Chapitre 1 Alexandra [624779]

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CHAPITRE 1. L ’INTERROGATION

1.1.Generalites – phrase vs. enonce. Types des phrases
La syntaxe (< gr. syn ou sun «ensemble, avec» et taxis «ordre, arrangement») est la
discipline linguistique qui étudie l’agencement des mots en unités supérieures, les r elations
qui existent entre les mots ou les groupes de mots, ainsi que l’ordre des mots et les règles q ui
président à la formation des phrases.
Les linguis tes font la distinction entre phrase et énoncé. Si les deux concepts désignent
une suite de termes reliés par des règles syntaxiques, logiques et sémanti ques, ils ne sont pas
synonymes pour autant: la phrase est une unité abstraite, tandis que l’énoncé représente
l’actualisation de la phrase dans une situation de communication bien déterminée (le locuteur
A parle à l’interlocuteur B au moment M et à l’endroit E).
Selon la terminologie de Ducrot, la phrase a une signification , tandis que l’énonc é a un
sens. Quelle serait la différence entre ces deux termes qu ’on emploie généralement l’un à la
place de l’autre? Les spécialistes de pragmatique soutiennent que la signification de la phrase
est constante parce qu’il s’agit d’une abstraction linguisti que, tandis que l’én oncé aurait des
sens différents en fonction des paramètres variables de la situation d’énonciation. En effet, le
décodage des pronoms je, tu et des adverbes ici, maintenant, hier, demain etc. dépend de la
situation d’énonciation.
Des phrases comme les suivantes :
Je passerai te voir demain.
Hier, j’ai vendu ma voiture.
Mon père a été élu directeur la semaine passée.
Mon pays a été sanctionné par l’Union européenne.
seront interprétées différemment chaque fois que le loc uteur, l’interlocuteur et le moment de
l’énonciation changent.
Il existe plusieurs critères en fonction desquels on peut classifier les phrases. Par
exemple, si l’on prend en considération le nombre de constituants, on peut diviser les phrases
en phrases à deux termes (sujet et prédicat: Le chien aboie ) ou bien phrase s à un terme : Parle
! Tiens ! Formidable ! Chut !
Si l’on prend comme critère la présence du verbe dans la phrase, alors on peut avoir:

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– des phrases verbales . Dans ce cas, le verbe est conjugué à un mode personnel: Nous
prendrons le train ou bi en il est à l’infinitif: Quoi faire ?
– des phrases non -verbales , construites sans le verbe principal, par exemple dans les
titres de journaux:
«R.P.R. Candidat: [anonimizat]” (Le Point n° 1410), les slogans publicitaires (ils
abondent en structures nomina les, d’habitude pleines de superlatifs : Votre meilleur
shampooing, etc.), les exclamations: Quel tapage ! , etc.
Si l’on se rapporte à d’autres critères corroborés, comme l’intonation et le but dans
lequel on prononce la phrase (pour informer, pour poser des questions, pour ordonner ou pour
exprimer ses sentiments), l’on peut faire une taxinomie différente des types de phrase:
a) La phrase déclarative sert à informer. Elle représente le type de base par rapport
auquel on décrit les autres types. Ex emples: Marie a remporté le IIIe prix . La semaine
passée il a fait très froid à la montagne. Les phrases déclaratives peuvent être
paraphrasées par Je te dis que …, mais dans l’usage courant cette structure
d’explicitation est normalement effacée ; elle n’apparaît qu’exceptionnellement si l’on
veut insister sur le contenu de la phrase ou bien si l’on veut faire comprendre à
l’interlocuteur que l’information qu’on lui donne est péremptoire.
b) La phrase interrogative sert à poser des questions. Ce type de phr ase peut être
paraphrasé par Je te pose la question si… Quelques exemples: Est-ce que tu pars ce
soir ? Connaissez – vous cet écrivain ?
c) La phrase impérative ou injonctive sert à donner un ordre: Viens ! Attendez ! Ne dis
pas cela ! Ces phrases peuvent êt re paraphrasées par un verbe à caractère injonctif
comme ordonner.
d) La phrase exclamative sert à exprimer un sentiment, à manifester une émotion
ressentie. Dans ce cas, la présence d’un interlocuteur n’est plus obligatoire. Qu’est -ce
qu’elle m’énerve, cette femme ! Vivre aux dépens des autres ! Quelle barbe ! (fam).
Ces phrases peuvent être paraphrasées à l’aide de verbes de sentiment: J’exprime mon
indignation à ce sujet …: Cette situation me dérange .
L’intonation peut être ascendante (dans le cas des phrases interrogatives) ou
descendante, dans le cas des phrases déclaratives et impératives.

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En faisant appel à d’autres critères, de nature formelle, syntaxique, on peut ajouter
d’autres types de phrases: négative, passive, emphatique . Dans ce qui suit, nous présenterons
en détail tous ces types de phrases.

1.2.L’interrogation directe
C’est le type de phrase qui permet de poser des questions: Est-ce que tu as répondu à
Michel ? / Serai -je capable de mener ce projet à bonne fin ? Les interrogations peuvent être
affirmatives (Est-ce qu’ils viendront avec nous ?) ou négatives (Ne viendront -ils pas avec
nous ?). L’interrogation peut être directe ou indirecte.
L’interrogation directe peut être totale ou partielle.
L’interrogation totale porte sur l’ensemble de la phrase ; l’on peut y répondre par oui
ou par non. Parlez -vous frança is ?/ Oui, je parle français. / Non, je ne parle pas français.
L’interrogation totale a une intonation montante. Il existe trois pos sibilités de construction de
ce type d’interrogation, en fonction du registre de langue:
a) l’inversion : Aimez -vous la musique classique ? / Tes parents savent -ils ce qui t’est
arrivé ? (registre soutenu)
b) l’interrogation à l’aide de la formule interrogative est-ce que : Est-ce que vous aimez
la musique classique ? (registre courant ou standard). Dans ce cas, il y a deux éléments
qui confèrent sa spécificité à la phrase interrogative, à savoir la structure est-ce que
ajoutée en tête de phrase et l’intonation (o u son correspondant à l’écrit, à savoir le
point d’interrogation).
c) ordre sujet + prédicat avec intonation ascendante: Vous aimez la musique classique ?
(registre familier). Le rôle de l’intonation est dans ce cas décisif, la courbe mélodique
spécifique éta nt le seul élément qui distingue (à l’oral) la phrase interrogative de la
phrase déclarative correspondante Vous aimez la musique classique .
Remarques :
Tous les verbes ne tolèrent pas l’inversion du sujet avec le prédicat à la premi ère
personne de l’indicatif présent, etc. C’est pourquoi certains verbes ont des formes spéciales
pour cet emploi: pouvoir
→ puis -je ? (et non *peux -je): Que puis -je pour vous? / Qu'y puis -je?
„- Puis-je vous être de quelque secours ? demanda Angélo.” (J. Giono, Le bonheur
fou).

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A la troisième personne du singulier ( il, elle, on ), le verbe qui se termine par –e ou –a
(aux temps simples ainsi qu’aux temps composés) devra recevoir un t euphonique pour
faciliter la prononciation:
Prendra -t-elle par t à la réunion ? Parle -t-il de ses chagrins ?
Fera -t-on cette opération difficile ?
A-t-elle obtenu le poste de secrétaire ? Aura -t-il accepté tout cela ?
L’interrogation partielle . Il s’agit d’une interrogation qui porte sur une partie de la
phrase, la réponse attendue devant donc apporter des éclaircissements sur la partie en question
(sujet, complément d’objet direct ou indirect, circonstanciels, attribut). La réponse sera un
groupe nominal ou prépositionnel:
Sujet: Qui est là ? / C’est moi. / C’est Monique .
Objet direct: Qu’est -ce que tu manges ? / Une orange / du fromage / des cerises.
Objet indirect second: A qui as -tu donné la clé ? / Je l’ai donnée à ma soeur.
Complément circonstanciel de lieu: Où mettras -tu cette armoire ? / Dans le sa lon.
Complément circonstanciel de temps: Quand es -tu rentrée ? / Il y a une heure.
Complément circonstanciel de cause: Pourquoi as -tu jeté cette facture ? / Par
mégarde .
L’interrogation commence par des pronoms ou adverbes interrogatifs: qui, que, quoi,
lequel (variable en genre et en nombre), où, quand, comment, pourquoi, combien . Son
intonation est descendante.
L’interrogation partielle se réalise par différents moyens syntaxi ques et/ ou
prosodiques:
a) Dans le registre soutenu, l’inversion du sujet est de mise (exception faite du pronom
qui): Où vas – tu ? Qui t’a dit cela ? Il faut aussi remarquer que si le sujet est exprimé
par un nom propre ou un groupe du nom (déterminant + nom), le sujet est repris par un
pronom personnel:
Où Roger va -t-il ? Où cet homme va -t-il ?
b) Dans le registre courant, par un pronom ou adverbe interrogatif en tête de phrase suivi
par la formule interrogative est-ce que (le sujet précédant le prédicat):
Pourquoi est -ce que tu as jeté tous ces journaux ?
Qui est -ce qui t’a donné raison ?

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Quand est -ce que vous nous rendrez visite ? Comment est -ce qu’il a fait pour
vous convaincre ?
Dans tous ces cas, l’intonation est descendante.
c) Dans le registre familier, par le terme interrogatif en tête de phrase suivi par le sujet et
le prédicat: Où tu vas ? Dans la langue très familière, par l’intonation seule et par des
pronoms ou adverbes interrogatifs placés en position finale:
Tu vas où ?
Tu fais quoi ?
Tu reviendras quand ?
Remarques:
Aux pronoms interrogatifs simples correspondent des formes renforcées:
– qui est -ce qui: sujet [+animé]: Qui est -ce qui me cherche ?
– qu’est -ce qui: sujet [ -animé]: Qu’est -ce qui se passe ?
– qui est -ce que: objet direct [+animé]: Qui est -ce que vous avez vu ?
– qu’est -ce que: objet direct [ -animé]: Qu’est -ce que tu racontes là ?
Les formes renforcées ne demandent pas l’inversion du sujet.
La phrase peut être aussi elliptique, le verbe étant sous -entendu:
Quoi de neuf ? A quoi bon ?
Quoi de plus reposant qu’un bon livre ?
Le terme interrogatif qui ne porte pas seulement sur le sujet, mais aussi sur l’objet
direct ayant le trait [+animé]:
Qui as -tu vu au spectacle?
Qui avez -vous blessé par ces remarques désobligeantes?
Qui peut être précédé de prépositions: à qui, de qui, chez qui, avec qui, sur qui . Les
formes renforcées correspondantes sont: à qui est -ce que, avec qui est -ce que, etc.
Si l’interrogation partielle porte sur le sujet, il existe différentes f ormules: qui, qui est –
ce qui, qu’est -ce qui, quel + N, lequel + N, combien + de + N , celles -ci restant antéposées:
Qui veut répondre ?
Qui est -ce qui veut répondre ? Qu’est -ce qui se passe ?
Quelle revue t’intéresse le plus ?
Combien de patients ont attrap é cette maladie à l’hôpital ?

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Le pronom quoi est très fréquemment accompagné par une préposition: à quoi, de
quoi, avec quoi, sur quoi:
A quoi penses -tu ? De quoi s’agit -il ?
Avec quoi as -tu fait ce dessin ? Sur quoi s’appuie -t-il ?

1.3.L’interrogation indirecte
Il s’agit d’un type d’interrogation emboîtée dans une phrase qui commence par un
verbe comme demander, vouloir savoir, ignorer, se demander , etc.: Je te demande si tu as
rendu le livre à ton voisin . Comme on peut l’obs erver, il y a des éléments qui disparaissent:
l’intonation montante (ou le point d’interrogation, à l’écrit) ainsi que l’inversion du sujet avec
le prédicat.
Remarques:
Dans l’interrogation indirecte, l’ordre est: sujet + prédicat:
J’ignore si elle est au courant de cette affaire .
Si l’interrogation indirecte porte sur l’énoncé dans son entier, la question sera
introduite par l’adverbe si. Dans ce cas, on est autorisé à utiliser le futur ou le conditionnel
présent après si parce qu’il ne s’agit pas du si conditionnel:
Je veux savoir si tu viendras demain à la réunion.
Si l’interrogation indirecte porte sur une partie de l’énoncé, la question sera introduite
en français soutenu par le terme interrogatif, le suje t précédant le prédicat:
Dites -moi quand vous pensez nous rendre cet argent .
Pourtant, dans les autres registres de langue, on constate des déviations par rapport à la
norme standard. Par exemple, dans le registre familier on entend des productions verbales
comme:
Je te demande quand est -ce que tu me rendras l’argent .
Il faut faire attention aux transformations qui apparaissent dans le passage de
l’interrogation directe à l’interrogation indirecte. Outre le fait que le sujet r eprend sa place
normale devant le prédicat, il faut observer que les formules interrogatives disparaissent elles
aussi, étant remplacées par les structures suivantes:
– que → ce que
– qu’est -ce que → ce que qu’est -ce qui → ce qui

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Je me demande, chers amis, ce que vous pourriez lui dire dans une telle situation ! Je
ne sais pas ce qui a pu le déranger à tel point.
Dans d’autres cas, il n’y a pas de remplacement, le seul changement étant représenté
par la disparition de l’inversion du sujet. Dans le ta bleau suivant, on peut trouver les cas
représentatifs pour la transformation d’une interrogative directe en interrogative indirecte.
Interrogation directe Interrogation indirecte
Que faites -vous dans ma chambre ? Dites -moi ce que vous faites dans ma chambre.
Qu’est -ce qui se passe ici ? Je voudrais savoir ce qui se passe ici.
Qu’est -ce que tu fais ici ? Dis-moi ce que tu fais ici.
A quoi pense -t-elle ? Je me demande à quoi elle pense.
Comment vas -tu ? Dis-moi comment tu vas.
Où allez -vous ? Je veux savoir où vous allez.

Pour faire le point, l ’interrogation directe diffère de l’interrogation indirecte à
plusieurs égards:
Interrogation directe Interrogation indirecte
Postposition du sujet ou
Présence de la formule interrogative est-ce que /
présence d’un terme interrogatif représentant le
sujet Le sujet précède le prédicat.
Structure intonative spéciale (à l’oral) Intonation descendante
Point d’interrogation (à l’écrit) Pas de point d’interrogation à l’écrit
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – Présence d’un verbe
introduit
l’interrogation. qui annonce et
Le tableau suivant indique les marques de l’interrogation en fonction du registre de
langue:
Langue soutenue Langue courante Langue familière
Inversion de sujet Est-ce que Intonation interrogative
Vas-tu au marché?
Marie va -t-elle au marché
? Est-ce que tu vas au marché
? Est -ce que Marie va au
marché ? Tu vas au marché ? Marie va
au marché ?
Adj.
interr. Quelle ville as -tu visitée ? Quelle ville est -ce que tu as
visitée ? Tu as visité quelle ville ?
Pron.
Interr. Qui est à l’appareil ?
Que fait -il ?
A quoi songe -t-elle ?
Laquelle prendras -tu ? Qui est -ce qui est à
l’appareil ?
Qu’est -ce qu’il fait ?
A quoi est -ce qu’elle songe Qui c’est ? Il fait quoi ?
Elle songe à quoi ?
Tu prendras laquelle ?

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?
Laquelle est-ce que tu
prendras ?
Adv.
interr. Où s’entraîne -t-il?
Quand arrivera -t-il?
Comment va-t-elle?
Combien en achèterez –
vous ? Pourquoi pleures –
tu? Où est -ce qu ’il s’entraîne ?
Quand est-ce qu’il arrivera
? Comment est -ce qu’elle
va ? Combien est -ce que
vous en achèterez?
Pourquoi est -ce que tu
pleures ? Il s’entraîne où?
Il arrivera quand ? Elle va
comment ?
Vous en achèterez combien ?
Pourquoi tu pleures ?

1.4. L’ analyse linguistique de la question
Définie comme un appel d’information, la question n’est pourtant pas nécessairement
liée à la forme interrogative, tout comme la forme interrogative n’est pas nécessairement un
appel d`information. C’est à partir de ces constatations que l’on a abouti à la distinction entre
la question – question formulée en situation standard, qui attend toujours une réponse et la
question porteuse d’autres intentions communicatives et formulée da ns des situations non
standard.
La première se caractérise par le fait que le questionneur demande au répondant une
information destinée à évincer ou a diminuer son ignorance.
«L’information peut se définir comme ce qui supprime ou réduit l’incertitude»
(Attneave , apud . Newcombe , Turner & Converse, 1970, p.227)
L’incertitude renvoie au nombre de possibilités contenues dans le message.
La question relevant du second type est soit une question rhétorique qui affirme ou nie
avec vigueur :
Est-ce ma faute s’il est parti sans laisser d’adresse? (négation forte)
Ne t’avais -je pas averti? (affirmation forte)
soit une question d’examen portant sur un modal épistémique, le savoir du questionné, la
répon se étant connue du questionneur :
L’échange de messages qui vise à une redistribution de l’information peut s’effectuer
suivant deux vecteurs:
– en situation standar d du répondant au questionneur = appel d’information = question
question
– du questionneur à l’interlocuteur = question assertion ou rhétorique

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La question d’examen ne vise pas à une redistribution d’information mais à une
vérification de l`information déten ue par le questionné.
Dans tous les cas cités ci-dessus, le questionneur agit comme si lui et le questionné
devraient disposer d’informations identiques après l’échange du message.
Quant à la quantité de l’information transmise ou vérifiée, elle peut être considérée
comme satisfaisante, comme insatisfaisante ou comme superflue dans le cas de la réponse
hyperinformative. Le dialogue suivant peut être un exemple pour le derni er cas:
– Une chambre.
– Pour combien de temps ?
– Jusqu’à ce que je trouve du travail. Je suis chauffeur. Chauffeur de maître.
J’arrive de province dans l’intention de conquérir Paris.
(Malet)
Une analyse en termes informationnels conduit à la conclusion que toutes les
questions visent ou fournissent une information, que cette information soit connue ou
inconnue du questionneur. Une pareille approche laisse relativement peu de place aux
question s qui ne visent pas le nivellement de l’information, telles que par exemple les
questions émotionnelles, phatiques, en général, les questions qui n’attendent pas une réponse
verbale.
La question directe totale porte sur toute la phrase, que celle -ci soit canonique,
organisée (a) ou inorganisée, elliptique(b) :
(a) – Tu n’as pas envie de venir faire un tour vers la Bastille?
– Non. Je vais dormir un moment.
(de Beauvoir)
(b) – Beaucoup de travail?
– Non, c’est calme.
(Simenon)
La question totale implique une réponse catégorique de type OUI/NON ou une
réponse évasive de type PEUT -ÊTRE . Cette réponse peut être réalisée par :
des adverbes d’affirmation ou de négation :
– Et tu trouves que c’est important une famille?
– Oui, très important.
(Daninos)

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– Il n’a fait allusion à personne ?
– Non. Je ne l’avais jamais connu aussi mystérieux.
(Simenon)
– Vous croyez que je suis responsable de la mort de mon mari?
– Mais pas du tout, chère Madame.
(Boileau -Narcejac)
L’adverbe si, souvent introduit par mais, s’emploie comme réponse affirmative
opposit ionnelle si l’interrogative est négative :
– Tu n’es pas encore prêt?
– Si, ça y est, j’arrive.
(in Dubois et al. )
un adverbe modal de sens positif (a) ou négatif (b) :
(a) – Est-ce que tu expliquerais vraiment tout ?
– Naturellement. Tout.
(Boileau -Narcejac)
(b) – Cela vous déplaît -il ?
– Nullement.
(in P. Robert)
Quant à l’adverbe peut-être, s’il est employé en réponse, il semble avoir toujours une
valeur positive. À preuve qu’il ne peut pas se combiner avec l’adverbe non (Nolke , 1993 , p.
151) :
-Tu viendras demain ?
– Oui, peut-être.
– *Non, peut-être.
– Vous l’avez entendu parler de moi ?
– Peut-être. Je n’ai pas fait attention. Je suis un peu dur d’oreille.
(Simenon)
Il existe un grand nombre de réponses dont le sens positif ou négatif est accessible par
inférence:
– La population est pauvre ?
– Très à l’aise, au contraire.
(Romains)

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– Vous vous souvenez de la question que je vous ai posée ?
– Vous l’avez répétée assez de fois.
(Simenon)
– Vous connaissez Porquerolles ?
– Je n’y ai jamais mis les pieds. Je connais mal le Midi.
(Simenon)
La question totale est signalée par trois types de marqueurs qui ne sont pas toujours
interchangeables:
– l’intonation seule, à montée finale (phrase à ordre assertif); l’inversion clitique et
complexe;
– la périphrase préfixale est-ce que.
L’intonation seule, à montée finale, est un procédé très fréquent dans le code oral,
tandis que la langue écrite, qui le connaît aussi, ne le favorise pas, étant privée du support
prosodique et gestuel. C’est même la seule possibilité dans de nombreux cas où l’inversion est
exclue :
– l’inversion clitique n’est pas heureuse pour des raisons euphoniques à la première
personne des verbes de la troisième conjugaison: prends -je, tends -je, mens -je, cours -je,
me corrigé -je, etc.
– en français, il est impossible d’interroger au mo yen de la seule postposition du sujet
nominal : Vient ton père?
Dans les cas suivants, l’interrogation mélodique, si ce n’est pas le seul moyen
possible, il est de loin le plus répandu:
– avec le pronom ça la postposition est exclue
Et là, ça te fait ma l?
(du Gard)
Si ça finirait vraiment par une guerre?
(de Beauvoir)
– avec des verbes d’expérience subjective, l’interrogation mélodique semble le moyen
usuel:
Tu as faim ?
Tu te sens mal ? Tu es malade ?
Tu as mal à la tête ? J’ai l’air fatigué ?

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– dans une question pour laquelle on attend une réponse positive c’est également le
procédé le plus répandu: Alors, on y va?
– pour formuler une question qui est en fait une constatation marquant une surprise : Tu
as changé de coiffure ? Tu es encore là?
– dans des questions écho:
– Tu as rencontré Pierre?
– Si j’ai rencontré Pierre?
– dans des questions orientées (appel de confirmation ou d’infirmation)
C’est beau, non?
Tu n’es pas malade,au moins?
– dans les présentations : Vous connaissez ma femme?
– dans les inférences tirées par l’allocutaire :
– Je refuse de partager la chambre de ce type.
– Ah, il ronfle?
(* Ah, ronfle -t-il?)
(apud L.Tasmowski )
Le contour intonatoire comme seule marque de l’interrogation est caractéristique des
questions qui ne demandent pas de réponse, ce sont plutôt des assertions, à preuve l’ordre
sujet -verbe. La montée intonatoire est moins marquée, relevant d’une prosodie intermédiaire.
Ce caractère quasi -assertif a été signalée par plusieurs auteurs.
«C’est plus une constatation qu’un appel d’information» ( Moignet , 1966 , p.58)
«Ce sont des assertions “mâtinées” de question qui se présentent comme des
interrogations mais do nt le contenu est néanmoins partiellement asserté» ( Rémi-Giraud , 1991 ,
p.91).
L’inversion clitique renverse l’ordre sujet +verbe tensé qui devient verbe tensé + sujet
clitique. Cette structure comporte un pronom atone de conjugaison autre que celui de la
première personne si le verbe se trouve à l’indicatif présent:
Peut-on croire à sa joie?
(Montherlant)
Pensez -vous que ça vaille la peine de tout recommencer? Pensez -vous que
j’arriverai à quelque chose?
(de Beauvoir)

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Devrais -je aller la v oir?
(de Beauvoir)
Lorsque la forme verbale de la troisième personne du singulier se termine par une
voyelle, on évite l’hiatus par l’insertion d’un –t- euphonique:
A-t-il la fièvre?
(du Gard)
L’inversion complexe consiste en une reprise du sujet nominal (substantif, possessif,
démonstratif, indéfini) par un pronom autre que ce, on:
Au fait, votre fils ne fumait -il pas la pipe?
(Simenon)
Ce petit imbécile a-t-il été piqué?
(Bazin)
Le mien sera -t-il nécessaire? Cela peut -il se demander?
Celle -ci sera -t-elle utile? Rien n’a -t-il été abîmé? Quelqu’un viendra -t-il?
Même avec un sujet nominal, l’inversion complexe n’est pas obligatoire et, en langue
standard, on retrouve dans ce cas l’in terrogation mélodique:
Vos parents ne partent pas?
(de Beauvoir)
Vous êtes de mon avis?
(Sarraute)
La formule périphrastique n’admet pas toutes les formes temporelles et peut recevoir
des interprétations différentes en fonction du temps employé. Avec l’imparfait et le
conditionnel, le sens est uniquement causal:
Était -ce qu’il avait peur?
Serait -ce qu’il a / qu’il aurait peur?
Si l’on veut exprimer une interrogation non causale à propos d’un événement passé,
on se sert du présent de la formule :
Est-ce qu’il avait peur?
La périphrase au futur ne peut s’employer que dans une proposition temporelle ou
conditionnelle
Quand il agite ra son mouchoir, sera -ce que le match est fini?
(in N.Flaux et A.M.Dessaux)

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S’il agite son mouchoir, sera -ce que notre équipe a perdu ?
(Ibid.)
Dans les formes clivées, l’intonation est soit une simple marque d’interrogation (a),
soit elle est porteuse de sens, marquant le segment topicalisé :
(a) Est-ce la vendeuse que j’aime? “cette vendeuse est celle que j’aime?“
(b) Est-ce la vendeuse que j’aime? “est -ce la vendeuse ou une autre que j’aime ?“
Dans une interrogation partielle on a le plus souvent un cumul de procédés
interrogatifs:
– intonation ascendante avec une attaque élevée, le sommet de hauteur étan t atteint sur le
mot interrogatif; elle est en partie descendante;
– mot introducteur interrogatif symbolisé par QU (adjectif, pronom, adverbe) déterminé
par l’incidence interrogative;
– inversion simple ou complexe;
– périphrase interrogative inversée ou désinversée.
Pour formuler une question portant sur le complément d’objet direct perso nne, on
utilise le même pronom que pour le sujet, qui :
Qui voyait -elle?
(de Beauvoir)
Qui devais -je préférer?
(Ibid.)
L’inversion complexe dans le cas d’un sujet réalisé par un nominal est obligatoire, car
dans le cas de l’inversion simple la phrase est a mbiguë quant à l’élément sur lequel on
interroge:
Qui a vexé Pierre? (question ambiguë)
Qui Pierre a -t-il vexé? (question portant sur l’objet direct personne)
Qui cela choque -t-il vraiment?
(Sarraute)
La périphrase interrogative utilisée dans les questions portant sur l’objet direct se
présente sous sa forme inversée (a) ou désinversée (b):
(a) Qui est -ce que tu as invité?
(b) Qui c’est que tu as invité?
La langue familière se sert souvent du rejet en fin de phrase de l’élément interrogatif:

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Tu as invité qui?
Le français utilise le mê me élément qui dans la question portant sur le prédicat
nominal à référent personne :
Qui êtes -vous?
Je le sais bien, parbleu, que ce n’est pas toi. Mais qui est -ce?
(Simenon)
En langue familière, il n’y a pas d’inversion du sujet grammatical.
Qui c’est la bonne femme?
(Calef)
Dans ce cas, il y a accord entre le prédicat nominal nom de personne et le verbe copule :
Qui sont ces messieurs?
(Simenon)
Qui interrogatif portant sur un prédicat nominal se réfère plutôt à l’identité, tandis que
pour interroger sur la qualité on se sert de l’adjectif quel (et var.):
Qui est cette femme? / Quelle est cette femme?
Dans la langue courante, cette distinction est en train de s’effacer.
La question portant sur le prédicat nominal nom de chose est introduite par les
interr ogatifs que et qu’est-ce que c’est (que) :
Que sont -ils devenus? Qu’est -ce que cette bête -là?
(Bazin)
Pour le prédicat nominal qui exprime le rang, on se sert de l’interrogatif le (la)
combientième, caractéristique de la langue familière et considéré comme fautif par la
grammaire normative, ou de l’interrogatif le (la) quantième :
Il est le combientième en classe?
Pour les énoncés à sujet neutre il, une double possibilité se présente, suivant que l’on
interroge sur le sujet logique (a) ou sur le sujet logique qui formellement occupe la position
d’objet direct (b):
(a) Qu’est -ce qui se passe?
(b) Qu’est -il arrivé?
Pour les objets directs non personne on utilise soit l’élément interrogatif que, soit son
correspondant disjoint quoi, surtout en postposition:
Que m’avez -vous fait absorber là? Qu’est -ce que ça contient?

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(Sarraute)
Que voulez -vous?
Vous voulez quoi? (fam.)
– S’il lui faut un coupable, j’avouerai.
– Tu avoueras quoi?
(Boileau -Narcejac)
Que peut être renforcé par la périphrase: qu’est -ce que:
Qu’est -ce que vous en pensez, commissaire?
(Simenon)
L’interrogatif lequel (et var.) s’emploie pour l’objet personne ou non personne
indifféremment, dans les mêmes conditions que pour le sujet:
– référent masculin ou féminin singulier ou pluriel ,
– antéposé ou postposé à l’élément sur lequel on interroge .
Dans la langue littéraire, le cumul de marques est obligatoire:
– inversion simple pour le sujet clitique:
Lequel de ces deux livres préférez -vous? De ces deux livres, lequel préférez -vous?
– inversion complexe pour le sujet nominal:
Lequel de ces deux livres Marie préfère -t-elle?
– renforcement par périphrase:
De ces deux livres lequel est -ce que vous préférez?
Le pronom lequel peut être rejeté en fin de phrase :
De ces deux livres tu préfères lequel?
La langue familière emp loie également lequel en fonction de partitif (suivi de de) là où
la langue standard utilise quel :
Laquelle de robes tu choisis? Tu choisis quelle robe?

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