Apollinaire: personnalité innovante [305358]

Apollinaire: personnalité innovante

1.1 Guillaume Apollinaire: références biographiques

Guillaume Apollinaire est né en 26 août 1880 à Rome, comme fils illégitime de la Polonaise Angélique de Kostrowitzky réfugiée en Italie et de l’officier italien Francesco Flugi d’Aspermont, ayant cinq prénoms Wilhelm Apollinarus Albertus de Kostrowitzky. Apollinaire est l’un des écrivains français majeurs du début du XX e siècle, représentant pour la poésie française «un pont» entre l’héritage du passé et les directions modernes de la poésie, entre la tradition et l’innovation. Tempérament mélancolique, Apollinaire aime la vie, l’art: «apprécie la vie même quand il pleure», comme l’a déclaré [anonimizat]é Salmon. En 1913, Apollinaire est un poète reconnu dans le milie littéraire, [anonimizat]é de journaliste. On associe la vie d’Apollinaire à ce qu’on appelle la Bohème littéraire, nom qui donne une image romantique d’aventure et de pauvreté idéalisée. L’éducation claasique reçue dans les différentes villes du Midi Méditerranéen: Monaco, Cannes, Nicé, est complété par de vastes et profondes lectures. Après un court séjour à Paris, il va vivre un certain temps à Stavelot en Belgique où il a rencontré [anonimizat]: [anonimizat]ère muse. Dans ce lieu de lé[anonimizat] «L’Enchanteur pourrisant», vieille légende modernisée, qu’il publiera en 1909. Il est engagé comme précepteur de français auprès [anonimizat] découvre les légendes, les paysages qui lui fourniront l’inspiration et le titre de ses neuf poésies «Rhénanes». [anonimizat]-[anonimizat] «[anonimizat]é», publiée en 1909. Annie Playden est la source de souffrances et de merveilleux poèmes: Annie, L’émigrant de Landor Road . Entre 1902 et 1907, il travaille pour divers organismes boursiers et parallement il publie des contes et des poèmes dans les revues. Il prend à cette époque pour pseudonyme Apollinaire d’après le prénom de son grand-pè[anonimizat], [anonimizat]èsie. De retour à Paris en 1902, il fréquente les cafés littéraires, fait connaissance d’André Salmon, crée le Festin d’[anonimizat], Derain, Alfred Jarry. Il participe à l’élaboration de la théorie artistique nouvelle du cubisme. En 1907, le grand poète s’installe à Montmartre où il devient une figure de proue de l’avant-garde littéraire. À partir de 1909, Apollinaire collabore en tant que critique d’art à L’Intransigeant et au Mercure de France. Compte tenu de sa mauvaise humeur et agité qu’il était soupçonné pour avoir été l’auteur du vol de la peinture de Mona Lisa qui a eu lieu le 20 août 1911 au Musée du Louvre. En raison de ces soupçons il a été arrêté et emprisonné, mais il était tout à fait sans rapport avec les faits et par conséquent liberé plus tard. Le voleur s’est avéré être un employé de l’auteur, Vincenzo Peruggia. Cette expérience le marque. Attiré par les essais intré[anonimizat]érences «L’Esprit Nouveau», écrit des articles dans des revues en essayant de fonder l’esthétique du cubisme. Le volume «Les Peintres cubistes, méditations esthétiques» de 1913 rassemble ses articles critiques et illustre les préoccupations du poète d’imposer de nouvelles façons d’exprimer l’art. Apollinaire crée son propre univers en poésie, différent du monde réel, illustrant des corps féminins, souvenirs,  rivières, détails curieux. Il rencontre Marie Laurencin, grâce à Picasso, qui sera son deuxième grand amour. Les poèmes «Marie» et «Le Pont Mirabeau» sont les témoignages de cet amour: «la joie venait toujours après la peine». Ils auront une liaison passionnée dont la rupture en 1912 lui inspirera «Le Pont Mirabeau». «Alcools», recueil de poèmes de 1898 à 1912, jusque là publiés dans des revues, est publié en avril 1913. Pour la composition 1911 et 1912, il ne s’attache pas à suivre un ordre chronologique. plaçant «Zone» en tête du livre. Il abandonne la ponctuation en faveur du chant et de l’ambiguité: le rythme même et la création, auxquels se rattache celui de la mort qui évolue d’Alcools à Calligrammes, enrichi et élargi après 1916 par la douloureuse expérience de la guerre transfigurée en féerie érotique. Thèmes-pivots, complétés par une multiplicité de thèmes secondaires: du souvenir «Cors de chasse», de l’emoisonnement «Les Colchiques», de l’automne-saison d’élection et de transition Signe, L’Adieu, Vendémiaire, de l’eau qui coule «Le Pont Mirabeau», «Les Fiançailles», du brasier «Le Brasier», qui assurent l’unité d’ensemble de l’oeuvre tout en lui donnant son caractère si personnel, le «je» du poète s’y étalant sans cesse, soit en qualité d’amoureux. En 1914, au début de la guerre, il fait une demande en tant que citoyen russe pour être incorporé dans l’armée française et il finira finalement par être affecté dans l’artillerie en décembre 1914. Il tombe amoureux en septembre 1914 de Louise de Coligny-Chatillon, mais la jeune femme reompt très rapidement cette liaison. Lou, une amante passionnée à laquelle il consacrera des poèmes bûlants «Poèmes à Lou». L’année suivante, il rencontre Madeleine Pagès, une innocente jeune fille dont il pense faire sa femme. Héros naïf, émerveillé par la guerre, Apollinaire est blessé par un éclat d’obus au niveau de la tête. Affaibli par sa blessure, il doit être trépané puis suivre une longue convalescence. Cepedant, il prépare l’édition de ses «Calligrammes» et du «Poète assassiné», en ayant encore le temps de s’intéresser aux jeunes dadaïstes, au cinéma et au ballet contemporain, de faire représenter «Les Mamelles de Tirésias». Guillaume Apollinaire fonde trois revues littéraires et artistiques: Le Festin D’Esope, La Revue Immoraliste, Les Soirées de Paris. Au début du XXème siècle, alors même que le symbolisme avait pris de nouvelles formes avec l’hermétisme, alors même que l’Europe est en pleine effervescence culturelle avant l’arrivée du dadaïsme fondé par Tzara, dont s’inspireront les surréalistes dans les années 1920, Apollinaire est à la charnière de deux siècles. D’autre part, son oeuvre occupe une place originale. Il publie des anthologies, des nouvelles, des ouvrages érotiques, écrit dans des journaux. Il est tour à tour échotiste, chroniqueur ou critique d’art. En effet, la critique d’art pratique Apollinaire est d’une qualité originale, tout aussi éloignée de la critique académiste officielle, noyée de chauvinisme et psychologisante. Cette qualité était en usage dans les revues spécialisées «La Gazette des Beaux-Arts», «Les Arts», «L’Art et les Artistes». Il épouse Jacqueline Kolb le 2 mai 1917 et l’année suivante, le 9 novembre 1918, Apollinaire est mort de la grippe espagnole, soit deux jours avant la signature de l’armistice de la Première Guerre Mondiale. Ses admirateurs ont pieusement, recueilli jusqu’à ses moindres manuscrits et lettres et les ont fait paraître sous des titres souvent forgés par eux, mais suggérés par le contenu. Ses principals oeuvres sont: L’Enchanteur pourrissant 1909, L’Hérésiarque et Cie 1910, Le Bestiaire au Cortège d’Orphée 1911, Alcools 1912, Les Peintres cubistes 1913, Le Poète assassiné 1916, Les Mamelles de Tirésias 1917, Calligrammes 1918, a titre posthume L’Espirit nouveau et les poètes 1947, Ombre de mon amour 1947, Poèmes secrets à Madeleine 1949, Le Guetteur mélancolique 1952, Tendre comme le souvenir 1952, Poèmes à Lou 1955, Chroniques d’art 1960. Apollinaire vivait dans un monde en plein changement et la mobilité native d’Apollinaire fut aussi cause d’inquiétude et de fragilité. Son charme insolite et son érudition singulière furent parfois attribués à un cosmopolitisme barbare. Il est défenseur du cubisme et de la peinture nouvelle, en restant la cible d’attaques passionnelles où se mêlaient toutes sortes de considérations étrangères au domaine esthétique. Dans l’article «Il Poeta assassinato», A. Savinio dit que: «Cet homme qui a remué son temps, qui a marqué de son style une époque de l’esprit humain, qui a frayé un chemin nouveau aux arts, cet homme considérait les questions artistiques comme des recttes de cuisine, exactement comme Giorgio Vasari le faisait, comme on le faisait pendant les grandes époques, simples et fécondes». Tout d’abord Apollinaire est un poète qui ne fait partie d’aucun mouvement littéraire, mais il peut être présenté comme le précurseur du surréalisme car c’est lui qui en 1917 introduit le terme de surréalisme. Grâce à ses nouvelles méthodes d’écritures, Apollinaire invente la modernité. La volonté d’être en adquation avec le monde moderne peut se traduire par la référence à des objets résolument ancrés dans le présent, comme la Tour Eiffel:

« À la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine ».

Dans cette perspective , les vers deviennent libres, absence de rimes construites sur un systme d’alternance rigoureux. Apollinaire a crée les « calligrammes », poèmes-dessins où est développée du vieillissement accéléré qu’impose la modernité aux nouvelles créations humaines. Le volume «Alcools» est une synthèse entre la grande tradition lyrique et les innovations. «Alcools», écrit Tristan Tzara dans les notes qu’il lui consacre en 1953, est devenu en quelques décennies «ce que Les Fleurs du mal avaient été pour Apollinaire et ses compagnons». Apollinaire a entamé sa carrière d’homme de lettres sous l’égide de Paul Fort, fondateur de Vers et Prose, revue qui défendait aussi bien les textes de Mallarmé, Verhaeren et Moréas que ceux de la jeune génération. Rapidement, il affirme un style résolument personnel. Le rôle premier pour Apollinaire est d’exprimer ses sentiments dans ses poèmes comme par exemple son amour pour les femmes comme il l’a fait plusieurs fois. Il a une liaison brève et intense avec Lou, c’est pourquoi il a donné naissance à l’un des sommets de la littérature de guerre, «Poèmes à Lou», recueil paru a titre posthume, aussi lyrique qu’érotique:

«Je pense à toi mon Lou ton coeur est ma caserne

Mes sens sont tes cheveux ton souvenir est ma luzerne».

Guillaume Apollinaire reste un esprit unique et quand il est mort, les Parisiens, défilent sous ses fenêtres en criant «À mort Guillaume», faisant référence à l’empereur Guillaume II d’Alemagne qui a abdiqué le même jour. Il est enterré au cimitière du Père-Lachaise. Même si le sentiment de mélancolie est présent, Guillaume Apollinaire réussit à lier la poésie à la vie et tend vers l’espoir.

Le concept « Esprit Nouveau »

Les valeurs artistiques du XXe siècle se concrétisent dans des structures différentes dont la systématisation en tendances esthétiques, du point de vue de l’histoire de la culture, est devenue difficile pour les historiens de la littérature et des arts en général. Les différentes directions à des créations artistiques se croisent dans les angles les plus inattendus ou se séparent soudainement dans d’autres horizons et glissent dans l’abîme où peuvent disparaître pour l’éternité. Le siècle XX s’impose par les changements les plus radicaux qui marquent certaines courants de la pensée à la suite des créations faites par des personnalités qui dominent la sphère et le mouvement des idées de l’époque contemporaine. En ce sens, le mouvement artisitique de ce siècle a donné lieu à de nombreuses interprétations à partir de perspectives diverses. Le notion de moderne, continue d’être l’une des notions les plus nébuleuses parce qu’elle habille des aspects contradictories dans le champ vaste des idées et des moyens d’expression litéraire-artistique. Au cours des dernières décennies, le modernisme a été étudié sous l’aspect sémantique, étymologique et sémantique-historique, comme méthode par laquelle le célèbre historien de la culture Adrian Marino est disposé faire des solutions définitives pour la définition unitaire du terme, en prenant une position critique par rapport à la spécification classique-moderne dans l’évolution de la culture. Les créations artistiques du XXe siècle commencent avec le cinéma, l’architecture moderne, avec tout ce qui a dévasté la vieille peinture. Dans la littérature, comme dans tous les autres arts, le modernisme est une orientation culturelle européenne qui s’est manifestée au tournant des XIXe et XXe siècles, ce qui a mis en évidence les états limitatifs qui définissent cette période de façon tumulteuse. Ainsi, en refusant toute valeur classique et traditionnelle, un conflit a surgi entre les auteurs classiques et modernes. Le « traditionalisme » et le « modernisme » sont des concepts et des tendances opposées qui se manifestent dans ce domaine culturel et littéraire, dans conflit progressif et permanent, comme l’expression d’un processus continu de recevoir et conserver les valeurs dans le patrimoine de l’humanité. Le traditionalisme est orienté vers le passé, vers la conservation des valeurs locales, le modernisme se dirige vers l’avenir à travers les tendances manifestes à recevoir de nouvelles expériences et à promouvoir les formes artisitiques dégagées de toute convention. Le traditionalisme est caractérisé, en valorisant le patrimoine culturel d’un peuple, d’un folklore et des cultures anciennes. En d’autres termes, le modernisme, s’oppose, par de nouvelles expériences esthétiques, parfois radicales et violentes. Dans la littérature universelle, le précurseur du modernisme a été Charles Baudelaire dont l’oeuvre a marqué non seulement la littérature française, mais aussi le lyrisme européen. Ainsi, le génie reussit à créer le nouveau type de poésie moderne qui se libère des rigueurs du classicisme et qui ne consiste pas au chapitre beauté et ruine même l’état d’harmonie esthétique par lequel la poésie prend une nouvelle forme en accentuant les états limites du cauchemar, le ridicule, l’hallucination, atteignant même le grotesque. Les principaux représentants sont: R. M. Rikle, G. Apollinaire ou P. Valery. Dans leurs textes, on remarque une révolte intèrieure menée contre la conscience humaine qui ne peut pas définir son sens. Guillaume Apollinaire, figure emblématique a un rôle important dans la réflexion sur la rénovation picturale. Il participe à la formation de « L’Esprit Nouveau » qui désigne un mouvement poétique novateur avec une grande ouverture au début du XXe siècle. Son expérience cruelle de la guerre et ses amours malheureuses mettent en évidence la tendance du poète à renouveler les formes classiques de la poésie et à ouvrir la voie de la modernité poétique. Sur une route ouverte par Nerval, Rimbaud, Lautréamont et quelques « néo-symbolistes », le poète va s’abandonner à son imagination et lui donner les possibilités d’exploration. La filiation de l’Esprit Nouveau introduit Apollinaire dans la grande tradition humaniste, anticléricale et libertaire. La modernité repose sur une compréhension lucide qui relie la tradition et l’invention. Apollinaire exprime l’essence d’un lyrisme nouveau et la sensibilité moderne. Il est un homme moderne,tout d’abord par son goût pour la ville nouvelle,pour l’architecture nouvelle, par exemple par ses calligrammes sur la Tour Eiffel. Il aime la peinture cubiste et dans les articles  « Les Peintres Cubistes » et « L’Esprit nouveau et les poètes », Apollinaire réflechit sur la substance de la poésie moderne, une poésie ouverte sur le monde moderne, qui retentit de tous les échos de la modernité naissante. Depuis la conception sur la poésie, on remarque  une opposition avec le discours logique, il privilégie les images, associe les éléments les plus hétéroclites, se caractérise par la fragmentation, les effets de rupture dans le poème, sources de surprise et de fantaisie. C’est une poésie qui intègre le langage le plus courant au poème et elle est liée à la peinture : toute comme le Cubisme elle est une vision fragmentée et simultanée de la réalite. Comme les peintres cubistes, Apollinaire aime l’irrationnel, il veut être peintre de mots. Parler de cubisme littéraire apparaissait plus comme une suggestion qu’une affirmation. La critique tentait de donner un nom aux recherches littéraires et le cubisme était synonyme de modernité. Les peintres nouveaux n’étaient pas des hommes d’école; ils n’avaient formulé aucun manifeste, aucune doctrine. Ils ne proposaient donc aucun système transportable pour leurs semblables. Du côté de la littérature, les recherches d’avant-garde restaient indécises vers 1912-1914. Dans ce contexte, le dramatisme qui surgit pendant l’hiver 1912-1913 ne connut aucun lendemain. Pas plus que les peintres, les poètes n’éprouvaient le besoin de former un groupe classifié. Les individualités étaient disparates et nombreuses. Si Apollinaire tenta de relier poésie et peinture sous l’appellation d’«orphisme» pour souligner la spécificité dramatique, personne ne la reprendra. La modernité consiste à reprendre des éléments banals dans sa poésie. Dans «La Jolie rousse», il s’est posé en arbitre de la «longue querelle de la tradition et de l’invention». Le nouveau but de la peinture n`est plus d`imiter la nature, mais de la reconstruire à partir  des données de la réalité, le créateur devant passer par les trois étapes dissection, transformation, reconstruction du réel. Il a puisé à de multiples sources aux romans chevaleresques, à Villon, à Racine, à la Fontaine, à la littérature du Moyen Âge. Un exemple est «Le Pont Mirabeau», qui est fondé sur la formule rythmique du chant des tisserands du XVIIIe siècle. Le concept esthétique apollinairien place sa propre compréhension typologique de la création poétique et double explicitement ce que le poète a accompli dans la poétique implicite. L'intention d'impressionner positionnera Apollinaire comme «L`Echanteur». Il pense que le choc intellectuel, garantit la beauté dans l'art. En ce qui concernce ses créations, le poéte est en faveur d’un réalisme lyrique direct et plébéien. Pour lui la poésie comme « esprit nouveau » définit la découverte de la nature extérieure et intérieure. Même s’il est vrai que « il n’y aurait rien de nouveau sous le soleil » pour le poéte « l’esprit nouveau » ne peut consentir à ne pas infiltrer ce qui n’est pas nouveau sous le soleil.

«Les poètes enfin seront chargés de donner par la téléologies lyriques et les alchimies archilyriques un sens toujours plus pur à l’idée divine qui est en nous si vivante,si vraie,qui est ce perpétuel renouvellement de nous-mêmes,cette création éternelle,cette poésie sans cesse renaissante dont nous vivons». L’idée divine ne concerne pas la dimension transcendantale, le mystère en sens horizontale, mais l’être humain destiné à vivre le divin et à lui donner la dimension de sa propre vie qui réalise une hypostase à la création éternelle. Le rôle du poète peut être de donner un sens à cette idée divine et d’entrer dans l’inconnu, à côté et en l’être humain. La poésie est l’approche inquiète d’un «moi», d’un être qui se cherche dans l’histoire. Cette conception du rôle explique l’aspect  changeant et souvent confus de sa poésie. «Les poètes ne sont pas seulement les hommes du beau.Ils sont encore et surtout les hommes du vrai,en tant qu’il permet de pénétrer dans l’inconnu,si bien que la surprise ,l’inattendu,est un des principaux ressorts de la poésie d’aujourd’hui». La modernité est une nouvelle manière de faire et de penser l’art. L’art d’avant garde et l’esprit nouveau inclinent vers la dèshumanisation. L’esprit nouveau se manifeste dans la poésie d’avant garde. Elle divulgue surtout des nouvelles versifications,des nouvelles formes qui éliminent la versification rimée comme loi unique. C’est un instrument par excellence d’une déshumanisation de l’art. Apollinaire met en évidence la création d’un nouveau langage, l’exploration de l’homme et d’autres sources d’inspiration, par exemple le futurisme de Marinetti, le cubo-futurisme de Maïakovski. Ses créations sont situées dans le présent, dans un monde qui a une géographie variée comme dans Zone. Dans ce poème, le thème de l’ascension du Christ est mêlé à celui de l’avion et suggère la méditation entre l’ancien et le nouveau. La modernité des légendes relie la modernité à la réligion et aux légendes: Christ-aviateur-ascension du Christ. Pour Apollinaire, le monde moderne peut être un support poétique. L’Esprit Nouveau a l’ambition de marquer l’esprit universel qui prétend le respecter, une expression particulière et lyrique de la nation française, de même que l’esprit classique est une expression sublime, la même nation. Apollinaire occupe une place de choix confluent de la tradition symboliste et de la modernité. Il est aussi reconnu pour son sens réel de la tradition lyrique française. Pour Apollinaire la pureté, l’unité et la verité sont les vertus plastiques , invoquées au début de Méditations esthétiques qui «maintiennent sous leurs pieds la nature terrassée». On remarque dans sa conférence de 1908 sur «La Phalange nouvelle» qu’aucune rupture ne sépare les ymbolistes des poètes «Quelle serait la caractéristique d’une tradition, sinon la continuité?». D’autre part, «l’esprit nouveau» est l’héritier à la fois des classiques et des romantiques. La transition désigne la nouveauté. Au point de contact du passé et de l’avenir, la transition n’est que passage, fugacité «Tout n’est qu’une flamme rapide» est-il dit à la fin des «Colline ». Le regard sur le monde se prolonge dans l’imagination. L’oeuvre d’art n’est pas un reflet de la nature, elle est une réalité nouvelle qui s’y ajoute, à la fois vraie par sa présence au monde et par ce qu’elle révèle du réel, et fausse, puisqu’elle est fiction. Mais l’ensemble de ses écrits fait apparaître quelques thèmes essentiels dont la constance et la cohérence doivent être soulignées. Un point de vue important est l’art qui ne peut se réduire à une simple reproduction du réel. Par exemple, un tableau n’est pas un reflet de la nature, il est une création, une réalité nouvelle. «L’imitation n’est plus la base unique des arts plastiques», il affirme dans sa conférence sur «La Scuplture d’aujourd’hui» de juin 1913. Apollinaire a un langage analogue sur la poésie «Je suis pour un art de fantaisie, de sentiment et de pensée, aussi éloigné que possible de la nature avec laquelle il ne doit rien avoir de commun». Le poète a tracé de nouveaux chemin, il a ouvert de nouveaux horizons. Il privilégie l’émotion et l’intuition qui sont en relation directe avec la vie et il a également expérimenté toutes les formes d’écriture depuis le début du siècle, du lyrisme naïf profondément traditionnel, jusqu’aux techniques d’élaboration des textes les plus modernes. Ce mélange de pratiques textuelles, notamment dans le volume Alcools, fait d’Apollinaire le créateur le plus complexe et le plus significatif de cette période. La multitude des registres de la création présente le poète non seulement comme un esprit de synthèse, mais aussi comme l’un qui désigne une pluralité typologique. On considère que «le principe existentiel axiologique» qui domine le processus d’établissement du sens dans le volume Alcools est syntaxique: «les éléments désignés du monde phénoménal, attirés par le processus métaphorique ne possèdent pas de signification poétique en eux-mêmes, les éléments sont utilisés comme de simples matériaux de construction et seule leur combinaison ou leur relation leur confère, dans le plan constructif textuel, un sens poétique». L’univers lyrique d’Apollinaire se distingue par une tentative de retrouver l’expressivité du langage quotidien. Les mots choisis dans le processus de création du sens «espaces privilégiés», des réalités du plan du monde phénoménal et non poétique «par elles-mêmes» envoyant au-delà d’eux à un plan «d’essences». L’imaginaire d’Apollinaire semble êêtre défini par les contraires qu’il a besoin d’imposer. Le supposée et surprendre, car elle est le produit de l’imagination, mais l’avenir peut lui donner une réalité. L’esprit nouveau est «celui du temps même où nous vivons» et il en viendra à «machiner la poésie comme on a machiné le monde», Apollinaire reprenant ici un mot qu’il avait déjà employé dans le Bestiaire «je suis…plein de voix machinées». De la conférence de novembre 1917 sur l’esprit nouveau on écartera aujourd’hui l’accent patriotique de circonstance et des déclarations comme «il n’y a guère de poètes aujourd’hui que de langue française». Guillaume Apollinaire devient le porte-drapeau de «l’esprit nouveau» où il exalte la modernité, tout en réclamant les valeurs traditionnelles. Les valeurs témoignent ses goûts artistiques et ses idées esthétiques qui ne sont pas étrangeres à l’évolution poétique qu’il a subie. Apollinaire ne s’est pas égaré non plus, quand il a défendu le cubisme.

1.3 Le Cubisme

Le cubisme est un mouvement d’avant-garde en Europe. Cette direction artisitique jouera un rôle important dans la transformation des arts plastiques au XXe siècle. Le cubisme est le résultat de transformations à long terme, il n’a été théorisé par aucune déclaration manifeste ou programmatique. Le Cubisme est un mouvement artistique qui s’est développé de 1907 à 1914 à l’initiative des peintres Georges Braque et Pablo Picasso. Après la Première Guerre Mondiale, le mouvement s’essouffle, avant de s’éteindre vers les années 1920. Les toiles deviennent espaces de géométrie avec le cube, la sphère, le cône, le tout mis en perspective. Le poète Guillaume Apollinaire fut le défenseur des peintres cubistes aux premiers jours. Pablo Ruiz Picasso, né à Malaga, Espagne, le 25 octobre 1881 et mort le 8 avril 1973 à Mougins, France. Il était un peintre, dessinateur et sculpteur fondateur du cubisme avec Georges Braque. Ses oeuvres sont caractérisées par une recherche sur la géométrie et les formes représentées: tous les objets se retrouvent divisées et réduits en formes géométrique simples, souvent des carrés. Cela signifie en fait qu’un objet n’est pas représenté tel qu’il apparaît visiblement, mais par des codes correspondant à sa réalité connue. Le cubisme consiste aussi à représenter une toile en deux dimensions un objet de l’espace. Picasso décompose l’image en multiples facettes: cubes d’où le nom de cubisme, et détruit les formes du réel pour plonger dans des figures parfois étrangers.

Femme Assise 1909, Pablo Picasso

Le cubisme littéraire est représenté par un auteur majeur, Apollinaire avec ses célèbres Calligrammes 1918 et Alcools 1913. Il veut défaire la réalité pour la recomposer librement en mêlant concepts et images. Max Jacob est aussi un écrivain de ce mouvement. En 1908, il rédige la préface du catalogue d’une exposition dans laquelle il énonce les trois vertus plastiques, reprise en introduction des «Peintres cubistes», on peut se faire une idée complète des buts du cubisme, car il contient l’idéologie cubiste. Le mot «cubisme vient du peintre Henri Matisse, qu’il l’a  utilisé pour décrire le tableau de Georges Braque «Maison à l’Estaque» en 1908.

Le tableau de Georges Braque « Maison à l’Estaque »

D’autres artistes cubistes connus sont: Fernand Leger: La Partie de cartes 1917, Henri Laurens Tête 1918-1919, Georges Braque Le bateau de pêche 1909, Robert Delauney Tour Eiffel 1911. Le cubisme cézannien 1907-1908: Paul Cézanne 1839-1906 s’intéresse à la simplification des formes naturelles en leurs formes géométriques essentielles: cylindres, sphères, cônes, cubes, et il travaille la vision binoculaire permettant deux différentes perceptions visuelles de l’objet- vue de l’oeil gauche et vue de l’oeil droit.  Le cubisme analytique 1908-1912  réduit la forme naturelle en différents fragments et parties géométriques tout en faisant jouer le rôle de la lumière. En récupérant la couleur, le cubisme synthétique utilise la technique des papiers collés et sélectionne les différentes facettes de l’objet. Le cubisme orphique: Apollinaire donne le nom «orphisme en référence à son oeuvre qui traite de la poésie pure, sorte de langage lumineux. Orphée 1908:

«Admirez le pouvoir insigne Et la noblesse de la ligne :
Elle est la voix que la lumière fit entendre
Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre».

Les harmonies de la couleur l’emportent sur les formes. Le cubisme orphique s’intéresse à la couleur, la lumière et ses effets aux formes circulaires.

Pour Marcel Duchamp ou Francis Picabia, le cubisme n’aura été qu’une étape de leur cheminement artistique. Avec leur série de «Fenêtres», Robert et Sonia Delaunay reprennent la fragmentation de la couleur, spécifique au cubisme, et évoluent vers l’orphisme. C’est  dorénavant la lumière qui fait l’objet d’un découpage et donne un rythme au tableau. L’avènement du cubisme se situe entre 1907 et 1911. L’événement qui cristallisa ce mouvement fut l’exposition du groupe cubiste au «Salon des Indépendants» en 1911. Apollinaire avait écrit, dans la préface du catalogue qu’on avait préparé lors d’une  exposition au «Salon des Artistes Indépendants» de Paris: «Les peintres nouveaux qui ont manifesté ensemble cette année au Salon des Artistes indépendants de Paris, leur idéal artistique, acceptent le nom de cubistes qu’on leur a donné». La poésie de Guillaume Apollinaire, contemporain de Picasso et de Braque, témoigne de ces traits cubistes: élaboration d’un espace éclaté nouveau non-euclidien où les objets sont présentés de plusieurs points de vue, présence d’ambiguïtés et expression d’un temps cinématique dues aux chevauchements et répétitions. Le cubisme, style qui veut exprimer la condition de l’homme moderne obligé de vivre dans un monde où les relations sont plurielles, ne peut guère suivre la perspective de la Renaissance. Le cubisme a brisé l’espace tri-dimensionnel de la Renaissance où l’on représentait les objets sous un angle de vision unique et fixe, il les représente sous de multiples relations polyvalentes. Ces multiples relations qui engendrent des ambiguïtes de toutes sortes, sont les conséquences directes de la rupture d’avec la perspective traditionnelle. Tel est le cas des «calligrammes» où Guillaume Apollinaire exprime ces relations complexes. Un bref regard sur quelques-uns de ce poèmes suffirait à montrer comment et dans quelle mesure, Apollinaire projette cet espace polydimensionnel sur la page poétique, un espace dans la dimension du temps semble figée. L’auteur des «Peintres cubistes» n’était ni un doctrinaire, militant fanatiquement  pour la nouvelle peinture, ni un véritable éclectique. L’image d’Apollinaire-critique d’art- est celle d’un homme ouvert, curieux, sesnsible à la beauté- de préférence à la beauté nouvelle et toujours enclin à soutenir de grandes individualités artistiques. L’une des plus grandes qualités d’Apollinaire était son extraordinaire intuition. Comme l’écrit Breunig: «il savait reconnaître la grandeur. Son goût inné allié à sa foi dans la masse de peintres ignorés qui fourmillaient dans les salons et les galeries de l’époque ceux qui étaient destinés à survivre». Le cubisme n’est pas à ses yeux une école dont il aurait été le théoricien le «pape» a-t-on parfois dit: il est la manifestation la plus nouvelle et la plus féconde de «l’école moderne de peinture». Dès 1913, il lance un mot nouveau, l’Orphisme, qu’il commente en déclarant: «le cubisme est mort, vive le cubisme», puis dans une rectification qui ne change pas le sens de sa pensée: «du cubisme sort un nouveau cubisme». Le message est clair: «l’écartèlement» du premier Cubisme en diverses tendances, preuve de la fécondité de la « peinture nouvelle », appelle une dénomination plus large, plus globalisante. À la même époque il commence à employer l’expression « d’esprit nouveau », qu’il reprendra en 1917-1918. En 1917, il adopte aussi le mot « Surréalisme », qu’il préfère à « surnaturalisme ». Ces variations suffisent à montrer que pour lui, comme il le disait à propos du Futurisme, «le nom même en fait rien à l’affaire». À Gaston Picard qui lui demande en 1917 quel mot en « isme » convient à son propos, il répond: «peu importe ces épithètes…le temps en décidera. Nous porterons dans l’histoire des lettres l’appellation que l’usage aura consacrée». Mais il a, ajoute-t-il, ses préférences, qui vont à «orphisme ou surnaturalisme», revenant ainsi à un terme qu’il venait d’écarter. Il ne s’agit toujours que d’une simple commodité de langage pour désigner ce qui lui semble être l’esprit d’une génération et d’une façon plus large, comme on le verra plus loin, le propre de toute création. L’essai de Guillaume Apollinaire sur les peintres cubistes se compose de deux parties: la première « Méditations esthétiques », constitue, comme son titre l’indique, une sorte d’introduction d’ordre général à la séconde, « Peintres nouveaux », dans laquelle l’auteur analyse l’oeuvre de neuf peintres représentatifs de la nouvelle tendance: Pablo Picasso, Georges Braque, Jean Metzinger, Albert Gleizes, Marie Laurencin, Juan Gris, Fernand Léger, Francis Picabia, Marcel Duchamp, et un sculpteur Duchamp Villon, enfin, une courte note mentionne les artistes vivants rattachés par l’auteur au mouvement cubiste, ainsi que les écrivains et journalistes qui les ont défendus. Le premier chapitre, empreinté du lyrisme particulier au poète, développe l’idée qui le « monstre de la beauté ne’st pas éternel » et que le seul but des artistes doit être de mettre en oeuvre les vertus plastiques: la pureté, l’unité et la vérité entendues comme éléments permettant à l’homme de dominer la nature, en un mot, de créer. Pour Apollinaire, c’est la seule réalité, une réalité qu’« on ne découvrira jamais une fois pour toutes », car « la vérité sera toujours nouvelle ». Il aborde dans le chapitre II les caractères propres aux peintres nouveaux: absence de sujet véritable, observation et non plus imitation de la nature, abandon des moyens de plaire, cette peinture nouvelle étant à l’ancienne ce que la musique est à la littérature, autrement dit une peinture pure, qui n’entraînera pas pour autant îla disparition des anciens modes plastiques: « Un Picasso étudie un objet comme un chirurgien dissèque un cadavre ». Apollinaire en vient dans le chapitre II, à l’accusation portée contre les peintres cubistes de nourrir des préoccupations géométriques: pour lui, les figures sont l’essentiel du dessin: elles sont aux arts plastiquesè ce que la grammaire est  àl’art d’écrire, et les peintres ont été naturellement amenés, par intuition, à se préoccuper des nouvelles mesures de l’étendue, rejoignant en quelque sorte les perspectives ouvertes par la géométrie non-euclidienne. Apollinaire trace un bref historique du Cubisme, et il essaie enfin, en se référant aux divers peintres, de déterminer les quatre courants internes du mouvement qu’il partage en cubisme « Scientifique », « Physique », « Orphique » et « Instinctif » et conclut en rappelant que le cubisme a eu, avant Cézanne, Courbet pour point de départ, affirmant en outre que l’école moderne de peinture est la plus audacieuse qui ait jamais été: «  Elle a posé la question du beau en soi ». Gleize et Metzinger étaient les théoriciens du cubisme, Apollinaire en fut le poète, dans le vrai sens du terme: celui qui saisit à la fois l’aspiration du peintre et l’attente du spectateur, dans cette difficile entreprise, toujours renouvelée, qui consiste à concilier les nécessités de la communication et de la liberté. Aussi, le livre «Les peintres cubistes» contribua-t-il à l’essor d’un mouvement capital dans l’histoire de l’art d’aujourd’hui. Guillaume Apollinaire, poète et critique d’art qui fréquentait ce lieu, avait déjà apreçu les amorces de cette nouvelle école de peinture: le cubisme. Grâce à ses écrits et à sa participation au mouvement cubiste, Apollinaire allait non seulement déterminer le cours de l’histoire de l’art modern, mais également appliquer des techniques et des principes cubistes à sa poésie. L’événement qui illustre ce mouvement est l’exposition du groupe cubiste au «Salon des Indépendants» en 1911. Apollinaire avait écrit lors d’une exposition au Salon des Artistes Indépendants de Paris:  «les peintres nouveaux qui ont manifesté ensemble cette année, au Salon des Artistes indépendants de Paris, leur idéal artistique acceptent le nom de cubistes qu’on leur a donné». Il n’y a rien dans les mots qui corresponde à des cubes, mais l’expression «poésie cubistes » est historiquement datée. Elle apparaît en 1917, «peu après qu’eurent été publiés deux textes essentiels, la «Préface du Cornet à Dès de Max Jacob et l’article «Sur le cubisme» de Reverdy. «Et Apollinaire se vit bientôt lui aussi à son corps défendant, qualifié de poète cubiste, d’abord parce qu’il collaborait’ avec ses amis Max Jacob et Reverdy à la revue Nord-Sud». De toute façon, le cubisme refusait de mourir. Au contraire, ce mouvement, qu’Apollinaire avait vu au mois d’avril comme une étape passagère, continuait à se développer, nourri, semble-t-il par les haines de plus en plus vives qu’il suscitait et renforcé par de nouveaux adeptes qui venaient s’enrôler sous son drapeau. Le cubisme a ouvert la voie de l’abstraction-orphisme, suprématisme, futurisme, rayonnisme et l’art conceptuel « dada », bien que le cubisme n’ait pas produit d’oeuvres dénuées de lien avec la réalité. Tristan Tzara est né en 1896, en Roumanie, à Moinești. Son vrai nom est Samuel Rosenstock et il consacre plus d’un demi-siècle à la poésie. Lié dès ses débuts à l’avant-garde roumaine, à seize ans, y fonde, en compagnie de Ion Vinea et de Marcel Ianco, la revue Le Symbole où l’adolescent publie ses premiers poèmes dans sa langue maternelle. Ces « premiers poèmes » seront réunis et présentés par Sașa Pană et traduits en français par le poète Claude Sernet en 1965, et certains par Colomba Voronca dans la revue Le Pont de L’Epée en 1970. Par la suite, Tzara écrira seulement en français. En 1918 apparaît le fameux Manifeste Dada. Le sens de dada dépasse l’objet littéraire. Dada est né de la guerre dans une Europe en ruine où de jeunes gens se lancent dans plus inattendue des aventures intellectuelles. À Paris en 1919, l’avant-garde voit en Dada la naissance d’une possibilié éclatante.  Fondateur de dada, Tristan Tzara illustre des spectacles avec un groupe des amis: André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon, le peintre Francis Picabia. les dadaïstes réalisaient l’essentiel de leurs visées: la communication collective au-delà de l’anecdote et du décor. Un des Manifestes Dada se terminait ainsi:

« Dada lui ne sent rien, il n’est rien, rien, rien

Il est comme vos espoirs: rien

Comme vos paradis: rien ».

La finalité de toutes ces manifestations dadaïstes était précise: obtenir, au-delà de la gratuité d’une explosion d’exubérance ou de fureur juvénile, l’anéantissement de l’artisitique. La poésie devient un fruit des associations fortuites de mots. Le hasard élimine jusqu’à l’absurdité. Tzara déclare plus tard, en mai 1950, lors d’une interview radiophonique: « Il fallait prouver que la poésie est une forme vivante sous tous les aspects, même antipoétiques, l’écriture n’étant qu’un véhicule occasionnel, nullement indispensable et l’expression de cette spontanéité que, faute d’un qualificatif approprié, nous appelions dadaïstes ». En ce qui concerne le dadaïsme, Dada embrasse des créations singulières et déroutantes comme la poésie phonétique, chimique ou optique tendant toutes à substituer au sens des mots celui de l’acte poétique en mouvement. Ce qui importe, ce n’est pas le texte produit mais la production du texte. Selon les définitions de Tzara du Manifeste  Dada de 1918 Dada serait: « abolition de la mémoire…Dada…abolition des prophètes: Dada…abolition du futur: Dada: croyance absolue, indiscutable dans chaque dieu, produit immédiat de la spontanéité Dada: trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore cri: respecter toutes individualités dans leur folie du moment. Liberté: Dada, Dada, Dada, hurlement des douleurs crispées, entrelancement des contraires et de toute les contradictions, des grotesques, des inconséquences: La VIE ». Selon Tzara, la vérité profonde de la poésie n’était pas de traduire mais d’être, c’était l’activité de l’esprit propre à toute heure et à tout homme dans le sommeil, à l’état de veille, cette circulation entre le monde extérieur et le monde mental. Essentiel était de capter le flux de l’esprit. Le mouvement a été victime de sa principale contradiction. Il voulait en effet résoudre une opposition: « changer la vie » de Rimbaud, il voulait marier le « transformer le monde » de Marx. Selon Breton le surréalisme était un mode de connaissance se développant dans le cadre du matérialisme dialectique. Le surréalisme ne résolut jamais sa contradiction: c’est ce qui explique sa désintégration. Dans le sillage des poèmes futuristes, fondée sur le principe des mots en liberté et sur l’expérimentation typographique et aux créations des dadaïstes à partir du milieu de la Première Guerre Mondiale, les calligrammes d’Apollinaire ont contribué à la créativité et à la libération des formes poétiques dans les années 1910. Ces diverses tendances ont toutes eu pour effet de donner au poème une dimension visuelle, d’explorer la manière dont un texte et des caractères imprimés peuvent occuper l’espace de la page, et ainsi, de rapprocher la poésie des arts plastiques. Les poètes contemporains d’Apollinaire sont Blaise Cendrars, Tristan Tzara, Pierre Albert-Birot, Pierre Reverdy: tous ces poètes célèbrent entretinrent des liens avec Apollinaire et participèrent aux innovations et mouvements poétiques contemporains des poèmes rassemblés dans Calligrammes.  L'un des plus représentatifs est Tristan Tzara. Il est né en 1896, en Roumanie, à Moinești, son vrai nom étant Samuel Rosenstock. Il fonde à l’âge de seize ans en compagnie de Ion Vinea et de Marcel Ianco, la revue Le Symbole où il publie ses premiers vers. Tzara écrira en français et après de poèmes élégiaques, on trouve des accents modernes, par exemple le poème L’Orage et le chant du déserteur et Chant de guerre.  Ennemis de tout système et de toute théorie, les dadaïstes défendaient la liberté totale de l’artiste et l’anticonformisme, en axant leurs recherches sur le langage, sur sa mise en cause comme système cohérent et sur les pouvoirs créateurs de ses éléments minimaux dans des poèmes hétérogènes et fragmentaires, composé indépendamment de toute logique. Pour Tzara «la pensée se fait dans la bouche». Les textes dada étaient souvent destinés à être lus et interprétés à plusieurs voix. À la mort d’Apollinaire avec qui il était entré en relation en 1916, Tzara publia un poème dans le numéro de SIC consacré au poète décédé. Auparavant, il avait donné à la revue Dada de décembre 1918 un texte d’hommage intitulé «Guillaume Apollinaire est mort»:

«Il est descendu comme cette pluie fiévreuse qu’il avait composée avec tant de soins pour une revue parisienne. Les trains, les théâtres de variétés et les usines vont-ils hisser le vent du deuil pour le plus vivace, le plus alerte, le plus enthousiaste des poètes français? La brume ne suffit pas, ni la clameur majeure. Sa saison aurait dû être la joie de la victoire, de la nôtre, celle des nouveaux travailleurs de l’obscurité et du verbe essentiels. Il connaissait le moteur de l’étoile, la dose exacte du tumulte et de la discrétion. Son esprit était galop de clarté et la grêle des paroles fraîches l’escorte de leurs noyaux hyalins, les anges. Il rencontre Henri Rousseau. Apollinaire est mort?».

Le fait que le surréalisme a succédé à Dada, dont on ne sait le dissocier, est symptomatique. Les surréalistes avaient compris que l’on ne peut faire des variations sur le thème de la destruction de toute culture, de la néantisation de l’effort de l’homme vers le progrès. Le surréalisme essaiera d’élever un édifice sur la place des idoles renversées. Jean Metzinger, peintre français affirme: « la prétention d’miter une boule sur un plan vertical ou de figurer par une droite horizontale le trou circulaire d’un vase placé à la hauteur des yeux fut considérée comme les artifices d’un illusionnisme périmé. Le cubisme était né ». La valeur fondamentale de l’art moderne, selon Malraux dans Les voix du silence, c’est la création d’un monde autonome pour la première fois rduit à lui seul. Poèmes de la révolte, de la liberté, les poèmes surralistes d’Eluard, de Desnos, d’Henri Michaux, de René Char plaident mieux pour la littérature surréalistes que ne le font les textes théoriques. L’esthétique surréalistes est une esthétique de l’informel. Le silence et le cri sont les deux modes d’expression. Le surréalisme est un expressionisme. L’intensité de l’expérience croissante vient de compenser l’insuffisance de la forme. Les paroles des poésies loin d’être la traduction des pensées sont des pièges tendues pour saisir une vérité absente, à venir. L’écriture surréalistes abandonne l’organisation et la concision. La première exposition surréaliste illustre Hans Arp, artiste « revendiqué » par l’abstraction. La seconde direction, jalonnée par De Chirico, ilustrée grâce aux procédés « mécaniques » que réemploie ou qu’invente Max Ernst, aboutit à traiter l’espace pictural comme un théâtre d’hallucinations. Le Surréalisme est né du dépassement de Dada. Le fondateur du mouvement surréaliste fut André Breton. Principales oeuvres sont: Les Champs magnétiques 1920, en collaboration avec Philippe Soupault, Clair de Terre, Manifeste du Surréalisme, Les Vases communicants, L’Amour fou, Arcane, Poèmes, La Clé des champs. Il avait fait partie du groupe Dada, dont il avait aimé, « la négation insolente », « le caractère anarchique de sa protestation, son goût du scandale ». En 1919,  la rupture avec les dadaïtes, il jette les bases du mouvement surréalistes à côté de Philippe Soupault et de Louis Aragon. La revue Littératurre est fondée en 1919, sous la direction de Breton, elle deviendra en 1924 La Révolution surréalistes et enfin en 1954, Le Surréalisme, sous la même direction de Breton. Le premier Manifeste du Surréalisme renferme une première définition du mouvement qui « repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au peu désintéressé de la pensée ». Il aura l’ambition de résoudre «  les principaux problèmes de la vie ». Le surréalisme commence par être un moment révolutionnaire dans l’histoire de la pensée, un nouveau style de vie, une nouvelle vision de l’homme et du monde. Et cela par une fusion de plusieurs expériences qui le précèdent: le surnaturalisme baudelairien et l’onirisime nervalien, la rvolte de Lautréamont et de Rimbaud, certaines données de la psychanalyse et de l’intuitionnisme bergsonien. Dans le centre de la pensée surréalistes est le thème de la totalité ou de l’unité. La tentation de rétablir l’homme dans son unité se rattache à une tendance générale postromantique qui met en question la raison héritée de l’âge classique. Les surréalistes se proposaient de réduire les oppositions de la folie et de la raison, du rêve et de l’action, du monde intérieur et du monde extérieur, afin de découvrir le point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur cessent d’être perçus contradictoirement. Le cubisme est un acte fondateur de la modernité en art, il crée la rupture avec la peinture imitative, pour essayer de voir le réel d’une autre manière. C’est aussi une génération de peintre et de poètes, de musiciens qui cherche a dire le monde d’une nouvelle manière, en remettant en question les moyens traditionnels et en cherchant des moyens nouveaux qui permettrait de retrouver un essence de l’art. La critique d’Apollinaire témoigne à chaque pas de l’enthousiasme et de l’admiration du poète pour la nouvelle peinture. Sa sensibilité aiguë qui le guide dans ses fascinations artistiques, son intuition extraordinaire qui lui permet de deviner dans une foule d’artistes des talents véritables et « parler la parole de l’avenir », ainsi que son don d’envoûtement qu’il n’hésite à déployer, font de sa critique d’art une oeuvre passionnante pour tous ceux qui aiment la peinture. La fréquentation de la peinture cubiste qu’Apollinaire a soutenue avec tant de discernement et de courage a non seulement nourri l’oeuvre lyrique du poète, elle lui a « également permis d’indiquer, à ceux qui voulaient bien l’entendre, les voies principales que devait emprunter l’art de son siècle.

1.4 André Rouveyre et Apollinaire

Le recueil Alcools est suivi de deux oeuvres: Le Bestiaire et Vitam impendere amori. Ce recueil présente la collaboration d’Apollinaire et le peintre André Rouveyre. Il comprend six poèmes d’Apollinaire et huit dessins au trait en noir de Rouveyre, imprimés sur le recto de chaque feuillet. Rouveyre est un confident de la passion de Guillaume Apollinaire pour Lou, un ami qui illustre la vie artistique et littéraire, même si il n’appartient pas à l’avant-garde des cubistes ni ne participe de l’esprit nouveau tel qu’Apollinaire le définit. L’essentiel de leur amitié est la vie, non seulement le domaine artistique. Pour Guillaume Apollinaire, 1917 se place sous le signe de la modernité, après six mois de convalescence. C’est un hommage à Marie Laurencin. Vitam impendere amori est apparu en 10 novembre 1917 aux éditions du Mercure de France. Le titre en latin signifie « susprendre la vie à l’amour » ou comment Andre Rouveyre traduit «la vie suspandue à l’amour». Vitam est l’une des oeuvres les mois connues d’Apollinaire, parce que le tirage confidentiel est sans doute la principale raison; l’autre étant que le petit recueil a été considéré comme un écart dans l’élan vers le renouveau. Le titre est aussi illustré de la devise qu’avait adoptée Jean-Jacques Rousseau, inspirée d’un vers d’une satire de Juvénal «vitam impendere vero». Le Phénix qui est méaphore de l’amour dans «La Chanson du Mal-Aimé», renaît dans les vers de «Vitam impendere amori», «noire perfection», souvenir dérisoire d’un amour qui s’enfuit. C’est un acte de foi en l’héritage et la tradition: Apollinaire ne renie pas son oeuvre passée, au contraire, par ces quelques quatrains, il en affirme la présence. Le recueil est un signe ferme adressé aux poètes et aux critiques, peut-être l’avant-garde futuriste qui fait de la vitesse et du rejet du passé le principe moteur de l’avant-garde. Les poèmes de Vitam sont l’expression des regrets et de la souffrance morale d’avoir perdu celle qu’il appelait son «double féminin», Marie Laurencin. L’amitié entre Rouveyre et Apollinaire s’est inscrite sous le signe de la guerre: elle débute au moment où l’Allemagne déclare la guerre à la France et va s’intensifiant entre 1914-1918. Ainsi a été réalisé Vitam impendere amori. André Rouveyre a écrit toute sa vie sur les amours et les oeuvres de Guillaume Apollinaire. En 1957, il se décide à réaliser l’exégèse des poèmes et des dessins de Vitam impendere. Il est victime d’une congestion cérébrale qui le paralyse et lui faire perdre la parole. Les dessins et les poèmes ont imprégnés une profonde tristesse. Réunis dans Vitam impendere amori, ils se soutiennent, ils ont un dialogue pour illustres la correspondance entre les deux arts. L’expression de la souffrance est donné par la guerre qui est le point commun pour les deux, mais aussi par le sentiment amoureux et le temps qui passe. La guerre a emporté la conscience de la fuite du temps pour le poète et l’artiste. La fuite du temps est omniprésent dans les poèmes et l’eau ne cesse de couleur. Le temps s’identifie dans l’eau qui coule. La mémoire et les souvenirs sont illustrés, comme les fleurs et les roses, motifs traditionnels de l’expression du temps qui passe. La mort est présentée par le poème: L’amour est mort entre tes bras. Ici, la couleur noire marque la mort.

« Le paysage est fait de toiles

Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Un clown est l’unique passant

Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souri ».

Les huit dessins de Rouveyre représentent quatre têtes de femmes et quatre femmes avec un enfant qui semblent avoir peu de rapports avec les poèmes. Les poèmes d’Apollinaire, apparaissant entre la représentation des Mamelles de Tirésias et la sortie de Calligrammes quelques jours avant la conférence sur le’sprit nouveau, pouvaient surprendre un lecteur de l’époque.

II. Les thèmes majeurs dans « Alcools »

L’amour

Alcools est le grand oeuvre d’Apollinaire. Ce recueil de poèmes paru en 1913 est vite devenu manifeste pour la poésie moderne. Alcools est une oeuvre qui s’inscrit dans la modernité et dans la tradition par un jeu formel de la poésie. Le poète annonce dès le début de 1904 une plaquette intitulée Le Vent du Rhin suivi de «La Chanson du mal-aimé». Son projet ne s’était pas modifié. Apollinaire a fait un travail de 14 années de labeur à partir de 1898 jusqu’à 1912 qui a été nécessaire pour la rédaction de cet ouvrage poétique incontournable. Il ne songeait alors qu’à réunir ses poèmes d’Allemagne, qu’ils soient seulemnt pittoresques ou qu’ils évoquent son amour malheureux pour Annie Playden. Établi à Paris en 1907, il s’impose par sa culture et ses écrits, comme une figure de l’avant-garde artistique et rencontre la peintre Marie Laurencin avec qu’il vivra jusqu’en 1912. La liaison encore heureuse avec Marie Laurencin, l’évolution littéraire, l’exemple des peintres et du cubisme naissant ne sont sans doute pas étrangers à la liquidation du passé à laquelle il se livre, renouvelant l’expérience du «Brasier» en dispersant dans des revues les poèmes qui auraient sans doute composé Le Vent du Rhin: «La Chanson du mal-aimé», six «Poèmes rhènans», «L’Obituaire», «La Maison des morts» dans Alcools. Apollinaire réunit ses vers pour faire un volume dont le titre est déjà choisi: Eau de vie. La gestation de l’ouvrage durera plus de trois ans. Dans 1910, Apollinaire devient journaliste et la rélation avec Marie Laurencin se détériore. Désirant désormais, il retient un poème de jeunesse comme «Clair de lune», des poèmes entrepris dès 1898 et achevés dans les années suivantes, témoins de ses rêves de grandes pièces sur des thèmes mythiques ou légendaires: «L’Ermite», «Le Larron», «Merlin et la vieille femme». Il donne une place importante aux poèmes inspirés par l’année allemande et l’amour pour Annie, n’omet naturellement ni «Le Brasier» ni «Les Fiançailles». Il y incorpore la suite «À la Santé», et les poèmes de fin d’amour: «Le Pont Mirabeau», «Marie», «Cors de chasse». Ces poèmes ont en commun un retour à une prosodie rigoureuse où perce le souvenir de Moréas. Au milieu de 1912 le livre a pris forme et a été confié aux éditions du Mercure de France. Apollinaire reçoit les premières épreuves à la fin d’octobre 1912, et il introduit quatre modifications capitales: il remplace le titre Eau de vie par Alcools, un mot simple à la fois banal et brûlant et d’une force connotative plus riche. Il introduit le poème Zone, qu’il vient d’achever. Il place ce poème en ouverture du livre: ouverture esthétique en même temps que thématique. Apollinaire fait une restructuration pour le début de l’ouvrage, c’est-à-dire qu’il commence par «La Chanson du mal-aimé». Il y aurait en effet eu quelque maladresse à faire se succéder d’emblée deux des plus longs poèmes de l’ensemble. Enfin, il supprime tous les signes de ponctuation. «Alcools » présente une désignation abrupte, délivrée des pathologies morales dépressives qui avaient jusqu’alors accompagné aussi bien les ivresses baudelairiennes que la verlainienne ou les rimbaldiennes « aches de vin bleu» mêlées de «vomissures». Ainsi que l’exprime la fin de «Zone», l’alcool est assimilé par Apollinaire à la vie même:

«Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie

Ta vie que tu bois comme une eau de vie».

Dans «Zone», l’énonciation oscille entre les prmière et deuxième personnes du singulier. Le poète s’adresse ainsi à lui-même comme il s’agissait d’autres personnes. Tous ces moments de l’existance passée et présente se télescopent, comme ressuscités en le seul présent de la réminiscence. «Aujourd’hui tu marches…Maintenant tu es au bord de la Méditerranée». Le premier vers développe la solitude du poète, tout au rebours du sentiment «unanime» qui domine Vendémiaire: «Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule». Ce poème est bel et comme une sorte de conclusion «À la fin tu es las de ce monde ancien», et il est aussi le poème le plus tardif du recueil, mais en tant que poème liminaire du recueil, il doit être lu aussi à la lumière de cette position initiale. En ce qui concerne le motif de l’alcool, on remarque un parallélisme entre vie et poésie qui en lui se confondent en un même intensité ou brûlure. L’alcool est une figure dyonisiaque de l’inspiration poétique. Apollinaire est arrivé en Rhénanie en août 1901. Il y vécu un an dans les diverses résidences d’une riche Allemande, la vicomtesse de Milhau, qui ayant engagé une gouvernante anglaise, avait voulu pour sa fille un précepeteur français. En ce qui concerne, les rives du Rhin, on les retrouve dans Alcools: c’est d’elles que proviennent «Les Colchiques», «Le vent nocturne» et la suite où, sous le titre de «Rhènanes», Apollinaire frappe toutes les cordes de la lyre. En août 1902, le poète se trouvait déjà en pleine possesion de son métier. Ses «Rhénanes»le montrent à l’aise dans l’élégie:

«Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés

Les chevaliers criaient Loreley Loreley»

dans la poésie pédestre:

«Il est mort écoutez La cloche de l’église

Sonnait tout doucement la mort du sacristain

Lise il faut attiser le poêle qui s’éteint

Les femmes se signaient dans la nuit indécise»

dans la chanson:

«Mon beau tzigane mon amant

Écoute les cloches qui sonnet»

dans la poésie burlesque:

«Benzel accroupi lit la Bible

Sans voir que son chapeau pointu

A plume d’aigle sert de cible

A Jacob Born le mal foutu».

dans «Nuit Rhénane» l’autour écrit «Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme». C’est-à-dire que l’alcool d’Apollinaire n’est plus le baudelairien «vin du solitaire». Il rend une inflammation lyrique, la saoûlerie des «chants d’universelle ivrognerie». L’amour est une thématique très importante dans cette oeuvre d’Apollinaire qui chante les tourments et les joies de la passion. Apollinaire est inspiré de l’amour pour deux femmes: Annie Playden, la jeune anglaise rencontrée en 1901, puis la peintre Marie Laurencin, à partir de 1907. Ces deux histoires d’amour présentent un amour porteur de promesses de bonheur aboutit au rejet de l’amant par l’amante, l’amant ma-aimé ne peut se détacher de ce passé qui le torture, sa douleur se sublime dans l’acte poétique qui transforme l’amante en mythe et rend au poète sa force créatrice. Le premier est le cycle d’Annie qui introduit: «La Chanson du Mal-Aimé», «Annie», «L’Adieu», «L’Émigrant de Landor Road», «La Dame» et de façon explicite «Mai» ou implicite, par tous les poèmes d’inspiration rhénane. «Salome» peut aussi se rattacher à ce cycle. Le second est le cycle de Marie Laurencin, les poèmes de fin d’amour: Zone, Le Pont Mirabeau, Marie, Cors de chasse, qui commémorent «les mêmes souvenirs déchirants», et «Le Voyageur». En ce qui concerne le rapport entre les deux cycles, il y a une moindre intensité de la douleur et du déchirement pour le cycle de Marie. Néanmoins «Zone», témoigne encore de «L’angoisse de l’amour», comme si Guillaume « ne devait jamais plus être aimé». Une autre perspective abordée dans ce thème, est l’amour sauveur et destructeur. Il expose son point de vue quant à l’amour salvateur qui sauve certains poèmes comme «La Blanche Neige» ou bien «Salomé» qui raconte les moments de bonheurs de deux jeunes amoureux ou quant à l’amour destructeur avec «Les Cloches» démontrant le danger que peut provoquer l’amour avec ces vers: «Tu seras loin je pleurerai» et «J’en mourrai peut-être». «Alcools» convoque des thèmes variés marquant les lieux dy lyrisme à des sujets modernes. Ce qui relie ces différentes thématique, c’est le vécu du poète qui absorbe le monde pour mieux le recréer. «La Chanson du Mail-Aimé» illustre l’évocation d’un sentiment intime, conturé par  tristesse et confession. Pourtant le poème évolue vers une réflexion plus générale qui touche à la représentation même la poésie. L’amour est un thème poétique traditionnel, mais Apollinaire va ici le moderniser.

« Et je chantais cette romance

En 1903 sans savoir

Que mon amour à la semblance

Du beaux Phénix s’il meurt un soir

Le matin voit sa renaissance

Un soi de demi-brume à Londres

Un voyou qui ressemblait à

Mon amour vint à ma rencontre

Et le regard qu’il me jeta

Me fit baisser les yeux de honte.

On remarque dans la première strophe, la tristesse du poète qui devait s’effacer peu à peu et il croyait toute possibilité d’amour à jamais brûlée en lui. Ce « soir » à « Londres », s’explique parce qu’y habitait Annie Playden. La « demi-brume » impose le climat anglais et elle crée aussi une atmosphère de mystère, propice au rapprochement des légendes. Le poète rencontre un « voyou ». C’est un rabatteur qui veut l’entraîner vers une maison de plaisir. L’enjambement « ressemblait à/mon amour » dramatise la révélation: il ressemble à Annie Playden ou c’est la fausseté de son regard qui donne le souvenir de la femme aimée et traîtresse. L’amour conduit l’amant vers une facile vengeance qui est marquée par les mots: « voyou-amour ». Le « regard » du « voyou » inspire la « honte », parce que le poète se sent coupable pour l’échec de leur relation. On imagine que le voyou a compris ce que le visiteur cherche ce soir-là, qu’il lui fait un clin d’oeil, sifflotant pour prévenir le lieu de plaisir de l’arrivée d’un client. La recherche de la femme aimée reçoit un nimbe de légende parce qu’elle est rapprochée de celle de « Pharaon » poursuivant « les Hébreux », devant lesquels s’ouvrit la mer Rouge. L’évocation biblique est caracterisée par les maisons de briques de couleur rouge, typiques de l’Angleterre qui peuvent faire penser à « la mer Rouge ». Dans ce poème, Apollinaire fait deux rencontres successives: il rencontre dans les rues un voyou eu une femme saoûle. Pour affirmer l’intensité de ses sentiments, il se voue à un châtiment, à s’identifier au pharaon dont l’évocation est précisée « soeur-épouse ». Les Pharaons ne pouvaient pas épouser des femmes appartenant à la roture. C’est une allusion à l’inceste, il étaient persuadés de leur nature divine, par conséquent ils épousaient leurs soeurs. La deuxième hallucination, il s’agit d’une femme qui est saoûle, elle est caractérisée par son regard inhumain:

« C’était son regard d’inhumaine

La cicatrice à son cou nu

Sortit saoûle d’une taverne

Au moment où je reconnus

La fausseté de l’amour même ».

Une blessure et la nudité est illustré dans le vers: « Elle a une cicatrice à son cou nu ». La souffrance est à l’état brut, elle est sous l’effet dégradant de l’alcool. Cette femme pour qui l’amour est un commerce fait ressentir douleureusement au mal-aimé la fausseté de l’amour en général. On a une méditation de l’amour vrai, mais dans un premier temps, le sentiment dominant est la souffrance. L’amour fidèle n’existe que dans les légendes. Apollinaire évoque « L’odysée » pour rappeler la fidelité dont a bénéficié Ulysse. « Le faux amour » est celui qu’offrait la prostituée. Il confond l’ombre d’Annie Playden et l’ombre de la prostituée, c’est-à-dire de nuances sur un même mot pris dans son acception morale et dans son sens concret « ombre » dans le soir, ombre dans le souvenir, il apparaît que tant dans le cas de la prostituée que dans celui d’Annie Playden, c’est la femme qui porte toute la responsabilité de l’échec. L’amour ne peut qu’apporter le malheur:

« Dont je suis encore amoureux

Heurtant leurs ombres infidèles

Me rendirent si malheureux ».

Dans ces vers on retrouve le thème initial du mal-aimé. Le poète croise des images inquiétantes mais qui s’évanouissent en se transformant en image de la mort. Il est prêt à sombrer dans les désespoir, mais il est sauvé par la poésie. Les références mythologiques ont été source d’inspiration pour Apollinaire qui affirme une modernité poétique. « La Chanson du Mal-Aimé » n’est que la transcription lyrique d’une quête infructueuse où se confondent les saisons et les lieux, les vapeurs du Rhin et les brouillards de Londres, et qui n’a comporté pour tous événements que des prières, des supplications, des nuances et des refus. L’ombre d’Annie Playden recouvre toute une partie d’Alcools. « La Chanson du Mal-Aimé » est un poème emblématique avec soixante strophes de cinq vers. Pour un seul poème, c’est beaucoup, mais cette longuer se justifie quand ce poème se trouve être, comme l’avaient été les complaintes de Rutebeuf, la chronique de plusieurs années. Le poème a ses zones de soleil et ses zones d’ombre, ses clairières et ses taillis. S’il sépare « Zone » et « La Chanson du Mal-Aimé », deux longs poèmes, par « Le Pont Mirabeau », il groupe loin trois poèmes courts, « Chantre », « Crépuscule » et « Annie » entre « Palais » et « La Maison des morts ». « La Chanson du Mal-Aimé » est un poème en continuel devenir qui se développe comme un être vivant dans une longue gestation, une transmutation de l’expérience vécue, un construction tout en collages utilisant des matériaux divers, la rédaction d’un premier jet abondant en fonction d’équilibre d’un ensemble. De toute façon, Apollinaire reprend les accents de 1903 pour pleurer l’mour perdu. D’autre part, il se révolte contre la fausseté des femmes et de l’amour et remodèle en conséquence toute l’aventure passée. La dernière strophe presénte une force incantatoire fondée par un seul verbe « moi qui sais », soutenue par les rimes riches « reines/murènes/sirènes », une réplique hautaine au « toi que j’ai tant aimée » et une affirmation de la toute-puissance » du poète dans une reprise du passé par l’écriture qui n’est pas éloignée, de l’expérience du temps rétrouvé chez Proust. Marie Louise Lentengre considère la « Chanson » comme « une étape décisive » dans l’évolution du poète: « celle où l’imagerie traditionnelle du lyrisme: le moi, l’amour malheureux, le temps qui passe, la mort, le souvenir, est prise en charge par une écriture qui en dénonce la fausseté en renonçant à la fiction lyrique par excellence: l’identification naïve du producteur du texte avec son personnage ».

« Moi qui sais des lais pour les reines

Les complaintes de mes anneés

Des hymnes d’esclave aux murènes

La romance du mal aimé

Et des chansons pour les sirènes ».

Un autre poème présente le thème de l’amour, est «Marie» qui paraît pour la première fois en octobre 1912 avec la ponctuation dans «Les Soirées de Paris». La continuité et la modernité  caractérisent ce poème où l’on peut voir une triple inspiratrice; Marie Laurencin et Marie Dubois, deux femmes que le poète a aimées, mais aussi la femme, le prénom Marie étant le plus répandu et l’anagrammes du verbe «aimer». L'amour a toujours inspiré les écrivains, leurs sentiments s'habillant d'une forme particulière dans les pages des livres, surtout quand ils n'étaient pas partagés ou la relation ne pouvait pas être consommée pour diverses raisons. La souffrance humaine joue dans les vers, et décrit dans les œuvres d'art le désir, la soif et le besoin d'amour, l'âme humaine crée la beauté à partir de son amour insatisfait et c'est un gain collatéral à aimer. Dans ce poeme, il y a une synthèse de la tradition. On remarque une tradition lyrique – l’amour, mais aussi il y a une synthèse de la modernité qui est observée par l’absence de la ponctuation. Le thème dominant reste l’amour. Il y a un amour tendre qui se retourne avec complaisance vers le passé et qui essaye de conjurer une nouvelle présence de l’aimée par des images dont elle forme le centre, affirme André Rouveyre dans Guillaume Apollinaire, un des meilleurs amis.

Vous y dansiez petite fille

Y danserez-vous mère-grand

C’est la maclotte qui sautille

Toute les cloches sonneront

Quand donc reviendrez-vous Marie

Ici l’histoire d’amour commence par la fin. La femme aimée est absence, mais l’absence est marqué par l’interrogation du jeune homme: « Quand donc reviendrez-vous Marie ». Un amour délibéré s’observe dans les vers : « Oui je veux vous aimer ». Sa souffrance associe le « mal » et « délicieux ». Par « délicieux » s’insiste sur le plaisir trouvé dans la douleur. L'état d'incertitude est accentué dans les vers suivants: « que n’ai-je/ Un cœur à moi ce cœur changeant/Changeant… ». Tout le vertige d’un « moi » polymorphe et insaisissable. On voit l’homme qui dit « je » sur ses propres sentiments, mais l’incertitude est aussi à l’égard de la jeune femme: « Sais-je où s’en iront tes cheveux/Et tes mains ». Apollinaire introduit la nature par des saisons « l’hiver: la neige, l’automne et les forces naturelles: la mer, le fleuve ». Il y introduit la culture. C’est la culture populaire avec « la maclotte » qui est une danse populaire belge, puis avec « les masques » et « la musique » du bal masqué, issus de la tradition du carnaval. « La maclotte » et « la Seine » connotent des lieux de culture: Belgique, Paris. La dernière strophe exprime la peine du jeune homme:

« Le fleuve est pareil à ma peine

Il s’écoule et ne tarit pas »

Mais aussi l’impatience devant l’absence de la jeune femme: « Quand donc finira la semaine ». Dans la première strophe, l’interrogation: « Quand donc reviendrez-vous Marie » fait suite à celle sur laquelle s’achève le poème: « Quand donc finira la semaine ». La Seine peut être comme dans Le Pont Mirabeau, qui a été, lui aussi inspiré par Marie Laurencin, le flux de l’eau étant associé au temps qui passe, à la fois irréversible et immuable. Le fleuve évoque l’infini murmure de cette mémoire, devenue chant poétique :

«Je passais au bord de la Seine

Un livre ancien sous le bras

Le fleuve est pareil à ma peine

Il s’écoule et ne tarit pas

Quand donc finira la semaine».

Le poème Marie, anagramme du verbe aimer, écrit en 1912 à la suite de la rupture avec la peintre Marie Laurencin, rappelle aussi Marie Dubois, la jeune fille de Stavelot aimée par le poète dans sa première jeunesse. C’est un poème d’amour, mais de fin d’amour, comme la plupart des oeuvres consacrées aux femmes qu’il a aimées. On note aussi qu’Apollinaire présente l’amour perdu. Marie est la femme aimée dans le poème et elle peut illustre la femme dans l’absolu, c’est notamment le prénom de la Vierge Marie. Le poème est élégiaque par sa grande richesse d’images et une musicalité sans pareille. À côté des images communes jaillissent parfois des associations mystérieuses, témoins d’une autre sensibilité intérieure. Apollinaire plus encore que Verlaine « a tordu son cou à l’éloquence ».

2.2 La fuite du temps

Le temps est trouvé dans la plupart des oeuvres littéraires parce qu’il exerce une véritable terreur sur l’être, transformée en peur du vieillissement et de la mort. Le temps est le tissu à partir duquel la vie est faite et le seul qui une fois passé ne peut plus être retourné, mais il ne peut être arrêté, parce qu’il vole plus vite que le vent et plus vite que la pensée. Quand on l’entend dire « Le Pont Mirabeau » qu’il a enregistré en 1913, on remarque combien pour lui le vers est une unité mélodique qui existe dans autonomie. Le Pont Mirabeau est inspiré de la vie d’Apollinaire , puisqu’il s’agit du pont sur lequel passait l’écrivain à chacun de ses retours chez Marie Laurencin. On remarque une tradition lyrique par l’amour, mais aussi Le Pont Mirabeau est une synthèse de la modernité par l’absence de ponctuation. Ce poème, écrit à la suite de la rupture du poète avec Marie Laurencin, est un des plus célèbres de « Alcools ». Apollinaire illustre un thème de la société moderne: l’angoisse du temps qui passe. En même temps il médite sur le temps qui passe et comprend que le temps est toujours different: il faut donc vivre le moment parce qu’il est unique, même si il espère que les moments se répètent. Le Pont a une valeur symbolique propre aussi. C’est le signe de modernité par son architecture. Une plaque apposée sur le pont reprend les premiers vers:

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
       Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine

Le Pont est le lieu évocateur de l’amour et qui le fait se souvenir. Le procédé triste rythmé de douceur s’appelle l’élégie. Cette mélancolie est présente dès les premiers vers: « La joie venait toujours après la peine » ce bonheur ne dure pas éternellement. Les émotions de poète sont opposées et la mélancolie  est illustrée également par le premier vers identique au dernier « Vienne la nuit sonne l’heure/ Les jours s’en vont je demeure ». Ces vers relèvent une plainte qui prend la forme d’une chanson.

Les mains dans les mains restons face à face
         Tandis que sous
       Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse

«Le Pont Mirabeau» constituerait une lamentation suprême, dans la mesure où elle suggère l’anéantissement de la pulsion vitale, ou peu s’en faut. «L’impatience» du refrain en devient d’autant plus lancinante: vivement que la nuit vienne, que l’heure sonne, que le temps passe. Le pont relie les amants,il relie la tradition poétique à la modernité poétique. Le pont est l’espoir d’un liaison qui perdure, qui peut se recréer. Cette strophe exprime la plongée dans le passé. On utilise l’antithèse: jour-nuit, étant introduite par la mémoire qui reprend le motif de la poésie: « Faut-il qu’il m’en souvienne ». Même si le temps qui passe peut être marqué par le vers: « les jours s’en vont », le poète reste mélancolique avec la pensée de l’amour perdu. Ces deux vers de la poésie forment un refrain. « L’amour s’en va comme cette eau courante »: on observe que l’eau est un motif utilisé dans de nombreuses créations d’Apollinaire. Cette comparaison signifie l’amour qui passe et se termine rapidement, parce que reste insatisfait. Le poète emprunte à la tradition romantique le thème de l’eau qu’on peut retrouver notamment dans un poème comme « Le Lac » de Lamartine « le temps n’a point de rives/ Il coule et nous passons ». Apollinaire compare le passage du temps à l’écoulement  continu du fleuve pour évoquer l’effet destructeur du temps sur l’amour. L’amour passe, emporté par le flux temporel. Comme les romantiques, le poète constate son impuissance face au temps, qu’on ne peut retenir ni revivre:

Passent les jours et passent les semaines
            Ni temps passé 
       Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

La dernière strophe attribue le temps à une apparence quelque peu violente. Le temps est violent, surtout avec le poète, parce que le temps lui affecte et représente aussi le dernier amour. Le poète ne vit que du souvenir de son aimé et est celui dont la mélancolie tire son origine de l’âme du poète. Le Pont Mirabeau est un poème original qui reprend un thème conventionnel dans une structure où les termes, les sonorités et la disposition des mots forment des correspondances. Seule la peine de l’auteur semble demeurer face au temps qui passe. Le Pont Mirabeau est le vrai roman d’Annie et de Wilhelm. C’est au printemps de 1902 qu’Annie prend ses distances, sans doute troublée par un comportament qu’elle comprend mal. Le séjour d’Apollinaire en Allemagne dans le voisinage de la jeune fille devenue lointaine, ne pouvaient que lui être pénibles et il n’esta pas exclu que cette situation ait contribué à accélérer son retour à Paris. Cependant les premiers temps ne semblent pas marqués par la mélancolie. Repris par la vie quotidienne et le petit monde de ses amis, cherchant à se faire connaître en littérature et dans le journalisme, il ne paraît pas obsédé par son amour perdu. Mais le souvenir reprend force peu à peu et l’idée s’impose qu’un malentendu les a séparés et eu’une explication aboutira à réconciliation.

2.3. La ville

Ce poème appartient au cycle de Marie et est caractérisé par l’absence de ponctuation. Le monde moderne est massivement présent dans Alcools. Une traversée de l’espace urbain à l’espace poétique il y a dans le poème Zone. Forme et fond se sont rencontrés dans la perspective de création  d’un espace temps où l’écriture épousse aussi bien le modernisme industriel et scientifique de la vie moderne que la modernité telle que l’a conçue Baudelaire et l’ont adoptée la clique des poètes maudits, notamment Apollinaire. « Alcools » impose l’évidence de cette volonté d’ouverture poétique. Pour unir le passé et le présent, Apollinaire emploie le temps présent , ce qui rappele la suppression de la perspective dans la peinture moderne. Écrite à l’époque de la rupture avec Marie Laurencin, cette poésie de fin d’amour imprime toute son amertume. « Zone » présente des différences profondes avec les autres car y fut mise en oeuvre une nouvelle esthétique. Le poème avait d’abord été intitulé « Cri » puis Apollinaire choisit « Zone ». Le mot « zone », venant du grec « zônè » signifie « ceinture » et il a plusieurs acceptions. Par exemple, cet mot désigne une partie de la sphère terrestre ou de la sphère céleste. Apollinaire illustre l’apologie de la ville moderne et aussi de la vie moderne, se plaisant à multiplier les références, chantant l’esthétique d’une rue industrielle.

« À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin                                                        Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine »

Dans cette strophe , la ville en tant que sujet de poésie est associée au monde ancien, et à l’Antiquité grecque et Romaine. Le vers 2, présent la Tour Eiffel qui est le symbole de la modernité. En fait, la tour Eiffel est située sur la berge. La métaphore du « troupeau des ponts » prolongée en fin de vers « bêle ce matin ».

« J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon […]
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes».

Apollinaire rapporte une simple expérience de promenade dans Paris pourtant déjà amorcée dès le début du poème. C’est une rue industrielle, mais où le soleil éclatait en fanfare. Dans l’écriture de son poème, Apollinaire se sert d’exemple modernes afin d’illustrer ses propos: la Tour Eiffel, l’aviation, toutes les expressions de la publicité, la sténographie et l’industrie. Au XVIIIe siècle, le poète Chenier avait voulu considérer toute modernité comme inspiratrice. Apollinaire prend la même perspective dans ce poème. La remontée des souvenirs dans Zone se brise sur la solitude du poète et l’adieu final au soleil. Quand on se reporte à Zone, on peut cependant constater un équilibre entre le début et la fin du recueil. La fonction de « Zone » apparaît alors clairement. Ce poème apporte comme en ouverture symphonique  un art poétique, une remontée dans ce passé qui sera la matière d’Alcools, une amorce des thèmes essentiels. L’architecture subtile du recueil joue sur l’art des « contrastes délicats » qu’Apollinaire décelait chez Picasso. Le poème donne une vive impression de la réalité, de la vie naturelle et de la présence sensible d’Apollinaire. Il n’a pas fait autre chose que donner libre cours à « cette variété naturelle, cette fantaisie vivante » qu’il reconnaissait à Paul Fort et demander à l’ouvrage d’être à lui-même sa propre dynamique. L’animation de la rue est associé aux êtres humains qui la fréquentent. Les bruits constituent le décor urbain, étant donnés par les verbes: bêler, chanter, gémir, aboyer, bêler. Les dernierès vers: « Adieu Adieu/ Soleil cou coupé », signifient une image qui transpose la fatigue et le le désespoir du poète. Le jour se léve et alors qu’il devrait inspirer courage. Le motif du soleil est permanent dans la poésie d’Apollinaire. Zone évoque la vie d’un héros aventurier, réglée par le soleil dans un espace lui-même circulaire, le labyrinthe de Paris que figure aussi le disque solaire. « Poème de la foi perdue. Mais l’eau-de-vie qui est bue ici est un alcool de bar crapuleux, un alcool brûlant , et toute cette vie a repassé dans le souvenir, le poète l’a bue souvenir après souvenir, par petites gorgées, comme un alcool trop fort, dans le présent elle est brûlante et dévoratrice comme l’alcool lui même ». Ce poème de 155 vers se pose comme un mode d’emploi du recueil. Il associe des scènes du quotidien dans un style prosodique puis se lance dans de grandes images presque surréalistes sur des tons surréalistes. Apollinaire nie le caractère discurtif  de la poésie traditionnelle. Il fait l’image pour produire un effet choc, de surprise. Le poète a adopté les formules de simultanéisme et dynamisme.

2.4. Le mythe

Le mythe est un élément important dans la création d’Apollinaire, mais il n’est pas une source d’inspiration. En fait, il marque des symboles et des significations. On observe la «fable antique du Phénix », figure emblématique de son imaginaire, oiseau fabuleux qui renaît de ses cendres,: il est à la fois le même et un autre, fidèle à son existance antérieure et nouveau. Le poète devient lui aussi phénix. Il est  porteur du soleil : « Et porteur de soleils je brûle au centre de deux nébuleuses ». C’est ce rapport avec le feu qui le dispense de la dégradation apollinairienne ou c’est son caractère renouvelé. En effet Apollinaire, s’identifiant au Phénix, aspire à une renaissance dans une autre vie, avec une autre identité. La terre, ainsi que la mer dans l’inconscient individuel comme dans les mythes collectifs, est une représentation symbolique de la mère.

En ce qui concerne le sphinx, figure mythique de la mère archaïque dévorante, il fait figure à part dans les textes d’Apollinaire. Par exemple, dans la dernière partie du Brasier, un des plus beaux poèmes d’Alcools et l’un des plus riches sur le plan des substructures inconscientes, Apollinaire illustre l’image de la mère blessée:

« Terre Ô Déchirée que les fleuves ont reprisée » (le brasier)

celle des sphinx et la curiosité de l’enfant avide de connaître les mystères de la vie:

« J'aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries

Vouloir savoir pour qu'enfin on m'y dévorât ».

Un autre mythe présent dans plusieurs poésies des Alcools est celui des sirènes – créatures ambiguës mêlant beauté et fatalité. Les Sirènes, selon l'opinion des Anciens, avaient la tête et le corps de femme jusqu'à la ceinture, et la forme d'oiseau de la ceinture en bas; ou bien elles avaient tout le corps d'oiseau et la tête de femme; car on les trouve représentées de ces deux manières sur les anciens monuments et dans les mythologies. On leur met à la main des instruments: une lyre, des flûtes, ou un rouleau comme pour chanter. Quelques auteurs modernes ont prétendu que les sirènes avaient la forme de poisson de la ceinture en bas; mais il n'y a aucun auteur ancien qui nous ait représenté les Sirènes comme femmes-poissons.

Loreley est femme et sirène en même temps. Aujourd’hui Loreley est une roche faite de schiste volcanique, située sur la rive est du Rhin. Elle est chantée en ballades comme une fée qui attire les marins avec son chant. Son attraction fatale consistait dans le charme de sa voix et dans sa magnifique beauté, de longs cheveux blonds et brillants qu’elle peignait avec un peigne en or; c’était ce qui séduisait les marins, oubliant le danger du Rhin. La ballade Loreley raconte l’histoire d’une fille qui s’appelait Lore dont la beauté faisait perdre la tête aux hommes. À cause de cela, la jeune fille est accusée de sorcellerie. L'évêque, en raison de sa beauté, l'envoie au monastère sans pouvoir la condamner à mort. Lore est conduite au monastère par trois chevaliers. Attristée par la perte de son amant qui l'a trompée, elle réussit à se débarrasser de ses compagnons et à se jeter du rocher dans les eaux du Rhin. La poésie La Loreley d’Apollinaire, a été écrite en 1902 et publiée en 1904 et se situe au milieu du cycle des Rhénanes. Ce poème exprime la solitude de la femme trop belle.

« Mon cœur devient si doux c'est mon amant qui vient

Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil ».

La femme ne sait pas aimer, ne peut pas aimer, par rapport à Loreley qui est éprise d’amour. Elle est la séductrice traditionnelle et devient aussi capable d’aimer.

Autre part, la femme est comparée à un vampire:

« J'ai rêvé que j'allais à mon enterrement

Tu n'étais pas venue et j'entendais ton rire

Mais ta bouche était là ses suçons de vampire

Cerceaux rouges roulaient sous mon regard dément

Et je mourais encore en entendant ton rire ».

Un autre mythe antique auquel Apollinaire fait référence c’est le mythe d’Orphée. Dans le poème Le Bestiaire ou cortège d’Orphée, Orphée est le motif dominant. Les animaux ajoutées par Apollinaire illustrent les thèmes de la poèsie. Apollinaire découvre son propre Bestiaire et parle du mythe d’Orphée, fils de Calliope, le musicien le plus célèbre de la mythologie dont la lyre a été offerte par Apollon lui-même. Le poème La Chanson du Mal-Aimé se fait remarquer aussi par le motif d’Orphée, le dompteur et l’être sensible qui veut accéder à la lumière et au soleil par la charme de son chant. Orphée est un personnage très connu de la mythologie grecque. Apollon, le dieu de la musique, du Soleil et de la beauté masculine, lui avait offert une lyre, un instrument de la famille des cordes, ressemblant à une petite harpe. Grâce à elle, Orphée pouvait charmer les animaux et émouvoir les êtres inanimés. Orphée se maria avec Eurydice qui, peu de temps après leur mariage se fit mordre au mollet par un serpent et mourut. Orphée, pris de désespoir, se rendit aux Enfers pour retrouver sa bien-aimée. Là, Hadès mit une condition pour que Orphée et Eurydice puissent quitter les Enfers: il exigea d’Orphée de ne pas se retourner, ni parler à sa femme tant qu’ils ne seraient pas arrivés dans le monde des vivants. Sur le chemin du retour, Orphée, inquiet du silence de son épouse, se retourna et Eurydice disparut à jamais. Orphée resta inconsolable de la disparition d’Eurydice. Il mourut, les membres déchiquetés, la tête jetée dans un fleuve. Il ne resta que sa lyre, installée aux yeux de tous dans le temple d’Apollon. Quiconque en jouait, mourait à son tour, dévoré par des chiens alertés par les notes de musique de la lyre. À la fin de 1912 et en 1913, après avoir pendant quelques mois prôné le cubisme, Apollinaire pense qu’un autre terme, plus général, définirait mieux la révolution qui, pense-t-il, s’accomplit ou se prépare dans tous les arts. Ce terme, c’est l’orphisme. La référence à Orphée est en relation directe avec quelques idées maîtresses de l’avant-garde de 1912-1914. Il est alors admis que l’art nouveau sera la synthèse des arts traditionnels et reconstituera la lyre d’Orphée. En invoquant l’orphisme, Apollinaire frôlé le mythe. Mais Orphée ne joue pas, malgré les apparences, un rôle déterminant dans l’oeuvre d’Apollinaire. On peut s’étonner en particulier que ce poète de l’amour, et de l’amour malheureux, n’ait jamais été sollicité par Orphée amoureux. Une grande partie de son oeuvre est un effort pour ressaisir le passé, pour annihiler le mouvement du temps et s’installer dans l’éternité et il n’a jamais rien dit de la descente d’Orphée aux Enfers.

Apollinaire est entre le réel et l’imaginaire à travers la transfiguration mythique de l’expérience personnelle. Les mythes constituent un attrait de la création d’Apollinaire et la rendent plus captivante. Il crée ainsi un Univers parallèle au monde réel dont la réalité coule par le filtre de sa mémoire.

2.5. LES SAISONS

Spécifiquement, les saisons sont caractérisées par différents phénomènes spécifiques à chacune: la pluie, le soleil, la neige. Mais tous ces éléments ont des significations particulières surtout dans les poèmes. La nature est marquée par ces saisons, qui influencent en même temps l'état d'esprit de l'homme. Les poètes expriment leurs sentiments, en évoquant l'âme à travers de ce qu'ils voient. La vision est reflétée avec l'âme. Les saisons sont vitales pour la transition et l'évolution de planète. Mais ils influencent aussi la conscience des gens. La procession des saisons a un caractère symbolique profond. Ils sont comme des cycles qui aident notre transformation.  Le printemps est une saison de transition, une période de temps avec un rythme de renouvellement phénoménal. Dans la vie, cela peut se traduire par de nouveaux projets, à travers une vision plus optimiste de la vie, une augmentation de la créativité et de l'énergie. Cela peut aussi être un bon moment pour la contemplation et le rêve. C'est comme un début, une nouvelle vie dans une nouvelle époque. L'été est un moment de joie, de joie, d'énergie et d'action. L'été est le symbole de la vitalité et de la joie de tout coeur. L'automne, une autre saison de transition, un sommet de richesse, et l'entrée dans un état de préparation pour l'hiver à venir. Une mélancolie de beaux jours et de jours pluvieux. L'automne est la saison du changement. Le changement de nature mais aussi le changement de personnes. C'est un moment d'équilibre, de joie pour le succès et pour les petits échecs. C'est à chaque personne de trouver la force intérieure pour avancer. En hiver, c'est une saison tranquille. La vie existe toujours mais vit dans des endroits sombres et silencieux. C'est un temps de clarification et blanc si présent apporte des pensées pures et créatives. C'est une période d'introspection, de contemplation, de navigation vers le moi intérieur. De cette façon, les gens changent dans leur être, et la nature prépare son intérieur, la  vie est présente avec le retour du printemps. Chaque saison a une signification symbolique. Les saisons signifient les âges de la vie humaine et le symbole des saisons reste particulièrement spectaculaire. Apollinaire a une personnalité particulière chargée de souffrance et d'échec, surtout dans l'amour. Ainsi, à travers ses poèmes, il offre une note nostalgique de chaque saisons. En ce qui concerne le poème «Automne», on voit un saison froid et mélancolique, évoquant un déclin et la mort, une séparation des amants «L’automne a fait mourir l’été». Le poème a trois strophes qui impliquent la tristesse, la souffrance, parce que l’été est mort et l’amour reste perdu. L’automne est un fin, les choses ont disparu:

Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux 
Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne 
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux

On observe les thèmes majeurs. Par exemple, le temps qui passe est illustré dans les vers suivantes: «s'en vont un paysan cagneux», «s'en allant là-bas le paysan chantonne», «s'en vont deux silhouettes grises».. L’amour est perdu et implique la souffrance de poète, mais se trouve en opposition à l’infidélité: «Une chanson d'amour et d'infidélité /Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise». L’amour perdu est en chanson du paysan. Il y a des moyens artistiques. La répétéition «brouillard, automne» qui signifie la tristesse, la souffrance et peut être un reproche, parce que l’arrivée de l’automne produit un fini, tout était fini, tout s’effondre; mais aussi l’image visuelle «les hameaux pauvres et vergogneux». Cependant, il y a des personnages «un paysan cagneux» avec «son boeuf» et introduisent une image mélancolique. Apollinaire est transposé dans cette image du paysan pauvre, dont il souffre pour l’amour perdu. La vie semble fuir comme l’amour. L’amour est un espoir pour lui, mais il l’a perdu. À travers ce poème, Apollinaire exprime la douleur, la mélancolie, illustrées par l’automne, un saisons de pluie. Comme le poème de Calligrammes «Il pleut», où la pluie présente des larmes, ici l’automne implique le même sens, des larmes, la fuite du temps et l’amour dispersé. Un autre poème intéressant s'appelle «Automne malade» et représente une régression de la vie à mort. Ce poème présent le vent d’automne qui implique le déclin de toute chose. Par le motif de l’automne, le poème se présente comme un poème lyrique traditionnel. C’est une image qui contient des élèments familiers pour cette saison: «les vergers», «les fruits tombant», «les feuilles qu’on foule». Il y a des moyens artistiques: la personification de la nature «automne malade», «le vent et la forêt qui pleurent». Puis dès le premier vers, l’automne est personifié «automne malade et adoré». Le sentiment de la mélancolie est reflété de cette saison. Apollinaire exprime des émotions, des sentiments, par exemple la souffrance à cause de l’amour malheureux. Ce poème avec des images suggestives s’identifie comme une chanson. Le poète adopte son style pour écriture: sans ponctuation et des vers libres. Pour lui l’automne signifie un saison moribonde, une mort prochaine et le temps qui passe. La vie est transfigurée dans cette saison instable. Dans le deuxième strophe, la disparition des figures féminines est donnée par la douleur de son âme. «Automne malade» peut être une déclaration d’amour et Apollinaire s’adresse comme une personne douée de vie. Il y a un opposition entre automne et hiver. L’automne montre sa richesse:

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé.

Et l’hiver montre le linceul qui enveloppe les morts par sa neige. Dans ce poème, l’automne est caractérisé par la beauté, mais en même temps est détruite par l’arrivée de l’hiver qui apporte la mort. L’automne est malade et l’univers intérieur vient de l'âme du poète. Les feuilles peut être des larmes qui impliquent des souvenirs pour l’amour perdu: «La vie s’écoule». La vie étant ici un pont entre son univers intérieur et l’univers extérieur illustré par la beauté de la nature. Son âme est transposé à l’aide de vue. Il associe ses sentiments avec cette saison, avec des éléments de l’extérieur. L'automne est en train de perdre le pouvoir, et l'âme du poète est frappée par la douleur: le temps passe et l'amour est perdu, étant la cause de sa souffrance. Ces idées apparaissent dans la plupart des poèmes d'Apollinaire. Son état d'esprit est en harmonie avec l’automne, l'automne peut accomplir l'incarnation d'une femme incapable d'aimer.  Le verbe aimer revient plusieurs fois dans le poème qui unit le poète à cette saison "adorée" mais mortelle. L'hiver apparaît à Apollinaire comme un moment de paix et d'équilibre. «La Blanche Neige» est une poèsie très simple. La mort est un thème important dans le recueil. Tout est cohérent, mais avec un gramme de tristesse. L’hiver est un saison merveilleux caracterisé par un moment d’équilibre. Apollinaire imagine deux anges du ciel qui arrachent des plumes fines, un cuisiner et le soldat. Le cuisiner prépare l’oie en faisant rôtir au four et le soldat le mange.

Les anges les anges dans le ciel

L’un est vêtu en officier

L’un est vêtu en cuisinier

Et les autres chantent

Le soleil a une signification importante, de servir de médaille pour mettre sur le costume de ce soldat. Le poète est trist car son amoreuse n’est pas avec lui. En ce qui concerne l’amour, les sentiments sont transposés et l’amour devient pureté, introduisant un temps avec une couleur de neige. Le cuisinier plume les oies:

Ah! tombe neige

Tombe et que n’ai-je

Ma bien-aimée entre mes bras

La couleur blanche représente l’innocente, mais le titre illustre à la fois une saison d'hiver et peut-être une femme. L'hiver apporte le souvenir de l'amour perdu. Dans la dérniere strophe, on remarque le désir d'embrasser la bien-aimée. La mélancolie et la nostalgie sont données à chaque saison par rapport à l'absence de la bien-aimée. Le saison preféré d’Apollinaire apparaît aussi dans «Les Colchiques». Ce poème est inspiré par l’amour d’Annie Playden, jeune gouvernante anglaise dont Apollinaire tombe amoureux dès sa rencontre en 1901. Une promenade autour de NeuGlück fait la naissance de cette poésie. Devant le refus d’Annie, il a trouvé a cette douceur un goût de poison, qu’il associe à ces fleurs séduisantes mais vénéneuses. Le poème est fondé sur la comparaison d’une jeune fille et d’une fleur comme «L’ode à Cassandre» de Ronsard, mais l’impression finale est surtout de malaise et de trouble. On observe un poème orphique avec une tonalité lyrique. C’est un tableau pastoral, un tableau de l’amour où la femme est comparée avec la fleur du colchique. Le poème est dominé par cette fleur. Colchide est un plante qui fleurit en automne, saison préféré d’Apollinaire. Les Colchiques a trois strophes avec une structure impaire qui semble désorganisée et une tonalité mélancolique, évoquant l’amour douloureux.

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Le poème MAI est intégré dans les «Rhénanes». Cette poésie est publiée en 1905 avec l’indication « Mai 1902 ». Les thèmes majeurs sont ici le temps qui fuit, l’amour, parce que on observe l’évocation de femmes au bord du Rhin, peut être Annie Playden. Apollinaire chante pour l’amour perdu et le temps qui passe. Ce poème révèle l’univers intérieur de poète. C’est qui a détermine Jean Cocteau à nommer Apollinaire «un parfait ménétrier». Le poème réflète un paysage fluvial de nature printanière, des bords du Rhin. Apollinaire est tourmenté par la mélancolie secrète de son âme. La première strophe developpe une promenade de mai en barque sur le Rhin, évoquant le sentiment de nostalgie, mélancolie. Le vers « la barque s’éloigne » » signifie le destin de l’homme, l’homme éternellement pris par le temps. L’échec de son amour et la fuite du temps constrastent avec la gaieté du printemps. Le décor:

Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières

rappelle de bien-aimée. Le thème traditionnel de l’amour impossible «des dames regardaient du haut de la montagne» présente la tentation de séduire la femme, mais aussi on retrouve des hyperboles: «si jolies», «tant aimée». La tradition poétique se retrouve par les thèmes majeurs: l’amour et la nature, mais aussi la tendance vers la modernité est donnée par le style d’Apollinaire: l’absence de ponctuation. «Qui donc a fait pleurer les saules riverains», les larmes apparaît encore une fois, mais dans ces vers les larmes ne sont pas transposées en pluie. Ici les saules montre les larmes. La comparaison «Les pétales flétris sont comme ses paupières» signifie la souffrance et la mélancolie sécrète. La répétition «le mai le joli mai» confère des allures de chanson populaire, mai étant le mois des premières vendanges. Les cerisiers perdent leurs pétales et leur couleur est blanche, rappellant les ongles de la bien-aimée qui a été perdue. Dans la troisième strophe, Apollinaire contemple le spectacle des rives où passe lentement un cortège de saltimbanques. Dans la dernière strophe, le poète, enfermé dans sa mélancolie, ne peut oublier son chagrin, son amour malheureux et impossible.

Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

On observe « Le vent du Rhin ». Quant aux rives du Rhin, on les retrouve sans cesse dans Alcools: c’est d’elles proviennent « Les colchiques », « Le vent nocturne », et la suite de petits poèmes où, sous le titre Rhénanes, Apollinaire frappe d’un plectre assuré toutes les cordes de la lyre.

III. Les significations dans le volume Calligrammes

3.1 Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916)

Apollinaire est le poète du début du XXe siècle qui introduit l’image par lettres et il transforme le texte en dessin par son style authentique. Apollinaire n’est pas le créateur du calligramme, parce que on trouve des calligrammes chez les rhétoriqueurs du XVIe siècle. Le créateur du calligramme est Simmias de Rhodes dans IVe siècle. Le volume «Calligrammes» mise une progression, ainsi que l’écriture par dessin impose la modernité. Apollinaire s’adresse aux femmes qu’il aime: Lou (Louise de Coligny-Châtillon, 1881-1963), Madeleine Pages (1892-1965). Apollinaire  est un promoteur de la spontanéité, la surprise est le concept fondamental de sa poèsie. Dans Calligrammes intitulé initialement Idéogrammes lyriques, Apollinaire donne libre cours à l’imagination formelle et crée une poésie visuelle. C’est un recueil complexe, qui renferme plusieurs cycles composés. Le poète réalise aussi des calligrammes totalement figuratifs. Calligrammes réprime les indécisions et les erreurs d’une pensée en déroute sous l’impact de la terrible expériences des tranchées puis de la maladie. Apollinaire étant le premier poète à avoir fait paraître un volume totalement dépourvu de ponctuation. Calligrammes ou pietogrammes présentent la page blanche avec de lignes ondulées, diagonales ou circulaires, traçant de dessins qui marquent les paroles. Aragon nommait cet volume « splendide collection de météores », parce que Apollinaire fait la réconstruction de la réalité  dans une manière personnelle. L’absence de virgules se trouve à tous les niveaux: dans la structure, dans la langue ou dans des images. Par exemple, la combinaison des poèmes-conversation:

« Troupeau de regards langoureux des femmes O nuit
Toi ma douleur et mon attente vaine
J’entends mourir le son d’une flûte lointaine ». (G. Apollinaire, Ondes, Calligrammes 1918).

Les poèmes-conversation reproduit les bruits ambiants dans un simultanéisme cher aux cubistes. Ce simultanéisme permet de: « lire d’un seul regard l’ensemble d’un poème comme un chef d’orchestre lit d’un seul coup les notes superposées dans la partition, comme on voit d’un seul coup les éléments plastiques et imprimés d’une affiche ». La juxtaposition introduit l’amiguïte par l’élimination des éléments de coordination. Dans ce cas, on ouvre une large pluralité de sens. Les significations des images restent presque inépuisable. Apollinaire utilise variés moyens de représentation pour des vers, mais en rapport avec la peinture de son temps. Ces poèmes rappellent les caractères chinois et cunéiformes auxquels le poète s’intéressait en 1899 les appelant idéogrammes-attiré par ces représentations vivantes du monde visible et mystérieux. La période de recherche dans le domaine de la poésie est entre les années 1913-1914. Henri-Martin Barzun croit que la poésie doit se faire chant symphonique, dramatique, d’unir en même temps l’individuel et le collectif, l’humain et l’universel. C’est « l’ère du drame », le Dramatisme. Par exemple, Cendrars avec Sonia Delaunay font «le premier livre simultané » où la peinture et la poèsie réalisent un mouvement créateur. « La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France ». Les futuristes voient les images de simultanéité comme l’impression de la vitesse. Apollinaire se remarque par sa personnalité et l’originalité. L’élaboration et la publication de Calligrammes ont présenté de grandes difficultés. L’«esthétique toute neuve» se manifeste par: un mot ou un groupe de mots, une structure syntaxique, l’énonciation d’une image ou d’une comparaison et Apollinaire illustre une expression de l’image. À la déclaration de la guerre, le 2 août 1914, Apollinaire s’engage dans l’armée française et obtenir sa naturalisation. Dans cette période, il vit une fulgurante aventure amoureuse avec Lou. La guerre pour lui est marque aussi par des récits. Il écrivait dans «La Petite auto», son retour de Deauville à Paris le 1er août 1914 en compagnie d’André Rouveyre:

« Et quand après avoir passé l’après-midi Par Fontainebleau Nous arrivâmes à Paris
Au moment où l’on affichait la mobilisation
Nous comprîmes mon camarade et moi
Que la petite auto nous avait conduits dans une époque
Nouvelle
Et bien qu’étant déjà tous deux des hommes mûrs
Nous venions cependant de naître ».

Le 15 mai 1917, la revue Nord-Sud annonce aux éditions du Mercure du France «Calligrammes» poèmes «de la Paix et de la Guerre 1913-1917». La guerre a conduit le poète d’ordonner son livre selon un déroulement chronologique, parce que six parties correspondent à son existence depuis 1913. «Ondes» organise les poèmes antérieurs à la guerre. Apollinaire y a introduit «Les Collines», longue pièce comparable par sa forme à «La chanson du mal-aimé». Par exemple « Il pleut » est un calligramme où les zébrures des gouttelettes de pluie sur une vitre représentant le temps qui retient le poète « en haut et en bas » évoquent le passage de la vie, les « merveilleuses rencontres » à jamais mortes et une ancienne musique.
Les poèmes écrits dans la zone des armées sont d’une étonnante diversité formelle. Dans la période d’apparition, les circonstances sont peu favorables pour la littérature. Calligrammes paraît dans la seconde quinzaine d’avril 1918 et l’offensive allemande n’est stoppée que dans les derniers jours du mois. La vie quotidienne reste difficile avec plusieurs problémes, étant des restrictions en diverses situations. En fait, pour le volume Calligrammes, la critique ne sert pas sa attention beaucoup, les calligrammes étant considérés des fantaisies proches de la mystification. André Billy affirme dans L’Oeuvre: « Je ne dirai pas que j’ai retrouvé dans Calligrammes les délices d’Alcools, le contraire serait plutôt vrai ». Apollinaire est dans l’artillerie et il est envoyé au front. Il y écrit des poèmes, et il admire les fusées qui éclatent dans le ciel. Il prend une décision grave. Au lieu de rester dans l’artillerie, il demande à être affecté dans l’infanterie car, il pense être plus facilement naturalisé Français. Apollinaire est blessé à la tête et trépané. Très fatigué à la suite de cette blessure, il est affecté à Paris au service de la censure. Apollinaire qui était fiancé à une jeune femme, professeur en Algérie, Madeleine Pagès, rompt ses fiançailles et il pense même à se faire prêtre. Après, il rencontre une jeune fille, Jacqueline Kolb si il l’épouse en mai 1918. Ils ne seront mariés que quelques mois car, le 9 novembre 1918, il meurt de la grippe espagnole. Sa mère et Jules Weil mourront, en mars 1919, de la même maladie et son frère Albert mourra au cours de l’année suivante au Mexique. Apollinaire donne au Mercure de France un volume avec le titre Poèmes de guerre, dont il excluait les textes de 1913 et 1914, les textes de Ondes. Apollinaire reprend son chantier en mars 1917 quand il a inventé le mot « calligramme ». Il introduit les poèmes du temps de paix, les textes de Ondes et lance une souscription. Le volume Alcools, l’aspect est accentué sur la tradition. Ici, avec le volume Calligrammes, Apollinaire a cherché, a innové une nouvelle poésie. En ce qui concerne, ce dernier volume, Apollinaire a conservé variés tendances illustrés à Alcools, par exemple: l’hermétisme, le goût de la narration, le ton prophétique, parce que Apollinaire ne cesse de répéter « Dieu ».
« Le poète est analogue à la divinité. Il sait que dans sa création la vérité est indéfectible. Il admire son ouvrage. Il connaît l’erreur qui anime sa créature, fausse au regard de nos visions mais qui présente aux puissances momentanées une vérité éternelle ». Mais aussi, entre 1913 et 1914, Apollinaire donne un autre sens pour la poésie: il utilise l’expression poétique libre, ce qui fait de Calligrammes, un volume plus spectaculaire.
Un calligramme présente des vers disposés à former un dessin. Les poèmes de Calligrammes sont nommés par la vertu du titre. On comprend par l’étymologie du néologisme: mot-valise combinant « calligraphie » et « idéogramme », il assemble les racines grecques « kallos » qui signifie « beau » et « gramma » qui signifie « lettre, écrit ». Donc, calligramme signifie « bel écrit » ou « poème qui donne à voir de la beauté ». Les poèmes font une unité entre une énonciation et une figuration. Le principe général des calligrammes est de rompre les conventions et les conditions imposés. Quelques calligrammes ont des motifs dessinés qui ne sont pas formés par des lettres: les lignes ondulées dans «Lettre-Océan», le poteau télégraphique dans «Voyage», l’étoile et les canons dans «Madeleine». Après Calligrammes on observe une autre situation. Caligrammes aura été pour Apollinaire le lieu de cette «liberté d’une opulence inimaginable» qu’il souhaitait aux poètes à venir dans L’Esprit Nouveau et les poètes. Une libert tempérée toutes fois par la finesse avec laquelle il sait, comme dira Cocteau « jusqu’où on peut aller trop loin ». Il est illusoire de se demander quelle conduite il aurait eu à l’égard du Dadaïsme et du Surréalisme. Les jugements qu’il avait portés sur certaines audaces des futuristes, les termes d’une lettre à Tzara du 14 décembre 1916 « J’aime votre talent d’autant plus que vous m’avez fait l’honneur de le diriger dans une voie où je vous précède mais ne vous dépasse point » entre autre laissent penser qu’il aurait traité Tzara, Breton et leurs amis avec une sympathie critique et qu’il les aurait côtoyés sans aller jusqu’à s’engager à leurs côtés. Au cours de l’interview faite par Gaston Picard et publiée le 14 juin 1917 dans Le Pays, il annonce «un volume de poèmes sur les peintres» qui semble-t-il, devait s’appeler Le Marchand d’oiseaux et dont nous n’avons aucuene trace. Il est permis de supposer que dans les derniers mois de sa vie il a été enclin à privilégier des formes plus traditionnelles que celles qu’il avait mises en oeuvre dans son recueil. Sa dernière «Vie anecdotique», publiée le 1 er novembre 1918, est un éloge de l’ode «La Bataille de la Marne», de Charles Maurras, dans laquelle il voit l’alliance de la tradition et de l’audace et un exemple de mesure. Sa correspondance avec Picasso présente qu’il écrire des Odes parce qu’il espére une illustration de son ami. Le poète mort à trente-huit ans et il aura emporté son secret. L’évolution de la poésie avec le Dadaïsme et le Surréalisme expliquent que pendant longtemps une certaine défaveur ait pesé sur l’oeuvre. Il faudra attendre un demi-siècle pour qu’une meilleure connaissance de la vie militaire et sentimentale du poète en éclaire les ressorts secrets. Il faudra aussi attendre le développement de la poésie spatiale et les recherches sur les questions de structure pour que s’élabore une réévaluation dans un sens positif de l’expérience des calligrammes. Enfin le recul du temps permet de mieux suivre la trace de la poésie apollinarienne dans le Surréalisme. Le poète de Calligrammes a contribué à l’autonomie de l’image telle que l’envisageront Breton et ses amis, «la provocation sans contrôle de l’image pour elle-même et pour ce qu’elle entraîne dans le domaine de la représentation de perturbations imprévisibles et de métaforce à réviser tout l’Univers»,pour reprendre les termes d’Aragon. Il a surtout ouvert la voie, et cela dès avant ce dernier recueil, à un regard sur le monde qui prolonge le réel dans l’imaginaire et instaure le merveilleux du quotidien.

3.2 Le motif de l’eau

L'eau est l'infinité des possibilités. L'eau peut être considérée à partir de deux points diamétralement opposés: elle est génératrice de vie et de la mort, créative et destructrice. Certains le considèrent aussi comme la substance primordiale, dont toutes les formes naissent et dans lesquelles tous reviennent. D'un autre côté, chez Guillaume Apollinaire, l'eau apparaît sous sa forme liquide de pluie et de larmes. L'univers poétique d'Apollinaire est sous le signe de l'eau qui tombe verticalement. Par exemple, dans le poème « Il pleut » le motif de l’eau est bien spécifié. «Il pleut» écrit sous formes de lignes presque verticales reproduit la chute des gouttes de pluie. La lecture en est difficile, mais bien récompensée.

Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir
c’est vous aussi qu’il pleut, merveilleuses rencontres de ma vie. ô gouttelettes !
et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout un univers de villes auriculaires
écoute s’il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique
écoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas

Le premier vers se réfère à Annie Playden, la gouvernante anglaise. Son passé a été marqué par la souffrance, et ici est illustré un poète qui se détache. On observe des images visuelles, tactiles et auditives. Le motif de l’eau est introduit dans le deuxième vers. Il y a une double signification pour la pluie. L’eau est assimilé avec la pluie. Le passé et le futur, comment Apollinaire est entre tradition et modernité, sont identifié par la pluie. La pluie peut être une larme, signifiante la tristesse, la souffrance du poète. « Il pleut » est un poème représentatif, specialement par une séparation. La séparation d’Annie Playden, représenté par la pluie, exige la solitude, mais à la fois la pluie efface les souvenirs et le poète peut être à la recherche d’un nouvel amour. Les nuages sont comparés à des cheveux « cabrés, hennir ». Le cheval évoque la révolte, parce que le poète a peur d’être seul. Dans la quatrième vers, l’eau peut être non seulement visuel, mais aussi auditive « pleurent une ancienne musique ». Le poète est celui qui pleure, il est encore blessé par le souvenir de l’amour précédent, Annie Playden. « En haut et en bas », on observe la verticalité, mais aussi le point entre passé et futur, la tradition et la modernité, l’unité entre la peinture et la poésie. Pour illustrer la signification de l’eau dans l’oeuvre d’Apollinaire, on choisit La Colombe Poignardée et le jet d’eau. Le poème est plus complexe et il évoque les amours et les amitiés du poète. Les vers jaillissent d’un centre comme les jets d’eau, ce qui, par rapport à d’autres images, introduit une forte dose de dynamisme. Henri Guilbeaux, inspiré par Verhaeren et Whitman, veut que la poésie soit la représentation épique des grandes boulversements du monde contemporain et il les chante dans un langage à la fois populaire et technique: ce sera ce qu’il appele le Dynamisme. La colombe est un symbole de paix depui la Bible. Dans le poème d’Apollinaire, la colombe poignardée signifie la guerre et la souffrance qui le laisse derrière lui. C’est un poème-objet, parce que cet calligramme donne un sens, ce n’est pas seulement un dessin. En même temps, la colombe poignardée peut être les femmes qu’Apollinaire a perdu, imposant également la souffrance. On observe l’oeil qui verse des larmes, parce que le poète perd ses amis et ses amours. Les femmes sont présentés: «  Mia, Mareye, Yette, Lorie, Annie et Marie » qui ont une grande importance parce que les noms sont écrits avec majuscule. Aussi, il annonce ses amis: « Braque, Derain, Max Jacob ». Dans la partie supérieure est une colombe et dans la partie inférieure est un jet d’eau avec un bassin. Il y a trois signes dominants situés sur un axe vertical: le « C » est la tête de la colombe, le « ? » est le seul point d’interrogation et le « O » est en bas, au coeur du bassin ou pupille d’oeil. Apollinaire mêle ici la tradition et la modernité. En fait, la colombe renvoie à l’amour et à la paix. Par exemple, Aphrodite, la déesse de l’amour chez les grecs a pour attribut la colombe. Le jet d’eau illustre une personnification, les larmes et la souffrance du poète. « O » se trouve dans le centre d’oeil. Pourtant, ce bassin pourrait dessiner des lèvres « le laurier fleur rose guerrière », lèvres fleuries. Le ciel est celui vers lequel la colombe vole, étant l’évocation du bonheur, mais l’on peut aussi percevoir comme écrasée au sol, c’est aussi la fin du bonheur. On observe une élégie, un poème lyriue: «je» et «moi» exprime des sentiments mélancoliques. Annie Playden et Marie sont mises en relief dans la colombe en place finale et reliées par le «et toi» au coeur de l’oiseau. La guerre est dévastatrice, le poète a perdu l’amour et ses amis. Il reste condamné à la souffrance et à la séparation. Un autre poème intéressant est Lettre-Océan. C’est une lettre symbolique que Guillaume Apollinaire adresse à son frère Albert Kostrowitzky. «Tout est calme ici et nous sommes dans l’attente des événements» signifie la guerre qui s’annonce contre l’Allemagne ou peut être renvoyer aux émeutes de Mexico qui met en danger Albert. L’océan est maléfique et semble rouler ses eaux vertes dans la mémoire du poète: « J’étais au bord du Rhin quand tu partis pour le Mexique ». Il y a les noms des villes: « Chapultec », ville mexicaine d’où Albert avait adressé une carte postale à Apollinaire et « Chatou » où vivait sa mère. Apollinaire impose par ses vers, un autobiographie. Par « je » le lyrisme marque la vie personnelle et ses expériences. On observe les lettres « TSF » , télégraphie sans fil qui sont mises verticalement apparu en 1920. Le titre introduit le mot Océan qui représente le motif de l’eau, et illustre l’union entre "Lettre", la dimension humaine, et "Océan", la dimension solaire. Cette union de la misère humaine et de la grandeur du soleil en tant que divinité, l'union entre le poète et le divin, est un message fondamentalement révolutionnaire. Dans la tradition religieuse occidentale il y a un océan infranchissable entre la bassesse de l'être humain et la grandeur de la sagesse divine. On trouve aussi le motif de l’eau dans le poème «Océan de terre» où Apollinaire se change en vagues des mers. La métamorphose est illustré dans les vers: «J'ai bâti une maison au milieu de l'Océan/ Ses fenêtres sont les fleuves qui s'écoulent de mes yeux». Le titre  est significatif: «Un océan sans océan, créé par l’âme d’un poète voué aux vagues et les flots anonymes ou nommés continuent à scientiller à travers la poésie d’Apollinaire». L’eau présente l’infini et le temps donne l’illusion de vitesse. La pluie et le soleil expriment des saisons. Il y a une antithèse: «Maison humide/ Maison ardente/ Saison rapide/ Saison qui chante». Apollinaire donne libre cours à l’imagination formelle et crée une poésie visuelle.

3.3 La poèsie testament: Les Collines et La Jolie Rousse

Les Collines, poème entre tradition et modernité. La tradition est introduit par la thème de la nature, de la campagne, mais il s’agit de thème de l’amour sur la femme aimée et du chant. Mais aussi, Apollinaire donne des mots religieux, par exemple « mânes » ou certains aspects qui illustre la mort. Les Collines est un poème moderne par l’abandonne des rimées et la ponctuation. Le symbole pour la modernité poétique est le vers « Sur le haut des sommets que nul prudent n’envie » parce que s’identifie à le thème de l’errance. La première partie présente l’avion rouge qui peut être la jeunesse et l’avion noir est l’avenir. Apollinaire a réussi transfigurer sa vie, sa souffrance dans ses vers. Il sait réaliser une unité entre le passé et la modernité. La méditation sur soi-même fait le poète penser à la mort, mais en reconnaissant le pouvoir prophétique: «Et ce qu’on n’a jamais touché /Je l’ai touché je l’ai palpé/ Et j’ai scruté tout ce que nul/ Ne peut en rien imaginer». Apollinaire, conscient que sa mort peut se produire en quelque moment, il donne plusieurs images successives: la «beauté» faite de «souffrance et de bonté». Finalement, Apollinaire pleure pour le passé quand il a ri. L’intensité de la mélancolie et la souffrance, la douleur se trouve en son coeur. Le poème rappelant les «Phares» de Baudelaire, exprime à la fois son modernisme, sa mélancolie élégiaque de «Vitam impendere amori» et s’achève dans une vision irréelle qu’on pourrait rapprocher de certaines toiles de Chagall, peintre français. Apollinaire place pleusieurs valeurs au coeur même de l’éxperience de la guerre, faite de danger, de solitude. De la souffrance, Apollinaire veut faire surgir la bonté comme valeur à venir, au côté de la nouveauté:

Habituez-vous comme moi

À ces prodiges que j’annonce

À la bonté qui va régner

À la souffrance que j’endure

Et vous connaîtrez l’avenir

C’est de souffrance et de bonté
Que sera faite la beauté
Plus parfaite que n’était celle
Qui venait des proportions
Il neige et je brûle et je tremble.

Les trois derniers poèmes forment sur trois registres différents le finale du recueil. «Tristesse d’une étoile» fait allusion non seulement à la blesure, l’«étoile de sang» qui le «couronne à jamais», mais aussi à une ardente souffrance, un secret malheur qui l’opressent et sur lesquels il ne s’explique pas, mais où il est permis de déceler ce mal de vivre, cette interrogation sur soi qui l’ont longtemps hanté. De «La Victoire» Claude Debon a heureusement dit que «l’angoisse y est sensible à travers l’évocation du mythe d’Icare, le thème de la cécité, le «programme» d’infra-langage qui est une dénonciation des expériences extrémistes menées par les poètes bruitistes puis par les dadaïstes, la crainte de la dérision». Apollinaire leur oppose «la joie/ de voir les belles choses neuves», la nouveauté d’aujourd’hui étant destinée toujours à se perdre dans le passé:

« Crains qu'un jour un train ne t'émeuve

Plus
    Regarde-le plus vite pour toi
    Ces chemins de fer qui circulent
    Sortiront bientôt de la vie
    Ils seront beaux et ridicules»

Aussi: «La victoire avant tout sera

De bien voir au loin
    De tout voir
    De près
    Et que tout ait un nom nouveau».

Enfin «La Jolie rousse» est à la fois un bilan et une ouverture sur l’avenir dont les circonstances ont fait une manière de testament. À l’été de sa vie, animé d’un amour nouveau qu’il associe aux innovations de la création poétique, le poète ne cesse de quêter l’aventure à la recherche de «mille phantasmes impondérables/ auxquels il faut donner de la réalité» et se sentant incompris, invoque l’indulgence de ses contemporains:

«Mais riez riez de moi

Hommes de partout surtout gens d’ici
Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi».

C’est un poème entre l’ancien et le nouveau par le vers suivant: «Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul pourrait des deux savoir». Tout d’abord, on identifie dans le vers: «Me voici devant tous un homme plein de sens», qu’Apollinaire est marqué de ce qu’il a vécu. Ce poème illustre un sens autobiographique avec cette phrase dont rappelle les paroles de Jésus «Me voici devant vous» lorsque qu’il parle à ses apôtres après sa ressuscitation. Il fait référence à Dieu dans le vers «Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu». Ce poème peut être la transition entre l’ancien et le nouveau, comme Jésus a effectué la transition entre l’ancien testament, juif, et le nouveau testament, chrétien.

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