Elements de Versification
PREMIÈRE PARTIE – ASPECTS THÉORIQUES
CHAPITRE 1
ÉLEMENTS DE VERSIFICATION
1. 1. Le compte des syllabes dans un vers
Un vers comporte un certain nombre de syllabes. Selon le dictionnaire Larousse la syllabe est une « unité linguistique intermédiaire entre le phonème et le mot, caractérisée par la fusion des unités phoniques qui la constituent. ». Dans son ouvrage, « Pour étudier un poème », Françoise Nayrolles considère que la syllabe est « un groupe formé de consonnes et de voyelles qui se prononcent d’une seule émission de voix ».
Afin qu’on puisse compter les syllabes il faut les séparer graphiquement à l’aide d’un tiret oblique. C’est ce qu’on appelle « scander un vers ».
« Trem/blant/, pi/quant/ des/ deux/, du/ co/té/ qui/ des/cend. »
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Lorsqu’on veut scander un vers il faut faire attention aux liaisons. La consonne finale d’un mot qui sert de liaison avec le mot suivant, fait partie de la syllabe du mot suivant. Par exemple dans le vers « De / long/s é/chos. » le « s » final de l’adjectif « longs », servant de liaison entre l’adjectif et le nom qui suit, fait partie de la troisième syllabe.
« On / cher/che / les / ci/tés / san/s en / voi/r un / seul / mur
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Les / pas / lent/s et / tar/difs / de / l’hu/maine / rai/son. »
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Il y a trois éléments qui peuvent poser des problèmes dans le décompte des syllabes : le « e » muet, la diphtongue et l’hiatus.
1.1.1. Le « e » dit muet
Le problème du « e » dit muet est que parfois il est prononcé, donc compté comme une syllabe, et parfois il n’est pas prononcé. Un « e » muet doit etre prononcé quand « il est placé entre deux consonnes, en fin de mot, lorsque le mot suivant commence par une consonne ou par un h aspiré ».
« La / pour/pre / du / com/bat / rui/sse/lle / de / ses flancs. »
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On connait si un « h », en début de mot, est muet ou aspiré si on place avant le mot un article défini singulier ou pluriel. Dans le cas d’un « h » muet, il y a élision de l’article défini singulier (« l’ ») ou liaison avec le mot suivant dans la cas de l’article défini pluriel.
Exemple : l’hiver, le/s hi/vers
l’habitude, le/s ha/bi/tudes
Dans le cas d’un « h » aspiré, il n’y a ni élision de l’article défini singulier, ni liaison avec le mot suivant dans le cas de l’article défini pluriel.
Exemple : le héros, les / héros
la haine, les / haines
Le « e » dit muet doit également être prononcé lorsqu’il est placé entre deux consonnes à l’intérieur d’un mot.
« Je / veux / d’a/mour / fran/che/ment / de/vi/ser ».
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« Voi/ci / des / fruits/, des / fleurs/, des / feui/lle/s et / des / branches. » 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Le « e » muet ne se prononce pas dans les situations suivantes :
– en fin de mot, lorsque le mot suivant débute par une voyelle ou un « h » muet.
« Et / ce/tte ho/nnê/te / fla/mme au / peu/ple / non / co/mmune. »
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– à l’intérieur d’un mot, lorsqu’il est placé :
entre voyelle et consonne.
« Apollon et son fils, deux grands maitres ensemble,
Ne / me / sau/raient / gué/rir /, leur / mé/tier / m’a / trom/pé. »
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entre consonne et voyelle.
« Je / vais / m’a/sseoir / par/mi / les / Dieux / dans / le / so/leil. »
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Il y a des cas particuliers où le « e » muet ne se prononce jamais. C’est ainsi le cas où cette voyelle est placée à la fin du vers, en formant la rime féminine. Le « e » muet final « n’est jamais pris en compte et ne constitue pas une syllabe ».
« Ain/si / tou/jours / pou/ssés / vers / de / nou/veaux / ri/vages. »
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Tableau récapitulatif1
1.1.2. Les diphtongues
La diphtongue répresente « la succession de deux voyelles ». Les deux voyelles qui se succèdent peuvent etre prononcées :
– d’une seule émission de voix et constituer ainsi une seule syllabe (/pied/).
– d’une double émission de voix et constituer ainsi deux syllabes (li/on).
La prononciation des deux voyelles en une seule syllabe s’appelle « synérèse » pendant que la prononciation des deux voyelles en deux syllabes s’appelle « diérèse ». Le problème qui apparait en ce cas-là est de savoir quand est-ce qu’on doit prononcer les deux voyelles en synérèse et quand en diérèse. La solution à ce problème est de « procéder par comparaison en se référant au décompte syllabique des vers voisins ».
« La fillette aux violettes
Équivoque à l’œil cerné,
Reste seule après la fete
Et baise ses vieux bouquets ! »
Les vers 1 et 4 comportent chacun une diphtongue : « violettes » et « vieux » et font donc difficulté. Le problème est s’il faut prononcer vio/lettes en deux syllabes ou vi/o/lettes en trois syllabes, /vieux/ en une syllabe ou vi/eux/ en deux syllabes. Pour résoudre ce problème il faut scander d’abord les vers 2 et 3 qui ne présentent pas de difficultés :
« É/qui/vo/que à / l’œil / cer/né,
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Res/te/ seu/le a/près / la / fête. »
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Le décompte syllabique de ces deux vers nous fait observer qu’ils comportent chacun sept syllabes. On sait par déduction et par comparaison que les vers 1 et 4 comportent également sept syllabes.
« La / fi/lle/tte aux / vio/lettes »
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Si on compte la diphtongue « vio » en synérèse (une syllabe), on arrive à 6 syllabes. Il manque donc une syllabe et on sait ainsi que la diphtongue « vio » doit etre prononcé en diérèse (deux syllabes).
« La / fi/lle/tte aux / vi/o/lettes »
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En ce qui concerne le vers 4 si on compte la diphtongue « vieux » en synérèse (une syllabe), on arrive à 7 syllabes. Le compte des syllabes est juste et on sait ainsi que la diphtongue « vieux » doit etre prononcé en synérèse (une syllabe).
« Et / bai/se / ses / vieux / bou/quets »
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Le décompte syllabique concernant la diérèse et la synérèse obéit aux règles suivantes :
en principe, on traite en synérèse une diphtongue dans laquelle les deux voyelles proviennent :
– d’une voyelle latine unique.
P E D E S > /pied/
1
N O C T E M > /nuit/
1
– de deux voyelles latines initialement séparées mais raprochée au cours de l’évolution de la langue.
L I G A R E > /lier/
1
en principe, on traite en diérèse une diphtongue dans laquelle les deux voyelles proviennent :
– de deux voyelles latines successives.
N A T I O > na/ti/on
1 2 3
F U R I O S U S > fu/ri/eux
1 2 3
Tableau récapitulatif2
1.1.3. L’hiatus
L’hiatus est « la rencontre heurtée de deux voyelles autres que le e muet ». Il peut avoir lieu soit à l’intérieur d’un mot :
« Dieu, pour vous reposer, dans le désert du temps,
Co/mme de/s o/a/sis / a / mis / les / ci/mé/tières. »
Soit entre deux mots :
« Et / j’ai / é/té / re/çu / par / l’aube / re/ssem/blante »
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On prononce les deux voyelles constituant l’hiatus et chaque voyelle compte pour une syllabe. Alors que la poésie médiévale était tolérante, Malherbe et le classicisme proscrivent absolument l’hiatus, ne l’acceptant qu’à l’intérieur d’un mot ou lorsqu’il est comme estompé par un « e » muet intervocalique :
« Troie expira sous vous »
Briser le tabou de l’hiatus a été une des grandes audaces de la poésie romantique. La poésie moderne a peu à peu recouvré le droit à l’hiatus :
« Il y a aussi un vieux buffet. »
1.1.4. L’élision
Quand un mot terminé par une voyelle précède immédiatement dans l’intérieur d’un vers un mot commençant par une voyelle, il se produit soir un hiatus soit une élision. « On dit qu’il y a élision lorsque la première des deux voyelles est supprimée, tant dans la prononciation que dans le compte des syllabes, et hiatus lorsqu’elles se prononcent et comptent toutes deux ».
Dans l’orthographe usuelle l’élision est notée, généralement, par une apostrophe. C’est ainsi le cas des mots auxiliaires comme l’article, le pronom, la préposition ou la conjonction (« l’enfant », « l’ame », « j’arrive », « il l’envoie », « jusqu’à », « s’il »).
Il y a aussi des situations particulières quand la voyelle élidée est « a » ou « i ». Dans ce cas-là « l’élision ne peut porter que sur un e inaccentué final, mais elle est obligatoire ; toutes les fois que cette voyelle est suivie d’un mot commencant par une voyelle ou une h dit muette, il y a élision » :
« Elle tombe, elle crie, elle est au sein des flots. »
« Jugez de quelle horreur cette joie est suivie. »
En ancien francais l’élision est faite comme en francais moderne et n’a pas un caractère obligatoire, sauf en ce qui concerne certains monosyllabes. L’article « le », « la », la négation « ne » de latin « non », les pronoms « me », « te », « se », « le », « la » devant le verbe élident toujours leur voyelle. Mais l’élision est facultative pour le pronoms « me », « te », « se », « le », « la » après le verbe, la négation « ne » de latin « nec », les pronoms « ce », « que », « je », l’article masculin singulier « li », la conjonction « se » de latin « si », l’adverbe « se » ou « si » de latin « sic » :
« Qu’en dites vous ? que il vos semble »
« Ne sui-je en vostre baillie ? »
« Et j’ai toz mes bons jors passez. »
1. 2. La rime
La rime est « un élément sonore qui ponctue la fin de chaque vers et forme de échos entre deux ou plusieurs vers ». Francoise Nayrolles parle, dans son ouvrage de quelques principes auxquels la rime obéit : la disposition, la pureté et la richesse. On peut les considérer aussi des critères d’évaluation de la rime.
Selon le principe de la disposition les rimes peuvent etre classifiées de manière suivante :
rimes plates ou suivies : AA BB
« Le temps qui s’en va nuit et jour, A
Sans repos prendre, sans séjour, A
Qui nous fuit d’un pas si feutré, B
Qu’il semble toujours arreté. » B
rimes embrassées : A B B A
« Des portes du matin l’amante de Céphale A
Ses roses épandaient dans le milieu des airs, B
Et jetait sur les cieux nouvellement ouvert B
Ces traits d’or et d’azur qu’en naissant elle étale. » A
les rimes croisées : A B A B
« Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre A
Animent la fin d’un beau jour, B
Au pied de l’échafaud, j’essaye encor ma lyre. A
Peut-etre est-ce bientôt mon tour. » B
Depuis le XVIIe siècle la disposition des rimes se plie à la règle de l’alternance des rimes féminines et des rimes masculines. Les rimes masculines se terminent « avec la syllabe meme qui contient la voyelle accentuée ; les autres ont après cette syllabe une autre syllabe contenant un e inaccentué ». Le nom de « rimes masculines » et « rimes féminines » provient de la règle de formation du féminin des substantifs et des adjectifs, selon laquelle précisément le féminin se distingue du masculin par l’apparition d’une syllabe de plus contenant un « e » inaccentué (« petit » / « petite », « chat » / « chatte »). Par exemple, dans l’extrait de Iambes de Chénier « zéphyre » et « lyre » sont des rimes féminines, pendant que « jour » et « tour » sont de rimes masculines.
Le principe de la pureté « consiste en l’appréciation de la pureté de la rime ». Tenant compte de ce deuxième principe on peut faire la différence entre « la rime pour l’oreille » et « la rime pour l’œil ».
La « rime pour l’oreille » est fondée sur l’homophonie, c’est-à-dire la reprise des sons identiques.
Exemple : « bière » et « pierre »
« maître » et « mettre »
La « rime pour l’œil » est fondée non seulement sur l’homophonie mais aussi sur l’homographie, c’est-à-dire l’écriture identique des sons.
Exemple : « bière » et « prière »
« maître » et « disparaître »
On considère que la plus pure d’entre les deux rimes est la « rime pour l’œil ».
Le troisième critère d’évaluation de la rime, la richesse, « se calcule en fonction du nombre des sonorités vocaliques ou consonantiques homophones, c’est-à-dire qui se prononcent de façon identique ».
En tenant compte de ce principe on peut distinguer la catégorie suivantes :
rime pauvre – lorsqu’elle possède une sonorité, soir vocalique, soit consonantique, homophone.
Exemple : « levé » et « tirer » – les deux mots ont en commun seulement la sonorité « é ».
rime suffisante – lorsqu’elle possède deux sonorités, soit vocaliques, soit consonantiques, homophones.
Exemple : « loup » et « filou » – les deux mots ont en commun les sonorités « ou » et « l ».
rime riche – lorsqu’elle possède trois sonorités ou plus, soit vocaliques, soit consonantiques, homphones.
Exemple : « mémoire » et « grimoire » – les deux mots ont en commun les sonorités « r », « oi » et « m ».
Afin de valoriser la richesse de la rime on a proscrit la facilité dans le choix des rimes. Depuis le XVIIIe siècle on a préféré de ne pas faire rimer :
des mots de la meme catégorie grammaticale.
Exemple : deux adverbes : « calmement » et « lourdement »
deux verbes : « partir » et « sortir »
un mot simple avec son composé.
Exemple : « manteau » et « portmanteau »
« Il danse » et « une contredanse »
des mots qui s’appellent instinctivement.
Exemple : « amour » et « toujours »
« pleurs » et « douleurs »
Au-delà des catégories des rimes qu’on a identifiées en tenant compte des trois principes énoncé par Francoise Nayrolles, il y a aussi un certain nombre de rimes particulières auxquelles on atribue une dénomination spécifique. Leur particularité apparait d’un phénomène de répétition. Ainsi on peut distinguer :
la rime couronnée répète la syllabe de rime.
« Ma blanche colombelle, belle
Souvent je vais priant, criant
Mais dessous la cordelle d’elle
Me jette un cœur friant, riant. »
la rime enchainée reprend la base du mot de rime au début du vers suivant.
« Dieu des amans, de mort me garde ;
Me gardant donne moy bon heur. »
la rime batelée fait rimer la fin du vers avec la fin de l’hémistiche suivant.
« Nymphes des bois, pour son nom sublimer
Et estimer, sur la mer sont allées
Si furent lors, comme on doit présumer,
Sans écumer les vagues ravalées. »
la rime brisée fait rimer les vers par la césure.
« Chacun doit regarder selon droit de nature
Son bien propre garder, ou trop se dénature.»
la rime équivoquée utilise le jeu de mots.
« Et c’est à peinde si l’allumette amorphe ose
Meme en rever éclairer cette metamorphose. »
la rime léonine présente au moins deux syllabes semblables. Par exemple les mots de rime « sultan » et « insultant » ont en commun cinq sonorités : « an », « t », « l », « u », « s ».
les vers holorimes reprennent entièrement les mêmes sonorités.
« Par le bois du Djin, où s’entasse de l’effroi.
Parle, bois du gin ou cent tasse de lait froid. »
1. 3. Le vers français
1. 4. La strophe française
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