Guavira Letras (ISSN: 1980-1858), Três LagoasMS, n. 22, p. 136-14 5, jan.jun. 2016. [620743]

Guavira Letras (ISSN: 1980-1858), Três Lagoas/MS, n. 22, p. 136-14 5, jan./jun. 2016.

136 /uni0044/uni0065/uni0009/uni006C/uni0061/uni0009/uni006C/uni0069/uni006E/uni0067/uni0075/uni0069/uni0073/uni0074/uni0069/uni0071/uni0075/uni0065/uni0009/uni00E0/uni0009/uni006C/uni0061/uni0009/uni0067/uni0072/uni0061/uni006D/uni006D/uni0061/uni0069/uni0072/uni0065/uni003A/uni0009
/uni006C/uni2019/uni00E9/uni0074/uni0075/uni0064/uni0065/uni0009/uni0064/uni0065/uni0009/uni0074/uni0072/uni006F/uni0069/uni0073/uni0009/uni0065/uni0078/uni0065/uni006D/uni0070/uni006C/uni0065/uni0073/uni0009
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From linguistics to grammar: a study on three exam ples

Inès SFAR 1

RESUME: A travers l’analyse de l’actualisation dans les man uels de grammaire et les manuels d’enseignement,
cette étude se propose de montrer la relation de co mplémentarité qui doit exister entre ces différents outils.
L’élaboration des contenus pédagogiques gagne à se baser sur les descriptions des phénomènes de langue
proposés par les manuels de grammaire et de linguis tique en les adaptant au public, qu’il soit de FLM, FLE ou
FLS. Trois exemples illustrent ce propos : les empl ois du subjonctif, le choix de l’auxiliaire et les valeurs
aspectuelles.

MOTS-CLES : Grammaire du FLE/FLS. Approches linguistiques. Actu alisation, temps, aspects, subjonctif.
Enseignement-apprentissage du français

ABSTRACT : By analyzing the verb occurrence in grammar textboo ks and teaching manuals, this study aims to
show the complementary relationship that should exi st between the different tools. When adapted to th e public,
whether as FML, FFL or FSL, the development of educ ational content gains when based on the description s of
language phenomena provided by grammar and language textbooks. Three examples illustrate this: subjunc tive,
auxiliary verbs and verb aspect.

KEYWORDS : FFL/FSL grammar. Language approaches. Occurrence, t enses, aspects, subjunctive. French
teaching-learning

Introduction

Nous voudrions développer ici l’idée qu’une bonne a pproche didactique est celle qui
se construit sur une description claire et précise des phénomènes de langue et qui la décline en
termes adaptés au public visé. Parmi les présupposé s revendiqués dans cette étude, c’est qu’il
n’existe pas de conflit entre la grammaire et la li nguistique si tous les deux cherchent à rendre
compte du fonctionnement effectif ou réel de leur o bjet de description qu’est la langue. C’est
à travers trois exemples d’actualisation (les emplo is du subjonctif, le choix de l’auxiliaire
dans les formes composées du verbe et les valeurs a spectuelles) que nous essayerons de
montrer qu’il est possible de dépasser les vulgates qu’on rencontre souvent dans des manuels
scolaires en ayant recours aux acquis de la linguis tique moderne dans ces trois domaines, et ce
indépendamment des choix théoriques, didactiques, e t de la nature des apprenants (natifs ou
non natifs), la solidité de l’information métalingu istique garantissant la clarté de la démarche
didactique.

1 Université Paris-Sorbonne – UFR Língua Francesa – P aris – Email: [anonimizat]

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137 Problématique

Nous partons des trois constats suivants :

– L’actualisation en tant que lieu de conflit entre l es différents niveaux d’analyse
linguistique (phonétique, morphologique, lexical, s yntaxique, sémantique) : ces
conflits se résolvent à chaque fois au profit d’un des niveaux, d’où le choix des trois
problématiques du subjonctif, de l’auxiliaire et de l’aspect qui nous permettra
d’expliciter le croisement de ces niveaux.

– La diversité des grammaires scolaires, indépendamme nt du clivage entre langue
maternelle, langue étrangère et langue seconde : no us nous contenterons d’en citer
quelques unes : la Grammaire du sens et de l’expression , de Patrick Charaudeau, la
Grammaire méthodique du français , de Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et
René Rioul, et la Grammaire critique du français de Marc Wilmet, chacune d’entre
elles focalisant sur une dimension précise de la la ngue, respectivement la
sémantique, la syntaxe et l’approche critique de la grammaire.

– Les grammaires du FLS sont étroitement dépendantes des descriptions de la
grammaire traditionnelle et non de celles de la lin guistique. Pourtant, les
grammaires de référence, prenant appui sur les desc riptions linguistiques, tentent
continuellement de renouveler les types de savoirs proposés et de se dégager de la
vulgate.

La question qui se pose est la suivante : Comment peut-on exploiter les apports de la
linguistique moderne dans l’enseignement de la gram maire ? La réponse nécessite qu’on
surmonte deux difficultés : la première est inhéren te aux spécificités même de l’enseignement
en FLE/FLS, puisque l’une des règles à respecter es t celle de ne jamais alourdir les contenus
grammaticaux par des commentaires théoriques (la th éorie grammaticale étant riche et
donnant lieu à une terminologie aussi foisonnante q ue floue) ; la seconde concerne la nature
des liens qui existent entre la grammaire tradition nelle et la linguistique moderne, qualifiés
jusque-là de conflictuels.
Le choix des trois exemples d’actualisation comme l es emplois du subjonctif, le choix
de l’auxiliaire et les valeurs aspectuelles est mot ivé par le caractère problématique des
catégories grammaticales auxquels ils appartiennent : le mode, le temps et l’aspect.
Souvent qualifiées de catégories générales, elles s ont soit présentes et donc exprimées
différemment d’une langue à une autre, soit absente s. Dans les deux cas de figure, les
apprenants sont conditionnés dans leur apprentissag e par le filtre des règles de
fonctionnement du savoir grammatical de leur langue maternelle. Ils doivent donc
généralement faire face à beaucoup de difficultés, soit pour apprendre le fonctionnement de
ces catégories grammaticales, soit pour éviter tout e interférence dans l’usage des temps,
modes et aspects entre L M (langue maternelle) et L E (langue étrangère). Il serait nécessaire,
voire même impératif, de proposer aux apprenants, d ’une manière générale et plus
particulièrement ceux du FLE, des contenus grammati caux à la fois modernes (conçus dans la
continuité des descriptions linguistiques), clairs (grâce à des exemples illustratifs extraits des

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138 réalisations discursives actuelles) et aussi univoq ues que possible (évitant du mieux qu’on
peut le flou théorique ou terminologique).
Nous procéderons dans ce qui suit à la confrontatio n des contenus grammaticaux
disponibles dans les manuels de grammaire de référe nce et dans certains manuels
d’enseignement du français.

Les emplois du subjonctif

Source de difficultés pour les locuteurs étrangers qui n’en ont aucun correspondant
dans leur propre langue maternelle, mais aussi pour beaucoup de locuteurs francophones,
indécis face à la nature des rapports très nuancés qu'il entretient avec le mode indicatif, le
subjonctif français a donné lieu à un nombre import ant de descriptions et d'analyses qui
puisent dans des sources aussi diverses que variées . Il s’agit d’une des catégories qui souffre
le plus de problèmes relatifs à sa définition, à so n contenu sémantique spécifique et à ses
emplois.
Pour ce qui est de la définition, il est rarement d it qu’il s’agit d’une catégorie
sémantique morpho-syntaxique, autrement dit, une ca tégorie dont les contours formels se
définissent en termes de formes de conjugaison (la morphologie) et de cadre syntaxique dans
lequel on l’emploie (la syntaxe ou la combinatoire : l’emploi le plus fréquent après qu-).
Concernant le niveau sémantique, il est rarement me ntionné qu’il véhicule un contenu
sémantique de base qu’on devrait retrouver dans tou tes les occurrences de ce mode comme
c’est le cas dans ces exemples :

(1) Je cherche une maison qu i soit au bord de la mer
(2) Je souhaite qu ’il vienne
(3) Je ne crois pas qu ’il soit là
(4) Je regrette qu ’il soit absent

Quant aux emplois, ils sont le plus souvent réduits à un inventaire de supports
(constructions impersonnelles, verbes de sentiments , verbes subjectifs, etc.) alors qu’il est
possible de trouver des contenus plus précis ailleu rs. Pour s’en convaincre, il suffit
d’examiner les exemples fournis dans deux types d’o uvrages : le premier reprend la vulgate
courante sans aucun regard critique ; le second ess aye de pointer les idées fausses souvent
reprises dans les manuels tout en intégrant de nouv elles informations qui éclairent davantage
le fonctionnement effectif du subjonctif. Il s’agit respectivement de La Grammaire
progressive du français (2003, désormais GPF )2 et de La Grammaire Méthodique du français
(1994, désormais GMF ).
Dans la GPF , les données sont présentées d’une manière linéair e. Aucune synthèse des
emplois n’est proposée. Par exemple, l’emploi du su bjonctif avec la construction
impersonnelle « Il faut que », donné comme exemple prototypique au début de la section « Le
subjonctif » est décrit également dans la section c onsacrée aux constructions
impersonnelles (avec Il vaut mieux/Il vaudrait mieux/Il est important qu e/Il est dommage que,

2 Le choix de cette grammaire, parmi tant d’autres, a été dicté par notre volonté de couvrir plusieurs statuts de
l’enseignement du français. Cette grammaire présent e la particularité de s’adresser à la fois à un pub lic de FLE
et de FLS.

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139 etc.). La valeur du subjonctif est « l’attitude sub jective » qu’on retrouve dans des exemples
comme : Je voudrais qu’il soit là . Son utilisation couvre les emplois suivants avec:

– les verbes exprimant un désir, un sentiment, une at tente ou une obligation ;
– les verbes subjectifs, par opposition aux verbes ob jectifs, comme aimer, craindre,
ordonner, exiger, etc. ;
– les verbes « du cœur », par opposition aux verbes « de la tête », comme désirer,
souhaiter, craindre, etc.
– les constructions impersonnelles qui expriment une contrainte, un jugement, etc. (Il
est dommage qu’il parte) ;
– les constructions exprimant une réalité incertaine (Je cherche une maison qui ait un
grand jardin) ;
– les constructions dites « subjonctives », qui ne so nt pas définies, mais dont les
exemples semblent rendre compte puisqu’il s’agit es sentiellement de propositions
complexes avec expression du but, de crainte, de me nace, d’attente, de contrainte,
de restriction, de condition, etc.

Une mention spécifique est réservée à la distinctio n entre les emplois du subjonctif
présent et ceux du subjonctif passé. Les emplois du subjonctif après une interrogation avec
inversion ou une négation (même avec des « verbes o bjectifs ») sont présentés comme des
exceptions.
La GMF , quant à elle, ne manque pas d’attirer l’attention sur de telles d escriptions:

« Remarque . – Deux sortes d’erreurs traditionnelles se rencon trent dans la définition
du subjonctif :

– On oppose le subjonctif, mode de l’irréalité, à l ’indicatif, mode de la réalité.
Certains emplois de ces deux modes peuvent appuyer cette opposition. Mais il est de
nombreux cas où le subjonctif exprime un fait réel ( Je regrette qu’il soit venu ) et
l’indicatif un fait virtuel ( Je pense qu’il viendra ) ou irréel ( Si j’avais de l’argent, je
serai heureux ; mais je n’en ai pas ).

– On donne au subjonctif des valeurs qui viennent d u contexte où il est employé :
subjonctif de volonté ( Je veux qu’il vienne ), de souhait ( Je souhaite qu’il vienne ), de
regret ( Je regrette qu’il vienne ), de doute ( Je doute qu’il vienne ) ; pourquoi ne pas
parler aussi d’un indicatif d’opinion ( Je crois qu’il viendra ), d’affirmation ( Je dis
qu’il viendra ), etc. ? De fait, on attribue au subjonctif la va leur sémantique de son
verbe régisseur, en confondant l’effet et la cause. (GMF , 1994, p. 322).

Aussi les auteurs de cet ouvrage dégagent-ils « une valeur sémantique de base » de ce
mode. Opposé au mode indicatif qui actualise entièr ement l’idée verbale (la personne, les
époques, etc.), le subjonctif, moins actualisant, e st employé:

chaque fois que l’interprétation l’emporte sur la prise en compte de l’actualisatio n
du procès, lorsque s’interpose entre le procès et s a verbalisation l’écran d’un acte
psychique (sentiment, volonté, jugement) qui empêch e le procès d’aboutir à son
actualisation totale ( GMF , 1994, p. 322)

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140 Cet acquis de la linguistique guillaumienne a été c omplété par R. Martin pour couvrir
les cas où le subjonctif s’emploie pour rendre comp te d’un fait « réel » :

Je regrette qu’il soit venu. Elle est la seule qui soit restée à la ferme. Bien que le
temps soit à l’orage, il part pêcher en mer. Qu’ell e soit partie m’est indifférent »
(GMF, 1994, p. 322),

en précisant que « le subjonctif marque l’appartena nce du procès aux « mondes possibles »
(un fait est possible si l’on peut envisager au moi ns un état de choses où il est vrai) » ( GMF ,
1994, p. 322).
Ainsi pourrait-on dire que le subjonctif :

– en tant que catégorie voisine de la modalité, s’exp rime grammaticalement par des
moyens morphosyntaxiques propres (conjugaison propr e, et emplois en qu-) ;
– en tant que mode incapable d’opérer, comme l’indica tif, une distinction entre les
trois époques (ce qui n’est pas le cas du subjoncti f), son sémantisme de base
consiste à faire valoir l’idée d’interprétation de l’idée verbale au détriment de
l’actualisation et ce en l’inscrivant dans « des mo ndes possibles ».

Le choix de l’auxiliaire dans les formes composées du verbe

Rien de plus troublant pour un apprenant du françai s que d’être confronté au choix de
l'auxiliaire, quand il commence à utiliser les form es composées du verbe. Il s’agit là d’une
réelle difficulté, pour laquelle il est rare de tro uver dans les manuels une répartition claire
entre l’emploi des deux auxiliaires.
Reprenons les deux ouvrages à propos de cette quest ion :
Il est dit dans la GPF que « le passé composé de la majorité des verbes se forme avec
« avoir » : J’ai mangé. J’ ai bu. J’ ai dormi » » et que « le passé composé de « être » et
« avoir » se forme aussi avec « avoir » : J’ ai été malade. J’ ai eu mal à la gorge » (GPF, 2003,
p. 174) 3. Le passé composé se construit avec « être » dans le cas des verbes de déplacement.
Les exemples sont présentés par paires symétriques de verbes indiquant un changement de
lieu : venir/aller, entrer/sortir, arriver/rester/partir, monter/descendre, naître/mourir,
passer/retourner et tomber . Une petite remarque vient conclure cette présenta tion et préciser
que « les verbes indiquant la manière de se déplace r s’utilisent avec « avoir » : J’ai marché,
j’ai couru, j’ai sauté, j’ai dansé, etc. » (GPF, 2003, p 182).
Devant ce flou, nous avons consulté une autre gramm aire d’enseignement en ligne, qui
donne la synthèse suivante à propos du choix de l’a uxiliaire dans les temps composés:

Tous les verbes transitifs (ceux qui peuvent avoir un complément d'objet direct COD
ou indirect COI) se conjuguent toujours avec l'auxi liaire 'avoir' alors que tous les
verbes pronominaux (ceux qui se conjuguent avec un pronom 'réfléchi' désignant la
même personne ou la même chose que le sujet : je me …, tu te…, il se…, elle se…, on
se…, nous nous…, vous vous…, ils se…, elles se…) se conjuguent toujours avec
l'auxiliaire 'être'. Quelques verbes intransitifs ( ceux qui n'ont jamais de COD ni de

3 Les auteurs de la Grammaire Progressive du français ne consacrent pas une section à part entière au ch oix de
l’auxiliaire, mais font figurer ce point dans les f ormes du passé composé.

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141 COI) se conjuguent par contre avec l'auxiliaire 'êt re'. Quelques verbes de
mouvements se conjuguent avec l'auxiliaire 'avoir' dans un emploi transitif, ou avec
l'auxiliaire 'être' dans un emploi intransitif. Enf in, quelques verbes de changement se
conjuguent normalement avec l'auxiliaire 'avoir' po ur insister sur le changement,
mais peuvent également se conjuguer avec l'auxiliai re 'être' pour insister sur le
résultat du changement. 4

Même si la formulation cherche à être plus précise, le flou n’en est pas moins grand.
De son côté, la GMF lève, dès le départ, toute ambiguïté en affirmant que la répartition
des auxiliaires être et avoir est relativement « fixée ». Par exemple, pour l’em ploi de
l’auxiliaire être , outre les verbes pronominaux et les constructions pronominales, elle fait
intervenir une nouvelle notion, celle des « verbes perfectifs, qui expriment un mouvement ou
un changement d’état » ( idem , p. 450), la perfectivité étant une propriété séma ntique inhérente
au verbe et facile à deviner. Elle se définit notam ment par l’idée de limite qui caractérise le
verbe. Les verbes transitifs, intransitifs et imper sonnels, quant à eux, prennent l’auxiliaire
avoir . Pour les cas ambigus, la distinction est de natu re aspectuelle : l’auxiliaire avoir est
sélectionné par les verbes exprimant une action, ta ndis que l’auxiliaire être est choisi par des
verbes exprimant un état résultant prend être. C’est le cas de verbes comme apparaître,
changer, descendre, grandir, maigrir, passer, rajeu nir, ressusciter, stationner, etc.

Les valeurs aspectuelles

L’aspect nous sert de troisième catégorie pour illu strer le hiatus qui existe entre
certains manuels et les difficultés d’apprentissage des valeurs aspectuelles en français langue
étrangère. Même si la naissance de cette catégorie remonte, selon M. Wilmet (2003, p. 329) à
1908, date relativement récente qui pourrait expliq uer combien cette catégorie est malmenée,
cela ne justifie pas que le peu qu’on en enseigne n e soit pas suffisamment clair pour aider à
identifier et la catégorie et les nuances sémantiqu es qu’elles peuvent revêtir dans le discours.
En effet, il existe de nombreuses études linguistiq ues sur le fonctionnement des
valeurs temporelles et aspectuelles (cf. BERGSTRÖM, 1997; GOES et al. 2011, etc.) et sur
les difficultés d’acquisition des temps composés se lon la langue maternelle des apprenants
(KIHLSTEDT, 2002; SCHLYTER, 1996, etc.). En revanch e on a peu analysé le lien que l’on
peut faire entre les descriptions grammaticales pro posées dans les grammaires de référence et
celles qu’on retrouve dans les manuels d’enseigneme nt.
Le constat général dans les manuels d’enseignement qui s’adressent aux apprenants de
FLE ou de FLS est la simplification, la notion d’as pect étant considérée comme relativement
abstraite. Le recours aux manuels de linguistique s e fait d’une manière ponctuelle et
l’utilisation des théories linguistiques demeure tr onquée, la tendance étant à la concision. Pour
pallier ce manque, les enseignants ont très souvent recours à des représentations schématiques
qui facilitent l’apprentissage autant que l’erreur. (cf. GÜNDÜZ, 2005)
Par ailleurs, nous constatons que la GPF ne réserve aucune section à l’étude des
valeurs aspectuelles. On y traite certains de ces a spects non en tant que catégorie propre, mais
en tant qu’emplois rattachés à des combinaisons spé cifiques, notamment celles des
prépositions comme depuis, pour, pendant et en , qui introduisent l’idée de durée au présent.

4 http://www.francaisfacile.com/exercices/exercice-f rancais-2/exercice-francais-3068.php

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142 Une autre grammaire consultée en ligne 5 fournit les indications suivantes :

2. Valeurs aspectuelles : Elles indiquent à quel point de son déroulement en est le
procès à une date donnée, en d'autres termes, comme nt le procès est perçu dans son
déroulement interne.
On distingue : a) L'aspect sécant, non limitatif : on n'envisage pas les limites d'un
événement, il traduit l’action en cours : Elle marchait seule dans la rue chantant.
b) L'aspect global, non sécant, limitatif : l’aspec t exprime le procès dans sa totalité ,
il est envisagé avec ses deux limites : Il neigea tout le weekend.
c) L'aspect inaccompli : le procès n’est pas achevé , il est en cours de déroulement.
Les formes simples indiquent généralement un aspect inaccompli ( Je travaille, Je
travaillais ).
d) L'aspect accompli : le procès est montré comme a chevé et il est envisagé à partir
de sa fin. Les formes composées indiquent généralement un aspect accompli ( J'ai
travaillé, J'avais travaillé ).

La complexité de la question aspectuelle, qui fait intervenir aussi bien le sens du
verbe, sa morphologie, la nature de l’auxiliaire, l a compatibilité et/ou l’incompatibilité avec
certains adverbes et prépositions, l’emploi des dét erminants etc. n’empêche pas d’en donner
une vision relativement claire même si elle pouvait être simplifiée. Vu l’importance d’une
telle catégorie dans l’interprétation des énoncés, il serait dommage qu’on en fasse l’économie.
Pour en avoir une description sommaire ou relativem ent détaillée, il suffit de consulter
respectivement la grammaire méthodique du français et la grammaire critique du français . Le
premier en fournit une bonne synthèse qui peut serv ir de canevas général pour l’enseignement
de cette catégorie sémantique avec tout ce qu’elle comporte comme contraintes formelles
correspondant à des nuancements sémantiques. La sec onde en fait un développement
substantiel (de la page 329 à la page 350) où l’aut eur détaille les différentes valeurs
aspectuelles et les éléments formels qui s’y associ ent.
Sans entrer dans les détails, nous pouvons en fourn ir les éléments que nous jugeons les
plus pertinents :

– une définition : elle est construite en opposition avec celle du
temps (chronologique, externe au verbe) qui sert à situer chronologiquement le
procès dans l’une des trois époques, et de présent er l’aspect, temps interne du
verbe, comme une catégorie qui se conçoit indépenda mment de toute chronologie,
et qui permet d’envisager le procès « sous l’angle de son déroulement interne) (cf.
IMBS, 1960 cité par RIEGEL et al., p. 517). Cette c onception de l’aspect part de
l’idée que tout procès comporte une portion de temp s, qu’elle soit importante ou
négligeable, qui en conditionne l’interprétation. D es procès comme se promener et
exploser, sans couvrir des portions de temps interne comparab les, comportent
chacun néanmoins un temps interne propre. L’interpr étation de ce temps interne
facilite la saisie des valeurs aspectuelles véhicul ées;
– une opposition entre l’aspect lexical et l’aspect g rammatical : le premier, qui
dépend du contenu sémantique du lexème, est souvent connu sous le nom de
« mode d’action » ou « aktionsart », alors que le s econd s’exprime à travers la
forme de la conjugaison, la nature des auxiliaires et des semi-auxiliaires et la
combinatoire avec des adverbes ou des prépositions.

5 [http://www.bonjourdefrance.com/exercices/contenu/ les-valeurs-demploi-des-temps-simples-de-lindicatif .html]

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143 Le mode d’action 6 permet d’établir une opposition fondamentale entre deux types de
verbes : 1. des verbes dont le sémantisme comporte une limite interne qui fait que « le procès
n’acquiert d’existence complète et véritable que lo rsqu’il est parvenu à son terme », « une fois
son terme atteint, le procès (…) ne peut être prolo ngé mais peut être éventuellement
recommencé » comme par exemple les deux emplois du verbe sortir dans : Il est sorti / Il sort
tous les soirs . ( GMF , 1994, p. 521), 2. des verbes où la limite interne n’est pas envisagée,
autrement dit, ils ne comportent pas de limitation intrinsèque et peuvent se prolonger
indéfiniment sur le plan linguistique. Cette opposi tion couvre ce qui est communément
appelé : perfectif / imperfectif.
Tous les verbes peuvent faire l’objet d’une saisie globale ou analytique, même s’il y a
des affinités entre le sémantisme des verbes et mes valeurs aspectuelles. Le passé simple et
l’imparfait servent souvent à marquer cette opposit ion. Quand la saisie est globale, le procès
est indécomposable ; quand elle est analytique, ell e permet d’exprimer les trois phases du
procès : initiale, médiane et finale (aspect inchoa tif, progressif, terminatif).
Les oppositions aspectuelles les plus courantes son t les suivantes:

– l’opposition accompli / inaccompli : c’est la forme la plus régulière parce
qu’elle est marquée par l’opposition entre temps si mples et temps composés du
verbe (ex : marcher / avoir marché) ;

– l’opposition inchoatif / terminatif : marquée par l ’emploi des semi-auxiliaires
aspectuels comme se mettre à, commencer à, d’un côté et finir de, cesser de,
etc. de l’autre et qui marquent respectivement le d ébut et la fin du procès;

– l’opposition semelfactif / itératif : qui marque l’ accomplissement unique ou
répétitif du procès (ex : faire un achat / faire plusieurs achats ). L’itératif est
souvent marqué soit par l’emploi d’adverbes comme souvent, encore, quelques
fois , etc., soit par le sémantisme du verbe radoter, sautiller , etc.), ou encore par
des affixes (comme dans redire, refaire, criailler , etc.).

De telles oppositions, même si elles n’épuisent pas toutes les valeurs aspectuelles,
peuvent servir de cadre général pour introduire le principe d’analyse suivant : la valeur
aspectuelle finale d’une forme verbale ne se décide que dans le cadre de la phrase, cette valeur
étant la résultante de l’interaction entre tous les éléments lexicaux et grammaticaux qui y
interfèrent. Il faut préciser que quand le lexical et le grammatical entrent en contradiction,
c’est le grammatical qui l’emporte. Dans l’exemple suivant:

(1) L’entretien dura une heure,
c’est l’interprétation globale imposée par l’emploi du passé simple qui l’emporte, bien
que le sémantisme du verbe l’oriente vers la non gl obalité. En revanche, dans:

(2) Elle éclatait de rire,
l’imparfait donne une épaisseur durative à un verbe qui est de nature ponctuelle.

6 Pour une analyse détaillée des modalités d’action, cf. la typologie de Vendler (1967, p. 526-527) fon dée sur les
deux critères de bornage et de momentanéité.

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144
Conclusion

L’examen des différentes approches qui ont été prés entées dans les manuels de
grammaire et d’enseignement montre qu’aucune ne peu t à elle seule rendre compte de toutes
les spécificités de catégories grammaticales comme le temps, le mode et l’aspect. Si l’objectif
de toute grammaire est d’enseigner des contenus pré cis, il faut dépasser tout conflit entre les
théories linguistiques. Est précis donc ce qui rend compte clairement du fonctionnement de la
langue, grammaire et linguistique se complétant à c e niveau. La simplification est donc
nécessaire pour faciliter l’apprentissage, mais ell e ne doit pas rimer avec banalisation. Les
concepteurs de méthodes d’enseignement (pour le FLM , FLS ou FLE) devraient tirer profit
des apports de la linguistique et présenter des syn thèses sur le fonctionnement effectif de la
langue.

BIBLIOGRAPHIE

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Recebido em 18/04/2016
Aprovado em 27/07/2016

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