DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LE CONTRÔLE DE GESTION COMMUNAL Caroline TAHAR Maître de conférences CREM UMR 6211 IGR – IAE Université de Rennes 1… [600366]

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DE  NOUVELLES   PERSPECTIVES  POUR  LE  
CONTRÔLE  DE  GESTION   COMMUNAL

Caroline TAHAR
Maître de conférences
CREM UMR 6211
IGR – IAE
Université de Rennes 1
caroline.tahar@univ -rennes1.fr

Résumé
En quelques décennies la ges tion publique
a beaucoup évolué. La place et le rôle des
usagers sont désormais reconnus. De plus,
la  volonté  d’améliorer  la  performance  des  
services publics a conduit à l’utilisation  
d’outils   de   gestion . Parallèlement des
interrogations apparaissent conce rnant
l’évolution  du contrôle de gestion .
Nous avons cherché à répondre à la
question suivante : quelles perspectives
tracer pour le contrôle de gestion
communal ?
À tr avers une recherche -intervention
menée dans les services municipaux d ’une
ville de taille moyenne , nous proposons de
mettre en place des systèmes de pilotage de
la   performance   qui   s’intéressent   aux  
opérations et aux processus et soit cent rés
sur   la   valeur   pour   l’usager des services
publics.

Mots clés
Performance – usagers – valeur –
processus – contrôle de gestion Abstract
For a few decades m anagement in public
sector has evolved a lot. The place and role
of users are now recog nized. Besides, in
order to improve public performance,
measures of performance and management
system s are set . In the same time, queries
appear on the e volution of management
control.
In this paper, we try to answ er the
following question: which perspectives can
be opened up for management control in
municipal services ?
Through an intervention research in
municipal services of a medium -sized
town , we propose to set up performance
management systems which pay more
attention to p rocesses and operations and
focus on value for the user of public
services.

Key words
Performance – users – value – process –
management control

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Dès 1953, Pierre Mendès -France1, Président  de  la  commission  des  finances  de  l’Assemblée  
Nationale, évoque la nécessité d e rationaliser les  dépenses  publiques.  Mais  ce  n’est  que  depuis  
la fin des années soixante que des réformes importantes se succèdent au sein de
l’administration.  Leur  but  déclaré  est  d’adapter,  moderniser,  rationaliser  l’administration  et  la  
rendre  plus  efficace.  Dans  le  même  temps,  l’usager  des  services  publics  voit  sa  place  et ses
droits reconnus, ce qui entraîne de profondes transformations des relations des administra tions
avec leurs bénéficiaires.
Cette évolution implique  l’usage  d’outils  de  gestion  pour   rendre les organisations publiques
plus performantes . Ainsi, le contrôle  de  gestion  s’y généralise . Cependant le pilotage de la
performance publique interroge. En 1999, Lorino met en exergue la nécessité  d’en renouveler
les m éthodes classiqu es. Quinze ans plus tard, à travers cet article, nous cherch ons à répondre
à la question suivante : quelles sont les perspectives du contrôle de ges tion communal ?
Quelles voies nouvelles doit-il emprunter pour améliorer la performance publique ?
Pour y répondre, nous nous appuierons sur une étude longitudinale réalisée  au  sein  d’une
mairie. Basée sur une recherche -intervention , elle révèle une évolution du contrôle de gestion
communal.  Centré  sur  la  valeur  pour  l’usager,  il  appréhende  la  performance  publique  dans  sa  
globalité.  Il  étend  son  champ  d’action  à  des  aspects  opérationnels  e t  s’intéresse  aux  processus  
de délivrance du service.
Après avoir retracé les principales réformes de la gestion publique et mis en évidence les
interrogations qui pèsent actuellement sur la recherche en contrôle de gestion (1), nous
présenterons cette étude longitudinale (2). En nous appuyant sur les résultats qui en sont issus ,
nous proposerons de s perspectives pour le contrôle de gestion communal ,  celles  d’un  système  
global de pilotage de la performance ancré dans les processus opérationnels et centré su r
l’usager  (3).
1. Des services publics en quête de performance
Des réformes de la ge stion publique se succè dent depuis plusieurs décennies avec pour but
l’amélioration  de  la  performance  publique.  À  travers  elles,   la  figure  de  l’usager  apparaît.  D’un
administré passif, il devient un acteur du service public avec des droits et un rôle (1). Cette
nouvelle  gestion  publique  implique  l’usage  d’outils  de  gestion  dans  les  administrations.  Ainsi,  
le  contrôle  de  gestion  s’y  généralise  au  moment  même  où  des  int errogations apparaissent sur
l’évolution  de  la  recherche  dans  ce  domaine  (2).
1.1 L’émergence  de  la  figure  de  l’usager à travers les réformes de modernisation des
services publics
C’est  en  1968,  avec  le  lancement  de  la  Rationalisation  des  choix  budgétaires  (RC B), que
débute ce mouvement. Inspirée du Planning programming budgeting system (PPBS)
américain, elle a pour objectif de mettre en place une méthode de rationalisation et de contrôle 1 Nous faisons ici référence au discours de Pierre Mendès -France
 à
 l’Assemblée
 Nationale
 du
 3
 juin
 1953.
 Il
 y
 déclare
 
que « Gouverner, c'est choisir, si difficiles que soient les choix. Choisir, cela ne veu t pas dire forcément éliminer ceci ou
cela, mais réduire ici et parfois augmenter ; en d'autres termes, fixer des rangs de priorité. »

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des résulta ts  de  l’action  administrative.  Cependant,   son  répertoire  d’action  est   plus juridique
que gestionnaire (Jeannot et Guillemot, 2010) .
Dans  les  années  70,  la  loi  commence  à  s’intéresser  aux  bénéficiaires  des  services  publics  et  
leur  reconnaît  des  droits  face  à  l’administration.  En  1973,  un  Mé diateur de la République
reçoit «les réclamations co ncernant, dans les relations avec les administrés, le
fonctionnement  des  administrations  de  l’État,  des  collectivités  publiques  territoriales,  des  
établissements  publics  et  de  tout  autre  organisme  investi  d’une  mission  de  service  public».
Cinq ans plus tar d,   une   loi   portant   diverses   mesures   d’amélioration   des   relations   entre  
l’administration   et   le   public   reconnaît   aux   citoyens   «la   liberté   d’accès   aux   documents  
administratifs» et  institue  la  Commission  d’accès  aux  documents  administratifs  (CADA).  
L’année   sui vante paraît la loi relative à la motivation des actes administratifs et à
l’amélioration  des  relations  entre  l’administration  et  le  public.  
Mais  ce  n’est  qu’en  1983  qu’apparaît  la  notion  d’usager  des  services  publics  dans  un  rapport  
parlementaire remis a u  Premier  ministre.  Il  s’agit  du  rapport  Sapin,  son  titre   « La place et le
rôle des usagers dans les services publics » (Sapin, 1983) exprime une vision nouvelle du
bénéficiaire  d’une  prestation  publique  :  il  a  un  rôle  et  des  droits.  À  la  fin  de  cette  même  année,  
un décret conce rnant les relations entre l'administration et les usagers est publié.
En  1989,  le  concept  d’évaluation  des  politiques  publiques  est  associé  au  service  à  l’usager  
avec le lancement de la politique de Renouveau du service public (circulaire Rocard). Cette
circulaire comprend quatre axes : une politique de relations du travail rénovée, une politique
de  développement  des  responsabilités,  un  devoir  d’évaluation  des  politiques  publiques,  une  
politique  d’accueil  et  de   service  à  l’égard  des  usagers.   Pour Jeannot e t Guillemot (2010), avec
la circulaire Rocard, « les questions de gestion sont au centre de la réforme ».
Un  an  plus  tard,  en  1990,  un  décret  relatif  à  l’évaluation  des  politiques  publiques  met  en  place  
un  dispositif  d’évaluation  interministériel,  avec  un Conseil  scientifique  de  l’évaluation  (CSE).  
En  plus  de  la  recherche  de  plus  d’efficacité,  s’ajoute  la  prise  en compte des usagers. En effet,
la même année, une Commission pour la simplification des formalités est créée (Cosiform). Il
est remplacé 1998 par le  Conseil  national  de  l’évaluation  (CNE).  Cette  même  année,  trois  
autres  évènements  témoignent  de  la  volonté  d’améliorer  l’efficacité  des  services  publics  et  la  
qualité  de  service  rendu  aux  usagers.  En  janvier,  le  Programme  d’action  gouvernemental  pour  
la  société  de  l’information  (PAGSI)  est  lancé.  Il  prévoit  notamment  la  généralisation  des  sites  
internet des services publics et la mise en ligne des formulaires administratifs. Ce programme
témoigne du fait que «  l’amélioration  des  relations  entre  l’admini stration et le citoyen devient
un souci constant du gouvernement » (Alcaud et Lakel, 2004) . En juin, une circulaire est à
l’origine  de  la  création  des  Programmes  pluriannuels  de  modernisation  des  admi nistrations.
Chaque programme « a pour objet de déterminer les orientations stratégiques du ministère
[concerné], de formaliser une volonté collective d'assurer avec efficacité les missions entrant
dans ses attributions ». L’objectif  de  ces  programmes  est   « d'assurer la cohésion sociale et
territoriale de notre pays et de mieux répondre à l'attente de nos concitoyens ».
En décembre de cette même année, le décret relatif aux simplifications administratives prévoit
pour chaque ministère des programmes annuel s de simplification des formalités et des
procédures administratives et crée une Commission pour les simplifications administratives
(COSA).

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En 2000, la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
impose de nouvelles obligations aux services publics. Elle les oblige notamment à informer
l’usager  du  nom  de  l’agent  chargé  de  suivre  leur  dossier,  à  délivrer  systématiquement  un  
accusé  de   réception  et   à  transmettre  à  l’autorité  compétente  une  demande  qui   lui  serait  
adressé e par erreur. En décembre, un décret va plus loin dans la simplification des démarches
administratives,  il  supprime  notamment  la  fiche  d’état  civil.   En plus d’améliorer  les  relations  
avec les usagers , cette simplification contribue à maîtriser les dépenses publiques (Tahar, 2013) .
Le  portail  internet  de  l’administr ation Service -public.fr est créé la même année.
En 2001, la Loi organique relative aux lois de finance (LOLF), «  point  d’orgue  d’un  long  
processus  d’institutionnalisation  de  la  mesure  de  la  performance  » (Guénoun et Saléry, 2009)
est votée par la quasi -unanimité des parlementaires. Selon ses « pères », Lambert et Migaud
(2006 ) elle modifie profondément « la perspective de la gestion publique en substituant à la
traditionnelle gestion orientée vers les moyens une gestion orientée vers les résultats » . Elle
instaure un «  système  de  gestion  de  la  performance  qui  s’inspire  dire ctement de la culture dite
de management » (Calmette, 2006) . Jeannot et Guillemot (2010) y voient une remise au
centre de la  question  de  la  gestion  avec  notamment  l’obligation  de  produire  des  indicateurs  de  
résultats   destinés   à   mesurer   l’efficacité   et   l’efficience   de   la   gestion   publique.   Les  
administrations  doivent  désormais  rendre  des  comptes  sur  l’efficacité  de  l’utilisati on des
crédits attribués. Une nomenclature budgétaire par destination des dépenses est mise en place.
Les objectifs représentent des missions, déclinées en programmes, eux -mêmes subdivisés en
actions.   Votée   en   2001,   elle   n’entre   en   application   qu’en   2006   a fin de permettre à
l’administration  de  se  préparer.  Elle  est  invitée  à  revoir  ses  pratiques  de  dialogue  de  gestion,  
défini  comme  l’ensemble  des  processus  d’échanges  entre  deux  niveaux  hiérarchiques  ou  
managériaux relatifs aux moyens et aux objectifs. Ce qu i donne lieu dans de nombreuses
institutions  à  la  création  d’instances  spécifiques   (Naulleau, 2003) .
Entre 2001 et 2007, plusieurs dé crets   et   circulaires   sont   à   l’origine   de   programmes   de  
modernisation.  Mais  c’est  en  2007  qu’est  lancée  la  Révision  générale  des  politiques  publiques  
(RGPP).  Il  ne  s’agit  pas  d’une  loi  nouvelle  mais  de   « travaux » qui  s’organisent  autour  de  six  
axes de mode rnisation. Bien que la LOLF et la RGPP se ressemblent, elles se révèlent en
réalité très différentes. Selon Kott ( 2010) la  RGPP  est  avant  tout  une  recherche  d’économies  à  
court  terme  et  n’intègre  pas  le  débat  de  fond  sur  la  performance  de  l’action  publique  promue  
par l a LOLF. Pour Jeannot et Guillemot (2010), elle éloigne de nouveau la question de la
réforme  de  celle  de  la  gestion  en  mettant  l’accent  sur  les  structures  et  les  organigrammes  
plutôt que sur les outils.
En  2012,  la  Modernisation  de  l’action  publique  (MAP)   remplace la RGPP. Le secrétariat
général   pour   la   modernisation   de   l’action   publique   est   créé.   Ses   missions   concernent  
l’évaluation   des   politiques   publiques,   l’amélioration   des   relations   avec   les   usagers,   la  
modernisation et la simplification des démarches administratives.
Ces réformes successives font évoluer les services publics de manière très significative. Elles
témoignent  d’une  prise  en  compte  croissante  de  l’usager.  Le  fonctionnement  et  l’organisation  
de  l’ensemble  des  services  publics  en  sont  profond ément modifiés. À partir de 1994, les
démarches  qualité  s’y  généralisent   (Barouch, 2010) avec  l’usage  des  premiers  outils  qualité.  
De nombreux établissements publics se lancent dans des démarches de certification (ISO
9001   ou   inspirées   par   cette   norme),   des   chartes   d’accueil   sont   créées,   expri mant des

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engagements  sur  l’accueil  du  public,  des  indicateurs  visant  à  mesurer  la  qualité  de  service  sont  
mis en place.
Deux évènements significatifs interviennent dans les années 2000 : la création du Cadre
d’autoévaluation   des   fonctions   publiques   (CAF) en   2002   et   l’application   de   la   Charte
Marianne en  2005.  Cette  évolution  témoigne  de  la  volonté  d’améliorer  la  qualité  de  service,  
mais  également  de  la  reconnaissance  de  la  place  de  l’usager  comme  partie  prenante  dans  la  
mesure de cette qualité. Il en décou le  d’importantes  conséquences  sur  l’organisation  du  travail  
dans les services publics.
Le  Cadre  d’auto -évaluation des fonctions publiques (CAF) est un modèle de management
spécifiquement adapté au secteur public. Il a été conçu et est actuellement reconnu à  l’échelle  
européenne.  Il  est  issu  de  la  grille  d’évaluation  mise  en  point  par   l’European  foundation  for  
quality management (EFQM) et aide les administrations à poser un diagnostic et à évaluer
leurs données. Il permet ainsi aux organisations publiques e uropéennes  de  s’approprier  les  
techniques   de   management   par   la   qualité   totale   afin   d’entrer   dans   une   démarche  
d’amélioration  continue  de  leurs  performances.   Pour Barouch (2010), la principale originalité
du  CAF  est  qu’il  précise  quels  sont  les  résultats  a ttendus  d’un  service  public.  De  plus,  cet  
outil identifie quatre catégories de parties prenantes et propose pour chacune des indicateurs
de  résultats  :  les  usagers,  le  personnel,  les  donneurs  d’ordre  (leur  satisfaction  est  mesurée  par  
deux types de perform ances clés : les résultats internes et les résultats externes) et la société.
Les indicateurs qui évaluent les résultats auprès des clients -citoyens sont semblables aux
indicateurs  de  la  LOLF  tournés  vers  l’usager  qui  mesurent  la  qualité  de  service.  Si  l’u sager
apparait  dans  ce  cadre,  il  n’est  cependant  pas  au   cœur de la démarche.
Trois ans plus tard, avec la charte Marianne ,  l’orientation -usager est nette. Cette charte
générique  de  l’accueil  des  usagers  est  appliquée  depuis  janvier  2005  par  tous  les  servi ces de
l’État et a vocation à se généraliser aux autres services publics. Elle comprend cinq rubriques
d’engagements   génériques.   Depuis   2006,   elle   a   évolué   vers   un   référentiel   appelé  
QualiMarianne auquel est associé un label Marianne . La charte Marianne a deux
conséquences  significatives.  Elle  généralise  le  principe  d’engagements  (explicites)  de  service.  
De  plus  elle  reconnaît  le  rôle  décisif  de  l’accueil  des  usagers  pour  améliorer  la  qualité  de  
service  et  accroître  l’efficacité  des  services publics.
L’usager est bien devenu « le point de mire des réformes du service public » (Jeannot, 1998) .
Cette  focalisation  sur  l’usager  se  retrouve  également  dans  les  changements  de  l’ organisation
des  administrations.  Elles  s’adaptent  aux  différentes  réformes  mais  surtout  aux  nouvelles  
conceptions des relations avec le bénéficiaire de leurs prestations. Weller ( 2010) met en
évidence  une  évolution  en  trois  temps  que  l’on  retrouve  dans  l’ensemble  du  secteur  pub lic,
qu’il  s’agisse  de  l’ État,  d’entreprises  publiques,  d’organismes  sociaux  ou  de  collectivités  
locales. En effet, à partir des années 80, le secteur public se transforme au niveau de ses
méthodes de travail ou de ses règles organisationnelles avec comme objectif  d’être  plus  
efficient,  c’est -à-dire mieux servir ses usagers, en maîtrisant ses dépenses.
Avec pour objectif de rationaliser la gestion publique, ces réformes ont reconnu des droits et
un rôle aux usagers . Cette recherche de performance publique a conduit à mettre en place des
outils de gestion et à développer les démarches de contrôle de gestion dans une logique
proche du New Public Management . Ce rapprochement avec la gestion privée intervient au
moment  où  l’évolution  de  la  recherche  en  contrôle   de gestion suscite des interrogations.

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1.2 Un nouveau contrôle de gestion pour une nouvelle gestion publique ?
Le New Public Management (Nouvelle gestion publique) correspond à un mouvement de
transformations des administrations publiques qui a débuté dans les années 80 dans certains
pays anglo -saxons, notamment le Royaume -Uni, la Nouvelle -Zéland e et le Canada
(Chevalier, 2009) .  Si  l’efficacité  des  réformes  issues  de  ce  mouvement  est  largement  discutée  
(Lapsley, 1996 ; Robinson, 1996 ; Dunleavy et al. , 2006) , des auteurs estiment nécessaire de «
trouver un nouvel équilibre entre efficacité économique et cohésion sociale » (Brillet, 2004,
p.40) . Le New Public Management est également u ne doctrine qui a pour objectif de
«rapprocher les modes de gestion publique de ceux des entreprises privées, en diminuant le
poids  de  l’application  des  règles  et  procédures  pour  f avoriser la recherche de rentabilité et la
satisfaction des citoyens » (Bartoli, 2008, p.355) . Cette nouvelle gestion publique viserait à
faire des administrations des organisations orientées vers la performance (De Visscher et
Varone, 2004) . Des auteurs ont cherché à définir le New Public Manageme nt. Ainsi, dans leur
ouvrage «Reinventing Government : How The Entrepreneurial Spirit Is Transforming The
Public Sector », Osborne et Gaebler ( 1992) énoncent dix grands principes qui constituent cette
doctrine et qui devraient  permettre  de  rendre  l’administration  (État,  collectivités  locales,  etc. )
plus moderne e t plus efficace, donc plus performantes. Kotler et Lee (2006) considèrent
également que comprendre les attentes des usagers et adapter les services publics pour y
répondre contribue à améliorer la performance publique au bénéfice de tous.
La performance publique est cependant complexe à définir. La performance, au s ingulier,
concerne  donc  la  réalisation  des  objectifs  de  l’organisation.   Nous retiendron s la définition de
Lorino ( 1999) selon laquelle la performance « qualifie le rapport exis tant entre les ressources
consommées  par  cette  activité  (son  «  coût  »)  et  l’importance  des  besoins  sociaux  auxquels  
elle permet de satisfaire (sa « valeur ») ». Elle repose sur la gestion du couple «coût-valeur »
(Lorino, 2000) . Pour  lui,  le  pilotage  de  la  performance  d’une  organisation  implique  de  définir  
les besoins qu’elle  doit  satisfaire  (création  de  valeur)  et  de  déployer  le  couple  coût -valeur en
son sein grâce à des règles de déc ision et des actions concrètes.
Dans  cette  optique,  pour  accroître  leur  performance  les  services  publics  se  dotent  d’outils  de  
gestion. La circulaire du 21 juin 2001 définit le contrôle de gestion comme « un système de
pilotage  mis  en  œuvre  par  un  responsable  dans  son  champ  d’attribution  en  vue  d’améliorer  le  
rapport entre les moyens engagés – y compris les ressources humaines – et soit l ’activité  
développée, soit les résultats obtenus ». Cependant, « donner du sens à cette démarche est
une condition essentielle de sa réussite » (Naulleau, 2003) .
Parallèlement, des interrogations sur les perspectives de la recherche en contrôle de gestion
(Bouquin, 2008) apparaissent . L’usage  d’indicateurs  non  financ iers est préconisé. À ce sujet,
Bouquin considère que, pour être pertinents, les outils de gestion doivent rendre en compte la
diversité des ressources rares, sans se limiter aux ressources financières.
Cette  orientation  rejoint  les  travaux  d’ Otley (1999) . Cet auteur propose une vision élargie et
renouvelée du contrôle de gestion qui va au -delà de la définiti on classique donnée par
Anthony. S’il  considère  qu’il  était  peut -être nécessaire de se concentrer dans un premier
temps  sur  ce  qu’il  appelle  le   «cœur du contrôle de gestion » (dimension financière du contrôle
de  gestion,  éléments  communs  à  toutes  les  organisations),  il  estime  qu’il   «est maintenant
nécessaire [pour le contrôle de gestion] d’accorder  plus  d’attention  à  des  éléments  négligés

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comme la stratégie et les opérations ». Il est nécessaire de construire des systèmes de pilotage
de la performance (performance management systems )  capables  d’appréhender  le  pilotage  de  
la performance dans sa globalité (Ferreira et Otley, 2009) . Ainsi, l e contrôle de gestion doit
aller au -delà  des  seuls  aspects  financiers  pour  s’intéresser  à  la  source  de  la  performance  :  les  
processus et les opéra tions qui les composent. La prise en compte de cette dimension
opérationnelle  du  contrôle  de  gestion  est  essentielle  car  c’est  au  cœur  des  processus  qu’est  
créée la valeur.
Cette nouvelle conception implique un renouvellement des outils et des pratiques. Elle
s’intéresse   aux   processus,   «chaînes   d’activités   déclenchées   par   un   facteur   unique   »  
(Mévellec, 1990, p.183) . Au simple calcul de coût, elle privilégie le management des activités
et des opérations. Elle repose  sur  l’idée  selon  laquelle  la notion  d’activité   est centrale pour
améliorer la performance d ’une  organis ation.  Ce  n’est  pas   l’analyse  des  coûts  mais  leurs  liens  
avec les processus qui priment. Dans cet esprit, le contrôle de gestion ne doit pas concerner
uniquement le premier élément (coût) du triplet coût -qualité -délai, rejetant les deux autres
éléments (qu alité et délai) ho rs  de  son  champ  d’action.  I l est urgent de remédier au «divorce
entre deux supports majeurs de la valeur, qualité et disponibilité, et les objets porteurs de
cette valeur » (Mévelle c, 2009) .
Pour cela, le contrôle de gestion ne  doit  plus  s’arrêter  aux  frontières  de  l’organisation . Il doit
prendre en compte son environnement et, en premier lieu ses clients. À ce sujet Otley (1999)
précise :
«  Il  est  nécessaire  de  s’intéresser  au   contexte  extérieur  de  l’organisation,  au  lieu  d’être  
uniquement  concerné  par  les  activités  internes.  L’analyse  des  concurrents  est  importante,  
mais  la  valeur  délivrée  par  l’organisation  à  ses  consommateurs  est  plus  centrale  encore.  Une  
orientation des proc essus centré sur les chaînes de valeur est nécessaire pour compléter
l’approche  verticale  et  hiérarchique  du  contrôle  qui  a  longtemps  prévalu  dans  la  littérature.  »
Dans  cette  conception,  le  contrôle  de  gestion  doit  s’intéresser  tout  particulièrement  à  la   valeur
pour les clients (Malleret, 2009) ,  ainsi  qu’aux  activ ités et aux processus qui contribuent à la
créer (Cauvin et Neunreuther, 2009) .
Dans les activités de service, la dimension opérationnelle est particulièrement important du
fait de la coproduction du service (Bancel -Charensol et Jougleux, 1997) . Pour Meyssonnier
(2012) pour qui il est essentiel, «si on veut dépasser une vision étriquée du contrôle de
gestion,  d’intégrer  à  la  réflexion  toute  l’instrumentation  servicielle  qui  façonne  largement  les  
comportements et les représentations». Le bénéficiaire de la prestation en est également le
coproducteur , il est compris dans une chaîne de valeur qui dépasse les limites de
l’organisation  (entreprise  ou  administration).   Pour piloter efficacement la performance des
activités  de  service,  le  contrôle  de  gestion  doit  appréhender  l’intégralité  de  cette  chaîne  de
valeur et  prendre  en  compte  la  valeur  pour  le  client  (ou  l’usager  des  services  publics).
Cependant, la notion de valeur nécessite une clarification. Issue du marketing, la Service
Dominant L ogic propose  une  nouvelle  vision  de  la  valeur,  fondée  sur  l’usage , construite et
déterminée avec le consommateur. Elle remet en cause la notion classique de valeur
d’échange (value -in-exchange ) basée sur une logique de domination des biens pour laquelle
les rôles de producteur et de consommateur sont distincts et la valeur est créée à travers une
série  d’activités  réalisées  par  la  firme. Selon cette valeur  d’usage (value -in-use), un pro duit ou
une  prestation  n’a   pas de valeur intrinsèque ( embedded ) définie par son producteur ou par un

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marché. Le  prestataire  ne  créée  pas  de  valeur,  il  ne  peut  qu’en  proposer. Pour elle, les rôles de
producteurs et de consommateurs ne sont pas distincts. La valeur est co -créée, conjointement
et réciproquement d ans  les  interactions  entre  prestataire  et  bénéficiaire  à  travers  l’intégration  
de  ressources  et  l’application  de  compétences. Au-delà du principe de coproduction, le client
est également co -créateur de valeu r.
Dans  cette  logique,  il  ne  suffit  pas  d’être   orienté client , le prestataire doit être centré sur le
client .  Cela  signifie  qu’il  doit  collaborer  avec  le  consommateur,  apprendre  de  lui  et  d’adapter.
« Plus  qu’être  orienté -client, cela signifie collaborer  avec  ses  clients  et  apprendre  d’eux  pour  
s’adapter à leurs besoins individuels et changeants. Une logique centrée sur le service
implique que la valeur est définie par le client et co -créé avec lui. » (Vargo et Lusch, 2004)
Ainsi,  pour  créer  de  la  valeur,  le  prestataire  doit  donc  prendre  en  compte  les  attentes  et  l’ avis
du consommateur (Capelli et Dantas, 2012) . Il doit constamment adapter son offre à
l’évolution  de  la  demande  des  clients  que  ce  soit  en  matière  de  qualité  technique  de  résultat  
(le quoi) ou de qualité fonctionnelle de processus (le comment ) (Grönroos, 2007) . En effet,
dans cette logique, si les biens ou les services proposés ne correspondent pas aux besoins
(exprimés  ou  non)  des  consommateurs,  ils  n’ont  pas  de  valeur. « Il n’existe pas de valeu r tant
que  le  service  n’est  pas   utilisé. » (Lusch et Vargo, 2006) Ainsi, p our accroître la performance
de  l’organisation , le contrôle de gestion doit piloter conjointement coût et valeur pour les deux
coproducteurs de service (Tahar, 2012) .
Cette  évolution  du  contrôle  de  gestion  entre  en  résonance  avec  l’émergence  de  la  figure  de  
l’usager  à  travers  les  différentes  réformes  de  la  gestion  publique.  La  recherche  que  nous  avons  
menée au sein de la mairie de S, une ville de taille moyenne , témoign e  d’une  évolution  du  
contrôle de gestion communal qui appréhende les processus et met le focus sur la valeur pour
l’usager.
2. Une  étude  longitudinale  au  sein  d’un  service  municipal  de  contrôle  de  
gestion
Cette étude est liée à une recherche -intervention mené e avec la chargée de mission contrôle
de  gestion  d’une  mairie.   Nous allons maintenant en présenter le cadre (2.1). Puis nous en
expliciterons l’organisation   (2.2). Nous développerons ensuite les résultats de cette ét ude de
cas  qui  témoignent  d’un  prisme  no uveau pour le contrôle de gestion communal . Dans cette
mairie,  les  dispositifs  d’écoute  des  usagers  ont  été  intégrés  au  pilotage  de  la  performance
(2.3).
2.1 Une étude liée à une recherche -intervention
Cette étude longitu dinale est liée à une recherche -interve ntion.  Elle  s’ est inscrit e dans un
contexte municipal bien particulier :   le   début   d’un   municipe.   La ville a connu un
développement industriel important dans le domaine de la mécanique et des matériaux . Elle
est  le  centre  d’une  communauté  d’agglomération  de dix communes. En 2010, l es principaux
ratios  financiers  de  S  font  état  d’une  bonne  santé  financière  et  d’une  gestion  dynamique  du  
budget. La commune dégage ait une  capacité  de  financement  de  la  section  d’investissement

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malgré des investissements supérieurs à la moyenne de sa strate. Sa capacité
d’autofinancement   et   son   fond   de   roulement   étaien t également plus importants que la
moyenne des villes de même taille.
Encadré 1 : les chiffres clés de la ville et de la mairie de S Population : 68 500 habitants, au sein  d’une  agglomération  de  115 000 habitants Une ville industrielle Emplois  selon  le  secteur  d’activité  en  2007  Industrie et construction ………………………………………………………………………… 30 %  Commerce, transports, services divers……………………………………………………… 38 %  Administration publique, enseignement, santé, action sociale ……………………. 32 % Chiffres clés 2009 de la mairie
 20 groupes scolaires municipaux scolarisant 5 600 enfants
 8  structures  municipales  d’accueil  de  la  petite  enfance
 6  lieux  d’accueils  du  public  (Hôtel  de  Ville,  3  mairies  annexes,  2  points  municipaux)
 Accueil téléphonique gér é par un standard classique
 1 médiathèque en réseau : 1 équipement de centre -ville, 1 bibliothèque, 1 bibliobus
 1 200 emplois permanents (équivalent temps plein)
 Dépenses de fonctionnement : 100 000  K€
 Investissement : 50 000  K€
Sources : Insee et mairie de S Notre recherche a début é dans  l’année  qui  suit  les  élections  municipales.  Le  Maire,  réélu pour
la deuxième fois, souhaitait que ce municipe soi t  celui  de  la  proximité.  Il  s’étai t fixé comme
priorité  de  faciliter  les  démarches  des  usagers  et  d’amélior er la qualité des services publics.
« Offrir aux habitants des services de proximité visant à simplifier leurs démarches et à
rendre la vie plus agréable et plus facile » est un des objectifs stratégiques du projet de
développement durable 2009 -2015. De no uveaux services ont été créés, notamment une
cellule de « gestion centralisée des demandes des usagers ».   La   création   d’un   « guichet
unique » est annoncée. Une note rédigée par le Directeur général adjoint (DGA) en charge des
relations avec les habitants e n  précise  l’objectif : « faciliter  l’accès   des   habitants   et   des  
usagers aux services municipaux, en rendant accessibles, des sept points municipaux (mairies
et antennes municipales) et du site internet de la ville les prestations municipales existantes ».
L’ancienne   direction de la population devient direction des relations aux habitants , avec une
nouvelle unité services aux usagers .
Nous avons donc signé un contrat de recherche avec cette mairie. Il concernait l’étude  du  
processus  d’amélioration  de  l’accue il du public dans les services municipaux. Il avait comme
objectif initial de mesurer  l’amélioration  de  la  valeur  créée  pour  les  usagers engendrée par la
mise  en  place  d’une  nouvelle  organisation  des  services  en  distinguant  qualité  servie  (mesurée  
grâce à des  indicateurs  internes)  et  qualité  perçue  (mesurée  à  partir  d’enquêtes de satisfaction
des usagers). Par la suite, d u fait du retard pris par la réorganisation et de la quasi -absence
d’indicateurs  internes  de  qualité  servie,  les  décideurs  municipaux   ont souhait é faire évoluer
cette intervention en un diagnostic de la qualité perçue par les usagers.
La recherche que nous présentons ici ne concerne pas strictement les résultats de
l’intervention  liée  au  contrat  de  recherche.  Elle  s’intéresse  à  la  démarche  g lobale dans laquelle
s’inscrit  cette  intervention  et  à  l’évolution  du  contrôle  de  gestion  au  sein  de  cette  mairie.  Elle  
s’apparente   à une étude de cas car « les limites entre le phénomène étudié et son contexte ne
sont pas clairement établies » (Yin, 1994, p.13) . Elle s’en  distingue  pourt ant du fait de la
position du chercheur par rapport à son terrain et de la temporalité. En effet, une recherche –
intervention fait descendre le chercheur «dans  l’arène  pour  éprouver  lui -même les champs de

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force  qui  traversent  l’organi sation et la mettent en tension » (Moisdon, 2010, p.217) . Elle
«implique  pour  le  chercheur  d’interv enir délibérément sur la réalité étudiée » (Allard -Poesi
et Perret, 2003, p.86) . Une autre spécificité de la recherche -intervention réside dans son
rapport au temps. Elle implique «  une  temporalité  imposée,  liée  aux  nécessités  de  l’action»  
(Grevin, 2011, p.157) .
Nous  allons  maintenant  présenter  l’organisation   de notre recherche qui, même si elle va au –
delà  de  l’intervention  prévue  dans  le  contrat  de  recherche,  s’est   déroulé  au  rythme  d’ enquêtes
menées auprès des usagers .
2.2 L’organisation  de  la  recherche
Cette  recherche  s’est  organisée  en  trois  temps.  Ils  correspo ndent aux deux enquêtes menées
dans le cadre du contrat de recherche initial  (l’accueil  du  public  et  la  gestion  de  la  demande)  
et à une enquête supplémentaire concernant les services périscolaires (accueil et restauration).
En marge de cette intervention, nous avons également pu étudier le fonctionnement de la régie
de  l’eau.  
Après une phase préparatoire ( mars à mai 2010) qui nous a permis de nous approprier le
terrain, notre intervention a réellement débuté  par  une  étude  de  la  qualité  de  l’accueil (E1). De
mai  à  juillet  2010,  nous  avons  mené  une  enquête  auprès  d’usagers  des  accueils  municipaux
juste après la réalisation de leur démarche . Nous les avons interrogés sur leur niveau de
satisfaction  concernant  la  qualité  de  service  dans  le  cadre  de  l’accueil  d e premier niveau , mais
également sur leurs attentes . Nous leur avons également soumis des suggestions
d’amélioration  de  l’ accueil.
D’avril  à  juillet  2011,  nous  avons  réalisé  une  nouvelle  enquête  de  satisfaction (E2). Elle a
concerné la gestion de la deman de,  un  nouveau  service  dont  l’objectif  était  de  gérer  les  
demandes  relatives  à  l’espace  public.  Elle   avait pour objectif d ’identifier  les  personnes  qui  
contactent la mairie pour une demande de ce type , de mesurer la qualité perçue et attendue par
ces usage rs au prisme des délais entre les différentes étapes du processus (avis de réception,
réponse écrite et éventuellement intervention). Pour sélectionner les répondants, nous avons
utilisé  une  base  de  données  concernant  les  demandes  de  l’année  précédente.  El le nous a été
fournie par les services de la mairie.
L’intervention  s’est  prolongée  avec  u ne enquête supplémentaire qui  s’est  déroulé e d’avril  à  
juillet 2012. Elle a concerné la restauration municipale et l’accueil périscolaire. Elle avait
pour but de mes urer la satisfaction (qualité perçue) et d’identifier   les   attentes   (qualité  
attendue) des usagers des services périscolaires (pause -déjeuner et accueil périscolaire du soir
et du matin) de la mairie de Saint -Nazaire. Elle concernait à la fois la qualité de résultat
(qualité des menus, des activités) et la qualité de processus (démarches pour les parents, bruit
et confort pour les enfants). Nous avons distingué deux  types  d’usagers :  les  parents  d’élèves  
(usagers indirects : éducateurs, payeurs et administra teurs) et les enfants (usagers directs :
bénéficiaire de la prestation). Cette étude était donc double : elle comprenait une première
enquête réalisée auprès des enfants fréquentan t la restauration municipale (E3b ) et une
seconde menée auprès des parents d ’enfants  qui  bénéficient  de  prestations  (restauration  et  
accueil) périscolaires (E3a).

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Tableau 1 : les trois enquêtes menées auprès des usagers des services municipaux Accueil du public (E1) Gestion des demandes relatives  à  l’espace  public (E2) Prestations périscolaires (restauration et accueil (E3a et E3b)) Dates de déroulement de l’enquête Mai à juillet 2010 Avril à juillet 2011 Avril à juillet 2012 Période de recueil des données 18 mai au 8 juin 2010 26 mai au 26 juin 2011 26 avril au 25 mai 2012 Usagers interrogés Personnes se rendant dans un accueil municipal Personnes ayant fait une demande en 2010 Enfants usagers de la restauration scolaire (E3a) Parents usagers (indirects) des services périscolaires (E3b) Sélection  de  l’échantillon Quotas fonction de la fréquentation des lieux de l’enquête Quotas fonction de la nature de la demande Pour les enfants (E3a) : quotas fonction du genre et de  l’âge  des  enfants Pour les parents (E3b) : quotas fonction des ressources Nombre de répondants 302 répondants 150 répondants (près de 30% de la population étudiée) 338 répondants enfants (E3a) 546 répondants parents (E3b) Mode  d’administration Face-à-face, dans les accueils municipaux Téléphone Pour les enfants (E3a) : face-à-face dans les écoles sur les temps périscolaires Pour les parents (E3b) : auto-administré (via le cahier de liaison des enfants) Chacune de ces enquêtes a été réalisée en étroite collaboration avec la chargée de mission
Contrôle de gestion de la vil le. Elles ont nécessité un important travail préparatoire. Des
périodes   d’observation   non -participantes, de courts entretiens avec des usagers, de
nombreuses réunions de travail avec des représentants des services concernés ont ainsi été
nécessaires pour d éfinir le contenu et les modalités de chaque enquête (période de recueil des
données,  organisation  matérielle,  mode  d’administration,  formulation  des  questions,  etc.).  
Nous avons également obtenu la validation politique des élus. Pour chaque enquête, nous
avons réalisé un rapport et une (et parfois plusieurs) présentation des résultats obtenus devant
des responsables municipaux (administratifs et élus).
Du fait de l a durée de la recherche -intervention et des relations nouées au sein de la mairie (et
des services communautaires) ,  nous  avons  eu  l’occasion  d’étudier  le  fonctionnement  de  régie  
des eaux de  la  communauté  d’agglomération  dont   S est la ville -centre. Ancienne direction de
l’eau  et  de  l’assainissement  de  S,  elle  fait  l’objet  depuis  plusieu rs  années  d’une  évaluation  
globale de son efficacité. Cette évaluation prend en compte tous les aspects de la qualité de
service. Nous avons ainsi réalisé plus  de  quatre  heures  d’ entretiens semi -directifs avec le
Directeur de cette structure et son adjoint e. Nous avons également rassemblé une importante
documentation interne sur le foncti onnement  de  cette  régie  de  l’eau (rapports  d’activité,  
tableaux   de   bord,   fiches   de   suivi   d’activité,   questionnaires   de   satisfaction   adressés   aux  
usagers, résultats des enqu êtes de satisfaction, etc.).
Pour toutes les activités étudiées, ce ne sont pas tant les résultats des enquêtes qui nous
intéressent  mais  la  démarche  dans  sa  globalité  et  l’évolution  du  contrôle  de  gestion  qu’elle

12
révèle. Pour étudier cette démarche initié e par la chargée de mission contrôle de gestion, n ous
avons utilisé les techniques habituelles de la recherche qualitative : analyse documentaire
(documentation interne et externe) , observation non participante (dans les locaux accueillant
le public et lor s de réunions), entretiens semi -directifs et réunion s de restitution des résultats
(sauf  pour  la  régie  de  l’eau  où  nous  n’avons  pas  réalisé  d’intervention). La durée totale de
l’intervention  et  l ’ampleur des données collectées nous ont permis de valider no s résultats.
Nous allons maintenant les présenter.
2.3 L’écoute  des  usagers  intégrée  au  pilotage  de  la  performance
Nous  n’allons  pas  présenter  ici  les  résultats  des  trois  enquêtes  menées  dans  le  cadre  de  
l’intervention, ni de celle s gérées par la  régie  de  l’ eau.  En  effet,  plus  que  l’avis  des  usagers,  
c’est  leur  impact  sur les décisions prises par les managers publics et l’approche  globale  du
pilotage  de  la  performance  publique  qu’elles  façonnent  qui  nous  intéressent.
Ces enquêtes ont permis de combattre les a priori sur les besoins des usagers, la qualité de
service et sur les usagers eux -mêmes . L‘enquête   relative   à   l’accueil   du public (E1) a
également fait apparaître des résultats inattendus. Les responsables municipaux ont été surpris
d’apprendre  que  les  usa gers souhaitaient pouvoir faire leurs démarches durant leur pause
déjeuner  et  qu’ils  demandaient  l’ouverture  de  l’Hôtel  de  ville  en  journée  continue.   Le DGA
concerné avait jusque -là estimé qu’« un   fonctionnement   en   journée   continue   n’est   pas  
nécessaire dan s une ville moyenne».
L’enquête  E2  a  permis  de  confronter  les  mesures  internes  de  qualité  servie,  les  résultats  du  
point  de  vue  des  usagers  sur  la  qualité  perçue  et  la  qualité  attendue  (cf.  tableau).  Alors  qu’ils  
étaient satisfaits des indicateurs interne s, les responsables municipaux se sont rendu compte
que  la  qualité  n’était  pas  suffisante  pour  les  usagers.   Cette enquête a mis en évidence la
complémentarité des mesures internes et externes de la qualité.
Tableau 2 : évaluation de la qualité pour la gest ion de la demande (E2) Bilan interne de la direction des relations aux habitants Enquête auprès des usagers Aspect de la qualité mesuré Qualité servie Qualité perçue Qualité attendue Point de vue Organisation Usager Usager Nature de la mesure Mesure interne Mesure externe Mesure externe Objet mesuré Délai de réponse enregistré Satisfaction par rapport au délai de réponse Satisfaction par rapport au délai de réponse Caractéristique  de  l’objet  mesuré Quantitative, objective Qualitative, subjective Qualitative, subjective Cette enquête a également mis en évidence une idée fausse sur les personnes qui font une
réclamation  relative  à  l’espace  public.  Les  responsables  municipaux  pensaient  qu’il  s’agissait  
de jeunes   actifs  pris   dans   l’accélération  et   la désynchronisation de la société et dont le
comportement était consumériste   et   l’attachement   à   la   mairie   faible.   L’enquête   (E2)
concernant la gestion de la demande menée à S a démontr é que ce  n’était  pas  le  cas.  Les  
usagers étaient principalement d es personnes retraitées, impliquée dans la vie associative et
résidant depuis longtemps dans la commune .

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En prenant appui sur les résultats des différentes enquêtes, les managers publics ont redéfini
l’offre  de  service  municipale  pour  mieux  répondre  aux  at tentes exprimées par les usagers
concernant leurs démarches. Ainsi, l’enqu ête E1 a mis en évidence l’existence  d’un  public  
aux besoins spécifiques : les familles. En effet, elles réalisent de très nombreuses démarches
municipales pour leurs enfants (inscri ptions diverses, rechargement de la carte ville , etc.).
L’éclatement   des   prestations,   la   récurrence   de   certaines   formalités   et   la   nécessité   de   se  
déplacer   régulièrement   pour   certaines   d’entre   elles,   sont   chronophages.   Elles ont donc
exprimé des attentes en matière de gain de temps. Ainsi, suite à cette enquête ,  d’importantes  
modifications  ont  eu  lieu  au  niveau  de  l’organisation   de  l’accueil  du  public  (mise  en  place  de  
gestionnaires  de  files  d’attentes  notamment)  et   des démarches liées à la rentrée scolaire. Il est
désormais  possible  de  réaliser  l’inscription  administrative  de  son  enfant  à  l’école  en  même  
temps  que  celle  pour  la  restauration  scolaire  et  l’accueil  périscolaire  auprès  du  même  agent  
municipal. De même, l ’enquête  E3b  a  fait  émerger  des  attentes  i mportantes concernant le
développement des services en ligne (notamment la consultation du solde du compte famille
et le règlement en ligne). Des décisions ont été prises à la suite de cette enquête pour répondre
à ces attentes. Cette enquête a également mis en évidence des demandes relatives au contenu
de  l’offre  de  service,  notamment  concernant  la  mise  en  place  d’aide  aux  devoirs  durant  
l’accueil  périscolaire  du  soir.  Ces  résultats  ont  remis  en  cause  l’opposition  de  certains  élus,  
l’aide  aux  devoirs  devra it être instaurée.
En cherchant à améliorer la qualité de service, les responsables municipaux ont pris
conscience de la nécessité de redessiner les processus de délivrance de certaines prestations.
Ainsi,  l’enquête  E2  a   révélé des délais de réponse trop l ongs pour les usagers . Une réflexion
sur le processus a été engagée afin de déterminer les étapes sans valeur et chronophages. Il ne
suffit pas de délivrer une prestation d ont le résultat est d e qualité , il faut également que son
processus de délivrance so it satisfaisant. Une déclaration du directeur  de  la  régie  de  l’eau  
confirme cette idée :
« La  plupart  du  temps  ce  qui  énerve  les  gens  c’est  la  forme,  ce  n’est  pas  la  prestation,  c’est :
« j’ai  écrit  on  m’a  pas  répondu ».  Si  déjà  l’usager  qui  écrit,  on  lui   répond dans des délais
courts,  si  on  le  rappelle  rapidement,  on  a  déjà  fait  80%  de  l’amélioration  des  relations  entr e
l’usager  et  l’administration».
C’est  dans  le  même  esprit  que  le  directeur  de  la  régie  de  l’eau  a  décidé  de  ne  plus  envoyer  
d’avis  de  récep tion  (ou  de  courrier  d’attente)  aux  usagers  qui  avai ent formulé une demande
écrite car « le  courrier  d’attente  ça  posait  trop  de  problème,  c’est  plus  rapide  de  faire  une  
seule réponse en quinze jours ». Pour s on adjointe « cela oblige à gérer deux délais p our une
même demande ».
Cependant, t outes  les  attentes  des  usagers  n’ont  pas  été  satisfaites.  Les  décideurs  publics  ont  
refusé  de  satisfaire  celles  qui  leur  semblaient  contraires  à  l’intérêt  général  ou  qui  n’étaient  pas  
possible financièrement. Ainsi, dès le début de l’enquête   sur les prestations périscolaires
(E3b) ,  les  décideurs  publics  savaient  qu’ils  ne  renonceraient  ni  au  principe  d’une tarification
progressive  au  taux  d’effort , ni à un impératif d ’équilibre  alimentaire  des  menus.  Pour   eux,
ces mo dalités concernaient des décisions politiques prises   en   faveur   de   l’intérêt   général  
(justice sociale et santé publique ). Cela  rejoint  l’idée  avancé  par  le  directeur  de  la  régie  de  
l’eau  selon  laquelle   « il  y  a  l’élu  et  sa  politique  et  il  y  a  la  gestion  du   service. On doit gérer le
service  pour  qu’il  soit  le  plus  performant  possible ».

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À  travers  l’enquête  E3b,  des  usagers  ont  également  demandé  que  les  tarifs  de  la  restauration  
scolaire  soient  modulés  en  fonction  de  l’âge  de  l’enfant   (cf. encadré 2).
Encadré 2 :  commentaires  libres  d’usagers  (E3b)
« Les tarifs de la restauration scolaire sont trop élevés par rapport à l'âge des enfants et donc à la quantité qu'ils mangent.» usager n°40 « Repas trop cher et peu apprécié par les enfants pour le prix payé ; il fa udrait des repas cuisinés plus simplement et au goût des enfants.» usager n°94 « Adapter  les  prix  des  repas  à  l’âge  des  enfants. » usager n°110 « Tarif de restauration adapté aux élèves de maternelle qui mangent moins que les grands mais paient le même prix.» usager n°120 « Mettre en place les tarifs restaurant selon âge. » usager n°361 « Restauration :  trop  d’écart  entre  les  prix  mini  et  maxi.  4€60  pour  un  enfant  de  la  maternelle  c’est  trop  cher.»  usager n°479 « Repas  moins  chers,  4.7€  pour  un  enfant  de  t rois ans !  3€  maximum  serait  plus  approprié,  c’est  ce  que  je  dépense chez une assistante maternelle agréée. » usager n°308 Les  décideurs  publics  n’ont  pas  satisfait  ces  demandes.  En  revanche,  ils  ont  communiqué  aux  
parents les raisons de ce refus. Contrair ement à ce que les usagers pensaient, le coût matière
ne  représente  qu’une  part  très  faible  de  la  prestation  restauration  scolaire  (18%  du  coût  total),  
l’essentiel  du  coût  du  repas  correspondant  aux  amortissements  et  aux  frais  de  personnel  
d’encadrement. Afin de faire comprendre aux usagers que le prix payé ne correspondait pas
uniquement  au  contenu  de  l’assiette,  le  nom  de  la  prestation  a  été  modifié.  Pour  la  directrice  
du service éducation :
« On voulait que les gens arrêtent de parler de cantine, alors on a beaucoup communiqué sur
la restauration scolaire, pour exprimer la qualité du repas. Maintenant, on va parler de
pause du midi, au moins les gens comprendront que la prestation ne se limite pas aux
aliments. »
Ces enquêtes ont ainsi été  à  l’origine  d’ une importante communication. Elles ont toutes été
annoncées en amont . Les résultats ont ensuite été publiés dans la presse municipale et certains
ont  fait  l’objet  de  parution  dans  les  quotidiens  locaux.  Les  actions  entreprises  pour  répondre  
aux attentes d es usagers ont également été annoncées. Et lorsque les responsables municipaux
ont décidé de ne pas satisfaire certaines demandes, ils ont communiqué sur les raisons de leurs
choix (intérêt général ou contrainte financière).
S’il  est  fréquent  que  des  dispo sitifs  d’écoute  soient  mis  en  place  dans  des  collectivités,  il  est  
rare  qu’ils  soient  intégrés  dans  un  système  de  pilotage   global de la performance publique.
Cette démarche révèle une évolution du contrôle de gestion communal, ancré dans les
processus et c entré  sur  l’usager.
3. Un contrôle de gestion communal ancré dans les processus et centré
sur l’usager
La recherche menée au sein d e la mairie de S témoigne d’une  évolution  du  contrôle  de  gestion  
communal. Après prise en compte de la dimension financière de l a performance (coût et
tarifs) , il  étend  son  champ  d’action  aux questions opérationnelles et aux processus au sein
desquels est créée la valeur (3.1 ). Centré  sur  la  création  de  valeur  pour  l’usager,  il  s’inscrit  
parfaitement dans une transformation du serv ice  public  au  sein  duquel  l’usager  a  un  r ôle et
des droits (3.2 ).

15
3.1 Un pilotage de la performance publique par les processus
Quel  que  soit  le  secteur  d’activité,  c’est  au  cœur  des  processus  qu’est  créée  la  valeur.  Au  sein  
des services publics, comme dans le s entreprises, le contrôle de gestion doit en prendre acte et
s’intéresser   à   la   dimension   opérationnelle   en   plus   des   questions   financières   comme   le  
préconise (Otley, 1999) .  L’évolution  du  contrôle  de  gestion  au  sein  de  la  mairie  de  S  illustre  
parfaitement cette recommandation. Dans un premier t emps, la chargée de mission a
formalisé les calculs de coûts dans différents services et pour des prestations à destination de
« clients » tant   internes   qu’externes.   À   partir   de   ces   données,   elle   a   ensuite   établi   une  
tarification nouvelle basée sur un taux d’effort   progressif   pour   certaines   prestations  
municipales pour répondre à la commande de tarifs plus justes. Avec le même objectif de
performance   publique,   après   la   dimension   financière   du   contrôle   de   gestion,   elle   s’est  
intéressée à la co -création de va leur  pour  l’usager  à  travers  des  questions  opérationnelles  liées  
au processus de délivrance du service.
Le pilotage de la performance publique est autant concerné par la qualité de processus que par
la qualité de résultat car la valeur est créée (ou détruite) tout au long de celui -ci et non
uniquement à la fin. Grönroos  (2011,  p.287)  l’explique  de  la  manière suivante :
“Comme  la  qualité  est  perçue  tout  au  long  du  processus  de  délivrance  du  service,  la  valeur  
est accumulée tout au long de ce processus. Elle  n’est  pas  juste  déterminée  à  la  fin  de  ce  
processus. »
En  plus  d’accroître  la  valeur  pour  l’usager,  repenser  les  processus  peut  contribuer  à  dégager  
des  marges  de  manœuvre  financière  pour  la  collectivité.  Si  la  suppression  des  opérations  
inutiles (tâches sans valeur, demandes réitérées ou éclatées) et les simp lifications
administratives  évite  à  l’usager  de  perdre  son  temps,  cela  contribue  à  économiser  du  temps  
d’agent  municipal  qui  pourra  être  redéployer  sur  des  missions  créatrices  de  valeur   (Tahar,
2013) .  Ainsi,  l’enquête  sur  la  qualité  de  l’accueil  à  la  mairie  de  S  a  mis  en  évidence  que  pour  
la rentrée scolaire, les familles d evaient faire quatre démarches différentes auprès de quatre
services municipaux distincts. Le fait de réunifier les démarches dans un compte famille
unique  devrait  permettre  de  faire  gagner  du  temps  aux  usagers  et  d’accroître  leur  satisfaction  
tout en rati onalisant  les  moyens  humains  de  la  mairie.  Au  sein  de  la  régie  de  l’eau,  la  
suppression  d’une  opération,  l’envoi  d’un  avis  de  réception,  a  réduit  la  complexité  et  permet  
de répondre plus vite aux courriers des usagers.
Du fait de la coproduction du servic e et de la co -création de valeur qui en découle (Grönroos,
2008) , la chaîne de valeur et les processus qui la composent doivent être pensés dans leur
globalité.   La   réflexion   sur   leur   amélioration   doit   prendre   en   compte   l’ensemble   des  
coproducteurs du service : le prest ataire   public   et   les   usagers.   L’ensemble   des   enquêtes  
initiées  par  la  mairie  de  S  s’inscrit  dans  cette  perspective.  Afin  d’avoir  une  vision  plus  juste  de  
la  chaîne  de  valeur,  l’une  d’entre  elles  (services  périscolaires)  distingue  même  deux  usagers  
pour une même prestation :   l’enfant,   usager   direct   (bénéficiaire) et les parents, usagers
indirects (éducateurs et administrateurs).
Cette  évolution  du  contrôle  de  gestion  communal  s’inscrit  donc  parfaitement  dans  ce  que  
Ferreira et Otley ( 2009) qualifie de système de pilotage de la performance (Performance
Management Systems). Elle implique un focus sur la création de  valeur  pour  l’usager.

16
3.2 Un contrôle de gestion au service de la co -création de valeur avec l’usager
Pour piloter la performance municipale, le contrôle de gestion doit être centré sur la valeur
pour  l’usager  de  services  publics,  tant  au  niveau  de  sa  mesur e que de son accroissement.
Cette  recherche  a  mis  en  évidence  la  nécessité  de  prendre  en  compte  l’avis  des  usagers  afin  
d’avoir  une  évaluation  complète  de  la  valeur  créée et  donc  de  la  qualité,  qui  en  est  l’un  des  
supports (Mévellec, 2009) . Parmi les activités étudiées,  seules  deux  disposaient  d’indicateurs  
de performance et  d’objectifs  :  la  gestion  des  réclamations  relatives  à  l’espace  public  et  la  
régie  de  l’eau.  Elles  ont  toutes  deux  mis  en  évidence  que  les  mesures  internes  de  qualité  servie  
ne suffisent pas à fournir une image complète de la qualité du service rendu. En effet, si
aucune  confrontation  n’a  lieu,   l’objectif  des  managers  publics  en  matière  de  qualité  voulue  
peut différer de manière significative des attentes et donc des perceptions des usagers. Pour
mesurer efficacement la valeur pour les bénéficiaires du service , il est donc nécessaire de
connaître l eur avis. L’enquête  menée  auprès  d’usagers  de  la   gestion de la demande à la
mairie de S illustre bien cette complémentarité. Elle a mis en évidence une insatisfaction de la
part des usagers alors que les indicateurs internes étaient considérés comme positifs par la
directrice du service. Au -delà  de  la  qualité  perçue,  il  est  également  nécessaire  de  s’intéresser  à  
la qualité attendue par les usagers en les interrogeant sur leurs attentes. En effet, ils peuvent
considérer  certains  attributs  de  la  prestation  comme  secondaires  alors  même  qu’ils  engendrent  
des dépenses pour la collectivité. Pour elle, identifier ces éléments secondaires est essentiel,
cela lui  permet  d’éviter  de  faire  de  la  sur -qualité, qui génère des coûts sans pour autant créer
de valeur supplémentaire.
De plus, l a  valeur  d’un  service  étant  déterminée  par  son  bénéficiaire   (Vargo et al. , 2008) , elle
ne  peut   être  contrôlée   qu’en  prenant   en  c ompte  l’avis   des   usagers  sur  la  prestation . Ce
principe   confirme   l’idée selon laquelle la notion de qualité perçue doit être privilégiée
(Grönroos, 1984) . Pour cette raison, les mesures internes de la qualité servie doivent être
complétées   par   des   mesures   externes   de   la   qualité   perçue.   En   plus   d’utiliser   les   outils  
classiques du contrôle de gestion (mesures  des  temps  d’attente,  des  délais  de  délivrance,  etc.),  
le  contrôle  de  la  qualité  de  service  nécessite  l’usage  de  techniques  issues  du  marketing  telles  
que les enquêtes de satisfaction.
Au-delà de permettre une mesure complète de la valeur du serv ice, cette focalisation sur
l’usager  permet  également  d e redéfinir l’offre  de  service  pour  mieux  répondre  aux  attentes  
d’une  société  qui  évolue  rapidement.   Cette  volonté  s’ inscrit parfaitement dans ce que Vargo et
Lusch définissent comme une démarche de co llaboration avec les usagers et  d’apprentissage
dont  le  but  est  l’adaptation  à  leurs  besoins  individuels  et  évolutifs.  Ainsi,  les  décideurs  publics  
de   la   mairie   de   S   ont   décidé   d’importan tes modifications au niveau d es modalités de
délivrance de certaines prestations mais également de leur contenu.
Si  l’avis  des  usagers  est  indispensable  pour  définir  la  qualité  de  service,  les  services  publics  
ne doivent pourtant pas se limiter à leur point de vue. Du fait même de leur action en faveur
de l’intérêt  général, elles  doivent  s’interroger  sur  la  qualité  qu’elles  souhaitent  apporter  à  leurs  
usagers, la qualité voulue. Elle peut  parfois  différer  de  la  qualité  attendue  par  l’usager.  À  ce  
sujet, Kotler et Lee (2006) précisent que les décisions prises doivent améliore r à la fois le
bien-être des individus et de la société. Elles doivent tenir compte de considérations sociales
et   éthiques   et   arbitrer   entre   l’impact   négatif   de   certaines   attentes   à   court   terme   des

17
consommateurs et le bien -être à long terme de la société. Ainsi l’enquête   relative   aux  
prestations périscolaires a mis en évidence que certains attributs du service ne pouvaient être
remis en caus e par les demandes des usa gers pour des raisons liées à la mission même du
service public :  l’action  pour  l’intérêt  gé néral.
S’intéresser  aux  usagers  permet  également  de  mieux  les  connaître  et   de mettre fin à des a
priori . À S, l es déc ideurs publics ont compris que l es usagers pouvaient devenir des relais
d’opinion  très  positifs  s’ils  considéraient  que  la  prestation   fournie était de grande qualité.
L’écoute  des  usagers  permet  d’instaurer  un  véritable  dialogue  entre  le  service  public  et  les  
bénéficiaires du service dans une o ptique de co -création  de  valeur  correspondant  à  l’approche  
de la Service -dominant logic (Vargo et Lusch, 2004 ; Lu sch et Vargo, 2006 ; Vargo et al. ,
2008 ; Vargo et Lusch, 2008 ). Dans  ces  conditions,  le  dialogue  de  gestion  s’affranchit  des  
frontières  de  l’organisation.  Il  intègre  également  les  bénéficiaires  de  la  prestation.  Il  considère  
ainsi la chaîne de valeur d ans   sa   globalité   conformément   aux  recommandations   d’Otley  
(1999) .  Toutes  les  activités  étudiées  au  sein  de  la  mairie  de  S  (et  de  la  régie  de  l’eau)  
témoignent  de  cette  évolution.  L’usager  est  véritablement  écouté  et  lorsque  ses  attentes  ne  
peuvent être satisfaites, les raisons de ce refus lui s ont expliquées.
Cette vision des relations avec les usagers répond parfaitement aux pis tes dessinées par
Lorino   (1999),   celles   d’ un « dialogue de gestion enrichi, qui ne se limite pas à la
contractualisation annuelle «objectifs -moyens », mais se penche r égulièrement sur les
contenus et les conditions de l'action collective» basé sur une redéfinition des « sources et des
contenus de la valeur ». Cette  approche  du  contrôle  de  gestion  reconnaît  l’usager  comme  un  
acteur du service public, à la fois coproducteur et co -créateur de valeur.
Conclusion
Depuis plusieurs décennies, les réformes de la gestion publique se succèdent avec comme
objectif  d’améliorer  la  performance  publique  avec  l’idée  que   « gouverner,  c’est  choisir »2
donc confronter coût et valeur. Dans toutes les administrations, de nouveaux outils de gestion
ont ainsi été mis en place pour maîtriser les dépenses publiques. Mais cette évolution de la
gestion publique a également eu pour effet de reconnaître à l’usager des services publics une
place, des droits mais également un rôle.
La   mise   en   œuvre   d'un   v éritable contr ôle de gestion est l'un des enjeux majeurs de la
moder nisation de la gestion publique (Naulleau, 2003) . Pourtant des interrogations
apparaissent quant aux perspectives de la recherche en contrôle de gestion (Bouquin, 2008) .
Deux  axes  d’évolution   nous semblent particulièrement prometteurs. Ferreira et Otley ( 2009)
préconisent la construction de systèmes de pilotage de la performance qui prennent en compte
la globalité de cette performance, notamment sa dimension opérationnelle. Bouquin (2008)
propose   d’a dopter une perspective plus large, celle des parties prenantes dans le cadre
conceptuel de la construction réciproque de valeur .
À la croisée de ces réflexions, notre recherche nous permet de proposer des pistes d ’évolution  
pour le contrôle de gestion communal. Durant près de trois ans, nous avons mené une 2 Discours de Pierre Mendès -France à  l’Assemblée  Nationale   du 3 juin 1953.

18
recherche -intervention en collaboration avec la chargée de mission contrôle de gestion d’une  
ville de taille moyenne . La démarche menée au sein de cette mairie témoigne  d’une  nouvelle  
forme de pilotage de la performance publique . Elle s’inscrit à la fois dans cette évolution du
service p ublic et dans les orientations proposées pour le contrôle de gestion.
Centré  sur  l’usager, le contrôle de gestion doit prend re la mesure du rôle fondamental du
bénéficiaire du service public. Il doit l’intégrer dans un dialogue de gestion renouvelé et élargi
qui répond aux perspectives tracées par Lorino en 1999 :
« On peut pr évoir que les nouvelles formes de pilotage de la perfo rmance publique se
fonderont d'abord et avant tout sur une capacit é d'écoute et d'adaptation à des besoins
sociaux divers et changeants. Par ailleurs, la r éflexion sur le pilotage par processus offre
sans doute une voie f éconde de renouvellement des notion s de performance publique et de
pilotage. »
Le contrôle de gestion communal ne doit pas se limiter à la dimension financière de la
performance,  il  doit  étendre  son  champ  d’action  à des questions opérationnelles et donc à
l’étude  des  processus.  En  effet,  c ’est  au  cœur  des  processus  qu’est  créée  la  valeur.   Pour gérer
le couple coût -valeur,  il  est  donc  nécessaire  d’utiliser   en complément des outils classiques du
contrôle de gestion financier (techniques de calculs de coûts, i ndicateurs financiers, etc.) des
instruments qui prennent en compte la dimension opérationnelle du contrôle de gestion, issus
pour certains d’autres   domaines   de   la   gestion,   notamment   le   marketing   (enquêtes   de  
satisfaction,  autres  techniques  d’écoute  des  usagers)  et  la  gestion  opérationnell e (analyse des
processus) .
Mais au -delà  des  techniques  et  de  l’instrumentation  mobilisées,  c’est  le  sens   qui leur est
donné qui doit primer . Et la finalité de  l’action  publique   est la création de valeur pour
l’usager,  ou  plus  exactement  la  co -création  de  valeur  avec  l’usager. Un contrôle de gestion
ancré dans les processus et centré sur l’usager, permettrait   d’ éviter qu’au sein des
organisations publiques une logique purement financière soit  mise  en  œuvre   au détriment de
la qualité du service rendu . Face à l’exigence  régulièrement  rappelée  par  la  Cour  des  comptes  
de réduire les dépenses publiques , cette évolution est indispensable pour défendre le service
public.

19
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