir classer ce type de constructions que nous
avons identifiées dans notre corpus dans l’une des catégories propres à la phraséologie, nous
devons savoir quels sont les critères les plus appropriés pour ce faire et identifier ensuite les trait s
communs des structures analysées qui forment notre corpus complexe et hétérogène.
2.1. Tour d’horizon du domaine de la phraséologie
Pour répondre à notre question de recherche, nous faisons premièrement une revue des
recherches sur la phraséologie , dans le s ens d’« ensemble des tournures typiques d’une langue,
soit par leur fréquence, soit par leur caractère idiomatique »75 ou de « ensemble d’expressions,
locutions, collocations et phrases codées dans la langue en général »76 pour définir les notions
avec lesqu elles nous allons opérer, puis nous analyserons les différentes constructions
linguistiques dans lesquelles les termes de couleur sont présents dans notre corpus. Mais la
phraséologie, à part son objet d’étude qui est présent dans les deux définitions ci -dessus, constitue
également une discipline, avec une méthodologie propre et un objet d’étude délimité, mais elle
peut désigner aussi, selon González Rey (2002 : 33) « l’ensemble des termes propres à un milieu,
à une activité, coïncidant ainsi avec la notion de terminologie ».

75 Définition de la phraséologie reprise du site du CNRTL , http://www.cnrtl.fr/definition/phras%C3%A9ologie ,
dernière consultation 10 décembre 2016 .
76 Définition extraite du Petit Robert , 1996 .

214
Les préoccupations pour la phraséologie, discipline située entre le lexique et la syntaxe,
remontent au VIIIe siècle, poursuivant leur chemin avec les travaux de Michel Bréal (1897), de
Charles Bally (1909) et bénéficiant depuis quelque s années de plus d’attention de la part des
chercheurs comme Isabel González Rey (2002), Grossmann et Tutin (2003), Blumenthal et J. F.
Hausmann (2006), Mel’čuk et Polguère (2007) et Ben Hariz Ouenniche (2011). Nous ne rappelons
que quelques -uns de ces che rcheurs, puisque ce domaine a présenté une importance particulière
qui a eu pour résultat plusieurs recherches dans de nombreuses langues (des chercheurs
soviétiques, allemands, espagnols, roumains, français, etc.).
Pour ce qui est de la typologie de la ph raséologie, Isabel González Rey (2002 : 31)
identifie « quatre directions principales : la phraséologie descriptive, la phraséologie historique, la
phraséologie comparative ou contrastive et la phraséologie lexicographique ou phraséographie ».
Les quatre t ypes de phraséologie correspondent comme suit : la première à l’approche
synchronique, la deuxième à celle diachronique, la troisième vise la traduction d’une langue à une
autre et la dernière représente, selon l’auteure, l’association des pratiques lexico graphiques et des
théories en vigueur.
Selon Dubois (2002 : 366), la phraséologie désigne
« une construction propre à un individu, à un groupe ou à une langue. Toutefois, le terme
d’idiolecte servant souvent à désigner le phénomène linguistique propre à un individu, on réserve
parfois le terme de phraséologie à l’évocation d’une construction pr opre à une langue ».
En même temps, il affirme que « la phraséologie se définit non par l’écart qu’elle
représente par rapport à la langue, mais par le caractère stabilisé de la combinaison qu’elle
constitue » Dubois (2002 : 366) , la stabilisation étant l ’une des caractéristiques essentielles et
nécessaires de ces constructions.
Toutes les recherches s’intéressent à la propriété de tout mot de toute langue d’apparaître à
côté de certains mots, tout en manifestant ainsi certaines préférences qui conduisent à produire des
séquences dont les composants s’appellent l’un l’autre : il s’agit des combinaisons des mots , qui
peuvent être des combinaisons figées et des combinaisons non -figées , et cette catégorisation nous
conduit à la problématique du figement , qui p résente un intérêt particulier, puisque les
combinaisons de mots que nous appellerons par la suite expressions figées représentent une partie
importante de la langue. Notre emploi de ce terme est générique, réunissant de la sorte tous les
types d’expressio ns que nous allons présenter ci -dessous.

215
Associées au début au langage courant, loin de la normalisation souhaitée par les
grammaires traditionnelles, les spécialistes, à l’instar de Charles Bally, le père de la phraséologie,
ont déjà démontré l’importanc e des unités phraséologiques en tant que groupes de mots dont la
signification unitaire ne représente pas la somme des signification des composants, et le fait que
nous ne pouvons pas les ignorer, soit dans la langue maternelle, soit dans le processus
d’apprentissage d’une langue étrangère, puisqu’elles constituent un vrai trésor et une
manifestation de l’expressivité d’une langue. Il est impossible de prétendre maîtriser une langue
sans en connaître les expressions figées, si difficile que leur acquisition soit.
Selon les chercheurs, il existe de divers stages de figement et l’idée d’un stade
intermédiaire de figement n’est pas nouvelle. Ch. Bally (1909 : 68) utilise les notions suivantes en
matière de phraséologie : « Les groupes consacrés par l’usage s’ap pellent locutions
phraséologiques ; nous nommerons séries celles où la cohésion des termes n’est que relative, et
unités celles où elle est absolue », la classe intermédiaire étant celle des « séries phraséologiques
ou groupements usuels » (Bally, 1909 : 70), dont les éléments constitutifs, dans l’opinion de
l’auteur, partagent une affinité tout en gardant leur autonomie.
C’est un aspect essentiel dans l’apprentissage d’une langue étrangère, mais également pour
la lexicologie, puisqu’il faut établir avec pr écision les entrées lors de la création d’un dictionnaire
et pour la traduction automatique, où la question qui se pose est de savoir exactement quelles
structures insérer dans le logiciel. Dans la démarche de chacun des spécialistes en la matière, il est
impératif de distinguer une combinaison libre d’une collocation ou d’une expression figée et de les
introduire à leur juste place. Il existe des chercheurs qui les délimitent nettement, en établissant la
limite entre les expressions figées et les séquences phraséologiques qui constituent les parémies et
d’autres qui les acceptent à côté des autres structures. En règle générale, « les dictionnaires
généraux (unilingues et bilingues) appliquent le sens large, en acceptant toutes sortes
d’expressions figées, t andis que les dictionnaires spécialisées suivent le critère restreint »
(González Rey, 2002 : 37), en ce sens qu’ils traitent séparément des collocations (rappelons ici le
Dictionnaire de combinaisons de mots (2007, coord. Dominique Le Fur) qui enregistre plus de
2600 mots -clés qui engendrent 162 000 de combinaisons plus libres ou figées, sans y introduire les

216
locutions figées ; il existe aussi de tels dictionnaires en ligne77) ou des structures propres aux
domaines spécialisés, par exemple.
Une question liée à ce problème est de savoir selon quels critères nous pouvons introduire
dans la catégorie d’ unité phraséologique les groupes de mots plus ou moins soudés utilisés de
manière plus ou moins consciente.
Pour Bally (1909 : 74), les éléments qui composent une unité « perdent toute
signification », cette signification caractérisant tout le groupe, sans qu’elle soit « la somme des
signification des éléments ». Étant donné que le figement de tels groupes vise toute la langue, sans
se limiter au l exique où il est le mieux représenté, il suit les règles de formation présentes dans la
langue à laquelle ils appartiennent au moment de leur formation. Par conséquent, il est plus
difficile de saisir une expression figée actuelle, parce qu’elle a besoin d e plus de temps pour se
délimiter d’une collocation.
Pour l’identification des unités, Bally (1909 : 75) proposait deux types d’« indices, […]
ceux qu’on tire de la forme des locutions et ceux qui tiennent à la correspondance entre la forme et
la pensée ». Il nomme les premiers indices « extérieurs » et les seconds « intérieurs ». En ce qui
concerne la première catégorie, celle des indices extérieurs , l’auteur en énumère trois :
 d’abord « un groupe est composé de plusieurs mots séparés par l’écriture » (Bally,
1909 : 75) ;
 ensuite il place l’« ordre invariable » et l’inséparabilité des mots qui la composent
par d’autres mots et
 une dernière condition qui porte sur l’impossibilité de remplacer un mot par un
autre mot.
Pour ce qui est des indices intérieurs , Bally considère qu’ils sont plus importants que les
premiers. L’auteur y place « équivalence avec un mot simple ; oubli du sens des éléments ;
locutions de forme analogue ; archaïsmes et expressions vieillies » (Bally, 1909 : 77-82).
Il y a un nombre assez grand de travaux dédiés aux caractéristiques des unités
phraséologiques qui servent à leur classification, travaux menés par des auteurs comme Gross
(1993), Mel’čuk (1998), Howarth (1996, 1998), Gläser (1988).

77 Nous avons trouvé de tels dictionnaires comme le Dictionnaire de s collocations de Toni González Rodríguez ,
accessible à l’adresse http://www.tonitraduction.net/ et le Dictionnaire des cooccurrences TERMIUM Plus® du
Gouvernement du Canada, accessible à l’adresse http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha –
fra.html?lang=fra .

217
Parmi les critères de classifica tion de ces unités, nous pouvons citer ceux communs à
plusieurs chercheurs que Mojca Pecman (2004 : 137 -141) a recueillis de la plupart recherches
conduites en la matière : la fréquence, le figement, la substituabilité des éléments constitutifs,
l’opacité sémantique, la compositionnalité, la motivation, la structure syntaxique, la fonction, le
contenu sémantique, la valeur sémantico -pragmatique, l’étymologie .
À son tour, González Rey (2002 : 52), identifie les traits généraux suivants :
 la poylexicalité
 la fréquence
 le figement ou fixité
 le défigement, désautomatisation ou délexicalisation
 l’institutionnalisation
 l’idiomaticité
 la figuralité
 l’iconicité
 l’opacité
 l’ambiguïté
 l’écart ou déviation
 la moulabilité ou productibilité
 la répétition
 la reproduction
 les différents registres
 la réductibilité
 l’arbitrariété, la motivation et la démotivation
 la valeur métaphorique
 la remétaphorisation
 les éléments expressifs et les procédés productifs .
Nous utiliserons ces critères lors de l’identification des unités phraséologiques de notre
corpus et dans leur classification.
Dans la littérature de spécialité, nous avons constaté l’existence d’un flou terminologique
qui se rattache à l’idée de figement et qui essaie de dénommer les groupes de mots qui
fonctionnent ens emble : mot composé, synthème, locution, phraséologisme, cliché, formule
stéréotypée, parémie, idiome, unité polylexicale, collocation, proverbe, unité locutionnelle, dicton,
expression figée, phrase toute faite, locution figurée, phrase figée, groupe soud é, expression
idiomatique, synapsie, gallicisme, phrasème et d’autres encore.
Nous pouvons facilement remarquer le fait que les chercheurs ne se mettent pas d’accord
sur une dénomination unitaire des unités phraséologiques, il existe même une variante de
dénomination pour la discipline en soi dans la langue spécialisée. Ainsi, certains spécialistes

218
utilisent le terme phraséologisme pour désigner la phraséologie dans les langues de spécialité,
c’est -à-dire d’un phénomène syntaxique relié à « un système de p articularités expressives liées aux
conditions sociales dans lesquelles la langue est actualisée » (Rey, Chantreau, 1988 : VI).
Pour Ferdinand de Saussure, le terme utilisé dans son Cours de linguistique générale , dans
le chapitre dédié aux rapports syntag matiques et aux rapports associatifs, le terme choisi est
syntagme, terme qui désigne pour l’auteur « des combinaisons de mots dans le discours, fondées
sur le caractère linéaire de la langue, qui exclut de prononcer deux éléments à la fois » (Saussure,
1967 : 170-171). Cette définition vise la totalité des combinaisons, sans prendre en compte
l’appartenance possible à la langue ou au discours et sans distinguer entre une unité de langue, une
unité sémantique ou une unité syntaxique. Les préoccupations pour la définition et pour la
délimitation des concepts ont continué depuis Saussure, mais il n’existe pas encore de consensus.
Nicole Tournier et Jean Tournier (2009 : 278), définissent la phraséologie d’une langue
comme « l’ensemble constitué par ses lexies prépositionnelles et ses lexies complexes », définition
qui englobe une grande partie des termes énumérés ci -dessus, mais pas tous.
À la lumière de la recherche que nous nous sommes proposée, nous présenterons en ce qui
suit quelques -unes de ces notions, t out en précisant que notre attention portera surtout sur les
termes suivants : collocation, locution et expression .
2.1.1. Synapsie
Un terme employé par les chercheurs dans la littérature de spécialité et qui nous semble
avoir de l’ importance pour notre démarche est la notion de synapsie , qui est composée d’un Nom
et d’un Adjectif ou d’un Nom suivi par la préposition à ou de et d’un autre Nom, ce qui les rend
semblables aux syntagmes nominaux .
Dans le dictionnaire Larousse en ligne, nous avon s trouvé une définition plus générale :
« [u]nité sémantique composée de plusieurs morphèmes lexicaux (par exemple pomme de terre,
pince à linge, chemin de fer) »78 et le CNRTL reprend une définition de Benveniste, pour lequel la
synapsie représente une « locution dont les éléments sont reliés par des rapports de subordination,
comme planche à repasser, moulin à (moudre le) café »79.
Jacqueline Léon (2004) , selon laquelle les synapsies représentent la composition de base
que se retrouve au nievau des nomenclatures techniques, limite le sens et l’usage de la notion en
discussion à des domaines spécialisés (technique), idée soutenue également par González Rey

78 Conformément au site http://w ww.larousse.fr/dictionnaires/francais/synapsie/76111 , consulté le 10 janvier 2017
79 Définition reprise du site CNRTL http://www.cnrtl.fr/definition/synapsie , consulté le 10 janvier 2017

219
(2002 : 44), selon laquelle cette nouvelle séquence sert à « nommer un nouvel objet ou un nouve l
concept ».
Pour revenir à Benveniste (1966 : 172), selon lequel la synapsie est « un groupe entier de
lexèmes, reliés par divers procédés, et formant une désignation constante et spécifique » et qui
soutient également que la synapsie « est et sera la for mation de base dans les nomenclatures
techniques », l’auteur ne limite pas la synapsie au domaine technique, elle pourrait appartenir à
tout autre domaine spécialisé ou spécifique.
Le terme porte particulièrement sur le procédé de composition, par conséqu ent le groupe
qui en résulte comporte au moins deux mots reliés par un joncteur, par exemple la préposition de
ou la préposition à ; dans notre corpus, nous avons trouvé beaucoup de groupes construits selon
cette structure, par exemple le noir de fumée, le noir de vigne, une couleur de fond, bleu de
Chartres, bleu de Saint -Denis, bleu de montagne, etc. C’est justement cette formation à l’aide d’un
joncteur qui les distingue des formes soudées graphiquement et des syntagmes constitués par des
moyens syntaxiq ues.
À partir des définitions citées, nous pouvons conclure qu’il s’agit seulement d’une
appellation synonymique du syntagme lexical , qui alterne avec d’autre synonymes tels que groupe
lexical, lexème complexe, groupe lexicalisé, locution composée, syntag me lexical ou lexicalisé,
unité de signification, unité lexicale complexe, unité sémantique complexe , etc. Cependant, nous
devons souligner qu’il existe une différence essentielle entre ces dénominations, en ce sens que la
synapsie relève des vocabulaires spécialisés. La notion de synapsie présente de l’importance dans
notre recherche parce que les termes de couleur et les groupes desquels ils font parties peuvent
relever tantôt de la langue générale, tantôt de la langue spécialisée.
2.1.2. Groupe terminologique
Alain Rey (1975) a proposé pour ces groupes caractérisés par une certaine instabilité
morphologique la dénomination de groupe terminologique . La raison pour laquelle nous avons
choisi ce dernier terme est la même que dans le cas de la synapsie, en ce sens que les termes et les
séquences que nous avons trouvées dans l’œuvre de Michel Pastoureau appartiennent en fait au
langage historique, puisque l’auteur retrace l’histoire des couleurs, cette histoire ne pouvant pas à
son tour se séparer de l’histoire de l’ humanité, incluant par conséquent tous les domaines
d’activité de l’homme (d’une étendue assez vaste, à notre avis, depuis l’activité quotidienne

220
jusqu’aux domaines les plus spécialisés de l’industrie des colorants, à la physique ou aux
domaines de l’art) depuis l’origine jusqu’à présent.
Il est vrai que nous pouvons rencontrer les mêmes séquences – analysées comme relevant
d’un domaine spécialisé – dans le discours des non spécialistes, parce que la frontière entre le
langage commun et le langage spécialisé est assez floue et nous sommes t oujours témoins de la
terminologisation des mots et de la déterminologisation des termes , le phénomène allant dans les
deux sens en égale mesure.
2.1.3. Collocation et colligation
Dans les recherches actuelles, il existe une distinction entre la collocation qui v ise le côté
lexical, la collocation grammaticale et colligation . Il n’y a pas encore un consensus en ce qui
concerne la délimitation nette de leur domaine, parce que, traditionnellement, le terme de
collocation désigne « une manifestation de solidarités le xicales », sans inclure les unités
grammaticales (une « base » et un « collocatif »).
Les recherches plus récentes ont conduit à l’apparition de ces deux termes et, selon ces
recherches, la collocation grammaticale désigne « un fait d’association entre élé ments
grammaticaux », tandis que la colligation porte sur les fonctions syntaxiques.
Legallois (2012) propose l’emploi du terme collocation pour désigner « un phénomène
d’association entre mots lexicaux ( un gros buveur ), entre mots lexicaux et grammaticau x (un jour
sans), entre mots grammaticaux ( le * de * – le livre de Marie) » et celui de colligation pour
désigner un « phénomène d’association entre un mot lexical ou grammatical et une catégorie
grammaticale (partie du discours, fonction syntaxique, marqu eurs aspectuels, modaux, temporels,
marqueurs grammaticaux des catégories de la négation, de la propriété, etc.) ». Nous partageons le
point de vue exprimé par Legallois dans son article et nous limiterons notre recherche aux
collocations analysées en ce s ens, parce que les groupes des mots qui constituent notre corpus ont
en commun les noms désignant les couleurs, visant ainsi plutôt le côté lexical.
2.1.4. Collocation
Le terme collocation apparaît dans beaucoup d’ouvrages de spécialité, étant déjà une
notion acc eptée par les chercheurs, et nous avons décidé de l’approfondir et d’en trouver les
définitions les plus intéressants, celles qui partagent la plupart de traits ou celles qui sont
complètement différentes, si c’est le cas, pour en tirer des conclusions per tinentes pour notre
recherche.

221
Du point de vue linguistique, une collocation représente une association entre deux
morphèmes lexicaux au moins, caractérisés par une attraction due à des affinités combinatoires, ce
que Bally appelait en 1909 groupement usue l. Nous avons présenté ci -dessus la classification de
Bally en locutions, séries et unités phraséologiques , les collocations étant plus précisément
l’équivalent des séries ou des groupements usuels , que l’auteur appelle « cas intermédiaires »
(Bally, 1909 : 70). Nous citons quelques exemples de telles séries : gravement malade, grièvement
blessé, désirer ardemment, aimer éperdument . Il appelle donne à ces séries le nom de séries
d’intensité et les e xplique de la façon suivante :
« lorsqu’un substantif abstrait un adjectif ou un verbe, tout en ayant une existence
indépendante, semble être relié, par un lien d’habitude, à un autre mot marquant une
qualité, on remarque souvent que ce mot a pour fonction de renforcer le sens fondamental
du substantif, de l’adjectif ou du verbe, sans y ajouter aucune détermination nouvelle, sans
en restreindre ni préciser la notion première. » (Bally, 1909 : 70-71)
L’auteur exemplifie sa définition par la comparaison entre chaleur solaire ou artificielle et
chaleur suffocante, accablante, tropicale , etc., tout en soulignant que c’est grâce à l’intensité que
l’adjectif apporte dans la série que celle -ci devient plus cohérente.
L’auteur identifie une autre catégorie de série s, cette fois -ci visant le verbe : les séries
verbales qui assurent « la transition entre la série et l’unité » (Bally, 1909 : 72) pour lesquelles il
existe « un terme d’identification » (Bally, 1909 : 73), comme par exemple vaincre pour
remporter une vict oire.
Pour Nicole Tournier et Jean Tournier (2009 : 66), la collocation représente
« l’environnement immédiat d’un mot » et elle peut être « libre, restreinte ou contrainte ».
Selon les auteurs, la plupart des mots entrent dans la première catégorie, la co llocation
libre , situation dans laquelle « le mot peut être suivi ou précédé de n’importe quel autre » sans
aucune contrainte syntaxique ou sémantique.
Charles Bally (1909 : 67) appelle ce type de combinaison « associations naturelles »,
constructions qui aident notre esprit à mieux retenir les mots d’une langue. « Ces groupements ont
tantôt un caractère passager et fugitif ; ils se désagrègent aussitôt après s’être formés ; tantôt ils ont
plus de fixité, et sont d’autant plus stables qu’ils sont plus souv ent répétés », puisque les mots qui
les composent se trouvent dans cette position uniquement par le choix momentané du locuteur, qui
peut changer à tout moment et à son gré le choix lié à l’association des mots en question. Mais une
fois que nous répétons assez souvent la même association, il devient plus difficile de l’éviter,
parce que nous l’avons retenue comme telle.

222
Dans le cas de la collocation restreinte , les possibilités combinatoires sont limitées, et dans
le cas de la troisième catégorie, la collo cation contrainte , appelée également unique , « un mot ne
peut apparaître que précédé ou suivi d’un mot particulier, et aucun autre, toute autre collocation
étant impossible ».
Puisque pour les locutions, dont les parties composantes sont irremplaçables, l e terme
généralement employé pour les désigner est celui d’ expressions idiomatiques , Alain Polguère
(2003) donne aux collocations le nom d’ expressions semi -idiomatiques. L’auteur décrit la relation
entre la base et le collocatif en ce sens que c’est le premier qui « contrôle la collocation », puisque
c’est en fonction de cet élément que le locuteur choisit l’autre.
Pour revenir à la dénomination actuelle du phénomène linguistique en espèce, dans le
Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage , Dubois (1994 : 91) désigne par
collocation
« l’association habituelle d’un morphème lexical avec d’autres au sein de l’énoncé, abstraction
faite des relations grammaticales existant entre ces morphèmes : ainsi, les mots construction et
construire , bien qu’appartenant à deux catégories grammaticales différentes, ont les mêmes
collocations, c’est -à-dire qu’ils se rencontrent avec les mêmes mots. De même pain est en
collocation avec frais, sec, blanc , etc. Les mots sont cooccurrents ».
Pour Isabel Go nzález Rey (2002 : 83), la notion de collocation est employée pour désigner
« une suite de mots figés, placés en cooccurrence, dans une structure binaire et selon un statut
sémiotaxique différencié ». L’auteure reprend cette idée de structure sémiotaxique entre la base et
le collocatif de Hausmann et rappelle la typologie suivante comme résultat des rapports entre les
mots autosémantiques ou autonomes et les mots synsémantiques ou interdépendants (González
Rey, 2002 : 90) :
 « mot autosémantique + mot autosé mantique » dans ce cas, il s’agit de la
combinaison libre des mots, sans aucune contrainte ou sans représenter quelque
chose de spécial ensemble ;
 « mot autosémantique + mot synsémantique […]. Ce sont des collocations », dans
ce cas l’un des mots étant au tonome et l’autre dépendant du premier ou servant à
apporter une information supplémentaire ;
 « mot synsémantique + mot synsémantique », dans cette structure n’existant pas de
mots autonome, les deux fonctionnant uniquement ensemble pour exprimer le sens
voulu.

223
Selon Franck Neveu (2004 : 71), la collocation est « une co -occurrence conventionnelle,
résultant d’une forte contrainte sémantique de sélection qui se manifeste par la valence d’une unité
lexicale, et qui a pour effet de restreindre la compatibilit é des mots avec l’unité en question ».
L’auteur considère que les collocations décrivent « les assemblages lexicaux habituels […]
entérinés par l’usage ».
Dans un article intitulé « Présentation : collocations, corpus, dictionnaires », Hausmann et
Blumenth al (2006 : 3-13) abordent les deux acceptions de la notion de collocation en linguistique :
 une première, qu’ils appellent « quantitative », ayant rapport à « la description
statistique de corpus », qui « désigne l’apparition soit fréquente, soit
statisti quement significative (compte tenu de fréquences pondérées) de deux unités
lexicales données dans un contexte plus ou moins étroit » et
 une seconde, qualitative par excellence, appelée « cooccurrence lexicale
restreinte », ou « unité polylexicale codée en langue » décrite comme
« la combinaison phraséologique (codée en langue) d’une base (examen, célibataire, blessé, colère )
et d’un collocatif (passer, endurci, grièvement, bouffée ). La base est un mot (plus précisément
l’acception d’un mot, appelée aussi « lexie ») que le locuteur choisit librement parce qu’il est
définissable, traduisible et apprenable sans le collocatif. Le collocatif est un mot (ou l’acception
d’un mot) que le locuteur sélectionne en fonction de la base parce qu’il n’est pas définissabl e,
traduis ible ou apprenable sans la base »80 (Hausmann et Blumenthal, 2006: 4) .
L’acception qui présente un intérêt particulier pour notre analyse est la seconde, celle qui
dépasse le simple voisinage des mots à la faveur d’une préférence que les mots manifestent l’un
par rapport à l’autre, des structures qui développent une sorte de relation d’alliance entre ses
éléments.
Pour conclure, en tant que domaine important de la phraséologie, les collocations reposent
sur la combinaison de mots, comme l’avaie nt si bien exprimé Hausmann et Blumenthal, la
combinaison d’un mot et d’un collocatif. La combinaison connaît, à son tou r, plusieurs formes : il
existe
 une combinaison figée et
 une combinaison non -figée .
De la première catégorie font partie les locutions idiomatiques , structures dont les mots
composants forment une unité, douée d’un sens unique et qui n’est pas censée subir des
modifications, étant caractérisées par le figement sémantique .

80 Gras et italique des auteurs.

224
De la deuxième catégorie font partie les collocations , selon Haus mann, que le locuteur
utilise en raison de leur existence antérieure, de l’usage par d’autres locuteurs, de leur
mémorisation, et les combinaisons libres , situation dans laquelle chaque mot garde son sens
propre, et les combinaisons inhabituelles, stylisti ques, bénéficiant d’un effet de style dû à
l’intention d’un écrivain, par exemple.
Vue l’abondance d’études au sujet de la collocation, nous nous sommes arrêtée sur la
synthèse réalisée par González Rey (2002 : 93-94) de quelques traits qui caractérisent l es
collocations :
« au niveau formel, il s’agit de mots placés les uns à côté des autres, constitués selon un statut
sémiotaxique distinct (base ou collocateurs, d’une part et collocatifs, collocataires ou collocants,
d’autre part), formant une unité polylexicale figée par un emploi réitéré, ce qui les égale au reste
des éléments phraséologiques. Par contre, au niveau sémantique, les termes sont totalement ou
partiellement compositionnels, la distinction des collocations par rapport aux autres unités s e
faisant au moyen du calcul sommatif des constituants des expressions en question. Du point de vue
pragmatique, l’emploi des unités collocationnelles dépend du champ notionnel auquel elles réfèrent.
Leur sens totalement ou partiellement compositionnel ren voie essentiellement au monde de la
désignation ou de la dénomination référentielle, dénotative […] »
Les trois aspects dont l’auteure tient compte dans l’analyse des propriétés des collocations
sont le niveau formel (où l’auteure retient les dimensions le xicale et syntagmatique , le
comportement interne et le comportement externe ), le niveau sémantique (où elle traite de la
dimension compositionnelle et non compositionnelle et de la composante stylistique ) et le niveau
pragmatique (qui présente de l’intérêt du point de vue de la dimension institutionnelle de la
collocation, des facteurs de reconnaissance , de la dimension référentielle et du niveau de
motivation ).
En ce qui concerne le niveau formel, Gonzá lez Rey se pose, tout comme d’autres linguistes
qui s’y sont intéressés, la question sur le nombre des termes qu’une collocation peut ou doit
comporter. Des définitions présentées ci -dessus, il résulte un nombre minimal de deux constituants,
mais si nous p renons en considération les collocations terminologiques à côté de celles générales,
la situation est plus complexe :
« il existe des collocations […] où aucun lexème n’apparaît, telles que les sigles, les formules ou
les théorèmes ; il y en a où tous les formatifs sont lexématiques ; et il existe, enfin, des collocations
multicodiques, où mots et symboles cohabitent ». (González Rey, 2002 : 98)
Du point de vue syntagmatique, l’enjeu est de délimiter les collocations (surtout celles
nominales) des noms com posés, voire des locutions, ayant en vue le fait de les uns et les autres
sont composées selon la même structure (une combinaison de deux noms ou d’un nom et d’un
adjectif). Entre les deux premières catégories, nous faisons appel à la notion de figement, l es

225
éléments des noms composés étant plus figés que ceux d’une collocation, tandis que pour séparer
les collocations des locutions, le critère que nous pouvons utiliser est celui de la compositionnalité
sémantique : « les locutions sont non compositionnelle s, tandis que les collocations sont
totalement ou partiellement compositionnelles » (González Rey, 2002 : 99).
En ce qui concerne le comportement interne , qui suppose l’identification de la base et de
son collocatif, González Rey propose de ux procédés :
 l’effacement des collocatifs, dont le rôle n’est pas essentiel pour la compréhension
du mot -pivot, mais uniquement de fournir des renseignements supplémentaires en
vue d’une délimitation d’autres mots de sens similaire, et
 la substitution.
Entre les deux éléments il existe une hiérarchie, la base est plus importante que le
collocatif, en ce sens qu’elle garde son sens et peut fonctionner en son absence, mais à son tour le
collocatif est important, puisqu’il sert à préciser quelque chose de s pécifique, mais sa position
inférieure vient justement de ce rôle adjacent. L’auteure donne des exemples de collocations
bimembres (compte bancaire, compte collecteur, compte courant , etc.) et de collocations à
expansion plus élargie (ulcère gastrique béni n, ulcère gastrique malin ), parce que dans le cas des
collocations à plusieurs termes il est encore plus difficile d’en identifier la base et le collocatif,
mais grâce à ces procédés il est possible d’établir des « moules reproducteurs, lesquels donnent
naissance à de nouvelles collocations à partir d’expressions préexistantes dans la langue »
(González Rey, 2002 : 102).
Quant au comportement externe, le problème qui se pose est celui du statut syntaxique de
la collocation, en ce sens que si elle est une co llocation nominale, adjectivale ou verbale, même si
dans sa composition nous trouvons également d’autres catégories, en règle générale elle peut se
réduire au mot qui joue le même rôle dans la phrase.
Au niveau sémantique, les collocations sont distinguées des autres unités phraséologiques
par le biais de la dimension compositionnelle ou non compositionnelle , la différence essentielle
résidant dans le fait que les collocations sont plus transparentes du point de vue sémantique,
pouvant être décodées plus fa cilement que les expressions figées, surtout grâce au mot -pivot, tant
dans la langue générale que dans la langue spécialisée.
L’aspect pragmatique est le dernier aspect que González Rey propose pour la
caractérisation des collocations, puisque ces combinai sons de mots entrent dans la langue comme

226
résultat d’une création individuelle, mais s’imposent par la réitération, par une fréquence d’usage
qui les rend capables, une fois entrées dans le fonds commun de la langue, de donner naissance à
d’autres combinai sons similaires sur la base de la même structure.
En employant la dichotomie qu’elle emprunte à Bloomfield (1933) entre endocentrisme
(concept selon lequel les éléments qui composent une telle construction sont subordonnés ou
coordonnés et le résultat ne c hange pas la catégorie lexicale ou grammaticale) et exocentrisme
(concept selon lequel une nouvelle construction de ce type a pour résultat une classe différente de
celles des éléments qui la composent), González Rey (2002 : 126) classifie les unités
phras éologiques en « UP énoncés et UP intégrants », les UP énoncés dépendant du contexte pour
pouvoir être décodée s, tandis que les UP intégrants pouvant être décodées sans la situation
d’énonciation. Le résultat de l’étude de González Rey est une classificatio n en « deux grands
ensembles d’unités phraséologiques : les collocations et les expressions idiomatiques » (González
Rey, 2002 : 131).
C’est à partir de cette typologie que nous essayerons d’analyser les séquences construites
avec des termes de couleur que nous avons identifiées dans les ouvrages de Michel Pastoureau et
que nous avons introduites dans notre corpus.

2.2. La collocation dans l’œuvre de Michel Pastoureau
Pour ce qui est de la collocation , les mots qui la composent sont, comme nous l’avons déjà
vu dans les recherches dont nous avons fait la revue, indépendants sémantiquement et la
signification en est devinée ou décodée à partir du sens du mot base, même si nous ne la
connaissions pas aupa ravant, tandis que dans le cas d’une locution , nous ne pouvons pas identifier
une base, ni un collocatif, parce qu’ils n’existent pas.
Selon Hausmann et Blumenthal (2006 :4), la locution idiomatique ou figurée « est codée
en langue […] elle signifie et est sélectionnée par le locuteur en bloc ».
Prenons quelques exemples de notre corpus construit à partir des ouvrages de Michel
Pastoureau sur le bleu, le noir, le rouge et le vert pour illustrer cette théorie, des séquences
constituées à l’aide de la même ba se, le terme couleur :
 dans le champ lexico -sémantique de la couleur bleue , nous avons trouvé des séquences
comme

227
couleur liturgique, couleur de second plan, couleur des Barbares, Celtes et Germains, couleur
périphérique, couleur de fond, couleur de la lumière, couleur bénéfique, couleur de l’eau, couleur
du ciel ;
 dans le champ lexico -sémantique du terme noir, nous avons trouvé des séquences utilisées
pour caract ériser la couleur en discussion telles que
couleur de la nuit et des ténèbres, couleur des entrailles de la terre, couleur de la mort, couleur
des méchants et des impies, couleur des ennemis d’Israël, couleur de la malédiction divine, couleur
du chaos primordial, couleur de la nuit dangereuse et malfaisante .
 le champ lexico -sémantique du terme rouge enregistre des séquences telles que
couleur archétypale, couleur préférée, couleur la plus forte, la plus remarquable, couleur première,
couleur véritable, la couleur par excellence, couleur dominante, couleur du désert brûlé par le
soleil, la couleur du dieu Seth, la couleur du sacré, couleur du feu ou du sang, etc.
 le champ lexico -sémantique du terme vert est lui -aussi riche en ce genre de séquences,
dont nous citons à ce moment les suivants :
couleur préférée, couleur ambivalente, couleur de la végé tation, couleur du destin, couleur de la
nature, couleur de la liberté, couleur de la santé, couleur de l’hygiène, couleur du sport et de
l’écologie, couleur incertaine, couleur de second plan, couleur discrète, couleur de l’eau, couleur
des yeux, couleur des feuilles, couleur du miel, couleur du poireau, etc.
La question que nous nous sommes posée est la suivante : quel est le statut de ce type de
séquences ? Est -ce qu’elles représentent des collocations , des combinaisons libres ou des
expressions figées ? Dans quelle catégorie pourrions -nous les introduire ?
Nous allons utiliser les trois niveaux proposés par les chercheurs, niveaux que nous avons
présentés ci -dessus : le niveau formel, le niveau sémantique et le niveau pragmatique .
Les différences majeure s entre les unités phraséologiques (collocations et expressions
idiomatiques) résident dans le fait que les collocations se caractérisent par l’association habituelle
et sans opacification des deux composants81, leur sens étant compositionnel82, c’est -à-dire la
somme des sens de ses éléments constituants. Leur figement syntaxique n’est pas si marqué que
dans le cas des expressions figées qui fonctionnent comme des séquences difficilement séparables.
Nous avons la précisé dès le début que toutes les séquences citées sont construites à l’aide
du nom couleur qui, à première vue, pourrait servir de base si nous les considérons être des
collocations nominales. Ainsi, la condition de la structure binaire qu’une collocation doit avoir est
respectée, sans plus parler de la fréquence de ces structures, qui sont très nombreuses pour

81 Du point de vue formel, nous avons besoin d’au minimum deux éléments pour constituer une collocation, puisqu’il
s’agit d’une structure polylexématique, même s’il y a des opinions dans la littérature qui soutiennent qu’un seul terme
peut composer à lui seul une telle unité phraséologique. Da ns notre cas, nous avons établi la limite inférieure à deux
composants.
82 En ce sens qu’elles représentent des unités phraséologiques partiellement ou totalement compositionnelles.

228
chacune des couleurs. Mais nous considérons que les collocatifs de toutes ces séquences ne sont
pas librement choisis par l’auteur ou par tout autre locuteur qui les utilise.
En outre, la pre mière condition qui requiert que la signification en soit décodée à partir du
sens du mot base ne nous semble pas tout à fait remplie. Au contraire, même si le mot couleur
paraît constituer la base des séquences et les autres composants les collocatifs , en réalité ce sont
les autres termes des séquences qui nous orientent vers leurs vrais sens, ce qui pourrait nous faire
penser que les deux éléments peuvent jouer le rôle de base et qu’il n’existe pas une vraie relation
de subordination entre les deux, mais une interdépendance nécessaire et en même temps suffisante
pour désigner une certaine couleur.
Prenons quelques séquences des quatre couleurs en discussion : couleur de la lumière,
couleur de la mort, couleur du feu et couleur de la végétation . Comment pourrions -nous savoir
quel est leur sens ? À la lumière des notions théoriques présentées, nous nous demandons si ces
structures représentent des cooccurrences lexicales restreintes ou elles sont combinaisons libres.
Les quatre séquences ont la mê me structure, elles sont composées d’un nom suivi de la
préposition de et d’un autre nom prédéterminé par un article, mais le se ns est complètement
différent :
N Préposition N Signification
couleur de la lumière bleu
couleur de la mort noir
couleur du feu rouge
couleur de la végétation vert
Tableau 22 : Couleur + Prép. + N
Pour ce qui est du sens, nous ne l’avons pas facilement compris, il n’est pas si transparent,
mais nous avons eu recours au contexte, aux ouvrages de Michel Pastoureau d’où elles sont
extraites. Dans les exemples couleur de la lumière, couleur de la mort, couleur du feu et couleur
de la végétation , même si le sens est partiellement compositionnel, une chose est sûre : la base ou
le mot -pivot désigne la couleur, c’est un sens dénotatif et référentiel, mais si nous voulons décoder
le sens de la collocation en son ensemble nous pouvons nous tromper. Pour ce qui est de la
couleur de la mort , étant donné que la mort est associée dans la plupart des cultures au noir, nous
pourrions y aboutir sans le contexte ; dans le cas de la couleur du feu , nous pourrions assoc ier
celui -ci à l’orange, mais, de nouveau, le feu est culturellement associé au rouge, par conséquent,
nous pourrions nous tromper légèrement de nuance, mais en aucun cas nous ne remplacerons la
séquence par bleu ou par vert ; à notre avis, la couleur de l a végétation est la plus transparente,

229
parce qu’en parlant de nature, elle est unanimement et universellement associée au vert et en
aucun cas au blanc de la neige qui revêt la nature pendant l’hiver en nous offrant une image
complètement différente ; nous avons laissé à la fin la séquence couleur de la lumière, parce que,
selon nous, elle est la plus difficile à décoder. C’est grâce à la lumière que nous voyons les autres
couleurs, mais quelle est sa couleur ? Si nous pensons aux différents dispositifs d’é clairage, nous
pouvons nous l’imaginer verte, rouge, blanche, jaune ou n’importe quelle autre couleur, mais dans
ce cas nous devons avoir en vue le contexte, parce qu’en fait le rouge a bénéficié lui -aussi de ce
statut :
« Le bleu y est non seulement la co uleur de l’eau, mais aussi parfois celle du fond et de la
lumière. » (Pastoureau, 2000 : 23)

« Pour eux [les Grecs et les Romains], la couleur de la lumière n’est nullement le bleu mais le
rouge, associé au blanc ou à l’or. » (Pastoureau, 2000 : 23)
Est-ce que ce manque de transparence sémantique est suffisant pour considérer que ce sont
des expressions figées ? Nous pensons que non, parce que, d’une part, même s’il peut y avoir une
hésitation ou une confusion, le sens peut être compris quand même en faisa nt appel à l’histoire ou
à la culture. D’autre part, le sens du terme base couleur est dénotatif.
Si, d’autre part, nous essayons de les considérer des combinaisons libres , quand nous
formulons des phrases comme
Ma couleur préférée est la couleur du destin .
Elle portait une belle robe de la couleur de la lumière.
nous ne savons pas si notre interlocuteur connaît le sens des séquences la couleur du destin ou
couleur de la lumière. Il pourrait penser au rouge , au rose, au blanc ou à toute autre couleur qu’il
associe dans son esprit au destin et à la lumière et non pas au vert ou au bleu, les couleurs
désignées par ces séquences.
Par conséquent, un exemple simple de ce genre ne peut pas nous convaincre que la
séquence est utilisé e telle quelle spontanément, que c’est uniquement le résultat un choix lexical
du locuteur à un moment donné, un choix spontané, et que chaque mot garde son sens pour rendre
la séquence compréhensible à tout interlocuteur. Elle ne peut s’employer correctem ent que si nous
en connaissons le sens. En outre, nous ne pouvons pas réaliser de modifications morphologiques
comme *les couleurs des destins , *les couleurs du destin, *la couleur des destins ou *la couleur
des lumières, par exemple.

230
Pour une construction du type couleur liturgique, la compréhension est de nouveau
dépendante et assurée par le contexte ou par les connaissances religieuses du locuteur, sinon elle
pourrait signifier aussi violet, blanc ou rouge . Par conséquent, cette séquence non plus ne peut être
décodée à partir du sens des éléments qui la composent, mais une fois de plus, comme dans le cas
de toutes les séquences dont nous traitons dans cette section, le mot -pivot garde sa signification
dénotative.
Dans le cas de la séquence couleur de fond , si nous la considérons hors son contexte
historique, elle pourrait très bien signifier noir, blanc ou bleu, couleurs employées fréquemment
comme couleurs de fond, mais également d’autres couleurs, le choix des artistes n’étant pas
toujours le même. En ou tre, même dans l’art nous pouvons enregistrer des choix différents d’un
domaine à l’autre : dans la peinture, dans la photographie ou dans les arts décoratifs, cette
séquence ne pourrait pas désigner une seule couleur. Pour ne prendre qu’un seul exemple, p ensons
à la peinture : peinture sur toile, peinture sur verre, peinture corporelle, peinture sur bois ne se
partagent pas un fond unique. De plus, d’une époque à l’autre, d’un peintre à l’autre, d’un style à
l’autre, nous découvrons une couleur de fond qui n’est presque jamais la même.
Dans notre corpus, le contexte nous fait comprendre que l’expression est utilisée pour
désigner le bleu.
« En Grèce, le bleu est moins valorisé et plus rare, même si dans l’architecture et la sculpture,
fréquemment polychrome s, le bleu sert parfois de couleur de fond sur laquelle s’inscrivent les
figures (ainsi certaines frises du Parthénon). » (Pastoureau, 2000 : 23)
D’autre part, si nous pensons aux panneaux de signalisation, nous y remarquons également
une couleur de fond d ans beaucoup d’entre eux, surtout pour les plus importants (pour marquer
une indication, une direction, une interdiction, la priorité ou l’obligation dans le code de la route),
cette fois -ci dans des buts plus pragmatiques :
« lorsqu’il est couleur de fond – ce qui est fréquent –, peut signaler une obligation (vitesse
minimale, direction obligatoire, etc.), ou bien apporter une simple indication topographique
(parking, hôpital, début de section d’autoroute). » (Pastoureau, 2016 : 179)
Ce sont des couleurs d e fond que nous devons retenir et dont nous devons connaître la
signification pour notre sécurité, à la différence du sens que la collocation a dans le fragment
portant sur le domaine artistique, où aucune vie n’est exposée à aucun danger.
Passons à un aut re exemple : nous trouvons plus le sens de l’expression couleur du ciel est
plus facile à décoder, puisque le ciel est d’habitude bleu, alors nous n’avons pas besoin d’un
contexte spécial pour en assurer la compréhension. Si un locuteur voudrait l’utiliser pour décrire le
ciel à l’aube au à la tombée du soir, c’est lui qui doit fournir d’autres éléments pour faire penser à

231
une autre couleur appropriée au moment de la journée qu’il décrit. Dans le contexte utilisé par
Pastoureau, la séquence signifie bleu, sans aucune autre interprétation. En outre, le bleu est
généralement associé au ciel, celui -ci étant le prototype de cette couleur.
Comme nous l’avons vu, l’expression couleur de la lumière renvoie à la même couleur
bleue, mais elle pourrait également suggé rer le blanc, c’est le contexte qui limite sa signification.
Si nous prenons le terme blanc , il est définit par Annie Mollard -Desfour (2008 : 5-6) comme
« [q]ui, combinant toutes les couleurs du spectre solaire, se caractérise par une absence de teinte et
une grande luminosité ; qui est de la ‘ couleur ’ la plus claire et réfléchit les rayons lumineux (donc
la plus opposée au noir qui les absorbe tous) et qui rappelle notamment la couleur de la neige, du
lait, du coton, du lis, du cygne, du mouton et de l’ hermine, mais aussi l’éclat du diamant et du
cristal, celui de l’ablette, du métal et de l’arme blanche… hésitant entre couleur, éclat ou pâleur,
opacité et transparence, s’éloignant ou se rapprochant de son origine étymologique et de la simple
brillance, en multipliant les associations symboliques : de la propreté à la pureté, entre vie et mort,
du blanc des langes au linceul. »
Dans cette définition, qui part de l’aspect scientifique, passe par la compréhension du mot
par le biais du prototype et termin e avec la symbolique de la couleur , nous pouvons observer
plusieurs termes se rattachant à la lumière, mais aussi une certaine hésitation dans la définition due
à l’usage que la société a fait et fait encore de cette couleur, cela vient soutenir notre concl usion
que le contexte est celui qui nous oriente le mieux vers le vrai sens du mot.
Mais, de l’autre côté se trouvent les expressions telles que couleur des Barbares, des
Celtes et des Germains, structure dont les composants ne laisse en aucun cas des trac es
sémantiques pour deviner de quoi il est question. Excepté le terme couleur qui oriente le locuteur
dans une direction chromatique, les autres composants ne nous aident certainement pas. Par
conséquent, nous sommes dans la présence d’une séquence plus fi gée que les précédentes, dont le
sens global doit être connu à l’avance et dont la structure ne peut pas être modifiée. Par exemple,
elle ne supporte pas de transformations morphologiques comme la flexion des noms : le résultat
serait * couleur(s) du Barbar e, du Celte et du Germain et le sens ne serait plus reconnu par les
locuteurs .
Les exemples nous paraissent encore plus illustratifs dans le champ lexico -sémantique du
noir. Des séquences comme
couleur de la nuit, couleur des ténèbres, couleur des entrailles de la terre, couleur des méchants,
couleur des impies, couleur des ennemis d’Israël, couleur de la malédiction divine, couleur du
chaos primordial, couleur de la nuit dangereuse et malfaisante
ne pourraient pas être interprétées autrement que p ar le noir, même si nous pourrions penser à des
couleurs sombres en général. Pour la compréhension des expressions

232
couleur de la nuit et des ténèbres, couleur de la mort, couleur de la nuit dangereuse et
malfaisante , couleur des entrailles de la terre
excepté le terme commun de toutes ces expressions que nous analysons, le terme couleur , qui
conduit invariablement au champ chromatique, nous avons également d’autres mots qui peuvent
servir de base de ces collocations : nuit, ténèbres, mort et terre . Alors, lesquels de ces composants
représentent la base de la collocation ? À notre avis, puisque les séquences sont construites sur la
base du terme couleur , nous ne pourrions pas considérer comme base un autre terme. De ce fait, le
terme couleur est cel ui qui devrait nous orienter vers le sens des séquences, puisque c’est le rôle
par excellence de la base d’une collocation, rôle qui, dans ces exemples n’est que partiellement
joué par le terme en cause. Il nous renvoie seulement au domaine chromatique, sa ns aucun autre
indice et c’est à travers les autres que nous pouvons nous orienter vers la couleur désignée : la nuit,
la mort, et la terre sont liées d’habitude au noir, à l’obscurité, tout comme dans les exemples
utilisés par Pastoureau.
Dans les séquenc es
couleur des méchants, couleur des impies, couleur des ennemis d’Israël, couleur de la
malédiction divine, couleur du chaos primordial,
nous avons suivi le même raisonnement, mais leur sens est encore plus caché que dans le cas des
premières séquences. En les considérant des collocations, nous avons la même base (toujours
nominale) couleur et des collocatifs plus ou moins complexes, mais par rapport aux exemples
précédents, ces derniers ne renvoient pas du tout au sens des expressions.
Par exemple, qui pourrait faire aisément la liaison entre le chaos primordial et le noir ou
qui connaît quelle couleur revêtent la malédiction ou les ennemis d’Israël ? Nous pouvons
supposer peut -être qu’il ne s’agit pas de rose ou d’une autre couleur claire, associée à l a lumière,
et cela parce que la symbolique chromatique est généralement connue par tout individu, mais nous
devons posséder des connaissances historiques plus profondes ou trouver des contextes très précis
pour en connaître le sens exact ou les apprendre par cœur, comme toute autre unité phraséologique
d’une langue.
Toutes ces expressions bénéficient d’une compositionnalité partielle du sens, nous devons
les comprendre et les utiliser telles quelles, étant donné qu’elles se caractérisent aussi par un
bloca ge lexical et morpho -syntaxique. Par exemple, nous ne pouvons pas transformer la séquence
couleur des ennemis d’Israël en *couleur de ceux qui ne sont pas amis d’Israël ou *couleur de
l’ennemi d’Israël sans en changer ou perdre la signification.

233
En guise de conclusion, nous considérons que les séquences ci -dessus, malgré leur degré
de figement plus élevé, restent cependant dans la catégorie des collocations, leur sens global étant
celui de couleur, cela veut dire que le mot -pivot ne perd son sens en aucun des cas présentés.
De l’observation de tous ces exemples de collocations établies autour du nom couleur ,
nous pourrions établir deux formules ou deux moules reproducteurs, pour employer la notion de
González Rey (2002) :
 une collocation à structure bilexicale : couleur + Adj.
couleur vertueuse, couleur spirituelle, couleur statique, couleur virile, couleur solide,
couleur sonore, couleur bienfaisante, couleur rugueuse, couleur respectable, couleur
primordiale, couleur posi tive, couleur(s) primaire(s), couleur(s) secondaire(s), couleur(s)
complémentaire(s), couleur(s) chaude(s), couleur(s) froide(s), etc.
 une collocation à structure polylexicale : couleur + de + prédét. + N
couleur des méchants, couleur des impies, couleur du deuil, couleur du mensonge, couleur
du désordre, couleur du printemps, couleur des jours, couleur des idées, couleur des
bouffons, couleur des femmes, couleur des fées, couleur des minorités, etc.
Dans ce second moule nous constatons de diverses extensi ons :
o couleur + de + prédét. + N + de (+ prédét.) + N :
 couleur des ennemis d’Israël, couleur des entrailles de la terre
o couleur + de + prédét. + N + Adj. / + conj. + Adj . :
 couleur de la malédiction divine, couleur du chaos primordial, couleur de
la nuit dangereuse et malfaisante, etc.
Puisque nous étudions le champ lexico -sémantique des couleurs bleu, noir, rouge et vert
dans l’œuvre de l’historien Michel Pastoureau, nous avons identifié, dans notre corpus, d’autres
unités phraséologiques qui sont co nstruite s selon les mêmes formules présentées ci -dessus, mais
ayant des mots -pivot différents :
 collocations à structure bilexicale
champ + Adj. champ pictural, champ artistique, champ scientifique
peinture + Adj. peinture(s) pariétale(s), peinture(s) corporelle(s)
ton + Adj. tons bleus, tons noirs, tons rouges, tons verts
peinture + Adj
Tableau 23 : Collocations à structure bilexicale

 collocation à structure polylexicale :
N + de + prédét. + N jeux de nuances, photographie en couleurs, univers des couleurs
N + de + prédét. + N + Adj. gamme des tons rouges, gamme des tons noirs, gamme des tons bleus, etc.
Tableau 24 : Collocations à structure polylexicale

234
Pour ce qui est de ce dernier type de structures, nous allons les inventorier à l’aide du
logiciel TXM dans le chapitre consacré au traitement informatique du corpus, où la plus grande
partie de constructions de ce genre appartiennent à la langue spécialisée.
Nous avons commencé cette analyse avec les collocations construites avec l’archile xème
couleur parce que, d’une part, leur nombre est nettement supérieur aux autres collocations et,
d’autre part, parce que cette unité peut être à la fois mot et terme, relevant de la sorte tant de la
lexicologie que de la terminologie.
En tant qu’unité lexicale qui englobe les quatre termes chromatiques que nous étudions,
l’archilexème couleur présente un intérêt particulier dans ce type de structures, dont certaines
seraient indéchiffrables pour la plupart des individus si elles n’étaient pas considérée s en contexte.
C’est pour cette raison que nous avons essayé d’organiser les exemples que nous avons donnés ci –
dessus en fonction de la couleur qu’ils désignent.

2.3. Classification des collocations
Pour continuer cette section dédiée à la collocation, nous rappelons que dans un acte
langagier, il y a deux axes, l’une paradigmatique et l’autre syntagmatique, dont le locuteur a
besoin pour réaliser la communication : il doit sélectionner les lexies qu’ il envisage utiliser et
ensuite il doit les combiner pour réaliser son énoncé.
En suivant le raisonnement conformément auquel dans la construction d’une collocation,
nous avons besoin d’une base et d’un collocatif , nous choisissons tout d’abord la base. É tant
donnée l’apparition de certains termes dans plusieurs combinaisons ( champ, couleur, gamme,
peinture, etc.), nous pouvons les considérer comme les termes base, parce que ce sont les noms sur
lesquels les séquences en discussion reposent, mais ce sont l es déterminants qui nous aident à
identifier les sens de ces séquences nominales : leur composition est presque similaire et ce sont
les mots qui les accompagnes en qualité de collocatifs, selon cette théorie, qui font la différence
sémantique entre celles qui partagent le même mot base. Ces groupements sont lexicalement
contraints, il y a une affinité entre les composants et se so nt imposés surtout par l’usage.
Nous reprenons sous la forme d’un tableau quelques exemples :
Séquence N (base) Prép. N Adjectif
couleur(s) primaire(s) + – – +

235

Tableau 25 : Moule c ollocations N (base) + Prép. + N + Adj.

Si nous les traitons ensemble dans le processus de compréhension, nous ne courons pas le
risque de confondre une peinture pariétale avec une peinture corporelle , par exemple, ou de nous
trouver devant une photographie en noir et blanc et de parler de ses c ouleurs.
2.3.1. Selon le critère sémantique
Nous observons que la plupart des unités polylexicales que nous avons présentées ci –
dessus sont des collocations. Nous avons également analysé leur structure, leur composition,
maintenant nous essayerons d’en réaliser u ne classification du point de vue sémantique . Le critère
sémantique nous aidera à identifier la mesure dans laquelle elles sont facilement ou difficilement
comprises. Pour ce faire, nous utiliserons la typologie trouvée par Tutin et Grossmann (2002 : 12-
13) :
 collocations opaques,
 collocations transparentes et
 collocations régulières.
Les collocations sont qualifiées d’ opaques quand « l’interprétation du collocatif n’est ni
transparente, ni prédictible » (Tutin , 2005 : 33) , ce qui signifie alors que le collocatif est démotivé
du point de vue sémantique et imprédictible à la fois. Ces traits les rapprochent beaucoup aux
expressions figées, mais étant donné que la base garde son sens connu par le locuteur, ces
structures restent dans la catégorie des collo cations.
Par exemple, dans des structures comme couleur(s) secondaire(s) + – – +
couleur(s) complémentaire(s) + – – +
couleur(s) chaude(s) + – – +
couleur(s) froide(s) + – – +
couleur(s) de base + + + –
jeux de nuances + + + –
peinture(s) pariétale(s) + – – +
peinture(s) corporelle(s) + – – +
photographie en couleurs + + + –
photographie en noir et blanc + + + + –

236
couleur des entrailles de la terre, couleur du monde souterrain, couleur négative, couleur
redoutée, couleur des méchants et des impies, couleur des ennemis d ’Israël, couleur de la
malédiction divin e, couleur du chaos primordial,
la base – le terme couleur – garde son sens dénotatif, comme nous l’avons déjà précisé ci -dessus,
parce qu’il s’agit réellement de séquences utilisées pour caractériser une couleur, mais le sens du
collocatif n’est pas prédicti ble.
En fait, dans le cas des collocations transparentes , le collocatif est « interprétable, mais
non prédictible » (Tutin, 2005 :33). Cela veut dire qu’il reste imprédictible, mais motivé du point
de vue sémantique, comme dans les exemples suivants :
couleur de la nuit et des ténèbres, couleur de la nuit dangereuse et malfaisante 83, couleur
de la mort84.
La condition qu’une séquence doit remplir pour entrer dans cette catégorie est que le
collocatif ait un sens facile à interpréter, qui puisse être deviné même par un locuteur non natif.
Le troisième type de collocations identifiées par Tutin et Grossmann, les collocations
régulières , nous sommes en leur présence « lorsque l’association est interprétable et d’une certaine
façon prédictible, à l’aide de rest rictions de sélection sémantique fines, parfois difficiles à mettre
en évidence » (Tutin, 2005 :33). Par conséquent, il s’agit d’une séquence caractérisée par la
motivation et la transparence.
Dans les exemples
couleur des cieux, couleur du feu, noir bri llant, couleur du poireau, couleur du printemps,
couleur vive, reflets bleutés ,
il est très facile de comprendre l’association des deux constituants des collocations, chacun
gardant son sens plus ou moins explicite.
Ces collocations se rapprochent des co mbinaisons libres, mais nous considérons qu’elles
ne le sont pas, puisqu’elles se sont déjà imposées dans la langue, l’association de la base avec son
collocatif n’est pas arbitraire, le locuteur ne fait plus un choix du collocatif, mais il emploie la
structure telle quelle, apprise à force de la répéter ou entendre maintes fois.
2.3.2. Selon le critère composition
Si nous analysons les séquences selon ce critère, nous distinguons

83 La nuit est unanimement associée à la couleur noire, par conséquent il es t facile même pour un locuteur non natif
d’en deviner le sens.
84 La mort est elle aussi associée au noir, parce qu’après la mort vient l’enterrement (une fois de plus, la couleur noire)
et le deuil (des habits noirs).

237
 des collocations nominales et
 des collocations adjectivales .
Dans la première catégorie, celle des collocations nominales , nous avons introduit des
collocations formées d’un substantif appartenant au champ lexico -sémantique des couleurs,
comme :
champ pictural, champ artistique, champ scientifique, chimie des colorants, couleur(s)
primaire(s), couleur(s) secondaire(s), couleur(s) complémentaire(s), couleur(s) chaude(s),
couleur(s) froide(s), couleur(s) de base, peinture(s) pariétale(s), peinture(s) corporelle(s),
tons bleus, tons noirs, noirs durs, noir bibliqu e, noir fécondant, univers des couleurs, noir
de bitume, noir de fumée, noir d'ivoire, noir de vigne, (le) salon noir, animaux noirs,
pierres noires, etc.

Leur structure pourrait être schématisée de la manière suivante :
N + Adj couleur(s) primaire(s), c ouleur(s) secondaire(s), noirs durs, noir biblique, etc.
N + de + N couleur(s) de base, bleu de Berlin, bleu de Prusse, noir de bitume, noir de
fumée, noir de vigne, etc.
Tableau 26 : Collocations nominales

Dans la deuxième catégorie, celle des collocations adjectivales , nous avons rassemblé des
collocations formées sur une base adjectivale, terme qui appartient au champ lexico -sémantique
des couleurs étant dans ce cas adjectif. Par conséquent, le moule est :
Adj. + Adj.
BLEU bleu égyptien, bleu terne, bleu profond, bleu national, bleu dense, bleu militaire, bleu
moral, bleu romantique, bleu royal, etc. ;
NOIR noir diabolique, noir fécond, noir fécondant, noir humble, noir luxueux, noir majestueux,
noir policier, noir profond, noir léger, noir traditionnel, noir uniforme, etc. ;
ROUGE rouge médiéval, rouge vif, rouge aride, artificiel, rouge charnel, rouge distinctif, rouge
érotique, rouge intense, rouge magique, rouge politique, rouge pontifical, rouge
somptueux, etc. ;
VERT vert criard, vert traditionnel, vert végétal, vert administratif, vert étrange, vert européen,
vert germanique, vert neuf, vert médical, vert romantique, vert métallique, vert solide, etc.
Tableau 27 : Collocations adjectivales

Pour reprendre la même question du mot -pivot et du collocatif, même si toutes les
collocations adjectivales citées sont construites selon un moule identique (adjectif + adjectif), la
réponse est universellement valable : le premier adjectif (qui est justem ent l’adjectif chromatique
bleu, noir, rouge et vert) joue le rôle de la base et le second le rôle de collocatif. Ainsi, la
différence entre bleu égyptien, bleu royal, bleu terne et bleu militaire n’est pas faite par le bleu,
mais elle est possible grâce à la spécification apportée par égyptien, royal, terne ou militaire ; nous

238
distinguons entre des types de rouge ( rouge intense, rouge politique, rouge pontifical, rouge
somptueux ) par le biais du second terme de chaque collocation, et la situation est ident ique pour
les deux autres couleurs ( noir diabolique ou noir policier ; vert criard, vert traditionnel ou vert
européen ).
Analyse des collocations nominales
Selon l’approche morpho -syntaxique, les séquences suivantes sont équivalentes à une lexie
ou à une p hrase. Nous préciserons pour chaque groupe séparément à quel type de phrasèmes nous
pouvons les inclure.
Gaston Gross (1996 : 32) inclut dans les critères d’identification des noms composés, qu’il
distingue des groupes nominaux libres, l’ actualisation des éléments composants : en opposant un
fait évident à un fait divers , l’auteur identifie dans le premier cas le rôle de déterminant tant à
l’article un, qu’à l’adjectif évident , tandis que dans l’exemple un fait divers, « la détermination
(l’article indéfini un) ne s’applique pas au mot fait mais à l’ensemble fait divers ».
Un autre critère, selon le même auteur, est celui de la prédication, qui réside dans le fait
que la séquen ce « réfère à un objet ou à une idée abstraite que le locuteur ne crée pas, mais qui est
préconstruite et qui fait partie de son stock lexical au même titre que les noms simples » (Gross,
1996 : 33). Cela signifie qu’à partir de séquences telles que bleu d e montagne nous ne pouvons
pas construire des propositions du type * C’est un bleu qui appartient à la montagne / *Ses yeux
sont d’un bleu qui est de montagne .
À côté de ces deux critères, portant sur l’actualisation et la détermination, G. Gross (1996 :
42) place trois autres : entre les éléments composant ces séquences, « on ne peut pas faire
d’insertion » ; « aucun des éléments ne peut faire l’objet d’une substitution synonymique » et « le
sens global correspond à un concept existant dans la langue et qui pourrait […] être exprimé par
un substantif unique ».
(a) Structure Np + de + Ns
Nous commençons par un premier groupe, construit à partir des termes de couleur bleu,
noir, rouge et vert. Ce sont des collocations de type nominal , parce que l’élément central, le mot –
pivot, est un nom (commun ou propre). Nous noterons le premier nom, le nom -pivot, avec Np et
le nom second qui sert de collocatif avec Ns.
Des séquences comme

239
bleu de Chartres, bleu de Prusse, bleu de Saint -Denis, bleu de montagne, noir de bitume,
noir de fumée, noir d’ivoire, noir de lampe (en solution dans l'eau), noir de vigne , couleur
de fond, rouge de plomb, vert de Satan, vert de Schweinfurt,
partagent toutes la même structure : Np + de + Ns (art. zéro).
Ce sont ainsi des séquences nominales par excellence, très ressemblantes entre elles, même
si le Np est un terme de couleur comme bleu, noir, rouge, vert ou l’archilexème couleur . Nous
avons affaire avec deux noms liés à l’aide d’une préposition, le Nc, no m situé en seconde position
étant déterminé par article zéro.
Leur point commun est le Np qui est dans tous les cas un terme de couleur et la question
sur leur degré de figement paraît légitime. Vu que l’une des caractéristiques essentielles du
figement es t le blocage lexical, à première vue ce critère semble ignoré, puisque quasiment toutes
sont construites avec les mêmes Np, toutes semblent être le résultat de la création de variantes
synonymiques sur un moule identique.
Puisque le degré de figement n’est pas si facile à déterminer, nous allons avoir recours à
d’autres critères qui nous aident à décider en quelle mesure les séquences en discussion sont figées.
Alors, du point de vue sémantique, qui requiert un sens global ou la non -compositionnalité des
termes pour considérer qu’une séquence est figée, nous sommes d’avis que chaque expression
désigne autre chose, elles désignent toutes des matières colorantes ou des pigments utilisés pour
teindre en noir qu’on ne pourrait pas définir autrement, mais le fige ment touche seulement la
deuxième partie des séquences en espèce, les bases gardant leur sens. Par conséquent, ce que nous
devons apprécier est si les Ns sont synonymes. Prenons dans un premier abord
bleu de Chartres,
bleu de Prusse,
bleu de Saint -Denis .
Ce qui est différent dans les trois séquences, c’est le Ns. Mais il s’agit d’un nom propre,
d’un toponyme, plus exactement, dans les trois cas. Pourrions -nous les considérer synonymes ?
Non, en aucun cas : le rôle d’un toponyme est celui de dénommer une l ocalité dans le but de la
distinguer de toute autre localité, c’est d’autant plus spécial qu’un nom commun.
Prenons un deuxième exemple :
noir de bitume,
noir de fumée,

240
noir d’ivoire et
noir de lampe,
en soulevant la même question de la synonymie des Ns : bitume ne pourrait jamais, pour un natif
ou pour toute personne qui apprend une langue étrangère, être considéré le synonyme d’ ivoire ou
de lampe .
Pour conclure, le remplacement d’un déterminant par un autre change complètement le
sens de la séquence, par conséquent les termes ne peuvent pas être substitués : selon le CNRTL85
le noir de fumée « s’obtient en recueillant la fumée de bois résineux, d’huiles impures, etc »,
tandis le noir d’ivoire « résulte de la calcination d’ivoire pulvérisé ». Ce sont des séquences ou des
collocations utilisées dans le langage de spécialité (la peinture), c’est -à-dire de véritables
phraséotermes .
Même si nous les rencontrons dans un discours qui n’émane pas des spécialistes, faute
d’expression équivalente dans la langue gé nérale, elles appartiennent cependant au langage
spécialisé.
(b) Structure Np + de + prédéterminant + Ns
Dans cette catégorie, nous introduisons, d’une part, les expressions à base des termes de
couleur et, d’autre part, les expressions formées à base du terme couleur , mais qui désignent les
couleurs en question. Ce sont toujours des phrasèmes de type nominal , l’élément central étant
aussi un nom, comme dans la catégorie précédente. Nous avons fait une sélection de telles
séquences :
Structure Np + de + prédéterminant + Ns
BLEU bleu du Mans, couleur des Barbares, Celtes et Germains, couleur de la lumière, couleur des
rois, couleur du destin, couleur du ciel, couleur de l’eau, couleur des cieux, etc.
NOIR noir des fourrures, couleur de la nuit, couleur des ténèbres, couleur de la mort, la couleur des
méchants, couleur des impies, etc. ;
ROUGE rouge des Pères, rouge de la faute, rouge du pouvoir, rouge de la punition, rouge de la
Pentecôte, rouge de la reine, couleur de la vie, couleur de la force, couleur des traîtres et des
félons, couleur de la beauté, couleur de l’amour, etc. ;
VERT vert de l’Islam, vert des amours incertaines, vert des démons, vert des sorcières, vert des
hérauts d’armes, vert de la nature, vert des peintres, vert des rubans, etc.
Tableau 28 : Structure Np + de + prédéterminant + Ns

Ces structures définissent le bleu dans le premier cas, le noir dans le deuxième, le rouge
dans le troisième et finalement le vert dans le quatrième groupage. Elles sont formées d’un nom

85 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales , http://www.cnrtl.fr/definition/noir , dernière consultation le
20 janvier 2017.

241
premier, le pivot Np, suivi par la préposition de et par un second nom Ns dont le rôle est de
collocatif prédéterminé par l’article défini. Dans certains cas, la forme qui apparaît est la forme
contractée de l’article avec la préposition de, mais la composition détaillée rest e celle que nous
avons décrite.
(c) Structure Np + de + prédéterminant + Ns + déterminant
Nous avons trouvé encore des structures plus complexes, comme
couleur des entrailles de la terre, couleur des ennemis d'Israël, couleur du chaos
primordial, couleur de l a malédiction divine, couleur de la nuit dangereuse et malfaisante,
toutes étant formées à partir du terme couleur (en position de premier nom), suivi par la
préposition de et par un second nom déterminé à son tour par un adjectif ou par un autre nom :
Séquences Np de Prédét. Ns Adj. N prédét.
bleu des armoiries royales + + + + + –
noir de la martre zibeline + + + + + –
rouge de l’amour divin + + + + + –
couleur des entrailles de la terre + + + + – +
couleur des ennemis d’Israël + + + + – +
couleur du chaos primordial + + + + + –
couleur de la malédiction divine + + + + + –
couleur de la nuit dangereuse et malfaisante + + + + + + –
Tableau 29 : Structure Np + de + prédéterminant + Ns + Adj. + N Prédét.

Toutes ces séquences figées sont extrêmement liées au contexte dans lequel nous les avons
trouvées et se réjouissent d’un sens global et d’une inflexibilité lexicale et morpho -syntaxique.
Elles sont en même temps liées à l’histoire de l’humanité et mériten t leur place dans la langue
française à côté d’autres séquences figées. Puisque le terme central est un nom (soit un terme de
couleur comme bleu ou noir, soit couleur ), ces séquences sont elles aussi des collocations de type
nominal, le figement portant se ulement sur le collocatif.
(d) Structure N + Adjectif
Nous avons trouvé dans notre corpus beaucoup de séquences composées avec le même
terme de couleur, ayant toutes dans leur structure les mêmes composants : le nom de couleur et un
adjectif déterminant. Il y a
le bleu profond , le bleu pailleté , le bleu veiné (d’un blanc légèrement doré) , le noir biblique, des
noirs brillants, des noirs magnifiques, le noir chtonien, des noirs durs, des noirs légers, des noirs
mats, des noirs plus tendres, des noirs profonds, des noirs tirant vers le gris, le brun et le bleu , le
rouge médiéval, le rouge héroïque, le rouge magique, le rouge pontifical, le rouge salvateur, le
vert germanique, le vert pur, le vert romantique, le vert aqueux , etc.

242
Il y a également des structures comme par exemple
 couleur bénéfique, couleur aristocratique, couleur promue, couleur mariale, couleur
royale, couleur discrète, couleur morale, couleur liturgique ou couleur périphérique
employées par Michel Pastoureau pour caractériser le bleu ;
 couleur n égative , couleur primordiale, couleur redoutée, couleur sinistre, couleur
mortifère, couleur méprisée, couleur rejetée ou couleur condamnée pour le noir ;
 couleur première, couleur dominante, couleur dangereuse, couleur préférée, couleur
virile, couleur vo yante, couleur contestée pour la couleur rouge ;
 couleur incertaine, couleur changeante, couleur trompeuse, couleur infâme, couleur
jeune, couleur vive, couleur gaie, couleur dynamique pour le vert.
Ces séquences ont une construction beaucoup plus simple, mais en même temps elles sont
aussi importantes que les séquences précédentes, sinon plus importantes : si les premières
servaient à désigner la couleur qui était déjà nommée ( bleue, noire, rouge ou verte ), à l’identifier
parmi les autres couleurs, les der nières sont plus opaques sémantiquement, parce que si nous ne
connaissons pas le contexte, il nous est difficile de nous rendre compte de quelle couleur il est
question, ce terme n’étant pas présent dans la séquence. À part ce rôle de désigner une certaine
couleur, les séquences servent à caractériser les couleurs en cause et aussi à fournir des
informations sur leur statut dans la société à un moment donné.
Nous pourrions les ignorer, parce que si nous utilisons le terme de couleur pour dire par
exemple qu elle est la couleur des yeux d’une personne, quelle est la couleur du ciel ou quelle
couleur a la terre, nous l’utilisons seul, sans déterminant, en pensant que le noir est noir, le bleu est
bleu tout simplement. Mais si nous pensons au travail d’un peintr e, aux nuances que peuvent avoir
les vêtements religieux, le pelage des animaux ou le plumage des oiseaux, le noir (ou le bleu ou
toute autre couleur) ne semble plus être identique dans tous ces cas. Alors, tous ceux qui se sont
préoccupés de la couleur, q ui ont travaillé dans des domaines tels que l’imprimerie, la
photographie, le cinéma, la presse, les gravures, la peinture ou les magazines de mode depuis que
la couleur a commencé à occuper une place dans l’histoire de l’humanité jusqu’à nos jours, lui on t
accordé une attention particulière et toutes les constructions lexicales qui accompagnent leur
travail sont justifiées.
En revenant aux critères que nous avons utilisés dans les cas antérieurs86, nous les
considérons remplies, puisque tout changement int ervenu dans ces séquences modifierait
irréversiblement leur sens, en le rendant incompréhensible.

86 Nous voulons dire les critères que nous avons emprunté à Gaston Gross portant sur l’actualisation des éléments qui
compos ent les unités décrites, la prédication , l’insertion d’éléments nouveaux dans leur structure, la substitution
synonymique des composants des unités et la correspond ance du sens global de chaque unité à un concept qui existe
déjà, toutes ces critères pouvant nous aider à mesurer le deg ré de figement des unités analysées.

243
2.3.3. Selon le c ritère fonction
Pour analyser les collocations identifiées dans notre corpus selon ce critère, nous nous
servirons d’une idée utilisée par Tutin et Grossmann (2002) , celle de liée à la quantification, à
l’appréciation méliorative ou dépréciative et à l’intensité . C’est toujours un critère sémantique,
mais cette fois -ci il s’adresse surtout au sens du collocatif, puisque c’est lui qui fait la différen ce
entre les différentes collocations. Ce qui résulte représente bien entendu des collocations
appréciatives ou dépréciatives. Le critère antérieur, toujours sémantique, portait sur l’aisance du
locuteur dans la compréhension de la collocation.
Dans des ex emples comme
couleur bénéfique, couleur de la lumière, couleur à la mode, couleur jeune, couleur vive, couleur
gaie, noir biblique, noirs brillants, noirs plus tendres, noir fécondant,
nous pouvons aisément comprendre que nous sommes en présence d’une nuance d’ appréciation
que nous saisissons grâce au sens des adjectifs qui ont le rôle de collocatifs, tandis que des
exemples comme
couleur incertaine, couleur contestée, couleur changeante, couleur trompeuse, couleur infâme,
couleur disgracieuse, couleur inquiétante, couleur négative, couleur redoutée, couleur
périphérique, couleur sinistre, couleur mortifère, couleur méprisée, couleur rejetée, noirs durs,
sous-noir, couleur de pauvre renom, etc.
il s’agit sans doute de collocations dont le sens est dépréciatif . Certes, les unités citées tant dans le
cas de l’appréciation méliorative que dans le cas de l’appréciation dépréciative correspondent
chacune à l’une des quatre couleurs dont le champ sémantico -lexical nous recherchons.
Apparemment, si nous utilisons bleu, noir, rouge ou vert, nous le faisons pour désigner une
couleur vue ou perçue par exemple, mais ces adjectifs ne contie nnent en eux aucune trace
appréciative ou dépréciative. Par conséquent, pour mettre en exergue la position d’une couleur
dans les sociétés à un moment ou à un autre de notre histoire et ce qu’elle signifiait dans
différentes cultures, Michel Pastoureau a r ecours à de telles formulations, que nous trouvons très
chargées sémantiquement.
Il y a certainement des collocations qui, selon ce critère, ne s’inscrivent dans aucune des
deux catégories, alors nous pouvons les considérer neutres :
tons bleus, tons noir s, tons rouges, bleu de Chartres, bleu du Mans, bleu de montagne, teinte bleue,
hiérarchie des couleurs, ordre des couleurs, révolution chromatique, systèmes chromatiques,
phénomènes de luminosité, noir de fumée, noir de bitume, noir de vigne , etc.

244
Pour c e qui est du troisième aspect de ce critère, l’ intensité , nous pouvons considérer que
cette catégorie est réservée aux collocations formées avec des termes qui désignent des qualités
qui renforcent l’idée générale du groupement analysé.
Par exemple, dans les séquences comme
couleurs trop riches,
couleurs trop provocantes,
couleurs trop vives ,
couleurs trop voyantes,
l’emploi du terme trop nous conduit sans conteste vers cette idée d’intensité. Même en dehors de
l’adverbe trop, les adjectifs riches, pro vocantes et vives nous semblent suggérer une idée
d’intensité par leur sens même.
Il existe de nombreux autres adjectifs qui sont associés soit à un terme de couleur, soit au
terme couleur qui par leur simple parution dans la séquence sont capables d’ajouter l’idée
d’intensité au nom qu’ils accompagnent, comme par exemple
criard dans rouge criard,
intense dans rouge intense,
luxueux dans noir luxueux,
somptueux dans rouge somptueux,
éclatant dans rouge éclatant , etc.
Il existe également une intensité significative dans d es séquences comparatives comme
noir comme la poix, noir comme la mûre, noir comme le corbeau, noir comme l’encre ,
le locuteur ne faisant rien d’autre qu’insister sur l’intensité du noir, puisque les référents utilisés
dans tous ces exemples désignent des objets dont la couleur est noire. Mais ces séquences
s’inscrivent dans la catégorie des expressions figées que nous allons présenter dans une sous –
section ultérieure.
2.3.4. Selon le c ritère registres de la langue
Conformément à ce critère, nous voudrions établir à quel registre de langue appartiennent
les collocations de notre corpus : à la langue standard, à la familière, à la populaire, au niveau
argotique, ou à la langue de spécialité. En fait, ce qui nous préoc cupe à ce moment est si les
collocations de notre corpus appartiennent à la langue générale ou à la langue spécialisée (étant
ainsi des collocations terminologiques ).
La phraséologie est une partie importante de toute langue et elle est généralement présen te
dans tous ses registres.

245
Le registre qui présente un intérêt particulier pour notre travail est celui des langues
spécialisées. Si nous cherchons un terme dans un dictionnaire de spécialité, nous constatons que
les auteurs notent également, là où c’est le cas, à l’entrée du terme recherché, d’abord le terme
proprement -dit et ensuite des combinaisons contenant ce terme. Nous parlions plus haut de
l’affinité que les constituants d’une collocation se partagent. Marie -Claude L’Homme et Isabelle
Meynard (1998 : 199) affirment que « les termes semblent préférer la compagnie de certaines
unités lexicales à celle d’autres substituts synonymiques ».
Même si la terminologie a emprunté à la lexicologie la notion de collocation pour
dénommer la combinaison d’une bas e et de son collocatif ou ce qu’elles appellent « les
groupements associés à la langue commune » et que d’autres appellent collocations
terminologiques , les deux auteures proposent une distinction entre les collocations traitées du
point de vue lexicologiq ue et les combinaisons de mots qui relèvent d’un domaine spécialisé, pour
lesquelles ell es préfèrent la dénomination de combinaisons lexicales spécialisées (CLS).
Pour ce qui est de la composition de ces combinaisons lexicales spécialisées, les
chercheurs ont constaté la ressemblance avec les collocations de la langue générale : elles
comprennent une base qui est obligatoirement un terme (une unité terminologique, qui est un nom
d’habitude) et un collocatif, dans le choix duquel la règle n’est plus aussi s tricte, pouvant être un
nom, un adjectif ou un verbe.
Tout comme les collocations, elles ont un caractère conventionnel, mais ce qui les
différencie de celles -ci est le fait que ce sont seulement les spécialistes qui décident la
combinaison des deux termes , étant alors le résultat de la convention des spécialistes en la matière.
Il faut nécessairement exister ce consensus parce que la langue de spécialité est caractérisée par
précision et clarté. Le sens peut être, selon les spécialistes, semi -compositionne l, situation dans
laquelle la base garde son sens, tandis que le collocatif perd le sien, ou compositionnel, ce qui
signifie que le sens global de la collocation terminologique est le résultat du cumul des sens de ses
composants.
Par conséquent, dans notre tentative de classifier les collocations découvertes dans notre
corpus, nous garderons ces deux catégories : langue générale et langue spécialisée.
Même si notre corpus est entièrement spécialisé (historique, plus précisément), nous
pouvons quand même di stinguer des séquences qui peuvent très bien appartenir plutôt à la langue
générale qu’au langage spécialisé :

246
tons bleus, tons noirs, tons rouges, teinte bleue, couleur de la joie, couleur disgracieuse, couleur
inquiétante, couleur négative, couleur redoutée,
tandis que les exemples suivants
champ pictural, champ artistique, champ scientifique, chimie des coloran ts, couleur(s) primaire(s),
couleur(s) secondaire(s), couleur(s) complémentaire(s), couleur périphérique, couleur(s)
chaude(s), couleur(s) froide(s), couleur(s) de base, peinture(s) pariétale(s), peinture(s)
corporelle(s), noirs durs, sous-noir, noir bibli que, noir fécondant, bleu de Chartres, bleu du Mans,
bleu de montagne, noir de bitume, noir de fumée, noir de vigne, noir d’os, noir d’ivoire, etc.
appartiennent sans aucun doute aux langues de spécialité.
Pour ce qui est de la dénomination de telles coll ocations appartenant à la langue générale et
à la langue spécialisée, deux autres notions qui sont proposées sont les notions de phrasème et de
phraséoterme. Pour ce qui est du corpus que nous avons constitué pour notre recherche, étant
contrainte par le d omaine spécialisé auquel il appartient, cette classification pourrait nous aider à
répondre à la question que nous nous sommes posée portant sur la situation des unités
phraséologiques en langue de spécialité.
Nous avons recherché dans la littérature de s pécialité les notions utilisées quant à ce sujet
dans le domaine la terminologie, concernant le langage spécialisé, puisque le figement est un
phénomène naturel dans chaque langue et il n’appartient pas seulement au niveau du langage
courant ou familier, i l apparaît également au niveau du lang age scientifique ou technique.
Les termes phrasème et phraséoterme sont utilisés par G. Greciano (1997b), I. Mel’čuk
(2010) et par d’autres linguistes de la manière suivante : phrasème est un terme qui désigne une
séquence polylexicale (composée d’au moins deux mots qui fonctionnent comme une seule unité
lexicale) et lexicalisée et qui entre dans le domaine de recherche de la phraséologie. Igor Mel’čuk
(2010) utilise le terme phrasème pour dénommer « un syntagme non libre », et par cela il entend
qu’au moins l’un des éléments qui composent la séquence est choisi en fonction de l’autre ou des
autres éléments composants et nous ne pouvons remplacer un mot par son synonyme que dans très
peu de cas. Dans une langue il y a de nombreux phrasèmes. Par le terme phrasème , qui peut être
appelé également phraséolexème , les linguistes désignent génériquement les expressions toutes
faites , les expressions fixes , les expressions figées , les expressions idiomatiques ou les unités
multilexémiques dans la langue générale.
À l’opposé du phrasème se trouve le lexème , le mot considéré individuellement, avec un
ou plusieurs sens (propre ou figuré), dont traite la lexicologie.
Selon cette théorie, Jean -Claude A bscombre et Salah Mejri (2011 : 41-61) caractérisent le
dictionnaire comme un ensemble de lexies de deux types :

247
 « constituées d’un seul mot pris dans un seul sens » et
 « les lexies constituées de plusieurs mot s formant un syntagme – les phrasèmes ».

Il existe une typologie des phrasèmes réalisée par Mel’čuk (2010 : 6), qui distingue deux
grandes catégories :
 les phrasèmes pragmatiques et
 les phrasèmes sémantiques , divisées à leur tour dans des sous -catégories.
Dans la première catégorie, l’auteur place les pragmatèmes, tandis que dans la deuxième
nous retrouvons :
 des phrasèmes sémantiques compositionnels , qui, à leur tour se divisent en clichés
et collocations et
 des phrasèmes sémantiques non compositionnels qui comprennent des locutions de
trois types : des quasi -locutions, des semi -locutions et locutions fortes.
Une langue de spécialité est aussi très riche en séquences figées que la langue générale,
alors nous considérons que la notion de phraséoterme présent e une importance particulière pour
notre corpus.
Conformément à la norme 1087 de l’ISO [ISO 89] la terminologie est une « [é]tude
scientifique des notions et des termes en usage dans les langues de spécialité », ce qui porte
surtout sur l’étude des termes sans tenir compte du contexte. Elle bénéficie également d’une
ouverture sur la phraséologie, puisque les langues de spécialité ont, comme nous l’avons précisé
déjà, une composante phraséologique considérable.
Les spécialistes joignent eux aussi deux ou p lusieurs termes pour exprimer une seule idée,
en résultant une structure polylexicale ayant un autre sens que celui de chaque terme considéré
isolément. Par conséquent, toutes ces notions que nous avons présentées ci -dessus doivent être
analysées de la per spective du langage spécialisé et elles complétées par d’autres, plus spécifiques,
puisque notre corpus appartient au langage de spécialité, plus précisément au langage historique,
notre corpus provenant de l’ouvrage de l’historien Michel Pastoureau.
L’an alyse des unités polylexicales reste encore un défi, puisque traditionnellement la
terminologie traite les notions et les termes, mais il existe déjà un bon nombre d’études ayant trait
à ce sujet.
Hausmann et Blumenthal (2006 : 4) distinguent la collocatio n
« des mots composés polylexicaux terminologiques du type arrêt cardiaque , équipement portuaire
ou feu rouge qu’on a proposé d’appeler phraséotermes […] et qui, malgré leur transparence, sont

248
codés, sans pour autant présenter une structure base -collocatif (le locuteur ne choisit pas cardiaque
en fonction d’ arrêt ) ». (gras des auteurs)
Les auteurs réussissent à synthétiser toute la théorie autour des catégories à analyser dans
le cadre de la phr aséologie de la manière suivante :
« la phraséologie (unité : phrasème) se compose de phraséotermes (arrêt cardiaque/ équipement
portuaire/ feu rouge ), de collocations (administrer une gifle/un célibataire endurci /grièvement
blessé ) et de locutions (casser les pieds à qqn /prendre la mouche/un cordon bleu ) » (Hausmann
et Blumenthal, 2006 : 4), (gras des auteurs)
tandis que selon le Petit Robert (2010), la phraséologie est l’« ensemble des expressions, locutions,
collocations et phrases codées dans la langue générale ».
Pour Charaudeau et Maingueneau (2002 : 432), la phraséologie comprend « l’ensemble
des expressions figées, simples ou composées, caractéristiques d’une langue ou d’un type de
discours », les deux auteurs ne réalisant pas de distinction entre la langue générale et la langue de
spécialité, ce qui pourrait cependant présenter l’avantage de ne pas se perdre dans les différentes
dénomin ations.
Dans son article intitulé « Terme, phraséoterme et phrasème », Laurent Gautier (2004)
essaie de définir le statut des notions « phraséoterme » et « phrasème spécialisé » par rapport à
celles de « phrasème » et « terme », mettant en lumière la jonct ion entre la phraséologie et la
terminologie. Dans sa recherche qui vise le langage juridique, l’auteur utilise les critères
fondateurs de la phraséologie : la polylexicalité, liée à « la face matérielle du signe », chaque
expression étant composée de deux constituants au minimum, le figement et l’opacité. Le résultat
de sa recherche est que le phraséoterme n’est pas seulement un terme simple, mais il « se
caractérise par sa structure sémiotique complexe qui le rapproche du phrasème : complexité
syntaxique (lisible dans son degré de figement) et complexité sémantique (inscrite dans son degré
d’opacité sémantique) ».
Prenons un exemple de séquence de l’ouvrage Noir. Histoire d’une couleur de Michel
Pastoureau :
noir de lampe en solution dans l ’eau.
Nous avons choisi cet exemple particulier parce que c’est l’une des expressions utilisées
par l’auteur pour désigner un pigment que les gens utilisaient auparavant pour peindre en noir.
Une autre raison de notre choix est que nous ne le trouvons plus dans le français actuel, à sa place
étant employées les expressions suivantes :
noir de carbone, noir de fourneau, noir thermique, noir au tunnel, noir d’acétylène ou noir de
fumée .

249
Selon une approche morpho -syntaxique, la séquence noir de lampe en solution da ns l'eau
est un phraséoterme de type nominal, parce qu’il équivaut à un nom et non pas à une autre
catégorie (elle désigne un type de pigment, un type de noir) ; du point de vue sémantique, le sens
de la séquence pourrait être déduit à partir de la signifi cation de certains constituants, comme le
terme noir, mais le terme lampe , considéré séparément, nous ferait penser plutôt à la lumiè re
qu’au noir, le critère de la non-compositionnalité ou de la compositionnalité partielle étant ainsi
rempli, à notre avis ; quant aux critères liés à la mémorisation et au blocage lexical, nous pensons
que les deux sont respectés, puisqu’une telle expression ne peut pas être composée ou décomposée
sur place, elle s’apprend, elle doit être retenue telle quelle avec la signifi cation correcte et ses
composants ne pourraient pas être changés sans en changer le sens. En substituant le noir par un
autre terme de couleur ou l’huile au lieu de l’eau , nous obtiendrons du * rouge/vert de lampe en
solution dans l'huile , sans aucune liais on avec le pigment utilisé par les gens, voire avec la langue
française.
Puisque la classification de Hausmann et Blumenthal nous semble la plus pertinente pour
notre travail, nous réaliserons en ce qui suit trois tableau dans lesquels nous allons introdui re
quelques structures polylexicales – étant donné que le figement vise en égale mesure les phrases et
les catégories telles que le nom, l’adverbe, le verbe ou l’adjectif – que nous avons trouvées dans
notre corpus et nous analyserons leur degré de figemen t selon les critères suivants :
 la compositionnalité (critère sémantique) ;
 le blocage lexical (l’impossibilité de remplacer un mot par son synonyme ou par un
autre mot de la même classe ;
 le blocage morphologique (la flexion des noms – genre et nombre ou le temps, le
mode et la personne des verbes) ;
 le blocage syntaxique (l’impossibilité de réaliser des transformations comme la
pronominalisation, la passivation, la négation, l’interrogation et d’autres).
Nous avons trouvé dans notre corpus des phraséote rmes comme ceux que nous
introduirons dans le tableau ci -dessous :
Nr.
crt.
Phraséotermes Critères
Compositionnalité Blocage
lexical Blocage
morphologique Blocage
syntaxique
1. gamme des tons bleus + + + +
2. gamme des tons noirs + + + +
3. gamme des tons rouges + + + +

250
3. gamme des tons jaunes + + + +
4. gamme des tons foncés + + + +
6.
ordre spectral des
couleurs + – + +
7. phénomène couleur + + + +
8. codes de la couleur + + + +
9. colorants végétaux + + + +
10. systèmes chromatiques + + + +
11. loi du contraste
simultané + + + +
12. carbonate basique de
cuivre + + + +
13. silicate de cuivre + + + +
14. limaille de cuivre + + + +
15. verts de cuivre artificiels + + + +
16. pyrite de fer + + + +
17. pigments bleus
artificiels + + + +
18. pigments minéraux
rouges + + + +
19. pigments d’origine
végétale + + + +
20. pigments d’origine
animale + + + +
21. pigments traditionnels + + + +
22. pigment de synthèse + + + +
23. matière colorante + + + +
24. arts somptuaires + + + +
25. champ pictural + + + +
26. champ artistique + + + +
27. champ scientifique + + + +
28. chimie des colorants + + + +
29. chimie des pigments + + + +
30. techniques de teinture + + + +
31. couleurs liturgiques + + + +
32. théologie de la lumière + + + +
33. en noir et blanc + – + +
34. noir fécondant + + + +
35. noir matriciel des
origines + + + +
36. le célèbre taureau noir + + + +
37. le salon noir + + + +
38. animaux noirs + + + +
39. noir de lampe en
solution dans l’eau + + + +
40. noir d’aniline + + + +
41. noir de bitume + + + +
42. noir de fumée + + + +
43. noir d’ivoire + + + +

251
44. noir d’os + + + +
45. noir de vigne + + + +
46. le noir biblique + + + +
47. noir brillant + + + +
48. noir chtonien + + + +
49. noirs mats + + + +
50. noir clunisien + + + +
51. noirs tirant vers le gris,
le brun et le bleu + + + +
Tableau 30 : Tableau phraséotermes
Nous pourrions penser que les phraséotermes
(a) gamme des tons bleus
(b) gamme des tons noirs
(c) gamme des tons rouges
(d) gamme des tons jaunes
représentent en fait une seule collocation, l’unique différence entre ces séquences étant la couleur,
le terme final. Mais essayons de les analyser du point de vue formel : elles sont tou tes construites
selon le moule gamme des tons + Adj. de couleur.
Vu q u’elles sont des unités polylexicales, contenant plus de deux termes, la question que
nous nous posons à présent est lequel de ces termes constitue la base et quel est le collocatif ?
Puisqu’il existe une structure fixe dans toutes les quatre collocations terminologiques, nous
considérons que cette structure en constitue la base. Le rôle du dernier terme de chaque
collocation terminologique sert uniquement à fournir une information supplémentaire, absolument
dénotative et référentielle, à l’aide de laquelle nous pouvons comprendre et classifier la séquence
en cause. Par conséquent, les termes bleus, noirs, rouges et jaunes représentent les collocatifs et
chacune de ces séquences constitue un vrai phraséoterme.
Prenons un autre exemple similaire, cette fois -ci construit à l’aide du terme pigment. Entre
les séquences :
(a) pigments bleus
(b) pigments bleus artificiels,
(c) pigment rouge
(d) pigment rouge artificiel
(e) pigments minéraux
(f) pigments minéraux rouges
en suivant les procédés de classification et de reconnaissance présentés ci -dessus, nous pouvons
conclure que la base des phraséotermes est représentée par pigments bleus dans les cas (a) et (b),
par pigment rouge dans les exemples (c) et (d), et par pigme nts minéraux dans les exemples (e) et
(f) ; le collocatif artificiel(s) servant à fournir le renseignement supplémentaire pour transmettre

252
une idée nouvelle ou pour désigner un nouveau concept dans les exemples (b) et (d) et l’adjectif
rouges pour le cas ( f).
Ayant en vue les multiples possibilités paradigmatiques de ce mot, nous devons considérer
attentivement la situation suivante qui, à notre avis, n’est plus la même si nous comparons les
phraséotermes ci -dessous avec les séquences précédentes :
(g) pigments bleus
(h) pigments noirs
(i) pigments jaunes
(j) pigments verts
(k) pigment rouge.
Dans les exemples (g), (h), (i), (j) et (k), le terme pigment(s) constitue à lui seul le mot –
pivot et les autres sont des collocatifs, les éléments fournissant des spécifications discrimin atoires
entre les phraséotermes en espèce. Le moule selon lequel une telle structure se reproduit est :
pigment(s) + Adj. de couleur
Une autre situation intéressante est celle des phraséotermes
(l) pigments verts
(m) pigments verts traditionnels
(n) pigments verts artificiels
parce que, si nous les analysons dans ce groupage, nous constatons la même composition que dans
les cas (a) – (f), c’est -à-dire nous prenons pour base pigments vers et pour collocatifs traditionnels
et artificiels , mais si nous ajoutons à la mê me analyse les phraséotermes
(o) pigments traditionnels
(p) pigment artificiel,
alors le mot -pivot reste pigment(s) , tous les autres termes devenant des collocatifs.
D’autre part, si nous comparons les phraséotermes
(q) pigments d’origine végétale
(r) pigments d’origine a nimale
(s) pigments traditionnels
(t) pigment naturel
(u) pigment artificiel
(v) pigment de synthèse
nous pouvons identifier, même si quelques -unes des séquences sont polylexicales, que le mot –
pivot est toujours le terme pigment(s) , puisque nous ne pourrions pas réduire les phraséotermes (q)
et (r) à pigments d’origine pour considérer les adjectifs végétale et animale comme des collocatifs
qui fassent la différence entre les deux phraséotermes. En outre, le moule d’origine + Adjecti f peut
constituer selon nous une collocation toujours terminologique à elle seule, étant, dans nos
exemples un phraséoterme « mise en abyme ».

253
Puisque nous avons déjà analysé en détail les collocations, nous allons insérer dans le
tableau suivant seulement dix exemples :
Nr.
crt.
Collocations Critères
Compositionnalité Blocage
lexical Blocage
morphologique Blocage
syntaxique
1. habits de soirée – + + +
2. couleur honnête – + + +
3. couleur de l’esprit – + + +
4. signe de
reconnaissance + + + +
5. vêtements de deuil + + + +
6. rouge aride – + + +
7. noir clunisien + + + +
8. bleu profond – + + +
9. couleur apaisante + + + +
10. teinte naturelle – + + +
Tableau 31 : Tableau collocations
Ces collocations, qui appartiennent normalement à la langue générale, peuvent migrer
aisément dans la langue de spécialité. Par exemple, si nous prenons l’exemple habits de soirée ,
cette collocation est si fréquente dans a langue générale que nous oublions le fait qu’elle a été
créée probablement par des spécialistes du domaine vestimentaire. C’est aussi le cas de
bleu profond, noir clunisien, teinte naturelle ou de couleur apaisante
qui se trouvent à la limite des deux langues, son appartenance à l’une ou à l’autre étant déterminée
par le contexte d’emploi. Mais, étant donné que leur degré de figement et leur opacité sémantique
ne sont pas très élevés par rapport aux phraséotermes, nous avons décidé de les classer dans cette
catégorie.
Pour illustrer éga lement cette dernière catégorie d’unités phraséologiques, nous avons
trouvé dans notre corpus les locutions suivantes :
Nr.
crt.
Locutions Critères
Composition –
nalité Blocage
lexical Blocage
morphologique Blocage
syntaxique
1. contes bleus – + + +
2. oiseau bleu – + + +
3. noir comme de l’encre – + + +
4. noir comme la mûre – + + +
5. noir comme le corbeau – + + +
6. noir comme la poix – + + +
7. noire comme poix fondue – + + +
11. noire comme corneille – + + +
12. noire comme charbon – + + +
13. noire comme sauce au poivre – + + +

254
14. habille les hommes comme
des paons – + + +
15. vert de jalousie – + + +
Tableau 32 : Locutions
Pour ce qui est de ces séquences, nous les analyserons plus en détail en ce qui suit, parce
que nous considérons nécessaires quelques nouvelles précisions théoriques en la matière.

2.4. Locution vs. expression
Dans un premier temps, nous présentons quelques notions liées aux termes locution et
expression , pour continuer, dans un second temps, avec ceux de locution figée et expression figée ,
dans l’opinion de plusieurs chercheurs.
La notion de locution est très souvent employée tant par les spécialistes, que par le large
public. Pour ce qui est de sa définition, le CNRTL87 lui attribue le statut de « groupe de mots
constituant un syntagme figé » ayant de ux acceptions en linguistique : la première la décrit comme
« Groupe de mots pris souvent dans une acception figurée que l’usage a réunis pour former une
sorte d’unité dont le sens ‘se définit comme sa capacité d’intégrer une unité de niveau
supérieur’ »88 ; la seconde lui attribue le sens de « [g]roupe de mots ayant dans la phrase la valeur
grammaticale d’un mot unique »89.
Tournier et Tournier (2009 : 220) définissent la locution comme une « lexie
prépositionnelle ou complexe », la totalité des l ocutions d’une langue faisant partie de la
phraséologie de la langue en discussion. Eu égard au constat que certains lexicographes utilisent
expression et locution de manière indifférenciée, les auteurs conseillent « de réserver le terme de
locution à un fait de langue , en l’occurrence un fait de lexique , relevant de la lexicologie, et le
terme expression à un fait de discours , relevant de la stylistique ».
Dans le Grand dictionnaire Linguistique & Sciences du langage (2007 : 289), la locution
est définie comme « un groupe de mots (nominal, verbal, adverbial) dont la syntaxe particulière
donne à ces groupes le caractère d’expression figée et qui correspond à des mots uniques ». Les
auteurs proposent, à cette entrée, la notion de locution toute faite , comme « Comment allez –
vous ? », qui désigne « un comportement culturel lui aussi figé ».

87Centre National de Ressources Lexicales et Textuelles, disponible à l’adresse http://www.cnrtl.fr/definition/locution ,
consulté le 12 mai 2017
88 La définition du portail du Centre National de Ressources Lexicales et Textuelles reprend cette citation d’ E.
Benveniste, Problèmes de linguistique générale , Paris, Gallimard, 1966, p. 127 .
89 Idem

255
De son côté, Alain Rey (DEL, 1993 : VI) définit la locution comme
« une unité fonctionnelle plus longue que le mot graphique, appartenant au code de la langue en
tant que forme stable et soumise aux règles syntaxiques de manière à assumer la fonction
d’intégrant ».
Cette définition porte surtout sur le niveau formel (la locution doit avoir un nombre plus
grand de composants qu’une lexie simple) et sur celui fonction nel.
En fait, Alain Ray (1988 : V-VI) est l’un des linguistes qui ont attiré l’attention sur le fait
que le lexique « ne se définit pas seulement par des éléments minimaux, ni par des mots, simples
et complexes, mais aussi par des suites de mots convenues, fixées, dont le sens n’est guère
prévisible ». Il dépasse ainsi le critère qui pourrait paraître formel à première vue (lié en premier
lieu au nombre d’éléments que doit comporter une structure pour constituer une seule unité
lexicale, pour mettre l’accen t sur l’aspect sémantique, qui fonctionne dans la plupart des cas
comme un critère différenciateur.
Rey et Chantreau (1989 : Préface, IX), appellent « une locution, une expression » de la
manière suivante : « [i]l s’agit de phraséologie, c’est -à-dire un sy stème de particularités
expressives liées aux conditions sociales dans lesquelles la langue est actualisée, c’est -à-dire à des
usages », définition de laquelle il résulte que les notions de phraséologie, expression et locution
peuvent être considérées des synonymes.
L’abondance des termes utilisés en ce qui concerne les combinaisons des termes et
l’absence d’un usage clair et simplifié de ces termes sont justifiées, selon Rey (1988 : V-VI), par
le fait que « les limites entre locution et expression, entre ces deux termes et énoncé fréquent ou
codé, ou avec tournure et idiotisme, ne sont ni franches ni nettes ».
Quant à la notion d’ expression , le CNRTL propose la définition suivante : « Ensemble des
signifiants (quelle qu’en soit la substance phonique ou gra phique) par opposition à contenu ou
ensemble des signifiés »90. Pour que toutes ces définitions que nous présentons soient utiles à
notre recherche, nous devrons restreindre le champ d’application de la notion d’ expression , sinon
nous courons le risque de n ous égarer parmi toutes les recherches déjà conduites en la matière.
Tournier et Tournier (2009 : 142) la définissent par rapport à l’usage alternatif expression /
locution fait par les spécialistes mêmes, pour « désigner toute lexie composée, prépositionn elle ou
complexe, répertoriée en tant que telle comme élément de langue ».

90 Site du Centre National de Ressources Lexicales et Textuelles , disponible à l’adresse
http://www.cnrtl.fr/definition/expression , dernière consultation le 17 décembre 2016 .

256
Nous devons cependant accorder une attention plus grande à ce genre de séquences,
d’autant plus que notre corpus se compose de telles « lexies composées » relevant tant de la
lexico logie que de la terminologie.
2.4.1. Locution figée / expression figée
Les termes qui présentent le plus grand intérêt à ce stade pour la présente recherche sont
l’expression figée et la locution figée . Nous avons présenté brièvement les notions d’ expression et
de locution , il est temps à présent que nous analysions les deux termes du point de vue du
figement qui peut les transformer et changer leur sens ou statut de terme simple.
Le Grand dictionnaire Linguistique & Sciences du langage (2007 : 202) nous offr e la
définition des expressions figées comme « des suites de mots qui n’obéissent pas aux règles
générales de constitution de syntagmes ou de phrases et qui n’admettent pas de variations, ou du
moins dans des limites restreintes aux articles, aux temps des verbes, aux insertions d’adjectifs ».
Le CNRTL les définit sans les dissocier : « [e]xpression figée, locution figée, dont les
éléments constituants et le sens ne varient plus »91. Les deux notions sont considérées synonymes,
sans faire aucune distinction entre elles. Par contre, elles sont analysées par comparaison avec les
collocations libres, qui peuvent être modifié au gré du locuteur.
En revanche, l’expression figée garde sa construction sans que le locuteur puisse en
modifier l’un des constituants, c e type d’expression fonctionnant comme toute autre lexie de la
langue. Par exemple, Maurice Gross (1982) réalise « Une classification des phrases ‘figées’ du
français » et montre comment l’expression casser sa pipe illustre parfaitement ce genre de
constru ction figée : à partir du sens des deux mots de base, au lieu desquels nous ne pouvons pas
employer des synonymes, nous ne pouvons en aucun cas nous rendre compte que l’expression
signifie « mourir ». L’auteur nous montre également que nous ne pouvons pas modifier le
déterminant – l’adjectif possessif qui est « obligatoirement coréférent au sujet », en le remplaçant
par un adjectif démonstratif ou un article défini ou indéfini. Ainsi, « des modifications
couramment acceptées par des phrases quelconques sont interdites dans le cas figé » (Gross, 1982 :
156).
Mais ce caractère figé a certaines limites, parce que nous pouvons cependant modifier le
mode du verbe et la personne et le nombre du possessif qui varie selon le sujet.

91 CNRTL , http://cnrtl.fr/definition/academie9/fig%C3%A9 , dernière consultation le 18 décembre 2016 .

257
Tournier et Tournier (2009 : 142) constatent à leur tour l’emploi séparé des termes
expression et locution chez quelques spécialistes, emploi qu’ils essaient de suggérer également. Ils
continuent de critiquer l’emploi du terme expression figée (2009 : 143) « pour désigner toute
locution ». Ils ne sont d’accord ni avec la notion d’ expression idiomatique utilisée dans le sens
d’expression propre à la langue , en motivant toujours par l’appartenance de l’ expression au
discours et non à la langue et de locution à la langue et non au discours, tout en recommandant
l’emploi de la notion locution idiomatique (Tournier et Tournier, 2009 : 142). Selon les auteurs, la
locution idiomatique ne peut pas être traduite littéralement dans d’autres langues, tandis que la
locution peut se trouver un équivalent dans une autre langue que celle d’origine. Pour ce qui est de
la dénomination de ces catégories figées qui relèvent de la sagesse populaire, d’un héritage
culturel et linguistique en même temps, beaucoup de chercheurs on t proposé des variantes telles
que : idiome , locution ou proverbe .
Pour ce qui est de notre choix terminologique, comme nous l’avons précisé dès le début de
ce chapitre, nous utiliserons la notion d’expression figée pour désigner les expressions toutes fai tes
de manière générale qui viennent involontairement à l’esprit au moment de la parole, mémorisées
en réalité tant par les natifs, que par ceux qui apprennent une langue étrangère, en raison de son
usage déjà consacré, les chercheurs caractérisant ces exp ressions par la fixité de leur forme et par
l’imprédictibilité du sens.
Dans les pages précédentes, nous avons analysé des collocations et des expressions dans la
composition desquelles il y avait soit un terme de couleur ( bleu, noir, rouge et vert ), emplo yé
comme nom ou comme adjectif, soit des noms comme couleur ou peinture . Il a été déjà démontré
que leur nombre, du moins dans l’œuvre de Michel Pastoureau, est accablant.
Il convient à présent de nous pencher sur d’autres unités phraséologiques construite s avec
des termes de couleur, respectivement sur les expressions figées . Nous avons cherché dans le
Trésor de la Langue Française informatisé92 quelques séquences construites avec les termes de
couleur bleu, noir, rouge et vert. Nous avons limité le nombre d’expressions avec chaque terme à
cinq – puisque nous ne les avons pas trouvées dans notre corpus – et nous en avons également tiré
les explications.

92 Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse http://www.atilf.fr/tlfi , dernière consultation le 13
mai 2017.

258
Nous ferons ensuite une analyse de ces quelques séquences contenant les termes de
couleur et nous les comp arerons avec ce que nous avons considéré être des collocations.
Nous notons dans le tableau ci -dessous les séquences dans lesquelles le terme de couleur
est nom avec N et adjectif avec Adj. dans des colonnes séparées. Dans la dernière colonne, nous
marquons si le sens du terme chromatique est dénotatif, s’il désigne vra iment une couleur ou une
autre.
Locutions
nominales Signification N Adj./
Adv. Sens de
couleur
Bleu93
bas-bleu Femme qui a des prétentions littéraires ; femme savante,
d’une pédanterie ridicule + –
bifteck bleu Bifteck « servi saignant et peu grillé », ce qui signifie qu’il
est grillé à l’extérieur et cru à l’intérieur + –
colère bleue colère violente + –
cordon bleu Ruban de tabis bleu, que portent les chevaliers de l’Ordre du
Saint -Esprit
Fam. Se dit figurément et par plaisanterie d’une cuisinière
très habile + –
le petit / gros
bleu vin rouge de qualité médiocre + –
Noir94
travail, salaire
noir Clandestin, en dehors de la légalité + –
caisse noire fonds qui échappent à la comptabilité légale +
œil / regard noir Regard irrité et menaçant +
petit noir café noir +
série noire suite d’événements malheureux +
Rouge95
alerte rouge danger particulièrement grave +
du gros rouge du vin rouge de mauvaise qualité (fam.) + –
péril rouge danger que font courir les pays communistes aux pays
capitalistes + –
pétrole rouge pétrole de vente illégale +
viande rouge viande de bœuf, de cheval, du mouton, etc. qui a un aspect
rouge après cuisson +

93 La page du Trésor de la Langue Française informatisé dont nous avons extrait les locutions et leurs explications
pour le terme chromatique bleu est disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=2272834635;r=1;nat=;sol=1 , dernière consultation le 13
mai 2017
94 La signification des expressions construites avec le terme noir sont reproduites du TLFi, disponible à l’adresse
http://stella .atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=2205987915;r=1;nat=;sol=2 , dernière consultation le 13
mai 2017
95 Comme dans le cas des termes bleu et noir, la signification des expressions construites avec le terme rouge sont
reproduites du TLFi, disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?15;s=2155852875;r=1;nat=;sol=6 , dernière consultation le 13
mai 2017

259
Vert96
énergie verte;
or, pétrole vert source d’énergie, de richesse représentée par des végétaux,
des produits de l’agriculture + –
révolution verte introduction et adaptation dans les pays en voie de
développement des techniques agricoles des pays
industrialisés en vue d'obtenir de meilleurs rendements + –
des mots verts ayant de la crudité, sans s’embarrasser des convenances + –
onde verte système informatisé régulant la circulation de façon à
permettre aux automobilistes de franchir à vitesse constante
le maximum de feux verts sur une voie donnée + –
une verte
réprimande vive réprimande, sévère, dure, sans ménagements + –
Tableau 33 : Locutions figées à structure nominale
Un premier constat, qui s’impose au simple regard du tableau sur la forme des expressions
que nous y avons marquées serait que, tout comme les collocations, ces unités phraséologiques
créées à l’aide des termes de couleur bleu, noir, rouge et vert ont presque toutes une structure
binaire, selon deux moules :
 Nom + Adjectif terme de couleur (bifteck bleu, caisse noire, pétrole rouge ou énergie
verte ),
o Cette formule peut apparaître légèrement modifiée, mais seulement en ce qui
concern e la position d es deux éléments Adjectif terme de couleur + Nom (par
exemple, verte réprimande ) et
 Adj. + Nom terme de couleur (petit noir, petit / gros bleu, etc.).
Ces structures les rendent semblables ou identiques aux collocations, alors en quoi consiste
la différenc e ? Pourquoi bleu royal est une collocation et colère bleue est considérée une
expression figée ?
Des séquences comme
colère bleue, contes bleus, cordon bleu, bifteck bleu, gros bleu, petit bleu, alerte rouge,
gros rouge, langue verte, billet vert, onde v erte
apparaissent dans les dictionnaires comme des locutions ou des expressions figées. Mais, comme
nous l’avons déjà souligné ci -dessus, si nous analysons leur composition, elles sont construites
sans exception selon la structure d’une collocation d’un n om (la base) et d’un adjectif (collocatif) :
le terme de couleur est tantôt nom, tantôt adjectif.

96 La signification des expressions qui contiennent le terme vert sont reprodui tes toujours du TLFi, disponible à
l’adresse http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?13;s=2105717835;r=1;nat=;sol=4 , dernière
consultation le 13 mai 2017

260
Nous les séparons en ce qui suit en fonction du rôle du terme de couleur, dans la première
colonne les séquences le contenant en tant que nom, la deuxième que lques -unes des expressions
contenant le terme de couleur en tant qu’ adjectif, en appelant TCN les expressions ayant le terme
de couleur comme nom et TCA les expressions contenant le nom de couleur comme adjectif :
TCN TCA
gros/petit bleu colère bleue
gros rouge cordon bleu
bas-bleu travail noir
petit noir péril rouge
langue verte
onde verte
mots verts
verte réprimande
Tableau 34 : Terme de couleur nom / Terme de couleur adjectif
C’est facile à observer, quantitativement d’abord (nous avons repris dans le but d’une
comparaison visuelle, seulement la moitié des expressions à TCA), que le nombre des expressions
figées à TCA est supérieur à celui des séquences à TCN (16 contre 4 sur u n total de 20
expressions). En ce qui concerne la suite bas-bleu97, le Trésor de la Langue Française informatisé
enregistre deux emplois : l’une comme substantif masculin péjoratif et l’autre comme adjectif, le
sens restant identique, mais nous l’avons noté seulement dans la classe des noms, parce que c’est
l’emploi le plus fréquent.
Graphiquement, si nous utilisons le nombre des expressions du tableau, la situation serait
la suivante :

Figure 31 : Terme de couleur nom / Terme de couleur adjectif

97 Trésor de la Langue Française informatisé
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=4060995105;r=1;nat=;sol=0 , dernière consultation le 13 mai
2017 4
TCN
bleu (2)
rouge
(1)
noir (1) 16
TCA
bleu (3)
noir (4)
rouge
(4)
vert (5)

261
Nous remarquons également l’absence totale du vert dans des expressions à TCN, du
moins dans celles que nous avons analysées.
Une autre observation, du point de vue sémantique cette fois -ci, est que les noms qui
représentent la base des expressions figées à TCA gardent leur sens dénotatif, tout comme dans le
cas des collocations, et ce sont elles qui orientent la compréhension d’une telle structure.
Pour Gaston Gross (1996 : 27), ce type de séquences s’appelle noms composés . L’auteur
sépare ces séquences co nstruites sur une base nominale des autres qui « sont désignées sous le
terme générique de locutions : locutions verbales, adjectivales, prépositionnelles ». Ces noms
composés devraient être analysés selon la structure des groupes nominaux, structure à « trois
éléments : un nom, un déterm inant et un adjectif (ou tout autre modifieur) » (Idem). C’est la
structure selon laquelle nous avons analysé plus haut les expressions nominales dans notre
démarche de les distinguer des collocations. Mais selon Gross (1996 : 28),
« une suite comme un cordon bleu , bien qu’ayant le même nombre d’éléments lex icaux, n’a que
deux constituants, un déterminant et un bloc unique soudant en une seule unité les mots cordon et
bleu. L’adjectif ne joue pas ici le rôle d’un modifieur ».
L’auteur met en exergue le fait que ces séquences fonctionnent comme un tout, comme une
seule unité même si elle est polylexicale, dont la structure interne ne présente aucun intérêt pour
une analyse syntaxique.
Notre position ne contredit pas la théorie de G. Gross, mais nous gardons ces paramètres
syntaxiques qui, au lieu de poser un p roblème, semblent nous aider dans la discrimination que
nous avons faite entre collocations et locutions ou expressions selon leur composition.
Il nous semble opportun de reprendre la question portant sur la démarcation entre ces
unités phraséologiques con struites sur une structure binaire sur le modèle de la collocation ( contes
bleus, heure bleue, alerte rouge, langue verte ou idées noires ) et d’autres unités comme couleur
des méchants et des impies, couleur des ennemis d’Israël, que nous considérons être des
collocations, même si elles ont un degré de figement assez élevé98 et sont pourvues d’une opacité
sémantique encore plus élevée que les collocations analysées dans les pages antérieures. La
réponse à la question soulevée nous paraît assez évidente en ce moment : ces deux derniers
exemples restent des collocations, parce que la séquence désigne en fait une couleur (le noir plus
précisément), les groupes nominaux ayant le rôle de collocatif n’ayant d’autre rôle que de nous
suggérer de quelle couleur il est question, et pour le décodage desquels le locuteur doit faire appel

98 Dans le cas de telles séquences, le figement porte seulement sur le ou les éléments jouant le rôle de collocatif, le
terme -pivot étant sémantiquement stable.

262
à d’autres connaissances, la base gardant son sens dénotatif et pouvant exister et accomplir sa
tâche référentielle même en absence du collocatif.
En ce qui concerne les deux composants d e chaque expression figée à TCN, ils ne laissent
aucun indice sur leur signification. Sans en connaître le sens, nous ne pourrions en aucun cas faire
la liaison entre le bleu et le vin ou entre le noir et le café dans le cas d’une autre expression de ce
type. Il est vrai que le café est souvent associé à la couleur noire et l’une des couleurs du vin est le
rouge, mais sans la présence du terme café et du terme vin, les expressions peuvent créer des
confusions, surtout parce que nous n’associons pas habituellement les adjectifs petit ou gros avec
le vin ou avec tout autre liquide. Elles ont même une structure identique : adjectif + nom de
couleur . Cette structure n’ est différente de celle des autres que par rapport à la position des termes.
Alors, nous pourrions croire qu’il s’agit également de collocations, mais le fait que le sens
des composants n’est pas compositionnel et que la signification des expressions n’es t pas devinée
à partir du sens du mot qui pourrait passer pour la base (nous avons le terme bleu dans trois de ces
expressions et chacune a un autre sens), nous pousse à les considérer de vraies expressions figées.
Nous rappelons les deux cas extrêmes dont parlait Bally (1909 : 67-68) en traitant de la fixité
variable des groupes de mots :
« 1) l’association se désagrège aussitôt après sa formation et les mots qui la composaient
recouvrent leur entière liberté de se grouper autrement ;
2) les mots, à force d’être employés ensemble pour l’expression d’une même idée, perdent toute
autonomie, ne peuvent plus se séparer et n’ont de sens que par leur réunion ».
Ainsi, ce critère de la non -compositionnalité du sens de l’ensemble reste encore le critère
le plus fi able dans la classification d’une suite parmi les locutions figées ou, si elle ne remplit pas
cette condition, elle ne peut être qu’une combinaison libre.
Si nous les analysons selon les critères lexical et morphologique, nous constatons qu’elles
se caract érisent par le blocage nécessaire pour mériter leur place parmi les autres expressions
figées de la langue française. La situation est d’autant plus facile à analyser pour des expressions
comme des vertes et des pas mûres, méchant comme un âne rouge, qui s ont plus complexes
comme structure que les séquences ci -dessus et dont les composants ne suggèrent en aucun cas la
signification.
Comme dans le cas des locutions nominales figées, nous introduisons dans le tableau ci –
dessous cinq expressions figées à structure verbale pour chaque terme de couleur et nous
marquerons si le terme de couleur est nom un « + » dans la colonne N et s’il est adjectif ou
adverbe un « + » dans la colonne Adj./Adv .

263
En ce qui concerne la dénomination de ces séquences, nous allons utiliser la formulation
« expressions figées à structure verbale » (González Rey, 2002 : 167), même si dans la plupart des
dictionnaires ces séquences portent le nom de locutions verbales . Dans l’opinion de G. Gross, le
terme locution verbale est souvent source de confusions sur ce qu’il désigne. Il emploie cette
notion pour faire la différence entre
« une suite verbe + compléments est une locution verbale si l’assemblage verbe -complément n’e st
pas compositionnel ou si les groupes nominaux sont figés (c’est -à-dire qu’on ne peut les modifier
d’aucune manière : les déterminants sont fixes et les modifieurs interdits) » (G. Gross, 1996 : 69-
70).

Cette définition sert à distinguer de telles sui tes des séquences libres construites selon la
même structure verbe + complément, la différence résidant ainsi une fois de plus dans le sens non
compositionnel et dans le figement de la séquence. G. Gross (1996 : 71-78) traite ces locutions
séparément des phrases figées (La loi du plus fort est toujours la meilleure ), des constructions
verbales comprenant un adverbe figé (dans ce type de suites le figement porte uniquement sur
l’adverbe : Il travaille comme un bœuf ) et des constructions nominales à verbe sup port (prendre
une décision ).
Pour revenir à ce que nous avons marqué dans le tableau, dans la dernière colonne, nous
noterons, pour garder le même raisonnement que dans l’analyse des locutions nominales, si le sens
des termes chromatiques est dénotatif, c’ est-à-dire s’il désigne une couleur.
Locutions figées à structure
verbale Signification99 N Adj./
Adv. Sens de
couleur
Bleu
être dans le bleu être dans le vague, ne pas avoir encore
d’existence + –
être voué au bleu être habillé de bleu en vertu d’un vœu à la
Vierge Marie + –
en rester bleu, en être tout bleu être figé d’étonnement + –
passer au bleu qqc. l’effacer, l’escamoter, la faire disparaître + –
voir tout en bleu être optimiste + –
Noir
être dans son noir (pop.) être taciturne, dans son jour de mauvaise
humeur + –
être dans le noir, être dans le
noir le plus complet ne rien comprendre à quelque chose, ne plus
s’y retrouver + –
mettre les choses noir sur par écrit + –

99 Nous avons reproduit dans le tableau les expressions construites avec les termes de couleur que nous analysons et
leurs significations enregistrées par le Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’ad resse
http://www.atilf.fr/tlfi , consulté le 1 5 mai 2017 ; les pages pour chaque terme de couleur sont les mêmes que dans les
exemples cités dans le tableau qui contient les locutions nominales.

264
blanc
passer, aller du blanc au noir passer d’une opinion à l'opinion contraire,
passer d’une extrémité à l’autre + –
être noir (pop.) être ivre + –
Rouge
faire monter, mettre le rouge
au front faire rougir et, par métonymie , faire honte + –
manger du pain rouge (arg.) vivre de crimes, d’assassinats + –
voir rouge se mettre très en colère, perdre le contrôle de
ses actes + –
mettre le rouge mettre le disque rouge qui signale sur un
champ de courses que les jeux sont faits et ne
peuvent plus être modifiés (courses chevaux)
mettre une lampe rouge à l’exté rieur d'un lieu
de tournage pour signaler l’interdiction de
pénétrer sur le plateau (spectacles) + –
être dans le rouge, au rouge,
en rouge être à découvert + –
Vert
aller, demeurer, être, habiter
au diable, au diable vauvert,
ou -diable (au) vert excessivement loin + –
donner (à qqn) une volée de
bois vert battre, maltraiter (quelqu’un)100 + –
donner, employer, manger… le
vert et le sec user de tous les moyens dont on dispose (pour
obtenir quelque chose) + –
en dire, en entendre, en faire,
etc. des vertes (et des pas
mûres) dire, etc. des choses extraordinaires,
incroyables, scandaleuses + –
être encore vert pour son âge;
être demeuré/resté vert qui a conservé une étonnante vigueur physique + –
Tableau 35 : Locutions figées à structure verbale
En comparant les deux tableaux, nous constatons que :
 parmi les 40 expressions nominales et verbales que nous avons choisies, 19
contiennent le terme de couleur comme nom et 21 comme adjectif, par conséquent
nous pouvons affirmer que de ce point de vue la situation est équilibrée ;
 dans aucune des expressions figées analysées, expressions nominales ou verbales,
le terme de couleur ne désigne la couleur, même si dans beaucoup de ces exemples
c’est lui qui donne sens à l’expression et nous aide parfoi s à comprendre ou à

100 Pour cette expression, Annie Mollard -Desfour dans son dictionnaire Le Vert. Dictionnaire de la couleur. Mots et
expressions d’aujourd’hui XXe-XXIe siècle , à la page 16, retient deux sens : « coups portés à l’aide de bois vert » et
« maltraitance, paroles cinglantes, insultes », tandis que pour la locution verbale « administ rer / donner / recevoir…
une volée de bois vert », l’auteure note seulement l’explication « battre, maltraiter, insulter ( qqn.) / Être battu,
maltraité, insulté », sans plus impliquer le sens dénotatif du bois vert , mais uniquement le sens figuré de la sui te en
espèce.

265
deviner la signification de l’expression en cause. Par exemple, nous ne pourrions
jamais penser que la couleur du sang est bleue ou que le feu est vert ;
Nous trouvons cette situation vraiment étonnante, parce que le nombre des séquence s
figées qui contiennent des termes de couleur, pas seulement les couleurs qui font le sujet de notre
thèse, est très grand, mais dans la plupart des cas la couleur n’y apparaît pas avec son sens
dénotatif, ou, si tel est le cas, ce sens est compris par de s analogies que le locuteur fait entre la
symbolique de la couleur et les référents.
Par exemple, dans la locution verbale avoir les doigts / la main verte qui signifie « être
habile à cultiver des plantes » (Mollard -Desfour, 2012 : 62) ou se mettre / êtr e / rester au vert
expliquée par « se retirer à la campagne ; (aller) s’y reposer, reprendre des forces au contact de la
nature et oublier les tracas » (Mollard -Desfour, 2012 : 78), il n’est pas difficile de trouver la
liaison entre le vert et les plantes ou, dans le second cas, entre le vert et la nature, mais les
expressions sont pourvues quand même d’une opacité sémantique significative, parce qu’une
personne qui ne connaît pas les expressions pourrait se tromper facilement de sens, puisque par
exemple l a première idée qui vient dans la tête est de penser dans le premier cas au motif pour
lequel quelqu’un a les doigts verts ou la main verte (il pourrait aussi bien être la cause d’un
pigment, d’un colorant avec lequel on est entré en contact, une tâche, et c.). En outre, pour ce qui
est de la deuxième locution, nous nous reposons à la campagne en automne aussi, où les couleurs
qui se posent sur le tableau que nous voyons ne sont plus de la gamme des verts, mais de la
gamme du jaune, ou en hiver, quand la nei ge (cela dépend bien entendu du lieu où nous sommes)
revêt tout de son manteau blanc.
Il y a également d’autres locutions comme mettre les choses noir sur blanc ou faire monter,
mettre le rouge au front dans lesquelles les termes de couleur noir, blanc et rouge pourraient
renvoyer à la couleur réelle soit de l’encre, dans le cas du noir, soit du blanc, dans celui du papier,
soit du rouge, dans le cas du front. Mais nous trouvons que ce n’est pas la bonne façon de
déchiffrer une telle suite, parce que, dans l’hypothèse où la feuille est rose, bleue ou jaune ou
l’encre est bleue, rouge ou verte (toutes ces variantes existent, elles font partie de la réalité et c’est
une question de goût dans leur choix, d’esthétique ou tout simplement nous pouvons les utilise r
faute du classique « noir et blanc »), cela ne veut pas dire que le résultat est différent : il s’agit du
même sens « par écrit », sauf que ces variantes n’apparaissent pas dans des expressions et ne
pourraient pas substituer les composants de l’expressi on mettre les choses noir sur blanc.

266
Dans le cas de mettre le rouge au front , le terme rouge est lui aussi très proche du sens
dénotatif, en ce sens qu’il désigne la couleur qui envahit le front, mais nous nous demandons en
quelle mesure il est question d e rouge ou seulement d’une nuance de rose, plus ou moins vif.
D’autre part, le sens de l’expression signifie faire rougir , et par métonymie faire honte , ce
qui nous confirme le fait que son sens ne vise pas nécessairement la couleur sous sa meilleure
teinte, mais plutôt le sentiment provoqué par certaines émotions et sentiments. Selon Farid
Abdelouahab (2008 : 88),
« On rougit de honte, de colère ou par pudeur sous l’effet d’une vive émotion, à la suite de
reproches proférés, d’un sentiment imprévisible d e culpabilité ou d’une confusion qui colore
inopinément la peau du visage, touchant joues, pommettes et tempes en particulier, dans
l’immédiateté d’un afflux sanguin incontrôlable, irréversible, ineffaçable, et contre l’empire
duquel l’assujetti ne peut se soustraire ».
En d’autres termes, nous ne pouvons pas y échapper : une fois le sentiment présent, sa
manifestation au niveau du visage va de pair avec cela. Certes, il existe des personnes dont le
corps ne réagit pas de la même façon, mais la création de telles expressions au niveau de la langue
peut être comprise comme le témoignage du fait que rougir à cause des émotions vives est
cepend ant une règle presque générale.
 nous y remarquons également un degré de figement plus profond que dans le cas
des locut ions analysées plus haut : dans le cas d’une expression du type avoir du
bleu au cœur, qui se caractérise par la non -compositionnalité sémantique, par le
blocage lexical, par le blocage syntaxique, nous constatons cependant que le
blocage morphologique est plus faible, étant donné que l’expression est verbale, ce
qui signifie que dans le discours elle subit les modifications du verbe (personne,
temps et mode verbal).
Quant à ce genre de transformation que subit une expression figée à structure verbale, le
même raisonnement est valable pour toutes les expressions verbales, parce qu’il y a des situations
où nous pouvons les utiliser à l’infinitif, mais d’habitude le verbe est soumis à la conjugaison.
Cela ne veut pas du tout dire qu’elles sont moins figées, au contraire, elles bénéficient des entrées
dans les dictionnaires en tant qu’expressions ou locutions figées. Ce qui est essentiel, c’est surtout
le figement sémantique et syntaxique : elles se sont formées, circulent et sont mémorisées comme
telles par les locuteurs justement pour exprimer une certaine idée. Si nous modifions les séquences,
nous courons le risque de détruire le sens déjà imposé par l’usage et par le temps.

267
Prenons l’exemple de faire un tableau noir de la situation dans laquelle les composan ts
faire un tableau (il existe également les variantes peindre la situation en noir ou peindre en noir )
et situation gardent leur sens habituel, mais c’est le terme noir qui nous indique le fait qu’il s’agit
plutôt d’une attitude pessimiste que d’une vraie couleur (nous pourrions également déduire le sens
négatif par rapport à une expression qui est aussi connue que cette expression, respectivement la
vie en rose ).
Une autre séquence figée intéressante est manger du pain rouge , pour le décodage de
laquelle nous devons faire plusieurs connexions : le verbe manger paraît neutre, employé à
première vue avec son sens dénotatif, surtout parce qu’il est suivi par le nom pain, l’un de nos
aliments quotidiens, mais par le terme chromatique rouge nous recevons un ind ice que
l’expression de signifie pas tout simplement *« se nourrir d’un pain dont la couleur est rouge en
raison d’utilisation des colorants alimentaires », par exemple. Une autre possibilité serait de
l’interpréter au sens de « travailler dur pour survivr e », parce que les efforts trop grands ou les
travaux pénibles peuvent parfois engendrer des maladies, des blessures, voire des accidents.
Toutes ces interprétations sont inspirées par le terme de couleur, par sa symbolique, plus
précisément, car le sang e st le plus couramment associé au sang. Alors, comment l’interpréter dans
son vrai sens « vivre de crimes », sinon grâce à sa présence dans les dictionnaires (surtout pour les
non natifs) et par son apprentissage direct dû à un usage répété pour les natifs.
Les exemples que nous avons présentés dans les pages précédentes dédiées aux
expressions sont extraits du Trésor de la Langue Française informatisé, comme nous l’avons déjà
précisé.
2.4.2. Les expressions figées dans l’œuvre de Michel Pastoureau
Nous voulons à présent continuer notre recherche en travaillant sur des séquences figées
extraites de l’œuvre de Michel Pastoureau, séquences que nous avons l’intention de comparer avec
les structures extraites du TLFi et analysées dans les pages antérieures.
Dans un premier temps, nous ferons un inventaire des expressions que nous avons
identifiées comme faisant partie de notre corpus. Nous en dresserons pour chacune des quatre
couleurs une liste propre, de sorte les quatre listes comprendront à la fois les lo cutions nominales,
les locutions adjectivales et les locutions verbales que nous allons séparer plus tard en fonction de
leur appartenance à la catégorie des séquences figées construites sur une base nominale, à celle

268
des séquences figées ayant une base ad jectivale ou à celle des séquences figées construites avec un
verbe. Ainsi,
 pour le bleu, nous avons extrait de l’œuvre de Michel Pastoureau les locutions
suivantes (qui sont toutes nominales, dans le corpus n’existant aucune locution
verbale comprenant ce terme de couleur) :
BLEU
contes bleus utilisé pour désigner « chimères ou les contes de fées » (Pastoureau,
2000 : 140) ;
fleur bleue ou
la petite fleur bleue expression qui est devenue le symbole de la sentimentalité ;
heure bleue « désigne la période de sortie des bureaux en fin d'après -midi,
lorsque les hommes (et parfois les femmes), au lieu de rentrer
directement chez eux, vont passer une heure dans un bar pour boire
de l'alcool et oublier leurs soucis » (Pastoureau, 2000 : 140 -141) ;
oisea u bleu locution qui s’est imposée comme désignant « l’être idéal, rare et
inaccessible » (Idem, p. 140).
Tableau 36 : Bleu – locutions nominales

 pour le noir, la plupart des séquences figées sont construites en grande partie sur la
base d’une comparaison :
NOIR
locutions nominales
a) idées noires « la mélancolie, la nostalgie, le cafard »
(Pastoureau, 2000 : 141) ;
b) marché noir, travail au noir
c) mouton noir
d) bête noire
e) liste noire
f) livre noir
g) roman noir
h) trou noir
i) série noire
j) messe noire
locutions
adjectivales
k) plus noir que corbeau ;
l) noir comme de l’encre ;
m) noir comme la mûre ;
n) noir comme le corbeau ;
o) noir comme la poix101 ;
p) noire comme poix fondue ;
q) noire comme corneille ;
r) noire comme charbon ;
s) noire comme sauce au poivre ;
locutions verbales t) broyer du noir qui est utilisé pour décrire le fait d’être

101 Le TLFi enregistre la variante noir comme de la poix, ayant le nom poix déterminé par l’article partitif, accessible à
l’adresse http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2623768695 , consultée le 16 mai 2017 .

269
mélancolique ou d’avoir des idées tristes ;
u) être noir
v) avoir des idées noires
w) marquer d’une pierre noire
proverbes
x) Chat noir le matin, chagrin le soir ;
y) Cape noire au loin, change ton chemin.
Tableau 37 : Noir – Locutions figées
Pour ce qui est des séquences (l) – (o), Pastoureau (2008 : 29) les a trouvées dans ses
recherches comme des comparaisons qui étaient employées dont on se servait pour exprimer la
qualité ou l’intensité chromatique de c ertaines nuances « mat, brillant, dense, saturé, etc. ».
Les exemples (p) – (s) appartiennent toutes à des « auteurs [qui] multiplient même les
formules comparatives pour souligner le caractère négatif» d’un personnage qui a la peau foncée
(Pastoureau, 200 8 : 80).
À la différence du bleu, nous avons trouvé également deux exemples de proverbes et dictons,
les plus figées des unités phraséologiques, les exemples (x) et (y).
 pour le rouge , l’auteur retient de son côté des « locutions ou expressions qui
traduisent par le mot ‘rouge’ l’idée de danger ou d’interdiction » (Pastoureau, 2016 :
182) :
ROUGE
locutions nominales
(a) alerte rouge ;
(b) banlieue rouge ;
(c) péril rouge ;
(d) téléphone rouge ;
(e) zone rouge ;
(f) journée classée rouge ;
locutions verbales
g) être dans le rouge ;
h) être sur liste rouge ;
i) agiter le chiffon rouge ;
j) le rouge est mis ;
k) virer au rouge ;
l) voir rouge ;
m) se fâcher tout rouge ;
n) être ou devenir rouge… comme un coq, un homard, une
écrevis se, une pivoine, une tomate, un coquelicot ;
o) voter rouge ;
p) avoir la fièvre rouge , expression étroitement liée à
l’expression avoir la rougeole (arg.) que Pastoureau explique
comme « porter la Légion d’honneur » et qui signifie selon
l’auteur « piaffer dans l’attente de la recevoir » (2016 : 192) ;
q) avoir le cœur rouge , signifiant « être en colère » (2016 :

270
20) ;
r) commettre des actes rouges102 à laquelle Michel
Pastoureau attribue le sens « faire le mal » (2016 : 20).
Tableau 38 : Rouges – locutions nominales et verbales
Les exemples (l) – (n) « concernent le corps humain, spécialement le visage, et qui
expriment des émotions liées à l’effroi, la peur, la honte, la colère ou la confusion » (Pastoureau,
2016 : 182).
 pour le vert , les faits de langue identifiés par l’auteur même dans son ouvrage
dédié à la couleur verte sont :
VERT
locutions
nominales
(a) billet vert , locution qui désigne encore le dollar américain,
mais Pastoureau (2013 : 124) soutient que « cette couleur était
depuis longtemps celle de l’argent et des affaires d’argent » et que
« le dollar n’a rien inventé, seulement renforcé une symbolique
séculaire » ;
(b) langue verte , locution que Pastoureau (2013 : 124)
identifie dans des siècles différents : au XVIIe siècle elle désignait
« le jargon rude et imagé des joueurs de cartes, assis autour d’une
table verte », pour que deux siècles plus tard elle désigne
« différentes formes d'argot, so ulignant le lien entre cette couleur
et la grivoiserie, voire la trivialité » ;
(c) bonnet vert , « dont on coiffe les débiteurs de mauvaise foi
et les marchands ou les banquiers qui ont fait une faillite
frauduleuse » (Idem , p.124) et qui est la base sur laquelle se sont
tissées trois séquences que nous avons insérées dans la catégorie
des locutions verbales ;
(d) petit homme vert , qui désigne un extraterrestre ;
locutions
adjectivales (e) vert comme le poireau ;
(f) vert comme l’émeraude ;
(g) plus vert que papegeai (perroquet) ;

locutions verbales
(h) avoir le feu vert , couleur nécessaire si nous voulons
passer ;
(i) avoir du vert derrière les oreilles
(j) être vert de jalousie ;
(k) prendre / porter / coiffer le bonnet vert , employées pour
désigner la faillite ou la banqueroute ;
dictons et
proverbes
(l) au Paradis les yeux gris, au Purgatoire les yeux noirs, en
Enfer les yeux verts (structure retenue par Pastoureau comme
dicton ) ;
(m) Le bleu et le vert ne vont jamais de pair qui est retenu par
l’auteur comme proverbe anglais des années 1740) ;
(n) Bleu ou vert, il faut choisir, adage allemand que
Pastoureau ajoute à l’idée du proverbe antérieur.
Tableau 39 : Vert – locutions figées

102 Nous avons analysé plus haut l’expression manger du pain rouge qui a la même signification.

271
Dans un deuxième temps, si nous jetons un premier regard comparatif sur ces séquences,
force est de constater que les expressions construites avec le terme rouge sont quantitativement
supérieures dans l’œuvre de Michel Pastoureau à celles comportant les au tres noms de couleur, le
terme bleu occupant la dernière position dans la hiérarchie. Cela ne veut pas dire que le bleu ne
bénéficie pas de nombreuses manifestations lexicales de ce type mais Michel Pastoureau n’a
retenu comme faits de langue que celles qu e nous avons citées ci -dessus.
Dans un dernier temps, nous réaliserons en ce qui suit une analyse de ces séquences selon
plusieurs critères.
2.4.3. Degrés de figement des expressions figées
Pour toutes les notions que nous avons présentées ci -dessus, depuis les c ollocations
jusqu’aux locutions nominales ou verbales inventoriées dans notre corpus, nous observons que
leur point commun est le figement.
Plus précisément, à partir de la combinatoire libre, en passant par les collocations pour en
finir avec le plus hau t degré de figement dans les expressions ou locutions figées, nous pouvons
conclure que le phénomène de la collocation est situé à mi -chemin entre la combinatoire libre et la
combinatoire figée. Selon S. Mejri (2009), « le phénomène collocationnel assure l a jonction entre
la vraie liberté combinatoire et l’amorce du figement ».
Les expressions figées, considérées séparément, sont caractérisées elles aussi par des
degrés de figement différents. Comme nous l’avons déjà montré, les expressions figées doivent
être analysées des deux perspectives que touche le figement :
 l’aspect formel, caractérisé par le manque de transformation paradigmatique et
syntaxique, et
 la perte du sens des composants, l’expression ayant un sens global et opaque que
nous ne pouvons p as déduire à partir des sens des composants.
C’est justement à cause du caractère graduel du figement qu’il est difficile d’établir le
caractère figée des expressions, mais les spécialistes distinguent cependant, selon les variations
que ces expressions t olèrent dans la combinatoire de leurs composants, entre :
(1) les expressions totalement figées, qui sont formées de composants complètement figés,
le locuteur n’ayant pas la possibilité d’intervenir dans leur structure sans courir le risque de perdre
leur sens ;

272
(2) les expressions figées avec modifieurs et déterminants libres, dont le locuteur peut
modifier la préposition, le nom ou d’autres constituants ;
(3) les cas intermédiaires de figement, situation caractérisée par la variation du modifieur
et par le figement du déterminant. Cette classification des structures caractérisées par des degrés
de figement différents, bénéficiant d’un sens global et répétées automatiquement par les locuteurs
dans certaines situations sont analysées, si le degré de fig ement est plus libre par la phraséologie
et, si le degré de figement est plus élevé, par l’idiomatique .
Le problème qui se pose est celui de savoir comment décider si une expression est figée ou
non, étant donné que les critères ne sont pas extrêmement bien délimités et que, dans le cas des
expressions complètement figée, personne ne les remet pas en question, mais dans le cas des
expressions peu figées ou semi -figées, nous remarquons un manque de consensus chez les
linguistes qui s’en préoccupent.
Lamiroy et Klein (2005 : 137) considèrent, en synthétisant les recherches en la matière,
que l’intuition constitue « le meilleur critère de reconnaissance de ce qui est figé dans la langue ».
Les auteurs citent Grunig (1997 : 235), qui soutient lui aussi le trait psycholinguistique, surtout
mémoriel, en avançant l’idée que toute séquence pourrait devenir expression figée « à condition
d’avoir un statut social solidaire d’une inscription mémorielle » et Bally qui associa it aux
expressions figées une « impression de déjà vu ». La conclusion à laquelle les deux auteurs
arrivent est que le figement est « une catégorie cognitive existant dans la mémoire des locuteurs,
qu’une notion proprement linguistique » (Lamiroy et Klein, 2005 : 137).
Bien entendu, à son tour, ce critère lié à la mémorisation des expressions – qui peut créer
des confusions, parce qu’un individu peut s’approprier des suites de mots sans que celles -ci soient
nécessairement des expressions figées, mais seule ment des combinaisons de mots – et à l’intuition
concernant leur identification dans la langue peut subir des transformations, dues au fait que la
langue évolue sans cesse, et une séquence qui passe à un moment donné pour une expression figée
peut ne plus bénéficier du même statut et l’inverse, une expression à peine « lancée » peut occuper
plus tard sa place parmi les expressions figées de la langue en question, devenant de la sorte des
combinaisons de mots dont le sens est global et non compositionnel.
Il y a quand même une différence entre une expression figée ancienne et une expression
nouvelle, différence qui réside dans la configuration, les expressions de date plus récente

273
partageant la même structure qu’une séquence libre, tandis que l’expression an cienne porte
l’empreinte de la langue ancienne.
Pour ce qui est du figement total, au moment où le locuteur ne sait plus quelle est la
contribution des mots composant une expression dans l’expression visée, quel sens est attribué à
chacun des composants, c’est alors que nous pouvons parler de ce phénomène.

2.5. Analyse des séquences chromatiques
Puisque le figement ne vise pas seulement les phrases, mais aussi des catégories comme le
nom, l’adverbe, le verbe ou l’adjectif, nous analyserons la composition des expressions figées
découvertes dans le corpus par groupes d’expressions formées autour de ces catégories, en
fonction des mêmes critères (sémantique, lexical et syntaxique).
2.5.1. Locutions figées à structure nominale
Puisque les quatre ouvrages de Michel Pastou reau sur les couleurs sont très riches en
séquences pourvues d’un degré de figement plus ou moins élevé, dans cette sous -section nous
soumettons à une analyse qui nous aide à faire la distinction entre des séquences libres, qui ne
subissent aucune contrain te, des séquences formées de termes qui partagent une affinité et des
séquences figées, qui se sont imposées dans la langue depuis longtemps et qui fonctionnent
comme un ensemble dans la composition et le sémantisme duquel nous ne pouvons pas intervenir.
De son côté, Gaston Gross (1996 : 50) se demande aussi comment décider si une séquence
est figée ou nom, comment séparer une séquence libre d’une séquence qui ne l’est pas, vu qu’elle
est construite selon « la structure interne d’un groupe nominal canonique », c’est -à-dire un
Déterminant suivi d’un Nom qui à son tour est suivi d’un Adjectif .
L’auteur propose plusieurs questions pour essayer de mesurer le degré de figement de
telles séquences :
« L’adjectif joue -t-il un rôle syntactico -sémantique par rapport au substantif : est-il ou non le
prédicat de ce substantif qui en serait l’argument ? » G. Gross (1996 : 51)
Dans les exemples proposés par l’auteur, la suite une arme dangereuse n’est pas identique
à la suite une arme blanche , la différence e ntre les deux séquences pouvant être faite en raison de
l’actualisation de l’adjectif prédicatif dans le premier cas, tandis que dans le second cette
transformation est impossible, tout comme dans un autre exemple réponse ministérielle (Le
ministre a donné une réponse ) ; G. Gross identifie une situation identique dans les exemples vin
blanc, vin rouge et vin gris, où

274
« les adjectifs ne sont pas des prédicats […]. L’adjectif n’a pas pour but d’apporter au substantif
vin une propriété physique donnée (sa cou leur) mais de désigner des types de vin différents, des
variétés de vin. » (Gross, 1996 : 50)
Nous profitons de cet exemple avec un terme de couleur pour illustrer dans le cas des
séquences de notre corpus cette idée conformément à laquelle l’adjectif n’es t pas le prédicat du
substantif avec lequel il se combine pour former une séquence figée.
Ainsi, dans des suites comme
contes bleus, heure bleue,
idées noires,
péril rouge, banlieue rouge,
langue verte, petit homme vert,
les adjectifs de couleur ne fournissent pas d’indication sur la couleur des contes, de l’heure, des
idées, du péril, de la banlieue, de la langue ou d’un homme, tout comme l’adjectif gros qui forme
à côté du nom rouge la locution nominale gros rouge ne car actérise pas la dimension de la couleur
rouge ou d’un liquide.
Ainsi, nous ne pouvons pas les actualiser ou, si nous le faisons, nous obtenons les
propositions suivantes, qui ne sont pas correctes :
*Ces contes sont bleu, *L’heure qui passe est de couleur noire, *Fais attention à ce péril qui est
rouge, *La banlieue où nous habitons est rouge, *Ta langue est verte, *Ce petit homme est vert.
Il existe cependant des expressions qui pourrai ent poser un problème en ce sens :
fleur bleue ou la petite fleur bleue, oiseau bleu, téléphone rouge, bonnet vert
qui, en tant qu’expressions, ne pourraient pas être actualisées, mais qui pourraient être confondues
avec les combinaisons libres qui peuvent être soumises à ce genre de transformation : fleur bleue
(Cette fleur est bleue / rouge / jaune) , le téléphone à son tour pourrait avoir la couleur rouge ou
rose ou bleue (Ton téléphone est rouge ) ; les oiseaux ont des couleurs selon lesquelles nous les
nommons parfois tout comme les objets vestimentaires (le cas du bonnet). Dans ces cas, nous
aurons recours à d’autres critères pour savoir exactement si nous sommes en présence d’une suite
libre ou d’une suite figée ou au contexte dans la communication.
Nous continuons avec la question suivante et nous essayerons d’y rép ondre pour soutenir
la classification des exemples analysés dans la catégorie des locutions figées :
« Le sens de la suite est -il compositionnel ? » G. Gross (1996 : 51)
Selon l’auteur, cette question est liée à la question de l’actualisation présentée ci -dessus, le
sens des suites comme yeux bleus, pantalon noir ou robe verte par exemple, étant la somme

275
résultant de l’addition des sens des deux composants, les suites en cause pouvant être perçues
comme provenant de la réduction d’une phrase : Ses yeux sont bleus ou Ta robe est verte .
En ce qui concerne les exemples
contes bleus, heure bleue, péril rouge, langue verte, petit homme vert ,
le sens ne résulte plus de la jonction des sens des deux termes. Dans ces exemples, le premier des
composants garde cependant son sens dans chacune des locutions, mais nous ne les introduisons
pas dans la catégorie des collocations, parce que leur sens est plus figé et en même temps plus
figuré que dans le cas des collocations. Le raisonnement portant sur le sens non -compositionnel
est mieux compris si nous prenons les exemples suivants :
caisse noire, gros / petit bleu, gros rouge, bas -bleu, petit noir
où aucun des éléments ne garde leur sens, les locutions bénéficiant d’un sens global différent du
sens des composants103. Selon le même modèle, nous avons dans notre corpus fleur bleue
(expressions employée pour désigner la sentimentalité), oiseau bleu (qui d ésigne l’être idéal) ou
idées noires (pour décrire un état mélancolique ou nostalgique).
Un exemple intéressant à notre avis est la locution nominale colère bleue , dont le Trésor
de la Langue Française informatisé nous offre des variantes comme « colère blanche, bleue, […]
noire, rouge »104. Est -ce que blanche, bleue, noire, rouge sont des qualités (différentes,
évidemment) de la colère ? Si nous répondions par l’affirmative, nous devrions également pouvoir
dire * colère rose, *colère verte, *colère m arron ou toute autre suite formée à l’aide des mille
nuances des couleurs, ce qui est certainement impossible. Si c’était une qualité de la colère
exprimée par tous ces adjectifs de couleur, nous pourrions parler de * la noirceur ou la blancheur
de la colèr e105. Ce n’est pas non plus un type différent de colère, qui dépend de l’intensité de la
colère, de la personne qui la ressent ou de tout autre facteur : c’est uniquement une manifestation

103 Nous voulons souligner le fait que nous ne pouvons pas comprendre le sens des locutions en prenant en
considération les sens des unités qui composent les séries c itées. Ainsi, gros/petit bleu signifie « vin rouge de qualité
médiocre ». Si nous ne connaissons pas la locution, nous ne pouvons pas en déchiffrer le sens sans avoir recours aux
connaissances linguistiques d’un natif ou plutôt à un dictionnaire. Si dans l a locution familière du gros rouge le terme
chromatique pourrait constituer un indice dans le processus de compréhension de la séquence qui signifie « du vin
rouge de mauvaise qualité », il n’est pas certain qu’une personne qui apprend le français comme la ngue étrangère
puisse en déduire le vrai sens.
104Trésor de la Langue Française informatisé
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?62;s=3643185000;r=2;nat=;sol=5 , dernière consultation le 15
mai 2017
105 Pour soutenir cette idée de qualité exprimée par l’adjectif de couleur, nous avons consulté le site du CNRTL, qui
définit le su bstantif féminin noirceur comme « Qualité de ce qui est noir » (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/noirceur ,
page consultée le 15 mai 2017) et le substantif féminin blancheur comme « Qualité de ce qui est blanc, couleur
blanche » (http://www.cnrtl.fr/definition/blancheur , page consultée le 15 mai 2017).

276
de la richesse de la langue, un résultat de l’usage qui a imposé toutes ces formes pour exprimer
une même idée.
La situation est identique pour les expressions relevées de notre corpus
contes bleus, heure bleue, péril rouge, langue verte, petit homme vert,
où l’adjectif ne garde pas le sens dénotatif, celui par lequel le terme de couleur désigne une
couleur, de cette manière le sens de la suite n’étant pas compositionnel. Ainsi, nous ne pouvons
pas employer
*contes rouge, *contes jaunes, *péril bleu ou *péril mauve, *petit homme gris , etc.,
tout comme il est impossib le de considérer correcte une formulation
*la rougeur du péril, *la verdeur de la langue ou *la verdeur du petit homme .
Par conséquent, oiseau bleu n’est pas un oiseau (de n’importe quel type) qui est de couleur
bleue (éventuellement dans la nuance protot ypique de cette couleur). Ainsi, le sens de la locution
n’est pas compositionnel, au contraire il doit être compris de tout l’ensemble qui désigne quelque
chose ou quelqu’un qui a des qualités idéales, ce qui rend très rares la chose et la personne,
devena nt ainsi l’idéal qui nous fait rêver, vers lequel nous tendons mais qui reste cependant
inaccessible.
La troisième question que nous empruntons à G. Gross (1996 : 51) est si l’adjectif est
typologisant. Selon l’auteur, « Quand l’adjectif n’est pas entièrement figé du point de vue
syntaxique et sémantique, il peut désigner, après un substantif -tête, une spécification dans le cadre
d’une typologie » (Gross, 1996 : 51) . Ainsi, nous distinguons beaucoup de séquences de ce type
dans notre corpus, mais no us choisissons seulement cinq exemples pour chacun des termes de
couleur. Il s’agit de suites bilexicales dans la construction desquelles le deuxième terme apporte
cette spécification dont parle l’auteur :
(a) bleu égyptien, bleu gothique, bleu militaire, bleu romantique, bleu royal ;
(b) noir princier, noir bénédictin, noir curial, noir matriciel, noir policier ;
(c) rouge vif, rouge clair, rouge criard, rouge éclatant, rouge terne ;
(d) vert clair, vert foncé, vert bleuté, vert brunâtre, vert sombre, etc.
Nous avons limité le choix à cinq exemples pour chaque couleur, parce que nous
considérons que ce nombre est suffisant pour monter que les adjectifs qui déterminent le terme de
couleur sert en fait à établir une typologie : ils ajoutent des informa tions sur la teinte, sur le rôle ou
l’appartenance de la couleur, en gardant leurs sens et en réalisant ainsi des différences entre les
divers types de bleu, de noir, de rouge ou de vert. Gross (1996 : 51) appelle ces adjectifs « des
étiquettes ».

277
Si nous comparons ces exemples avec les suites figées
contes bleus, heure bleue, péril rouge, langue verte, petit homme vert ,
dans ce second groupage les termes de couleurs ne sont pas employ ées pour réaliser une typologie
 du péril (* péril vert, *péril bleu, *péril orange, etc.),
 de la langue (* langue rouge, *langue bleue, *langue mauve, etc.).
C’est la même situation dans le cas des autres locutions, il ne serait pas possible d’avoir
une * heure rose ou une * heure jaune qui s’oppose à heure bleue , un * petit homme rouge ou des
*contes verts comme variantes typologiques du petit homme vert et des contes bleus . Alors, ces
adjectifs ne sont pas des étiquettes, mais elles ne sont pas non plus des qualités.
2.5.2. Locutions figées à structure verbale
Dans cette sous-section nous traiterons des locutions verbales que nous avon s identifiées
dans notre corpus :
 broyer du noir, être noir, avoir des idées noires, marquer d’une pierre noire pour le noir ;
 être dans le rouge, être sur liste rouge, agiter le chiffon roug e, le rouge est mis, voir rouge,
virer au rouge, se fâcher tout rouge, voter rouge, avoir la fièvre rouge, avoir le cœur
rouge, commettre des actes rouges, être ou devenir rouge… comme un coq, un homard,
une écrevisse, une pivoine, une tomate, un coquel icot pour le rouge ;
 prendre / porter / coiffer le bonnet vert, avoir le feu vert, avoir du vert derrière les oreilles,
être vert de jalousie pour le vert.
À partir de cette liste nous concluons que notre corpus ne comprend pas de locutions
verbales compre nant le terme bleu. Comme nous avons montré dans les pages antérieures, la
phraséologie construite à l’aide des termes de couleurs est riche, le terme bleu n’y faisant pas
exception : il existe un bon nombre de locutions verbales avec ce terme106, mais Miche l
Pastoureau a accordé plus d’importance au lexique et à la dénomination des couleurs mêmes, des
teintures, des nuances, des colorants et des pigments qu’aux unités phraséologiques créées autour
du terme bleu107.
À partir de son deuxième ouvrage Noir. Histoire d’une couleur , Pastoureau présente
également des faits de langues dans le chapitre « Au commencement était le noir » où il insère une
section « De la palette au lexique », surtout pour traiter des significations des couleurs manifestées

106 Par exemple, avoir le sang bleu, cuire une truite au bleu, en rester bleu, en voir de ble ues, avoir des bleus à l’âme,
avoir du bleu au cœur, être fleur bleue , etc. Nous pouvons remarquer que la langue enregistre non seulement des
locutions verbales générales, mais aussi des locutions appartenant aux langues spécialisées : avoir le sang bleu est une
locution relevant du domaine historique et cuire une truite au bleu du domaine gastronomique.
107 Et non seulement avec le terme bleu, parce que dans chacun de ses ouvrages Pastoureau parle des autres couleurs
aussi, vu que chacune couleur a porté au moins deux guerres que nous considérons les plus importantes : une avec les
gens qui mettent leur empreinte sur le destin d’une couleur, et l’autre avec d’autres couleurs, pour gagner une place
dans la hiérarchie chromatique ou, au cas où elle la détenait, pour la garder.

278
par le bia is des locutions, proverbes et dictons. Cette importance que l’auteur a commencé à prêter
aux faits de langues en retraçant l’histoire du noir est probablement la raison pour laquelle nous
avons trouvé des unités phraséologiques dans ses ouvrages ultérieur s : dans Rouge. Histoire d’une
couleur dans le chapitre « La couleur première » à la sous -section « Le témoignage du lexique » et
dans Vert. Histoire d’une couleur au chapitre « Une couleur dangereuse » dans la sous -section
« Vert gai » et « vert perdu ».
Puisqu’il traite la couleur comme étant un fait de société, il devait prendre en considération
les unités phraséologiques créées au fil du temps autour des couleurs, qui représentent l’une des
preuves de la position de ces couleurs dans les sociétés, la ma nière dont elles étaient perçues se
reflétant le mieux dans ces manifestations qui, excepté leur intérêt linguistique quant à la structure
et au figement, sont porteuses d’une intention du locuteur d’exprimer un certain message. Le fait
de résister et de s ’imposer dans la langue n’est que le résultat de l’acquiescement par les autres
aux suites proposées par un individu à un moment donné.
Pour ce qui est des critères de reconnaissance des locutions verbales, nous citerons ceux
que G. Gross a repris à son to ur de Gougenheim (1971) :
« absence d’article, verbe assez vide sémantiquement mettant en valeur le sens du nom […],
impossibilité d’une substitution synonymique portant sur le complément, grand stock
d’archaïsmes » (Gross, 1996 : 69)
En ce qui concerne l’ analyse de cette catégorie, nous trouvons qu’une analyse de la
composition ou de la structure des séquences108 ou du degré de figement109 n’est pas très
pertinente pour notre recherche. De plus, elles ne sont pas la création de Michel Pastoureau et il ne
les emploie pas pour construire son propre discours, mais il les emploie comme exemples de faits
de lexique ou de langue qui viennent soutenir ses constats en ce qui concerne l’évolution des
couleurs sur la scène de l’histoire. Par conséquent, nous ne nous atta rderons pas sur cette catégorie
de locutions pour analyser ces aspects.
En revanche, ce que nous voudrions proposer à ce moment de notre travail est de traiter ces
locutions verbales du point de vue du sens et de comparer ces sens avec la symbolique attrib ué à

108 La structure des locutions verbales est identique à celle des groupes verbaux libres, respectivement V + COD ou
COI, ce qui rend souvent difficile leur identification, tant dans un traitement classique de ces séquences, que pour la
démar che informatisée dans laquelle nous voulons faire à l’aide d’un logiciel.
109 Comme dans le cas des locutions nominales, le degré de figement des locutions verbales peut être différent d’une
structure à l’autre, même si elles sont construites selon la même s tructure ayant le verbe comme noyau syntaxique ou
si parfois ce n’est pas le verbe qui est le mot -vedette de la locution.

279
chacune des couleurs qui entrent dans les locutions analysées, pour voir si cette symbolique s’est
manifestée au niveau phraséologique.
Comme dans toutes les analyses que nous avons réalisées, nous commencerons avec le
terme bleu. Étant donné que nous n’avons trouvé aucune locution dans les ouvrages de Michel
Pastoureau que nous avons utilisés pour composer notre corpus, nous aurons recours aux locutions
que nous avons extraites plus haut du dictionnaire TLFi :
être dans le bleu qui se dit de quelque chose qui n’existe pas encore, qui se trouve
dans le vague ;
être voué au bleu pour parler de quelqu’un qui porte des habits bleus « en vertu d’un
vœu à la Vierge Marie » ;
en rester bleu et en être tout bleu deux locutions synonymes qui servent à décri re l’étonnement de
quelqu’un ;
passer au bleu qqc. qui se dit de l’action de faire disparaître, d’escamoter l’objet en
espèce
voir tout en bleu se dit d’une personne qui est optimiste
Tableau 40 : Bleu – locutions
Si nous réduisons chaque expression à un mot significatif pour le sens de l’expression,
nous aurons : inexistence, dévouement, étonnement, disparition et optimisme.
Maintenant nous nous occuperons de la symbolique de cette couleur : le bleu est la couleur
du rêve, du romantisme , de la mélancolie , du lointain , du ciel, des libertés , des lumières , de
l’infini , de l’ amour , de la fidélité , de la Vierge Marie , de la foi, de la paix, de l’ eau, du froid , de la
monarchie , du roi, etc. Pour réduire, c’est une couleur qui nous fait rêver. En tout cas, il semble
positif, tout ce qui lui est attribué exclut le mal sous n’importe quelle forme.
Si nous comparons la symbolique du bleu avec les sens des locutions, nous n’observons
pas une très grande ressemblance. Excepté les locutions verbales être vou é au bleu qui peut être
rattachée au symbole de la foi, de la Vierge Marie, voire de l’amour et de la fidélité et voir tout en
bleu, qui nous dirige vers la paix, vers l’infini peut -être, les autres ne sont pas porteuse de
sentiments positifs : l’incertitu de, l’étonnement et la soustraction d’objets par n’importe quel
moyen ne rendent pas appréciatives les locutions qui portent ce message. Cependant, nous
retrouvons la symbolique du bleu au niveau des locutions nominales : la mélancolie, la
sentimentalité s e retrouve dans fleur bleue , l’idéal dans oiseau bleu , le lointain dans contes bleus ,
mais en ce qui concerne heure bleue, nous trouvons que cette locution n’a aucun rapport avec la
symbolique du bleu.
Pour ce qui est du noir, la symbolique de cette couleur dans l’œuvre de Michel Pastoureau
est la suivante : couleur de la mort , du deuil , des ténèbres , de l’ enfer , de la haine , de la punition ,

280
de la tristesse , de la mélancolie , de l’ austérité , mais aussi de l’ élégance , de la modernité et de
l’autorité .
Dans notre corpus, nous avons identifié seulement quatre locutions verbales avec le terme
noir – broyer du noir, avoir des idées noires, être noir, marquer d’une pierre noire –, dont les
deux premières sont employées pour décrir e un état mélancolique, le fait d’avoir des idées tristes,
la troisième signifie être ivre et la dernière est la variante opposée de marquer (un jour, un
événement) d’une pierre blanche, mais nous pourrions y ajouter les locutions qui apparaissent
chez Pas toureau comme locutions adjectivales du type noir comme l’encre . Puisqu’elles se
combinent généralement avec le verbe être, nous pouvons les traiter de la sorte pour illustrer notre
idée :
être noir comme de l’encre, être noir comme la mûre, être noir com me le corbeau, être noir comme
la poix, être noire comme poix fondue, être noire comme corneille, être noire comme charbon, être
noire comme sauce au poivre.
Comme l’auteur même le précise, les quatre premières ont le rôle de renforcer la qualité ou
l’intensité des nuances des noirs et les quatre suivantes servent à insister sur le caractère négatif
d’un personnage dont la peau est noire. Par conséquent dans les premières nous ne constatons
aucun symbole, les locutions étant employées seulement pour renfor cer la nuance, tandis que dans
les quatre dernières nous identifions le négatif, le mal qui y est associé.
Pour conclure, il n’y a pas d’élégance, pas de mort, pas d’autorité, pas de punition au
niveau des locutions, il y a seulement de la tristesse et de s clichés sur le caractère négatif d’un
personnage au Moyen Âge : « les Maures. Non seulement ceux d’Afrique du Nord, comme c’était
parfois le cas en latin classique ( mauri ), mais tous les musulmans, de l’Espagne jusqu’au Moyen –
Orient » (Pastoureau, 2008 : 80).
Cela veut dire qu’au niveau des faits de langue, la symbolique du noir n’est plus
ambivalente, mais elle reste cantonnée dans certains aspects du côté négatif, respectivement la
mélancolie, la tristesse et l’ivresse.
Il est temps maintenant de trait er du rouge, qui est « la couleur par excellence, la couleur
archétypale, la première de toutes les couleurs » (Pastoureau, 1999 : 189). Si dans le cas des deux
premières couleurs nous n’avons pas une grande variété de symboles – ce qui se reflète dans le

281
nombre réduit d’expressions figées mais au niveau desquelles nous identifions quand même deux
pôles, l’un positif et l’autre négatif110, voyons maintenant si la situation du rouge est autre.
D’un point de vue quantitatif, il est vrai que nous avons identifié un nombre plus grand
d’expressions construites autour de cette couleur. Mais la question que nous nous posons
maintenant est s’il est plus riche du point de vue sémantique que les autres c ouleurs, ayant en vue
la suprématie de cette couleur. Dans Dictionnaire des couleurs de notre temps. Symbolique et
société , Michel Pastoureau (1999 : 189) notait que « dans plusieurs langues, c’est le même mot qui
signifie rouge et coloré . Dans d’autres, i l y a synonymie entre beau et rouge . Dans d’autres encore
entre rouge et riche ».
L’une des trois couleurs primaires, selon la synthèse soustractive ou selon la synthèse
additive, pour leur création n’ayant pas besoin de mélanger d’autres couleurs, mais qu i peuvent
constituer la base dans la formation d’autres couleurs, l’une des couleurs chaudes à côté de
l’orange et du jaune, le rouge est la couleur qui provoque, la couleur qui arrête, la couleur qui
exprime des émotions fortes : c’est la couleur du dange r, de l’ interdiction , du signal , de l’ amour ,
de la passion , de l’ érotisme , de la séduction , de la créativité , de la joie, du luxe, de la fête, du sang
et du feu. Par chapitres, Michel Pastoureau traite la couleur rouge comme une couleur préférée ,
une coule ur contestée et une couleur dangereuse.
Nous passons maintenant à l’analyse des sentiments ou états exprimés à l’aide de cette
couleur au niveau des locutions verbales dont l’inventaire nous l’avons fait dans les pages
précédentes. Nous essayerons d’identifier dans ces locutions les significations que le r ouge
enregistre dans la société :
 dans être dans le rouge, virer au rouge, nous pourrions identifier le danger ;
 dans être sur liste rouge le fait d’avoir un numéro de téléphone qui ne figure pas dans
l’annuaire, se trouvant sur une liste secrète, nous pouvons parler du sens de secret ;
 dans agiter le chiffon rouge , l’intention de provoquer des dissensions ;
 dans le rouge est mis , l’impossibilité d’intervenir dans le déroulement d’une activité ou
l’interdiction (de passer) ;
 à voter rouge revient un sens politique ;
 avoir la fièvre rouge décrit l’impatience dans l’attente de recevoir la Légion d’honneur ;
 dans le cas de commettre des actes rouges , le rouge renvoyant dans ce cas au sang versé, le
sens est de faire du mal (des crimes) ;

110 Par exemple, bleu est la couleur du ciel, de la divinité, de l’idéal, de la sérénité, du drapeau de l’Union Européenne
qui transmet l’idée d’unité et d’harmonie, mais aussi la couleur de la mélancolie ; noir symbolise mort, tristesse, deuil ,
mais aussi élégance . Nous remarquons une dualité pour chacune des couleurs, ce qui est valable pour d’autres
couleurs aussi, non seulemen t pour celles que nous étudions. Il existe cependant une couleur positive par excellence :
la couleur blanche, symbole de la pureté et de l’innocence.

282
Nous nous pencherons en ce qui suit sur les locutions qui visent les émotions :
avoir le cœur rouge, se fâcher tout rouge, voir rouge, être ou devenir rouge… com me un coq, un
homard, une écrevisse, une pivoine, une tomate, un coquelicot .
Si nous analysons ces dernières locutions, nous ne pouvons pas identifier l’amour, la
séduction, la passion ou la créativité auxquelles cette couleur est associée de manière habituelle.
Il n’existe aucun sens positif au niveau de ces séquences, qui visent quasiment toutes la
couleur provoquée par une émotion forte ou un sentiment, mais qui est négatif :
 il s’agit de colère (dans avoir le cœur rouge, se fâcher tout rouge, voir rouge ),
 timidité, crainte, honte (dans être ou devenir rouge… comme un coq, un homard, une
écrevisse, une pivoine, une tomate, un coquelicot ).
Ce dernier groupage pourrait signifier aussi le fait d’être rouge de plaisir provoqué par un
compliment ou par l’enthousiasme face à quelqu’un ou quelque chose qui nous plaît, nous
suggérant ainsi un sentiment positif, mais nous ne pourrions pas affirmer qu’il est question
d’amour, de séduction ou de passion. Pour conclure, le rouge bénéficie lui aussi d’une symbolique
double, il est négatif, mais il est également positif, même si la proportio n est nettement supérieure
du côté du négatif, de l’interdit, du danger et de la colère.
En ce qui concerne la quatrième couleur, le vert bénéficie du statut de couleur ambivalent :
« c’est tout à la fois la couleur de la fortune et de l’infortune, de la c hance et de la malchance »
(Pastoureau, 1999 : 219). Par conséquent, il est la couleur du destin , de la chance , de l’ argent , de
la nature et de l’ écologie , de la santé , de la jeunesse , de la permission , de l’ étrange . Une fois de
plus, nous sommes en présence d’une couleur à symbolique duale.
Voyons à présent si elle se manifeste au niveau des unités phraséologiques qui contiennent
le terme vert. Les locutions verbales
prendre / porter / coiffer le bonnet vert, avoi r le feu vert, avoir du vert derrière les oreilles, être
vert de jalousie
sont les seules que nous avons identifiées dans notre corpus. La première désigne la faillite ou la
banqueroute, ce qui est en rapport avec les sens argent et malchance ; la deuxièm e sert à exprimer
la permission ; la troisième symbolise la jeunesse, le manque de maturité et la dernière un
sentiment négatif, la jalousie. De ces quatre exemples nous constatons qu’il existe une seule
pourvue d’un sens positif, celle qui signifie de la liberté de passer, les autres étant toutes
empreintes d’une idée négative111.

111 Même si avoir du vert derrière les oreilles se dit de quelqu’un dont l’âge est très jeune, cette locuti on n’est pas
employée avec un sens positif, admiratif ou du moins neutre, mais elle est plutôt péjorative, ce qui nous détermine à la
placer dans cette catégorie marquant un aspect négatif.

283
Un dernier constat est que le côté symbolique négatif de chacune des quatre couleurs est le
plus employé dans ce type de locutions. Par exemple, en ce qui concerne le noir, Annie Mollard –
Desfour (2010 : 60) écrivait à propos de son emploi figuré : « Noir connote le mal, la méchanceté,
le désespoir, la tristesse ou l’inquiétude, le mystère, le secret et la clandestinité, le trouble et le
manque de discernement ».
Nous concluons cett e sous -section dédiée aux locutions en affirmant que la symbolique
que les sociétés ont attribuée au fil du temps aux quatre couleurs que nous analysons ne se
retrouve qu’en partie au niveau des séquences figées à structure verbale. Ce constat n’est pas
limité à notre corpus, qui n’enregistre qu’un nombre réduit de telles séquences, mais nous avons
essayé de tirer une conclusion après avoir fait une revue des locutions verbales enregistrées dans
des dictionnaires français comme le TLFi ou le Grand Robert , en corroborant ces informations
avec celles offertes par notre corpus.
2.5.3. Locutions figées à structure adjectivale
D’autres séquences que nous avons inclues dans le corpus et qui présentent intérêt pour
notre analyse sont les locutions adjectivales. Comme dans les cas des locutions nominales qui sont
construites sur un noyau nominal et des locutions verbales construites sur un noyau verbal, les
locutions adjectivales sont construites sur un noyau adjectival.
Pour ce qui est des séquences de ce type, dans notr e corpus il y a seulement des locutions
qui sont construites selon la structure des comparaisons, à l’aide du morphème comme .
Ce type de séquence pose soulève cependant des questions portant sur leur classification
dans cette catégorie de séquences figées .
Jean-Claude Anscombre (2008 : 20-23), pose, parmi d’autres, le problème du paradigme et
constate qu’il existe tant au niveau du comparé qu’au niveau du comparant (nous allons voir ci –
dessus pour chacune des trois couleurs pour lesquelles nous avons identifié de telles séquences),
obtenant ainsi « des structures productives, qui découlent des relations sémantiques stéréotypiques
dans un moule préétabli ».
Il est vrai que le degré de figement de ces séquences n’est pas le plus élevé, mais étant
donné l eur emploi de longue date et la reconnaissance comme locution dans les dictionnaires,
nous les traiterons comme locutions figées.
Dans le corpus que nous étudions, nous avons trouvé les constructions comparatives
suivantes :

284
NOIR VERT ROUGE
(a) noir comme (de) l’encre ;
(b) noir comme la mûre ;
(c) noir comme le corbeau ;
(d) noir comme la poix ;
(e) noire comme poix fondue ;
(f) noire comme corneille ;
(g) noire comme charbon ;
(h) noire comme sauce au
poivre112 (a) (a) vert comme le poireau ;
(b) vert comme l’émeraude113.
(être ou devenir) rouge…
comme un coq, un homard, une
écrevisse, une pivoine, une
tomate, un coquelicot114

Tableau 41 : Noir, vert, rouge – locutions
Nous voulons faire une précision : toutes ces séquences apparaissent généralement comme
formant des locutions figées accompagnées du verbe être. Puisque Pastoureau les énumère sans ce
verbe, nous allons les analyser comme des locutions adjectivales, voire la dernière pour laquelle
l’auteur retient lui aussi le verbe support être avec la variante devenir .
Dans l’ouvrage Bleu. Histoire d’une couleur nous n’avons trouvé aucune expression ayant
cette structure comparative qui contienne le terme bleu. Même le langage courant est très pauvre
en expressions formées par la comparaison du bleu115. La recherche dans les dictionnaires a été
vouée au même échec : il n’y a aucune comparaison idiomatique avec le terme bleu. En ce qui
concerne la recherche de constructions avec le terme vert nous n’avons trouvé que verts comme les
prairies116.
Du point de vue morphologique, comme est une conjonction de subordination ou de
coordination. Dans les séquences comparatives que nous avons citées ci -dessus, comme ne
bénéficie plus de ce statut, mais il n’est non plus un adverbe117.

112 Dans l’inventaire que nous avons dressé plus haut il existe auss i la locution adjectivale plus noir que corbeau , mais
nous ne l’analysons pas dans cette section parce qu’elle enregistre un autre type de comparaison au niveau de sa
structure.
113 Comme dans le cas du terme noir, nous avons identifié dans le corpus une expression contenant le terme vert qui
inclut une comparaison, mais qui n’est non plus construite sur le moule contenant comme : plus vert que papegeai
(perroquet) , que nous laisserons également de côté à ce moment de l’analyse.
114 La locution être méchant comme un âne rouge contient également une comparaison, mais nous avons décidé de ne
pas l’introduire dans ce groupage puisqu’elle n’a pas cependant le même type de structure. Nous avons réuni dans
cette catégorie s eulement les séquences ayant comme comparé le terme de couleur. Comme dans ce cas le comparé est
l’adjectif méchant , nous avons décidé de l’exclure de cette classe soumise à la présente analyse.
115 Nous avons trouvé l’expression se faire avoir comme un bleu , mais la composition est complètement différente, le
bleu n’étant plus dans ce cas un adjectif désignant la couleur, mais un nom qui désigne un débutant. En outre ce n’est
pas le bleu qui est soumis à la comparaison, mais une personne qui se sent comme un débutant ou comme une
nouvelle recrue.
116 Expression extraite du site du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?13;s=3141823125;r=1;nat=;sol=4 , dernière consultation le 18
mai 2017.
117 Dans la phrase « Comme il faisait une chaleur de 33 degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert. »
(Flaubert, Bouvard et Pécuchet ), comme est une conjonction de subordination ; dans un énoncé exclamatif, par

285
Gabriela Scripnic (2014 : 13) accorde dans son ouvrage une attention particulière aux
comparaisons idiomatiques qui à son avis représentent « un fait de langue qui relève de trois
domaine s très importants : la phraséologie, la stéréotypie et la parémiologie » qu’elle définit
comme « des structures obtenues à la suite d’une similitude entre deux entités » (Scripnic, 2014 :
19). Selon la même auteure (2014 : 13), les comparaisons idiomatique s « expriment sous une
forme simple et connue le haut degré d’intensité de la qualité commune aux deux termes
impliqués ». Elle classe les comparaisons idiomatiques en deux sous -catégories :
 comparaisons idiomatiques proprement -dites qui partagent un noya u sémique
exprimé par un adjectif ou un verbe et
 les proverbes à structure comparative, formés à l’aide de tel ou de comme et dont le
degré de figement est plus élevé.
Selon Scripnic (2014 : 52), comme sert à introduire des subordonnées de : comparaison
proprement -dite, comparaison avec une nuance de condition et comparaison avec une nuance
temporelle . Cette distinction ne nous aide pas à analyser les séquences retenues dans notre corpus,
mais elle nous est utile à mieux faire la distinction entre la conjon ction comme et le morphème
comme qui apparaît dans nos exemples.
Il est important de retenir que le morphème de comparaison comme, selon le CNRTL
« exprime une idée de similitude, l'écart avec l'idée d'identité pouvant être plus ou moins réduit
selon le c ontexte »118. Nous retenons également l’étymologie différente expliquée par Scripnic
(2014 : 52), selon laquelle le morphème comparatif comme provient du latin quomodo , qui se
distingue de la conjonction comme qui provient du latin cum.
Pour ces structures figées qui sont formée à l’aide de comme et qui modifient un verbe ou
un adjectif, M. Gross (1996) et A. Rey (2002) utilisent le terme d’ adverbe figé et introduisent ce
type de constructions ( comme suivi d’un groupe nominal) dans la ca tégorie de constructions
verbales dont seulement le comparant est figé, le verbe ayant la possibilité de fonctionner
indépendamment de l’adverbe figé. Puisqu’au niveau des dénominations de ces phénomènes il y a
un grand foisonnement, la plupart des cherche urs emploient le terme comparaison idiomatique ,
terme pour l equel nous optons à notre tour.

exemple « Comme il fait beau aujourd’hui ! » ou « Comme il faisait bon dans la campagne ! » (Hans Christian
Andersen, Le Vilain Petit Canard ), comme est un adverbe d’intensité.
118 CNRTL , http://www.cnrtl.fr/definition/comme , dernière consultation le 2 février 2017

286
a) Niveau structure
Nous allons mettre les comparaisons idiomatiques sous la forme d’un tableau, afin que
nous puissions en remarquer le moule Adj. + comme + Article (défini/indéfini) + N selon lequel
ces locutions sont construites :
Adj. de couleur comme Art. (déf./indéf.) N
noir + + corbeau
noir + + encre
noir + + mûre
noir + + poix
noir + – poix fondue
noir + – corneille
noir + – charbon
noir + – sauce au poivre
vert + + poireau
vert + + émeraude
rouge + + un homard
rouge + + un coq
rouge + + une écrevisse
rouge + + une pivoine
rouge + + une tomate
rouge + + un coquelicot
Tableau 42 : moule Adj. + comme + Article (défini/indéfini) + N
Dans ces exemples, comme est un morphème comparatif qui lie un adjectif ( noir, rouge ou
vert, selon le cas) à son complément, son fonctionnement ressemblant à celui d’une préposition.
Tous les exemples du tableau sont des comparaisons idiomatiques formées à base
adjectivale. Leur emploi en fonction de déterminant d’un verbe se limite au verbe copulatif être
avec la variante devenir pour les comparaisons comprenant l’adjectif rouge .
La structure du comparant est la suivante : GN formé d’un Prédéterminant (tous les types
d’articles y sont rencontrés : défini, indéfini, partitif, voire article zéro dans quatre locutions) + N.
Dans toutes les locutions inventoriées, le nom est un nom commun. Selon J. -C. Anscombre (2008 :
14-15), les suites construites avec un nom propre sont plus nombreuses et enregistrent les trois
types d’article119, tant au singulier qu’au pluriel. En revanche, les séries qui contiennent un nom
propre sont pour Jean -Claude Anscombre (2008 ) « réservées à un parler culte ».

119 L’auteur donne des exemples qui contiennent des termes de couleur dans presque chacune des catégories qu’il
enregistre : avec article défini, noir comme l’ébène et blond comme les blés (singulier et pluriel) ; avec article indéfini,
blanc comme un linge (sg.), avec article partitif, noir comme du charbon (sg.) et dans le cas d’absence d’article dans
blanc comme neige.

287
Nous dirigeons notre attention maintenant sur les exemples (e) – (h) avec article zéro. Sur
16 locutions adjectivales, ces quatre exemples ne contiennent pas d’article et nous nous
demandons pourquoi, puisque par exemple dans le cas de la comparaison du noir avec la poix,
nous avons identifié deux structures quasiment identiques :
(i) noir comme la poix et
(ii) comme poix fondue120.
Vu que dans la première séquence le comparant poix est prédéterminé par l’article défini et
dans la deuxième séquence le comparant est déterminé par un adjectif qui renforce l’image que la
comparaison offre, nous considérons qu’il existe une seule différence : l’une et l’autre se sont
imposées comme telle s, sans que le locuteur se focalise sur la structure syntaxique de la séquence
qu’il emploie. Bally (1909 : 83) caractérise de telles structures par « la négligence des lois de la
syntaxe vivante ».
Du point de vue morphologique, le comparant est soit du g enre féminin, soit du genre
masculin, mais toujours au singulier. Même si la comparaison affecte un comparé au féminin ou
au masculin, le comparant garde dans le discours sa forme figée au masculin ou au féminin et, ce
qui est le plus important, il reste a u singulier : nous ne dirons jamais de n’importe quels objets
qu’ils sont * noirs comme les encres ou des personnes qu’elles sont * rouges comme des écrevisses.
En revanche, nous pouvons construire des phrases comme Son regard est noir comme la mûre ,
mais au ssi Ses cheveux sont noirs comme la mûre , gardant ainsi la mûre au singulier.
En revenant à la composition, les structures comparatives sont formées des adjectifs noir /
rouge / vert qui ont le rôle de base et d’un syntagme prépositionnel fonctionnant comm e collocatif
de cet adjectif.
Nous pourrions penser, pour revenir à la délimitation entre collocations et expressions
figées, que ces séquences pourraient très bien constituer des collocations parce que leur sens est
facile à deviner, est compréhensible à partir des deux composants de chaque collocation, pas
seulement selon le sens de la base qui serait une condition suffisante pour les encadrer dans la
catégorie des collocations. Mais nous constatons à un premier regard aussi superficiel qu’il soit
que ces séquences n’ont pas exactement la structure binaire propre aux collocations. De plus, elles
fonctionnent telles quelles dans le discours, le locuteur ne fait pas vraiment un choix quand il veut

120 Le CNRTL et TLFi enregistrent la variante avec article partitif : noir comme de la poix , mais nous utiliserons les
versions extraites de l’œuvre de Michel Pastoureau, sur lequel repose notre corpus.

288
exprimer l’intensité du noir de l’objet qu’il caractérise, ma is il fait appel à l’une de ces structures
existantes et imposées en langue par l’usage, mémorisées tant par les natifs que par ceux qui
apprennent le français comme langue étrangère.
Le locuteur pourrait bien utiliser d’autres comparaisons construites ég alement avec des
noms d’objets de couleur noire (par exemple, noir comme du charbon, noir comme une gaillette,
noir comme du jais, noir comme l’ébène ) ou des expressions dans la composition desquelles nous
ne reconnaissons pas aisément la couleur du nom ou nous ne pouvons pas faire les liaisons
nécessaires qui puissent nous conduire à en déduire la couleur ( noir comme le diable ), et il ne
pourrait aussi employer d’autres mots pour la comparaison, en créant de la sorte des structures
jamais rencontrées aupar avant, mais le résultat dans ce dernier cas ne serait pas le même, il
s’agirait seulement d’une comparaison ponctuelle avec un objet présent au moment de la parole,
sans en créer une expression.
Par conséquent, nous considérons que les exemples analysés r eprésentent des expressions
figées, en raison de leur figement et de leur emploi déjà très fréquen t pour leur conférer ce statut.
b) Niveau sens
Du point de vue sémantique, les comparaisons idiomatiques analysées ont un degré de
transparence assez grand, leur rôle étant d’ajouter au terme ayant le sème /couleur/ un mot qui
partage le même sème dans le but de renforcer le degré d’intensité ou peut -être le comparant joue
seulement le rôle de marquer la subjectivité du locuteur.
Pour analyser le sens d’une telle comparaison et ce qui les déterminer leurs auteurs à réunir
les comparés et les comparants dans ces unités soudées, nous identifierons le(s) sème(s)
commun(s). Ainsi, dans le cas des termes comme poix, encre, jais, charbon, est d’une part
/matière/ ou /concret/, auquel vient s’ajouter le sème commun /noir/ ou /couleur noire/. Même si
corneille et corbeau ont en commun le sème /oiseau/, qui les sépare des mots caractérisés pas
/matière/, et même si /sauce au poivre et mûre partagent le sème /comestible/, le sème qui rattache
tous ces mots à cette catégorie de comparants est /noir/ ou /couleur noire/. Dans le cas des
comparaisons idiomatiques cons truites avec le terme vert, le sème qui fait entrer le poireau et
l’émeraude dans les structures dont nous traitons est toujours celui lié à la couleur, respectivement
/vert/.
Par conséquent, dans les comparaisons idiomatiques qui contiennent le terme noir et le
terme vert, pour que le locuteur comprenne l’intensité de la couleur de l’objet décrit, après le

289
morphème comparatif comme , l’expression continue avec un nom qui désigne un objet associé à la
même couleur, dans le but de renforcer la nuance ( la poix , l’encre , la mûre, l’émeraude, etc.).
Comme nous l’avons mentionné auparavant, la comparaison idiomatique est construite,
dans tous les exemples ci -dessus, avec un substantif prédéterminé par un article ou avec article
zéro, au singulier, sans exception. Leur rôle premier est d’intensification, sans nécessairement
pouvoir y identifier des nuances d’appréciation ou de dépréciation.
Pour ce qui est du comparé, la question que nous nous posons est s’il est porteur du trait
[+humain] ou [ -humain]. Le comparan t est, dans tous les exemples analysés [ -humain]. La
question est légitime, à notre avis, puisque même le terme de couleur ne semble pas être
[+humain]. Nous ne caractérisons pas une personne de rouge , de noire ou de verte , tout
simplement, par conséquent ce n’est pas une qualité humaine intrinsèque.
Michel Pastoureau (2008 : 27-29) traite lui -même ces structures dans le sous -chapitre « De
la palette au lexique » dédié à la présence du noir dans le lexique en tant que témoignage des
différents tons et nuanc es perçus par l’homme au fil du temps. Selon l’auteur (2008 : 29), les
comparaisons servent à « exprimer des nuances de quantité ou d’intensité chromatique (mat,
brillant, dense, saturé, etc.) ». Par conséquent, nous ne pouvons pas répondre à la question
formulée liée au sème [humain] à partir de son œuvre.
Pour ce faire cependant, nous allons par la suite présenter quelques exemples extraits des
dictionnaires :
 (être) rouge comme une cerise, comme un coq, un coquelicot, une écrevisse, une pivoine, une
tomate121
qui signifient « être rouge d’émotion ».
Ce que nous pouvons remarquer dans ces comparaisons, est que le comparant reste [ –
humain], et en ce qui concerne le comparé, c’est l’explication ou l’usage qui nous guide dans
leur emploi correct : « être rouge d’émotion » ne peut caractériser qu’une perso nne, le
sentiment et l’émotion étant inhérents à l’être humain, alors le sème du comparé est [+humain].
La cerise, le coq, le coquelicot, même s’ils sont des termes [ -humain], ne nous éloignent pas
de cette conclusion. Par conséquent, les locutions qui con tiennent dans leur structure le terme
rouge acquièrent le trait [+humain] dans les compa raisons idiomatiques analysées.

121 Comparaisons trouvées dans Le Grand Robert de la Langue Française , de Pa ul Robert, Tome VIII, 1985, Paris ,
Dictionnaires LE ROBERT ; l’auteur marque devant toutes ces expressions le terme loc., ce qui veut dire qu’il les
introduit dans la catégorie des locutions.

290
 noir comme (du) jais, comme l’encre, comme du cirage, comme du charbon, comme de l’ébène,
comme l’aile du corbeau, comme un corbeau, com me une taupe122,
comparaisons idiomatiques semblables ou identiques à celles recueillies par M. Pastoureau.
Quant au sème [humain], celui -ci n’est présent ni dans le cas du comparé, ni dans celui du
comparant, parce que ces comparaisons sont utilisées pour parler de l’aspect d’un corps. Ainsi,
nous pouvons parler de cheveux noirs comme l’aile du corbeau123, mais nous ne dirons jamais * un
enfant noir comme une taupe. Si nous revenons aux comparaisons avec le terme rouge , en réalité
cette couleur, et par là l’expression la contenant, caractérise elle aussi, comme dans le cas du noir,
une partie du corps humain (comme la joue ou le front), mais les comparaisons idiomatiques ne
les contiennent pas, par conséquent nous soutenons encore une fois que le trait [+hu main] est
présent. Nous ne pourrions pas non plus associer ces comparaisons avec un chien, avec un chat ou
avec un plat.
 il fait noir comme dans la gueule d’un loup, comme dans un four,
avec la précision de l’auteur « en valeur adverbiale », qui illustren t l’emploi comme adverbe figé
dont parlaient M. Gross (1996) et A. Rey (2002) .
En ce qui concerne la structure de ces comparaisons idiomatiques, elles se caractérisent par
la même impossibilité de transformer au pluriel le comparant, quel que soit le nombr e ou le genre
du comparé.
Nous pouvons conclure aussi que, du point de vue sémantique, les comparaisons
idiomatiques analysées servent à caractériser une personne ou un objet du point de vue physique
(qu’il s’agisse d’une qualité permanente ou d’une quali té passagère – comme dans le cas des
comparaisons soulignant l’émotion), exprimant la couleur dans tous les cas, le terme comparant
servant à mettre en évidence l’intensité de la couleur ou à marquer le trait négatif dans les
comparaisons avec le terme noir.

122 Comparaisons extraites du dictionnaire Le Grand Robert de la L angue Française , de Paul Robert, Tome VI, 1985,
Paris, Dictionnaires LE ROBERT.
123 « De longues mèches de cheveux noirs comme l ’aile d ’un corbeau (Mérimée, Colomba , 1840, p. 74) », citation
reprise du site CNRTL, http://www.cnrtl.fr/definition/corbeau , consulté le 2 février 2017

291
2.6. Degrés de comparaison des termes de couleur
Les termes de couleurs, qu’il s’agisse d’un substantif ou d’un adjectif, traité
individuellement ou en séquences plus ou moins figées124, peuvent être comparés comme tout
autre mot.
Nous pouvons construire des comparaisons en utilisant n’importe quelle couleur :
 comme adjectif :
o un objet concret ou abstrait plus rouge / moins bleu / aussi noir qu’un autre
objet concret ou abstrait ; ou le/la plus rouge / jaune / marron ou bien
 comme substantif : le bleu le pl us beau du monde , un rouge plus vif que… , par exemple.
Les termes de couleurs et les adjectifs qui les déterminent sont parfois présents dans
l’œuvre de Michel Pastoureau aussi, et nous supposons que les locuteurs qui les ont inclus dans
leur composition a u fil des siècles, à de divers degrés de comparaison, servaient en fait pour en
distinguer les nuances ou, dans le cas des expressions figées, ils servaient à mettre en évidence un
trait de caractère ou un aspect physique.
Selon la définition du CNRTL, la comparaison représente un « [a]cte intellectuel
consistant à rapprocher deux ou plusieurs animés, inanimés concrets ou abstraits de même nature
pour mettre en évidence leurs ressemblances et leurs différences »125. Dans notre corpus, nous
avons observé le f ait que parfois le deuxième terme de la comparaison manquait complètement.
Dans le dictionnaire Larousse en ligne, la comparaison est définie comme « rapport de
ressemblance établi entre deux termes d’un énoncé grâce à un troisième terme introducteur »126.
Une fois de plus, il s’agit de plus d’un terme, mais, dans nos exemples, le second n’est
plutôt pas exprimé, parce que nous comprenons du contexte qu’il s’agit de la comparaison avec la
même couleur ou avec la même notion et que nous sommes en présence du nouveau comparé à ce
qui existe déjà. En outre, n’oublions pas que nous sommes en présence d’un discours spécialisé,
discours qui s’adresse aux spécialistes qui possèdent les connaissances nécessaires pour
comprendre ce qui n’est pas répété dans chaque ca s.
Nous avons trouvé dans notre corpus les exemples suivants127 :

124 Nous ne traiterons plus à ce stade des expressions figées (locutions verbales ou locutions adjectivales) construites à
base d’une comparaison comme dans l’exemple noir comme l’encre , parce que nous avons déjà traité ces séque nces
dans les pages antérieures. Notre attention sera concentrée sur les exemples qui contiennent des termes de couleur et
dans lesquels nous constatons l’existence d’un degré de comparaison.
125 CNRTL , http://www.cnrtl.fr/definition/comparaison, de rnière consultation le 5 février 2017.
126Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/comparaison/35596 , dernière consultation le 5
février 2017

292

Séquence Positif
Adjectif Comparatif Superlatif
Supériorité égalité infériorité relatif absolu
(couleurs) trop riches riche – – – – 
(couleurs) trop
provocantes provocant – – – – 
(couleurs) trop vives vif – – – – 
(des tons) bleu très clair clair – – – – 
des bleus plus brillants brillant  – – – –
des bleus plus denses dense  – – – –
des bleus plus francs franc  – – – –
« bleu Raymond » plus
solide solide  – – – –
des bleus plus sombres sombre  – – – –
jaune plus rosé rosé  – – –
jaune moins rosé rosé – –  – –
des bleus plus vifs vif  – – – –
(des yeux) très noirs noir – – – – 
plus noir que rouge noir
rouge  – – – –
plus noir que corbeau noir  – – – –
le/la plus noir/e noir – – –  –
noirs plus tendres tendre  – – – –
rouge moins rose ou
orange rose
orange – –  – –
(la luxure, tout) aussi
rouge, sinon plus rouge   – – –
rouge plus rose ou orange rose
orange  – – – –
(un) rouge plus clair clair  – – – –
(des) rouges plus éclatants éclatant  – – – –
(nuances) rouges plus ou
moins violacées violacé  – – – –
(des plantes) les plus
vertes vert – – –  –
(les tons jaunes […] se
font désormais) plus verts,
plus acides vert
acide  – – – –
des verts plus vifs vif  – – – –
un vert très vif vif – – – – 
des verts plus brillants brillant  – – – –
plus vert que papegeai
(perroquet) vert  – – – –
une palette plus claire,
plus verte, plus bleutée clair, vert,
bleuté  – – – –
plus ou moins noirs et noir et blanc  –  – –

127 Pour cette analyse, nous avons recherché dans le corpus des exemples comprenant d’autres couleurs aussi (par
exemple jaune ) et des termes comme couleur, nuance , ton, qui font partie du champ lexico -sémantique des couleurs
que nous étudions.

293
blancs
de la plus claire à la plus
foncée (couleur) clair
foncé  – – – –
(des nuances) plus
foncées foncé  – – – –
Tableau 43 : Degrés de comparaison

Nous avons choisi d’illustrer cette idée à l’aide d’un tableau parce que cela nous aide
davantage à saisir le résultat d’une telle analyse :
 l’auteur ne recourt que dans un seul cas (et cela est dû probablement soit au fait que les
gens n’y avaient pas fa it appel au fil des siècles pour comparer les couleurs, soit au fait que
dans la lutte pour la suprématie dans la hiérarchie chromatique, il n’y avait pas de place
pour l’égalité) au comparatif d’égalité ;
 le comparatif d’infériorité (trois cas) et au superlatif relatif (deux cas) ne sont pas à leur
tour très employés ;
 le superlatif absolu (six cas, dont trois expriment la comparaison, les trois autres –
[couleurs] trop riches, trop provocantes, trop vives – visant l’intensité) sont présents, mais
une foi s de plus leur quantité n’est pas très grande ;
 le plus utilisé degré est le comparatif de supériorité : parmi les 33 exemples, nous
observons 23 qui sont marqués par ce degré ( bleus plus sombres, bleus plus vifs, verts plus
vifs, etc.) ;
 sur la base de la comparaison ont été construites deux locutions adjectivales : plus noir que
corbeau et plus vert que papegeai (perroquet) , le degré employé étant le comparatif de
supériorité. À la différence des autres situations, où nous pourrions modif ier le degré (nous
pouvons formuler des comparaisons comme plus noir que, aussi noir que et moins noir
que), nous ne pouvons jamais intervenir dans ces séquences, en raison de leur figement.
Cette impossibilité représente dans les recherches matière de fig ement le critère de la non –
actualisation des éléments constitutifs d’une locution. C’est également l’opinion de Claude
Guimier (2006 : 20) : « Une séquence figée, contrairement à une séquence libre, se
caractérise par le blocage de ses propriétés transform ationnelles ». Elles se sont imposées
telles quelles et aucune modification ne pourrait y être faite sans détruire les séquences et
bien entendu leur sens.

294
Une conclusion de cette inégalité d’emploi des degrés de comparaison en langue pourrait
être le fait que les couleurs ont toujours mené une lutte pour s’affirmer, pour gagner une place
dans la société et l’attention a été certainement retenue par celles qui réussissaient à apporter un
« plus » d’intensité ou de quoi que ce soit.
Une deuxième conclusion d e cette analyse est que les degrés de comparaison portent sur
des termes différents en fonction du statut du terme de couleur :
 si le terme de couleur est un adjectif , c’est sur lui que porte la comparaison, c’est ce terme
qui constitue le premier terme de la comparaison : plus rosé, aussi vert, par exemple ;
 si le terme de couleur est un substantif , il forme une collocation, dont il représente la base,
et il est déterminé par un adjectif et c’est justement cet adjectif qui est comparé : plus ou
moins brillant, plus vif, moins rosé.
Avant de poursuivre cette analyse, nous aurions dit qu’un terme de couleur comme ceux
que nous recherchons ne subissent pas de telles transformations, qu’il serait impossible d’affirmer
que le ciel de quelque part est plus bleu ou moins bleu qu’un autre ciel, mais nous constatons à
présent que les termes de couleur sont pourvus de cette capacité d’être comparés, soit entre eux
(rouge plus rose ou orange ) soit en ce qui concerne leur aspect ( plus brillant, plus éclatant , plus
foncé, etc.).

2.7. Le figement
Étant donné que nous avons analysé dans cette section des séquences plus ou moins
soudées, nous proposons une revue des travaux sur le figement. Pour G aston Gross (1996 : 17), il
existe « un continuum entre les séquences libres et celles qui sont entièrement contraintes ».
Alors pour retracer le chemin parcouru par un groupe de mots pour devenir expression
figée, nous ne pouvons pas ignorer la notion de figement . C’est la notion centrale de cette
problématique liée à la classification des séquences de mots en expressions figées, peu figées ou
non figées, à notre avis, parce que c’est exactement ce processus de figement, plus ou moins
manifeste, qui transforme une simple suite de mots en une expression que le locuteur trouve toute
faite et qu’il s’approprie au fur et à mesure qu’il apprend une langue, sans réfléchir à sa
composition, mais comprenant parfaitement ce qu’elle signifie.

295
Bernard Pottier (1974 : 266 ) utilisait le critère du figement pour réaliser une analyse
sémique de telles structures et il distinguait entre la lexie simple, la lexie composée, la lexie
complexe et celle textuelle à partir des critères suivants :
 le manque d’autonomie ;
 l’impossib ilité séparer les constituants ;
 de remplacer les constituants et
 la particularité de la structure interne.
Selon Isabel González Rey (2014 : 230),
« la notion d’idiomaticité n’opère pas seule dans la consolidation des unités phraséologiques d’une
langu e donnée. Elle interagit avec d’autres facteurs qui favorisent la formation de ces éléments
polylexicaux, tels que le figement et la fréquence ».
Elle rappelle la classification de Charles Bally des groupements des mots, réalisée en
rejoignant le critère du figement au critère sémantique d’où il résulte les combinaisons libres , les
groupements usuels (caractérisée surtout par la fréquence) et les unités phraséologiques (dont le
trait essentiel est la cohésion et ce que Bally appelle « l’oubli du sens des é léments »).
À partir de la notion d’idiomaticité, González Rey (2002 : 70) distingue entre
« des combinaisons de mots :
1. – qui ne perdent pas le sens propre et premier qu’ils possèdent séparément […] : ce
sont les ‘collocations’ ;
2. – qui perdent leur identité pour former une nouvelle séquence significative […] : ce
sont les ‘expressions idiomatiques’ ;
3. – enfin, qui ont un double sens, littéral et figuré, sont pourvues d’un statut de citation
dans le texte, […] : ce sont les ‘parémies’ ».
Ainsi, González Rey (2002 : 71) divise la phraséologie dans trois domaines :
 la phraséologie collocationnelle,
 la phraséologie idiomatique et
 la phraséologie parémiologique ,
tout en précisant que ces trois domaines peuvent être identifiés tant au nivea u de la langue
générale, que dans les langues de spécialité, ce qui est vraiment important pour notre corpus, dont
la caractéristique essentielle de ce point de vue est de se situer des deux côtés à la fois. González
Rey (2002 : 73) identifie
« trois types d’unités phraséologiques :
– des parémies générales ou terminologiques ;
– des collocations générales ou terminologiques ;
– des expressions idiomatiques générales ou terminologiques. »

296
En ce qui concerne la parémie, ce terme désigne, selon González Rey (2002 : 75) « des
énoncés figés, tels que ‘proverbes’, ‘dictons’, ‘maximes’, ‘aphorismes’, ‘dialogismes’,
‘sentences’ » et la discipline qui s’y préoccupe porte le nom de parémiologie .
Les unités qui entrent dans cette catégorie sont « pourvues d’une structure syntaxique,
d’une valeur sémantique et d’une fonction pragmatique qui les caractérisent comme expressions
figées » (González Rey, 2002 : 77). Nous n’insistons pas sur cette catégorie des parémies
générales ou parémies terminologiques, parce qu’elle n’est pas pertinente pour notre analyse128.
Nous avons déjà présenté quelques aspects importants liés aux groupements usuels, à la
collocation , il est temps de nous pencher sur les expressions figées . Pour ce qui est de la
dénomination de ce type de structure, il existe une variété de notions, comme par exemple
« locution » ou « unité polylexématique », mais nous utiliserons la plus fréquente et la plus connue,
celle d’expression idi omatique. De manière générale, quand nous parlons de ce type d’expressions,
nous pensons aux proverbes, aux maximes, aux lieux communs, aux slogans, etc., c’est pourquoi
nous préférons la notion d’expression figée.
Nous avons mentionné auparavant l’idée de l’existence de divers degrés de figement, idée
assez ancienne, puisqu’elle apparaissait déjà chez Bally. Quand nous parlons de figement, nous
pensons qu’il s’agit d’un figement morphosyntaxique, qui ne permettrait aucun changement des
mots qui composent l ’expression ou la phrase. Cela veut dire que les constituants ne pourraient
subir que des transformations restreintes, ils pourraient être déclinés ou conjuguées, tout au plus,
sans que le locuteur puisse changer la place des lexies qui la composent.
Exce pté ces contraintes collocationnelles, les chercheurs distinguent également un
figement syntaxique et un figement sémantique .
L’expression figée vise plusieurs domaines qui ne sont pas tous linguistiques :
 la syntaxe avec les restrictions qu’elle impose s elon les règles générales applicables
tant à la langue commune qu’à la langue spécialisée ;

128 Nous avons cependant identifié dans l’œuvre de Michel Pastoureau des proverbes et des dictons comme, par
exemple, « Chat noir le matin, chagrin le soir », « Qui voit corbin (corbeau) voit sa fin » ou « Cape noire au loin,
change ton chemin. » , voire des publicités (« Dis-moi quelles couleurs tu portes sous ta robe et je te dirai qui tu es. »)
dans Noir. Histoire d’une couleur , le proverbe anglais « Le bleu et le vert ne vont jamais de pair» et l’adage allemand
« Bleu ou vert, il faut choisir » dans Vert. Histoire d’une couleu r, que l’auteur rappelle pour souligner les supers titions
et les croyances liées au noir, la relation entre bleu et vert ou tout simplement pour exemplifier les faits de langue,
parmi lesquels se manifestent également ces parémies comprenant les termes de couleur que nous étudions dans la
présente recherc he.

297
 la sémantique, qui met en jeu les sens premiers, additionnels ou figurés des lexies
qui composent les expressions, mais aussi
 la psychologie, le locuteur mémorisan t les expressions telles quelles, étant
conscient de leur sens en tant qu’unité soudée.
Selon G. Gross (1996 : 154), « [u]ne séquence est figée du point de vue syntaxique quand
elle refuse toutes les possibilités combinatoires ou transformationnelles […] . Elle est figée
sémantiquement quand le sens est opaque ou non compositionnel ». De cette définition découlent
quelques caractéristiques essentielles de l’expression figée : elle refuse les transformations, le
changement de la place de ses éléments, elle n’est pourvue de sens que si nous la traitons telle
quelle, sans essayer de la décomposer, d e réfléchir aux sens de base de ses éléments pris
individuellement.
Bally (1909 : 88) attire l’attention sur la différence entre « les groupes de mots qui sont
nécessaires pour identifier les unités lexicologiques et les groupes de mots qui forment eux -mêmes
des unités ». Selon l’auteur, les groupes de la première catégorie constituent « le contexte », dans
lequel les unités lexicologiques « se trouvent déterminées l es unes par les autres » et ceux de la
seconde représentent des « groupes phraséologiques ».
Tout d’abord, nous faisons une revue des définitions du figement dans la littérature de
spécialité.
Dans le Dictionnaire d’analyse du discours , Charaudeau et Maing ueneau (2002 : 262)
définissent le figement comme « l’intégration d’une expression libre du discours dans le système
de la langue ». Les auteurs rappellent toutes les variantes d’appellation : « les expressions figées ,
ou locutionnelles , ou idiomatiques , ou lexies ».
Alise Lehmann et Françoise Martin -Berthet (2005 : 181) ont repris la dénomination de
syntagme dans le chapitre consacré au mot composé. Les auteures reprennent l’idée d’Émile
Benveniste liée au figement , en affirmant que « les composés non marq ués par la graphie et par la
syntaxe interne ou externe […] doivent être identifiés par un ensemble de critères linguistiques
destinés à évaluer le figement qui en faits des ˮsignes compactsˮ ».
Nous reprenons également la définition de Tournier & Tournier (2009 : 151), selon
lesquels le figement représente « le processus qui transforme une séquence dont les éléments sont
libres en une séquence dont les éléments ne peuvent pas être dissociés ».

298
Les auteurs accusent l’emploi des termes figé et figement d’être « maladroit », puisqu’ils
« ne tiennent compte ni de la dynamique du lexique, ni du fait que toute lexie peut toujours être
remodelée dans le discours au gré de la fantaisie du locuteur » (Tournier & Tournier , 2009 : 151) .
Par voie de conséquence, l es notions « expression figée » et « expression idiomatique », qui sont
les expressions le plus couramment utilisées, subissent la même critique, les deux étant
considérées « maladroites » par les auteurs du dictionnaire, en soulignant tout d’abord le fait que
l’expression appartient au discours, le terme plus approprié selon eux étant « locution » qui
appartient à la langue.
Dans le Dictionnaire de la linguistique , Georges Mounin (1995 : 139) définit le
phénomène de la manière suivante : « lorsqu’un synta gme a la fréquence et la spécificité d’un
monème unique, il tend à être traité comme un monème unique, indissociable ». Nous y
retrouvons également l’idée de Bally concernant l’oubli du sens initial des mots qui composent
l’expression, l’auteur parlant d’« une perte de la conscience du sens propre du monème lorsque
celui -ci se trouve fréquemment associé avec la même signification dans différents syntagmes »
(Idem ).
D’autres dictionnaires, comme par exemple le Lexis et Le Petit Robert , définissent le
phénom ène de la manière suivante : « figé : se dit d’un mot, d’une construction qui cessent de
subir dans la langue une évolution », respectivement « expression, locution figée : dont on ne peut
changer les termes et qu’on analyse généralement mal ». Nous remarq uons dans toutes les
définitions présentées l’idée de non -évolution, de fixité et de l’imprédictibilité du sens.
Les principales caractéristiques du figement qui résultent des recherches effectuées dans ce
domaine, sont :
 il vise la langue en totalité, il ne se borne pas au lexique où il se manifeste pleinement à
travers les expressions idiomatiques et les formules, englobant les règles grammaticales,
par exemple ;
 puisque nous parlons de formules, expressions, séquences, collocations ou de toute autre
dénomination, une précision s’impose, si évidente soit -elle : le figement caractérise
uniquement des structures polylexicales ;
 il y a des contraintes qui limitent la morphologie des expressions figées ou idiomatiques129 ;

129 Conformément au Dictionnaire d’analyse du discours , sous la direction de Charaudeau, P. et Maingueneau, D.
(2002) , Paris, Éditions du Seuil, p. 262 .

299
 le blocage des p aradigmes synonymique dont parlait G. Gross (1996 : 17) qui se traduit par
l’impossibilité de substituer un mot par son synonyme tout comme nous ne pouvons pas y
introduire d’autres mots ;
 du point de vue syntaxique, nous retenons « le blocage des propriét és
transformationnelles » (Gross, 1996 : 12), les éléments constitutifs de telles suites ne
pouvant pas être soumises aux modifications habituelles qui caractérisent la combinatoire
libre, comme la nominalisation, la passivation, la pronominalisation, etc. ;
 la non -compositionalité du point de vue sémantique (Gross, 1996 : 12) , ce qui veut dire
que même si le locuteur comprend le sens des mots pris isolément, cela ne conduit en
aucun cas automatiquement à la compréhension de l’expression en question ; G. Gr oss
(1996 : 11), en parlant d’une suite « dont le sens n’est pas fonction de celui des éléments
constitutifs », étant de la sorte « en présence d’une suite opaque ou sémantiquement figée
et contrainte lexicalement » ;
 selon Salah Mejri (2005 : 165), il peu t marquer toutes les catégories grammaticales, « il
fournit à la langue des unités appartenant au paradigme de toutes les catégories
grammaticales ». Cela veut dire que nous avons des locutions nominales, verbales,
adjectivales, adverbiales, prépositives, etc.130 ;
 il est étroitement lié aux textes où il se réalise, il fait la liaison entre langue et discours.
Les facteurs à l’aide desquels nous pouvons définir et identifier le figement sont : le
facteur lexical, le facteur sémantique et le facteur syntaxique .
Les séquences phraséologiques se caractérisent, du point de vue sémantique , par la non –
compositionnalité du sens, comme nous l’avons déjà présenté ci -dessus à partir de la théorie de
Gross et d’autres linguistes. Ce critère sémantique vise à la fois les groupes nominaux et les
phrases, par exemple : noirs brillants, noirs légers, noirs profonds, noirs magnifiques, noir des
origines et il y fait noir . Nous avons la même base, le nom de couleur noir qui, dans les quatre
premiers cas indique un nom de couleu r déterminé par un adjectif qualificatif indiquant son aspect,
tandis que dans les deux derniers cas, le sens doit être compris globalement, les deux expressions
pouvant être comprises non pas par le sens de couleur proprement dite, mais par l’association du
noir à la nuit, au manque de lumière.

130 Dans le corpus que nous étudions, nous avons identifié seulement les trois premiers types de locutions, nominales,
verbales et adjectivales qui contiennent des termes chromatiques.

300
Au niveau syntaxique, les séquences pourraient être considérées comme figées à cause de
l’inflexibilité distributionnelle ou le blocage de leurs composants. Dans les exemples que nous
avons donnés ci -dessus ayant co mme mot base le noir, nous ne pouvons en aucun cas modifier
une expression comme il y fait noir par *noir il y fait , par exemple.
Les deux critères, sémantique et syntaxique, sont essentiels, mais nous ne devons pas
oublier le troisième, celui lexical qui est à son tour très important. Il est question maintenant de la
possibilité ou l’impossibilité de remplacer un mot par son synonyme dans une expression. Dans
les expressions noir des origines et il y fait noir , essayons de remplacer le mot noir par un autr e
terme de couleur. Nous obtiendrons *le rouge des origines , *le bleu des origines , *le vert des
origines , *il y fait rouge , *il y fait bleu ou *il y fait vert , séquences qui n’ont aucun sens, sans plus
parler du sens initial des expressions analysées.
Ce qui caractérise les séquences figées, c’est justement la fixité de ses composants, la
substitution d’un mot par un autre de même sens pouvant mener au manque de compréhension de
l’expression en cause, voire à sa disparition, puisque ce qui assure l’existen ce d’une telle séquence
est le fait qu’elle appartient à la culture d’un peuple, au langage qui lui est propre, qu’il mémorise
sans trop d’effort et qu’il transmet tel quel aux générations à venir. Par conséquent, une limitation
paradigmatique s’impose. Ce pendant, dans le cas des séquences analysées ci -dessus, ces critères
ne nous aident pas à les situer dans la catégorie des expressions figées, puisque leur sens reste
quand même tantôt difficilement décodable, tantôt facilement déductible, par conséquent e lles
représentent des collocations.

Conclusions partielles
Tout au long de ce chapitre, nous avons pu remarquer la richesse et en même temps la
diversité des séquences construites selon des moules différents avec des termes de couleur. Du
foisonnement terminologique dont nous avons fait la revue, nous nous sommes arrêtée aux
collocations, aux locutions et aux expressions.
Nous avons traité du figement , nous avons présenté les conditions qu’une séquence doit
remplir pour s’encadrer parmi les collocations ou les expressions figées et nous avons regroupé les
séquences identifiées dans les ouvrages de Michel Pastoureau en fonction de leur degré de
figement et en fonction des éléments qui les constituent. Ainsi, nous avons présenté des séquences
à structure nominale , à structure adjectivale et à structure verbale pour chacune des quatre

301
couleurs étudiées et, dans les situations où nous n’avons pas trouvé de telles expressions dans le
corpus principal, nous avons eu recours au corpus secondaire, c’est -à-dire au x dictionnaires, pour
prouver qu’il en existe, mais elles manquent des ouvrages de Pastoureau.
De plus, ayant en vue la spécificité de notre corpus, dont une grande partie peut se
retrouver soit au niveau du lexique, soit au niveau de la terminologie, nous avons également
identifié des groupes terminologiques pour la dénomination desquels nous avons préféré la notion
de phraséotermes.
Un autre aspect que nous avons trouvé intéressant et digne à signaler et à analyser à partir
de notre corpus est lié aux degrés de comparaison des termes de couleur, dont la plupart
appartiennent à la catégorie des adje ctifs chromatiques.

302

303

CHAPITRE III

TRAITEMENT AUTOMATIQUE DU CORPUS

Introduction
Le développement de l’informatique a eu un impact bénéfique sur tous les domaines
professionnels, par conséquent sur la linguistique aussi , notamment sur la linguistique de corpus,
par la mise à la disposition des chercheurs, selon Yannick Mosset (2016 : 21) d’« une
appréhension plus directe et dynamique du langage : le corpus permet alors d’étudier les
occurrences attestées et contextualisées […] et d’appréhe nder leur légitimité non en termes
d’acceptabilité, mais de statistique ».
Les instruments de traitement de données mis à notre disposition sous la forme de logiciels
nous aident vraiment à réaliser une analyse plus objective et plus étendue, qui ne se fon de plus sur
notre intuition de linguiste.
Dans les chapitres précédents, nous avons fait une analyse sémique des termes de couleur
et une analyse des séquences construites avec des termes de couleur relevant de la phraséologie.
Dans ce chapitre, nous nous proposons d’aborder notre corpus d’une autre perspective , celle de la
linguistique de corpus. Ainsi, notre intention actuelle est d’identifier, à l’aide d’un logiciel, les
mots ou les termes chromatiques qui présentent un nombre d’occurrences assez signifi catif pour
en tirer une conclusion, ainsi que des séquences construites avec les termes les plus représentatifs.
Par conséquent, le logiciel choisi nous permettra de compter les éléments qui nous
intéressent, d’en extraire les informations que nous trouvons pertinentes et de classer d’une
manière objective les résultats des requêtes lancées sur la plateforme.

3.1. Démarche
Pour rassembler tous les termes qui appartiennent au champ terminologique des quatre
couleurs que nous analysons, nous avons utilisé deux méthodes :
 une méthode traditionnelle au début de notre recherche, qui a été plutôt une approche
catégorielle, selon laquelle nous avons recensé sur des fiches thématisées les mots et

304
termes de couleur, les mots -clés qui sont les mots les plus représentatifs et les plus
fréquents puisque c’est autour d’eux que se construisent les quatre monographies, ainsi que
les domaines où ils apparaissent au fur et à mesure que nous les rencontrions dans la
lecture des ouvrages de Michel Pastoureau et
 puisque l’exploitation des textes bruts d’une quantité considérable est quasiment
impossible à réaliser selon la méthode traditionnelle, nous avons eu recours également à
une méthode plus m oderne de traitement automatique de texte pour l’approche quantitative
et automatisée ; nous l’avons utilisée pour l’extraction terminologique de notre corpus des
éléments qui composent le champ terminologique des couleurs et pour observer les
paradigmes d es mots vedette que nous les avons placés comme pôles autour desquels
s’organisent le discours de Pastoureau, selon cette approche distributionnelle.
Pour ce qui est de la première méthode, nous avons présenté les résultats de notre travail
dans les chapitres précédents. En ce qui concerne la deuxième, nous rappelons brièvement
comment nous procédé : nous avons numérisé les quatre ouvrages de Michel Pastoureau et nous
l’avons exploité ensuite à l’aide du logiciel TXM 0.7.8 pour faire le tri des termes de couleur tout
d’abord et puis les éléments qui composent le champ terminologique des quatre termes -pivot, pour
collecter automatiquement de notre corpus les terme s pertinents pour notre analyse.
Le logiciel choisi nous a servi d’outil pour identifier p lus aisément les termes et pour
extraire également les contextes dans lesquels ces termes apparaissent, les références, à établir des
listes de fréquences, des index, les concordances et les cooccurrences , tout comme des calculs de
la progression des term es dans le corpus analysé.
Nous allons présenter brièvement ces fonctions du logiciel, telles que le Manuel de TXM131
explique. Ainsi,
 avec la fonction « Lexique », nous pouvons établir la « liste hiérarchique des
valeurs d’une propriété de mot sur l’ensemble d’un corpus », mais elle peut
s’appliquer aussi à des sous -corpus pour mesurer la fréquence du lemme recherché ;
 la fonction « Index » sert à dresser la « liste hiérarchique de combinaisons de
valeurs de propriétés de mots pour toutes les occur rences d’une requête CQL
donnée » ;

131 Manuel de TXM , Version 0.7, Juillet 2015, Copyright © 2013 -2015 – ENS de Lyon & Université de Franche –
Comté – http://textometri e.ens -lyon.fr , Copyright © 2011 -2012 – ENS de Lyon – http://textometrie.ens -lyon.fr .
Copyright © 2008 -2010 – projet ANR Textométrie

305
 la fonction « Concordances » du logiciel TXM « cherche les occurrences d’un
motif exprimé à l’aide d’une requête CQL et affiche les résultats contextualisés
sous forme de concordances kwic » ;
 nous pouvons également ut iliser la fonction « Progression » de la plateforme qui
« affiche l’évolution d’un ou de plusieurs motifs au fil du corpus » ;
 la fonction « Cooccurrences » sert à calculer « les cooccurrents d’une requête
CQL » ; elle sert à calculer les termes coocurren ts soit d’un lemme, soit d’une
séquence construite avec le lemme et une autre catégorie ;
 la fonction « Spécificités » remplit toujours une fonction de calcul : elle s’occupe
des « valeurs de propriétés les plus spécifiques de chaque partie d’une partition » et
 la fonction « AFC » nous sert à calculer « l’analyse factorielle des correspondances
d’une partition pour une propriété de mots donnée et affiche le premier plan
factoriel ».
Le but de cette partie de notre recherche vise :
 l’observation des caractéristiques de notre corpus, surtout du contexte linguistique ;
 une étude sémantique quantitative de la terminologie des couleurs dans notre corpus
relevant du domaine historique ;
 la classification selon divers paramètres des termes relevant du champ des couleurs , dans
une tentative de créer des sous -ensembles cohérents ;
 la classification des termes de couleur par domaines d’activité :
o les termes appartenant à la langue générale et
o les termes appartenant à la langue spécialisée ;
 l’identification d’ un (ou de plusieurs) domaine(s) de prédilection dans la manifestation de
la couleur au long des siècles ;
 l’observation de la migration des termes d’un domaine à l’autre, de la circulation des mots
/des termes entre la langue spécialisée et la langue génér ale, en vérifiant de la sorte si les
domaines sont bornés, complètement délimités de la langue générale ou s’il existe un
continuum terminologique ;
 l’analyse de la possibilité de réalisation d’une cartographie sémantique des termes de
couleur et d’un glossaire de termes chromatique en utilisant les résultats de cette récolte de
données de ce corpus.

306
3.2. Champ terminologique des couleurs dans l’œuvre de Michel Pastoureau
Dans les pages précédentes, nous avons démontré l’appartenance des monographies
consac rées aux quatre couleurs dont l’auteur est Michel Pastoureau au discours scientifique, au
discours spécialisé, plus exactement au discours historique.
En ce qui suit, nous allons nous pencher sur la terminologie chromatique, qui dans ce cadre
général de l a langue de l’histoire occupe seulement un segment, puisque, comme nous l’avons
maintes fois affirmé, un ouvrage historique doit englober tous les domaines de l’activité humaine,
depuis la vie quotidienne jusqu’aux domaines les plus spécialisés. Mais ce se gment spécialisé dont
nous parlons se révèle à son tour très riche, parce que la couleur se manifeste dans beaucoup de
domaines, et nous nous proposons d’en dresser l’inventaire dans les pages qui suivent.

3.3. Classification scientifique des couleurs
L’aspe ct qui nous intéresse à ce stade est celui de la réalité des couleurs, qui « se définit
comme le pigment physiquement et chimiquement identifiable et analysable de la couleur, la
matière de la couleur » et qui « reçoit son contenu et son sens humain » (Itt en, 1967 : 19) par le
biais de notre perception. Dans toutes les classifications de la couleur, ces critères doivent se
manifester et l’importance de choix de l’un ou de l’autre en position principale dépend
uniquement de ce que le chercheur qui s’y appliq ue veut démontrer.
À son tour, Chérif Zananiri (2000 : 45) synthétise les manières de classer les couleurs de la
manière suivante :
« 1. Selon une approche purement visuelle : Chevreul, Munsell, Ostwald, etc.
2. Selon une approche purement physique : RVB, CIE XYZ, etc.
3. Selon une approche physique, mais corrigée par les données de la psychométrie : CIE
Lab, CIE Luv, etc. ».
Puisque dans l’œuvre de Michel Pastoureau nous trouvons des renvois à la science et aux
recherches en la matière, nous nous guiderons dans notre démarche selon les critères que l’auteur
a lui-même abordés dans son travail.
Ainsi, nous allons commencer par la classification la plus connue et généralement acceptée,
celle qui distingue des couleurs primaires et des couleurs secondaires .
La première opposition, primaire / secondaire , provient du constat, comme le souligne
Robert Chal avoux (2005 : 7) qu’« il est impossible d’obtenir du jaune par le mélange d’autres
couleurs », ce qui signifie que « cette couleur est dite primaire parce qu’el le est irréalisable par
mélange ». Selon l’auteur, les trois couleurs primaires ( jaune, magenta et cyan ou CMJ ) sont les

307
plus claires couleurs des couleurs pures de leur catégorie. En outre, il précise pour chacune
l’absence d’une autre couleur dans leur o btention et le fait qu’elles servent à obtenir d’autres
couleurs. C’est le point de vue qui relève de la classification des couleurs selon la synthèse
soustractive, parce que, vues par le biais de la synthèse additive, les couleurs primaires
généralement a dmises sont le rouge, le vert et le bleu (RVB).
Pour revenir à l’auteur sur l’œuvre duquel repose notre corpus, nous constatons qu’il
présente les deux classifications en présentant l’évolution de la théorie des couleurs. D’un point de
vue quantitatif :
CORPUS
couleur(s) primaire(s) 20 occurrences132
couleur(s) secondaire(s) 4 occurrences133.
couleurs complémentaires134 9 occurrences135, les variantes véhiculées par Pastoureau pour une
couleur ayant ce statut étant celle de
couleur(s) du second rang (3 occurrences) , couleur(s) mixte(s) (3
occurrences)
Tableau 44 : Couleurs primaires, secondaires, complémentaires

3.4. Résultats de la recherche
Conformément au logiciel TXM, la taille totale de notre corpus est de 250258 occurrences,
mais en fait seulement 17506 sont vraiment des mots, puisque le logiciel enregistre également les
caractères spéciaux ou les signes de ponctuation (par exemple, la vi rgule compte 17090
occurrences, la préposition de 9226 occurrences, etc.).
Dans un premier temps, nous allons présenter les occurrences des quatre termes de base
dans les quatre ouvrages de Michel Pastoureau136.

132 Nous avons lancé la requête de la séquence en espèce et nous avons obtenu le résultat suivant : Concordance de
<[frlemma="couleur"][frlemma="primaire"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 20 occurrences
133 En utilisant la même fonction Concordances du logiciel TXM pour mesurer des occurrences de cette séquence,
nous avons obtenu : Concordance de <[frlemma="couleur"][frlemma="secondaire"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU 4 occurrences.
134 Cette dénomination apparaît, selon Michel Pastoureau, au XIXe siècle. Selon Jean Rudel (1999 :63), les couleurs
complémentaires sont « des couleurs diamétralement opposées (bleu/orange par exemple). Toute couleur primaire
devenant la complémentaire d’une opposée, excluant sa présence par mélange. »
135 La requête des c oncordances sur la plateforme TXM a eu le résultat suivant : Concordance de
<[frlemma="couleur"][frlemma="complémentaire"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 9
occurrences
136 La requête sur la plateforme TXM a généré le résultat suivant : « Index de <[] > avec la propriété [word] dans le
corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU ».

308

Figure 32 : Capture d’écran selon le critère de la fréquence des occurrences

3.4.1. Les termes bleu, noir, rouge et vert
En utilisant TXM dans l’analyse de notre corpus, nous avons constaté le résultat suivant :
le nombre des occurrences signalées par le logiciel pour le terme bleu est 707, le terme noir
enregistre 855 occurrences, le terme rouge 1035 occurrences et le terme vert 864 occurrences137.
Ces occurrences sont distribuées comme suit dans chacun des ouvrages sur lesquels repose
notre corpus :

Figure 33 : Graphique de spécificité du terme bleu

137 Voir Annexe 5. Captures d’écran TXM occurrences, p. 429-430.

309

Figure 34 : Graphique de spécificité du terme noir

Figure 35 : Graphique de spécificité du terme rouge

Figure 36 : Graphique de spécificité du terme vert

310
Nous précisons que nous avons importé sur la plateforme TXM quatre fichiers
correspondant aux quatre ouvrages de Pastoureau. Ainsi, nous avons pu réaliser une telle requête
qui enregistre d’une part le nombre total d’occurrences et d’autre part les occurre nces de chacun
des termes chromatiques dans les quatre fichiers séparément.
Dans les images ci -dessus, en première position se trouve le fichier Bleu. Histoire d’une
couleur , en deuxième position le fichier correspondant à Noir. Histoire d’une couleur , en
troisième position le fichier comprenant Rouge. Histoire d’une couleur et en dernière position
celui correspondant à Vert. Histoire d’une couleur . De ces graphiques, nous remarquons que
chaque couleur est présente dans les trois autres monographies, mais le nombre d’occurrences le
plus significatif est inventorié, bien évidemment, dans le fichier correspondant à l’ouvrage qui lui
est consacré.
Pour mieux comprendre les résultats de cette requête, nous les présentons en ce qui suit
sous la forme d’un tableau où nous introduisons les quatre couleurs et les quatre ouvrages, pour
noter la fréquence de chaque terme distribuées par monographies étudiées :
Couleur Bleu
707 Noir
855 Rouge
1035 Vert
864 Ouvrage
Bleu. Histoire d’une couleur 351 97 151 57
Noir. Histoire d’une couleur 101 569 117 71
Rouge. Histoire d’une couleur 95 85 626 50
Vert. Histoire d’une couleur 160 104 141 686
Tableau 45 : Fréquences des termes bleu, noir, rouge et vert dans les quatre ouvrages de Michel Pastoureau

Sous la forme graphique, à l’aide de la fonction « Spécificités » (fonction qui sert à
calculer les valeurs de propriétés spécifiques des parties qui composent une partition, dans notre
cas les valeurs des quatre parties correspondant chacune à un ouvrage de Miche l Pastoureau, leur
ordre dans le graphique étant celui rappelé ci -dessus), le logiciel TXM a généré le résultat suivant :

311

Figure 37 : Graphique de spécificité bleu, noir, rouge et vert dans les quatre ouvrages
Nous devons préciser cependant que , dans le tableau ci -dessus, nous avons marqué
seulement les occurrences des quatre termes au masculin singulier, parce que notre corpus ne se
caractérise pas par un degré très élevé de lemmatisation138, il ne prend compte dans ce calcul ni les
variations en nombre et en genre pour une même requête, ni les termes écrits en majuscules, osant
ainsi affirmer que c’est une lacune en la matière du logiciel que nous avons utilisé.
Nous devrions donc utiliser les termes bleu, noir, rouge et vert comme lemmes ou termes
canon iques, mais même si le logiciel ne nous aide pas en ce sens, nous ne devons pas oublier que,
si les termes sont des noms , ils peuvent également être employés au pluriel ( les bleus, les noirs, les
rouges et les verts ) et si ces termes sont adjectifs , ils s’ accordent en genre et en nombre avec le
substantif qu’ils déterminent, ce qui arrive très souvent dans le texte de Michel Pastoureau, à partir
des structures comme la couleur bleue, la couleur rouge, la couleur noire et la couleur verte ,
jusqu’à toute autr e structure construite selon le moule N + Adj. de couleur (par exemple, des tons
bleus, des pigments bleus, les cheveux rouges, des fonds rouges, vêtements noirs, matière noire, la
teinture verte, terres vertes ).

138 Le Trésor de la Langue Française informatisé définit la lemmatisation comme une « Forme graphique choisie
conventionnellement comme adresse dans un lexique », définition accessible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1270099410 , dernière consultation le 8 juin 2017.

312
Par conséquent, puisque le logiciel traite les formes déclinées comme des entrées séparées,
dans le but de réaliser une statistique complète et en même temps correcte, nous avons effectué
une nouvelle recherche avec la fonction « Index », en utilisant une requête selon le modèle
« <[frlemma="bleu" ] | [frlemma="rouge"] | [frlemma="noir"] | [frlemma="vert"]> »139, en
obtenant de la sorte de nouveaux résultats : aux occurrences initiales du terme
a) bleu (707) s’ajoutent 119 occurrences de bleus , 74 de bleue , 16 de BLEU , 6 de Bleus , 5 de
bleues et 4 de Bleu ;
b) noir (855) s’ajoutent 149 occurrences de noirs , 99 de noire et 32 de noires, 10 de Noir, 5
de Noirs, et encore 10 de NOIR ;
c) rouge (1035) s’ajoutent 176 occurrences de rouges , 11 de Rouge, 4 de ROUGE et 3 de
Rouges ;
d) vert (864) s’ajoutent 165 occurre nces de verts , 159 de verte et 30 de vertes , 10 de Vert et 8
de Verts.

Graphiquement140, la situation se présente sous la forme suivante :

Figure 38 : Graphique de la progression des termes bleu, noir, rouge, vert et de leurs formes déclinées

139 Le résultat obtenu avec le logiciel TXM est « Index de <[frlemma="bleu"] | [frlemma="rouge"] | [frlemma="noir"]
| [frlemma="vert"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU . Terminé : 25 items
pour 4500 occurrences. ».
140 Le résultat obtenu avec le logiciel TXM est :« Calcul de la progression de CORPUSMICHELPASTOUREAU avec
la requête : [[word="rouge"], [word="vert"], [word="noir"], [word="bleu"], [word="rouges"], [word="verts"],
[word="verte"], [word="noirs"], [word="bleus"], [word="noire"], [word="bleue"], [word="noires"], [word="v ertes"],
[word="BLEU"], [word="bleues"], [word="Bleus"], [word="Noir"], [word="Rouge"], [word="Noirs"],
[word="ROUGE"], [word="Vert"], [word="Bleu"], [word="Rouges"], [word="NOIR"], [word="Verts"]], la structure :
null, la propriété : null, cumulatif: true . Terminé : [1035, 864, 855, 707, 176, 165, 159, 149, 119, 99, 74, 32, 30, 16, 5,
6, 10, 11, 5, 4, 10, 4, 3, 10, 8] positions a ffichées » .

313
Un autre terme qui est en fait commun aux quatre termes inventoriés dans le tableau ci –
dessus est l’archilexème couleur , qui enregistre 2743 occurrences141, surclassant ainsi tous les
termes de couleur. Une explication pourrait être, d’une part, le fait qu’i l est commun à tous les
quatre termes que nous étudions et, d’autre part le fait que ce terme « peut désigner, soit une
lumière, soit un corps ou une sensation colorée » (Séguy, 1936 : X).
En outre, c’est le terme qui enregistre le plus grand nombre de co occurrences avec les
quatre termes de couleur142. Ainsi, vu l’importance de la couleur, nous avons effectué le calcul de
la progression143 de ces termes dans les ouvrages de Pastoureau correspond au graphique suivant :

Figure 39 : Graphique de la progression des concordances couleur bleue, couleur noire, couleur rouge et couleur
verte
Si nous comparons le nombre d’occurrences du terme bleu, du terme noir, du terme rouge
et du terme vert et les occurrences de couleur bleue, couleur n oire, couleur rouge et couleur verte
nous obtiendrons le résultat suivant :

141 Nous avons eu recours à la fonction Index sur la plateforme TXM, obtenant ainsi le résultat : Index de
<[frlemma="c ouleur"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 5 items
pour 2743 occurrences
142 Le résultat de la requête effectuée avec la fonction Index de la plateforme TXM est : « Index de
<[frpos="NOM"][frlemma="rouge"] | [frpos="NO M"][frlemma="bleu"] | [frpos="NOM"][frlemma="noir"] |
[frpos="NOM"][frlemma="vert"]> avec la propriété [word] dans la partition CORPUSMICHELPASTOUREAU.
Terminé : 393 items pour 953 occurrences ».
143 Nous avons calculé la progression de toutes ces formes à l ’aide du logiciel TXM et le résultat est : Calcul de la
progression de CORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : [[word="couleur"] [word="verte"],
[word="couleur"] [word="bleue"], [word="couleur"] [word="rouge"], [word="couleur"] [word="noire"]], la structu re :
null, la propriété : null, cumulatif: true. Terminé : [84, 42, 36, 29] positions affichées.

314
bleu vs. couleur bleue 707 vs. 42
noir vs. couleur noire 855 vs. 29
rouge vs. couleur rouge 1035 vs. 36
vert vs. couleur verte 864 vs. 84
Il est à remarquer d’une part la différence très grande d’occurrences entre les deux
possibilités de dénomination (le terme de couleur versus la collocation couleur + ADJ. terme de
couleur , et d’autre part la préférence évidente de Michel Pastoureau en ce qui concerne la
première variante. Il parle du bleu, du noir, du rouge et du vert en les considérant de vrais
concepts.
Nous avons également identifié d’autres couleurs dans les quatre monographies, dont les
occurrences sont les suivantes :
 blanc 527, bla ncs 41, blanche 48 et blanches 13 ;
 jaune 305, jaunes 44;
 gris 126, grise 6, grises 3,
 brun 47, bruns 37, brune 3, brunes 4 ;
 violet 85, violets 19 et violettes 1 ;
 rose 64 et roses 25 ;
 ocre 13, ocres 9
 orange 2.
Leur présence dans le texte de Michel Pastoureau est justifiée par le fait qu’une couleur de
se développe pas seule, elle se construit et trace son chemin par rapport aux autres, dont elle a
besoin soit pour prendre naissance ou pour exister, soit pour s’y opposer. Le nombre
d’occurrences le plus significatif est enregistré par le terme blanc144, dont l’histoire est étroitement
liée à celle du noir. Le jaune aussi compte un nombre grand d’occurrences, puisque selon
Pastoureau (2008 : 7), « Parler du vert, c’e st nécessairement parler du bleu, du jaune, du rouge et
même du blanc et du noir ».
Nous voudrions introduire dans cette sous -section l’analyse du terme chromatique , dont les
occurrences s’élèvent à 105 (64 à la forme de singulier et 41 à la forme de pluri el)145,
conformément au logiciel TXM.

144 Même si certains chercheurs traitent du blanc comme d’une non -couleur, Michel Pastoureau et Annie Mollard –
Desfour lui consacrent le statut de couleur, tout c omme au noir. Mollard -Desfour lui consacre son ouvrage Le Blanc.
Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui XXe-XXIe, 2008, Paris, CNRS Éditions, qui comprend
les mêmes sections que les autres couleurs qui font le sujet de ses dictionnaires : après la partie dédiée au blanc
comme adjectif et comme substantif, l’auteur continue avec les dérivés du blanc et avec les variat ions sur le blanc.
145 À l’aide de la fonction Index, nous avons obtenu le résultat suivant sur la plateforme TXM : Index de
<[frlemma="chromatique"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2
items pour 105 occurrences.

315
Il nous semble intéressant également d’identifier les éléments avec lesquels ce terme forme
des séquences servant à transmettre des informations sur les couleurs ou à grouper les termes de
couleur.
Par conséquent, en la nçant une requête de NOM + lemma chromatique sur la plateforme
TXM, nous avons obtenu 97 occurrences146, exprimées par les séquences suivantes :
adjectifs chromatiques (2), attribut chromatique (1), austérité chromatique (3), axe(s)
chromatique(s) (2), cercle(s) chromatique(s) (5), champ chromatique (1), circulation chromatique
(1), classifications chromatiques (2), code(s) chromatique(s) (4), compétition chromatique (1),
culture chromatique (1), déclinaison chromatique (1), dérives chromatiques (1), éch elle(s)
chromatique(s) (5), économie chromatique (3), effets chromatiques (1), environnement
chromatique (1), formules chromatiques (1), gamme(s) chromatique(s) (3), généalogie chromatique
(2), harmonie chromatique (2), hiérarchie chromatique (2), insignes chromatiques (2), intensité
chromatique (1), jeux chromatiques (1), labyrinthe chromatique (1), lexique chromatique (1),
libertés chromatiques (1), marques chromatiques (1), musique chromatique (1), mutations
chromatiques (3), ordre chromatique (4), palet te chromatique (1), plan chromatique (1), pôles
chromatiques (2), préférences chromatiques (1), prescriptions chromatiques (2), primauté
chromatique (1), processus chromatique (1), propriétés chromatiques (1), questions chromatiques
(1), référents chromati ques (1), répertoire chromatique (1), révolution chromatique (1), sens
chromatique (1), sensibilité chromatique (1), séquence chromatique (2), spécificité chromatique (1),
syntaxe chromatique (1), système(s) chromatique(s) (6), tabous chromatiques (1), top os
chromatique (1), univers chromatique (1), usages chromatiques (1), valeurs chromatiques (1),
vérité chromatique (1), vocabulaire chromatique (2), vulgarités chromatiques (1).
De cette présentation il résulte que les quatre termes de couleurs, en tant qu ’adjectifs et en
tant que substantifs, qui font l’objet de notre recherche enregistrent le plus significatif nombre
d’occurrences chacun dans l’ouvrage qui lui est consacré, mais chacun des termes est présent
également, et le nombre d’occurrences n’est pas du tout à négliger, dans les autres ouvrages.
Nous pouvons comprendre ce phénomène grâce aux histoires écrites par Michel
Pastoureau qui prend en considération tous les aspects de la vie humaine et qui fait toujours
référence aux autres couleurs, soit pou r constater leur évolution commune, soit pour suivre le
chemin individuel de chacune , tout en mettant en relief leur séparation ou leur croisement.
3.4.2. Attributs de la couleur dans notre corpus . Concordances
En ce qui suit nous allons montrer quels sont les attributs de la couleur, tels que nous les
avons identifiés à l’aide de TXM en utilisant la fonction « Concordances » sur la plateforme.

146 Le résultat exact de notre requête avec le logiciel TXM est : Concordance de
<[frpos="NOM"][frlemma="chromatique"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 97 occurrences. Nous
avons également calculé sur la plateforme les cooccurrents du terme et le résultat a enregistré : Calcul des
cooccurrents de <[frlemma="chromatique"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 105
occurrences de pivot et 69 cooccurrents, mais nous avons extrait les séquences du résultat Concordances, ces groupes
terminologiques éta nt à notre avis plus intéressants.

316
Selon Dubois et al. (2012 : 108), « [e]n lexicographie, une concorda nce est un index de
mots présentés avec leur contexte » et « l’indexation des mots d’un texte, d’un auteur, d’une
époque fournit des renseignements sur les références des mots et éventuellement sur leur
fréquence ».
Nous profitons des fonctions du logiciel TXM pour mettre en lumière d’une part le
contexte, les cooccurrents, et d’autre part les occurrences de chaque terme qui présente un intérêt
particulier dans notre recherche. Ainsi, les requêtes lancées sur la plateforme TXM serviront à un
double objectif : observer la manière des sociétés européennes de percevoir les quatre couleurs au
fil des siècles et la place qu’elles leur ont accordée, d’une part, et d’autre part les critères selon
lesquels les couleurs étaient catégorisées.
Nous présenterons dans les pages suivantes les résultats de la requête des concordances147
des quatre termes de couleur bleu, noir, rouge et vert dans les quatre ouvrages de Pastoureau
effectuée sur la plateforme TXM, plus précisément une requête des quatre termes de couleur que
nous analysons apparaissant dans notre corpus déterminés par un adjectif148.
Pour ce qui est de ces concordances, ce que nous avons recherché est une formule du type
« TC149 + ADJ. », et le logiciel a extrait le résultat sous la forme suivante150 :

147 Le résultat de l a requête lancée sur la plateforme TXM de la c oncordance de <[frlemma="bleu"][frpos="ADJ"]>,
de <[frlemma="noir"][frpos="ADJ"]>, de <[frlemma=" rouge"][frpos="ADJ"]> et de
[frlemma="vert"][frpos="ADJ"]> .
148 Nous avons lancé des requêtes pour chacune des quatre lemma selon le modèle
« [frlemma="bleu"][frpos="ADJ"][][][] », pour pouvoir identifier également les situations où dans le texte le terme de
couleur est accompagné d’épithètes jointes ou coordonnées, mais nous en avons introduit dans le tableau séparément
les résultats, puisqu’en réalité les adjectifs en espèce se rapportaient au terme de couleur de façon indépendante.
149 Nous allons utiliser l’abréviation TC pour désigner le « terme de couleur ».
150 Nous avons lancé la requête pour chaque couleur séparément et, dans un but illustratif, nous présentons pour
l’instant seulement une capture d’écran, celle correspondant à la recherch e des concordances de bleu, tout en préférant
de marquer les résultats d ans un tableau qui comprenne tous les résultats obtenus sur la plateforme TXM.

317

Figure 40: Capture d’écran « Concordance de <[frlemma="bleu"][frpos="ADJ"] »

Nous les organiserons sous la forme d’un tableau pour y introduire tous les résultats
obtenus à la suite des quatre requêtes et le nombre d’occurrences151 dans le but d’une observa tion
plus facile qui conduise à une comparaison et à une interprétation :
bleu – 24
O. noir – 46
O. rouge – 53
O. vert – 60
O.
bleu clair
bleu foncé
bleu marine
bleu national
bleu romantique
bleu dense
bleu égyptien
bleu sombre
bleu terne
bleu gothique
bleu moyen
bleu militaire
bleu moral
bleu pâle 9
7
4
3
3
2
2
2
2
2
2
1
1
1 noir vestimentaire
noir princier
noir fertile
noir moral
noir clunisien
noir négatif
noir rebelle
noir royal
noir terne
noir bénédictin
noir bénéfique
noir biblique
noir catholique
noir chtonien 5
4
3
3
2
2
2
2
2
1
1
1
1
1 rouge viril
rouge médiéval
rouge communiste
rouge chrétien
rouge brillant
rouge flamboyant
rouge politique
rouge vif
rouge vestimentaire
rouge cosmétique
rouge admirable
rouge anglais
rouge aride
rouge artificiel 3
2
2
2
2
2
2
2
1
1
1
1
1
1 vert foncé
vert gai
vert tendre
vert clair
vert perdu
vert émeraude
vert galant
vert vestimentaire
vert criard
vert dense
vert franc
vert pur
verts traditionnels
verts végétaux 8
8
5
4
4
3
3
3
2
2
2
2
2
2

151 Les occurrences sont marquées d ans les col onnes plac ées à droite de chaque concordance, en tête de liste figurant,
pour chaque terme, les concordances dont le nombre d’occurrences est le plus élevé, la liste continuant ainsi dans un
ordre décroissant.

318
bleu profond
bleu romantique
bleus artificiels
bleus denses
bleus foncés
bleus profonds
bleus royaux
bleus ternes
bleu subtil
bleu verrier
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1 noir curial
noir diabolique
noir fécond
noir fécondant
noir humble
noir luxueux
noir majestueux
noir mat
noir matriciel
noir moderne
noir omniprésent
noir ordinaire
noir ouvert
noir policier
noir primordial
noir profond
noir protestant
noir sale
noirs denses
noirs durs
noirs légers
noirs magnifiques
noirs mats
noirs
photographiques
noirs textiles
noirs uniformes
noirs unis
noirs végétaux
noirs
vestimentaires
noir traditionnel
noir uniforme
noir valorisant
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

1
1
1
1
1

1
1
1
1

rouge belle
rouge censé
rouge charnel
rouge christologique
rouge clair
rouge comparable
rouge cramoisi
rouge criard
rouge distinctif
rouge érotique
rouge garance
rouge grand
rouge habituel
rouge intense
rouge magique
rouge protecteur
rouge purificateur
rouges égyptiens
rouge pontifical
rouge prophylactique
rouge salvateur
rouges brunâtres
rouges clairs
rouges éclatants
rouges foncés
rouges noirâtres
rouge somptueux
rouges sombres
rouge stérile
rouges ternes
rouges
vestimentaires
rouge théâtral
rouge turc
rouge unie
rouge vermillon
rouges mêlés
rouges rompus
rouges grisés
rouges désaturés 1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1 vert absolu
vert administratif
vert apaisant
vert aqueux
vert bleuté
vert brunâtre
vert clinique
vert désaturé
vert étrange
vert européen
vert frais
vert germanique
vert hasardeux
vert hygiénique
vert isolé
vert jaune
vert lisse
vert poisseux
vert médical
vert menaçant
vert national (de
l’Irlande)
vert négatif
vert neuf
vert ordinaire
vert pâle
vert propre
vert protecteur
vert romantique
verts admirables
verts artificiels
verts graves
verts littéraires
verts lourds
verts métalliques
verts mondiaux
verts noirâtres
verts radieux
vert Scandinave
vert sédatif
vert solide
vert sombre
verts tendres
verts ternes
vert végétal
vert vif
vert visqueux 1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
Tableau 46 : concordances bleu, noir, rouge et vert + ADJ.

319
De l’analyse du tableau ci -dessus nous pouvons tirer quelques conclusions :
 quantitativement, les concordances de vert sont les plus nombreuses et le nombre des
concordances de bleu est le moins riche ;
 tous les adjectifs sont postposés au nom ; en outre, il est bien connu le fait que les adjectifs
indiquant la couleur se placent ordinairement après le nom, mais dans ce c as il s’agit des
noms de couleurs qui sont suivis d’adjectifs ; ainsi, nous pouvons affirmer que dans le
texte de Pastoureau il existe également des adjectifs antéposés aux quatre noms de couleur,
mais leur nombre est assez réduit. Nous citons quelques exe mples : mauvais noir, mauvais
rouge, mauvais vert, bon vert, beau bleu, beau rouge. Ce sont les adjectifs très courants qui
se placent ordinairement avant le nom ;
 l’opposition clair / sombre ou foncé , relevant de la lumière, apparaît dans les concordance s
de bleu, de rouge et de vert, mais cette opposition n’est pas présente dans le cas du noir ;
 l’opposition mat / brillant , relevant toujours de la lumière, sont enregistrées dans les
concordances de noir et de rouge (dans ce dernier cas nous avons trouvé seulement le
terme brillant ) ;
 la matière est caractérisée par l’opposition saturé / désaturé , dont nous avons identifié
seulement le deuxième terme dans « rouges désaturés » et « vert désaturé » ;
 des oppositions qui caractérisent la surface uni / composi te ou lisse / rugueux , nous avons
identifié uni avoisinant noir et rouge et lisse avoisinant le lemme vert ;
 les traits les plus saillants des quatre termes sont assez différents : bleu clair (9
occurrences), noir vestimentaire (5 occurrences), rouge viril (3 occurrences) et vert foncé
(8 occurrences). Par cette différence identifiée nous nous référons à l’appartenance de
l’épithète à des classes différentes. Ainsi, du point de vue sémantique, il est intéressant
d’identifier s’il s’agit d’épithètes de natur e, de caractère ou de circonstance152.
Pour approfondir les concordances des quatre termes analysés, nous avons lancé une
nouvelle requête, cette fois -ci dans le but d’identifier les séquences formées d’une des quatre
termes de couleur et d’un nom « TC + N ». Comme dans le cas précédent, nous allons présenter
les rés ultats sous forme d’un tableau.

152 Nous avons emprunté cette typologie selon laquelle il existe des épithètes de nature, des épithètes de caractère et
des épithètes de circonstance de Maurice Grevisse et André Goosse, Le bon usage. Grammaire française , 2011, 15e
édition, Bruxelles, Éditions De Boeck Université, p. 424.

320
bleu – 6 O. noir – 0 O. rouge – 3 O. vert – 3 O.
bleu marine
bleu ciel
bleu horizon
bleu chevalier
bleu outremer
bleu turquoise 7
6
4
1
1
1 – – rouge sang
rouge feu
rouge garance
5
3
2
verts outremer
vert épinard
vert printemps
3
2
1
Tableau 47 : Concordances bleu, noir, rouge et vert + N
Nous précisons que les résultats de ces requêtes contenaient également des termes qui ne
remplissaient pas les critères requis (d’appartenir à la catégorie des adjectifs, par exemple), et nous
avons fait un tri avant de les introduire dans le tableau. Pour ce faire et pour ne pas nous tromper,
nous avons vérifié le contexte153.
Par exemple, le logiciel a sélectionné les séquences « bleu demeure », « rouge demeure »,
« rouge garde », « bleu joue », « vert joue », « noir reste », ce qui s’explique par le fait que les
mots demeure, garde, joue et reste peuvent être à la fois substan tifs et formes fléchies au présent
de l’indicatif des verbes demeurer, garder, jouer et rester .
C’est uniquement par la vérification dans le contexte que nous avons pu identifier leurs
valeurs : pour la première séquence, Pastoureau (2000 : 35) notait : « pendant le haut Moyen Âge,
le bleu demeure discret dans la vie quotidienne » et « le bleu demeure pratiquement absent de
l’église et du culte chrétien » et pour la seconde ( Idem , 45) « le bleu joue désormais un rôle
essentiel » ; pour « noir reste » l’a p hrase de Pastoureau (2008 : 35) est la suivante : « le noir reste
pour eux la couleur de la mort » ; le contexte de « rouge garde » Pastoureau (2016 : 126) affirme
« le rouge garde sa place au centre de l’axe » et quant à « vert joue », Pastoureau (2000 : 23)
mentionne « Souvent le vert joue un rôle voisin et les deux couleurs sont associées ».
Dans d’autres exemples, comme bleu moyen et noir brillant , les mots moyen et brillant ne
sont pas substantifs dans ce contexte, ce sont des adjectifs ; dans bleu fo ncé de deuxième terme
peut être participe passé ou adjectif, en espèce étant sans aucun doute adjectif, etc.
Par conséquent, nous avons attentivement analysé chaque séquence extraite
automatiquement et c’est pour cette raison que le nombre de concordances avec un nom est si
réduit (voire zéro dans le cas du noir).
Dans le cas du bleu, les résultats affichés initialement par TXM étaient :
bleu demeure, bleu lumineux, bleu joue, bleu cesse, bleu roman, bleu moyen, bleu chevalier, bleu
est, bleu foncé, bleu une, bleu ciel, bleus produits, bleu horizon, bleu marine, bleu outremer , bleu
turquoise, bleus fermeté

153 Le logiciel permet de consulter le texte où il a identifié les termes à l’aide de l’option « Afficher en plein texte ».

321
De ces séquences, nous avons retenu seulement celles que nous avons introduites dans le
tableau ci -dessus.
De tous les résultats enregistrés pour le noir, nous n’avons pu retenir aucun : dans les
séquences
noir brillant, noir ordinaire, vert ordinaire, noir protestant, noir catholique, noirs brillants, noirs
profonds, noirs produits, vert clinique,
le deuxième terme n’est jamais substantif dans notre corpus.
Dans le cas du rouge, les résultats de la recherche sur la plateforme TXM étaient :
rouges associés, rouge brillant, rouge chrétien, rouge communiste, rouge conserve, rouge
cosmétique, rouge Couleur, rouge demeure, rouge feu, rouge flamboyant, roug e garance, rouge
garde, rouge Malgré, rouge politique, rouge protecteur, rouge purificateur, rouge sang, rouges
clairs, rouges égyptiens, rouges rompus, rouges tabliers, rouges textiles, rouges unis .
Comme dans les deux cas précédents, en consultant le con texte nous avons gardé
seulement les collocations introduites dans le tableau ci -dessus.
Et, pour ce qui est du quatrième terme désignant une couleur, le vert, les résultats de la
requête avec le logiciel dont nous avons recensé les séquences du tableau so nt :
vert absolu, vert clinique, vert emblématisaient, vert employé, vert épinard, vert foncé, vert galant,
vert isolé, vert joue, vert ordinaire, vert printemps, vert repose, vert Scandinave, vert sédatif, verts
outremer, verts produits.
Dans tous les exemples présentés ci -dessus , nous avons retenu les séquences construites
avec les quatre termes de couleur, en séparant celles à base nominale de celles à base adjectivale,
mais nous n’avons pas fait le tri en fonction de leur appartenance à la langue gén érale ou à la
langue spécialisée. Pour chacune des quatre couleurs, nous observons la combinaison avec des
adjectifs qui peuvent servir de critère de distinction entre ces deux niveaux, mais nous allons
traiter ce sujet plus tard dans le cadre du présent c hapitre.
3.4.3. Paramètres pour la classification des couleurs
En ce qui suit nous tenterons d’effectuer une classification des termes de couleurs de notre
corpus en ayant recours aux paramètres généralement employés pour parler de la composition des
couleurs et qui jalonnent leur perception :
– la teinte , qui porte sur la couleur perçue, la couleur proprement -dite, selon laquelle
nous avons le bleu, le noir, le rouge et le vert ;
– la luminosité ou la clarté critère selon lequel la colorimétrie mesure le pourcentage du
noir contenu dans les couleurs, qui se divisent ainsi en : couleurs claires et couleurs
foncées ;

322
– la saturation , critère en colorimétrie qui donne des informations sur le pourcentage du
blanc que les couleurs contiennent. Nous avons ainsi des couleurs vives , ternes , etc.
3.4.3.1. Teinte
La teinte a, selon le TLFi, trois acceptions qui nous intéressent pour notre recherche : en
peinture, elle est définie comme « Couleur résultant du mélange de plusieurs couleurs » ; une
deuxième acception est celle de « Couleur considérée selon son degré d’intensité » et la troisième
« Couleur plus ou moins nuancée (pure ou résultant d’un mélange) »154.
En recherchant dans les quatre ouvrages de Michel Pastoureau le terme teinte , nous avons
obtenu à l’aide de la fonction Index du logiciel TXM le résultat155 suivant : 2 items pour 48
occurrences, dont 23 au singulier et 25 au pluriel. Sous une forme graphique, le résultat obtenu est :

Figure 41 : Diagramme en bâtons – Calcul des spécificités
En analysant les occurrences par ouvrage, la présence la plus réduite du terme est dans
Bleu. Histoire d’une couleur (3 au singulier et 3 au pluriel) tandis que la plus significative est
enregistrée dans Rouge. Histoire d’une couleur (9 au singulier et 9 a u pluriel).
Pour ce qui est des différentes catégories de teintes que nous avons extraites des ouvrages
de Pastoureau, nous proposons les séquences suivantes :

154 Définitions données par le Trésor de la Langue Française informatisé disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=2339653815;r=1;nat=;sol=1 ; dernière consultation le 25
juin 2017.
155 La requête [frlemma="teinte"] a généré le résultat : Index de <[frlemma="teinte"]> avec la propriété [word] dans la
partition CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items pour 49 occurrences. Puisque l’une des occurrences
porte sur la forme de participe passé du verbe teindre (« étoffes […] teintes à la pourpre » dans Rouge. Histoire d’une
couleur ), nous ne la prendrons pas en compte dans notre analyse, par conséquent, nous allons marquer uniquement 48
occurrences.

323
– teinte + Adj. [+couleur] : teinte bleue (2 occurrences), teintes verdâtres (1 occurrence), teint e
rougeâtre (1 occurrence), teintes vermeilles (1 occurrence), teintes grisées (1 occurrence),
teintes (peu) colorées (1 occurrence), teintes pastel (1 occurrence) ;
– teinte + Adj. [+luminosité] : teintes sombres (6 occurrences), teintes claires (5 occurrences),
teintes lumineuses (1 occurrence) ;
– teinte + Adj. [+saturation] : teintes vives (1 occurrence), teintes contrastées (1 occurrence),
teintes délavées (1 occurrence) ;
– teinte + Adj. [+luminosité et saturation] : teinte profonde (2 occurrences)156 ;
– teinte + Adj. épithète : teinte naturelle (5 occurrences), teinte principale (1 occurrence), teinte
dominante (1 occurrence), teinte solide (2 occurrences).
Ce paramètre s’avère, comme nous le voyons de la variété des exemples extraits des
ouvrages de M ichel Pastoureau, l’un des plus importants dans la classification des termes de
couleur.
3.4.3.2. Nuance
Un autre terme qui caractérise la couleur et sur lequel nous nous penchons à présent est le
terme nuance , entre ces trois termes ( couleur, nuance, teinte ) existant un rapport de synonymie,
pour lequel la fonction Index du logiciel TXM a identifié 2 items pour 125 occurrences157, répartis
comme suit : 30 occurrences de nuance et 95 de nuances .
Pour en avoir une représentation graphique, nous avons utilisé la fo nction Spécificités du
logiciel TXM et nous avons obtenu le diagramme en bâtons suivant :

Figure 42 : Diagramme en bâtons – Calcul des spécificités

156 Selon Zananiri, en rejoignant la luminosité à la saturation, on obtient une formule comme : foncé + saturé =
profond ou clair + saturé = vif , par conséquent nous réalisons une sous -catégorie à part pour ces caractéristiques.
157 La recherche du lemme nuance a généré le résultat suivant : Index de <[frlemma="nuance"]> avec la propriété
[word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items pour 125 occurrences .

324
Les occurrences du terme nuance (tant au singulier, qu’au pluriel) dans les quatre ouvrages
sont divisées comme suit : 26 dans l’ouvrage dédié au bleu, 24 dans celui dédié au noir, 42 au
rouge et 33 au vert. Par conséquent, une fois de plus, le rouge monte en première position,
enregist rant le nombre le plus grand d’occurrences du terme en discussion, comme dans le cas de
teinte .
Comme dans le cas du terme teinte , nous aurons recours au TLFi pour la définition du
terme nuance . Conformément à sa première acception, pour laquelle le dictio nnaire en ligne
propose comme synonyme le terme ton, la teinte représente « Intensité, degré plus ou moins fort
que peut prendre une même couleur », pouvant ainsi parler de nuances sombres ou foncées,
lumineuses ou claires ; selon la deuxième acception pro posée, elle est « Teinte qu’on peut
distinguer d’autres, à l’intérieur d’une même couleur, par le mélange légèrement différent des
composantes qui y entrent ou par la subtile différence d’intensité que présentent ces
composantes »158, par exemple nuance de r ouge ou nuance noire .
Nous essayons à présent d’établir des classes de nuances que nous avons inventoriées dans
les ouvrages de Michel Pastoureau :
– nuance + de + N [+couleur] : nuances de rouge (8 occurrences), nuances de blanc (1
occurrence), nuances de (du) noir (3 occurrences), nuance [particulière] de jaune (2
occurrences), nuances de vert (7 occurrences), nuance de brun -jaune (1 occurrence), nuances
de [ce nouveau] rose (1 occurrence), nuance [pâle et délicate] du jaune (1 occurrence) ;
– nuance + Adj. [+couleur] : nuances rouges (2 occurrences), nuances vertes (1 occurrence),
nuance noire (1 occurrence) ; nuances pourprées (1 occurrence), nuances violacées (1
occurrence), nuance grisée ou noirâtre (1 occurrence), tirant sur le gris ou sur le violet (1
occurrence), nuances bleutées (1 occurrence) ;
– nuance + Adj. [+luminosité] : nuance mate (1 occurrence), nuance éteinte (1 occurrence),
nuances foncées (2 occurrences), nuance claire (1 occurrence), nuances translucides (1
occurrence), nuance [plus] claire et [plus] chatoyante (1 occurrence) ;
– nuance + Adj. [+saturation] : nuances saturées (2 occurrences), nuances ternes (1 occurrence),
nuances effacées (1 occurrence) ;
– nuance + Adj. [+luminosité et saturation] : nuances vives (1 occurrence), nuance pâle159 [et
délicate du jaune] ;
– nuance + Adj. épithète : nuances variées (1 occurrence), nuances colorées (1 occurrence),
nuances nouvelles (2 occurrences), nuances possibles (1 occurrence), nuances inconnues (1
occurrence), nuances agréables à l’œil (1 occurrence) , nuances non toxiques (1 occurrence) ;
– nuance + de + N / + Adj. : nuances d’origine militaire (1 occurrence), nuances des couleurs (1
occurrence), nuances de qualité ou d’intensité chromatique (mat, brillant, dense, saturé, etc.) (1
occurrence).

158 Définition du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible en ligne à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3693299385 , dernière consultation le 26 juin 2017.
159 Selon Zananiri, les adjectifs relevant de la clarté et la saturation, clair et lavé, caractérisant une même couleur,
donne l’adjectif pâle.

325
À côté de la teinte , le terme nuance nous semble aussi important au niveau du champ
lexico -sémantique des couleurs, d’autant plus qu’il manifeste une affinité sémantique tant avec les
quatre termes de couleur analysés ou avec d’autres termes de couleur, qu’avec d’a utres paramètres
qui sont utilisés dans les domaines spécialisés pour caractériser la couleur.
3.4.3.3. Ton
Un autre terme dont Michel Pastoureau s’est servi pour caractériser la couleur est le ton.
Selon le Trésor de la Langue Française informatisé , le ton représente le « Degré d’intensité d’une
couleur. On parle de tons clairs ou de tons obscurs ; de tons chauds (proches du rouge) ou froids
(proches du bleu) ; de tons neutres […], de tons rompus »160 dans le domaine de la peinture et
dans celui des c ouleurs. Les synonymes proposés par le dictionnaire en ligne sont couleur, nuance,
teinte, termes que nous avons présentés dans les pages précédentes.
Comme dans le cas des autres paramètres de la couleur, nous avons utilisé le logiciel TXM
pour mesurer les occurrences du terme en espèce, le résultat161 obtenu étant 170 occurrences. De
ce nombre, il s’impose la soustraction des différentes formes de l’adjectif possessif ( ta robe, ton
chemin, tes fleurs, etc.) et le mot ton qui entre dans l’expression « il devient de bon ton » que le
logiciel a inventoriés dans la liste des tons qui nous intéressent. Puisque le nombre de ces formes
s’élève à 7, le résultat correct de notre requête est 163 occurrences.
Pour les classifier, nous avons recherché les concordance s162 du lemma ton suivi d’adjectif
et nous avons groupées les 113 concordances selon les formu les suivantes :
– ton + TC :
o tons bleus (29 occurrences) ;
o tons noirs (13 occurrences) ;
o tons rouges (19 occurrences) ;
o tons verts (14 occurrences) ;
o tons violets (3 occurrences) ;
o tons jaunes (3 occurrences) ;
o tons bruns (5 occurrences) ;
o tons roses (3 occurrences) ;
o tons orangés (1 occurrence) ;
o tons carmin, lie -de-vin, cramoisi,
brunis ou violacés (1 occurrence) ; Figure 43 : Ton + terme de couleur

160 Selon le Trésor de la Langue Française informatisé , disponible en ligne à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?16;s=3275504325;r=1;nat=;sol=5 , dernière consultation le 26
juin 2017.
161 Nous avons utilisé la fonction Concordances sur la plateforme TXM et le résultat est le suivant : Concordance de
<[frlemma="ton"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 170 occurrences .
162 Le résultat de la requête avec la fonction du Concordance du logicie l TXM a été le suivant : Concordance de
<[frlemma="ton"][frpos="ADJ"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 113 occurrences 32%
14% 21% 16% 3% 3% 6% 3% 1%
1% ton + TC
  tons bleus
tons noirs

326
– ton + DE + TC :
o tons de bleu (5 occurrences) ;
o tons de noir (3 occurrences) ;
o tons de vert(s) (5 occurrences) ;

Figure 44 : Ton + DE +terme de couleur
– ton + Adj. [±luminosité] : tons lumineux (2 occurrences), tons foncés (5 occurrences), tons
sombres (5 occurrences) ; tons mats (1 occurrence)
– ton + Adj. [±saturation] : tons ternes (2 occurrences) ; tons transparents (1 occurrence) ;
– ton + Adj. [+luminosité et saturation] : tons profonds (1 occurrence), tons vifs (1
occurrence) ;
– ton + Adj. épithète : tons nouveaux (1 occurrence), tons admirables (2 occurrences), tons
frivoles (1 occurrence), tons solides (1 occurrence), tons francs (2 occurrences), tons intenses
(1 occurrence), tons variés (1 occurrence) ;
– Adj. épithète + ton163 : nouveaux tons (7 occurrenc es), beaux tons (6 occurrences), différents
tons (3 occurrences), splendides tons (3 occurrences), autres tons (1 occurrence) et magnifiques
tons (1 occurrence).
Ce terme se révèle aussi riche au niveau des possibilités combinatoires avec d’autres
termes r elevant du domaine chromatique que les deux premiers paramètres que nous avons déjà
présentés. Comme dans le cas des deux premiers, il sert tant aux spécialistes, qu’au grand public à
parler de la couleur, ce qui justifie sa présence dans l’histoire écrite par Michel Pastoureau.
3.4.3.4. Tonalité
Un autre terme que Michel Pastoureau utilise est la tonalité , terme qui désigne l’« [e]ffet
dominant qui résulte d’un assemblage de couleurs »164. Son occurrence dans le texte n’est pas si
riche que les autres, mais nous devons cependant le prendre en compte dans notre analyse. Ainsi,
nous avons eu recours au logiciel TXM pour une statistique précise et nous avons inventorié 12
occurrences165 (7 du terme au singulier et 5 à sa forme de pluriel).

163 Nous avons utilisé deux fonction du logiciel pour identifier les occurrences et les concordances de cette formule,
ton et adjecti f antéposé : Index de <[frpos="ADJ"][frlemma="ton"]> avec la propriété [word] dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Termin é : 7 items pour 23 occurrences et Concordance de
<[frpos="ADJ"][frlemma="ton"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 23 occurrences . De ces
concordances, nous avons éliminé 2 ( bon ton ) qui n’avaient aucun rapport avec la terminologie des couleurs et, par
conséquent, cette formule enregistre 21 occurrences.
164 Conformément au Trésor de la Langue Française informatisé , disponible en ligne à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3776850390 ; page consultée le 28 juin 2017.
165 Nous avons lancé la req uête sur la fonction Index sur la plateforme TXM et le résultat obtenu est : Index de
<[frlemma="tonalité"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items
pour 12 occurrences. 39%
23% 38% ton + DE + TC
o   tons de
bleu
o   tons de
noir
o   tons de
vert(s)

327
Pour ce qui est des concordances de tonalité , nous avons identifié :
– tonalité + TC : tonalités sises entre l’ocre jaune et le jaune citron (1 occurrence), tonalités
« pastel » (1 occurrence), tonalité verdâtre (1 occurrence) ;
– tonalité + Adj. [±luminosité] : tonalités (plus) sombres (1 occurrence) ;
– tonalité + Adj. [±saturation] : tonalités (plus) denses (1 occurrence), tonalité délavée (1
occurrence) ;
– tonalité + Adj. épithète : tonalités variées (1 occurrence).
Selon Zananiri (2000 : 49), « l’aspect coloré d’une surface ou d’une lumière est le résultat
de sa tonalité et de sa saturation », trait qui sont souvent traités « en une seule propriété
d’apparence, appelée la chromaticité ». Nous allons cependant les traiter séparément, pour la
même r aison que c’est ainsi que nous les retrouvons dans notre corpus. Par conséquent, le terme
suivant dont nous allons traiter sera celui de saturation .
3.4.3.5. Saturation
Pour ce qui est du troisième paramètre, celui portant sur la saturation, nous rappelons
qu’une couleur est saturée « lorsqu’elle est à son comble de coloration, elle est alors à sa couleur
maximum » (Chalavoux, 2005 : 10) et que leur désaturation s’effectue différemment en fonction
du domaine où la couleur est employée. Le degré de saturation n’est pas identique pour toutes les
couleurs, ni même pour une même couleur. Selon Zananiri (2000 : 51), « une couleur peut être
plus ou moins saturée (plus ou moins pure), c’est -à-dire qu’on peut rajouter ou enlever du
‘blanc’ ».
Selon le critère relevant de la saturation, les couleurs se divisent en vives et ternes , nous
avons identifié dans les ouvrages de Pastoureau les séquences suivantes :
– TC + Adj. vif : vert vif (1 occurrence), rouge(s) vif(s) (4 occurrences) ;
– TC + Adj. flamboyant : rouges flamboyants (1 occurrence) ;
– TC + adv. + Adj. vif : verts plus vifs (1 occurrence), vert très vif (1 occurrence) ;
– TC + Adj. terne : bleu(s) terne(s) (3 occurrences), noir terne (2 occurrences) ,
– rouges ternes (1 occurrence), verts ternes (1 occu rrence) ;
– TC + Adj. dense : bleu(s) dense(s) (3 occurrences), noir(s) dense(s) (3
– occurrences), vert dense (4 occurrences) ;
– couleur + Adj. vif : couleur(s) vive(s) (41 occurrences) ;
– couleur + adv. + Adj. vif : couleur(s) trop vive(s) (4 occurrences), couleurs plus
– vives (1 occurrence) ;
– couleur + Adj. épais : couleur épaisse (1 occurrence) ;
– couleur + Adj. dense : couleur dense (4 occurrences) ;
– couleur + Adj. terne : couleur(s) terne(s) (2 occurrences).

328
Nous avons calculé à l’aide du logiciel TXM le graphique des termes relevant de la
saturation166 dont nous avons inventorié les occurrences dans les ouvrages de Michel Pastoureau.

Figure 45 : Progression des termes relevant de la saturation dans les ouvrages de Michel Pastoureau
Deux autres termes relevant de la saturation des couleurs sont la densité (qui compte 13
occurrences dans notre corpus) et l’opacité (pour laquelle le logiciel TXM a trouvé 4 occurrences).
Pour ce qui est du premier terme ( densité ), celui -ci enregistre 18 cooccurrents167 dans le
texte de Michel Pastoureau, dont nous éliminons les mots grammaticaux, les mots de la langue
générale et les termes qui n’ont aucun rapport avec le domaine de la couleur et il nous reste :
(a) luminosité (cofréquence 3, indice 7)168 ;
(b) matière (cofréquence 3, indice 3) ;
(c) lumière (cofréquence 3, indice 2) ;
(d) opacité (cofréquence 2, indice 5) ;
(e) texture (cofréquence 2, indice 4) ;
(f) saturation (cofréquence 2, indice 4) ;

166 Nous avons employé les deux fonctions comme dans le cas des termes relevant de la luminosité, c’est -à-dire Index
et Calcul de la progression des résultats en obtenant : Index de <[frlemma="vif"] | [frlemma="terne"] |
[frlemma="flamboyant"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOU REAU
Terminé : 10 items pour 135 occurrences.
Calcul de la progression de CORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : [[word="vives"], [word="terne"],
[word="vif"], [word="vive"], [word="vifs"], [word="ternes"], [word="flamboyant"], [word="flamboyante"],
[wor d="flamboyants"], [word="Terne"]], la structure : null, la propriété : null, cumulatif: true
Terminé : [53, 20, 18, 17, 14, 10, 1, 1, 1, 1] positions affichées
167 Le résultat de la requête sur la plateforme TXM est : Calcul des cooccurrents de < [frlemma="densité"]> dans le
corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 13 occurrences de pivot et 18 cooccurrents .
168 La cofréquence détermine « le nombre de rencontres entre les cooccurrents et les occurrences de la requête », selon
le Manuel de TXM (2015: 9 0) et par indice de cooccurrence les auteurs comprennent « un indicateur de probabilité de
rencontre » (2015: 89).

329
(g) tonalité (cofréquence 2, indice 4) ;
(h) éclat (cofréquence 2, indice 3) et
(i) coloration (cofréquence 2, indice 2).
En ce qui concerne l’opacité , le résultat de la requête sur la plateforme enregistre
seulement 2 cooccurrents169, dont un seul peut être pris en compte dans ce cas : densité
(cofréquence 2, indice 5).
Une conclusion s’impose à la suite de cette analyse faite selon ces différents paramètres.
Nous pouvons observer des différences quantitatives dans chacune des catégories ainsi organisées
en ce qui concerne le nombre des séquences appartenant à la langue spécialisée et le nombre de
celles relevant de la langue générale. Par exe mple,
 selon la teinte, nous avons identifié
o 23 occurrences des séquences relevant de la terminologie et
o 11 de la langue générale ;
Dans la classi fication des nuances, il existe
o 45 occurrences de structures spécialisées et
o 11 de la langue générale ;
La catégorie du ton rassemble le nombre le plus significatif d’occurrences
terminologiques :
o 121 d’occurrences terminologiques
o 31 relevant de la lan gue générale.
En ce qui concerne les séquences désignant la luminosité et la saturation, nous avons
restreint la requête aux concordances des TC et du terme couleur avec les termes relevant de ces
paramètres ( clair, foncé, sombre, vif, mat, etc.), puisque les termes luminosité et saturation ne se
combinent pas tels quels avec les termes que nous analysons. Par contre, si nous avions lancé la
requête des concordances TC ou couleur suivis d’adjectif, le résultat aurait été complètement
différent de ce point d e vue langue spécialisée versus langue générale170.

169 Le résultat de la requête avec le logiciel TXM : Calcul des cooccurrents de <[frlemma="opacité"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 4 occurrences de pivot et 2 cooccurrents .
170 Nous avons lancé deux requêtes sur la plateforme : la première, visant le premier des termes qui nous préoccupent,
le bleu suivi d’adjectif et nous avons obtenu le résultat « Concordance de <[frlemma="b leu"][frpos="ADJ"]> dans le
corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 55 occurrences » ; la seconde vise la concordance de l’archilexème
couleur et un adjectif, le résultat enregistré étant « Concordance de <[frlemma="couleur"][frpos="ADJ"]> dans le
corpus CORPUSMICHE LPASTOUREAU 686 occurrences . Bien entendu, parmi ces occurrences se trouvent
également celles que nous avons extraites pour inventorier les termes relevant du langage spécialisé, mais la
proportion de séquences appartenant la langue générale est nettement supérieure : si nous soustrayons les séquences

330
3.4.3.6. Luminosité
Nous continuons avec le deuxième paramètre, celui portant sur la luminosité des couleurs.
Ce critère sert à définir, selon Pastoureau (1989 : 25) la beauté d’une couleur réside dans le fait
qu’elle doit être « une couleur franche, lumineuse et saturée » et cette belle couleur se définit « par
des notions de valeur, c’est -à-dire de rapport à la lumière, et d’intensité, et ensuite seulement par
des effets ou des hiérarchies de teintes ».
Nous définissons d’abord la notion sur laquelle nous nous arrêtons en c e moment en
utilisant le même dictionnaire en ligne. Ainsi, selon le TLFi, le substantif féminin luminosité
représente la « Qualité de ce qui est lumineux »171. Pastoureau (2008 : 28-29) considère que cette
norme est très importante :
« pour nommer la couleur, le paramètre de luminosité est plus important que celui de coloration. Le
lexique cherche d’abord à dire si la couleur est mate ou brillante, claire ou sombre, dense ou diluée,
ensuite seulement à déterminer si elle s’inscrit dans la gamme des bla ncs, des noirs, des rouges, des
verts, des jaunes ou des bleus. »
De ce paragraphe nous retenons les adjectifs qui nous aideront à réaliser la typologie des
couleurs selon le critère de la luminosité : mat, brillant, clair, foncé et sombre . Tout d’abord, n ous
précisons que le terme tel quel enregistre 6 occurrences172 dans les ouvrages de Pastoureau et la
cofréquence 3 avec le terme densité173.
Nous commençons par le lemma clair , pour lequel le logiciel TXM enregistre 77
occurrences174. Puisqu’en fait le logiciel ne distingue pas les différentes acceptions du mot clair
(nous avons identifié des structures comme « des fontaines d’eau claire », « le jour […] bien
clair » ou « normes vestimentaires et les règles somptuaires […] très claires »), nous allons faire
un tri et garder seulement les séquences :
– TC + Adj. clair : bleu(s) clair(s) (12 occurrences), rouge(s) clair(s) (3 occurrences), vert clair
(4 occurrences). Il n’existe pas de telle structure avec noir ;

terminologiques avec couleur (76 au total) des 686 occurrences enregistrées, il nous restent 610 occurrences
appartenant à la langue générale.
171 Conformément au TLFi disponible en ligne à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=986006460;r=1;nat=;sol=0 ; page consultée le 26 juin 2017.
172 Les requêtes sur la plateforme TXM nous ont fourni les résultats suivants : Concordance de
<[frlemma="luminosité"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 6 occurrences et Index de
<"luminosité"> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : un résultat ,
cette seconde requête marquant le fait qu’il y a uniquement la forme de singulier du terme recherché.
173 Nous avons calculé les cooccurrences du terme luminosité, en obtenant le résultat suivant : Calcul des cooccurrents
de <"luminosité"> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 6 occurrences de pivot et 9
cooccurrents .
174 Nous avons utilisé la fonction Index sur la plateforme TXM : Index de <[frlemma="clair"]> avec la propriété
[word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 4 items pour 77 occurrences. Les quatre items
sont : clair (43 occurrences), claire (13 occurrences), claires (12 occurrences), clairs (9 occurrences).

331
– TC + adv. + Adj. clair : bleu relativement clair (1 oc currence), rouge plus clair (1 occurrence) ;
– couleur + Adj. clair : couleurs (vives et) claires (1 occurrence).
Le deuxième adjectif qui fournit des renseignements sur l’intensité ou l’éclat de la couleur
est sombre , que nous allons placer dans la même catégorie avec son synonyme foncé . Ainsi, nous
distinguons :
– TC + Adj. sombre : bleu sombre (2 occurrences), rouge sombre (1 occurrence), vert sombre (1
occurrence) ;
– TC + Adj. foncé : bleu(s) foncé(s) (12 occurrences) , rouges foncés (1 occurrence), vert(s)
foncé(s) (13 occurrences) ;
– couleur + Adj. sombre : couleur(s) sombre(s) (15 occurrences) ;
– couleur + adv. + Adj. sombre : couleur très sombre (1 occurrence), couleurs plus sombres (1
occurrence) ;
– couleur + Adj. fon cé : couleurs foncées (3 occurrences).
D’autres termes employés pour caractériser le degré de luminosité des couleurs sont mat et
brillant . Selon la combinatoire de ces termes avec les termes de couleur, nous avons identifié :
– TC + Adj. mat : noir(s) mat (s) (2 occurrences) ;
– TC + Adj. brillant : noir(s) brillant(s) (3 occurrences), rouge brillant (1 occurrence) ;
– couleur + Adj. mat : couleur mate (1 occurrence) ;
– couleur + Adj. brillant : couleur(s) brillante(s) (2 occurrences).
Pour présenter ces résultats sous une forme graphique, nous avons utilisé les fonctions
Index175 et Calcul de la progression176 des résultats obtenus par la première fonction sut la
plateforme TXM :

175 Index de < [frlemma="mat"] | [frlemma="clair"] | [frlemma="sombre"] | [frlemma="foncé"] | [frlemma="brillant"] |
[frlemma="dense"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 19 items
pour 348 occurrences.
176 Calcul de la progression de C ORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : [[word="sombre"],
[word="sombres"], [word="clair"], [word="foncé"], [word="dense"], [word="foncés"], [word="claire"],
[word="mat"], [word="brillant"], [word="claires"], [word="clairs"], [word="denses"], [word="brilla nts"],
[word="brillante"], [word="mate"], [word="foncées"], [word="mats"], [word="brillantes"], [word="foncée"]], la
structure : null, la propriété : null, cumulatif: true Terminé : [70, 55, 43, 43, 28, 18, 13, 13, 26, 12, 9, 9, 8, 5, 5, 6, 4 , 3,
6] positi ons affichées .

332

Figure 46 : Progression des termes relevant de la luminosité dans les ouvrages de Michel Pastoureau
Nous aurons recours une fois de plus à l’ouvrage de Zananiri (2000 : 49), selon lequel il est
possible d’utiliser un « même adjectif » pour exprimer « les ordres de grandeur de la clarté et de la
saturation », ce qui conduit à des associations telles que : « clair + saturé = vif, clair + lavé = pâle,
foncé + saturé = profond, foncé + lavé = rabattu ». Nous nous servirons de cette idée pour en
emprunter des termes que nous n’avons pas encore utilisé et que allons ensuite recherc her s’ils
sont présents dans notre corpus et, si tel est le cas, d’en mesurer la fréquence et les cooccurrences.
Ces termes sont lavé, pâle et rabattu .
3.4.3.7. Contraste des couleurs
Pour compléter la palette terminologique, nous utiliserons en ce qui suit deux autres
paramètres, selon lesquels Itten (1967) organise le contraste chaud -froid des couleurs, puisque les
autres termes ont déjà été traités.
Selon Jean Rudel (1999 : 63), « [i]l est convenu d’appeler couleurs chaudes les rouge,
jaune, orangé et couleurs froides les bleu, vert, violet ». À partir de cette classification, nous
observons que trois des couleurs que nous analysons dans notre recherche s’y retrouvent : le rouge
dans la catégorie des couleurs chaudes et le bleu et le vert dans celle des couleurs froides.

333
Selon le résultat de la requête177 du terme couleur accompagné du terme chaud ou du
terme froid , nous avons identifié 15 occurrences dans le premier cas et 13 dans le second,
Pastoureau (2013 : 203) continuant la classification par oppo sition de la manière suivante :
« couleurs pures et des couleurs mixtes, des couleurs chaudes et des couleurs froides, des couleurs
proches et des couleurs lointaines, des couleurs dynami ques et des couleurs statiques ». Les
oppositions dont l’auteur se sert dans cette classification se situent à coté de critères scientifiques
et de critères qui paraissent plutôt subjectifs, comme par exemple les adjectifs proche et lointain,
qui selon nou s reflètent un aspect culturel, relevant de l’attitude de la société envers la couleur.
3.4.4. D’autres termes relevant du champ terminologique de la couleur
Comme notre demarche analytique s’inscrit dans la terminologie thématique (realisée à
partir du domaine historique avec le sous -domaine bien délimité histoire des couleurs) et pour bien
comprendre l’ampleur du domaine des couleurs, nous dressons l’arbre du domaine que nous
presentons sous la rubrique Annexes (Annexe 2, p. 398). « La représentation de la structure
conceptuelle d’un domaine sous forme d’arborescence, l’arbre de domaine, permet d’ordonner
l’ensemble des notions d’un domaine donné selon les catégories (on parle de « classes d’objets »)
auxquelles elles appartiennent ”178.
Nous avons déjà mesuré la fréquence dans notre corpus en utilisant le logiciel TXM des
quatre termes de base qui donnent les titres des monographies de Michel Pastoureau : bleu, noir,
rouge et vert.
Pour ce qui est de notre objectif de réaliser une class ification des termes de couleur par
domaines et d’identifier les termes appartenant à la langue générale et les termes appartenant à la
langue spécialisée, nous devons admettre que c’est une grande ambition. Maurice Déribéré (2008 :
7) souligne parfai tement cette difficulté de tracer une ligne de démarcation entre la langue
générale et la langue spécialisée, en affirmant qu’« [i]l n’est guère de domaine où le vocabulaire
populaire ou le vocabulaire de métier ait eu à subir autant de débordante fantaisi e que celui de la
couleur ».

177 Les requêtes lancées sur la plateforme TXM ont généré les résultats suivants : Concordance de
<[frlemma="couleur"][frlemma="chaud"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 15 occurrences et
Concordance de <[frlemma="couleur"][frlemma="froid "]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 13
occurrences
178 Pour arbre du domaine, nous reprenons la défininition des Recommandations relatives à la terminologie (CST,
2014 : 71).

334
Tout d’abord, les quatre termes bénéficient d’une position particulière : nous ne pourrions
pas nous en passer dans la vie courante ou les remplacer avec d’autres mots ; quant à la langue
spécialisée, les termes sont identique s, alors la seule catégorisation relève du contexte dans lequel
le terme est employé.
La situation n’est totalement différente ni dans le cas des termes comme teinte, ton, nuance ,
mais nous devons cependant admettre qu’il existe un degré de s pécialisation légèrement élevé.
Nous voilà arrivée aux termes saturation, luminosité et teinture qui nous semblent contenir
un degré de spécialisation nettement supérieur. En outre, les dictionnaires consultés indiquent les
domaines où ces termes, à partir des termes de couleur jusqu’à ces termes que nous venons
d’énumérer, apparaissent et cela ne fait que confirmer notre intuition initiale.
Nous allons nous pencher à présent sur d’autres termes qui entrent dans le champ
terminologique de ces quatre termes de couleur, qu e nous allons organiser selon les domaines où
ils apparaissent. Puisque
« L’univers du tissu est celui qui mêle le plus étroitement les problèmes matériels, techniques,
économiques, sociaux, idéologiques, esthétiques et symboliques. Toutes les questions de la couleur
s’y trouvent posées : chimie des colorants, techniques des teintures, activités d’échanges, enjeux
commerciaux, contraintes financières, classifications sociales, représentations idéologiques,
préoccupations esthét iques » (Pastoureau, 2000 : 14).
L’importance du tissu dans l’histoire de l’humanité et dans la vie personnelle de chacun est
indéniable. Nicole Renau (2000 : 9) l’appelle « notre seconde peau », qui nous accompagne de la
naissance à la mort, qui « nous réchauffent et nous protègent, q ui nous vêtent en en illustrant nos
états d’âme ».
La couleur a représenté depuis longtemps l’un des critères qui servaient à déterminer la
valeur matérielle des vêtements, qui, selon Pastoureau (1989 : 26), est cher si « la couleur tient »,
ce qui a condu it à l’importance accrue « accordée aux matières tinctoriales, aux mordants et aux
techniques de la teinturerie ».
Nous commencerons cette partie de notre recherche avec les termes clés qui relèvent de
l’univers pratique de la couleur : colorants, pigments et teintures. En règle générale, ces notions se
confondent, en étant utilisées de manière indifférenciée pour dénommer les substances colorantes.
Leur catégorisation pose aussi des problèmes : pour certains, les colorants se divisent en pigments
et teintu res, pour d’autres les colorants et les teintures sont quasiment synonymes.
Selon la définition du TLFi, par pigment on comprend « Toute substance colorée quelle
qu’en soit l’origine, la structure et la nature » et il enregistre deux acceptions en fonction du

335
domaine où il apparaît : en biologie, le pigment désigne une « Substance produite par un
organisme vivant donnan t une coloration à divers tissus et liquides organiques » et en chimie il
sert à désigner un « Produit coloré minéral ou organique pratiquement insoluble, incorporé sous
forme pulvérulente fine dans les masses plastiques, peintures, etc., en vue de leur co mmuniquer
une coloration opaque »179. Il s’agit d’une substance d’origine naturelle, qui à son tour se divise en
origine minérale, végétale et animale, ou d’origine artificielle (pigments chimiques). Selon Jean
Rudel et al. (1999 : 212), les pigments se dist inguent « selon leur variété chromatique […], leur
pouvoir de coloration, de luminosité (selon leur indice de réfraction ou d’opacification) et, enfin,
de leur pouvoir dit ‘couvrant’ ».
Pour ce qui est du colorant , qui « sont apparus il y a plus de 4000 an s afin de teindre des
pièces d’art » (Zananiri (2000 :38), le même dictionnaire en ligne note que ce terme désigne une
« Substance généralement colorée, capable de se fixer sur un support et de lui communiquer une
coloration durable »180, en ajoutant des exe mples avec des structures telles que « goutte de
colorant » ou « goutte de solution colorante ».
La teinture , selon la même source, est une « Substance colorante et soluble, solubilisée ou
dispersée, composée de matières végétales ou chimiques »181, servant à teindre.
Ainsi, la principale ressemblance entre ces notions réside dans le fait qu’elles désignent
toutes des matières colorantes, d’origine organique ou minérale, qui peuvent aussi être naturelles
ou synthétiques et la différence entre les pigments et les colorants consiste dans leur propriété de
se dissoudre dans un solvant, c’est -à-dire la solubilité : les pigments sont en règle générale
insolubles, étant posés sur la surface des objets et ayant besoin d’un liant pour ce faire, tandis que
les colorant s sont solubles dans le milieu où ils sont employés.
Pour ce qui est de ces trois notions, l’auteur des ouvrages dont nous avons extrait notre
corpus les utilise lui aussi pour retracer l’histoire des couleurs : « la chimie des pigments et des
colorants », « les techniques de teinture », « domaine des pigments et des colorants », etc.

179Définitions reprises du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1804884390 ; dernière consultation le 23 juin 2017.
180Conformément au Trésor d e la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1988712870 ; dernière consultation le 23 juin 2017.
181Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3860420775 ; dernière consultation le 23 juin 2017.

336
Nous allons cependant essayer de présenter séparément les termes en espèce, parce que
c’est de cette façon que nous les avons identifiés dans notre corpus, même si parfois l’a uteur ne
trace pas une ligne très claire entre ces notions.
3.4.4.1. Les colorants
Pour ce qui est de la première catégorie, celle des colorants , Michel Pastoureau en parle
très en détail, et nous allons regrouper ces termes selon les critères établis par l’auteu r même et, à
vrai dire, par la société qui les a utilisés et développés et dont elle s’est servie pour dompter la
couleur.
Statistiquement, le terme colorant enregistre dans le texte de Pastoureau 38 occurrences au
pluriel et 33 autres au singulier, alors un total de 71 occurrences. Quant à la distribution de ces
occurrences dans les quatre monographies, en première position se trouve Bleu. Histoire d’une
couleur, qui enregistre 14 occurrences à la forme de pluriel et 19 autres pour celle de singulier, les
autres occurrences étant distribuées, dans un ordre décroissant dans l’ouvrage consacré au rouge ,
ensuite dans celui consacré au vert, et en dernière positio n dans celui qui traite du noir.
En ce qui concerne les cooccurrences de ce terme, nous avons lancé une nouvelle
requête182 sur la plateforme TXM et nous avons obtenu un résultat dont nous présentons c i-
dessous une capture d’écran :

Figure 47 : Capture d’é cran calcul des cooccurrents de colorant/s

182 Nous avons intr oduit dans le champ de recherche « "colorant?s?"%d » et nous avons obtenu le résultat suivant :
« Calcul des cooccurrents de <"colorant?s?"%d> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU . Terminé : 71
occurrences de pivot et 46 cooccurrents ».

337
Si nous éliminons les mots grammaticaux ( des, dont, du, etc.), nous remarquons que les
termes qui avoisinent le plus fréquemment le lemma colorant sont les termes chimie (avec lequel
le logiciel enregistre 14 cofréquences) et pigment (la cofréquence retenue par TXM étant limitée à
10). Les collocations fournies par le contexte sont en fait suivantes : chimie des colorants avec la
variante chimie industrielle des colorants , chimie des pigments ou / et des colorants . Alors, les
trois termes autour desquels tourne l’utilisation du terme colorant sont pigment et chimie .
Le résultat obtenu sur la plateforme TXM183 est le suivant :

Figure 48 : Capture d’écran illustrant les concordances du terme colorant
Nous avons marqué de bleu les variantes que nous avons retenues, les autres n’étant que la
réitération des mêmes collocations.

183 La requ ête avec le logiciel TXM des concordances ayant pour pivot le terme co lorant a généré le
résultat « Concordance de <("colorant?s?" []* [word="chimie"] ) | ([word="chimie"] []* "colorant?s?") within 11>
dans le corpus C ORPUSMICHELPASTOUREAU 14 occurrences ».

338
En ce qui concerne la concordance du terme colorant avec les quatre termes de couleur,
nous avons identifié trois occurrences pour la concordance colorant(s) bleu(s), une occurrence
pour colorant rouge et aucune pour les deux autres couleurs.
Voyons maintenant quelles sont les catégories selon lesquelles Pastoureau a inventorié les
colorants.
Ainsi, da ns leur évolution , Pastoureau a identifié des colorants
(a) licites et interdits , qui figuraient sur une liste datant depuis le XIIIe siècle et qui inventoriait
des colorants licites (qui enregistrent 3 occurrences dans le texte de Michel Pastoureau) et
des colorants interdits (toujours 3 occurrences, parce que ces deux catégories apparaissent
chaque fois ensemble) ;
(b) naturels (1 occurrence) et artificiels (1 occurrence) ;
(c) exotique (1 occurrence) et indigène (1 occurrence) ;
(d) principaux (1 occurrence), nouveaux (1 occurrence), efficients (1 occurrence), recherchés (1
occurrence)
et il continue avec des matière(s) colorante(s) qu’il divise en
(e) animale (1 occurrence), / végétale (1 occurrence) / minérales (1 occurrence)
(f) nouvelle(s) (3 occurrences), efficace (1 occurrence), remarquables (1 occurrence), solide (1
occurrence), chère (1 occurrence), de grand prix (2 occurrences), ordinaire (1 occurrence),
performantes (1 occurrence).
Nous avons groupé les colorants et les matières colorantes selon le critère de l’opposition,
sauf la dernière catégorie pour chacune des notions, où nous avons retenu tous les épithètes dont
l’auteur s’est servi pour les décrire. Nous avons procédé de la sorte pour mettre en évidence leur
typologie, qui est représentée par les exempl es (a) – (c) et (e) – (f).
Par conséquent, à côté des termes colorant, pigment et chimie, nous avons identifié dans
les ouvrages de Pastoureau une collocation qui sert à compléter le champ terminologique de la
couleur, c’est -à-dire la matière colorante184 qui enregistre 61 occurrences sur la plateforme TXM.
3.4.4.2. Les pigments
Nous nous penchons maintenant sur le terme pigment , que nous avons mentionné ci -dessus,
sans lui accorder l’attention particulière qu’il mérite. Pour ce terme, la recherche sur la plateforme
TXM a trouvé 121 occurrences185.
Nous avons également calculé les cooccurrents du terme en espèce et le logiciel TXM a
trouvé 121 occurrences de pivot et 81 cooccurrents186, dont nous allons extraire ceux manifestant

184 La recherche que nous avons lancée sur la plateforme TXM a enregistré le résultat suivant : « Concordance de
<[frlemma="matière"][frlemma="colorant"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 61 occurrences ».
185 Le ré sultat précis de notre requête est : Index de <[frlemma="pigment"]> avec la propriété [word] dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 3 items pour 121 occurrences.
186 Le résultat fourni par la plateforme est : Calcul des cooccurrents de <[frlemma="pi gment"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 121 occurrences de pivot et 81 cooccurrents .

339
le nombre le plus significatif de cooccurre nces, en fonction de l’indice fourni par le logiciel. Ainsi,
nous avons en première position vert (cofréquence 21, indice 10), entre cette position et les autres
couleurs la différence étant assez importante, à notre avis :
 les termes de couleur : rouge (cofréquence 14, indice 8), bleu (cofréquence 7, indice 3), noir
(cofréquence 6, indice 2) ;
 d’autres termes187 : artificiel (cofréquence 7, indice 11), colorants (cofréquence 10, indice 11),
peintres (cofréquence 16, indice 10), chimie (cofréquence 9, indice 10), minéraux (cofréquence 6,
indice 9), traditionnels (cofréquence 5, indice 7), gamme (cofréquence 9, indice 6), malachite
(cofréquence 4, indice 6), lapis (cofréquence 5, indice 6), ocres (cofréquence 4, indice 5),
techniques (cofréquence 7, indice 5), etc.
Nous ajoutons une capture d’écran pour illustrer le résultat de la requête des cooccurrents sur
la plateforme TXM :

Figure 49 : Calcul des cooccurrents de pigment
En revanche, lorsque nous calculons la progression du lemma pigment au fil des quatre
ouvrages de Michel Pastoureau, nous obtenons le résultat suivant : « Calcul de la progression de
CORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : [[word="pigments"], [word="pigme nt"]], la
structure : null, la propriété : null, cumulatif: true. Terminé : [83, 37] positions affichées » et nous
constatons que cette requête enregistre seulement 120 occurrences au lieu de 121, mais puisque

187 Nous avons extrait du résultat du logiciel seulement les termes ayant un rapport direct avec le domaine des
couleurs, tout en ignorant les mots grammaticaux, les verbes et les mots appartenant à la langue commune.

340
deux fonctions du logiciel ont le même résulta t, nous allons prendre en compte ce résultat
commun, c’est -à-dire 121 occurrences.

Figure 50 : Calcul de la progression de pigment(s) dans l’œuvre de M. Pastoureau
Toujours d’un point de vue quantitatif, si nous comparons colorant (71 occurrences),
matiè re colorante (61 occurrences) et pigment (121 occurrences), nous constatons que le terme
pigment est beaucoup plus fréquemment employé par l’auteur, il compte presque le total des deux
autres termes (132), ce qui nous indique, dans un premier temps, l’impo rtance du pigment dans le
monde de la couleur.
À son tour, ce terme enregistre de différentes concordances selon la classification dans
l’ouvrage de Pastoureau. Ainsi, nous avons identifié :
(a) par la requête des concordances avec les quatre termes de couleur188, nous avons
trouvé 5 occurrences pour la concordance pigment(s) bleu(s) , 2 occurrences pour la
concordance pigment(s) noir(s) , 7 occurrences pour pigment(s) rouge(s) et 12
occurrences pour pigment(s) vert(s) ;
(b) 5 occurrences pour pigment(s) artificiel(s) , 2 occurrences pour pigment de synthèse et
1 occurrence pour pigment naturel ;
(c) 5 occurrences pour pigments minéraux , 2 pour pigments d’origine végétale et 1 pour
[pigm ents d’origine végétale ] animale ;

188 Nous avons lancé séparément les requêtes dans l’ouvrage de Pastoureau sur la plateforme TXM pour chacune des
quatre couleurs que nous étudions : [frlemma="pigment"][frlemma=" bleu"], [frlemma="pigment"][frlemma=" noir"],
[frlemma="pigment"][frlemma=" rouge "] et [frlemma="pigment"][frlemma="vert"]

341
(d) 1 occurrence pour pigments traditionnels et 1 occurrence pour pigments nouveaux .
Pour ce qui est de ce sujet, nous avons identifié dans les quatre ouvrages de Pastoureau
beaucoup de pigments et de matières colorantes que nous organiserons en catégories pour chacune
des couleurs séparément.
Ainsi, en étudiant l’histoire du bleu, Michel Pastoureau nous présente tous les aspects liés
à sa fabrication et à son usage dans les sociétés.
Pour ce qui est des pigments et des matières colorantes , l’auteur retient :
 les minéraux :
 le lapis (minéral naturel) , le lapis -lazuli (pierre provenant de l’Orient189 et qui est
considérée une pierre semi -précieuse) et
 le saphir (pierre précieuse),
 l’azurite (minerai qui, en raison de son extraction des m ontagnes, porte aussi le nom de
« bleu de montagne »),
 le smalt190 ;
 les matières végétales :
 la guède , matière première que Pastoureau (2000 : 16-17) décrit comme « une
plante crucifère qui pousse à l’état sauvage dans de nombreuses régions d’Europe,
sur des sols humides ou argileux » et dont le « principe colorant (l’indigotine)
réside essentiellement da ns ses feuilles » ; c’est de la guède que provient le colorant
indigène appelé pastel .
Selon l’auteur, le processus de transformation de la guède en colorant bleu suppose
beaucoup d’opérations qui relèvent du travail des spécialistes, qui consiste à cueill ir les feuilles et
à les broyer « à la meule pour obtenir une pâte homogène qu’on laisse fermenter deux ou trois
semaines. Ensuite on forme avec cette pâte — le célèbre pastel — des coques ou des tourteaux […]
on les laisse sécher lentement à l’abri sur de s claies, avant de les vendre au bout de quelques
semaines au marchand de pastel » (Pastoureau 2000 : 63) qui transforme les coques en teinture.
Jean Rudel et al. (1999 : 201) définissent le pastel comme une
« poudre solidifiée en forme de bâtonnets cylindriques ou quadrangulaires, faits de pigments de
couleur d’abord broyés à l’eau avec une émulsion saponifiée, du talc, du kaolin (qui détermine le
degré de dureté du pastel), puis agglutinés à l’aide de colle de méthyle, de gomme arabique, parfois
de miel et de lait, selon une formule ancienne » ;
 le tournesol,

189 Pastoureau note que les pays où se trouvaient les gisements de lapis -lazuli qui constituaient les sources les plus
importantes pour l’Occident antique et médiéval : la Sibérie, la Chine, le Tibet, l’Iran et l’Afghanistan .
190 Selon le TLFi, le smalt appartient aux domaines minéralogie et technologie représente un « Verre coloré en bleu
par l’oxyde de cobalt, obtenu en fondant du minerai de cobalt grillé avec une substance vitrifiable » ; le dictionnaire
en ligne continue l’explication avec (Bleu de) smalt qui désigne un « Colorant bleu à base d ’oxyde de cobalt ». Page
accessible à l’adresse http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3158548830 , dernière consultation
le 17 juin 2017.

342
 des baies diverses ;
 des pigments artificiels :
 à base de limaille de cuivre mélangée à du sable et à de la potasse ;
 silicates de cuivre ;
 bleu de Berlin , qui est devenu plus tard bleu de Prusse ;
 le bleu égyptien « obtenu à partir de limaille de cuivre chauffée et associée à du
sable et à de la potasse » (Pastoureau, 2016 : 19) ;
 colorant naturel / matière colorante :
 l’indigo (d’origine végétale, qui représente un colorant exotique) qui est à son tour
de plusieurs origines : indigo des Antilles , indigo oriental ou indigo des Indes
orientales , indigo des Indes occidentales, indigo d’Amérique ;
 la garance (plante qui sert à teind re en rouge);
 glastum
 les coquillages (le murex),
 colorants artificiels :
 l’indigotine artificielle , qui résulte de la synthèse chimique de l’indigotine ;
 colorants de synthèse à base d’aniline
Pour le noir, le texte de Pastoureau nous fournit les matières colorantes suivantes :
 des pigments traditionnels qui sont des pigments artificiels fabriqués par des procédés qui
consistent à
 calciner des végétaux ou des minéraux :
 le noir de charbon « obtenu par la combustion, à l’abri de l’air, de différen ts
bois, écorces, racines, coques ou noyaux » (Pastoureau , 2008 : 117) retient
également un « pigment noir provenant de produits calcinés (le bois de la
vigne et l’ivoire carbonisés) » ;
 brûler « l’os, l’ivoire et les bois de cervidés pour obtenir des noirs » (Pastoureau,
2008 : 25) ;
 exploiter les minéraux en ce sens : « raclés, broyés, oxydés, mélangés à des liants,
ceux -ci leur fournissent de nouvelles matières colorantes » (Pastoureau, 2008 : 25) ;
 noir d’aniline ;
 des pigments naturels
 les charbons végétaux,
 le noir de fumée ; teintures à base de noir de fumée ;
 les charbons de bois,
 teintures à base de charbon de bois ;
 les noirs végétaux ;
 teintures végétales – matières colorantes à base d’écorces, de fruits d’arbres ou de
racines riches en tanin: l’aulne, le noyer, le châtaignier, certains chênes ;
 la noix de galle ou «graine de chêne» (granum quercicum) « matière colorante […]
tirée d’une petite excroissance sphérique que l’on trouve sur les feuilles de certains
chênes » (Pastoureau, 20 08 : 26)

343
 des pigments minéraux : des « terres naturelles noires ou brunes, riches en oxyde de
manganèse » (Pastoureau, 2008 : 26) ;
 l’encre qui « utilise le noir de charbon ou celui de lampe en solution dans l’eau,
additionnée de colle animale ou de gomme arabique » (Pastoureau, 2008 : 25) ;
 le noir de lampe,
 le noir de bitum e, « pigment très épais affleurant sur les sols riches en pétrole »
(Pastoureau, 2008 : 25-26),
 le noir de vigne , « obtenu par la calcination de sarments très secs » (Pastoureau,
2008 : 26),
 le noir d’ivoire ;
 l’oxyde de manganèse,
 teinture à base de limaille de fer , récupérée à la forge ou sous les meules des
artisans ;
En ce qui concerne la troisième couleur que nous étudions, le rouge, Pastoureau accorde
une attention particulière aux matières colorantes qui servent à produire cette couleur, qui étaient
parfois très laborieuses, prouvant les efforts faits pou r transformer une matière qu’on retrouve en
nature en un pigment servant à peindre, comme dans l’exemple suivant :
« extraire du sol l’hématite sous forme de plaques, la laver, la filtrer, la broyer avec un pilon dans
un mortier pour obtenir une fine poudr e rougeâtre, puis mélanger celle -ci avec du feldspath, des
huiles végétales ou des graisses animales pour lui donner différentes nuances ou pour mieux la
faire adhérer à la surface de la roche. » (Pastoureau, 2016 : 18)
Ainsi, pour obtenir la gamme des ro uges, nous retenons du texte de Pastoureau les matières
suivantes :
 pigments minéraux : des « variétés de minerai rouge riches en oxyde de fer »,
 le réalgar , défini comme « sulfure naturel d’arsenic »,
 le minium , « pigment artificiel obtenu en chauffant à haute température du blanc de
plomb » (Idem, 35) ;
 le cinabre191, minerai que Pastoureau définit comme « sulfure naturel de mercure » ;
 l’hématite (minerai de fer et pigment) qui « est à la fois un pigment rouge destiné
aux peintres, une teinture légère qui colore facilement l’eau, et une médecine
censée guérir les maladies du sang et arrêter les hémorragies » (Pastoureau, 2016 :
20) ;
 des terres oc re-rouge ;
 pigments à base de matière végétale ou animale :
 des résines rougeâtres comme la sandaraque (appelée aussi « cinabre des Indes »
ou « sang du dragon »), qui provient d’un palmier d’Asie et le rotang, des résines
rougeâtres provenant de certains arbres indigènes (tuyas, cyprès) ou exotique
(dragonnier) ;

191 Il s’agit dans ce cas du cinabre naturel, nous allons voir en ce qui suit qu’il existe aussi du cinabre artificiel.

344
 le bois de braise (brasileum ), matière colorante importée d’Asie, « un bois semi –
précieux, fourni par plusieurs essences de l’Inde méridionale et de Sumatra, dont
les propriétés tinctoriales sont bien connues mais jugées par trop évanescentes »
(Pastoureau, 2016 : 147),
 le Brésil , un autre « bois colorant exotique de la même famille […] » dont les
« pouvoirs tinctoriaux sont nettement supérieurs » (Idem , 148).
 des laques de teinture , c’est -à-dire « des matières tinctoriales » :
 la garance (d’origine végétale) ,
 le kermès ou coccum (d’origine animale)192,
 le brésil (américain et d’Asie),
 le rocou (arbuste ayant des fruits dont les graines ont des « vertus
tinctoriales ») ;
 la graine d’écarlate
 la pourpre et le murex193, le carthame et le henné, l’orseille, le nopal ;
 la cochenille ;
 laque de garance ;
 carmin ;
 pigments artificiels
 l’ocre rouge , qui selon Pastoureau (2016 : 19) est un pigment artificiel puisqu’il est
obtenu par « la transformation par simple cuisson des ocres jaunes en ocres
rouges » ;
 colorant : « rouge turc » ou « rouge d’Andrinople », qui était produit « à la frontière
actuelle de la Turquie et de la Grèce » et dont le procédé de fabrication reste un
secret :
« à la garance sont ajoutées pour le mordançage des graisses animales, des huiles végéta les
et des matières excrémentielles – mais dès la fin du XVIIIe siècle sont produits en
Allemagne (Thuringe) puis en France (Alsace, Normandie) des rouges ‘à la façon
d’Andrinople’ » (Pastoureau 2016 : 133) ;
 pigment s de synthèse :
 le vermillon qui est « sulfure artificiel de mercure, obtenu par la synthèse chimique
du soufre et du mercure », qui est un pigment toxique, tout comme le cinabre
naturel ; le vermillon n’est en réalité rien d’autre que le cinabre artificiel, ayant la
même composition chimique. Selon Marie -Pasquine Subes -Picot (1997 : 38), ce
pigment « est employé très largement en aplats dans les fonds des scènes en
alternance avec le vert foncé »194 et les artistes s’en servaient également pour
peindre les carnations (en le mélangeant avec du blanc) ;
 le rouge de plomb (le minium) ;

192 En ce qui concerne le kermès, il existait une confusion quant à son origine animale, les gens le considérant
d’origine animale, son « appellation d ’usage était la ‘graine’ (grana, granum ), les insectes séchés qui fournissent la
matière colora nte ressemblant à des grains de céréales ».
193 La pourpre antique, selon Pastoureau (2016 : 40), est « produite par le suc de plusieurs coquillages que l’on trouve
sur les rives de la Méditerranée orientale », les plus précieuses étant le purpura et le murex , dont l’auteur retient
« deux variétés : le murex brandaris d’aspect allongé, et le murex trunculus , plus conique ».
194 Subes -Picot , M.-P., 1997, « Le cycle peint de la cathédrale d’Angers. Remarques sur l’emploi des couleurs au XIIIe
siècle » in Histoire de l’art. La couleur , No 39, Baratte, F. dir., A.P.A.H.A.U.

345
Nous voilà arrivée à la quatrième et dernière couleur autour duquel notre corpus est
construit : le vert. Selon Pastoureau, « les poètes et les teinturiers ont au moins autant à nous
apprendre que les peintr es, les chimistes ou les physiciens » sur la couleur.
Pour ce qui est des pigments, l’auteur retient
 des pigments verts traditionnels :
 la malachite , que Pastou reau (2013 : 151) définit comme « carbonate naturel de
cuivre, cousin de l’azurite » et des ver ts de cuivre artificiels ; « pigments verts
artificiels à base de limaille de cuivre mélangée à du sable et à de la potasse » ;
 les terres vertes , qui sont des « roches argileuses riches en hydroxyde ferreux,
provenant de Chypre ou de la région de Vérone » ;
 le vert à base d’outremer naturel ;
 le vert de cuivre ;
 pigments et colorants naturellement verts : vert-de-gris, baie de nerprun, feuilles d’ortie ;
 verts végétaux : le nerprun, la fougère, l’ortie, le plantain, feuilles de prunier, feui lles du
frêne, feuilles du bouleau , des fleurs aussi, par exemple de la digitale, des rameaux du
genêt, jus d’iris, jus de poireau ;
 matières colorantes minérales à base de cuivre – le verdet , qui est une sorte de vert-de-gris,
« matière colorante fortement toxiqu e, obtenue à partir de différents acétates de cuivre »
(Pastoureau, 2013 : 163) ;
 produits végétaux : des herbes comme la fougère, ou des feuilles comme celles du frêne ou
du bouleau, des écorces comme celle de l ’aulne.
 matières colorantes : vert d’iode, vert de méthyle, vert d’amande
 verts métalliques artificiels , pigments « obtenus en oxydant des lames de cuivre avec de
l’acide, de la chaux ou du vinaigre » ;
 le « vert de Schweinfurt », un produit fortement toxique utilisé pour la fabricati on « des
peintures, des teintures, des colorants et des papiers peints » et qui était obtenu « obtenu à
partir de copeaux de cuivre dissous dans de l’arsenic »
 des verts outremer artificiels, qui sont produits « à base de kaolin, de silice, de soude et de
soufre » (Pastoureau, 2013 : 190) ;
 le vert de cobalt qui porte aussi le nom de vert émeraude ;
 mélange des pigments bleus et des pigments jaunes par des procédés différents : deux
couches superposées ou la matière bleue et la matière jaune broyées « dans le même
mortier » ou en mélangées « dans le même récipient ».

346
Pastoureau (2013 : 148) note les matières en espèce, qui étaient soit deux minerais ,
respectivement l’azurite et le jaune d’étain ou le lapis -lazuli et l’orpiment , soit deux produits
végétaux – la guède et la gaude , et même le mélange d’une matière d’origine végétale et d’une
autre d’origine minérale qui étaient l’indigo et l’orpiment . Pastoureau (2013 : 186) nous parle
aussi d’un pigment volatile , un mélange de jaune de chrome et de bleu de Prusse qui « donne de
belles nuances vertes, à la fois vives, translucides, non toxiques ».
3.4.4.3. La teinture
Un autre terme qui apparaît très souvent dan s le texte de Michel Pastoureau est teinture ,
pour lequel nous avons identifié à l’aide de la plateforme TXM195 deux items pour 132
occurrences, réparties comme suit : 93 occurrences au singulier et 39 occurrences au pluriel.
Sous une forme graphique, le terme présente dans les quatre ouvrages de Pastoureau une
progression que nous avons identifiée à l’aide du même logiciel196, comme dans l’image ci –
dessous :

Figure 51 : Progression de CORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : ["teinture?s?"%d]
Il faut cepe ndant rappeler que le terme teinture a plusieurs acceptions, dont Michel
Pastoureau emploie deux :

195 Nous avons lancé la requête « "teinture?s?"%d » avec la fonction Index : <"teinture?s?"%d> avec la propriété
[word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU , le résultat enregistré par le logiciel TXM étant le suivant :
« Terminé : 2 items pour 132 occurrences ».
196Le résultat enregistré par le logiciel à ce sujet est : « Calcul de la progression de
CORPUSMICHELPASTOUREAU avec la requête : ["teinture?s?"%d], la structure : null, la propriét é : null,
cumulatif: true . Terminé : [132] positions affichées ».

347
(a) « Action de teindre (un textile ou un matériau), opération ayant pour but de fixer, par
pénétration, un colorant, dans la matière traitée; résultat de cette action », l’auteur
employant ce sens en parlant par exemple de techniques de teinture, de teinture en bleu,
de teintur e à l’indigo, d’ateliers de teinture ou d’ activités de teinture et le second sens
(b) « Substance colorante et soluble, solubilisée ou dispersée, composée de matières
végétales ou chimiques, servant à cette opération »197, quand il parle de teinture bleue ,
et de chimie des teintures .
Le sens qui nous intéresse à présent est le dernier, puisqu’il s’inscrit dans le même
domaine des pigments et des colorants. Par conséquent, il est temps maintenant d’examiner de
quelles catégories de teintures l’auteur se ser t pour retracer les histoires des quatre couleurs.
 une première catégorie est constituée par les teintures associées à chaque couleur. Ainsi,
l’auteur distingue entre
 teinture bleue (qui enregistre 3 occurrences dans le texte de Pastoureau), dont le
princ ipe colorant est l’indigotine extraite de la guède ;
 teinture verte : le vert à l’aldéhyde que Pastoureau (2013 : 185) définit comme
« une sorte d’alcool déshydrogéné » ;
 teinture rouge : la garance, des rouges « à la façon d'Andrinople » ;
 teinture noi re (1 occurrence) et
 teinture jaune (1 occurrence) ;
 il y a ensuite une autre catégorie, marquant la matière dont les teintures sont produites :
 teintures végétales (2 occurrences). Il s’agit en espèce de teintures produites à base
d’écorces ou de racines qui sont riches en tanin comme l’aulne, le noyer, le
châtaignier et certains chênes ;
 il y a une autre classification, selon la provenance des teintures, les éléments portant des
dénominations construites avec la locution « à base de » :
 teintures à base de charbon de bois ,
 teintures à base de noir de fumée ;
 teintures à base d’écorces ou à base de racines riches en tanin : aulne, noyer,
châtaignier, certains chênes ;
 teinture à base de limaille de fer ;
 teintures artisanales , qui étaient pratiquées surtout à la campagne, « à base de plantes
indigènes et de mordants de médiocre qualité (vinaigre, urine) » (Pastoureau, 116) ;
 une dernière catégorie ne présente pas une typologie de teintures, mais plutôt une
caractérisation de celle -ci. Ainsi, Pastourea u utilise les épithètes suiv ants : teinture légère ,

197 Les deux d éfinitions sont reprises du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1888451205 ; dernière consultation le 21juin 2017.

348
teinture durable , teinture de qualité courante , teinture dense et lumineuse, teinture
puissante.
Nous observons ainsi que le terme teinture offre une gamme très riche de combinaisons
avec d’autres termes relevant du domaine chromatique, contribuant de la sorte à l’enrichissement
du champ lexico -sémantique des termes de couleurs. Autour de ce terme il existe toute une famille
lexicale dont nous rappelons le verbe teindre et le substantif teinturier, qui dés ignent une action,
respectivement un métier très importants dans l’histoire des couleurs au fil des siècles.
3.4.4.4. Les mordants
Pour citer Pastoureau (1989 : 28), « [s]ans mordant pas de coloration », ce qui nous
conduit à un autre terme qui apparaît indissolublement lié aux autres termes propres au processus
de coloration – le mordant . Même si le nombre d’occurrences enregistré pa r le TXM est assez
réduit (10 occurrences, dont 4 au singulier et 6 au pluriel) Il désigne, selon le TLFi, une substance
qui sert à fixer la couleur : en teinture et industrie textile, c’est une
« Substance dont on imprègne les tissus pour qu’ils prennent la teinture », en gravure, c’est le
« Vernis utilisé dans les impressions métalliques » et en biologie il s’agit d’une « Substance
chimique (phénol, sels métalliques, alcalis) qui rend la coloration plus aisée »198.
À son tour, Pastoureau (2000 : 74) le dé finit comme une substance intermédiaire « qui aide
la matière colorante à pénétrer dans les fibres du tissu et à s’y fixer ».
Parmi les cooccurrents de mordant , les premières positions calculées sur la plateforme
TXM reviennent à teinturiers (qui enregistr e une fréquence de 134 et la cofréquence 2 avec
mordant ), nuances (dont la fréquence enregistrée monte à 95 et la cofréquence 2 avec le terme qui
nous intéresse) et teinture (avec une fréquence de 93 et la cofréquence 3 avec mordant ).
En ce qui concerne les mordants utilisés au fil des siècles par les sociétés européennes,
Pastoureau retient :
 des mordants « de médiocre qualité » :
 le vinaigre ,
 l’urine , qui se présente sous deux formes :
 « l’urine d’un homme en état d’ivresse avancée aide à bien faire p énétrer la
matière colorante dans l’étoffe » (Pastoureau, 2000 : 141) dans la teinture en bleu
en utilisant la guède ;
 urine fermentée pour la teinture en rouge avec de la garance ;
 des graisses animales, des huiles végétales et des matières excrémentielle s ajoutées à la garance
dans le processus de fabrication du rouge turc ;

198Définitions reprises du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2272819590 ; page consultée le 21 juin 2017

349
 des boues et des vases riches en sels de fer, des sels de fer, des sulfates de fer ou des produits
riches en oxyde de fer qui servaient de mordants dans la fixation des teintures végé tales ;
 le tartre, l’alun, la chaux , substances utilisées dans le mordançage de la garance et de la gaude
pour fixer le rouge, respectivement le jaune.
Il y a beaucoup de matières colorantes et de pigments qui ne nécessitent pas de
mordançage, ce qui explique d’ailleurs la présence de l’adverbe guère parmi les cooccurrents de
mordant. C’est sur ce critère que les teinturiers appartenaient à deux catégories différentes : ceux
qui mordançaient et qui sont les teinturiers « de rouge » et ceux qui ne mordançaient pas (dans le
cas de la guède et de l’indigo) et qui sont les teinturiers « de bleu ».
« En France, dès la fin du Moyen Âge, pour faire cette même distinction on dit aussi teinturiers ‘de
bouillon’ (qui, dans un premier bain, doivent faire bouillir tout ensemble le mordant, la teinture et
l’étoffe) et teinturiers ‘de cuve’ ou ‘de gu ède’ (qui se dispensent de cette opération et peuvent
même dans certains cas teindre à froid). Partout il est constamment rappelé que l’on ne peut être à
la fois l’un et l’autre. » (Pastoureau, 2000 : 74-75)

Pour obtenir le résultat désiré, parfois il ne suffit pas d’utiliser la teinture ou le pigment tels
quels, les gens ayant recours à la chimie. Ainsi,
« un pigment noir provenant de produits calcinés (le bois de la vigne et l’ivoire carbonisés
fournissent les plus beaux noirs), dispersé dans un liquide (eau, vin), auquel on a ajouté un liant
(gomme arabique, blanc d’œuf, miel, caséine, huile) ainsi que différentes substances destinées à
stabiliser le mélange obtenu, à le faire adhérer au support et à le sécher. » (Pastoureau, 2008 : 117)
Nous ajoutons a lors à la catégorie des mordants celle des liants , un liant représentant un
« liquide filmogène, faisant fonction, pour les pigments colorés véhiculés, d’agglutinant, de
diluant et d’adhésif, par rapport au support impliqué » (Rudel, J. et al., 1999 : 163) et des
« produits considérés aujourd’hui comme des charges, destinées à modifier leur pouvoir couvrant,
à transformer leur rapport à la lumière ou bien à faciliter leur pose sur la paroi » (Pastoureau,
2016 : 18) dans laquelle l’auteur a inventorié :
 les gomme arabique, la colle animale, le blanc d’œuf, le miel, la caséine, l’huile (de lin ,
par exemple) pour obtenir le noir ;
 le sulfate de fer et le sulfate de cuivre pour améliorer l’aspect du noir obtenu ;
 des sels métalliques en vue de faciliter le sécha ge ;
 le talc, le feldspath, le mica et le quartz pour la couleur rouge ;
 des huiles végétales et des graisses animales.
L’importance des mordants dans l’activité relevant du domaine de la teinture explique leur
variété, qui s’étend des matières que les gens ont trouvées à la portée de la main, essayant de fixer
la couleur, jusqu’ aux matières très spécialisées, qui s’ajoutent de cette façon à la terminologie
chromatique que nous étudions.

350
3.4.4.5. Synthèse mati ères colorantes
Pour valider notre choix terminologique realisé à partir du corpus principal soumis à
l’analyse – les quatre volumes de Michel Pastoureau – et la taxinomie que nous avons proposée,
nous avons consulté des specialistes199 du domaine, leurs remarques et suggestions se retro uvant à
la base des trois tableaux que nous presentons sous la rubrique Annexes ( Annexe 4, p. 420).
3.4.4.6. Facteurs décolorants
Nous avons précisé jusqu’à présent les efforts faits par ceux qui pratiquaient des métiers
reliés aux pigments, aux matières colorantes et à la teinture, mais toutes leurs démarches pour
maîtriser la matière sont parfois mises en difficulté par des facteurs extérieurs et surtout
postérieurs à leur réussite – les facteurs qui provoque nt la décoloration, qui présentent la typologie
suivante :
 des facteurs naturels , comme le soleil, le temps, la lumière ;
 des facteurs dus au processus de teinture , comme un mordançage inefficace ou l’emploi
d’un pigment volatile ;
 l’usage prolongé ;
 la lessive , le savon et les alcalis ;
 résultats des actions humaines voulues , mais ayant des buts différents :
 des actions « de dissimulation ou de décoloration (matériaux mis à nu, tentures
monochromes cachant les peintures, badigeonnages à la chaux » (Pastour eau, 2000 : 102)
pendant la guerre déclarée aux couleurs, un « protestantisme à l’égard de l’art et de la
couleur » (Idem , 105), période pendant laquelle on a détruit bien des images, on a dépeint
et décoloré massivement. C’était un mouvement idéologique, qui est complètement
différent au suivant qui consiste à
 « blanchir ou décolorer artificiellement » les pantalons bleus, dans le but que les
producteurs de jeans s’étaient proposé d’obtenir la tonalité délavée quand le coton denim
était teint à l’indigo et ce tissu était « trop épais pour absorber totalement et définitivement
toute la matière colorante » (Pastoureau, 2000 : 167).
La gamme assez limitée de facteurs décolorants, qui ne sont en aucun cas sans importance,
peut être justifiée logiquement par les efforts de l’humanité de maîtriser la couleur, de la produire
et de la faire résister au fil du temps, les actions contraires représentant plutôt des exceptions.
L’enjeu des spécialistes du domaine ne réside pas dans la décoloration mais dans une colorati on
durable, d’autant plus que des ennemis comme le temps ou le soleil sont vraiment redoutables.

199 Nous remercions Monsie ur le Professeur Petre Să vescu de la Faculté d’Agronomie et Monsieur le professeur
Mihnea Mar in de la Faculté de Mé canique de l’ Université de Craiova qui ont eu l’amabilité de nous aider à mieux
comprendre le mécanisme chimique des matières colorantes et de valider notre taxinomie et nos interpretat ions
réalisées à partir du corpus soumis à l’analyse.

351
3.4.4.7. Palette
Un autre terme qui, à notre avis est très important dans le domaine des couleurs et qui doit
être inclus dans son champ terminologique est la palett e. Définie par le TLFi comme « [m]ince
plaque de bois, de métal, de porcelaine ou de faïence, de forme ovale, souvent percée d’un trou
permettant le passage du pouce, sur laquelle le peintre dispose et mélange ses couleurs » ou
« [e]nsemble des couleurs, gamme, harmonie de tons dont un peintre se sert habituellement pour
ses compositions » et au figuré comme « [e]nsemble des moyens d’expression ou de style, mis en
œuvre dans une composition artistique »200, elle présente de l’intérêt dans notre travail pour
n’importe quelle des trois acceptions : support dont le peintre se sert pour poser et mélanger les
couleurs qu’il veut utiliser dans son travail, totalité des couleurs ou résultat, tonalité d’ensemble,
tout doit être pris en compte dans le parcours histori que des couleurs.
En utilisant la fonction Index sur la plateforme TXM, nous avons identifié 2 items pour
106 occurrences201 du terme palette (99 du terme au singulier et 7 au pluriel).
Pour ce qui est des concordances de ce terme, nous avons pu extraire du corpus, à l’aide du
même logiciel et de sa fonction Concordances202, les séquences suivantes :
 palette + de + N203 : palette des peintres (7 occurrences204), palette des teintes (1 occurrence),
palette des couleurs (3 occurrences), palette de(s) tons (2 occurren ces), palette des noirs (2
occurrences), palette des verts (2 occurrences), palette des saisons (1 occurrence) ;
 palette + Adj. domaine couleurs205 : palette calviniste (2 occurrences), palette catholique (2
occurrences), palette chromatique (1 occurrence), palette diabolique (1 occurrence), palette fort peu
colorée (2 occurrences), palette hospitalière (1 occurrence), palette industrielle (1 occurrence),
palette pigmentaire (1 occurrence), palette protestante (6 occurrences), palette tendre et romantique

200 Définition du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.a tilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=835647495;r=1;nat=;sol=0 ; dernière consultation le 30 juin
2017
201 Le résultat de la requête lancée avec le logiciel TXM est : Index de <[frlemma="palette"]> avec la propriété [word]
dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items pour 106 occurrences .
202 La fonction du logiciel a généré le résultat « Concordance de <[frlemma="palette"][][frpos="NOM"]> dans le
corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 24 occurrence s » pour la concordance avec un substantif et pour celle avec
un adjectif « Concordance de <[frlemma="palette"][frpos="ADJ"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU 33 occurrences ».
203 Nous n’avons pas retenu des structures comme « palette du vice », c’est -à-dire des séquences où le nom n’entre pas
dans le champ terminologique de la couleur.
204 Aux six concordances établies sur la formule [frlemma="palette"][][frpos="NOM"] , nous avons ajouté
l’occurrence palettes des grands peintres identifiée dans la requête des concordances avec un adjectif, mais nous
n’avons pas retenu l’adjectif grands .
205 Pour réaliser cette classe, nous avons lancé également la requête « [frlemma="palette"][][frpos="ADJ"] » et nous
avons identifié les structures avec un adverbe marquant le comparatif de supériorité que nous avons mis entre
parenthèses. Nous avons éliminé les séquences palette des rouges et palettes des grands peintres , que nous avions
déjà introduites dan s la catégorie précédente, de même que palette si particulière que nous allons introduire dans la
suivante.

352
(1 occurrence), palette vermeerienne (1 occ urrence), palette vestimentaire (4 occurrences), palette
visuelle (1 occurrence) ; palette (plus) claire, (plus) verte, (plus) bleutée (1 occurrence) ;
 palette + Adj. épithète206 : palettes conçues (1 occurrence), palettes débridées (1 occurrence),
palettes tapageuses (1 occurrence), palettes nouvelles (2 occurrences), palette abondante et
diversifiée (1 occurrence), palette (si) particulière (2 occurrences).

Comme dans le cas des autres termes autour desquels nous avons organisé l’analyse, le
terme palette compte un nombre assez significatif d’occurrences pour occuper cette place. C’est
un terme étroitement lié à la couleur, soit qu’il s’agisse de la palette -support ou de la palette des
couleurs en ce sens de gamme ou de style.
3.4.4.8. Harmonie
Un autre terme qui entre dans le champ terminologique des couleurs est harmonie . Pour
définir ce terme, nous aurons recours une fois de plus au TLFi, selon lequel l’harmonie désigne la
« [c]ombinaison spécifique formant un ensemble dont les éléments divers et séparés se trouvent
reliés dans un rapport de convenance, lequel apporte à la fois satisfaction et agrément » et, dans
une acception plus spécifique pour notre domaine d’ analyse – la peinture, elle représente
l’« [a]gencement des couleurs, des tons, des nuances »207.
À l’instar des autres termes inventoriés jusqu’à présent, nous avons utilisé la plateforme
TXM pour en extraire les occurrences208, dont le nombre s’élève à 19 et les cooccurrents (le
logiciel enregistre un total de 26). Nous allons cependant utiliser les résultats obtenus à l’aide de la
fonction Concordances du logiciel209 pour en observer les séquences les plus intéressantes pour
notre recherche :
 harmonie + de + N : harmonie des formes et des tons (4 occurrences) , harmonie des couleurs (1
occurrence), harmonie des complémentaires (1 occurrence) ;
 harmonie + Adj. domaine couleurs : harmonie chromatique (absolue) (2 occurrences) , harmonie
monochrome (1 occurrence) , et
 N + de + harmonie + Adj : système d’harmonie préétabli (1 occurrence).

206 Comme dans le cas de la séquence construite sur le moule palette + de + N, nous avons affiné le résultat obtenu sur
la plateforme, laissant de côt é des séquences comme « palette différentes » (le contexte nous sert à nous rendre
compte du fait que l’adjectif différent ne détermine pas le substantif palette, mais le substantif nuance : « sur leur
palette différentes nuances »), « palette lexicale » qui n’a rien de commun avec le domaine des couleurs que nous
voulons de délimiter et d’autres.
207 Définition du Trésor de la Langue Française informatisé , disponible à l’adresse
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1086311475 ; dernière consultation le 2 août 2017
208 Pour ce faire, nous avons utilisé la fonction Index du logiciel TXM et nous avons obtenu le résultat suivant : Index
de <[frlemma="harmonie"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : un
résultat (celui -ci étant « Fréquence 19 ») et la fonction Concordance, avec le résultat : Concordance de
<[frlemma="harmonie"]> dans le corpus CORPUSMICHELPA STOUREAU 19 occurrences.
209 À l’aide de cette fonction, nous avons obtenu le résultat que nous avons mentionné dans la note antérieure, dont
nous allons extraire les combinaisons les plus intéressantes.

353
En ce qui concerne d’autres concordances identifiées par le logiciel, comme harmonie
musicale ou harmonie du monde végétal , elles ne nous semblent pas devoir faire partie du champ
terminologique des couleurs, même si l’auteur les utilise dans ce contexte et en fait usage pour
démontrer sa théorie.
3.4.4.9. Gamme
Un terme avec une fréquence élevée dans les ouvrages de Michel Pastoureau, qui sert à des
classifications dans le domaine chromatique est le terme gamme , que le TLFi définit comme
« [s]érie de couleurs, de tons gradués » et que nous allons analyser à l’aid e du logiciel TXM . La
fonction Index sur la plateforme TXM a identifié 91 occurrences210 du terme en discussion (2
items, dont 89 pour le singulier du terme et 2 pour la forme de pluriel).
Pour ce terme, la fonction Cooccurrences du logiciel a identifié 72 cooccurrents211, que
nous allons affiner pour en présenter le résultat sous une forme synthétique.
Nous commençons comme d’habitude par mesurer la cofréquence avec les quatre termes
de couleur. Ainsi, nous observons le terme roug e en première position (cofréquence 25, indice 22),
le terme bleu (cofréquence 20, indice 20) en deuxième, suivi par le terme noir (cofréquence 16,
indice 13) et le terme vert (cofréquence 15, indice 11) en position finale.
Comme dans le cas des autres te rmes, le logiciel enregistre également la cofréquence avec
les mots grammaticaux, que nous laissons de côté, mais aussi avec d’autres termes relevant du
domaine chromatique comme par exemple tons, teinturiers, pigments, tanins, peintres ou
minéraux et avec d’autres termes de couleur comme jaune, blanc ou rouge . Nous n’insisterons pas
sur ces cooccurrents, parce que leur indice est sensiblement inférieur aux quatre termes de couleur
que nous analysons.
En revanche, nous présenterons les résultats des concord ances du terme gamme que nous
allons organiser en catégories selon leur structure. Nous retenons cependant à ce moment précis le
résultat obtenu pour le terme ton – cofréquence 13, indice 9 – parce que c’est l’un des termes que
nous utiliserons également d ans la classification des concordances. Ainsi, nous avons identifié :
 gamme + des + TC212 : gamme des bleus (11 occurrences), gamme des noirs (8 occurrences),
gamme des rouges (22 occurrences), gamme des verts (10 occurrences) ; étant donné que nous

210 Le résultat de notre requête est : Index de <[frlemm a="gamme"]> avec la propriété [word] dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items pour 91 occurrences.
211 Nous retenons le résultat de ce calcul effectué par le biais du logiciel TXM : Calcul des cooccurrents de
<[frlemma="gamme"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 91 occurrences de pivot et 72
cooccurrents .

354
avons id entifié également de telles séquences avec d’autres termes de couleur, nous les avons
retenues dans cette catégorie : gamme de(s) gris (2 occurrences), gammes des blancs (2
occurrences), gamme des jaunes (3 occurrences),
 gamme + de + ton + Adj. couleur213 : gamme des tons rouges (2 occurrences), gamme des tons
noirs (1 occurrence), gamme des tons bleus (1 occurrence) ;
 gamme + de + ton + Adj. domaine couleur : gamme des tons foncés (1 occurrence) ;
 gamme + de + couleur214 : gamme de couleurs (7 occurrences) ;
 gamme + de + nuance : gamme de nuances (1 occurrence) ;
 gamme + Adj. [+couleur]215 : gamme noir -gris-blanc -bleu (1 occurrence), gamme(s)
chromatique(s) (3 occurrences), gamme verdâtre, « moutarde » ou « caca d’oie » (1 occurrence),
gamme (assez) sombre (1 oc currence).

Même si le premier sens du terme relève du domaine musical, nous observons dans les
exemples ci -dessus une combinatoire très intéressante du terme avec d’autres termes dans le
domaine chromatique. Il nous semble cependant que le degré de spécia lisation du terme et des
séquences qu’il engendre n’est pas significatif ou du moins il se trouve à la limite, entre la langue
générale et la langue spécialisée, étant aisément compréhensible pour un public non -avisé.
3.4.4.10. Rayures
En vue d’identifier d’autres termes relevant du champ terminologique des couleurs, nous
avons consulté également d’autres ouvrages de Pastoureau . Ainsi, dans Rayures. Une histoire des
rayures et des tissus rayés , Michel Pastoureau (1995 : 28) nous avons ob servé l’accent mis par
l’auteur sur l’importance de la structure de la surface dans ce domaine particulier des couleurs, qui
« sert à repérer des lieux et des objets, à distinguer des zones et des plans, à établir des rythmes et
des séquences, à associer, à opposer, à distribuer, à classer, à hiérarchiser ».

212 Nous avons lancé des requêtes séparément, pour chacun des termes de couleurs, pour en pouvoir mesurer
correctement les occurrences. Les résultats ainsi obtenus sont : Concordance de
<[frlemma="gamme"][][frlemma="bleu"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 12 occurrences ;
Concordance de <[frlemma="gamme"][][frlemma="noir"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 8
occurrences ; Concordance de <[frlemma="gamme"][][frlem ma="rouge"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU 22 occurrences et Concordance de <[frlemma="gamme"][][frlemma="vert"]>
dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 10 occurrences
213 Avec la fonction Concordances du logiciel TXM, nous avons lancé la requête de c ette structure et le résultat obtenu
était : Concordance de <[frlemma="gamme"][][frlemma="ton"][]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU
5 occurrences , dont 4 s’inscrivent dans cette catégorie, mais la cinquième, puisqu’elle est construite avec le terme
foncé, nous l’introduisons dans une catégorie à part.
214 En utilisant la même fonction, nous avons lancé une requête des structures construites avec le terme couleur, et le
résultat obtenu sur la plateforme TXM est : Concordance de <[frlemma="gamme"][][frlemm a="couleur"][]> dans le
corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU 7 occurrences .
215 Nous introduisons dance cette dernière catégorie seulement les termes partageant le sème /couleur/, en excluant les
séquences telles que gamme symbolique, gamme étendue ou gamme de cosmétiques , qui ne sont pas pertinents pour
notre inventaire.

355
Parmi ces surfaces, qu’il divise en naturelles et fabriquées, l’auteur rappelle les murs, les
étoffes, les instruments de la vie quotidienne, les feuilles des arbres, voire le pelage des animaux.
Les t rois catégories de signes ainsi identifiées par l’au teur sont « l’uni, le semé et le rayé »,
termes que nous allons rechercher dans les ouvrages sur lesquels repose notre corpus. Même si la
rayure est généralement associée au désordre et à l’exclusion, Pas toureau (1995 : 128) l’interprète
différemment : « n’est pas désordre ; elle est signe de désordre et moyen de remise en ordre. La
rayure n’est pas exclusion ; elle est marque d’exclusion et tentative de réintégration. ».
Comme dans ses autres ouvrages, e t nous l’avons déjà observé dans chacun des ouvrages
dont nous avons extrait le corpus pour notre recherche, Michel Pastoureau finit son travail avec
une observation plutôt personnelle que scientifique, malgré l’appartenance de ses écrits au
domaine spécia lisé de l’histoire des couleurs : « Trop de rayures finit par rendre fou » (Pastoureau,
1995 : 128).
La classification réalisée par l’auteur nous fournit d’autres termes à rechercher dans les
quatre ouvrages analysés. Nous commençons par le terme rayure pour lequel le logiciel TXM a
identifié 5 occurrences216. Nous avons également calculé ses cooccurrents217, enregistrant ainsi 4
mots, dont deux sont des mots grammaticaux (la préposition de et la conjonction ou) et les deux
autres sont les termes damier(s) (qui à son tour enregistre 6 occurrences218, 4 au singulier et 2 au
pluriel, mais seulement 2 de ces occurrences visent le terme rayures , les deux termes en
discussion apparaissant à la forme de pluriel) et décor (qui compte 2 items pour 46 occurrences219,
dont 38 sont au singulier et 8 au pluriel et pour lequel la cofréquence avec le terme rayures et
limitée toujours à 2).
En revanche, l’adjectif rayé/e/s (ou le lemma rayé) compte plusieurs occurrences que le
nom rayure , respectivement 11 occurrences220. En ce qui concerne les concordances de ce terme,

216 Nous avons de nouveau utilisé les deux fonctions Index et Concordance sur la plateforme TXM et nous avons
obtenu les résultats suivants : Index de <[frlemma="rayure"]> avec la propr iété [word] dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : un résultat et Concordance de <[frlemma="rayure"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU 5 occurrences.
217 Le résultat de ce calcul par le l ogiciel TXM est : Calcul des cooccurrents de <[frlemma="r ayure"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 5 occurrences de pivot et 4 cooccurrents.
218 Requête réalisée à l’aide de la fonction Index du logiciel qui a généré le résultat suivant : Index de
<[frlemma="damier"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items
pour 6 occurrences.
219 La même fonction Index du logiciel TXM nous a fourni ce résultat : Index de <[frlemma="décor"]> avec la
propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPAST OUREAU Terminé : 2 items pour 46 occurrences.
220 Index de <[frlemma="rayé"]> avec la propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU
Terminé : 4 items pour 11 occurrences.

356
le logiciel a identifié 12 cooccurrents221, dont quatre relèvent du terme vêtement , les autres étant
divisées entre bariolés (3), échiquetés (2), damier (2), uni (2), contrastes (2), polychromie (2),
décor (2).
Grâc e à la requête effectuée à l’aide de la fonction Concordances du logiciel, nous avons
également identifié des séquences telles que pelage (noir ou) rayé, les soies rayées, des draps
rayés , que nous trouvons pertinentes pour notre champ terminologique des c ouleurs.
Le deuxième terme auquel nous nous intéressons à ce stade, relevant de la même
classification réalisée par l’auteur est le terme uni. Dans les quatre ouvrages analysés, il enregistre
8 occurrences222 et 4 cooccurrents223 (rouges – cofréquence 5, indic e 6, lisse – cofréquence 2,
indice 4 et rayé – cofréquence 2, indice 5).
Le troisième terme de cette série est semé , qui compte 3 occurrences (2 items, deux pour la
forme de masculin singulier et un pour le masculin pluriel)224, qui, dans les textes de Pasto ureau
apparaît à côté d’un autre terme pertinent pour cet inventaire, tacheté qui enregistre à son tour 3
occurrences, dont nous citons une en ce qui suit : « on joue sur les oppositions entre l’uni et le
rayé, entre le semé et le tacheté, entre les différ entes structures de trames ou de
compartimentages. » (Pastoureau, 2008 : 58).
Parmi les cooccurrents du terme uni, nous avons identifié un autre terme que nous
souhaitons introduire dans notre inventaire, respectivement le terme lisse, dont le logiciel
enregistre 8 occurrences et 11 cooccurrents225, parmi lesquels, excepté uni, dont nous avons déjà
parlé, nous rappelons rugueux (cofréquence 2, indice 6), désaturé (cofréquence 2, indice 5), terne
(cofréquence 2, indice 4), brillant (cofréquence 2, indice 3) et couleur (cofréquence 5, indice 2).
Nous introduisons dans notre corpus également des termes dont les occurrences sont
vraiment réduites, mais nous ne pourrions pas les ignorer, parce que ce sont des termes relevant du

221 Le résultat de la requête des cooccurrents sur la plateforme TXM est : Calcu l des cooccurrents de
<[frlemma="rayé"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 11 occurrences de pivot et 12
cooccurrents .
222 Le calcul avec la fonction Index sur la plateforme TXM a enregistré : Index de <[frlemma="uni"]> avec la
propriété [word] dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 3 items pour 8 occurrences, dont 5 au
masculin singulier, 2 au masculin pluriel et 1 à la forme de féminin singulier.
223 La requête des cooccurrents avec le logiciel TXM a généré le résultat suivant : Calcul des cooccurrents de
<[frlemma="uni"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 8 occurrences de pivot et 4
cooccurrents.
224 Nous précisons le résultat obtenu sur la plateforme TXM : Index de <[frlemma="semé"]> avec la propri été [word]
dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items pour 3 occurrences.
225 La fonction Cooccurrences du logiciel TXM nous a fourni le résultat suivant : Calcul des cooccurrents de
<[frlemma="lisse"]> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Term iné : 8 occurrences de pivot et 11
cooccurrents

357
domine chromatique, et, par conséq uent, des termes qui entrent dans le champ terminologique des
termes de couleur comme rugueux (3 occurrences), composite (2 occurrences).
3.4.5. Principaux supports de la couleur
Pour que tout ce processus de fabrication et de promotion de la couleur aboutisse à un
résultat concret et complet en même temps, nous devons à présent ajouter à notre analyse du
champ terminologique des couleurs les matériaux, les supports sur lesquels le s gens ont posé au fil
du temps la couleur.
Le premier terme que nous avons identifié, qui est en fait un terme plus générique, est
matière , dont le TXM compte dans les ouvrages de Michel Pastoureau 175 occurrences (singulier
et pluriel confondus), mais à ce stade nous voulons nous pencher uniquement sur les matières qui
servent de support pour la couleur, comme par exemple les matières textiles, et non plus sur les
matières colorantes ou tinctoriales dont il a été déjà présentée la situation.
En lançant une requête « [frlemma="matière"][frpos="ADJ"] » dans le corpus avec la
fonction Concordances du logiciel TXM, nous avons obtenu un nombre de 93 occurrences226. De
ce total, 61 occurrences sont enregistrées pour « matière(s) colorante(s) », 5 pour « matière( s)
végétale(s) » et quelques autres avec d’autres adjectifs qui ne présentent aucun intérêt pour cette
étape de notre analyse. La concordance que nous trouvons intéressante est matière(s) textile(s) ,
qui n’enregistre que 7 occurrences, mais qui nous guide dans la recherche des matériaux -support
de ce domaine.
Excepté ce rôle de support pour la couleur, elles ont constitué, dans certaines époques, l’un
des critères de division du travail dans le domaine de la teinturerie, les métiers étant séparés en
fonctio n du type de matière textile avec laquelle les teinturiers étaient autorisés à travailler, à côté
d’une certaine couleur, comme il a été déjà dit.
Ces matières textiles ont été très importantes dans l’histoire de la couleur et Pastoureau
leur a accordé une place bien méritée dans ses ouvrages :
« La couleur a toujours entretenu des rapports privilégiés avec la matière textile. Par là même, pour
l’historien, étoffes et vêtements constituent le terrain documentaire le plus riche et le plus diversifié
pour ten ter de comprendre la place, le rôle et l’histoire des couleurs dans une société donnée […].
L’univers du tissu est celui qui mêle le plus étroitement les problèmes matériels, techniques,
économiques, sociaux, idéologiques, esthétiques et symboliques. Toute s les questions de la couleur
s’y trouvent posées : chimie des colorants, techniques des teintures, activités d’échanges, enjeux
commerciaux, contraintes financières, classifications sociales, représentations idéologiques,

226 Le résultat enregistré sur la plateforme TXM est : Concordance de <[frlemma="matière"][frpos="ADJ"]> dans le
corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU

358
préoccupations esthétiques. L’éto ffe et le vêtement sont par excellence le lieu d’une recherche
pluridisciplinaire. » (Pastoureau, 2000 : 14)
Ainsi, dans le texte de Pastoureau nous avons identifié comme matière s première s :
 laine(s) (38 occurrences) ;
 lin (11 occurrences)227 ;
 soie(s) (24 occurrences) ;
 coton (14 occurrences) ;
 chanvre (2 occurrences).
Comme forme sous laquelle la matière première se présente, avant d’être utilisée dans
domaines spécialisés comme celui du vêtement ou de l’ameublement, par exemple, nous avons
identifié les tissus228 suivants :
 étoffes (148 occurrences) : étoffes de coton, étoffes de soie, étoffes de laine ; « étoffe faite
de laine et de déchets de soie », le jean ;
 draps (35 occurrences) : draps de laine ;
 tissus (50 occurrences) : tissu de coton ; tissu associant le lin et le coton ; tissu de serge (le
denim) ; tissus synthétiques ;
 cotonnades (1 occurrence) ;
 soieries (3 occurrences) ;
 samit (1 occurrence) ;
 toile (25 occurrences) : toile de tente, toile de bâche, toile de chanvre, toile de lin ;
 des bâches (3 occurrences) ;
 velours (1 occurrence) ;
 dentelle (1 occurrence) ;
 laine en flocons et fil.
Même si ces deux derniers termes ne représentent pas de tissus, ils sont employés par
Pastoureau à cette étape intermédiaire du processus de fabrication e t de coloration des tissus, par
conséquent nous les introduisons à notre tour dans cette catégorie.
Dominique Cardon (1994 : 17), tout comme Michel Pastoureau, met en exergue
l’importance documentaire des textiles pour nous rendre compte de « la sensibilit é aux couleurs
des teinturiers d’autrefois » et du « goût très pointilleux de leurs clients, qui les poussèrent à
développer leur art jusqu’aux limites extrêmes de la perfection ». En ce qui concerne la source
précise d’informations sur ce sujet, l’auteur rappelle « les inventaires des garde -robes de riches et

227 La requête sur la plateforme TXM a enregistré « Concordance de <" lin"> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU 13 occurrences », mais deux de ses occurrences ne sont pas pertinentes pour cette
catégorie visant les matières textiles : il s’agit de l’« huile de lin ».
228 Nous laissons de côté les structures formées des substantifs tissu, drap ou étoffe et un adjectif de couleur ou tout
autre adjectif épithète qui ne nous aident pas à construire une typologie des tissus, par exemple tissu rouge, étoffe
pourpre, étoffe verte, éto ffe riche, drap gris, drap noir , etc.

359
puissants personnages, ou des trousseaux de jeunes mariées, ainsi que les lettres de commande de
leurs clients aux teinturiers »229.
De l’inventaire ci -dessus, nous constatons que la première position en ce qui concerne les
occurrences est occupée par le nom étoffe . En lançant une nouvelle requête230 sur la plateforme
TXM pour étudier ses cooccurrences, nous avons constaté que parmi les 8 0 cooccurrents, le terme
avec lequel étoffe partage le nombre le plus grand de cofréquences, excepté les mots
grammaticaux (articles et prépositions) est le terme vêtement (27 au pluriel et 20 au singulier).
Par conséquent, les termes les plus fréquemment employés au sujet des matières textiles
étaient étoffe et vêtement . Pastoureau leur attribue une attention particulière, en les considérant, à
côté du lexique, comme nous l’avons vu ci -dessus, un « terrain documentaire » extrêmement riche
pour un historien .
En ce qui concerne leurs occurrences dans les quatre ouvrages de Pastoureau, la plateforme
TXM a identifié avec la fonction Index 4 items ( étoffe / étoffes et vêtement / vêtements ) pour 462
occurrences231, dont la progression des occurrences que nous avons calculée à l’aide du logiciel est
la suivante :

229 Cardon , D., 1994 , « Sensibilité aux couleurs des teinturiers d’autrefois. Manifestations, implications techniques et
scientifiques » in La Couleur. Regards croisés sur la couleur du Moyen Âge au XXe siècle , Paris , Éditions Le Léopard
d’Or.
230 En utilisant la fonction « Cooccurrences », nous avons lancé la requête pour « "étoffe?s?"%d » et le résultat est le
suivant : « Calcul des cooccurrents de <"étoffe?s?"%d> dans le corpus CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé :
148 occurrences de pivot et 80 cooccurrents »
231 Nous avons lancé la requête avec la fonction Index des termes que nous analysons à présent et le résultat était :
« Index de <"vêtement?s?"%d | "étoffe?s?"%d> avec la propriété [word] dans la partition
CORP USMICHELPASTOUREAU Terminé : 4 items pour 462 occurrences ».

360

Figure 52: Progression de [word="vêtement"], [word="vêtements"], [word="étoffes"], [word="étoffe"] dans les
ouvrages de Michel Pastoureau

Nous avons calculé également les spécificités des deux termes au singulier et au pluriel et
nous avons obtenu le diagramme en bâtons suivant :

Figure 53 : Calcul des spécificités

361
Nous avons essayé dans les pages précédentes de réaliser une typologie des étoffes qui ont
servi à déchiffrer l’histoire de la couleur dans les sociétés européennes. I l est temps maintenant à
nous pencher vers une typologie des vêtements et vers d’autres formes utilisables dans la vie
quotidienne que le tissu prend. Ainsi, nous distinguons dans un premier abord deux grandes
catégories :
 les vê tements (nous avons identifié 314 occurrences du terme dans les quatre
ouvrages de Michel Pastoureau) et
 les tissus employés dans l’ameublement .
Dans la première catégorie, les vêtements , l’auteur retient les pièces de vêtements
suivantes :
robes, « petites robes noires », tuniques, jeans, chemise, toge masculine, pantalons, salopettes,
manteau, costumes, smokings, habits de soirée, blazers, uniformes, gilet, maillots, culottes,
avec la sous -catégorie des accessoires :
croix, rouelles, bandes, écharpes, écharpe aiguillette, rubans, bonnets, gants, chaperons, chaperon
aiguillette, chapeau, ceintures, cravates, capeline .
Les exemples ne sont pas très nombreux, parce que l’auteur utilise le terme en soi pour
toute une catégorie, accompagné d’un adj ectif qui fournit des renseignements sur le domaine,
l’appartenance, etc. Selon l’auteur,
« Tout est donc réglementé selon la naissance, la fortune, les classes d’âge, les activités, les
catégories socioprofessionnelles : la nature et la taille de la garde -robe que l’on peut posséder, les
pièces de vêtement qui la composent, les étoffes dans lesquelles celles -ci sont taillées, les couleurs
dont elles sont teintes, les fourrures, les parures, les bijoux et tous les accessoires qui les
accompagnent. […] le vê tement en est le principal enjeu car il est le premier support de signes dans
une société alors en pleine transformation et où le paraître joue un rôle de plus en plus grand. »
(Pastoureau, 2000 : 88)
En partant du corpus analysé, nous proposons la taxinom ie suivante :
 des vêtements comme « signe premier des classifications sociales » :
 vêtement aristocratique et patricien ; vêtements des riches marchands ; vêtement de
certains personnages (empereur, rois et princes, tel ou tel saint) ;
 vêtements des personnes de haute naissance, fortune ou condition ;
 vêtements de paysans ; vêtements des mineurs, des ouvriers et des esclaves noirs ;
 vêtements des juges et des bourreaux ;
 vêtements du domaine religieux :
 vêtements du culte ;
 vêtements liturgiques ;
 vêtement monastique ;
 vêtement de la Vierge ;
 des vêtements à usage précis :
 vêtements de travail ;
 vêtements de travail des artisans / des paysans ;

362
 vêtement de deuil ;
 vêtements d’apparat ;
 vêtement de loisirs et de vacances ;
 vêtements réservés à un g enre ou à un âge :
 vêtement masculin et vêtement féminin ; vêtement de travail masculin ;
 vêtement androgyne ;
 vêtements des enfants et vêtement de femmes ;
 vêtement de jeunes et de citadins ;
 vêtements habituels :
 vêtements ordinaires ;
 vêtements (les plus) humbles ;
 vêtement idéologique :
 vêtements réformé – l’uniforme ;
 vêtement protestant ; vêtement contestataire ;
 vêtement libertaire ;
 vêtement désignant l’origine géographique :
 vêtement occidental et
 vêtement européen ;
 vêtements à certains traits :
 vêtements rayés, bariolés ou trop voyants ;
 vêtements non teints ;
 vêtements échiquetés (à décor en damier) ;
 vêtements sombres, discrets, tristes ;
 vêtement solide, sobre et confortable ;

Dans la deuxième catégorie de tissus, celle des tiss us d’ameublement , Michel Pastoureau a
inventorié
les tentures (10 occurrences), les tapis (6 occurrences), les couvertures (4 occurrences), les
courtines (1 occurrence), les coussins (1 occurrence), le torchon de pourpre (1 occurrence).
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que la relation de la couleur avec les tissus
est vraiment spéciale, ces derniers étant d’une part, la matière qui sert depuis toujours de support
pour la couleur et, d’autre part, le produit le plus facile à manier, à exp oser, à faire circuler,
accessible et nécessaire à tout être humain.
3.4.6. D’autres supports
Même si Pastoureau nous parle de la valeur documentaire inestimable pour son travail des
étoffes et des vêtements, aux supports textiles, la couleur a connu au fil des s iècles une place au
moins aussi importante dans d’autres domaines, sur d’autres supports que les tissus. Jean Rudel et
al. (1999 : 247) définissent le support comme un « [m]atériau de soutien de la couche picturale
dont la matière, la taille et le format d épendent du choix du peintre, selon la technique employée et
la finalité esthétique souhaitée ».

363
Ainsi, nous avons identifié dans les ouvrages de Michel Pastoureau les supports suivants :
 domaines :
 peinture(s) 232
 [+ support] corporelles, pariétales, murale, mobilières, funéraire .
 [+ position géographique] occidentale, néerlandaise, grecque, égyptienne,
mondaine, romaine, européenne ;
 [+ religion] calviniste, catholique, protestante ;
 [+ chromatique] rouge, verte, polychrome ;
 [+ arts plastiques] abstraite, figurative, souple ;
 [+ axe temporel] antique ;
 église :
 vitraux et fresque ;
 iconographie ;
 objets du culte ;
 parures , ornement, ameublement et décoration : pierreries, orfèvrerie, poteries, verrerie,
verrières, tapisseries, mosaïques de pavement, émaux, enluminure, manuscrits enluminés,
panneaux, étoffes, vêtements, mobilier , le petit mobilier funéraire – statuettes, figurines,
perles, miniatures, figures ornementales , retables, bijoux, pendentifs, pendeloques, colliers,
bracelets , amulet tes ;
 art héraldique : armoiries, emblèmes, blason, sceaux, objets d’art ;
 industrie drapière, manufactures drapières ;
 construction : bâtiments, monuments, tympans et chapiteaux des églises ; vaisseaux de
guerre et les bâtiments de commerce ;
 cosmétique : produits de beauté, fard, maquillage.

 matériaux : les cuirs, le bois (le bois blanc), les écorces, les fourrures, l’os, le métal, l’ivoire, le
parchemin, le papier, la toile, les murs, les sols, les pierres, les coquillages, la céramique, le
marbre, la brique cuite ou les ossements ;
 corps (et parties du corps humain) : les cheveux, la barbe, le visage, le front, les joues, les bras, les
ongles, la peau, les pommettes, les lèvres, les cils, (le tour des) yeux, dents, tempes .
Dans cette sous -section, nous avons eu l’occasion de montrer le fait que la couleur a la
chance de bénéficier d’une multitude de supports, ne se résumant pas aux tissus ou aux vêtements.
Faute de matériaux plus ou moins chers, fabriqués ou provenant de la nature, les gens ont eu
recours au fil des siècles à ceux qui leur ont été les plus proches, comme la peau ou les murs.
L’idée que nous en tirons est que la couleur a réussi et réussit encore à mettre son empreinte, à
embellir le monde et à transmettre des messag es dans toutes les époques.
3.4.7. Métiers du domaine des couleurs
Pour que la matière colorante (pigment, teinture, colorant sous toutes leurs formes) soit
appliquée et imprégnée sur les divers supports, les sociétés ont enregistré beaucoup d’efforts et ont
eu besoin de personnes spécialisées pour pratiquer les métiers du domaine. Par conséquent, le

232 Pour identifier la typologie des peintures, nous avons utilisé la fonction Concordances de la plateforme TXM et
nous avons obtenuu le résultat suivant : Concordance de <[frlemma="peinture"][frp os="ADJ"]> dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU 54 occurrences

364
terme -clé sur lequel nous nous penchons à présent est le terme métier . En utilisant la fonction
Index du logiciel TXM, nous avons identifié 28 occurrences233 du terme en espèce (13 au singulier
et 15 au pluriel).
Voyons en ce qui suit quels sont les métiers identifiés dans les textes de Pastoureau dans
son travail de retracer l’histoire des quatre couleurs. Par domaines, nous pourrions les diviser
comme suit :
 professions / métiers de la teinturerie « sont strictement compartimentés selon les matières textiles
(laine et lin, soie, éventuellement coton dans quelques villes italiennes) et selon les couleurs ou
groupes de couleurs » (Pastoureau, 2000 : 69) et comp rennent :
 [+métier] [+ domaine de la coloration]
 teinturier
 teinturiers « de bouillon » et teinturiers « de cuve » ou « de guède » ;
 teinturiers de rouge et teinturiers de bleu ;
 teinturiers médiévaux ou teinturiers du Moyen Âge ;
 teinturiers occidentaux, teinturiers grecs, teinturiers romains, teinturiers florentins,
teinturiers allemands, teinturiers lyonnais ;
 teinturiers ordinaires et teinturiers de luxe,
 teinturiers de grand teint ;
 guédiers et pastelliers ;
 [+ métier] [+ domaine de la c oloration] [ + degré de spécialisation]
 expert en teinturerie ;
 [+ métier] [+ commerce]
 marchand de pastel, le « gué dier » ;
 marchands de garance ;
 marchands de kermès ;
 marchands de guède
 « industriels » ou négociants,
 grossistes,
 petits marchands ;
 homme d’affaires ;
 marchands drapiers ;
 les marchands de vin ;
 [+métier] [+ fabrication] [+ tissu]
 drapier,
 tisserand,
 [+métier] [+ taille des matériaux]
 tailleur ;
 [+métier] [+ domaine artistique]
 peintre,
 artisan,
 maîtres verriers ;
 [+ métier] [+ construction] [ + aménagement environnemental]
 urbanistes,
 architectes,

233 Le résultat de notre requête : Index de <[frlemma="métier?s?"%d]> avec la propriété [word] dans le corpus
CORPUSMICHELPASTOUREAU Terminé : 2 items pour 28 occurrences.

365
 paysagistes ;
 promoteurs de jardins et de squares ;
 [+ métier] [+ fabrication] [+ coloriage] [+ cuir]
 tanneur ;
 [+ métier] [+ production ] :
 producteurs de guède ;
 cultivateurs et ouvriers guédrons ;
 artisans producteurs,
 forgerons,
 alchimistes,
 apothicaires [+ production] [+ commerce]
 chimistes ;
 droguiste [+ production] [+ commerce]
 fabricant de couleurs ;
 [+métier] [+ transport des marchandises]
 transporteurs
 [+ métier] [ + vérification de la qualité]
 contrôleurs
 [+ métier] [+ imprimerie ]:
 ouvriers typographes ;
 ouvriers du livre ;
 imprimeurs ;
 [+ métier] [+ médecine ]
 médecins
 psychologues ;
 [+ métier] [+ spécialiste] [+ domaine particulier] [+ histoire ]:
 historien des couleurs.

Comme tous les autres aspects que l’univers de la couleur comprend, nous trouvons que
les métiers font partie d’un ensemble, représentant de la sorte un élément sans lequel nous
risquerions de nous réjouir uniquement des couleurs de la natur e. Soit qu’il s’agisse d’artistes ou
de teinturiers, soit de commerçants qui ont rendu possible la circulation des matières colorantes au
long des siècles, chacun de ces métiers contribue à colorier notre monde.

3.5. La migration des termes chromatiques
Compte tenu de la spécificité de notre corpus, qui se situe entre le lexique et la
terminologie et qui, vu sa présence dans un ouvrage historique, caractérisé à son tour par le
croisement de tous les domaines et tous les aspects de l’activité humaine, nous pouvons conclure
qu’il existe, à côté de la circulation des mots / des termes entre la langue générale et la langue
spécialisée, une migration des termes entre les domaines spécialisés. Ce que nous nous essayons
de dire est que les domaines, surtout ceux qui ne bénéficient pas d’un degré très élevé de

366
spécialisation, ne sont pas bornés. Nous concluons ainsi qu’il existe un continuum terminologique
dû au fait que les domaines spécialisés ne sont pas complètement délimités ni entre eux, ni par
rapport à la l angue générale.
Pour exemplifier ce phénomène, nous prenons quelques exemples avec les termes
chromatiques bleu, noir, rouge et vert et quelques exemples avec d’autres éléments relevant de
leur champ terminologique.
3.5.1. Bleu – migration terminologique
Le prem ier terme, bleu, prend des significations différentes en fonction du domaine où il
est employé. Ainsi, du point de vue chromatique, le bleu représente la couleur, telle qu’elle est
employée dans tous les arts ou dans la mode, par exemple, tandis qu’en méde cine le bleu signifie,
selon le TLFi, la « [t]uméfaction bleue ou violacée qui se produit spontanément chez certains
hystériques »234. Il apparaît également dans d’autres domaines, comme l’histoire, pour désigner les
soldats de la République, dans le domaine militaire pour désigner une jeune recrue, en
gastronomie pour dénommer un vin rouge d’une qualité médiocre, etc.
En tant que partie d’une collocation, soit comme base, soit comme collocatif, ou d’un le
terme chromatique bleu apparaît également dans plusieurs domaines :
Domaine Séquence Définition235
Armée Les diables
bleus « Régiment de chasseurs »
Gastronomie
/Histoire Cordon bleu « Ruban de tabis bleu, que portent les chevaliers de l’Ordre du Saint –
Esprit »
« une cuisinière très -habile »
Gastronomie cuire au bleu
(truite au bleu) « Façon de cuire certains poissons au court -bouillon vinaigré
bouillant, leur peau noire prenant ainsi une teinte bleutée »
bleu
d’Auvergne
bleu de Bresse « Fromage fermenté à moisissures bleues préparé à partir du lait de
vache »
bifteck bleu « Servi saignant et peu grillé »
Histoire des
religions Filles bleues « Nom que l’on donnait aux filles de l’Annonciade »
Médecine œdème bleu « Tuméfaction bleue ou violacée qui se produit spontanément chez
certains hystériques »
maladie bleue « Caractérisée par une cyanose (coloration bleue de la peau), en
rapport avec le passage du sang veineux « bleu » (sang à réoxygéner)
dans le sang artériel « rouge » (sang réoxygéné) et un ré trécissement

234 TLFi , http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1721311200;r=1;nat=;sol=1 , dernière
consultation le 10 juin 2017.
235 Toutes les définitions des séquences que nous avons inventoriées dans le tableau sont reprises du TLFi,
http://stella.atilf.f r/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1721311200;r=1;nat=;sol=1; dernière consultation le 10
juin 2017.

367
sur la circulation du sang veineux »
enfant bleu « Enfant qui est atteint de la maladie bleue »
Botanique anémone bleue
Géologie pierres bleues « Nom donné (…) dans les départements du Nord (…) à des calcaires
compacts d’un gris bleuâtre ou violacé »
Tableau 48 : Bleu – Phraséotermes
Nous pouvons remarquer, d’une part, qu’il existe des structures qui sont communes à deux
domaines (par exemple, cordon bleu pour l’histoire et la gastronomie), mais qui revêtent des sens
différents et, d’autre part, que le terme bleu ne désigne pas dans ces structures la couleur bleue
proprement -dite.
3.5.2. Noir – migration terminologique
Le deuxième terme que nous étudions, le noir, bénéficie lui aussi de traitement individuel
et en combinaison avec d’autres mots / termes. Ainsi, tout d’abord, il désigne la couleur ou ce qui
est « [c]aractérisé par l’absence de couleur (ou par une couleur très sombre) ou bien par l’absence
de lumièr e », ainsi que la « matière colorante servant à teindre en noir », et, dans un sens figuré, il
« [s]uggère la tristesse, la mélancolie, l’inquiétude ». Un autre sens que ce terme revêt est
« Homme ou femme de race noire ».
En ce qui concerne les prhaséoter mes dont le noir fait partie, sans nécessairement désigner
la couleur noire, nous avons cherché dans le même dictionnaire en ligne et nous en avons extrait
quelques exemples que nous avons structuré s comme suit :
Domaine Séquence Définition236
Histoire Parti noir « celui des députés de l’Assemblée constituante qui siégeaient plus à droite
que les monarchistes, et qui arboraient en 1789 une cocarde noire »
Chemises
noires « celles des fascistes et p.méton. les fascistes eux -mêmes »
Physique corps noir « Modèle théorique imaginé par les physiciens pour ses propriétés simples
et qui est supposé absorber tout un rayonnement reçu par sa surface,
laquelle, par conséquent, ne diffuse ni ne réfléchit »
Médecine maladie
noire « Le meloena ou la maladie noire que constitue une hématémèse
chronique » (italiques de l’auteur)
sang noir « Sang carboné ou caillé »
voile noir « Trouble de la vision observé chez les aviateurs pilotant des appareils
rapides lors de virages serrés… (cécité passagère) »
Agriculture le noir des
céréales « Maladie des céréales et spécialement du froment, produite par un
champignon »
Tableau 4 9 : Noir – Phraséotermes

236 TLFi , http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=16719585;r=1;nat=;sol=2 ; dernière consultation
le 15 juin 2017.

368
Comme dans le cas du bleu, le noir employé dans ces phraséotermes ne désigne pas
forcément la couleur noire, mais ce sont les séquences qui portent un sens global, celui que le
dictionnaire nous a fourni.
3.5.3. Rouge – migration terminologique
Le troisième terme, le rouge , relevant lui -aussi du domaine chromatique, est traité par le
même dictionnaire en ligne comme adjectif qui caractérise un objet ou toute surface qui présente
la couleur que le terme désigne, ainsi que la couleur proprement -dite ; tout comme les autre termes,
celui -ci désign e également une matière colorante, mais cette fois -ci « servant à teindre en rouge »
ainsi que le « [f]ard rouge utilisé autrefois pour se colorer le visage ».
En ce qui concerne ses possibilités combinatoires, elles ont été également introduites dans
le dictionnaire et nous en avons extrait quelques séquences que nous présentons selon le même
schéma que les deux couleurs précédentes :
Domaine Séquence Définition237
Œnologie vin rouge « Vin de couleur plus ou moins foncée, issu de raisins
rouges dont la maturation a été complète »
Alimentation viande
rouge « Viande de bœuf, de cheval, du mouton, etc. qui a un
aspect rouge après cuisson. »
Histoire / histoire politique Bonnet
rouge « Révolutionnaire coiffé du bonnet phrygien »
Botanique maladie
rouge « Qui est atteint d’une maladie qui provoque une
coloration rouge »
Politique téléphone
rouge « Liaison directe, par télex, entre la Maison -Blanche
et le Kremlin »
Postes et télécommunications,
Transports (aviation, S.N.C.F.,
etc.) heure
rouge
période
rouge « Heure, période etc. surchargée (représentée
visuellement par la couleur rouge) pendant laquelle les
usagers ne peuvent bénéficier de tarifs réduits. »
Circulation routière heure
rouge
« […]la circulation est surchargée et donc
dangereuse »
Tableau 50 : Rouge – Phraséotermes
Nous observons une fois de plus que le terme commun à tous ces séquences, le rouge, a
perdu, dans la plupart des cas, son sens propre. Selon nous, les exemples les plus intéressants sont
les deux derniers du tableau, heure rouge revêtant des sens différents en fonction du domaine où la
séquence apparaît, le seul point commun étant la surcharge, mais l’avertissement est
complètement différent.

237 TLFi, http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?122;s=183836130;r=3;nat=;sol=6 ; dernière
consultation le 15 juin 2017.

369
3.5.4. Vert – migration terminologique
Le quatrième terme, le vert, considéré individuellement, désigne d’une part la couleur en
tant que substantif, mais aussi la « [m]atière colorante, pigment présentant cette tonalité » ou
« Acidité, âpreté due au manque de maturité du raisin » en œnologie, voire « [f]ourrage frais, non
séché »238 d’autre part il caractérise du point de vue chromatique certains objets ( thé vert, herbe
verte, vallée verte , etc.). Comme dans le cas des trois autres termes de couleur analysés, le vert est
utilisé dans beaucoup de domaines dans des séquences plus ou moi ns figées.
Domaine Séquence Définition239
Biologie
Médecine vert malachite
vert de méthyle « Matière colorante présentant cette tonalité et qui est utilisée pour
colorer diverses préparations ou en thérapeutique »
Végétal blé vert « Blé en herbe »
engrais vert « Végétation herbacée récoltée avant maturité et enfouie dans le
sol pour servir d’engrais »
enfer vert « forêt vierge »
Viticulture gros vert « Cépage donnant des raisins de table blancs, d’une qualité
inférieure à celle du chasselas, mais qu'il concurrence à cause de
sa maturité plus tardive et de son prix moins élevé »
opération, taille
en vert « Opération pratiquée avant la maturité »
Gastronomie olive verte
poivre vert « Qui est consommé avant maturité »
Agriculture
Économie
Politique
agricole énergie verte ;
or, pétrole vert « Source d’énergie, de richesse représentée par des végétaux, des
produits de l’agriculture »
Europe verte « Marché commun agricole de la Communauté économique
européenne. »
pouvoir vert Force économique du monde agricole.
Tourisme,
culture, sport classe verte « Classe transplantée momentanément à la campagne, partageant
son temps entre les études scolaires et les activités de plein air »
station verte « Localité rurale située dans un cadre naturel attrayant et qui offre
des possibilités d’hébergement pour les vacanciers […] »
Tableau 51 : Vert – Phraséotermes
Dans le cas du vert, nous constatons également qu’il existe des cas où te terme garde son
sens de couleur, ou du moins, c’est par rapport à ce critère que les séquences se sont formées, mais
aussi des exemples où le terme perd complètement son sens chromatique.
Il y a encore des domaines différents (agriculture, économie et politique agricole) qui se
partagent certaines structures, m ais à la différence de l’exemple heure rouge qui a des sens

238 TLFi, http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?158;s=183836130;r=4;nat=;sol=4;
239 Toutes les définitions du table au sont citées du site du Trésor de la Langue Française informatisé, disponible à
l’adresse http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?128;s=16719585;r=3, dernière consultation le 21
juin 2017

370
différents en fonction du domaine, les séquences en discussion ont gardé leur sens même si elles
sont employées dans des domaines différents.
Ce phénomène de migration d’un terme entre les différentes langues spécialisées va de pair
avec le passage des termes de la langue spécialisée dans la langue générale et des mots de la
langue générale à la langue spécialisée. Selon Guilbert (1975 : 84), « [l]e transfert par métaphore
de la réalité au p lan de la désignation linguistique s’opère désormais à partir des concepts
scientifiques les plus vulgarisés ou des pratiques techniques les plus courantes ». Ces phénomènes
sont de plus en plus naturels, si nous tenons compte de la coopération des scienti fiques des
plusieurs domaines, d’une part, et de la technicité dont notre vie bénéficie de plus en plus comme
résultat du développement continu de la science et de la technique.

Conclusions partielles
Ce chapitre de notre recherche a été consacré au trait ement informatisé de notre corpus,
analyse que nous avons conduite autour de la terminologie chromatique, par cela comprenant tant
les termes, considérés séparément, que des phraséotermes.
Nous avons réalisé une étude sémantique quantitative de la terminologie et nous avons
utilisé des paramètres scientifiques (ton, saturation, teinte, luminosité, gamme, aspect, etc.) en vue
de réaliser une classification des quatre termes de couleur qui font le sujet de notre recherche (bleu,
noir, rouge et vert), ainsi que des autres termes et phraséotermes relevant du domaine chromatique
que nous avons identifiés dans les quatre ouvrages de Michel Pastoureau .
Ce traitement automatique du corpus nous a permis d’organiser les termes ainsi identifiés
dans des sous -ensembles selon les domaines d’activité humaine où ils se manifestent (peinture,
teinture, vêtements ), en réalisant ainsi une démarcation entre des termes appartenant à la langue
générale et des termes appar tenant à la langue spécialisée. Par exemple, nous avons identifié des
classes différentes de supports de la couleur, des pigments et des colorants et tous les métiers
grâce auxquels la couleur est prod uite et résiste au fil du temps.
Grâce à cette partie de notre recherche, nous avons pu observ er le phénomène de migration
des termes d’un domaine à l’autre, ainsi que celui de terminologisation et de déterminologisation,
ce qui implique le mouvement des m ots ou des termes entre la langue et générale la langue
spécialisée .

371

CONCLUSIONS GÉNÉRALES

La couleur est une présence incontournable et, oserions -nous dire, indispensable dans notre
vie. Elle présente l’avantage de se trouver dans notre environnement tant sous forme naturelle,
offerte à nos yeux et à notre esprit par la nature elle -même avec les plus belles nuances qui ne
cessent pas de nous émerveiller, que sous forme art ificielle, résultat de l’acharnement de l’individu
soit d’imiter les couleurs naturelles sur de divers supports, soit de surclasser la beauté de la nature,
mais aussi le nombre de nuances naturelles pour démontrer son pouvoir.
Étant donné l’intérêt suscit é au fil des siècles par la couleur d’un côté dans les milieux
professionnels et, d’autre côté, dans ceux personnels, la couleur est devenue depuis longtemps un
vrai sujet de recherche. Ainsi, elle a préoccupé et préoccupe encore les physiciens, les chimis tes,
les physiologistes, les psychologues, les médecins, toutes les catégories d’artistes, mais aussi les
philosophes. Certes, chacune de ces catégories de spécialistes opère avec des classifications
différentes, propres aux domaines où ils travaillent, tr aitant ainsi le sujet selon des approches
différentes et ayant des points de vue qu’ils soutiennent en fonction des objectifs proposés.
Une autre catégorie de spécialistes que nous voulons rappeler séparément est celle des
historiens. Puisqu’il existe tant d’approches en matière chromatique, tant de recherches dont il
résulte une palette très large d’informations qui s’adressent à la fois aux spécialistes et au grand
public, nous mettons en exergue l’effort qu’un historien doit faire pour nous offrir une hi stoire de
ce que nous appelons génériquement la couleur.
L’auteur qui a dédié une grande partie de son œuvre à ce sujet est le spécialiste des
emblèmes et de l’héraldique Michel Pastoureau, devenant de la sorte le premier l’historien des
couleurs grâce à s es monographies sur les quatre couleurs que nous analysons dans la présente
recherche : Bleu. Histoire d’une couleur (2000, Paris, Seuil) , Noir. Histoire d’une couleur (2008,
Paris, Seuil) Rouge. Histoire d’une couleur (2016, Paris, Seuil) et Vert. Histoir e d’une couleur
(2013, Paris, Seuil). Ces ouvrages nous conduisent sur le chemin parcouru dans l’histoire des
sociétés européennes par les quatre coule urs, depuis l’Antiquité j usqu’à nos jours. L’histoire de
ces couleurs , décrite et analysée par Michel Pas toureau , nous détermine à percevoir différemment

372
les couleurs, à les apprécier à leur juste valeur, à comprendre leur vie tumultueuse à travers les
siècles et leur devenir. Passionné par le sujet et soucieux d’en offrir un tableau complet, l’auteur a
égale ment publié un grand nombre d’articles sur les couleurs, ce qui lui attribue le statut de
premier spécialiste de l’histoire et de la symbolique des couleurs.
Le fait d’être sujet à une recherche dont le résultat nous semble parfaitement spécialisé –
discou rs historique – , nous oriente en quelque sorte, avant toute analyse, vers l’encadrement des
quatre termes désignant la couleur plutôt à la terminologie qu’à la lexicologie.
Est-ce que le fait d’être véhiculé dans un discours spécialisé ou dans un discour s relevant
de la langue générale suffit pour conclure que nous avons affaire avec un terme ou avec un mot ?
Nous osons répondre par l’affirmative. Puisque « toute histoire des couleurs doit d’abord être une
histoire sociale » (Pastoureau, 2016 : 10), il es t vrai que le degré de spécialisation du discours de
l’auteur, tout comme le discours de l’histoire en général, n’est pas extrêmement élevé, parce que,
d’une part, l’histoire inclut tous les aspects de l’humanité et, d’autre part, c’est un domaine qui
nous est familier dès les premières années de scolarité. Pastoureau aborde dans ses quatre
ouvrages, ainsi que dans les autres consacrés à ce sujet, les côtés pratiques, les aspects
scientifiques, les préoccupations quotidiennes, voire les croyances liées à la couleur, les domaines
de prédilection de la couleur et tous les mécanismes impliqués dans la production et dans la
préservation des couleurs, retraçant leur parcours du matériel à l’idéologique, en mettant en
évidence les transformations culturelles qu’el les ont subies et en présentant les causes qui ont
engendré les changements de perception sociale de la couleur.
Un autre domaine qui a montré un intérêt particulier pour le domaine chromatique est la
linguistique. L’approche est néanmoins différente, puisque la linguistique traite des mots,
s’intéressant ainsi à la dénomination et à l’analyse de tout ce que le phénomène couleur suppose
de ce point de vue.
Cette question liée à la place des termes de couleur que nous avons soulevée, c’est -à-dire
s’ils r elèvent de la terminologie ou du lexique, nous a conduite vers la délimitation d’un cadre
conceptuel et théorique de la thèse dans lequel nous avons inséré uniquement les notions utiles
dans notre démarche, celles relevant de la lexicologie, de la sémantiq ue, de la terminologie et de la
socioterminologie. Par conséquent, des notions comme champ lexical, champ sémantique, champ
lexico -sémantique, dénotation et connotation, démarches dans le domaine de la terminologie,
relation terminologie et lexicologie et opposition mot / terme y ont trouvé leur place.

373
Une importance particulière dans notre démarche est accordée au statut de discours
spécialisé des ouvrages sur lesquels repose notre corpus, dans l’objectif que nous poursuivons
d’encadrer les éléments chroma tiques du côté de la langue spécialisée ou du côté de la langue
générale. Nous avons démontré que la langue de l’hist oire est une langue spécialisée et, par
conséquent , la juste place des éléments compos ant le champ chromatique devant s’y retrouver.
Ces él éments sont, dans leur grande majorité, en liaison étroite avec notre univers
personnel, mais également avec les communautés auxquelles nous appartenons et par voie de
conséquence à nos cultures. La couleur, comme « fait de société » touche aux domaines le s plus
variés et pénètre dans nos vie personnelles même si elle relève d’un domaine spécialisé comme la
médecine (les couleurs des médicaments ou celle qu’une maladie nous fait observer),
l’électronique (chaque fil qui a une certaine couleur porte un messa ge clair sur son rôle) ou les
objets décoratifs, constituant ainsi, en tant que champ d’étude, ce que Michel Pastoureau (2000 :
10) appelle « un terrain transdocumentaire et transdisciplinaire ».
Du point de vue linguistique, le lexique relevant du domaine des couleurs se prête à
plusieurs types d’analyse : morphosyntaxique, étymologique, syntaxique, stylistique et sémantique.
Par la revue des ouvrages que les différents chercheurs ont écrits sur les couleurs, nous avons joint
des ouvrages de spécialité à c eux qui relèvent de la linguistique, qui est en fait notre domaine de
recherche.
La dénomination des couleurs, très simple à première vue, va de pair avec l’évolution
enregistrée par le domaine chromatique. Nous avons l’impression de tout connaître sur les
couleurs (même s’il est déjà connu que notre œil est limité à la vue ou à la perception d’un certain
nombre de couleurs et même si parfois notre vocabulaire est limité aux couleurs de l’arc -en-ciel !),
tandis que le domaine chromatique et le lexique emplo yé pour dénommer les nouvelles nuances se
sont beaucoup enrichis et continuent naturellement dans la même direction, puisque ce domaine
enregistre à présent de milliers de nuances que notre œil n’est pas physiologiquement prévu avec
les mécanismes nécessai res pour les distinguer.
Dans notre recherche nous avons eu recours à deux types de dictionnaires : les
dictionnaires généraux (version papier et version en ligne) qui nous ont servi de source pour les
définitions des termes relevant du domaine de la coule ur et dont nous avons extrait les sèmes dans
le chapitre destiné à l’analyse sémique, et les dictionnaires spécialisés écrits par Annie Mollard –
Desfour : Le Bleu. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui (XXe – XXIe),

374
2013, Paris, CNRS Éditions , Le Rouge. Dictionnaire des mots et expressions d’aujourd’hui (XXe –
XXIe), 2009, Paris, CNRS Éditions , Le Noir. Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions
d’aujourd’hui (XXe – XXIe), 2010, Paris, CNRS Éditions et Le Vert. Dictionnaire de la couleur.
Mots et expressions d’aujourd’hui (XXe – XXIe), 2012, Paris, CNRS Éditions. Nous avons utilisé
ces derniers dictionnaires, correspondant aux quatre couleurs que nous étudions, surtout dans la
partie destinée à la recherche du champ terminologique de la couleur.
Pour ce qui est de l’identification des éléments qui composent le champ lexico -sémantique
et celui terminologique des termes chromatiques, nous l’avons faite par le biais de l’analyse
sémique, après avoir brièvement présenté le modèle des c onditions nécessaires et suffisantes
(CNS), le modèle du prototype et la théorie du stéréotype, en considérant que l’analyse sémique se
prête le mieux à notre corpus, ainsi qu’à notre objectif.
Par conséquent, nous avons procédé à la décomposition en trait s sémantiques, unités
minimales de signification connues sous le nom de sèmes. En ce qui concerne la typologie de
sèmes à laquelle nous avons eu recours, nous avons emprunté celle de Bernard Pottier (1985),
selon qui nous pouvons identifier dans une lexie des sèmes génériques, des sèmes spécifiques et
des sèmes virtuels. Le choix de cette typologie est la plus appropriée pour distinguer les traits des
éléments qui composent notre corpus. Nous avons soumis à cette analyse premièrement les quatre
termes de co uleurs – bleu, noir, rouge et vert – et ensuite l’archilexème couleur .
Pour résumer, en vue d’établir les sèmes génériques et spécifiques nous avons utilisé les
définitions extraites des dictionnaires qui constituent notre corpus secondaire, tandis que pou r les
sèmes virtuels nous avons exploité le corpus principal provenant des quatre ouvrages de Michel
Pastoureau, celui -ci s’avérant extrêmement riche de ce point de vue.
Dans le cas des adjectifs de couleur, les critères que nous nous sommes proposée pour leur
classification sont les suivants : trait positif / trait négatif / trait neutre ; nous avons extrait ainsi
plusieurs sèmes virtuels pour chacun des termes que nous avons classifiés ensuite dans des
tableaux séparés pour chacune des quatre couleurs.
Dans l’analyse des noms de couleur, nous avons suivi un axe des valeurs allant du négatif
au positif que nous avons confronté avec les périodes de manifestation de la couleur telles que
Pastoureau nous les a présentées. À la suite de cette analyse et de la comparaison des résultats,
nous concluons que les couleurs n’ont pas suivi un trajet exclusivement ascendant ou descendant,
que leur histoire n’est pas ainsi sans détours, que la lutte pour la suprématie de chacune des

375
couleurs engendre de temps en temps de nouveaux ordres de couleurs tant au niveau des
spécialistes, qu’au niveau de préférences de l’humanité.
Une autre exploitation de notre corpus nous a conduite à rassembler également des
séquences dans lesquelles le virtuème résulte d’une combinaison de lexèmes qui partagent au
moins un sème comme couleur de l’innocence (le bleu), couleur des méchants et des impies (le
noir), couleur de la victoire (le rouge) et couleur du destin (le vert) en les classifiant également
dans des tableaux séparés pour chacun e des quatre couleurs. Nous avons ainsi mis en exergue
deux aspects : l’existence de sèmes virtuels communs à deux ou plusieurs couleurs comme le
sème /sombre/ pour bleu, noir et vert et l’impossibilité dans certains cas de nous rendre compte
aisément de q uelle couleur il s’agit lorsque en dehors du contexte nous nous trouvons en présence
d’une séquence comme couleur de la joie (il s’agit du bleu, mais nous admettons notre tendance
personnelle d’associer la joie au rouge) ou couleur de l’élégance (le vert, tandis que certains
pourraient penser au noir).
Nous constatons également, selon la même analyse sémique, que le terme couleur a, dans
ce corpus spécifique, un double statut : il est à la fois archisémème et archilexème, en tant que
réalisation lexicale du premier. Comme dans le cas des quatre termes de couleur, nous avons
extrait les sèmes génériques et spécifiques des définitions des dictionnaires généraux et les sèmes
virtuels de l’ouvrage de Michel Pastoureau. Ainsi, selon l’auteur, la couleur est lumiè re, fard,
beauté, matière, densité , mais son principal trait est d’être un fait de société . Par conséquent, la
décomposition des termes chromatiques en unités minimales de signification, s’avère très utile
dans l’identification les sèmes virtuels qui carac térisent le mieux la couleur comme fait de société.
Une deuxième partie de l’exploitation du corpus est consacrée à l’étude des termes de
couleur dans la phraséologie. En partant des séquences identifiées dans les quatre monographies
que l’auteur utilise p our caractériser les couleurs dont il retrace l’histoire, la question soulevée
portait sur leur appartenance au domaine des unités phraséologiques ou si elles sont le résultat de
la combinaison libre. Nous nous sommes arrêtée à quatre notions que nous avon s considérées
comme les plus appropriées pour notre démarche et pour notre corpus : collocation, phraséotermes,
locutions figées, expressions figées. Après les avoir défini s, nous avons analysé et classifié les
séquences identifiées dans l’œuvre de Michel Pastoureau dans ces quatre catégories.
Dans le cas des collocations, parmi les moules selon lesquels ces séquences sont
construites, nous avons identifié des formules comme : « couleur + de + prédét. + N + de (+

376
prédét.) + N » (couleur des entrailles de la terre ) ou « couleur + de + prédét. + N + Adj. / +
conj. + Adj. » (couleur de la nuit dangereuse et malfaisante ).
Il existe des collocations à structure bilexicale ( peinture corporelle ), mais aussi des
collocations à structure polylexicale ( univers des co uleurs ), qui se prêtent à une analyse selon le
critère sémantique, selon leur composition, selon le critère fonction et selon les registres de langue
auxquels elles appartiennent, ce que nous avons fait dans la présente recherche.
Dans l’analyse des locuti ons figées à structure nominale, des locutions figées à structure
verbale et des locutions figées à structure adjectivale construites avec des termes désignant la
couleur, nous avons eu recours plutôt aux dictionnaires, mais nous avons également analysé ce lles
extraites de notre corpus, puisque Michel Pastoureau ne fait qu’inventorier ces locutions comme
des faits de langue, à côté des dictons et des proverbes, pour illustrer à son tour leur présence dans
la phraséologie, tout en insistant sur la symbolique des couleurs qui découle de leur emploi dans
les locutions figées qui servent en réalité à transmettre un certain message.
Puisque notre corpus nous a offert des exemples dignes d’une attention particulière, nous
avons traité également le sujet des degrés de comparaison des termes de couleur, en démontrant,
d’une part, que ce phénomène est possible et identifiable au niveau du discours historique de
Michel Pastoureau, et d’autre part qu’il est déjà identifiable au niveau de la phraséologie ( plus
noir que c orbeau et plus vert que papegeai) , ce qui prouve l’existence de ce phénomène depuis
longtemps.
Étant donné la taille de notre corpus, nous avons essayé au début de notre travail d’extraire
les éléments du corpus de manière traditionnelle, le crayon à la main, lorsque nous avons
commencé à nous égarer dans la richesse du discours de Pastoureau en matière chromatique, nous
avons procédé au traitement informatisé du corpus, à l’aide d’un prog ramme de textométrie. N ous
avons utilisé le logiciel TXM240 tant pour dépouiller les quatre ouvrages de Michel Pastoureau en
vue de rassembler les éléments du champ lexico -sémantique et terminologique des couleurs, que
pour l’analyse quantitative des termes chromatiques qui le composent et des séquences figées
construites a vec ces termes. Nous rappelons que la taille du corpus est de 250258 occurrences,
conformément au logiciel utilisé.
La plateforme TXM s’est avérée utile dans la délimitation des contextes dans lesquels les
termes sont employés, dans l’identification des ré férences, dans la réalisation des listes de

240 Copyright © 2013 -2015 – ENS de Lyon & Université de Franche -Comté – http://textometrie.ens -lyon.fr

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fréquences, des index, dans le calcul des concordances et des coocurrences des termes qui font
l’objet de notre étude, ainsi que dans les calculs de la progression des termes en discussion.
Par conséquent, le r ésultat de l’emploi de cette plateforme est double : d’une part, elle nous
a servi d’outil dans la constitution du corpus principal et, d’autre part, elle nous a offert la
possibilité de mener une étude sémantique quantitative de la terminologie des couleu rs.
Pour ce qui est de la classification des termes relevant du champ des couleurs selon divers
paramètres, les critères scientifiques (comme la saturation, la densité, la luminosité, la teinte, le
ton, la tonalité, le contraste des couleurs qui est l’une des plus connues classifications en matière
chromatique) sont les plus appropriés tant à notre corpus, qu’à l’utilisation du logiciel.
Pour ce faire, nous avons passé en revue quelques ouvrages de spécialité du domaine
chromatique comme Couleurs et lumièr e de Chérif Zananiri (2000) et Art de la couleur (1967) de
Johannes Itten. Ensuite, pour chacun des paramètres identifiés, nous avons présenté la structure
des séquences construites avec ces termes.
Par exemple, pour la teinte , nous avons proposé des moules tels que « teinte + Adj.
[+couleur] » matérialisée lexicalement en teinte bleue ou teinte rougeâtre ou « teinte + Adj.
[+saturation] » pour teintes vives et teintes délavées . Dans le cas du paramètre nuance, nous avons
analy sé des séquences construites selon le moule « nuance + de + N [+couleur] » comme nuances
de vert et nuances de rouge ou « nuance + Adj. [+luminosité] » comme nuance mate et nuances
translucides .
L’analyse des termes chromatiques ne s’arrête pas aux quatre termes de couleurs et aux
paramètres servant à leur classification. Puisque notre corpus contient également d’autres termes
relevant du champ terminologique de la couleur, nous avons considéré leur analyse obligatoire.
Ainsi, parmi les termes clés qui appa rtiennent à l’univers de la couleur, mais cette fois -ci les
termes relèvent du côté pratique et professionnel de la couleur. Il s’agit des termes teinture ,
colorant , matière colorante et pigment , que nous avons classifiés et autour desquels nous avons
construit des catégories très riches de termes qui apparaissent dans le discours de Michel
Pastoureau. Par exemple, dans la catégorie des pigments, il existe des pigments naturels et des
pigments artificiels et, dans la sous -catégorie des pigments naturels nou s avons constitué trois
groupes : pigments d’origine animale, pigments d’origine végétale et pigments d’origine minérale.
D’autres termes qui relèvent du domaine des couleurs et de leur manifestation dans la vie
quotidienne sont : les mordants qui servent à fixer la couleur, ainsi que les facteurs décolorants

378
qui l’effacent ; la palette, l’harmonie, la gamme et les rayures sont quelques paramètres qui
relèvent de la perception de la couleur et dont les spécialistes se servent pour classifier les
couleurs ou pour parler de leur aspect ; un rôle important dans la vie de couleurs revient aux
supports, avec lesquels la couleur entretient peut -être la liaison la plus étroite, sans support elle ne
pourrait pas se présenter à notre regard. Nous avons identifié des matières premières, des tissus,
des catégories de vêtements que nous avons classifiés en fonction de leur destination ; les grands
domaines comme la peinture, l’église, la décoration, les cosmétiques ; puisque la couleur ne se
pose toute seule sur ces supp orts, nous n’avons pas laissé de côté les métiers du domaine
chromatique et la palette des professions qui est extrêmement large, allant des métiers très
pratiques comme teinturier ou peintre jusqu’aux métiers qui n’impliquent pas le contact effectif
avec la couleur, comme celui de psychologue ou celui d’historien des couleurs.
En ce qui concerne la question s’il est possible de délimiter nettement la langue générale
de la langue de spécialité ou des langues de spécialités, parce qu’il y a autant de langues que de
spécialités, elle reste encore, à notre avis, très délicate.
Nous affirmons cela en nous appuyant sur le constat que, d’une part, les mots circulent
sans rencontrer des frontières exactes et sans que quelqu’un puisse les encadrer strictement et le ur
interdire de dépasser leur domaine et, d’autre part, que la vie personnelle côtoie permanemment la
vie professionnelle franchissant de la sorte toute frontière, plus ou moins évidente, qui puisse
limiter l’usage des termes d’un domaine spécialisé à ce d omaine précis, comme par exemple en
technique, en biologie, en constructions, en histoire ou en d’autres domaines. En outre, il n’existe
pas de règle qui impose l’emploi des termes en discussion exclusivement dans le milieu
professionnel correspondant à ce domaine -là ou dans une communauté restreinte de spécialistes
qui partage un certain métier et la terminologie qui lui est propre.
Nous nous sommes penchée sur cet aspect en vue d’établir où se situent les termes qui font
l’objet de notre étude. Puisque la communication spécialisée est propre à une situation de
communication claire qui répond aux besoins de partage des découvertes et de nouvelles
connaissances dans un domaine précis, nous pourrions interpréter la définition en ce sens que la
langue de spéci alité est un sous -code de la langue générale. Par conséquent, si la langue, avec ses
éléments composants, avec ses règles et ses restrictions est connue par la majorité des locuteurs,
alors nous sommes en présence de la langue générale.

379
De l’autre côté, l a langue spécialisée est caractérisée par Lerat (1995 : 21) de la manière
suivante : « [u]ne langue spécialisée ne se réduit pas à une terminologie : elle utilise des
dénominations spécialisées (les termes), y compris des symboles non linguistiques, dans d es
énoncés mobilisant les ressources ordinaires d’une langue donnée ». Nous sommes de nouveau
devant une définition qui met sur le même plan les deux langues ou, du moins, l’auteur ne les
sépare pas, puisque les règles d’une langue doivent être respectées par tout locuteur, dans toute
situation de communication, personnelle ou professionnelle. L’auteur continue la définition de la
langue spécialisée qu’il conçoit comme « l’usage d’une langue naturelle pour rendre compte
techniquement de connaissances spécia lisées » (Lerat, 1995 : 21).
Lorsque nous utilisons des séquences comme bleu clair, bleu foncé, noir dense, noir
profond, rouge éclatant, rouge foncé, vert pur, vert sombre, couleur chaude, couleur froide dans
nos discours ou dialogues quotidiens, elles so nt si connues que nous ne pensons pas si elles
relèvent de la langue générale ou de la langue spécialisée. Nous les utilisons parce qu’elles font
partie de notre vocabulaire, et elles y se trouvent parce qu’elles sont très fréquemment employées,
même si, e n réalité, tous ces paramètres clair, foncé, dense, pur , etc., relèvent de la langue de
spécialité. Mais le degré de spécialisation de ces séquences, à force d’être si présentes dans nos
vies, n’est plus si élevé. Une fois entré dans la vie quotidienne, to ut terme est absorbé par la
langue générale et il pénètre dans le vocabulaire de la grande majorité des locuteurs.
En revanche, si nous rencontrons des séquences telles que maladie bleue, limaille de
cuivre mélangée à du sable et à de la potasse, indigotin e artificielle, oxyde de manganèse, noir de
fumée, noir de vigne , la compréhension n’est pas si facile comme dans les cas antérieurs, leur
degré de spécialisation étant nettement supérieur, ce qui suppose un effort supplémentaire de notre
part, parce qu’il arrive que nous comprenions les termes considérés séparément, mais nous ne
pouvons pas appréhender de quoi il est question si nous essayons de comprendre l’ensemble.
Pour ce qui est du discours historique que nous avons étudié, nous concluons que les
termes chromatiques que Michel Pastoureau y emploie relèvent du domaine historique. Autrement,
étant donné l’éventail extrêmement varié de domaines qui s’y retrouvent, nous devrions délimiter
chacun et nous aurions autant de domaines que d’activités humaines o ù la couleur est présente, du
quotidien le plus banal aux domaines les plus spécialisés. De plus, une fois employé dans un
certain domaine, tout terme s’inscrit dans la logique du discours où il apparaît.

380
Nous pourrions conclure que nous nous trouvons face à un phénomène de migration des
mots vers la terminologie et des termes vers la langue générale, entre langue générale et langue
spécialisée, les mots et les termes partageant des sens identiques dans des contextes différents,
mais aussi des sens complète ment différents dans un même contexte.
Couleurs ambivalentes du point de vue symbolique, couleurs primaires ou secondaires,
couleurs chaudes ou froides du point de vue scientifique, couleurs… et couleurs, tous ces aspects
représentent autant de pistes pour de nouvelles recherches. Notre passion pour les couleurs
continuera avec la réalisation d’un glossaire de termes chromatiques en français et en roumain,
que nous considérons utile pour des emplois ultérieurs divers.

381

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Manuel de TXM , Version 0.7, Juillet 2015, Copyright © 2013 -2015 – ENS de Lyon & Université
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395

ANNEXES

396

397
ANNEXE 1

398
ANNEXE 2 CORPUS
1. Bleu, noir, rouge, vert.
2. Termes bleu/noir/rouge/vert déterminés
Bleu Noir Rouge Vert
bleu clair
bleu ciel
bleu chevalier
bleu foncé
bleu marine
bleu national
bleu romantique
bleu dense
bleu égyptien
bleu gothique
bleu horizon
bleu marine
bleu moyen
bleu militaire
bleu moral
bleu outremer
bleu pâle
bleu pailleté
bleu profond
bleu romantique
bleus artificiels
bleus denses
bleus foncés
bleus profonds
bleus royaux
bleu terne
bleus ternes
bleu sombre
bleu turquoise
bleu subtil
bleu verrier noir vestimentaire
noir princier
noir fertile
noir moral
noir clunisien
noir négatif
noir rebelle
noir royal
noir terne
noir bénédictin
noir bénéfique
noir biblique
noir catholique
noir chtonien
noir curial
noir diabolique
noir fécond
noir fécondant
noir humble
noir luxueux
noir majestueux
noir mat
noir matriciel
noir moderne
noir omniprésent
noir ordinaire
noir ouvert
noir primordial
noir profond
noir protestant
noir sale rouge viril
rouge médiéval
rouge communiste
rouge chrétien
rouge brillant
rouge flamboyant
rouge politique
rouge vif
rouge vestimentaire
rouge cosmétique
rouge admirable
rouge anglais
rouge aride
rouge artificiel
rouge belle
rouge censé
rouge charnel
rouge christologique
rouge clair
rouge comparable
rouge cramoisi
rouge criard
rouges désaturés
rouge distinctif
rouge érotique
rouge feu
rouge garance
rouge grand
rouges grisés
rouge habituel
rouge héroïque vert foncé
vert gai
vert tendre
vert clair
vert perdu
vert émeraude
vert galant
vert vestimentaire
vert criard
vert dense
vert franc
vert pur
verts traditionnels
verts végétaux
vert absolu
vert administratif
vert apaisant
vert aqueux
vert bleuté
vert brunâtre
vert clinique
vert désaturé
vert étrange
vert européen
vert épinard
vert frais
vert germanique
vert hasardeux
vert hygiénique
vert isolé
vert jaune

399
bleu de montagne
bleu de l’amour légitime et
fidèle
bleus de l’enluminure
bleu de la milice parisienne
bleu de la Révolution
bleu du ciel
bleu du Mans
bleu des poètes
beu du drapeau
bleu des armoiries royales
bleu des soldats
bleu des républicains
bleu des romantiques
bleu veiné (d’un blanc
légèrement doré) noirs denses
noirs durs
noirs légers
noirs magnifiques
noirs mats
noirs photographiques
noir policier et totalitaire
noirs textiles
noirs uniformes
noirs unis
noirs végétaux
noirs vestimentaires
noir traditionnel
noir uniforme
noir valorisant
noir du saint
noir de grande qualité
noir de charbon
noir de bitume
noir de fumée
noir de vigne
noir d’ivoire
noir de lampe
noir de poils ou de plumes
noir de poils et de peau
noirs de peau
noir d’écorce
noir d’aniline
noir d’écorce ou de racine
noir de la martre zibeline
noir de l’aigle impériale
noir de l’encre
noir de la misère
noir de la palette du Diable
noir de la Réforme
noir de la terre
noir des origines rouge intense
rouge magique
rouges mêlés
rouge protecteur
rouge purificateur
rouges égyptiens
rouge pontifical
rouge prophylactique
rouge salvateur
rouges brunâtres
rouges clairs
rouges éclatants
rouges foncés
rouges noirâtres
rouges rompus
rouge salvateur
rouge sang
rouge somptueux
rouges sombres
rouge stérile
rouges ternes
rouges vestimentaires
rouge théâtral
rouge turc
rouge unie
rouge vermillon
rouges tirant vers le rose, l’orangé, le
violet, le roux, le fauve, le brun
rouge de belle qualité
rouge de plomb
rouge de la garde nationale
rouge de la statuaire et de l’architecture
grecques
rouge des socialistes et des extrémistes
rouge des forces du mal et du dieu Seth
(drapeau) rouge des forces révolutionnaires
rouges à base de garance vert lisse
vert médical
vert menaçant
vert national (de l’Ir lande)
vert négatif
vert neuf
vert ordinaire
verts outremer
vert pâle
vert poisseux
vert propre
vert protecteur
vert romantique
verts admirables
verts artificiels
verts graves
verts littéraires
verts lourds
verts métalliques
verts mondiaux
verts noirâtres
vert printemps
verts radieux
vert Scandinave
vert sédatif
vert solide
vert sombre
verts tendres
verts ternes
vert végétal
vert vif
vert visqueux
vert de l’amour
naissant et plein d’espoir
vert de l’Islam
vert des amours incertaines
vert des démons

400
noir des fourrures
noir des ténèbres
noir des enfers
noir des métaux
noir des rois
noir des moines et des hommes
d’église
noir des soupes à la tortue
noir des curés
noir du design
noir des curés en soutane et du
costume traditionnel
du clergé
noir des ténèbres terrifiantes
noir des mouches
noir des Abbassides
noir du désespoir
noir du Vendredi saint
noirs de la nature
noirs tirant vers le gris, le brun et
le bleu rouges à base de kermès
rouges éclatants et violacés à base de
pourpre
rouges foncés et rouges brunâtres à base de
différents bois
rouges et orangés à base de car thame
rouge de l’amour divin
rouge de l’amour
chrétien et de la charité
rouge de l’amour passion
rouge de l’animal le plus craint
rouge de la faute
rouge de la justice
rouge de la punition
rouge de la Pentecôte
rouge de la reine
rouge de la vénerie
rouge de la violence, de la cruauté, du sang
versé
rouge de l’habit du juge
rouges des Pères de l’Église
rouge du pouvoir
rouge à lèvres
rouge du sang du Christ
rouge des peintres
rouge du chaperon
rouge du maquillage
rouge du drapeau japonais
rouge des cérémonies off icielles vert des sorcières
vert des hérauts d’armes
vert de l’arbre
vert de la déesse
vert de la jeunesse, de la beauté
et
de la courtoisie
vert de la campagne, des prés
et des bois
le vert de la livrée dynastique
vert de la nature
vert de la vie quotidienne
vert des peintres
vert des rubans
vert d’aldéhyde
vert d’iode
vert de méthyle
vert d’amande
verts de cuivre
verts de paysage
vert de cobalt
verts des végétaux
vert du sapin
vert du décor textile
vert des écus et des bannières
vert du chasseur et du magicien
vert du Destin
vert des vêtements des
chirurgiens et des blocs
opératoires
vert des couloirs
et des chambres des patients
vert des emballages du
matériel médical
(tapis) verts des conseils
d’administration des
entreprises

401

3. Couleur
couleur verte
couleur bleue
couleurs vives
couleur rouge
couleur noire
couleurs liturgiques
couleur emblématique
couleurs primaires
couleur préférée
couleur dominante
couleurs chaudes
couleur religieuse
couleurs froides
couleur sombre
couleur primaire
couleurs complémentaires
couleurs sombres
couleur apaisante
couleur chaude
couleur digne
couleur discrète
couleur jaune
couleur moyenne
couleur royale
couleur blanche
couleur dense
couleur froide
couleur politique
couleur pure
couleurs héraldiques
couleurs nationales
couleur symbolique
couleur aristocratique couleurs de base
couleurs à part
couleurs du blason
couleur de fond
couleur à part
couleur de base
couleur du roi
couleur par excellence
couleurs d’origine
couleur d’affliction
couleur d’espérance
couleur de deuil
couleur de peau
couleur des ténèbres
couleur du ciel
couleur du pouvoir
couleur du vêtement
couleurs du corps
couleur de marge
couleur des armoiries
couleur des bourgeois
couleur de second
couleur des rapports
couleur du blason
couleur du champ
couleur du rêve
couleurs des vêtements
couleur apaisante
couleur d’exotisme
couleur d’origine
couleur de bronze
couleur de cadre
couleur de gibie r couleur de second plan
couleurs à part entière
couleur jugée fallacieuse, instable et artificielle
couleur longtemps négative : tristesse, renoncement
couleur très discrète
le fameux chapeau vert
le rouge est un océan !
couleur active, chaude, lumineuse
couleur ambiguë, inquiétante et même dangereuse
couleur apaisante et salvatrice
couleur apaisante ou romantique
couleur à part entière
couleur aux usages multiples
couleur bleue, dense, profonde, solide
couleur changeante, inconstante et frivole
couleur chère et valorisante
couleur comme les autres
couleur dangereuse ou transgressive
couleur de la fin ’amor
couleur de l’eau
couleur des feuilles
couleur de l’hygiène
couleur de la liberté
couleur de la malédiction divine
couleur de la mort
couleur de la nouvelle religion
couleur de la nuit dangereuse et malfaisante
couleur de la nuit et des ténèbres
couleur de la santé
couleur dense, vive, lumineuse
couleur dépréciée ou malfaisante
couleur de second pla n
couleur des ennemis d’Israël

402
couleur complémentaire
couleur dangereuse
couleur morale
couleur nouvelle
couleur réelle
couleurs différentes
couleur sèche
coule ur secondaire
couleurs foncées
couleurs simples
couleur vestimentaire
couleur archétypale
couleur centrale
couleur dangereuse
couleur dure
couleur dynastique
couleur frivole
couleur grise
couleur honnête
couleur humide
couleur iconographique
couleur incertaine
couleur instable
couleur liturgique
couleur mariale
couleur nationale
couleur naturelle
couleur négative
couleur neutre
couleur nommée
couleur obligée
couleur pleine
couleur pourpre
couleur principale
couleur romantique
couleur roturière
couleurs absolues couleur de miel
couleur de mort
couleur de poussière
couleur des arbres
couleur des barbares
couleur des bouffons
couleur des cheveux
couleur des cieux
couleur des couleurs
couleur des défenseurs
couleur des entrailles
couleur des êtres
couleur des fées
couleur des femmes
couleur des idées
couleur des jours
couleur des livrées
couleur des méchants
couleur des minorités
couleur des partis
couleur des partisans
couleur des plantes
couleur des prêtres
couleur des républicains
couleur des rois
couleur des socialistes
couleur des soldats
couleur des sorcières
couleur des traîtres
couleur des yeux
couleur de ténèbres
couleur de terre
couleur du bois
couleur du chaos
couleur du clerg é
couleur du club
couleur du culte couleur des êtres surnaturels, notamment des fées
couleur des entrailles de la terre
couleur des idées nouvelles et de la révolution
couleur des jours ordinaires
couleur des méchants et des impies
couleur des minorités chrét iennes
couleur des partis républicains de progrès
couleur des rapports intimes
couleur des yeux
couleur digne, sobre, morale
couleur digne et intègre
couleur digne et pure, recommandée
couleur du chaos primordial
couleur du club organisateur, l'augusta national
couleur du culte chrétien
couleur du désir sexuel
couleur du désert brûlé par le soleil
couleur du dieu Seth
couleur du miel
couleur du poireau
couleur du pouvoir central
couleu r du pouvoir régalien militaire
couleur du sport et de l’écologie
couleur élégante et mondaine
couleur emblématique et symbolique du pouvoir impérial
couleur est devenue omniprésente dans le vêtement quotidien
couleur est ici vénéneuse
couleur est toujours épaisse et sombre
couleur est trop riche
couleur était totalement absente
couleur fauve ou roux foncé
couleur féconde et bénéfique, instituée par dieu
couleur frivole, immorale
couleur grise ou grisâtre semble la tirer du
couleur honnête, digne d'un bon chrétien
couleu r idéologique et politique
couleur incertaine, changeante, trompeuse, tout

403
couleurs abstraites
couleur sacrée
couleurs commun
couleurs dominantes
couleurs extrêmes
couleurs franches
couleurs honnêtes
couleurs mixtes
couleurs moyennes
couleurs particulières
couleurs politiques
couleurs resplendissantes
couleurs vestimentaires
couleurs visibles
couleurs voisines
couleur triste
couleur unitaire
couleur véritable
couleur active
couleur aguichante
couleur ambiguë
couleur ambivalente
couleur amorphe
couleur artificielle
couleur barbare
couleur bénéfique
couleur binaire
couleur bourgeoise
couleur brillante
couleur changeante
couleur chère
couleur chevaleresque
couleur commune
couleur courtoise
couleur criarde
couleur curiale
couleur diabolique couleur du danger
couleur du désir
couleur du désordre
couleur du destin
couleur du deuil
couleur du feu
couleur du jaune
couleur du jeu
couleur du mensonge
couleur du plaisir
couleur du poireau
couleur du printemps
couleur du progrès
couleur du sacré
couleur du secret
couleur du vin
couleur en général
couleur en place
couleur en usage
couleur sans importance
couleurs de cirque
couleurs de peaux
couleurs des armoiries
couleurs des chevaliers
couleurs des couleurs
couleurs des étoffes
couleurs des problèmes
couleurs des uniformes
couleurs du chagrin
couleurs du ciel
couleurs du code
couleurs du deuil
couleurs du héraut
couleurs du passé
couleurs obtenues
couleur jeune, vive, gaie, dynamique
couleur la plus anesthésiante qui soit
couleur la plus digne
couleur la plus digne, la plus vertueuse
couleur la plus digne et la plus vertueuse
couleur la plus forte, la plus remarquable
couleur la plus forte sur le plan symbolique
couleur la plus fréquente
couleur la plus importante
couleur majestueuse, digne de son rang
couleur médicale, sanitaire, apaisante
couleur morne, terne et déprimante
couleur noire, barbe et cheveux roux
couleur noire d ’étroites relations matérielles, techniques
couleur nouvelle et raffinée, difficile à obtenir
couleur passant pour impure
couleur passive, faible, froide
couleur plaine (monochrome)
couleur pleinement « moderne »
couleur qui a mauvaise réputation
couleur recherchée, séduisante, débridée même
couleur rouge : bouchers, bourreaux, cagots
couleurs, toujours franches et brillantes
couleurs absolues, conceptue lles, presque immatérielles
couleurs abstraites, conceptuelles, absolues
couleurs abstraites, intellectuelles, héraldisées,
couleur sage et hygiénique couleurs apparaît plus riche et plus précis
couleurs bleue et rouge de la garde nationale
couleurs de p eaux dissemblables
couleurs dites « froides »
couleur des traîtres et des félons
couleurs diverses et changeantes
couleur secondaire, négligeable, inutile
couleur secondaire ou périphérique
couleur se fait charnelle
couleurs fausses, instables, indignes
couleurs franches et vives couleurs froides (pure convention)

404
couleur différente
couleur divine
couleur dynamique
couleur élégante
couleur exacte
couleur familiale
couleur fauve
couleur féconde
couleur féminine
couleur festive
couleur franche
couleur gaie
couleur hésitante
couleur idéologique
couleur importante
couleur indéfinissable
couleur indélébile
couleur infâme
couleur infernale
couleur intermédiaire
couleur internationale
couleur inutile
couleur jeune
couleur joyeuse
couleur lisse
couleur locale
couleur lointaine
couleur luxueuse
couleur majestueuse
couleur masculine
couleur mate
couleur matérielle
couleur maudite
couleur médicale
couleur messianique
couleur mixte
couleur moderne couleur sinistre et mortifère
couleurs jugées « honnêtes » ou morales :
couleurs jugées trop riches ou trop voyantes,
couleurs l ’harmonie chromatique absolue
couleurs la plus fréquente dans le vêtement
couleurs les plus portées
couleurs les plus présentes sur l'étoffe
couleur solide mais mate et assez terne.
couleur sombre, orientale ou barbare
couleurs plus souvent nommées que vert, jaune
couleurs politiques et dynastiques relativement variées
couleurs primaires (bleu, jaune, rouge
couleurs primaires et complémentaires
couleurs solides, franches, lumineuses
couleurs sombres et sobres
couleur stable et précise
couleurs vives, franches et solides
couleurs vives et claires
couleurs vives et contrastées
couleurs vives et coûteuses
couleurs vives et franches, formant des contrastes
couleurs vives et lumineuses,
couleur vermeille aussi étincelante que l ’or
couleur vivante, tonique, agressive même

405
couleur monastique
couleur morne
couleur muette
couleur obligatoire
couleur occasionnelle
couleur ordinaire
couleur pascale
couleur passive
couleur paysanne
couleur périphérique
couleur plaine
couleur polaire
couleur polymorphe
couleur positive
couleur précise
couleur préférée
couleur présente
couleur primordiale
couleur privilégiée
couleur proche
couleur propre
couleur recherchée
couleur respectable
couleur rugueuse
couleur sage
couleurs authentiques
couleurs avoisinantes
couleurs bienfaisantes
couleurs brillantes
couleurs christologiques
couleurs différente
couleurs discordantes
couleurs diverses
couleurs dynamiques
couleurs emblématiques
couleurs fausses
couleurs gaies

406
couleur sinistre
couleurs interdites
couleurs issues
couleurs lointaines
couleurs lumineuses
couleurs mélangées
couleurs mixtes
couleurs monochromes
couleurs nouvelles
couleur solide
couleur sonore
couleurs ordinaires
couleur sourde
couleurs panafricaines
couleur spécifique
couleur spirituelle
couleur sportive
couleurs préférées
couleurs présentes
couleurs principales
couleurs proches
couleurs pures
couleurs récurrentes
couleurs rutilantes
couleurs secondaires
couleurs solides
couleurs statiques
couleurs successives
couleur stable
couleurs tardives
couleurs ternes
couleur supplémentaire
couleur tempérante
couleur tendre
couleur uniforme
couleur verdâtre
couleur vermeille

407
couleur vertueuse
couleur virginale
couleur virile
couleur vivante
couleur vive
couleur voyante

4. Locutions / expressions
Nominales Verbales
Bleu
contes bleus
oiseau bleu
Noir
noir comme de l’encre
noir comme la mûre
noir comme le corbeau
noir comme la poix
noire comme poix fondue
noire comme corneille
noire comme charbon
noire comme sauce au poivre
Rouge
rouge comme un coq, un homard, une écrevisse, une pivoine, une
tomate, un coquelicot
Vert
vert comme le poireau
vert comme l’émeraude Noir
broyer du noir
être noir
avoir des idées noires
marquer d’une pierre noire
Rouge
être dans le rouge
être sur liste rouge
agiter le chiffon rouge
le rouge est mis
voir rouge
virer au rouge
se fâcher tout rouge
voter rouge
avoir la fièvre rouge
avoir le cœur rouge
commettre des actes rouges
être ou devenir rouge… comme un coq, un homard, une écrevisse, une
pivoin e, une tomate, un coquelicot
Vert
prendre / porter / coiffer le bonnet vert
avoir le feu vert
avoir du vert derrière les oreilles
être vert de jalousie

408
5. Degrés de comparaison
couleurs trop riches
couleurs trop provocantes
couleurs trop vives
des tons bleus très clairs
des bleus plus brillants
des bleus plus denses
des bleus plus francs
« bleu Raymond » plus solide
des bleus plus sombres
jaune plus rosé
jaune moins rosé
des bleus plus vifs
des yeux très noirs
plus noir que rouge
plus noir que corbeau
le/la plus noir/e
noirs plus tendres
rouge moins rose ou orange
la luxure, tout aussi rouge, sinon plus
rouge plus rose ou orange
un rouge plus clair
des rouges plus éclatants
nuances rouges plus ou moins violacées
des plantes les plus vertes
les to ns jaunes […] se font désormais plus verts, plus acides
des verts plus vifs
un vert très vif
des verts plus brillants
plus vert que papegeai (perroquet)
une palette plus claire, plus verte, plus bleutée
plus ou moins noirs et blancs
de la plus claire à la plu s foncée (couleur)
des nuances plus foncées

409
6. Terminologie
Colorant Chromatique Gamme Harmonie Teinture
colorants licites
colorant bleu
(matiére) colorante
nouvelle
colorantes
remarquables
colorants interdits
(matiére) colorante
animale
(matiére) colorante
efficace
(matiére) colorante
exotique
(matiéres) colorantes
minérales
(matiéres) colorantes
nouvelles
(matiére) colorante
utilisable
(matiére) colorante
végétale
colorant exotique
colorant indigène
colorant naturel
colorant rouge
colorants artificiels
colorants bleus
colorants efficients
colorants nouveaux
colorants principaux
colorants végétaux adjectifs chromatiques
attribut chromatique
austérité chromatique
axe chromatique
cercle chromatique
champ chromatique
circulation chromatique
classifications chromatiques
code chromatique
compétition chromatique
culture chromatique
déclinaison chromatique
dérives chromatiques
échelle chromatique
économie chromatique
effets chromatiques
environnement chromatique
gamme chromatique
généalogie chromatique
harmonie chromatique
la généalogie et la hiérarchie
chromatiques
insignes chromatiques
intensité chromatique
jeux chromatiques
labyrinthe chromatique
lexique chromatique
libertés chromatiques
marques chromatiques
musique chromatique
mutations chromatiques
ordre chromatique
palette chromatique
plan chromatique gamme assez sombre
gamme chromatique
gamme de cosmétiques
gamme de couleurs
gamme de gris
gamme de nuances
gamme des blancs, des
noirs, des rouges, des verts,
des jaunes
gamme des bleus ; des roses,
des jaunes et des gris
gamme des bleus et des
violets
gamme des bleus et des
noirs
gamme des bleus clairs
gamme des bleus et des
verts
gamme des bleus foncés
gamme des gris et des bleus
gamme des jaunes
gamme des jaunes et des
blancs
gamme des noirs
gamme des noirs et des
bruns
gamme des noirs et des
couleurs sombres
gamme des rouges
gamme des rouges, des
violets, des orangés et des
jaunes
gamme des rouges et des
jaunes harmonie des couleurs
harmonie des
complémentaires
harmonie ch romatique
(absolue)
harmonie des formes et
des tons
harmonie du monde
végétal
harmonie monochrome
harmonie musicale
système d’harmonie
préétabli
teinture bleue
teinture jaune
teinture noire
teinture rouge
teinture verte
teintures à base de charbon
de bois
teintures à base de noir de
fumée
teintures à base d’écorces
ou à base de racines riches
en tanin : aulne, noyer,
châtaignier, certains chênes
teinture à base de limaille
de fer
teintures artisanales

410
pôles chromatiques
préférences chromatiques
prescriptions chromatiques
primauté chromatique
processus chromatique
propriétés chromatiques
questions chromatiques
répertoire chromatique
révolution chromatique
sens chromatique
sensibilité chromatique
séquence chromatique
syntaxe chromatique
système chromatique
tabous chromatiques
topos chromatique
univers chromatique
usages chromatiques
valeurs chromatiques
vérité chromatique
vocabulaire chromatique
vulgarités chromatiques gamme des tons bleus
gamme des tons foncés
gamme des tons noirs
gamme des tons rouges
gamme des verts
gamme des verts et des
bleus
gamme étendue de tons
gamme noir -gris-blanc -bleu
gamme symbolique
gamme verdâtre
gammes chromatiques
comportant sept couleurs
Mordants Charge Supports Vêtements Métiers
urine
graisses animales
huiles végétales
matières
excrémentielles
boues
vases riches en sels de
fer
sels de fer
sulfates de fer
tartre
aulne
vinaigre
produits riches en gomme arabique
miel
colle animale
blanc d’œuf
caséine
huile de lin
sulfate de fer
sulfate de cuivre
sels métalliques
talc
feldspath
mica
quartz
huiles végétales laine
lin
soie
coton
chanvre
tissus
étoffes
draps
tissus
cotonnades
soieries
samit
toile
velours blazers
chemise
costumes
culottes
gilet
habits de soirée
jeans
maillots
manteau
pantalons
robes, « petites robes
noires »
salopettes
smokings teinturier
teinturiers « de bouillon »
teinturiers « de c uve » ou «
de guède » teinturiers de
rouge teinturiers de bleu
teinturiers médiévaux
teinturiers du Moyen Âge
teinturiers occidentaux
teinturiers grecs teinturiers
romains teinturiers
florentins teinturiers
allemands teinturiers
lyonnais teinturiers
ordina ires teinturiers de

411
oxyde de fer
chaux graisses animales dentelle
laine en flocons
fil
vêtements
accessoires
aiguillette
bandes
bonnets
capeline
ceintures
chapeau
chaperon
cravates
croix
écharpe
gants
rouelles
rubans
tissus d’ameublement
tentures
tapis
couvertures
courtines
coussins
torchon de pourpre
bois
brique cuite
céramique
coquillages
cuir
écorces
fourrures
ivoire
ossements
os
marbre
métal toge masculine
tuniques
uniformes
vêtement aristocratique et
patricien
vêtements des riches
marchands
vêtement de certains
personnages (empereur,
rois et princes, tel ou tel
saint)
vêtements des personnes
de haute naissance,
fortune ou condition
vêtements de paysans
vêtements des mineurs,
des ouvriers et des
esclaves noirs
vêtements des juges et
des bourreaux
vêtements du culte
vêtements liturgiques
vêtement monastique
vêtement de la Vierge
vêtements de travail
vêtements de travail des
artisans / des paysans
vêtement de deuil
vêtements d’apparat
vêtement de loisirs et de
vacances
vêtement masculin
vêtement féminin
vêtement de travail
masculin
vêtement androgyne
vêtements des enfants luxe teinturiers de grand
teint guédiers et pastelliers
expert en teinturerie
marchand de pastel
« guédier »
marchands de garance
marchands de kermès
marchands de guède
« industriels » négociants
grossistes
petits marchands
homme d’affaires
marchands drapiers
marchands de vin drapier
tisserand
tailleur
peintre
artisan
maîtres verriers urbanistes
architectes
paysagistes
promoteurs de jardins et de
squares
tanneur
producteurs de guède
cultivateurs et ouvriers
guédrons
artisans produc teurs
forgerons
alchimistes
apothicaires
chimistes
droguiste
fabricant de couleurs
transporteurs contrôleurs
ouvriers typographes
ouvriers du livre

412
mur
papier
parchemin
pierres
sol
toile
corps
barbe
bras
cils
cheveux
dents
lèvres
ongles
peau
pommettes
tempes
yeux
joues
front
visage vêtement de femmes
vêtement de jeunes et de
citadins
vêtements ordinaires
vêtements les plus
humbles
vêtements réformé –
l’uniforme
vêtement protestant
vêtement contestataire
vêtement libertaire
vêtement occidental
vêtement européen
vêtements rayés, bariolés
ou trop voyants
vêtements non teints
vêtements échiquetés (à
décor en damier)
vêtements sombres,
discrets, tristes
vêtement solide, sobre et
confortable imprimeurs
médecins
psychologues
historien des couleurs
Objets Peinture Teinte / Tonalité Nuance Ton
vitraux, fresque,
iconographie, objets
du culte, armoiries,
emblèmes, blason,
sceaux, objets d’art
pierreries, orfèvrerie,
poteries, verrerie,
verrières, tapisseries,
mosaïques de
pavement, émaux,
enluminure,
manuscrits enluminés,
panneaux, étoffes,
vêtements, mobilier, le peinture abstraite
peinture ancienne
peinture a ntique
peinture blanche
peinture calviniste
peinture catholique
peinture égyptienne
peinture européenne
peinture figurative
peinture(s) funéraire(s)
peinture granuleuse
peinture grecque
peinture mondaine
peinture(s) murale(s) teinte bleue
teintes claires
teintes contrastées
teintes délavées
teinte dominante
teintes lumineuses
teintes verdâtres
teinte rougeâtre
teintes vermeilles
teintes grisées
teintes (peu) colorées
teinte naturelle
teintes pastel
teinte principale nuance claire
nuance [plus] claire et
[plus] chatoyante
nuances effacées
nuance éteinte
nuances foncées
nuance mate
nuances saturées
nuances ternes
nuances translucides
nuances bleutées
nuances rouges
nuances vertes
nuance grisée ou noirâtre tons bleus
tons bruns
tons jaunes
tons noirs
tons orangés
tons rouges
tons verts
tons violets
tons roses
tons carmin, lie -de-vin,
cramoisi, brunis ou
violacés
tons de bleu
tons de noir

413
petit mobilier
funéraire – statuettes,
figurines, perles,
miniatures, figures
ornementales,
retables, bijoux,
pendentifs,
pendeloques, colliers,
bracelets, amulettes
bâtiments,
monuments, tympans
et chapiteaux des
églises ; vaisseaux de
guerre et les bâtiments
de commerce
fard, maquillage peinture néerlandaise
peinture occidentale
peinture polychrome
peinture protestante
peinture romaine
peinture rouge
peinture souple
peinture verte
peintures corporelles
peintures pariétales teinte profonde
teinte solide
teintes sombres
teintes vives

Tonalité
tonalités sises entre l’ocre
jaune et le jaune citron
tonalités « pastel »
tonalité verdâtre
tonalités (plus) sombres
tonalités (plus) denses
tonalité délavée
tonalités variées

nuance noire
nuances pourprées
nuance tirant sur le gris
ou sur le violet
nuances violacées
nuances de blanc
nuance de brun -jaune
nuances de (du) noir
nuances de rouge
nuance [particulière] de
jaune
nuance [pâle et délicate]
du jaune
nuances de [ce nouveau]
rose
nuances de vert
nuances agréables à l’œil
nuances colorées
nuances inconnues
nuances nouvelles
nuances non toxiques
nuances possibles
nuance pâle
nuances vives
nuances variées
nuances d’origine
militaire
nuances des couleurs
nuances de qualité ou
d’intensité chromatique tons de vert(s)
tons lumineux
tons foncés
tons sombres
tons mats
tons ternes
tons transparents
tons profonds
tons vifs
tons nouveaux
tons admirables
tons frivoles
tons solides
tons francs
tons intenses
tons variés
nouveaux tons
beaux tons
différents tons
splendides tons
magnifiques tons
Pigments
pigment(s) artificiel(s)
pigment(s) naturel(s)
pigment de synthèse
pigments minéraux
pigments d’origine végétale
pigments d’origine animale

414
pigments traditionnels
pigments nouveaux
les minéraux
le lapis
le lapis -lazuli
le saphir
l’azurite
le smalt
les matières végétales
la guède
pastel
le tournesol
des baies diverses
(pigments) à base de limaille de cuivre mélangée à du sable et à de la potasse
silicates de cuivre
bleu de Berlin
bleu de Prusse
le bleu égyptien
colorant naturel / matière colorante
l’indigo
la garance
glastum
les coquillages
colorants artificiels
l’indigotine artificielle
colorants de synthèse à base d’aniline
le noir de charbon
noir d’aniline
les charbons végétaux
le noir de fumée
teintures à base de noir de fumée
les charbons de bois
teintures à base de charbon de bois
les noirs végétaux
la noix de galle ou «graine de chêne» (granum quercicum)
terres naturelles noires ou brunes, riches en oxyde de manganèse
l’encre

415
le noir de lampe
le noir de bitume
le noir de vigne (« obtenu par la calcination de sarments très secs »)
le noir d’ivoire
l’oxyde d e manganèse
teinture à base de limaille de fer
le réalgar « sulfure naturel d’arsenic »
le minium, « pigment artificiel obtenu en chauffant à haute température du blanc de plomb »
le cinabre « sulfure naturel de mercure »
l’hématite (minerai de fer et pigm ent)
des terres ocre -rouge
pigments à base de matière végétale ou animale
des résines rougeâtres comme la sandaraque (appelée aussi « cinabre des Indes » ou « sang du dragon »)
le rotang, des résines rougeâtres provenant de certains arbres indigènes (tuy as, cyprès) ou exotique (dragonnier)
le bois de braise (brasileum)
le Brésil, un autre « bois colorant exotique de la même famille
des laques de teinture, c’est -à-dire « des matières tinctoriales »
le kermès ou coccum
le brésil (américain et d’Asie)
le roc ou (arbuste ayant des fruits dont les graines ont des « vertus tinctoriales »)
la graine d’écarlate
la pourpre
le murex
le carthame
le henné
l’orseille
le nopal
la cochenille
laque de garance
carmin
l’ocre rouge
« rouge turc » ou « rouge d’Andrinople »
le vermillon
le rouge de plomb (le minium)
des pigments verts traditionnels
la malachite
les terres vertes

416
le vert à base d’outremer naturel
le vert de cuivre
pigments et colorants naturellement verts
vert-de-gris
baie de nerprun
feuilles d’ortie
verts végétaux :
le nerprun
la fougère
l’ortie
le plantain
feuilles de prunier
feuilles du frêne
feuilles du bouleau
des fleurs
des rameaux du genêt
jus d’iris
jus de poireau
matières colorantes minérales à base de cuivre – le verdet
produits végétaux : des herbes comme la fougère, des feuilles du frêne ou du bouleau, des écorces de l’aulne
matières colorantes
vert d’iode
vert de méthyle
vert d’amande
verts métalliques artificiels
vert de Schweinfurt
verts outremer artificiels, qui sont produits « à base de kaolin, de silice, de soude et de soufre
le vert de cobalt
vert émeraude
mélange des pigments bleus et des pigments jaunes
l’azurite et le jaune d’étain ou le lapis -lazuli et l’orpiment
la guède et la gaude
jaune de chrome

417
ANNEXE 3

ARBRE DU DOMAINE DES COULEURS DANS LES QUATRE OUVRAGES DE MICHEL PASTOUREAU

1. Typologie
1.1. Contrastes
1.1.1. Primaires / secondaires
1.1.1.1. Rouge, bleu, vert
1.1.2. Chaudes /froides
1.1.2.1. Rouge (chaude)
1.1.2.2. Bleu, vert (froides)
2. Matières colorantes
2.1. Teintures
2.1.1. Couleurs
2.1.1.1. teinture bleue, teinture verte, teinture rouge, teinture noire, teinture jaune
2.1.2. Teintures végétales
2.1.2.1. teintures à base de charbon de bois, teintures à base de noir de fumée, teintures à base d’écorces ou à base de racines
riches en tanin : aulne, noyer, châtaignier, certains chênes
2.1.3. Teintures minérales
2.1.3.1. teinture à base de limaille de fer
2.1.4. Teintures à base de plantes indigènes et de mordants de médiocre qualité
2.1.4.1 teintures à base de charbon de bois, teintures à base de noir de fumée, teintures à base d’écorces ou à base de racines
riches en tanin : aulne, noyer, châtaignier, certains chênes
3. Mordants
3.1. Naturels :
3.1.1. urine, graisses animales, huiles végétales, matières excrémentielles, boues, vases riche s en sels de fer, sels de fer, sulfates de fer tartre,
aulne
3.2. Fabriqués
3.2.1. vinaigre, produits riches en oxyde de fer, chaux
3.3. Charge :
3.3.1. gomme arabique, miel, colle, animale, blanc d’œuf, caséine, huile de lin, sulfate de fer, sulfate de c uivre, sels métalliques, talc, feldspath,
mica, quartz, huiles végétales, graisses animales
4. Supports
4.1. Matières premières
4.1.1. laine, lin, soie, coton, chanvre

418
4.2. Tissus :
4.2.1. étoffes, draps, tissus, cotonnades, soieries, samit, toile, velours, dentelle, laine en flocons, fil
4.3. Vêtements
4.3.1. Vêtements comme « signe premier des classifications sociales »
4.3.1.1. vêtement aristocratique et patricien ; vêtements des riches marchands ; vêtement de certains personnages (empereur, rois et princes, tel ou
tel saint) ; vêtements des personnes de haute naissance, fortune ou condition ; vêtements de paysans ; vêtements des mineurs, des ouvriers et des
esclaves noirs ; vêtements des juges et des bourreaux
4.3.2. Vêtements du domaine religie ux
4.3.2.1. vêtements du culte ; vêtements liturgiques ; vêtement monastique ;vêtement de la Vierge ;
4.3.3. Vêtements à usage précis
4.3.3.1. vêtements de travail ; vêtements de travail des artisans / des paysans ;vêtement de deuil ;vêtements d’apparat ; vêtement de loisirs et de
vacances ;
4.3.4. Vêtements réservés à un genre ou à un âge
4.3.4.1 vêtement masculin et vêtement féminin ; vêtement de travail masculin ; vêtement androgyne ; vêtements des enfants et vêtement de femmes ;
vêtement de jeunes et de citadins ;
4.3.5. Vêtements habituels
4.3.5.1 vêtements ordinaires ; vêtements (les plus) h umbles
4.3.6. Vêtement idéologique
4.3.6.1. vêtements réformé – l’uniforme ; vêtement protestant ; vêtement contestataire ; vêtement libertaire ;
4.3.7 . Vêtement désignant l’origine géographique :
4.3.7.1 vêtement occidental, vêtement européen ;
4.3.8 . Vêtements à certains traits :
4.3.8.1. vêtements rayés, bariolés ou trop voyants ; vêtements non teints ; vêtements échiquetés (à décor en damier) ; vêtements sombres, discrets,
tristes ; vêtement solide, sobre et confortable ;
4.3.9. Vêtements génériques
4.3.9.1. blazers chemise costume s culottes gilet habits de soirée jeans maillots manteau pantalons robes, « petites robes noires », salopettes
smokings toge masculine tuniques uniformes
4.4. Accessoires
4.4.1. aiguillette, bandes, bonnets, capeline, ceintures, chapeau, chaperon, cravates , croix, écharpe, gants, rouelles, rubans
4.5. Tissus d’ameublement
4.5.1. teintures, tapis, couvertures, courtines, coussins, torchon, de pourpre
4.6. Autres supports
4.6.1. Supports matériaux
4.6.1.1. bois, brique cuite, céramique, coquillages, cuir, écorces, fourrures, ivoire, ossements, os, marbre, métal, mur, papier, parchemin, pierres,
sol, toile
4.6.2. Supports corporels
4.6.2.1. corps, barbe, bras, cils, cheveux, dents, lèvres, ongles, peau, pommettes, tempes, yeux, joues, front, visage

419
5. Métier s
5.1. Teinturiers
5.1.1. teinturier, teinturiers « de bouillon » et teinturiers « de cuve » ou « de guède » ; teinturiers de rouge et teinturiers de bleu ; teinturiers
médiévaux ou teinturiers du Moyen Âge ; teinturiers occidentaux, teinturiers grecs, tei nturiers romains, teinturiers florentins, teinturiers allemands,
teinturiers lyonnais ; teinturiers ordinaires et teinturiers de luxe, teinturiers de grand teint ; guédiers et pastelliers ; expert en teinturerie,
marchand de pastel, le « guédier » ;
5.2. Autres
5.2.2.1. marchands de garance ; marchands de kermès ; marchands de guède, « industriels » ou négociants, grossistes, petits marchands ; homme
d’affaires ; marchands drapiers ; les marchands de vin ; drapier, tisserand, tailleur ; peintre, artisan, m aîtres verriers ; urbanistes, architectes,
paysagistes ; promoteurs de jardins et de squares ; tanneur ; producteurs de guède ; cultivateurs et ouvriers guédrons; artisans producteurs,
forgerons, alchimistes, apothicaires, chimistes ; droguiste, fabricant de couleurs ; transporteurs, contrôleurs, ouvriers typographes; ouvriers du
livre ; imprimeurs ; médecins, psychologues ; historien des couleurs.
6. Domaines d’application
6.1. Peinture(s)
6.1.1. corporelles, pariétales, murale, mobilières, funéraire, occ identale, néerlandaise, grecque, égyptienne, mondaine, romaine, européenne ;
calviniste, catholique, protestante ; rouge, verte, polychrome ; abstraite, figurative, souple ; antique;
6.2. Eglise :
6.2.1. vitraux et fresque ;iconographie ;objets du culte ;
6.3. Parures, ornement, ameublement et décoration :
6.3.1. pierreries, orfèvrerie, poteries, verrerie, verrières, tapisseries, mosaïques de pavement, émaux, enluminure, manuscrits enlu minés,
panneaux, étoffes, vêtements, mobilier, le petit mobilier funéraire – statue ttes, figurines, perles, miniatures, figures ornementales, retables,
bijoux, pendentifs, pendeloques, colliers, bracelets, amulettes ;
6.4. Art héraldique :
6.4.1. armoiries, emblèmes, blason, sceaux, objets d’art ;
6.5. Industrie drapière, manufactures drapières ;
6.6. Constr uction :
6.6.1. bâtiments, monuments, tympans et chapiteaux des églises ; vaisseaux de guerre et les bâtiments de commerce ;
6.7. Cosmétique :
6.7.1. produits de beauté, fard, maquillage.
6.8. Matériaux :
6.8.1. les cuirs, le bois (le bois blanc), les écorces, les fourrures, l’os, le métal, l’ivoire, le parchemin, le papier, la toile, les murs, les sols, les
pierres, les coquillages, la céramique, le marbre, la brique cuite ou les ossements ;
6.9. Corps (et parties du corps humain) :
6.9.1. les cheveux, la barbe, le visage, le front, les joues, les bras, les ongles, la peau, les pommettes, les lèvres, les cils, (le tour des) yeux, dents,
tempes.

420
ANNEXE 4. SYNTH ÈSE MATI ÈRES COLORANTES
CRITERES DE CLASSIFICATION
Formule
chimique Organiques Anorganiques
Moyens
d’obtention Naturels De synthèse Naturels De synthèse
Origine Végétale Animale Minéralière Végétale Minéralière
Provenance Exotiques Indigènes
le tournesol les matières
végétales le noir
d’ivoire, le noir de
charbon l’indigotine
artificielle le lapis
lapis (bleu pour
apprêt),
des baies
diverses la guède
l’hématite
(minerai de
fer et
pigment) le noir de
fumée, colorants de
synthèse à
base d’aniline
saphir cristaux d' oxyde
d'aluminium
(saphir pigment
de synthèse),
l’indigo le noir de
vigne pigments à
base de
matière
végétale ou
animale terres
naturelles
noires ou
brunes, riches
en oxyde de
manganèse le noir de
bitume,
teinture à base
de limaille de
fer
lazuli azur de cuivre
bleu

la garance
des résines
rougeâtres
comme la
sandaraque le kermès
ou coccum l’oxyde de
manganèse
matières
colorantes
minérales à
base de cuivre
– le verdet l’azurite le smalt (un
silicate de
potassium et de
cobalt )
les charbons
végétaux le rotang
la pourpre
le réalgar
vert de
méthyle le smalt
(naturel)
silicates de
cuivre
les charbons de
bois
des résines
rougeâtres le murex sulfure naturel
d’arsenic » verts
métalliques
artificiels le cinabre
« sulfure
naturel de
mercure » Bleu de Prusse

421
les noirs
végétaux des pigments
verts
traditionnels la
cochenille des terres
ocre-rouge vert de
Schweinfurt
la malachite le minium,
« pigment
artificiel obtenu
en chauffant à
haute
température du
blanc de
plomb »
teintures à base
de noir de
fumée pigments et
colorants
naturellement
verts carmin l’ocre rouge
le vert de
cobalt le vert de
cuivre
pigment de
synthèse

teintures à base
de charbon de
bois feuilles d’ortie
le vermillon mélange des
pigments
bleus et des
pigments
jaunes vert émeraude vert-de-gris

la noix de galle
ou «graine de
chêne» (granum
quercicu) verts végétaux
le rouge de
plomb (le
minium) l’azurite et le
jaune d’étain
ou le lapis –
lazuli et
l’orpiment vert d’iode

le noir de lampe jus de poireau les terres
vertes verts outremer
artificiels, qui
sont produits
« à base de
kaolin, de silice,
de soude et de
soufre »
le rotang produits
végétaux : des
herbes jaune de chrome
des résines
rougeâtres la fougère
le bois de braise des feuilles du
frêne ou du
bouleau

422
le rocou
des écorces de
l’aulne
la graine
d’écarlate
le carthame
le henné
l’orseille
le nopal
colorant : «
rouge turc » ou
«rouge
d’Andrinople»
le vert à base
d’outremer
naturel
baie de nerprun
la fougère
le plantain
feuilles de
prunier
feuilles du frêne
feuilles du
bouleau
des fleurs
des rameaux du
genêt
jus d’iris
vert d’amande
la guède et la
gaude

423
CLASSIFICATION S ELON LES PROPRIÉTÉS TINCTORIALES
(PRÉCURSEURS DE COULEURS SUR LE SPECTRE ROGVAIV)

Spectre varié Rouge Orange Jaune Vert Bleu Indigo Violet Noir
des baies diverses
le tournesol (en
milieu acide)
le
rocou (pigments) à base
de limaille de
cuivre mélangée
à du sable et à de
la potasse les matières
végétales le lapis –
lazuli l’indigo l’orseille le noir de
charbon

la noix de galle ou
«graine de chêne»
(granum quercicum) la garance colorants de
synthèse à base
d’aniline silicates de cuivre
saphir
l’indigotine
artificielle le nopal les
charbons
végétaux
terres naturelles noires
ou brunes, riches en
oxyde de manganèse l’hématite
(minerai de fer
et pigment) l’oxyde de
manganèse des pigments verts
traditionnels l’azurite
le noir de
fumée

pigments à base de
matière végétale ou
animale des terres ocre –
rouge teinture à base de
limaille de fer la malachite
le smalt
les
charbons
de bois
le bois de braise
des résines
rougeâtres
comme la
sandaraque le réalgar
« sulfure naturel
d’arsenic » les terres vertes
la guède teintures à
base de
noir de
fumée
des laques de teinture,
c’est -à-dire « des
matières tinctoriales »
le rotang
le minium,
« pigment
artificiel obtenu
en chauffant à
haute
température du
blanc de plomb » le vert à base
d’outremer naturel
pastel
teintures à
base de
charbon
de bois

le henné
des résines
rougeâtres
le cinabre
« sulfure naturel
de mercure »,
le vert de cuivre le
tournesol
(en milieu
basique) le noir de
bitume

pigment de synthèse le kermès ou,
coccum le carthame,
pigments et
colorants
naturellement verts le noir de
lampe le noir de
vigne
des fleurs la graine baie de nerprun vert-de-gris Bleu de le noir

424
d’écarlate Prusse d’ivoire
des rameaux du genêt la pourpre feuilles d’ortie verts végétaux
jus d’iris le murex jaune de chrome la fougère
produits végétaux : des
herbes comme la
fougère, des feuilles du
frêne ou du bouleau,
des écorces de l’aulne,
mélange des pigments
bleus et des pigments
jaunes la cochenille le plantain

carmin feuilles de prunier
l’ocre rouge feuilles du frêne
colorant : «
rouge turc » ou
« rouge
d’Andrinople » feuilles du bouleau
le vermillon jus de poireau
le rouge de
plomb (le
minium) matières colorantes
minérales à base
de cuivre – le
verdet,
vert d’iode
vert de méthyle
vert d’amande
verts métalliques
artificiels
vert de
Schweinfurt
verts outremer
artificiels, qui sont
produits « à base
de kaolin, de silice,
de soude et de
soufre,
le vert de cobalt

425
vert émeraude
l’azurite et le jaune
d’étain ou le lapis –
lazuli et l’orpiment
la guède et la
gaude

SELON LA CLASSIFICATION CHRISTOLOGIQUE (LA CLASSIFICATION DE STRUNZ241)
Classification Catégorie Pigment
I : éléments natifs (et
carbures,
nitrures, phosphures,
siliciures ) 1. A/B/C/D catégorie: élément natif les matières végétales,
la guède,
pastel,
des baies diverses,
(pigments) à base de limaille de cuivre mélangée à du sable et à de la
potasse,
la garance,
le noir de fumée,
II : sulfures
et sulfosels 2. A/B/C/D/E catégorie: sulfure
(minéral)
2. F/G catégorie: arséniure (minéral)
2. H/J/K/L/M catégorie: sulfosel le lapis -lazuli, Bleu de Prusse, le réalgar « sulfure naturel d’arsenic », le
cinabre « sulfure naturel de mercure »,
III : halogénures 3. A/B/C/D catégorie: halogénure
(minéral)
IV : oxydes et hydroxydes
4. A/B/C/D/E catégorie: oxyde
(minéral)
4. F/G catégorie: hydroxyde
(minéral)
4. H catégorie: vanadate
4. JA/JB/JC/JD catégorie: arsénite
4. JA/JB/JC/JD catégorie:
antimonite
4. JA/JB/JC/JD catégorie:
bismuth ite Saphir,
le smalt (de synthèse),
l’oxyde de manganèse,
vert de Schweinfurt,
le vert de cobalt,
jaune de chrome

241 La classification de Strunz est une méthode de classification des minéraux basée sur leur composition chimique, introdui te par le minéralogiste allemand Karl
Hugo Strunz (1910 -2006).

426
4. JE catégorie: sulfite
4. JF/JG/JH/JJ catégorie: sélénite
4. JK/JL/JM/JN catégorie: tellurite
4. K catégorie: iodate
V : carbonates et nitrates
5. A/B/C/D/E catégorie: carbonate
(minéral)
5. N catégorie: nitrate l’azurite,
la malachite,
vert-de-gris,
VI : borates 6. A/B/C/D/E/F/G/H catégorie:
borate (minéral)
VII : sulfates ,
sélénates ,
tellurates ,
chromates ,
molybdates ,
tungstates 7. A/B/C/D/E/J catégorie: sulfate
(minéral)
7. A/B/C/D catégorie: sélénate
(minéral)
catégorie: tellurate (minéral)
7. F catégorie: chromate (minéral)
7. G/H catégorie: molybdate
(minéral)
7. G/H catégorie: tungstate
(minéral)
VIII : phosphates , arséniates ,
vanadates
8. A/B/C/D/E/F catégorie:
phosphate (minéral)
8. A/B/D/E/F catégorie: arséniate
(minéral)
8. A/B/D/F catégorie: vanadate
(minéral)
IX : silicates
catégorie: silicate (minéral)
9. A catégorie: nésosilicate
catégorie: nés osubsilicate
9. B catégorie: sorosilicate
9. C catégorie: cyclosilicate
9. D catégorie: inosilicate
9. E catégorie: phyllosilicate
9. F/G catégorie: tectosilicate
9. H autres silicates
9. J catégorie: germanate le smalt,
silicates de cuivre
X : minéraux organiques,
comme l' ambre 10. A/B/C catégorie: minéral
organique le verdet

427
ANNEXE 5 . CAPTURES
Le discours scientifique – domaine histoire . Capture d’écran logiciel Tropes

428

429
Captures d’écran TXM occurrences
Bleu

Noir

430
Rouge

Vert

431

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