Pour ce travail dinitiation à la recherche dans le champ professionnel, il y avait deux sujets que [614831]
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Introduction
Pour ce travail d’initiation à la recherche dans le champ professionnel, il y avait deux sujets que
j’avais envie d’explorer. Le premier concerne : la peur du handicap chez les personnes victimes
d’accident vasculaire cérébral et le rôle d’accompagnement de l’ASS vers l’acceptation de ce
handicap. Cette peur du handicap, je l’ai observé en stage de première année au centre de
rééducation et de réadaptation fonctionnelle et cardiaque. Aussi, je l’ai choisi comme thème pour la
problématique sociale. Le deuxième sujet concerne la précarité et l’isolement de certaines personnes
bénéficiaires du RSA constatés lors de mon stage de deuxième année au Conseil Départemental.
Mon choix pour le mémoire s’est porté sur les personnes bénéfic iaires du RSA.
Lors de mon stage de deuxième année en polyvalence de secteur, la situat ion de précarité et
d’isolement dans laquelle se trouvaient certaines personnes bénéficiai res du RSA m’a beaucoup
interpelé e. Aussi j’ai souhaité réfléchir sur ces deux notions.
La précarité est définie en 1987 dans le rapport du Père Joseph WRESINKSI comme « l'absence
d'une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et familles
d'assumer leurs obligations professionnelles, familial es et sociales, et de jouir de leurs droits
fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences
plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs
domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle compromet les chances de réassumer
ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi -même, dans un avenir prévisible1».
Quant à l’isolement , la Fondation de France2 dans son étude du baromètre : ‘‘ Les solit udes en
France 2016 ’’ le définit de la sorte : « sont considérées comme isolées objectivement les personnes
ne rencontrant jamais physiquement les membres de tous leurs réseaux de sociabilité (famille, amis,
voisins, collègues de travail ou a ctivité associative) ou ayant uniquement des contacts très
épisodiques avec ces différents réseaux : quelquefois dans l’année ou moins souvent3 ».
Ces deux notions m’ont amenée à me questionner sur les raisons qui pouvaient conduire les
personnes dans ce tte situation. De même, je me suis interrogée sur le dispositif, son objectif, et
l’intérêt de l’accompagnement socioprofessionnel pour les personnes bénéficiaires du RSA.
1 http://www.joseph -wresinski.org/wp -content/uploads/sites/2/2016/07/Rapport -WRESINSKI.pdf consulté le
29/10/ 17
2http://www.cnle.g ouv.fr/La -Fondation -de-France -observe -une.html,
3 https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/les_solitudes_en_france_2016_ -_synthese.pdf
2
Les politiques sociales, notamment la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre
les exclusions, ont pour objectif « un traitement des exclusions et l’accès aux droits fondamentaux
des personnes les plus fragilisées par les mutations de la société4 ». Le dispositif RSA vient
s’inscrire dans ce cadre et ce, d epuis le 1er juin 2009 , remplaçant ainsi le Revenu Minimum
d’Insertion (RMI), l’All ocation de Parent Isolé (API) et les mécanismes d’intéressement. C’ est un
dispositif en deux parties qui allie les politiques sociales d’assistance (solidarité) et de celle de
l’emplo i (activation). De ce fait, il garanti t aux personnes un revenu minimum si leurs ressources
sont faibles et permet de bénéficier d’un accompagnement social, professionnel ou
socioprofessionnel vers l’accès à l’emploi sur la base d’une contractualisation .
Lors d’entretiens en vue d’une contractualisation avec l’Assistant de Service Social référent
insertion5(ASS), j’ai constaté que la plupart des personnes rencontraient beaucoup de freins à
l’insertion sociale et socioprofessionnelle : rupture des liens fam iliaux qui les ont conduits à
déménager dans un département où elles ne connaissent personne, baisse de revenus liée à la perte
d’emploi qui a engendré des difficultés financières. Ces dernières ont entraîné divers impayés en
particulier le loyer. De même, les personnes pouvaient se trouver en situation de surendettement ou
n’avaient pas de logement. D’autres étaient logés au Centre d’Hébergement et de Réinsertion
Sociale (CHRS) mais appréhendaient de se retrouver à la rue si elles n’arrivaient pas à accéde r à un
logement. Je me souviens d’un quinquagénaire qui avait d’importants problèmes de santé, de
surcroit il était expulsé de son logement. Il dormait dans le garage de son ancien voisin ou sur les
marches de son immeuble. Il était accompagné par l’ASS ré férent insertion depuis deux ans, il ne
prenait pas en considération ses recommandations quant à son état de santé. Pour lui, le plus
important était de trouver de quoi se nourrir et se loger. Il a fallu plusieurs entretiens avec l’ASS
référent insertion a vant qu’il accepte de rencontrer un médecin de l’hôpital grâce à la Permanence
d’Accès aux Soins de Santé6,(PASS). Malgré ses revenus de RSA, il n’arrivait pas à accéder à un
logement, il était très isolé et ne souhaitait voir personne. Lors des entretiens avec l’ASS, il refusait
de parler dans un premier temps et lorsqu' il évoquait sa situation, il verbalisait son mal – être « ça
fait des années que je suis seul, je n’ai pas envie de parler aux autres, de toute façon personne ne
veut me parle r, je préfère rester seul ».
4http://www.cnle.gouv.fr/Loi -d-orientation -du-29-juillet.html consulté le 06/06/17
5Certains d épartements ont fait le choix comme c’est le cas du département où j’ai effectué mon stage, d’avoir des
ASS spécialisés dans l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, ce sont les ASS référents insertion.
6Politiques sociales et logiques partenariales, May enne, Vuibert 2016, p 177, 178 « dans la lutte contre les exclusions
et l’insertion par la santé, la loi contre les exclusions du 29 Juillet 1998 complété par la loi du 9 Août 2004 relative à la
santé publique prévoit que les hôpitaux mettent en place de s PASS destinées aux personnes sans couverture sociale »
3
Cela m’a amené à réfléchir aux notions d’isolement et de souffrance psychologique que peut
engendrer la précarité et à m’interroger sur un e existence de lien entre la précarité et l’isolement.
Certaines de ces personnes regrett aient leur vie antérieure où elles avaient un emploi, une situation
stable, où “elles ne se sentaient pas différentes des personnes qui ont un travail à durée
indéterminée’’. D’autres évoquaient un sentiment d’injustice, à cause d’un licenciement, d’un
accident de travail, des problèmes de santé ; elles se retrouvaient à demander des aides dont elles
auraient préféré ne pas avoir besoin et devoir contractualiser.
Ces différentes rencontres m’ont amené à me questionner sur la notion de contrat et
d’accompagn ement dans le travail social notamment dans l’accompagnement socioprofessionnel
des personnes bénéficiaires du RSA.
Afin de répondre aux difficultés liées à la pauvreté et l’exclusion, les politiques sociales ont mis en
place des dispositifs afin de perme ttre l’accès aux droits et l’exercice de la citoyenneté. Ceci dans
le but de garantir le respect de la dignité humaine et de la cohésion sociale. Cependant ces mesures
ne concernent qu’une catégorie de personnes, dans le cadre du RSA, ce sont les personnes avec un
revenu inférieur à un montant forfaitaire. De fait ces dernières peuvent se sentir disqualifiées. En ce
sens le dispositif RSA peut être perçu comme stigmatisant par les personnes qui en bénéficient .
L’objectif du RSA est de lutter contre la pauvr eté par l’incitation au travail. Cependant ne risque – t-
il pas de différencier ce que Serge Paugam appelle « les méritants et les non -méritants7 » autrement
dit entre « les bons ou les mauvais pauvres » . Aussi il me parait important de comprendre ce rapport
au travail dans le dispositif du RSA. De ce fait en tant que future ASS, je souhaiterais mieux
appréhender :
– ce que vivent les personnes en situation de précarité et d’isolement
– les moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics afin de favoriser leur inclusion dans la société
– les enjeu x du dispositif du RSA, l’intérêt pour les personnes et la place de l’ASS dans
l’accompagnement socioprofessionnel.
Cet accompagnement permet – il aux personnes d’être actrices de leur propre développement et
d’avo ir les moyens nécessaires pour sortir de leur situation de précarité et d’isolement et de retrouver
leur autonomie ? Ce travail de recherche dans la compréhension des bénéficiaires du RSA
m’intéresse dans la mesure où il va me permettre une meilleure appré hension des notions de
précarité et d’isolement, du dispositif RSA et de l’accompagnement socioprofessionnel. Ce travail
7 La régulation des pauvres, Serge Paugam, Nicolas Duvoux, Paris, PUF, coll, « Quadrige »,1er édition, 2008 ; 2e
édition 2013 ; 2e tirage 2016, p. 106
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me permettra également de mettre en pratique la méthodologie d’initiation à la recherche dans le
champ professionnel.
Toutes ces inter rogations ont fait émerger cette question de départ :
Comment expliquer que certains bénéficiaires du RSA restent en situation de précarité et
d’isolement malgré l’existence d’un dispositif d’accompagnement socioprofessionnel ?
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Méthodologie de la recherche
Recherches théoriques
Dans le but d’apporter des éléments de réponse à ma question de départ, j’ai effectué des recherches
théoriques dans différents champs : sociologique, historique, philosophique, psychologique,
enquêtes, s tatistiques, politiques sociales. Dans mes recherches, je me suis appuyée sur deux
sociologues en particulier : Serge PAUGAM et Robert CASTEL. Par rapport à mon sujet de
recherche, je me suis sentie plus proche de la manière dont ces auteurs évoquent le co ncept de
précarité mais également la notion d’isolement au sens de disqualification sociale pour SERGE
PAUGAM et de désaffiliation pour ROBERT CASTEL. De même leur analyse quant aux réponses
apportées par l’Etat pour lutter contre la pauvreté et l’exclusio n par des mesures telles que le RMI
et le RSA a suscité mon intérêt et m’a amené à aborder la question de l’accompagnement dans le
travail social. Toutefois, le dispositif RSA m’a paru complexe au début de mes recherches, j’ai dû
prendre contact avec une A SS référent insertion afin de m’expliquer en quoi consiste la mesure. De
fait, cette recherche m’a permis d’apprécier, l’importance de l’accompagnement dans le cadre du
RSA .
Les entretiens exploratoires
Les entretiens exploratoires dans le cadre de ce travail d’initiation à la recherche du mémoire m’ont
permis de faire le lien avec les recherches théoriques.
Au départ, je voulais interroger en qualité d’expert , les sociologues Serge PAUGAM, Nicolas
DUVOU X et Julien DAMON, ce dernier est également professeur associé en Sciences Politiques.
Je leur ai envoyé un mail à chacun. J’aurais souhaité avoir leurs points de vue sur la mesure du RSA
en réponse à la précarité notamment celle de l’emploi. N’ayant pas e u de réponse, j’ai choisi comme
expert Mme I, 56 ans , elle est éducatrice spécialisée de formation. Depuis 2002, elle est la
référente d’une association dont l’objectif est l’accompagnement social et professionnel des
bénéficiaires du RSA principalement ma is également d’autres personnes bénéficiant d’autres
minima sociaux. Son regard d’expert m’intéressait dans la mesure où cela fait 16 ans qu’elle
accompagne au quotidien, avec toute une équipe, les personnes bénéficiaires des minimas sociaux
avec différent s moyens afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Je l’ai rencontrée
par le biais d’une de mes deux référentes de stage.
Pour les témoins , j’ai choisi d’interroger quatre personnes. Tout d’abord, deux ASS référents
insertion. La première, je l’ai rencontrée lors de mon stage de deuxième année. Il s’agit de Mme E,
6
45 ans, ASS depuis 19 ans . Elle est ASS référente insertion depuis 2008. Elle a participé à la
phase expérimentale du RSA. Elle était ASS polyvalence de secteur depuis 99.
Le deuxième, je l’ai rencontré par une collègue de la promotion qui a effectué son stage auprès de lui.
C’est Mr H, 37 ans, ASS depuis 11 ans . Il est ASS référen t insertion depuis 2009, avant il était
référent insertion RMI de 2007 à 2009.
Je voulais avoir leurs regards sur le dispositif, affirmer ou infirmer la situation de précarité et
d’isolement de certains bénéficiaires du RSA. De même, je voulais mieux appré hender leur rôle de
référent unique et le sens qu’ils donnent à l’accompagnement socioprofessionnel.
J’ai également interrogé , Mme F, 52 ans, elle est ASS de polyvalence de secteur depuis 2006
d’un autre département qui accompagne les personnes bénéficiai res du RSA car chaque
département conduit sa politique d’insertion. L’intérêt pour moi était de voir s’il existait des
disparités d’un département à un autre.
Le dernier témoin, Mme G, 55 ans et plus 30 ans d’expérience dans le champ du travail social. El le
est Responsable d’Unité Territoriale Adjoint en charge de l’insertion depuis 7 ans et demi . Le
parcours de Mme G : tout d’abord, elle a été ASS polyvalence de secteur pendant 19 ans. Ensuite,
ASS référente insertion RMI pendant 2 ans. Par la suite, dura nt 2 ans, elle a occupé un poste de
responsable en charge du service évaluation au service départemental des personnes âgées.
Son regard dans la mise en œuvre du dispositif RSA m’intéressait dans la mesure où c’est elle qui
valide les CER. Les ASS référe nts insertion lui rendent compte de leur accompagnement auprès
des personnes bénéficiaires du RSA et argumentent leurs choix d’accompagnement
socioprofessionnel. Chaque année, elle doit rendre compte des résultats de l’insertion au niveau de
son secteur. P our avoir un entretien, je l’ai appelé et lui ai expliqué ma démarche de mémoire
d’initiation à la recherche.
Les acteurs sont les personnes bénéficiaires du RSA en accompagnement socioprofessionnel. Le
premier, je l’ai rencontré à la MSA avec une de mes r éférentes de stage . Mr A, 39 ans, est séparé,
il a un enfant qu’il ne voit plus depuis la séparation. Il vit seul, il était exploitant dans le
jardinage. À la suite d’un retrait de permis Mr a basculé dans la précarité . Actuellement , Mr A
est micro – entre preneur dans le parc et jardinier. Pour l’entretien, je suis allée à son domicile.
Les deux autres personnes, je les ai rencontrées dans une association qui propose des ateliers aux
personnes en situation de précarité et d’isolement par le biais de la res ponsable. Tout d’abord, Mr
D 40 ans, il est séparé depuis 10 ans, a une fille de 15 ans (qu’il n’a pas vu depuis 10 ans). Il
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vient d’un autre département , n’a pas souhaité dire ce qu’il faisait avant. Actuellement, il est
hébergé par une amie depuis cinq m ois car a été expulsé pour impayé de loyer. Lors de l’entretien
Mr évoque une précarité héritée : une histoire de vie compliquée depuis l’enfance. Il a été placé
dès l’âge de 2 ans dans un Institut Médico – Educatif.
Ensuite Mme L, 48 ans, elle est divorcé e depuis des années, elle a 5 enfants (25 ans en ESAT), 22
ans, (20 ans est parti de la maison) 18 ans, 6 ans. Actuellement, Mme est sans profession. Avant la
naissance des enfants, Mme travaillait dans l’hôtellerie mais a arrêtait suite problème de dos. L es
raisons de l’entrée dans la précarité sont l’empêchement : problèmes de surendettement avec son
ex-mari, divorce et cumul de problèmes de santé.
Et enfin , j’ai rencontré, un couple , Mr et Mme B (31 et 33ans) , vit maritalement, ont trois
enfants (10,7,2 ans) qui ont des problèmes de santé. Le couple est également accompagné par
l’ASS de polyvalence de secteur dans le cadre de la protection de l’enfance et des difficultés
relationnelles dans le couple. Il est dans le dispositif depuis plusieurs années, éta it déjà au Revenu
Minimum d’Insertion.
Mme est à la recherche d’un emploi à temps partiel mais a peur de communiquer avec les autres
(a eu formation aide à domicile financé dans le cadre de l’accompagnement socioprofessionnel.
(Actuellement est accompagné e par Pôle Emploi). Mr 31 ans ne travaille pas, avant était cuisinier
mais suite à des problèmes de santé « troubles psychiatriques et crise d’angoisse dès je sors à
l’extérieur » a cessé son activité. Actuellement, Mr bénéficie d’un accompagnement
sociopr ofessionnel pour l’accès aux soins. Il évoque des problèmes de santé qui ont toujours plus
ou moins existé. L’entretien a eu lieu à leur domicile.
Le regard des acteurs m’intéressait dans la mesure où les personnes bénéficiaires du RSA sont les
acteurs p rincipaux. Elles sont au cœur du dispositif, l’accompagnement n’a de sens que si les
personnes le comprennent et s’en emparent pour apporter une amélioration de leur situation.
Toutefois, ce n’est pas toujours évident du fait du cumul des précarités.
La méthodologie de l’entretien
Pour les entretiens, j’ai préparé un guide d’entretien avec des questions ouvertes à partir de mes
trois thèmes : dispositif RSA, précarité et isolement et accompagnement socioprofessionnel. Le
guide est joint en annexe. Je me suis présentée à chaque entretien et ainsi que ma démarche de
recherche et les règles d’anonymat qui encadre l’entretien. J’ai préféré des entretiens semi – directif s
afin de permettre aux personnes de s’exprimer le plus librement possible tout en encadran t
l’entretien. J’ai demandé l’autorisation d’enregistrer les entretiens. Ensuite, pour l’analyse des
8
entretiens, j’ai effectué une grille d’analyse en retranscrivant par thème leurs paroles. Ce qui m’a
permis de faire le lien avec les recherches théoriques et de percevoir des pistes de recherche à
approfondir . Les entretiens m’ont également permis d’élargir ma pensée sur la précarité et sur le
dispositif RSA . Je me suis rendu compte de la complexité du dispositif aussi bien pour les
professionnels que pour les bénéficiaires de la mesure ; de la réalité du vécu des personnes. J’ai
mieux perçu les moyens mis en place dans l’accompagnement socioprofessionnel, du rôle de
coordinat eur de l’ASS dans le parcours d’insertion de la personne.
Partie 1 : Précarité et Isolement : la lutte contre la pauvreté dans l’histoire
La précarité et l’isolement ne saurai ent être abordés sans les situer dans l’histoire en particulier la
précarité. Cette dernière est à mettre en lien avec la pauvreté.
9
I. Histoire de la pauvreté en France : de l’assistance à la généralisation de la sécurité sociale
La précarité et de l’isolement sont liées à certaines notions (pauvreté, exclusion, inclusion) qu’il est
nécessaire de définir . Ces définitions permettent d’ab order tous les contours de ces deux termes
dans le but de mieux appréhender ce que vi vent les personnes. De même elles vont permettre de
comprendre les raisons qui ont conduit l’Etat à mettre en place des politiques de lutte contre la
pauvreté et en faveur de l’inclusion .
1. La pauvreté et les notions afférentes
La pauvreté :
La pauvreté a toujours existé et partout d’après l e sociolog ue Michel AUTES . Pour lui, la pauvreté
est « le diagnostic silencieux porté sur le lien social […] mais que sa définition est avant tout
politique8 ». Quant à Serge PAUGAM sociologue, il évoque ce qu’est un pauvre à partir de la
définition du sociologue allemand Georg SIMMEL9. D’après lui, un pauvre est celui qui perçoit de
l’aide de la société .
En 1978, le rapport Péquignot utilise la définition du programme européen de lutte contre la pauvreté
pour signifier ce qu’on nomme ‘‘les pauvres’’ « on appelle pauvres les personnes et/ou les familles
dont les ressources sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie standard c ’est-à-dire un
minimum acceptable par l’Etat10 ».
En 1981, le rapport Oheix, émet des recommandations pour lutter contre la pauvreté . En décembre
1984 , le Conseil européen estime que les pauvres sont : « les personnes dont les ressources
(matérielles, cult urelles et sociales) sont si faibles qu'elles sont exclues des modes de vie minimaux
acceptables dans l’État membre dans lequel elles vivent11 ».
Dans cette définition les ressources sont citées par rapport à la précédente et de fait englobe plusieurs
dimen sions.
D’après l’INSEE , une personne est considérée pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au
seuil de pauvreté. Selon l’INSEE12, en 2014, 8,8 millions de personnes vivent sous le seuil de
pauvreté monétaire qui est de 1008 euros fixé à 60% du niveau médian. Le taux de pauvreté
monétaire concerne ainsi 14,1% de la population par rapport à 14% en 2013. « La moitié des
8 Nouveau dictionnaire critique d’action social e, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris
Bayard 2006, p 414 -415
9 Simmel G.(1908), sociologie, (édition française : Paris, PUF, 1999
10 La revue française du service social, n°238, Pauvreté – RSA : un tournant pour les pratiques de polyvalence, p11
11 http://www.europarl.europa.eu/eplibrary/Pauvrete -dans-l-Union -europeenne.pdf
12 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2121597
10
personnes pauv res ont un niveau de vie inférieur à 805 euros mensuels en 201413 ». Au vu de ces
chiffres, les personnes bénéficiaires du RSA sont concernées par la pauvreté. Je constate que la
pauvreté est quantifiable, toutefois si elle perdure , elle peut conduire à l’e xclusion .
L’Exclusion :
Le Centre National de Ressources Textuelles et Linguistiques (CNRTL) définit l’exclusion comme
« une éviction de quelqu’un ou de quelque chose d’un lieu où il avait primitivement accès, d’un
groupe ou d’un ensemble auquel il appar tenait14 ». D’après Marie Pierre CAZALS – FERRE ,
docteur en psychologie15 et Marie Christine LLORCA , docteur en Sciences de l’Education ,
l’exclusion est « considérée dans les politiques publiques comme l’ensemble des processus qui
éloignent les personnes de s mesures ordinaires et comme le résultat de cet éloignement16 ». De ce
fait, l’exclusion serait un ensemble d’éléments qui empêche les personnes d’être insér ées dans la
société : difficultés liées l’accès à l’emploi, à l’accès aux soins, rupture s des liens familiaux,
problèmes de revenus, l’éducation…Tout cela peut conduire à la rupture des liens sociaux. De
même, l’exclusion serait une conséquence de la pauvreté. Ainsi, l’objectif des politiques publiques
françaises et européennes est d’inclure la personne dans la société.
L’Inclusion :
Selon Brigitte Bouquet , sociologue17, le terme inclusion est à prendre sous plusieurs angles :
« économique, social, culturel, citoyen et professionnel ». Elle le défini t comme « un état de quelque
chose qui est inclus dans un tout, un ensemble ». Ce mot a une origine latine ‘‘inclusio’’ qui veut
dire ‘‘emprisonnement’’. Son sens a évolué au 19 ème siècle et signifiait insérer. D’après elle, le
mot est issu « des politiques nationales et européennes » qui ont pour but le respect des droits de
l’homme et le « vivre ensemble ».
En conclusion de ces définitions, nous pouvons déjà entrevoir où se situe les notions de précarité et
d’isolement par rapport aux notions précédentes. Nous pouvons également percevoir la vo lonté
13 https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2492211/FPORSOC16l2_F4.2_pauvrete.pdf
14 http://www.cnrtl.fr/definition/exclusion
15 Maître de conférences à l’université de Toulouse – Le Mitrail, docteur en psychologie, Précarité et vulnérabilité
psychologique sous la direction de Pierre Tap et Maria de Lourdes Vasconcelos, Ramonville Saint – Agne, Eres 2004,
p 29 à 32, 59
16 Précarité et vulnérabilité psychologique sous la direction de Pierre Tap et Maria de Lourdes Vasconcelos,
Ramonville Saint – Agne, Eres 2004, p 59
17 L’inclusion, Vie Sociale nouvelle série n°11, Toulouse, Eres 2015, p 15, 1 6, 20, 25
11
nationale et européenne de lutter contre la pauvreté. Pour ce faire, un détour à travers l’histoire de
l’assistance à l’ass urance permettrait d’avoir plus d’éléments de compréhension.
1. De l’assistance à l’assurance
La lutte contre la pauvreté trouve une partie de son origine dans la religion. Sous l’Ancien régime,
l’assistance aux pauvres était considérée comme un devoir. Cette assistance était dirigée
essentiellement vers une catégorie de personnes , en raison de l’â ge, la maladie, du handicap ou des
enfants qui n’avaient pas de parents. Le pauvre qu’on jugeait apte devait occuper un emploi. Il était
considéré soit comme responsable de sa situation ou à cause d’ une injustice.
Ce n’est qu’au 18ème siècle qu’il y a eu une réelle prise de conscience de l’ampleur du phénomène
et qu’elle est l’affaire de toute la société . De ce fait , la collectivité en est venue à procurer de l’aide
aux personnes dépourvues de ressources et ce , dès la Révolution Française. La Convention admet
explicitement un droit à la personne d’être assistée par la déclaration du 24 juin 1793 « les secours
publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur
procurant du travail, soit en assu rant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de
travailler 18». On passe ainsi de la bienfaisance religieuse à l’assistance publique. Pour les inactifs,
c’est la mise au travail grâce aux « ateliers nationaux » afin de leur fournir de l’activité et de la
nourriture.
En 1889, les bureaux de bienfaisance sont créés dans les communes afin de lutter contre la pauvreté
due à l’exode rural et l’industrialisation. Entre 1890 et 1907 Léon Bourgeois, homme politique,
institue une doctrine le solidarisme (Solidarité), « Interdépendants et solidaires, les hommes sont
porteurs d’une dette les uns envers les autres, ainsi qu’envers les générations qui les ont précédé es
et envers celles qui leur succèderont. Reposant sur une redéfinition des rapports entre l’individu,
la société et l’État19 ». A partir de cette période, on assiste à la naissance de l’Etat Social qui rend
« l’assistance légale et obligatoire20 ». Cette pensée sur la solidarité a servi de base à la naissance
de la sécurité sociale.
La naissance de la protection sociale crée un tourn ant dans la prise en charge de la pauvreté . Tout
d’abord grâce à la mutualisation de certaines professions, on les appelle « les soc iétés de secours
mutuels21 ». Il s’agit d’un système de prévention des risques l iés à certains métiers jugés dangereu x
18 cahiers français n°390 p 33 article de Jean Luc OUTIN, membre de l’Observatoire Nationale de la pauvreté et de
l’exclusion sociale
19http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20080530_Paugam.pdf
20 Cahiers français n°390 p 35, article de Jean Luc OUTI N, membre de l’Observatoire Nationale de la pauvreté et de
l’exclusion sociale
21 http://www.securite -sociale.fr/Historique -du-systeme -francais -de-Securite -sociale
12
(travail à la mine pour les ouvriers ). Leur mouvement a été reconnu par la loi du 1er avril 1898 sur
la reconnaissance du mouvement mutualiste mais également par la loi du 9 avril 1898 concernant
les responsabilités dans les accidents de travail (et la loi du 25 octobre 1919 sur les maladies
professionnelles ) donnant lieu à la création d’un système d’assurance.
Ensuite la mise en place de l’aide sociale qui est subsidiaire. Des textes sont votés : « la loi du 15
juillet 1893 institue ainsi l’assistance médicale gratuite (en direction des indigents), la loi du 27
juin 1904 crée le service départemental d’aide sociale à l’enfance et la lo i du 14 juillet 1905
l’assistance aux vieillards infirmes et incurables22 ».
Toutefois cette protection sociale ne concerne pas tout le monde d’où l’émergence de l’idée d’une
généralisation de la protection sociale à toute la population. C’est ainsi que la Sécurité Sociale fut
créée par l’ ordonnances de 1945 . L’objectif était la prévention de la pauvreté en cas d’incapacité de
travail par des allocations sociales. Il s’agirait de lutter contre les risques sociaux liés au travail : la
maladie, la maternité, l’invalidité, la vieillesse, accident de travail.
La généralisation de la Sécurité Sociale en 1946 et la période des Trente Glorieuses, font penser à
certains à une fin de l’aide publique. Mais, l’appel de l’abbé Pierre du 1er février 1954 pour les
‘‘couches dehors’’, de même la sortie du livre les Exclus de René LENOIR en 1974 montrent que
la pauvreté est toujours présente mais sous une nouvelle forme.
1. Le concept de précarité
D’après le sociologue Régis PIERRET, la notion de précarité est souvent confondue avec la notion
de pauvreté. D’après lui, elles ne situent pas au même niveau . Pour lui contrairement à la pauvreté
qui est quantifiable, il faudrait plutôt parler de la précarité en termes de subjectivité , « elle est un
senti ment qui ne recouvre pas forcément une réalité économique »23. Pour autant, on ne peut pas
parler de la précarité sans faire un rapprochement avec la pauvreté. Si cette dernière , d’après les
sociologues , a toujours existé et partout, la précarité sem ble être plus récente.
2. La précarité, de quoi parle – t – on ?
Précarité et précaire ont la même racine du mot latin « precarius » qui signifie « prière ».
L’expression précaire « a connu de multiples acceptations, tantôt adjectif tantôt substantif, attaché
tantôt au vocable courant, tantôt au droit. Selon le dictionnaire historique de la langue française,
du terme juridique qui qualifie « ce qui est octroyé ». Au 17 ème siècle, l e terme est passé dans le
22 Ibid
23 http://journals.openedition.org/socio/511#ftn1
13
langage courant pour qualifier une durée non assurée et s’appliquait à la condition humaine 24».
Selon Brigitte BOUQUET sociologue, la précarité fait écho aujourd’hui essentiellement « à
l’avenir, à la durée, à la solidité non assu rée, à ce qui est instable et incertain voire fragile 25».
D’après Axelle BRODIER – DILONO, historienne26, la précarité est une notion « polymorphe »
apparue en France dans les années 1970. Cependant la précarité existait bien avant cette date. Elle
mention ne qu’entre le 13e et le 18e siècle , la précarité concernait principalement le monde rural à
cause des aléas de la récolte. Ensuite l’historienne évoque un déplacement de la précarité vers la
population urbaine dû à plusieurs phénomènes tel que l’exode rur al, « le développement du
capitalisme, l’industrialisation, l’entassement dans les villes, les conditions de travail et de
logement dramatiquement pathogènes27 ».
Le terme est mis au premier plan à partir des années 1970, avec l’évolution économique,
l’augmentation du chômage et l’incertitude de l’emploi. Le sociologue, Robert CASTEL , dans son
livre “La montée des incertitudes ’’, définit la précarité comme « un risque social qui affecte des
populations différentes de celle s qui souffrent de déficit personnel…on peut tomber dans la
dépendance du fait d’une situation sociale fragile 28».
Aussi dans le milieu des années 80, la précarité est associée à la précarité de l’emploi. Au début des
années 90 , elle est mis e en corrélati on avec « l’exclusion ». Puis au milieu dans les années 1990, la
précarité est mise également en lien avec « la santé physique et mentale, de logement, juvénile29 ».
En 2010, on commence à s’intéresser à la « précarité énergétique et aux équipes mobiles de
psychiatrie -précarité ». Nous pouvons donc dire que la précarité se situe à plusieurs niveaux. Ce qui
fait dire à Patrick CINGOLANI30, sociologue qu’il faudrait parle r « des précarités » au lieu de la
« précarité » car elle recouvre plusieurs vérités. Ce que partage également le sociologue Régis
PIERRET . D’après lui, il existerait différentes formes de précarités . L’incertitude peut se situer
au niveau de l’emploi, du revenu, du logement, de l’accès aux soins, de l’éducation, de la culture,
de la mobilité …
24 Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris
Bayard 2006, p 444
25 Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris
Baya rd 2006, p 444, 445
26 Chercheuse au Centre National de la Recherche Scientifique
27 Sciences Humaines n°289 – Février 2017, les nouveaux visages de la précarité, dossier coordonné par Maud
NAVARRE, p 30
28 La montée des incertitudes, Robert Castel, Edition d u Seuil, mars 2009, p 234
29 Sciences Humaines n°289 – Février 2017, les nouveaux visages de la précarité, dossier coordonné par Maud
NAVARRE, article d’Axelle BRODIER – DILONO, historienne p 33, 34
30 La précarité, Patrick CINGOLANI, 4ème édition mise à jour Février 2015, PUF 2005, p 4, 5
14
Au vu de ces multiples origines, la précarité, si elle dure, peut conduire à la pauvreté.
3. Précarité – Pauvreté, quel lien ?
Dans les années 80, la précarité est mise en lien avec la pauvreté exprimant une évolution
sociétale. Sur ce fait , Maryse BRESSON professeur de sociologie , explicite que la pauvreté se
défini t par une absence de moyens financiers et que la précarité « renvoie à l’idée de risque, celui
de s’ap pauvrir, de s’isoler ou de basculer dans l’exclusion ».
Régis PIERRET sociologue dit que le terme précarité ne vient pas des sciences sociales mais des
politiques publiques en lien avec le rapport Oheix « contre la précarité et la pauvreté. Soixante
propo sitions ». En 1981, le rapport Oheix use du mot « nouvelle pauvreté » pour signifier ceux qui
occupent un travail précaire. Selon le rapport , il y a trois distinctions à effectuer dans la pauvreté :
« la précarité, la nouvelle pauvreté et la pauvreté tradi tionnelle31 ». D’après le rapport, la personne
en situation de précarité a un risque d’être pauvre. Aussi il préconise de « lutter contre la pauvreté
sous tous ses formes ».
En 1983 – 1984 au niveau de l’Etat, les premiers plans de « lutte contre la pauvr eté et la précarité »
voient le jour, ils sont appelés par la suite « plan pauvreté – précarité ».
D’après Régis PIERRET, le Père Wresinski dans son rapport de 1987, ne fait pas la distinction entre
« la pauvreté traditionnelle et la nouvelle pauvreté32 » mais lie les deux sous le terme « grande
pauvreté ». On parle alors de prévention de la précarité voire des précarités. Le rapport Wresinski
met en évidence les multiples dimensions que recouvre la précarité. D’après les chercheurs,
aujourd’hui tout indivi du est susceptible de basculer dans la précarité notamment celle de l’emploi.
Patrick CINGOLANI parle de « processus d’appauvrissement des populations salariés 33».
4. Précarité et emploi
Tous les chercheurs notamment Serge PAUGAM sont d’accord pour dire que la période d es Trente
Glorieuses étaient pratiquement synonymes de plein emploi, même pour ceux qui n’avaient pas
d’expérience. Ceci est dû à plusieurs choses d’après Serge PAUGAM dans son ouvrage“ Le sala rié
de la précarité’’ : la sécurité sociale qui s’est généralisée , le développement et la pérennisation des
entreprises , « la croissance du salariat statutaire ou quasi statutaire dans le secteur public et
nationalisé (représentant 20% du salariat total en 1980) 34» et enfin , les mouvements syndicaux
qui ont permis d’obtenir des droits sociaux. Nous assist ons à la mise en place du Contrat à Durée
31 http://journals.openedition.org/socio/511
32 http://journals.openedition.org/socio/511
33 La précarité, Patrick CINGOLANI, 5ème édition mise à jour octobre 2017, PUF 2005, p 16
34 Le salarié de la précarit é, Serge Paugam, 1er édition 2000, 2ème tirage « quadrige », PUF, Paris 2009, p 63
15
Indéterminé (CDI) reconnu par la loi du 16 juillet 1982 comme une « norme 35». De même , l’Etat
va venir encadrer juridiquement le contrat de travail , ceci par des textes qui énoncent la
réglementation dans les cas où le contrat est rompu. Le but est de garantir des situations
professionnelles stables.
Les crises économiques et sociales des années 70 ont entraîné une augmentation du chômage. Elles
ont eu comme effet le développement du travail précaire rendant difficile l’accès au CDI qui était
garant d’un emploi pérenne et d’une couverture sociale. Au niveau juridique, ont pris place plusieurs
contrats qui diffèrent du CDI « le Contrat à Durée Déterminée (CDD), l’intérim, les contractuels,
auxiliaires et vacataires du secteur public, le travail à temps partiel, le travail intermittent,
l’apprentissage, les stages de formations et les contrats aidés 36».
Robert CASTEL parle de déstabilisation de l’Etat social qui peine à garantir le droit du travail tel
qu’on l’entend ait auparavant. Ce qui peut poser un problème puisque le travail permettait aux
individu s de bénéficier d’une protection sociale. Sur ce point , Serge PAUGAM affirme que
« l’emploi apporte en réalité plus que le salaire. Il apporte des droits sociaux et une position dans
la hiérarchie des statuts sociaux dérivés de l’Etat de Providence et donc une identité sociale 37».
C’est pourquoi Serge PAUGAM expose que le travail n’assure plus « son rôle d’intégrateur du
salariat stable38».
Aussi, la précarité de l’emploi peut avoir des conséquences sur les liens sociaux. La sociologue
Brigitte BOUQUET parl e de la précarité qui peut avoir plusieurs origines et s’associer, qu’elle
nomme « constellation des précarités39 ». Dans la mesure où cette précarité est multifactorielle,
quelles sont les personnes qui sont considérées comme précaires ?
4. Qui sont les préca ires ?
Si je me réfère à ce qui précède, le « précaire » serait l’individu qui vit dans l’incertitude du
lendemain, et qui ne possède rien de sûr.
GUIMELCHAIN -BONNET Michèle, psychologue, les précaires « sont les personnes qui sont au
chômage, en fin de droit ou sans indemnisation, les Rmistes (aujourd’hui les bénéficiaires du RSA) ,
les personnes qui ont de faibles revenus de solidarité, et les sans domicile fixe 40». Cette
psychologue explique que ces individus vivent dans l’incertitude de l’avenir. Ce qu i est confirmé
par Mr H, ASS référent insertion depuis dix ans « La précarité concerne les salariés à temps partiel,
35 https://www.cairn.info/revue -projet -2006 -2-page -73.htm
36 Le salarié de la précarité, Serge Paugam, 1er édition 2000, 2ème tirage « quadrige », PUF, Paris 2009, p 64
37 Le salarié de la précarité, Serge Paugam, 1er édition 2000, 2ème tirage « quadrige », PUF, Paris 2009, p62
38 Ibidp64
39 Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris
Bayard 2006, p 445
40 Psychologue, CHI, Clermont – de-l’Oise, l’aide – soignante n°95 – Mars 2008, dossier, La précarité, p 11
16
quelqu’un en fin droit du chômage, une personne handicapée qui n’a pas droit à l’Allocation Adulte
Handicapée (AAH) mais qui est malade, une personne jusqu’à l’âge de 65 ans, quelqu’un de
jeune ».
Voici ce qu’en pense Mme F ASS polyvalence de secteur « la précarité concerne également les
femmes séparées et qui n’ont pas de revenus, des personnes qui ont perdu leur travail et n’ont plus
de droits au chômage, des auto – entrepreneur s et agriculteurs ».
De ce fait, il me parait nécessaire de chercher à comprendre les raisons qui conduisent à la précarité
et de même les conséquences sur l’individu.
5. Qu’est ce qui conduit à la précarité ?
Selon le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie41 (CREDOC)
spécialisé dans les études statistiques, économiques et sociologiques, il existerait trois processus qui
peuvent conduire à la précarité des individus : l’empêchement, le basculement et la reproduction.
Ces notions sont mises en évidence par Léa MORABITO42, doctorante en Sciences Politiques et
Camille PEUGNY43, sociologue qui ont fait partie d’une enquête dont l’objectif est « d’interroger
le rapport au politique des personn es en grande situation de précarité44 ».
D’après Léa MORABITO et Camille PEUGNY, c’est « l’accumulation de coups durs45» qui peut
maintenir la personne dans la précarité et de ce fait crée un empêchement . Interrogée sur la notion
de précarité, Mme G Responsable d’Unité Territoriale : « un parcours scolaire chaotique, des
personnes qui ont un peu travaillé, ont des souci s de santé, sont beaucoup éloigné es de l’emploi
avec des difficultés périphériques qui occupent tout le quotidien et qui nécessite nt de se
reconstruire ».
Quant au basculement, il y a un changement radical de leurs façons de vivre. La plupart des
personnes interrogées par Léa MORABITO et Camille PEUGNY ont fait des études jusqu’au
baccalauréat et plus. Certain es ont un emploi. Ces personnes ont connu pour la plupart une vie
maritale, ont des enfants même si elles ne les voient plus. Ces individus travaillaient et gagnaient
très bien leur vie lorsque le basculement dans la précarité s’est produit à la suite d’un accident de la
vie : accident de travail, perte d’emploi, séparation, maladie. Ces personnes, « mettent en avant
41 Précarité et vulnérabilité psychologique sous la direction de Pierre Tap et Maria de Lourdes Vasconcelos,
Ramonville Saint – Agne, Eres 2004, p 30
42 Doctorante en sciences politiques au centre d’étude européenne de Sciences
43 Sociologue, maître de conférences à l’université Paris 8
44 BRACONNIER C. et MAYER N. (dir) (2015), Les inaudibles. Sociologie politique des précaires, Paris, Presses de
Sciences Po
45 Cahiers Français n°390, p28
17
l’idée d’un véritable basculement dans la précarité, d’un avant et d’un après 46». C’est le cas de Mr
A (acteur) « Avant, j’étais dans le monde du travail, le système m’avait formaté, je faisais comme
tout le monde, j’avais une compagne, un enfant ». Pour lui, il a eu un avant et un après « on m’a
supprimé le permis car on a jugé que j’étais dangereux sur la route. A cause du gouvernement, le
retrait du permis, m’a ouvert les yeux sur le système ; avant j’avais peur de tout perdre, plus
maintenant ».
Je pose également à Mme F ASS polyvalence de secteur sur les raisons qui peuvent conduire à la
précarité . Elle m’évoqu e le basculement des personnes qui avaient une situation
socioprofessionnelle : « employé s avec un statut social, une maison , une famille et du jour au
lendemain, ont tout perdu. Il y a un élément, un événement déclencheur, il y a un basculement qui
amène un autre basculement, on perd son travail, on perd sa famille, on a des problèmes d’alcool,
on perd son permis, problème d’argent, on est expulsé ».
Et enfin la reproduction ou la précarité héritée47, c’est lorsque cette précarité est présente dans
l’hist oire de vie des personnes . Ces individus vivaient déjà dans la précarité quand ils étaient enfants
avec leurs parents . Une fois adultes, ils n’arrivent pas à s’en sortir et rencontrent des difficultés à
s’insérer professionnellement. Ce qui est confirmé p ar Mme E 45 ans, ASS référent insertion depuis
2008 « beaucoup de ces personnes ont un passé familial, des parents eux -mêmes, étaient dans le
dispositif, on arrive à la 2ème, 3ème génération : les grands parents étaient au RMI, les parents au
RMI et RSA et eux entrent dans le dispositif. Ce sont des personnes qui sont restées dans les
fonctionnements et dispositifs sociaux, qui n’ont jamais vu leurs parents se lever le matin pour a ller
travailler. Les parents ont un faible niveau culturel, ils avaient eux-mêmes des difficulté s scolaire s,
ne valorisent pas l’école ».
Dans le but d’un meilleur accompagnement, il apparait nécessaire de comprendre quelles
conséquences la précarité peut avoir sur l’individu.
6. Les conséquences de la précarité sur l’individu
Fred POCHE48, professeur en philosophe , explicite « que les personnes en situation de pauvreté
ressentent comme une violence quotidienne les mutations d’une société mondialisée, marqué e par
la fragmentation généralisée ; et ce au niveau du temps, de l’espace, des identités, de la
communauté et des valeurs […] Cette nouvelle temporalité sociale produit de l’exclusion et de la
46 CAHIERS FRANÇAIS N°390, p 28
47 CAHIERS FRANÇAIS N°390, p 28
48 Fred Poché, Professeur de philosophie, L’UNAM -Université UCO
18
souffrance parce qu’elle laisse sur la marge ceux qui ne parvi ennent pas à suivre le rythme, à
s’adapter. La lenteur devient ainsi un handicap social49».
Fred POCHE parle de « passivité ou d’apathie » lorsque les difficultés économiques et sociales
provoquent chez la personne la sensation que tout lui échappe et empêc he la personne de se
mobiliser. Pour ce faire, il décrit quatre phénomènes liés à cet état : la prostration, la répétition, la
déréliction et la réception.
Dans la prostration , la personne est tellement envahie par ses tourments qu’elle n’arrive plus à
réagir, elle est comme anéantie. Le philosophe rajoute qu’ « à ce niveau le corps capte toute la
souffrance et laisse place à un lourd et douloureux silence 50».
En ce qui concerne la répétition pour l’individu la même histoire se répète sans issu e favorable
« alcool, drogue, démarches infructueuses, paroles jamais prises au sérieux51 ».
Au cours de mes entretiens exploratoires, je me suis rendu compte de l’impact de la précarité sur les
personnes bénéficiaires du RSA. Le « sentiment de honte d’être assisté » qu’elles décrivent. C’est
le cas de Mme L « le RSA, ce n’est pas quelque chose que je vais clamer partout que je touche le
RSA, c’est ni plus ni moins qu’être aidé e socialement, d’être assisté e, c’est quelque chose que j’ai
du mal à assumer, c’est une honte entre guillemet donc j’en parle pas, je ne le dis pas. C’est un
droit mais je le vis mal ». Elles ont également conscience que leur allocation peut être réduit ou
suspendu si elles ne respectent pas leurs obligations.
Conclusion
Serge PAUGAM explicite que le fait pour les individus en situation de précarité d’être obligés de
dépendre de l’action sociale « altère souvent leur identité préalable et marque l’ensemble de leur
rapport avec autrui. Ils éprouvent alors le sentiment d’êtr e à la charge de la collectivité et d’avoir
un statut social dévalorisé52». Les personnes en situation de précarité notamment les bénéficiaires
du RSA semblent être dans un cercle vicieux. Le fait de vivre sous le seuil de pauvreté les met dans
une situatio n incertaine, les fragilise et les conduise à faire appel à des aides pour vivre. S’ils veulent
obtenir de l’aide, ils sont obligés d’en accepter les conditions. Le risque est que cela impacte sur
l’image qu’elles ont d’elles – même et les poussent à s’iso ler par peur du regard des autres.
III. Le concept d’isolement
49Cahiers Français 390, Janvier – Février 2016 p 16
50Cahiers Français 390, Janvier – Février 2016, p 18
51Cahiers Français 390, Janvier – Février 2016, p 18
52 La disqualification sociale, Serge Paugam, Paris, 1er édition 1991, « Quadrige » : 2000, 4e édition 2009, PUF
1991 préface de la huitième édition p XVII
19
L’isolement serait une des conséquences d’une grande précarisation et rendrait difficile les rapports
sociaux. Pour comprendre le processus qui conduirait à l’isolement, il me parait intéressant de
regarder ce qu’en disent les études de la Fondation de Fra nce de 2013 et 2016. De même, comment
les sociologues notamment Robert Castel et Serge PAUGAM l’évoquent dans leurs ouvrages : la
disqualification sociale et la métamorphose de la question sociale.
1. Qu’est -ce l’isolement ?
Selon le C entre National de Ressources Textuelles et Lexicales , l’isolement est l’action d’isoler, de
s’isoler, fait d’être isolé, état de celui, de ce qui est isolé.
La Fondation de France, dans son étude du baromètre ‘‘ Les solitudes en France 2016’’ , définit ainsi
l’isolement : « sont considérées comme isolées objectivement les personnes ne rencontrant jamais
physiquement les membres de tous leurs réseaux de sociabilité (famille, amis, voisins, collègues de
travail ou activité associative) ou ayant uniquement des contacts très épisodiqu es avec ces différents
réseaux : quelqu efois dans l’année ou moins souvent 53» L’étude estime que plus de 5 millions de
Français seraient en situation d’isolement soit 10% d’isolés. Selon cette étude « 22% des Français
ont des liens réguliers dans un seul réseau social et 68% ont des liens nourris dans plusieurs milieux
différents. Les Français apparaissent relativement moins isolés que leurs voisins européens »54.
Serge PAUGAM, dans la disqualification formule que « les personnes déclassées à la suite d’u n
échec professionnel prennent progressivement conscience de la distance qui les sépare de la grande
majorité de la population. Elles ont le sentiment que l’échec qui les accable est visible par tout le
monde. Elles supposent que tous leurs comportements q uotidiens sont interprétés comme des signes
d’infériorité de statut, voire d’un handicap social 55». Alors je me questionne si l’isolement ne
viendrait – il pas de la peur du regard des autres sur soi ou la peur d’être jugé par rapport à son état ?
Cette pe ur d’être jugé ne traduirait -elle pas un manque de confiance en soi ou une faible estime de
soi ?
Voici les propos recueillis sur l’isolement lors de mes entretiens exploratoires :
– Mme L (act rice) préfère rester chez elle pour ne pas avoir à affronter le regard des autres « j’ai
fait l’hôtellerie, quand j’avais 20 ans mais maintenant j’ai 48 ans c’est différent, les choses ont
évolué, ce n’est plus pareil. J’ai peur du regard des autres, qu’on me dévisage. Ce regard des autres
est pesant. J’ai une mauva ise opinion de moi ».
53 https://www.fondationdefrance.org/sites/de fault/files/atoms/files/les_solitudes_en_france_2016_ -_synthese.pdf
54 https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/les_solitudes_en_france_2016_ -_synthese.pdf
55 La disqualification sociale, Serge Paugam, Paris, 1er édition 1991, « Quad rige » : 2000, 4e édition 2009, PUF
1991 préface de la huitième édition p 6
20
– Mr A (acteur) : « je me sens décalé par rapport aux autres, je n’appartiens plus au système, je n’ai
pas d’argent, peu de travail, samedi j’étais chez des amis, je me suis dit : c’est quoi ce système,
c’est quoi ces gens ? Je me suis senti tout seul, je ne suis plus de ce monde -là ».
– Mme G (témoin) « les personnes n’ont plus confiance en elles, ont peur du regard des autres, qui
est lourd qui les juge ».
– Mme F, ASS (témoin) « le fait d’être au RSA, beaucoup ont un sentiment de honte, un repli sur
soi, se sent stigmatisé ».
L’isolement des personnes bénéficiaires du RSA s’expliquerait par une faible estime de soi et un
manque de confiance en soi qui seraient les conséquences d’une précarité de l’emploi, précarité
économique. De surcroit, l’isolement pourrait également s’expliquer par la peur du regard de l’autre
posé sur soi du fait de la perte d’un emploi et de son statut social délivré par cet emploi. Régis
PIERRET sociologue évoque une corrélation entre « la précarité et le délitement des liens
sociaux56 ».
Plus que l’isolement Serge PAUGAM parle plutôt de « disqualification sociale ». D’après lui,
l’individu discrédité est la personne qui à la suite de la perte du travail bascule à un statut inférieur.
Pour cette personne, l e travail avait comme facteur de l’intégrer dans la société, par la stabilité des
revenus qui lui permettaient de se projeter dans l’avenir, d’avoir un statut social et l’obtention d’une
protection sociale. La personne disqualifiée se sent stigmatisée par les autres, ce qui va fragiliser
l’estime de soi et risque de provoquer un repli sur soi.
Mme I, (expert ) mentionne ce regard comme quelque chose de difficile « le regard des autres est
difficile à vivre, on pense qu’ils profitent du système. C’est comme l a personne qui est chômage,
elle n’est pas bien vu e, on pense qu’elle profite. C’est pareil pour les deux ».
Ces personnes ont connu beaucoup de précarités tout le long de leur parcours et du regard
stigmatisant de leur environnement. Quant à Robert CASTE L, il parle de désaffiliation pour évoquer
les personnes isolées, en marge. La désaffiliation tel le que le décrit Robert CASTEL est un
mécanisme dont la conséquence est la rupture des différents liens relationnels (famille, voisin,
travail, amis). De ce fa it la personne ne bénéficie plus de soutien de ses réseaux qui constitu e son
identité sociale.
2. Les facteurs qui conduisent à l’isolement
56Régis Pierret , « Qu’est -ce que la précarité ? », Socio [En ligne], 2 | 2013, mis en ligne le 15 avril 2014, consulté le
25 avril 2017. URL : http://socio.revues.org/511 ; DOI : 10.4000/socio.511
21
Pour parler des facteurs qui conduisent à l’isolement, j’utiliserai les enquêtes de la Fondation de
France sur le sujet. L’étude du baromètre de la Fondation de France en 201357 a observé une
augmentation de la solitude qu’elle considère comme une des conséquences de la pauvreté, en plus
de l’âge et du chômage, entre autres. Selon cette étude la pauvreté aggraverait le risque d’isolement
relationnel.
D’après le baromètre, le manque de revenus aurait une incidence sur les autres causes d’exclusion.
L’enquête58 montre qu’entre 30 et 60 ans, les causes de l’isolement relationnel concernent :
– la précarité liée à l’emploi : « à cet âge 15% des personnes en recherche d’emploi sont en situation
d’isolement relationnel »,
– les travailleurs précaires : « 12% des actifs en emploi avec des ressources inférieures à 1000 euros
mensuel s sont en situation d’isolement relationnel con tre 7% de l’ensemble des actifs 59»
D’une manière générale les personnes dont les revenus sont faibles serai ent plus touché es par
l’isolement relationnel.
L’enquête de la Fondation de France en 2016 met en évidence que « les conditions de vie participent
des facteurs d’affaiblissement ou d’empêchement du lien social et potentialisent le risque
d’isolement 60». Parmi les personnes les plus isolées se trouvent : ceux qui touchent le chômage « et
les inactifs non étudiants, des personnes au foyer pour l’essentiel. Plus du tiers des isolés ont des
bas revenus, contre un quart dans l’ensemble de la population 61». Les personnes qui souffrent plus
de l’isolement, sont également celles qui restreignent leurs frais au niveau de la santé et de la
nourriture. L’enquête montre également qu’au niveau des bas revenus 34% sont isolées contre 26%
de l’ensemble de la population.
Les raisons de l’isolement seraient : « la perte du conjoint, l’éloignement des enfants, la perte d’un
emploi ou le passage à la retraite62». Toutefois l’enquête met en garde quant au sentiment de
solitude qui peut différer d’une personne à une autre.
Les deux baromètres de 2013 et 2016 montre nt que ce sont surtout les personnes les plus fragiles
socialement qui sont plus touchées par l’isolement et pour les mêmes raisons : séparation, absence
d’emploi (chômage, travail précarisant (CDD, Intérim, temps partiel), éloignement des enfants, peur
57 https://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_les_solitudes_en_France_ -_Juin_2013.pdf
58 http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_les_solitudes_en_France_ -_Juin_2013.pdf , p 10, 16
59 http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_les_solitudes_en_France_ -_Juin_201 3.pdf , p 11
60 https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/les_solitudes_en_france_2016_ -_synthese.pdf
61 https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/les_solitudes_en_france_2016_ -_synthese.pdf
62 https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/les_solitudes_en_france_2016_ -_synthese.pdf , p 7
22
d’aller vers les autres. D’après Serge PAUGAM, « l’expérience du chômage et de la pauvreté
s’accompagne d’un risque plus élevé de ruptures cumulatives des liens sociaux63 ».
3. Peut – il exister un lien entre précarité et isolement ?
Pour le sociologue Régis PIERR ET « la précarité est avant tout la privation, la rupture du lien
social. Si cette rupture est présente dans la pauvreté, alors la personne est pauvre et précaire 64».
Cependant pour lui , la pauvreté n’est pas synonyme de précarité du lien social. Pour étayer ses dires,
il prend l’exemple d’une personne qui bénéficie du RSA et q ui a des relations avec son entourage .
Ce réseau de soutien lui confère « un statut social ». De l’autre cô té, la personne peut être
bénéficiaire du RSA et avoir l’impression de ne pas avoir de l’importance pour les autres et de ce
fait se sentir isolée malgré le dispositif et avoir l e sentiment que sa vie lui échappe. Elle est
dépendante des aides sociales pour vivr e. « Elle voudrait consommer à sa guise, mais elle est
dépendante de la banque alimentaire, des Restos du cœur. Elle a le sentiment d’être dépossédée de
son existence, d’être totalement tributaire des services sociaux 65».
Concernant le lien entre précarit é et isolement, Mr H (témoin) , ASS référe nt insertion me l’évoque
ainsi « précarité sociale, rupture de vie, accident de la vie, plus de lien familial, plus de lien social,
des personnes qui ont du mal à aller vers l’extérieur, se met tent en retrait, ont peur du regard de
l’autre » . Quant à Robert CASTEL, il fait le lien entre la perte du statut que procure la profession
et l’affaiblissement des contacts sociaux « relation de voisinage, participation à des groupes,
associations, partis, syndicats… 66». Rob ert CASTEL préfère le terme de désaffiliation à
l’exclusion. De fait ce tte dernière supposerait un état ou une situation statique, où la personne serait
complétement exclue de la société. Le sociologue évoque le fait que personne n’est jamais
complétement exclue. L’individu va tenter de trouver des solutions, par exemple dans son réseau le
plus proche, tel que la famille, le service social ou d’autres personnes qui vivent la même chose . Le
sociologue parle plutôt d’« absence d’inscription du sujet dans des structures qui portent un
sens 67». C’est le cas de Mme L (actrice) , quand elle mentionne les activités sportives auxquelles la
référente unique d’insertion souhaiterait qu’elle s’inscrive « crée du lien c’est compliqué, je suis
timide, ce n’est pas facile . Quand ma référente me parle du sport, je sais que je n’irai pas ».
63 Pauvreté et vulnérabilité sociale, Les cahiers Français 390, Janvier – Février 2016, p 7
64 http://socio.revues.org/511
65 http://socio.revues.org/511
66 Les métamorphoses de la question sociale, Robert Castel, Fayard 95, Gallimard 1er dépôt légal dans la col lection
août 1999, octobre 2016, p 672
67 Les métamorphoses de la question sociale, Robert Castel, Fayard 95, Gallimard 1er dépôt légal dans la collection
août 1999, octobre 2016, p 673
23
4. Les moyens de lutte contre la précarité et l’isolement
Maryse BRESSON , sociologue, mentionne qu’avec la crise économique et la dégradation des liens
sociaux, « le travail social est désor mais mobilisé pour maintenir le lien partout où il menace de se
déliter68. C’est ce que cherche à faire l’association de remobilisation dont Mme I(expert) « notre
action répond aux besoins de lien social des personnes : proposition d’atelier d’activité pour
permettre aux personnes d’être dans un faire, dans une dynamique, dans une activité de sortir de
chez eux, de recréer du lien social par des rencontres d’autres personnes, faire des activités
ensemble. On espère qu’elles retrouvent confiance en elles, d’a voir une autre image d’elles -mêmes
des activités valorisantes. C’est un lieu d’écoute, avec des projets culturels ou artistiques qui vont
donner à voir aux autres qu’on est au RSA mais on peut faire des choses qui ont de la valeur ».
Pour lutter contre la précarité des mères des familles monoparentales, Anne EYDOUX69, chercheuse
au centre d’études de l’emploi, préconise de « garantir un niveau de ressources suffisant
lorsqu’elles n’accèdent pas à un revenu qui permet un mode de vie décent à leur famille 70».
Toujours en direction de ce public, elle pense qu’il serait souhaitable d’augmenter les finances des
« services publics » en particulier au niveau des modes de garde, de l’habitat et de la mobilité.
D’après Anne EYDOUX, pour lutter de manière efficiente co ntre la pauvreté, cela nécessite un
investissement afin de permettre un accroissement des revenus.
Conclusion
La Fondation de France dans son baromètre de juin 2013 démontre que l’isolement relationnel
concerne toute la population française. Toutefois, les personnes les plus fragilisées socialement
(faibles revenus, handicap, chômage) sont plus concernées. Le baro mètre évoque que la pauvreté
seule ne peut pas expliquer ce « délitement » des rapports sociaux mais « elle est le symptôme d’une
société plus éclatée qui peine à faire communauté71 ».
Robert CASTEL pose la question « qu’est – il possible de faire afin de remettre dans le jeu social
ces populations invalidées par la conjoncture, et pour mette fin à une hémorragie de désaffiliation
qui risque de laisser exsangue tout le corps social ? 72». Aussi depuis les années 80 , l’Etat à travers
les politiques sociales m et en place différents dispositifs pour lutter contre la nouvelle pauvreté et
favoriser l’inclusion des personnes.
68 Pauvreté et vulnérabilité sociale, Les cahiers Français 390, Janvier – Février 2016, p 50
69 Spécialiste des politiques de l’emploi, du social et des inégalités entre les femmes et les hommes
70 Lien social 1196, 24.11 au 7.12.2016, p 26
71 https://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_les_solitudes_en_France_ -_Juin_2013.pdf
72 Les mé tamorphoses de la question sociale, Robert Castel, Fayard 95, Gallimard 1er dépôt légal dans la collection
août 1999, octobre 2016, p 31
24
Partie 2 : Les politiques sociales de lutte contre la nouvelle pauvreté et pour l’inclusion sociale
L’augmentation du chômage et le « délite ment des liens sociaux » provoqués par les crises
pétrolières de 1973 et 1979 posent la question d’une « nouvelle pauvreté ». Ces crises ont mis en
lumière qu’il subsiste des personnes qui ne bénéficient d’aucune aide sociale. Prenant conscience
que cette problématique sociale n’est pas seulement liée aux personnes âgées mais également les
jeunes, l’Etat grâce à des rapports sur la précarité et la pauvreté, va pour la première fois mettre en
place des dispositifs d’aides (qui ne prennent pas en compte seule ment comme ce fut auparavant
l’âge, la déficience ou l’abandon pour les enfants). Ces nouvelles aides se veulent universelles . Il
s’agit du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et du Revenu de Solidarité Active (RSA) qui sont en
direction de la nouvelle pauvre té.
I. Du Revenu Minimum d’Insertion au Revenu de Solidarité Active (du RMI au RSA)
1. Visage de la nouvelle pauvreté
Serge PAUGAM, dans l’ouvrage la régulation des pauvres co – écrit avec Nicolas DUVOUX, fait
la remarque d’une augmentation des sollicitations d’aides financières auprès de l’action sociale. De
même de l’arrivée dans le champ social d’un nouveau public. Il s’agit : « des jeunes sans ressources
issus de famille jusque -là sans problèmes, des chômeurs en fin de droits, des personnes en difficulté
d’insertion professionnelle et progressivement précarisées 73». Cette pauvreté qu’on nommait
« nouvelle pauvreté » était due à une défaillance de la protection sociale et concerne de plus en plus
d’individus. Cette privation ne portait pas seulement sur le revenu, mais également sur le lien social,
les difficultés d’accès aux soins et à l’habitat. Le sociologue mentionne qu’elle « devient cumulative,
crée l’angoisse d’être disqualifié chez beaucoup d’individus ». Geneviève BESSON notifie que «
ces“ précaires’’ cumulent généralement les handicaps : un bas niveau de qualification, pas
d’expérience professionnelle, et sont i solées74».
Ces remarques sur le cumul des précarités sont confirmé es par Mme G (témoin) « les problèmes
rencontrés par les personnes concernent souvent : la santé, le logement, la mobilité. De surcroit
nous avons b eaucoup de femmes isolées avec des enfants ». De même Mme E, (témoin) « sur notre
secteur , nous avons des jeunes mamans isolées, sans qualification, qui ne sont pas mobiles, aucune
expérience professionnelle et un faible niveau scolaire pour certaines ».
73 La régulation des pauvres, Serge Paugam, Nicolas Duvoux, Paris, PUF, coll, « Quadrige »,1er édition, 2008 ; 2e
éditio n 2013 ; 2e tirage 2016, p 35
74 https://www.cairn.info/revue -informations -sociales -2009 -2-page -118.htm
25
Pour venir en aide aux personnes en situation de précarité et de pauvreté, en 1985, des associations
se sont créées. Parmi ces associations, il y a les Restos du cœur, la Banque alimentaire. L’hiver
1984/1985, le premier plan précarité voit le jour en dire ction des Sans Domicile Fixe. Cette même
année, le Conseil Economique et Social demande au père Joseph Wresinksi, fondateur d’ATD Quart
Monde, un rapport sur la pauvreté et la précarité. En Février 1987 parait le rapport de Wresinksi
donnant une définition de la précarité citée dans l’introduction. Ce rapport conduit à la création du
Revenu Minimum d’Insertion en réponse à cette « nouvelle pauvreté ».
2. Le RMI : création d’un dispositif de lutte contre la pauvreté et les exclusions
Le RMI est un dispositif cr éé par la loi du 1er Décembre 1988 relative au revenu minimum
d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle75 dont la
visée principale est la « lutte contre la pauvreté et la précarité76 ». La loi, dans son article . 1, énonce
que : « Toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de
l’économie et de l’emploi, qui se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la
collectivité des moyens c onvenables d’existence. L’insertion sociale et professionnelle des
personnes en difficulté constitue un impératif national77 ».
Le RMI est accordé sous conditions : être âgée de plus de 25 ans ou avoir des enfants à charge,
résid ent en France de façon stable, avoir des ressources inférieures à un montant minimum . En
échange les personnes prenaient l’engagement de « participer à des actions ou activités nécessaires
à leur insertion sociale ou professionnelle78». L’objectif du RMI est de permettre, d’une part un
revenu minimum aux personnes avec des droits connexes appelés « paniers de droits » (l’assurance
maladie, l’aide au logement) ; d’autre part un accompagnement vers l’insertion socioprofessionnelle
formalisé par un contrat. D’après la loi, le RMI est « l'un des éléments d'un dispositif global de lutte
contre la pauvreté tendant à supprimer toute forme d'exclusion, notamment dans les domaines de
l'éducation, de l'emploi, de la formation, de la santé et du log ement 79». La visée du RMI est le
retour à l’emploi des personnes afin d’éviter l’assistanat.
Cependant le RMI n’a pas eu tous les effets escomptés. De fait, les personnes avaient moins de
revenus en reprenant une activité. Ceci est dû aux frais occasionnés par la reprise notamment la
garde des enfants, les frais de transport. Afin d’éviter que les personnes ne se trouvent dans une
« trappe à inactivité », la loi du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi d u 1er décembre 1988
75 http://www.cnle.gouv.fr/loi -du-1er-decembre -1988 -relative.html
76 Politiques sociales et logiques partenariales, Edition Vuibert, 2016, p 185
77 https:// www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000875188&dateTexte=20041025
78 https://www.cnle.gouv.fr/la -creation -du-revenu -minimum -d.html
79 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000875188&dateTexte=20041025
26
relative au minimum d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et
professionnelle modifie la loi sur le RMI en donnant la gestion de la mesure aux conseils généraux80.
«
Le dispositif connaitra une au tre modification par la loi d’orientation du 29 juillet 199881 relative à
la lutte contre les exclusions. Cette loi permet le cumul de prestations sociales avec le revenu
d’activité par un « mécanisme d’intéressement ». Afin de mettre l’accent sur le travai l et
d’encourager le retour à l’emploi des personnes qui sont les plus loin du marché de l’emploi, le
législateur crée le contrat d’insertion – revenu minimum d’activité (CI – RMA) par la loi du 18
Décembre 2003 portant décentralisation en matière de reven u minimum d’insertion. Cette loi confie
aussi aux Départements la gestion et le pilotage du RMI.
Depuis sa création, le chiffre des bénéficiaires n’a pas cessé d’augmenter « passant d’environ
400000 personnes à 1,17 million en 200882 » Malgré la mise en place du dispositif (allocation et
insertion), la situation de précarité et de pauvreté des bénéficiaires demeure, de même la difficulté
d’accès à l’emploi.
À la suite du rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion soci ale en 2004 sur la
pauvreté des enfants en France, le gouvernement en 2005 désigne Martin Hirsch (président de
l’association Emmaüs France) pour mener une étude sur le thème « Famille, vulnérabilité,
pauvreté » durant tout le premier trimestre. Ce dernier met en place une commission qui réunit
plusieurs partenaires sociaux (des associations familiales et de lutte contre l’exclusion, des
collectivités territoriales, des administrations de l’Etat, des experts…).
En Avril 2005 sort un rapport de cette commiss ion au titre : « Au possible, nous sommes tenus. La
nouvelle équation sociale » dans lequel figurent plusieurs mesures (quinze) pour lutter contre la
pauvreté. Le RSA se trouve parmi ces visées, c’est un dispositif qui permettrait de cumuler de
faibles revenus d u travail avec une allocation afin d’inciter le retour au travail.
Vingt ans après sa mise en place, le RMI a été donc remplacé par le Revenu de Solidarité Active
(RSA), suite à de nombreux débats notamment sur la simplification des minimas sociaux par un
revenu unique qui remplacerait toutes les prestations . L’objectif consiste à plus de gain à la reprise
du travail.
80 Devenu conseils départementaux par la LOI n° 2013 -403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers
départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral
81 https://www.senat.fr/rap/r04 -334/r04 -3349.html
82 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000040 -du-rmi-au-rsa-une-refonte -des-politiques -d-insertion -et-
d-aide-sociale/vingt -ans-de-rmi
27
II. Le Revenu de Solidarité Active : un nouveau dispositif de lutte c ontre la pauvreté et les
exclusions
L’enjeu du RSA, comme son prédécesseur, est la lutte contre la pauvreté et les exclusions. Ceci est
clairement énoncé par la loi dans son article 1 « la lutte contre la pauvreté et les exclusions est un
impératif nationa l fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité
de l’ensemble des politiques publique s de la nation83 ».
1. Le RSA en question : S comme Solidarité, A comme Activation
Le dispositif a été prévu par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le Revenu de Solidarité Active
et réformant les politiques d’insertion. Il est entré en vigueur depuis le 1er juin 2009 en France
métropolitaine et en Janvier 2011 dans les départements d’Outre – mer. Il remplace le Revenu
Minim um d’Insertion (RMI), l’Allocation de Parent Isolé (API) et les mécanismes d’intéressement.
Le RSA se dispose comme suit : le RSA socle, le RSA majoré, la prime d’activité84. Ce dernier
permet de compléter les « revenus du travail des travailleurs dits pauv res et encourager leur activité
professionnelle85 ». Le but est d’apporter une simplification dans la gestion des prestations sociales
« vers une allocation universelle dégressive86».
Pour lutter contre la pauvreté, la commission choisit le travail comme axe privilégié, en associant
« revenus du travail et revenus de solidarités87». Le rapport indique que chaque heure travaillée doit
se traduire par une diminution des prestations inférieures à ce que rapporte le travail soit « 0,38 euro,
de sorte que le ret our à l'emploi permettra d'augmenter le pouvoir d'achat de 0,62 euro88 ».
L’objectif est que l’emploi soit rémunérateur afin d’ éviter les effets produits par le RMI que l’on
nomme « les trappes à inactivité ».
La mesure du RSA allie la politique de solidar ité (aide sociale et action sociale) avec celle de
l’emploi (activation). Pour Nicolas DUVOUX, sociologue « l’activation manifeste une exigence de
responsabilisation des personnes qui sont prises en charge par la collectivité au travers des
politiques de s olidarités89 ». Contrairement au RMI qui , malgré la partie « insertion »
était principalement un dispositif de solidarité, le principe clairement énoncé du RSA est le retour
83https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI0
00019863947
84 Remplace le RSA activité et la prime pour l’emploi depuis le 1er janvier 2016
85 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000545 -la-pauvrete -en-france -et-en-europe/les -politiques -de-
lutte-contre -la-pauvrete
86ASH – decembre -2009 -les numéros juridiques p 8
87 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports -publics/054000264.pdf
88 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/ d000040 -du-rmi-au-rsa-une-refonte -des-politiques -d-insertion -et-
d-aide-sociale/le -rsa-de-l-experimentation -a-la-generalisation
89 Pauvreté et vulnérabilité sociale, Les cahiers Français 390, Janvier – Février 2016, p 45
28
vers l’emploi des bénéficiaires. Sur ce fait , Serge PAUGAM, dans son livre la régulation des pauvres
co – écrit avec Nicolas DUVOUX sociologue, pose la question du devenir des pauvres qui, « en
raison d’un cumul de handicap, rencontrent des difficultés à s’insérer professionnellement90 ». Le
risque di t Nicolas DUVOUX est de rendre les personnes responsables de leur situation et de ce fait ,
qu’il y ait une scission entre les pauvres qu’on considère « méritants » et les autres considérés « non
méritants ».
Après l’élection présidentielle en 2007 , Martin HIRSCH est nommé Haut -commissaire aux
solidarités actives contre la pauvreté, est chargé de la mise en place du nouveau dispositif. C’est
ainsi que débutent l’expérimentation et la généralisation du RSA.
2. RSA : entre expérimentation et généralisation
L’expérimentation du RSA est autorisée par la loi de finances pour 2007 mais également par la loi
en faveur du Travail, Emploi Pouvoir d’Achat (TEPA) sur 34 départements. De surcroit , un comité
d’évaluation fut créé afin de rendre compte de l’évaluation du dispositif. Le dispositif a été
expérimenté pour la première fois à Louviers dans l’Eure. Cependant il y a des différences dans
l’expérimentation d’un département à un autre. Cette diversité pose la question d’une évaluation
satisfaisante comme le soulign e Marianne BERNEDE , journaliste, dans son livre Le RSA une
révolution sociale. Durant la période de l’expérimentation, plusieurs débats91 ont eu lieu concernant
des craintes notamment : l’augmentation du temps partiel, des bas salaires, une augmentation des
travailleurs pauvres, le financement du RSA de l’emploi précaire. L’expérimentation du RSA n’est
pas allée à son terme , prévue initialement pour une durée de troi s ans, du fait de la promulgation de
la loi par Le Président de la République le 1er décembre 2008.
3. Les objectifs du dispositif RSA et leurs dispositions
Le RSA « garantit à toute personne, qu’elle soit en capacité ou non de travailler de disposer d’un
revenu minimum, et de voir ses ressources augmenter quand les revenus qu’elle tire de son travail
s’accroissent92». Les objectifs poursuivis par le RSA sont au nombre de trois : offrir aux personnes
de plus de 25 ans qui résident en France ou ont un enfant à charge ou à naitre un revenu minimum ;
assurer un complément de revenus pour ceux qui exercent une activité professionnelle faiblement
rémunéré ; incit er au retour à l’emploi.
90La régulation des pauvres, Serge Pau gam, Nicolas Duvoux, Paris, PUF, coll, « Quadrige »,1er édition, 2008 ; 2e
édition 2013 ; 2e tirage 2016, p 106
91 « Economistes, syndicats et organisation patronales, partis politiques, association de lutte contre l’exclusion » :
Marianne Bernède, LE RSA, une révolution sociale, Paris, Autrement 2008, p 11
92https://www.senat.fr/rap/a08 -032/a08 -0323.html
29
Depuis 2010, les jeunes de moins de 25 ans peuvent également prétendre au RSA .
Comme pour le RMI, le bénéficiaire du RSA a des droits connexes, qui sont soumis aux ressources
et non plus au statut comme ce fut le cas pour son prédécesseur. Il s’agit notamment de la protection
maladie universelles, la couverture maladie universelle complémentaire, une réduction des frais de
transport, un tarif social au niveau des fournisseurs énergies, une réduction au niveau de
l’abonnement téléphonique, une réduction ou exonération de la taxe d’habitation et la contribution
à l’audiovisuelle publ ique, une allocation logement ( son calcul ne tient pas compte des revenus du
RSA).
Le dispositif est financ é par le Département , toutefois son montant est fixé par décret . C’est un
montant forfaitaire qui est calculé selon la composition et les ressources du foyer perçues les trois
mois antérieurs à la demande. Ce montant est de 550,93 euros au 1er Avril 2018. Depuis 2013, il est
majoré selon la situation et la composition du foyer. Dans le cadre du plan pluriannuel contre la
pauvreté et pour l’inclusion so ciale, le RSA est revalorisé deux fois par an, au mois d’avril et
septembre. L’allocation est versée par la Caisse d’allocations familiales (CAF) et la Mutualité
sociale agricole (MSA).
Les foyers bénéficiaires du RSA qui ont moins de 500 euros de revenus sont soumis aux “droits et
devoirs’’. Les droits concernent une allocation et un accompagnement dont le but est la levée des
freins au regard de l’emploi. Les devoirs : « la loi93 oblige le bénéficiaire du RSA à rechercher un
emploi, entreprendre les démar ches nécessaires à la création de sa propre activité ou entreprendre
les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle94 ».
Cependant la Cour des Comptes précise que la réussite de l’insertion dépend de plusieurs facteurs :
« l’engagement personnel du bénéficiaire et de la situation du marché du travail, mais il suppose
aussi que le bénéficiaire reçoive l’appui qui lui ai nécessaire, cet appui ayant été dès l’origine
confié aux départements95».
4. Nombre de bénéficiaires du RSA : quelques données chiffrées
Selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES)96 fin
2015, le RSA s’appliquait à 2,57 millions de foyers soit 4,3% de plus qu’en 2014. D’après la
DREES , les allocataires sont principalement des personnes isolées : 59% sont seules et 24% sont
des familles monoparentales, les couples avec enfant à charge ou pas d’enfant sont moins
93 L 262 -28 du CASF
94 http://solidarites -sante.gouv.fr/affaires -sociales/lutte -contre -l-exclusion/droits -et-aides/le -revenu -de-solidarite –
active -rsa/articl e/quels -sont-les-droits -et-devoirs -des-beneficiaires -du-rsa
95 Du RMI au RSA la difficile organisation, Cour des comptes, Paris, DILA, 2011, p 11
96 http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/16 -4.pdf
30
représentés. Quant aux femmes, elles représentent la moitié des personnes bé néficiaires du RSA soit
49%. Dans mes entretiens exploratoires, ce qui ressort en majorité ce sont les femmes isolées. On
peut faire une distinction selon le type de RSA concerné :
– Le nombre de RSA socle au 31/12/15 représentait 1,95 millions de foyers et avec les enfants et
conjoints 4,01 millions de personnes. Il concerne les familles dont les ressources sont inférieures
au montant forfaitaire, soit 66% de tous les bénéficiaires d u RSA confondus.
– Le RSA socle majoré, il concerne 9% des allocataires du RSA, soit 242000 foyers au 31/12/15. Il
est alloué sans condition d’âge aux femmes enceintes ou à un parent qui assure seul la charge d’un
ou de plusieurs enfants. La DREES remarque que les bénéficiaires du RSA socle majoré
rencontrent des empêchements en particulier le manque ou le coût des moyens de garde des
enfants. De surcroit , ces allocataires sont considérés comme étant « les « plus éloignés du marché
du travail : 31% d’entre eux sont à Pôle Emploi contre 44% des bénéficiaires du RSA socle non
majoré97 »
– Les personnes bénéficiaires de la prime d’activité (RSA activité en 2015) : d’après la DREES,
comptait 25% de bénéficiaires. Ils étaient 628400 foyers au 31/12/15, avec les conjoints et les
enfants à charge, ils sont 1,54 million de personnes soit 2,3% de le population française.
– Le RSA jeune : d’après la DREES, au 31/12/15, 7700 foyers bénéficient de ce dispositif en France
et parmi eux 2300 foyers perçoivent le RSA socle. L e RSA socle majoré concernerait davantage
de jeunes que le RSA non majoré soit 27% des jeunes bénéficiaires qui sont âgés de moins de 25
ans.
– Dans les Départements et Région d’Outre -Mer (DROM : Guadeloupe, Martinique, Guyane, La
Réunion, Mayotte, Saint – Martin et Saint Barthélemy) : selon la DREES au 31/12/15, il y avait
211300 foyers qui bénéficiaient du RSA socle et en prenant en compte les conjoints et les enfants
à charge des allocataires, ce sont 477900 personnes bénéficiaires du RSA socle.
5. Le RSA, légitim erait -il le travail précaire ?
Malgré leur proximité du marché du travail, les bénéficiaires peinent à s’en sortir malgré la mise en
place du dispositif d’accompagnement socio – professionnel. Ce qui est confirmé par Mme
I,(expert ) « pas de stabilité de l’emploi, parfois les personnes trouvent des emplois en Ateliers et
Chantiers d’Insertion, un CDD de six mois, un et deux ans avec du chômage et reviennent après
dans le RSA même après avoir retravaillé. C’est peut -être là où il y a u n souci. Il y a des personnes
97 http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/16 -4.pdf , p127
31
au début de l’action qui sortent du dispositif parce qu’elles trouvent un emploi et on les retrouve au
bout de 4 ans ».
Le sociologue Nicolas DUVOUX, dans le livre la régulation des pauvres co – écrit avec le Serge
PAUGAM sociologue également, évoque que de nombreuses personnes « alternent des périodes de
travail précaire et assistance et que le projet RSA marque une prise de conscience que de nombreux
assistés travaillent 98». Quant à Serge PAUGAM, il redoute l’installation du travail précaire par les
pouvoirs publics. D’après lui, dans le but d’une diminution de l’inactivité, « on postule qu’il est
souhaitable pour eux de pouvoir cumuler un petit revenu d’activité et une allocation d’assistance.
On crée officiellement un nouve au statut : celui du travailleur précaire assisté 99». De plus, il rajoute
que « cette mesure apparait comme légitime car elle concerne les pauvres dont on pense qu’ils ont
intérêt à se satisfaire de ce nouveau statut, mais n’est -ce pas une façon de les obl iger à entrer non
pas dans le salariat mais dans ce que l’on appelle aujourd’hui le précariat ?100 ». Dès lors il
apparait difficile pour un bénéficiaire soumis aux droits et devoirs de refuser du travail même si
c’est un travail précaire et ne répondant pas à ses attentes. De fait le dispositif sans le vouloir peut
légitimer le travail précaire et contribuer à une certaine stigmatisation d’une certaine catégorie
d’individus.
6. Le RSA est – il synonyme d’isolement
D’après Robert CASTEL, le travail a toujours été considéré « comme la richesse sociale ».
D’ailleurs pour lui et Serge PAUGAM, le travail est vu comme facteur d’intégration professionnelle
et sociale. Dès lors, la personne qui perd son emploi peut se trouv er dans l’incertitude, dans
l’impossibilité de se projeter dans l’avenir. Face à cette expérience, la personne peut se sentir vite
disqualifiée. Serge PAUGAM mentionne « les personnes qui font ce type d’expérience ont le
sentiment d’être déclassées, c’est -à-dire d’être dans une situation socialement inférieure à celle
qu’elles ont connu antérieurement 101». De ce fait, l’absence de travail ou la difficulté d’y accéder,
peut provoquer un retrait, un repli sur soi. Pour certains, l’entrée dans le RSA est difficile à vivre à
cause du regard stigmatisant des autres. Aussi, il ne s’agit pas d’isolement dont les personnes
semblent souffrir mais de « désaffiliation ». De fait lors de mes entretiens exploratoires, la notion
98 La régulation des pauvres, Serge Paugam, Nicolas Duvoux, Paris, PUF, coll, « Quadrige »,1er édition, 2008 ; 2e
édition 2013 ; 2e tirage 2016, p 100
99 La régulation des pauvres, Serge Paugam, Nicolas Duvoux, Paris, PUF, coll, « Quadrige »,1er édition, 2008 ; 2e
édition 2013 ; 2e tirage 2016, p 99
100 La régulation des pauvres, Serge Paugam, Nicolas Duvoux, Paris, PUF, coll, « Quadrige »,1er édition, 2008 ; 2e
édition 2013 ; 2e tirage 2016, p 100
101 La disqualification sociale, Serge Paugam, Paris, 1er édition 1991, « Quadrige » : 2000, 4e édition 2009, PUF
1991 préface de la huitième édition p XVI, XVII, p 6
32
d’isolement est celle qui ressort le moins. Voici comment m’en parle Mr H, (témoin) « dans le cadre
du RSA, il y a des personnes seules mais leur situation leur convient. Sur mes deux cent cinquante
dossiers, ce n’est pas un thème récurrent. Il y a la personne qui se dit isolée mais si on lui propose
de participer à telle association ou accompagnement, la personne dira non. Il y a des personnes
bénéficiaires du RSA qui vivent officiellement avec pas grand -chose mais qui ont des réseaux, font
du bénévolat, ont de la famille, sont reconnues et connues socialement »
7. Evaluation du dispositif RSA
La loi du 1er décembre 2008 généralisant le Revenu de Solidarité Active et réformant les politiques
d’insertion avait prévu une évaluation de l’expérimentation du RSA par un comité d’évaluation.
Celui n’a pas pu aller jusqu’au bout de son évaluation à cause de l’annonce de la loi généralisant le
RSA par le Président de la République. Il a néanmoins rendu un rapport le 22 mai 2009, une année
après l’expérimentation. Une augmentation de l’emploi est observée mais cela concerne surtout le
temps partiel 61%102dans le secteur marchand.
Le comité d’évaluation dans son rapport intermédiaire de 2010 mentionne les raisons de non
recours : la méconnaissance de la mesure, sa complexité, le refus des devoirs liés au dispositif,
récuser « de demander le RSA car elles ne se reconnaissent pas dans les étiquettes qui y sont parfois
associées (minimum social ou travailleur pauvre )103».
Dans son rapport final de décembre 2011, le comité d’évaluation observe une majorité de temps
partiel « les emplois occupés par les bénéficiaires du RSA sont majoritairement à temps partiel :
53%, contre 17% pour l’ensemble des personnes en emploi en France métropolitaine104 ».
Le comité d’évaluation se base estime à 432 millions d’euros non versés pour cause de non -recours
au RSA concernant le mois de décembre 2010. Soit un taux 36% pour le RSA socle seul ; RSA
socle et Activité 33 %, RSA Activité 68 %. Le non recours d’après le rapport du comité d’évaluation
est plus important chez les bénéficiaires du RSA Activité (Prime d’Activité). Mme E, (témoin)
mentionne le non – recours aux droits, en ces termes « concernant le non recours aux droits, il y a
beaucoup de travailleurs pauvres, s’ils ne font pas la demande, ce n’est pas automatique ». Malgré
le peu de résultat du dispositif quant au retour à l’emp loi et le non recours aux droits, le comité
d’évaluation observe une diminution de la pauvreté.
102ASH – decembre -2009 -les numéros juridiques p 7
103 http://solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapportintermediaire2010 -2.pdf
104 http://solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_2011_du_c omite.pdf , p 80
33
La Cour des Comptes, dans son rapport de 2011, notifie qu’il y avait dès de l’entrée en vigueur de
la loi, une incitation aux départements à effectuer une nette distinction entre l’orientation sociale et
professionnelle. Elle formule un avis quant à cette distinction des deux dispositifs
d’accompagnement dont le risque est la division des bénéficiaires et dont les conséquences seraient
de rendre difficile l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi.
D’après l’enquête du CREDOC105 en avril 2012, le dispositif est jugé complexe par les personnes
bénéficiaires du RSA. Le manque d’information et la complexité des modes de calcul ne leur
permettent pas de percevoir l’intérêt du dispositif en ce qui concerne les revenus, c’est le cas
notamment des bénéficiaires de la prime d’activité. Ces derniers ne comprennent pas la baisse de la
prestation en cas de reprise d’activité salariale plus importante.
L’enquête montre que la plupart des bénéficiaires n’attendent rien de particulier en ce qui concerne
l’accompagnement, de même les anciens bénéficiaires du RMI ne constatent aucune modification
lorsqu’il y a u n accompagnement par un travailleur social. Parmi ces derniers les seuls qui trouvent
efficace l’accompagn ement sont « ceux qui se sont vu proposer des actions de remobilisation, un
bilan de compétence ou une formation106 ».
L’enquête du CREDOC montre égalem ent qu e le Contrat d’ Engagement Réciproque (CER) ou le
Projet Personnalisé d’ Accès à l’ Emploi (PPAE) , ne sont pas vu de manière efficace, de même la
fonction du référent unique n’est pas bien comprise. Ces observations du CREDOC rejoignent les
dires de cer tains acteurs et témoins. C’est le cas de Mr D un des acteurs « c’est l’assistante sociale,
elle m’aide pour les papiers, j’en ai rencontré beaucoup ». De même Mme E, l’ASS référent
insertion « dispositif complexe, très lourd, même nous, on a du mal à parl er des subtilités entre
accompagnement, c’est trop compliqué. En ce qui concerne le référent unique au niveau de la
communication, il n’y a rien de clair, ni au niveau du département, ni au niveau national ». Elle
rajoute « les bénéficiaires sont inondés de courriers qui sont incompréhensibles, même nous, quand
on lit, on ne comprend pas toujours ; dans les courriers de convocation : les personnes ne
comprennent pas toujours, c’est imbuvable ». D’après le CREDOC « à l’inve rse, les référents
sociaux ne sont pas toujours suffisamment outillés pour faciliter l’accès à l’emploi des bénéficiaires
ayant résolu leurs difficultés personnelles 107».
105Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation Des Conditions de vie, http://www.credoc.fr/pdf/4p/250.pdf
106 http://www.credoc.fr/pdf/4p/250.pdf
107 http://www.credoc.fr/pdf/4p/250.pdf
34
Les personnes bénéficiaires du RSA, d’une manière générale ne trouvent pas que
l’acco mpagnement social ou professionnel soit efficient suivant leur problématique : santé,
logement, garde d’enfant…Toutefois, l’étude du CREDOC fait remarquer que « les effets attendus
du RSA ont été limités par la crise économique de 2008. En un an, entre jui n 2009 et juin 2010, le
nombre de bénéficiaires a augmenté de 15% environ. Ainsi la généralisation du RSA s’est faite dans
un contexte de forte hausse du nombre d’allocataires108 ».
Conclusion
D’après Julien DAMON, sociologue et professeur associé en Science s Po, le RSA ne peut être
qualifié de « révolution sociale » car il est dans le même esprit que le RMI, il ne change pas les
dispositions mais pérennise les mesures du RMI et les mécanismes d’intéressement. « Avec ses
limites et ses vertus, il s’inscrit plus dans un sentier qui a été ouvert en 1988 qu’il n’ouvre
véritablement un nouveau chemin 109».
Le RMI comme le RSA a permis de prendre en charge la « nouvelle pauvreté ». Comme le souligne
Mme B, (couple d’acteurs ) « le RSA est un revenu qui permet de v ivre avec trois enfants à
charge, tout ce qui est alimentation, pouvoir habiller les enfants, permet d’avoir la tête haute, sans
cela, on aurait la tête sous l’eau ». Cependant , comme l’ont fait remarquer plusieurs des personnes
lors des entretien s explora toires, le montant du RSA ne permet pas aux personnes de vivre comme
elles le souhaiteraient. Toutefois le RSA ne se limite pas qu’au revenu mais également à
l’accompagnement notamment l’accompagnement socioprofessionnel .
Partie 3 : l’Accompagnement Socio professionnel des personnes bénéficiaires du RSA soumis
aux droits et devoirs
D’après l’article L. 262 -27 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF) « le bénéficiaire du
revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins
et organisé par un référent unique110 ». Dans le cadre de mon mémoire , je me suis intéressée en
particulier à l’accompagnement socioprofessionnel. Il me parait tout d’abord important d’étudier la
notion d’accompagnement et comprendre son importance dans le travail social avant de traiter
l’accompagnement socioprofessionnel dans le cadre du RSA.
I. Notion d’accompagnement : du concept d’accompagnement à la notion d’accompagnement
de contrat en travail social
108 http://www.credoc.fr/pdf/4p/250.pdf
109Pauvreté et vulnérabilité sociale, Les cahiers Français 390, Janvier – Février 2016, p 41
110https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI0
00006797236&dateTexte=&categorieLien =cid
35
Le terme vient du latin qui veut dire ac (vers : mouvement) cum (avec) pagnis (pain) pour donner
le mot « compagnon » désignant les personnes qui, à table, étaient assises côte à côte et partageaient
le pain. Le dictionnaire Le Robert définit le verbe ‘‘ accompagner’’ tel que : se joindre à quelqu’un
pour aller là où il va en même temps que lui ». ‘‘ Accompagner’’ signifie que nous rejoignons la
personne à un moment donné de sa vie, en étant à ses côtés et marchant dans la même direction et
le même rythme qu’elle .
1. L’accompagnement social : un dispositif
Le sociologue Ali BOULAYOUNE parle d’un concept largement mobilisé par de multiples acteurs
institutionnels, professionnels et associatifs. Pour lui la polysémie du terme vient de la disparité des
types de projet, des actions entreprises ainsi que des profils des individus concernés. Dès le début
de l’année 1980, le suivi social est remplacé par l’accompagnement social. D’après le sociologue
« il se veut porteur d’une nouvelle pratique d’intervention social e, dégradée de toute connotation
négative111 ». L’idée recherchée par ce nouveau concept est l’adhésion de la personne et sa
participation dans toutes les décisions la concernant. L’objectif du législateur est de favoriser
l’insertion plaçant ainsi l’individ u au centre des dispositifs d’accompagnement.
Pour Jean -Yves BARREYRE et Brigitte BOUQUET sociologues, l’accompagnement social
correspond à « une mission générale, une mesure intégrée à un dispositif d’un programme ou un
plan112 ». L’accompagnement social est un outil de l’action sociale reconnu par le législateur,
notamment au sein des lois suivantes : la Loi Besson du 31 Mai 1990, la loi du 1er décembre 1988
sur le RMI, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico -sociale, et du 11 février
2005 sur l’égalité des chances, de la participation et de la citoyenneté des personnes handicapées, la
loi du 1er décembre 2008 sur le RSA et les politiques d’insertion.
L’accompagnement social ou « spécifique » est issu des poli tiques transversales apparues au cours
des années 90 « « par les volontés politiques de rationalisation des dispositifs à un domaine de la
vie sociale113 ».
D’après Serge PAUGAM la notion d’accompagnement est généralement complémentaire avec celle
d’inserti on. D’après le sociologue, « dans le discours des professionnels du social, une personne en
111 L’accompagnement social vers l’em ploi, Informations sociales, n° 169, Janvier – Février 2012, p 8,
112Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris
Bayard 2006, p 25
113Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris
Bayard 2006, p 25
36
difficulté doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement social pour s’insérer114 ». Pour lui, suivant
l’objectif recherché, l’accompagnement ne sera pas le même et ne produira pas le même effet selon
l’objectif qui est visé, par exemple l’accompagnement social lié à l’accès au logement ;
l’accompagnement lié à l’insertion professionnelle ; accompagnement lié à l’accès aux soins. Il
explique que chaque difficulté rencontrée par les personnes pauvres « peut correspondre à la fois
un programme d’insertion et une forme spécifique d’accompagnement social 115». Aussi, il
m’apparait nécessaire d’a ppréhender ce concept, à travers deux termes utilisés par Maela Paul pour
décrire l’accompagnement.
2. Le concept d’accompagnement selon Maela PAUL
Maela Paul a un diplôme de doctorat en Sciences de l’éducation, elle est enseignante et formatrice
auprès des professionnels de l’accompagnement. Elle a écrit plusieurs livres dont
l’accompagnement une posture professionnelle spécifique. Elle est une référence en matière
d’accompagnement.
La notion d’accompagnement a toujours existé dans le travail social mais sa conceptualisation est
récente, seulement depuis les années 90. Ceci s’explique par son utilisation dans beaucoup de
domaines notamment « le counselling, le coaching, mentoring, le t utorat…116». D’après Maela Paul,
depuis les années 90, l’accompagnement est utilisé dans plusieurs champs sans qu’il soit réellement
défini. Le terme perdrait même de sa valeur et deviendrait flou. Il désigne un terme générique qui
ne peut servir de concept à lui seul. Elle invite à réfléchir sur ce que signifie réellement ce
concept notamment l’engagement des protagonistes en particulier l’accompagnant. Elle incite
également à la réflexion sur la place de chacun (l’accompagnant et l’accompagné), sur l’object if à
atteindre.
D’après Maela Paul, l’accompagnement se situe sur deux niveaux : « être avec et aller vers, sur la
base d’une valeur symbolique, celle du partage 117 » qui doit être l’objectif de toute action.
Elle suggère deux dimensions dans l’accompagnement : « la relation et le cheminement118 ». Sans
la dimension relationnelle, il ne peut y avoir de mise en route, de cheminement. La relation est la
faculté d’aller à la rencontre de l’autre, de le rejoindre dans ce qu’il vit pour cheminer ensemble au
même rythme que lui. La relation suppose une réelle aptitude pour l’ASS (l’accompagnant) à se
114 Les formes élémentaires de la pauvreté, Serge Paugam, Paris, PUF, « Le Lien Social », 1er édition 2005, 3ème
édition corrigée, 2013, p 226
115 Les formes élémentaires de la pauv reté, Serge Paugam, Paris, PUF, « Le Lien Social », 1er édition 2005, 3ème
édition corrigée, 2013, p 226
116 Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, sous la direction de Jean Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Paris Bayard 200 6, p 22
117 http://journals.openedition.org/rechercheformation/435
118 http://journals.openedition.org/rechercheformation/435
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rendre disponible pour la personne bénéficiaire du RSA (l’accompagné) par ‘‘l’écoute active’’,
l’attention que nous avons pour elle et le fait d’être pleinement présent c’est à dire « ici et
maintenant ».
Quant au cheminement , il est décrit par Maela PAUL comme une marche. Le positionnement de
l’accompagnant doit permettre à la personne, de cheminer vers elle, ainsi découvrir ses capacités,
ses potentiels, le champ des possibles. Pour ce faire, il est important que l’ accompagnant et
l’accompagné avancent à la même cadence et que les informations soient transmises de manière
circulaire entre les deux. De ce fait , il parait nécessaire d’établir un contrat avec des projets et les
moyens pour y parvenir. Le rôle de l’accompagnant est de favoriser les conditions nécessaires à
l’émergence de potentiels de la personne accompagnée dans la résolution de sa problématique. Son
rôle est également d’aider l’accompagné à prendre de conscience de ses capacités, à retrouver une
autonomie pour affronter d’autres transformations. Selon le but à atteindre, il est ess entiel qu’il y
ait une reconnaissance de « compétences » de part et d’autre et qu’il y ait une clarification des rôles
de chacun et la place de chacun dans l’accompagnement. Quelle place l’accompagnant laisse à
l’accompagné ; qui fait quoi et quelle sont l es démarches à effectuer ensemble ?
En conclusion, d’après Maela PAUL, l’accompagnement doit permettre à la personne de revenir
vers elle, découvrir sa valeur, ses potentiels afin de redevenir actrice de sa propre vie. Elle mentionne
que c’est dans le mi lieu social que l’accompagnement s’est professionnalisé. De ce fait amène l’ASS
à réfléchir à la façon d’entrer en relation d’aide avec la personne.
3. La relation d’aide
La relation d’aide suppose un cadre , qu’il appartient à l’aidant d’apporter lors des rencontres . Carl
Rogers119, psychologue américain parle de « limites déterminées qui permettent de donner une
forme à l’entretien et que le ‘‘client ’’ (la personne) peut utiliser pour progresser dans la conscience
de lui -même120 ». Toutefois selon Carl Rogers la relation d’aide requiert « quatre qualités bien
déterminées121». En premier lieu , l’authenticité (être soi – même et accepté qu’on ne sait pas tout et
que la personne connait mieux sa vie que nous) et respecter la personne dans ce qu’elle est (c’est –
à-dire un être humain avec une dignité). Ensuite, la relation d’aide est un lieu où par notre capacité
d’écoute et d’empathie , la personne peut exprimer ce qu’elle ressent en toute de confiance. La
relation d’aide doit permettre à la personne de se rendre compte de ses potentiels . Cette idée
119 Carl Rogers (1902 -1987) était un psychologue américain, un psychothérapeute, un universitaire, un pédagogue, un
chercheur et l'auteur de nomb reux livres. Il est le fondateur de l'Approche Centrée sur la Personne et de la
Psychothérapie Centrée sur la Personne. http://psy -paris.eu/acp_carl_rogers.php
120 la relation d’aide et la psychothérapie (titre original : counseling and psychothérapie), Carl Rogers, (1942/1970), Paris ESF, 15ème édition 2008,
p 94
121 La relation d’aide et la psychothérapie (titre original : counseling and psychothérapie), Carl Rogers, (1942/1970),
Paris ESF, 15ème édition 2008, p 94,
38
rejoint le cheminement de Maela Paul dans l’accompagnement qui permet à la personne de revenir
vers elle. Enfin, avec les conseils éclairés de l’ASS, la personne prend ses décisions : respect du
choix de la personne et de son autonomie de décision .
Pour ce faire, il est important dans la relation d’aide, de prendre la personne dans sa globalité, c’est –
à-dire en interaction avec son environnement. Par environnement Jacques CHALIFOUR122,
psychothérapeute, entend, tout d’abord la personne dans ses rapports avec elle – même puisque de
cela va découler les rapports qu’elle entretient avec les autres, avec son environnement. Un autre
aspect aussi important est à prendre en compte dans la relat ion d’aide, l’ASS lui – même. Le sens
de son accompagnement s’enracine sur son expertise reçue en formation (au centre de formation et
terrain de stage) mais également ses qualités humaines. Aussi dans la relation d’aide , nous
travaillons avec ce que nous sommes.
Dans cette relation d’aide, il est important qu’il y ait un contrat (qui peut être tacite), qui définit le
cadre de la relation, qu’il soit dialogué entre l’ASS et la personne bénéficiaire du RSA. Pour ce
faire, l’aidant doit clarifier son rôle aup rès de la personne, les actions menées par chacun. Toutefois
même s’il est important de poser un cadre, celui – ci ne doit pas être trop rigide, il doit permettre à
la personne comme à l’ASS d’effectuer des ajustements au fur et à mesure de la relation d’a ide.
4. Le contrat dans le travail social
D’après Cristina DE ROBERTIS123, assistante sociale « le contrat est une technique utilisée en
travail social124 ». Il vient des Etats – Unis et du Canada à la fin de l’année 1960 et à l’avènement
de l’année 1970. Les travailleurs sociaux ont pris à leur compte cette méthodologie inspirée de
l’analyse systémique. Il s’agissait de l’élaboration pour l’ASS et la personn e, dès le premier
entretien d’un contrat dont la durée était fixée à deux mois. L’objectif était d’avoir de rapides
résultats pour la personne.
Cristina De Robertis mentionne que cette forme d’aide rapide est apparue au moment où le champ
social était à l a recherche d’autres façons de pratiquer. Deux méthodes ont permis l’utilisation du
contrat : il s’agit de « l’intervention en situation de crise » et « l’intervention centrée sur la tâche ou
objectifs ». Celui – ci a pour but d’accompagner la personne à c larifier sa problématique et à
actionner plusieurs démarches dans la résolution de celle – ci. En France, en 1977, le contrat fut
122 A une maîtrise en soins infirmiers psychiatriques et maîtrise en psychologie. Il a eu une formation en
psychothérapie gestaltiste.
123 Assistante de service social, diplômée de l'Ecole universitaire de service social de Montevideo, Uruguay. Directrice
de l'Ecole de service social de la Croix -Rouge française de Toulon, animatrice de la collection "Travail social" aux
éditions Bayard (en 1993).
124 Le contrat en travail social, Sous la direction de Cristina De Rorbertis, Bayard Edition, Paris 1993, p 55
39
utilisé pour la première fois par Aide à Toute Détresse (ATD Quart Monde) en direction des familles
qui n’avaient pas de quoi se loger. La durée était de six mois et pouvait être réitérée, les termes
pouvaient également évoluer. Ensuite le contrat s’est généralisé mais c’est « le revenu minimum
d’insertion qui donnera à cette technique ses lettres de noblesse et sa légitimité 125».
Le contrat est une méthode qui est composée de plusieurs étapes qui part du premier entretien à la
clôture de l’accompagnement. Le contrat fait partie intégrante de la relation d’aide qui a comme
fondement « accord et confiance réciproque ». Sans cela, C ristina de Robertis mentionne qu’il ne
peut y avoir ni de contrat ni de relation d’aide. Le contrat entre l’ASS et la personne exprime les
attendus en ce qui concerne le but visé, les engagements de part et d’autre, la durée du contrat,
l’endroit et le no mbre des entretiens. Il s’agit d’une clarification de toutes les actions qui vont être
menées conjointement dans l’objectif d’apporter un changement de la situation de la personne.
L’intérêt du contrat dans le travail social, d’après Cristina De Robertis, est d’ « apporter une
direction et de focaliser les activités du travailleur social et du “client’’ (la personne) sur des points
précis, préalablement définis. Cette focalisation sur des objectifs à atteindre favorise la
mobilisation en commun des énergies et apporte un sentiment de sécurité et de confiance : on sait
où on veut aller. Ensuite le contrat implique la reconnaissance du “client’’ (la personne) comme
responsable de sa vie, comme un adulte capable. Il réaffirme l’importance de la participation ac tive
de l’“usager’’ (de la personne) dans la résolution de ses propres problèmes, le situe en tant
qu’acteur, en tant que sujet et non en tant qu’objet d’aide 126».
Dans le cadre du dispositif RSA, le contrat s’effectue entre le Département et la personne, l’ASS
représentant le Département lors de la signature du Contrat d’Engagement Réciproque pour
l’accompagnement social ou socioprofessionnel.
II. L’accompagnement socioprofessionnel et le contrat d’engagement réciproque(CER)
L’article L262 -27 du code de l’ac tion sociale et des familles modifié par l’article 3 de la Loi
du 1 décembre 2008 mentionne que : « Le bénéficiaire du revenu de solidarité active a droit à un
accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent uniqu e ».
L’accompagnement socioprofessionnel est l’un des accompagnements du dispositif RSA. Il est
destiné aux personnes qui ne sont pas trop éloignées de l’emploi mais qui rencontrent des difficultés
sociales. Aussi le but est de les aider à lever les freins sociaux qui leur empêchent d’accéder à
l’emploi. Il peut s’agir de la précarité liée à l’accès aux soins, au logement, à l’emploi, à la formation,
125 Le contrat e n travail social, Sous la direction de Cristina De Rorbertis, Bayard Edition, Paris 1993, p 59
126 Le contrat en travail social, Sous la direction de Cristina De Rorbertis, Bayard Edition, Paris 1993, p 60
40
des problèmes de surendettement, de mobilité, de revenus. Pour ce faire , la personne signe un CER
avec le Dép artement.
1. Le rôle du département dans le dispositif
La loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum
d'insertion et créant un revenu minimum d'activité a désigné le département comme chef file de
l’insertion. A ce titre, il a la gestion et le financement du dispositif RSA. Pour ce faire, il organise
la mise en œuvre du disposi tif, c’est -à-dire de l’instruction de la demande jusqu’à son versement
qui est assuré par la CAF et la MSA par délégation. Il gère l’orientation, elle peut être effectuée par
le service social du département ou un autre organisme sur décision du Président du Conseil
Départemental (Pôle Emploi, organisme participant au service public de l’emploi ou encore un
organisme d’insertion127). D’après l’article L262 – 29 du CASF, il y a deux types d’orientation :
– Si la personne est proch e de l’emploi : elle est orientée vers un accompagnement professionnel :
la personne signe un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) avec Pôle Emploi (43% des
bénéficiaires orientés en 2015128) ou un organisme participant au service public de l’emploi
(SPE) autre que Pôle Emp loi (5% des bénéficiaires orientés129).
– Si la personne rencontre des difficultés sociales qui l’empêchent de s’insérer
professionnellement, elle est orientée selon ses difficultés vers un accompagnement social ou socio
– professionnel. La personne signe u n contrat d’engagements réciproques (CER) avec le service
social départemental (34% des bénéficiaires orientés en 2015130) ou le CCAS, CCIAS (7 % des
bénéficiaires orientés en 2015131) ou les associations ainsi que d’ autres organismes d’insertion en
dehors du SPE (11% de bénéficiaires orientés en 2015132).
D’après Mme G, responsable d’UT « en 2016 : 30% sont orientés vers P ôle Emploi et 70% vers le
service social départemental avec en majorité des contrats santé . Tous ceux qui pouvaient aller
dans l’emploi, c’est une orientation P ôle Emploi ».
La gestion du dispositif et la mise en place de l’insertion peuvent être différentes d’un département
à un autre ce qui peut provoquer des disparités. Toutefois le département est chef file de l’insertion
et à ce titre, disp ose des outils pour mener à bien sa politique d’insertion. A ce titre, il dispose de
plusieurs outils :
127http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/16 -4.pdf
128 http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1019.pdf
129 http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1019.pdf
130 http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1019.pdf
131 http://drees.solid arites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1019.pdf
132 http://drees.solidarites -sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1019.pdf
41
– le Programme Départemental d’Insertion (PDI) : c’est un document sur l’étude du territoire
afin d’en déterminer les besoins et les offres en matière d’insertion. Il définit la politique
départementale au niveau de l’accompagnement social et professionnel et établit les actions en
matière d’insertion ;
– le pacte territorial pour l’insertion (PTI) : il est établi avec tous les acteurs de l’insertion afin
de permettre la mise en place du PDI. « Il définit notamment les modalités de coordination des
actions entreprises par les parties pour favoriser l' insertion sociale et professionnelle des
bénéficiaires du revenu de solidarité active133 » ;
– une Convention d’Orientation et d’Accompagnement : elle détermine les méthodes de prise en
charge des allocataires soumis aux droits et aux devoirs. Elle réunit plusieurs partenaires dont le
département, l’Etat, Pôle Emploi, la CAF, la MSA, les représentants des CCAS ainsi que d’autres
partenaires ;
– l’équipe pluridisciplinaire : mise en place par le Conseil Départemental, elle rassemble les
représentants du département, de Pôle Emploi, des maisons de l’emploi et des bénéficiaires du RSA.
Cette instance évalue la réorientation de la personne bénéficiaire du RS A à la fin de son engagement
s’il n’y a pas de retour vers l’emploi. De même, en cas de manquement aux obligations des
personnes soumis aux droits et devoirs, elles se prononcent sur la réduction voire la suspension de
l’allocation ;
– la participation des bénéficiaires du RSA aux politiques d’insertion134 : la loi admet et incite
les personnes bénéficiaires du RSA à contribuer à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation du
dispositif.
2. Le CER : objet d’expression au service du projet du bénéficiaire du RSA
Le CER est un document signé entre le Conseil Départemental et la personne , sa durée moyenne est
de six mois à un an. Sont mentionnées dessus toutes les actions que la personne doit entreprendre
en vue de son insertion socioprofessionnelle. Après évaluation de la situation de la personne, un
projet est dialogué entre l’ASS et la personne , sa finalité est l’insertion socioprofessionnelle de
l’individu. Suivant la problématique, dans l’accompagnement socioprofessionnel, l’ASS dispose de
plusi eurs outils notamment des ateliers de remobilisation dans certains départements, des ateliers et
chantiers d’insertion … A la fin du contrat si la personne n’est pas orientée vers Pôle E mploi,
133https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI0
00006797312&dateTexte=&categorieLien=cid
134 http://soli darites -sante.gouv.fr/affaires -sociales/lutte -contre -l-exclusion/droits -et-aides/le -revenu -de-solidarite –
active -rsa/article/comment -s-organisent -les-politiques -d-insertion -a-destination -des-beneficiaires
42
sa situation est réexaminée par l’équipe pluridisciplinaire . La personne est tenue de respecter le
contrat, de déclarer tous les trois mois ses revenus et tout changement de sa situation.
D’après Robert CASTEL, avec la décentralisation et le transfert de l’insertion au département, les
nouveaux termes employés dans le social sont « contrat et projet 135». La finalité est la participation
de l’usager dans son projet par un accompagnement qui se veut individuel. Aussi l’accompagnement
des personnes dans la résolution de leurs problématiques, nécessite un esprit d’initiativ e et de mise
à disposition. Toutefois, Robert Castel questionne l’injonction faite à la personne en grande
difficulté de gérer lui – même sa vie dans une société en crise sociale et économique : « demander
par exemple à quelqu’un qui n’a pas de travail et se trouve dans une situation familiale et sociale
très difficile de refaire un projet d’existence, n’est – ce pas trop exiger de lui ? 136» Ces mots du
sociologue f ont écho aux propos de Mme L « j’ai signé un contrat d’insertion. Ce sont des choses
que je me suis engagée à faire. Quand on s’engage à faire quelque chose le mental travaille. Quand
je vais la revoir il faut absolument que j’ai fait ça ou essayer de faire mais ce n’est pas toujours
facile surtout quand c’est le médical. Alors quand j’y vais, je d is que j’ai oublié pour éviter de dire
je n’ai pas envie de le faire ou je n’ai pas eu la force de le faire, c’est surtout ça. Quand je m’engage
à faire quelque chose, je dois le faire, après le mental, c’est autre chose ». Alors que pour Mr A, un
des acte urs le CER est un document qui lui a permis de réaliser son projet « je suis arrivé avec un
projet, c’était mon projet. J’ai demandé à passer le permis. Nous avons monté un dossier pour
demander des sous à droite et à gauche. Ensuite comme je ne voulais pa s aller en prison parce que
je fume des buzz, du coke le week end, je lui ai dit que je reprends mon ancienne activité parc et
jardin ».
3. Les allocataires soumis aux droits et devoirs : entre autonomie et responsabilisation ?
Les personnes bénéficiaires du RSA soumis aux droits et devoirs dans le cadre de
l’accompagnement socioprofessionnel doivent mettre en place les actions nécessaires en vue de
lever les freins sociaux afin d’aller vers l’insertion professionnelle. C’est le cas de Mr B (couple
acteur)) « il n’y a pas de limitation de durée dans l’accompagnement tant que j’ai des problèmes de
santé, on reste là -dessus, mais en contrepartie, je montre que je fais des efforts pour m’en sortir,
que ce ne soit pas une excuse pour rester à la maison. On travai lle dessus pour pouvoir sortir ».
Mme G, responsable d’UT décrit les droits et devoirs des bénéficiaires en ces termes « le
bénéficiaire doit participer activement pour que ça avance ».
135 La montée des incertitudes, Robert Castel, Edition du Seuil, mars 2009, p 242
136 La montée des incertitudes, Robert Castel, Edition du Seuil, mars 2009, p 242
43
En cas de non -respect du CER, il peut avoir des sanctions qui vont de la réduction de 30% de
l’allocation jusqu’à la suspension. C’est le cas Mr et Mme B (couple acteurs ) « notre second enfant
est reconnu handicapé par la MDPH137 et, j’ai dû batailler avec ma conseillère parce j’ai loupé un
rendez -vous pour être auprès de mon enfant au CMP138 et on nous a suspendu la moitié du RSA
pendant deux ou trois mois. Il a fallu justifier avec des preuves des documents de la MDPH que je
ne po uvais pas être là. Nous avions reçu un courrier comme quoi ça passait en commission mais
c’était mal expliqué, on ne savait pas qu’il fallait qu’on y aille et ils ont enlevé 60% du RSA. Il a
fallu faire un courrier comme quoi nous étions de bonnes foi pour qu’ils puissent rétablir, cela a
mis un bon mois et un mois et demi avant d’être rétabli ». Toutefois cette obligation aux devoirs est
à nuancer, par exemple, Mr A un des acteurs me dit ne ressentir aucune obligation par rapport à ses
amis. Les personnes n’ont pas toujours conscience des notions de droits et devoirs de ce qui est
ressorti de mes entretiens.
4. Le référent unique : une aide dans l’accompagnement socioprofessionnel
L’accompagnement socioprofessionnel est effectué par un référent unique désigné par le
département. Son rôle est d’accompagner la personne à lever les difficultés sociales qui sont un frein
à l’emploi, par exemple : difficultés liées au logement, à la santé, au transport, au mode de garde,
au surendettement. Mme E, ASS (témoin) me dé crit sa mission de référent e unique « élaborer un
projet avec la personne en mettant à sa disposition les outils qui peuvent permettre la mise en place
de ce projet socioprofessionnel, coordonner le parcours de la personne .On évalue, on fait un
diagnostic pour voir ce qu’on priorise : mode de garde, savoir lire et écrire, faire une remise à
niveau, passer le permis ». Quant à Mr B (couple acteurs ), il m’en parle en ces termes : « une
personne qui nous aide à faire les recherch es pour l’emploi ou qui peut nous orienter pour la santé,
qui est là pour écouter pourquoi on est dans le dispositif RSA et nous aider à sortir du dispositif ».
La Cour des Comptes précise dans son rapport de 2011 que « le référent est l’interlocuteur priv ilégié
du bénéficiaire, c’est lui qui rédige le contrat et suit son exécution. Son rôle est primordial et ses
principales fonctions ont été reconnues par la loi de 2003 qui a rendu sa désignation obligatoire
pour tout bénéficiaire 139». Cela est renforcé par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et
réformant les politiques d’insertion.
Conclusion
En conclusion, je citerai Serge PAUGAM qui distingue « deux modes d’intervention
sociale : le mode bureautique et le mode individualiste. Le premier correspond à la logique de
137 La Maison Départementale des Personnes Handicapées
138 Centre Médico -Psychologique
139 Du RMI au RSA la difficile organisation, Cour des comptes, Paris, DILA, 2011, p 25
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l’application du droit dans le sens de l’égalité des citoyens140 ». Le travail leur social fait ce qui lui
a été préconisé par l’administration. « Le second est fondé sur la recherche la plus adaptée aux cas
individuels. L’intervenant social peut s’appuyer sur une palette large de possibilités d’action qu’il
adapte aux personnes en difficulté selon sa propre évaluation de leurs pr oblèmes ». Dans
l’accompagnement l’ASS met en premier l’intérêt de la personne, cependant il a des obligations
envers son employeur et la profession. L’éthique et la déontologique sont nécessaires dans la
relation d’aide afin de guider notre action dans la recherche de l’autonomie de la personne et comme
actrice de son propre développement.
De la Problématique à l’hypothèse
Comment expliquer que certains bénéficiaires du RSA restent en situation de précarité et
d’isolement malgré l’existence d’un dispositif d’accompagnement socioprofessionnel ?
La phase exploratoire m’a permis d’appréhender plusieurs éléments. En premier lieu, le concept de
précarité ; à travers mes recherches, j’ai vu que la précarité recouvre plusieurs dimensions, qu’elle
est mu ltifactorielle. Mais surtout qu’elle est apparue depuis les années 80 avec ce que l’on nommait
« la nouvelle pauvreté ». En 1987, la précarité est mise en lien avec la pauvreté dans le rapport du
Père Joseph Wresinski. Il définit la précarité et son rappor t conduit à la création du RMI le 1er
décembre 1988 et vingt ans plus tard le 1er décembre 2008, le RSA à partir du rapport de Martin
Hirsch président d’Emmaüs. Ces deux prestations sont une réponse des politiques sociales dans la
lutte de la pauvreté et de l’exclusion. Le seuil de pauvreté selon l’Institut National de la Statistique
et des Etudes Economiques (INSEE) est de 1008 euros pour une personne seule en 2014 et
l’allocation du RSA est de 550,93 euros au 1er avril 2018. Dans les années 80, ces perso nnes appelées
« les nouveaux pauvres » ne bénéficiaient d’aucune aide sociale, Robert CASTEL les appelle les
140 Les formes élémentaires de la pauvreté, Serge Paugam, Paris, PUF, « Le Lien Social », 1er édition 2005, 3ème
édition corrigée, 2013, p 175
45
«‘‘surnuméraires’’, dont le seul principal handicap est de ne pas trouver une place stable dans la
nouvelle organisation de la société. Ils compren nent à la fois ceux qui ont perdu des protections
antérieures comme les chômeurs de longue durée, et ceux qui ne parviennent pas à en trouver,
comme les jeunes en quête d’emploi 141». Robert CASTEL explique que le travail devient précaire
et que le CDI est e n entrain d’être supplanté par les nouveaux contrats « qui se développent,
recouvrent une foule de situation hétérogènes, contrats à durée déterminée (CDD), intérim, temps
partiels et différentes formes d’emploi aidé, c’est -à-dire soutenus par les pouvoirs publics dans le
cadre de la lutte contre le chômage142». Serge PAUGAM partage le même point de vue sur ce sujet.
Pour lui, le RSA légitime le travail précaire « on crée donc officiellement un nouveau statut : celui
de travailleur précaire assisté 143». D’aprè s les deux sociologues, cette précarité peut toucher tout
le monde. Elle se situe à plusieurs niveaux : la santé, le logement, l’éducation, la culture, l’emploi,
les revenus, les rapports sociaux. Ces niveaux peuvent avoir trois origines : la précarité hér itée : la
personne vit dans la pauvreté depuis plusieurs années et dès fois plusieurs générations, comme cela
a été souligné par Mme E, ASS référent insertion. Le basculement : à la suite d’un accident de la
vie, la personne bascule dans la précarité. L’e mpêchement qui est le cumul des précarités qui rend
difficile la sortie de la précarité. Ces difficultés peuvent engendrer une rupture des « liens sociaux,
créer chez la personne une baisse de l’estime et de la confiance en soi. La conséquence est un repli
sur soi et l’isolement de la personne. Toutefois, au cours de mes entretiens, j’ai constaté qu’il ne
s’agit pas forcément d’isolement mais d’un processus lié à l’absence de travail qui met certaines
personnes hors de l’intégration que procure l’emploi, c’ est à dire protection sociale et statut social.
Aussi cela va avoir un impact sur l’identité sociale de la personne et sur ses relations avec son
environnement. L’entourage peut faire sentir à la personne sa différence et ainsi la discréditer. Dans
ce cas Serge PAUGAM parle de « disqualification sociale » et Robert CASTEL de
« désaffiliation ». Aussi les politiques sociales à travers la lutte contre la pauvreté et l’exclusion
vont chercher à insérer les personnes dans la société afin qu’elles puissent avoir accès aux droits et
dispositifs.
Ainsi dans ce même esprit, le dispositif RSA a pour but l’insertion sociale et professionnelle des
personnes concernées par la mesure. L’objectif du RSA est le retour à l’emploi. Pour ce faire, le
dispositif se base sur le s principes de droits et de devoirs des personnes bénéficiaires :
– Le droit à un revenu minimum et un complément si les revenus du travail ne sont pas élevés.
141 Robert CASTEL , La montée des incertitudes, Edition du Seuil, mars 2009, p 235
142 Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale, Fayard 95, Gallimard 1er dépôt légal dans la
collection août 1999, octobre 2016, p 645
143Serge PAUGAM , Nicolas DUVOUX , La régulation des pauvres, Paris, PUF, coll ection , « Quadrige »,1er édition,
2008 ; 2e édition 2013 ; 2e tirage 2016, p 99
46
– Le droit à un accompagnement social, professionnel ou socioprofessionnel,
– Les devoirs : les foyer s dont les revenus sont inférieurs à 500 euros sont soumis aux droits et
devoirs, c’est -à-dire « rechercher un emploi, entreprendre les démarches nécessaires à la création
de sa propre activité ou entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insert ion sociale ou
professionnelle144».
Concernant, ce principe de droit et devoir, Robert CASTEL, dans l’ouvrage ‘‘L’avenir de la
solidarité’’ co – écrit avec Nicolas DUVOUX (sociologue), parle d’ « activation dans le champ de
la protection sociale» . Il explique que « les politiques sociales deviennent aussi les politiques de
l’individu en un double sens : c’est sur les individus que sont ciblées les interventions publiques, et
ce sont les individus qui doivent s’activer pour s’en sortir 145». Il s’agi t pour la personne d’être
responsable de sa situation, de se mobiliser et de faire tout ce qu’il faut pour s’en sortir en
contrepartie elle est aidée. Nicolas DUVOUX appelle cela « l’injonction à l’autonomie ». D’après
Robert CASTEL, le risque avec l’emplo i est la stigmatisation des personnes qui n’ont pas de travail
et de penser que c’est un choix de leur part.
Pour les aider dans leur insertion sociale et professionnelle, un référent unique, prévu par la loi du
1er décembre 2008, est nommé par le Conseil Départemental lors de l’orientation de la personne soit
vers Pôle Emploi, soit vers le service social du Conseil Départemental. Dans le cas d’une orientation
vers le service social départemental, le référent unique est l’Assistant de Service Social référe nt
insertion (c’est par exemple le cas du département où j’ai effectué mon stage). C’est lui qui assure
l’accompagnement socioprofessionnel de la personne bénéficiaire du RSA. Après l’évaluation de la
situation de la personne (au niveau de la santé, de l’a ccès au logement, de la garde des enfants, de
la mobilité ou le besoin d’être remobilisé), le référent unique (au nom du Conseil Départemental) et
la personne signent un CER où sont mentionnées toutes les actions que le bénéficiaire doit effectuer
en vue d e son insertion socioprofessionnelle. L’ASS référent insertion dispose de plusieurs moyens
pour accompagner la personne :
– Relation d’aide dans le cadre du contrat dans le travail social qui permet à la personne de cheminer,
d’être actrice de sa vie et ce malgré l’obligation de l’accompagnement.
– Accès aux droits : santé (PUMA, ACS), logement, culture, loisirs…
– Ateliers de remobilisation dans certains départements : l’objectif est de rompre l’isolement, de
recréer du lien social et travailler sur la confiance en soi et l’estime de soi, que la personne puisse
reprendre un rythme de travail : se lever le matin, s’habiller, être à l’heure…
144 http://solidarites -sante.gouv.fr/affaires -sociales/lutte -contre -l-exclusion/droits -et-aides/le -revenu -de-solidarite –
active -rsa/article/quels -sont-les-droits -et-devoirs -des-beneficiaires -du-rsa
145 Robert CASTEL, Nicolas DUVOUX, L’avenir de la solidarité, PUF – laviedesidees.fr, Paris 2013, p 8
47
– Des Structures d’Insertion par l’Activité Economique (SIAE) : Atelier et Chantier d’Insertion
(ACI), Association Int ermédiaire (AI), Entreprise d’Insertion (EI), Entreprise de Travail Temporaire
d’Insertion (ETTI) : l’objectif « est un accompagnement dans l'emploi proposé par certaines
structures à certaines personnes très éloignées de l'emploi afin de faciliter leur in sertion sociale et
professionnelle 146».
Tous ces moyens mis à la disposition de la personne devraient l’aider à sortir de la précarité et de
l’isolement, de s’insérer socialement et professionnellement et ainsi accéder à un emploi selon
l’objectif du RSA.
L’analyse de ma problématique, m’amène à formuler la question de recherche suivante :
En quoi le dispositif RSA permet – il à certains bénéficiaires de sortir de la précarité et de se
réaffilier ?
Dans le cadre du travail d’initiation à la recherche dans le champ professionnel, j’émets l’hypothèse
suivante :
L’accompagnement socioprofessionnel et les moyens disponibles pour celui -ci permettent une
ré-affiliation de certains bénéficiaires du RSA et une issue à la situation de précarité
Les outils de vérification de l’hypothèse
Dans le but de vérifier mon hypothèse concernant la question de recherche, je ferai des recherches
théoriques dans différents champs des mots : moyens, ré affiliation, insertion, confiance en soi,
estime de soi . J’approfondirai les termes de disqualification sociale et désaffiliation définirais les
concepts pertinents : moyens, insertion, ré affiliation. Le but est de comprendre ce que recouvre ces
mots.
Ensuite je ferai un guide d’entretien en rapport avec ma question de recher che. En tant qu’experts,
je choisirai deux responsables de SIAE147 pour avoir leurs points de vue sur le public accueilli, leur
lien avec le Conseil Départemental. Je leur poserai des questions concernant les moyens utilisés,
leur efficience sur la précarité , l’insertion ou la ré affiliation de la personne . J’interrogerai également
deux accompagnateurs socioprofessionnels de ces structures pour comprendre ce que désigne le
terme d’accompagnement socioprofessionnel pour eux et comment il se décline auprès des
bénéficiaires du RSA. Je les interrogerai sur les moyens et leur efficience dans la sortie du dispositif.
Concernant les témoins, je retournerai voir les ASS référents insertion pour évoquer la relation
146 https://www.service -public.fr/particuliers/vosdroits/F2284
147 Structures d’Insertion par l’Activité Economique
48
d’aide dans le cadre des droits et devoirs. De même, j’aborderai, le thème des moyens et l’efficience
de l’accompagnement socioprofessionnel sur l’insertion , la ré affiliation et l’issue de la précarité .
Les acteurs sont les personnes bénéficiaires du RSA qui sont concernés par le dispositif
d’accompagnement socioprofessionnel. Comment elles envisagent l’accompagnement
socioprofessionnel qui est obligatoire dans le dispositif RSA ? Le vivent -elles comme une
obligation ou une occasion pour changer leur situation ? Sont – elles actrices de leur projet ? Les
moyens mis en place répondent – ils à la singularité de leur situation et leur permettent – ils de sortir
de la précarité , de s’insérer ou se ré affilier ?
Les entretiens seraient semi – directifs afin favoriser le dialogue et la libre expres sion des personnes
tout en gardant un cadre. J’enregistrerais les entretiens en demandant au préalable l’autorisation aux
personnes en mentionnant bien le respect de l’anonymat et en expliquant ma démarche de recherche.
Après les entretiens, j’effectuerai une grille d’analyse par thématique afin de voir les éléments qui
ressortent le plus et des pistes que je n’aurai pas envisagées et où il serait nécessaire d’approfondir
les recherches. Cette analyse me permettrait également de faire le lien avec la théori e mais
également d’infirmer ou d’affirmer mon hypothèse.
Conclusion
Ce travail d’initiation à la recherche dans le champ professionnel a permis de déconstruire
mes représentations sur l’isolement des personnes bénéficiaires du RSA. De surcroit, les entretiens
m’ont également permis d’élargir ma pensée sur la précarité et sur le dispositif RSA. Aujourd’hui
on évoque même le revenu universel ou le revenu de base. Je suis rendu compte de la complexité
du dispositif aussi bien pour les professionnels qu e pour les bénéficiaires de la mesure ; de la
réalité du vécu des personnes. J’ai mieux perçu les moyens mis en place dans l’accompagnement
socioprofessionnel, du rôle de coordination de l’ASS dans le parcours d’insertion de la personne.
Mais surtout, j’ai compris que la précarité peut concerner tout le monde. Les personnes peuvent y
être depuis leur enfance ou à cause d’un accident de la vie. Par la suite peut s’enchainer un cumul
de précarité qui peut amener la personne à perdre confiance en elle, entrain er ainsi une baisse de
l’estime de soi et avoir peur du regard des autres. De même, ce regard des autres a une influence
sur la personne, il peut le stigmatiser. Le risque est la rupture des « liens sociaux » avec son
entourage. Aussi le dispositif RSA mis en place depuis le 1er décembre 2008 vise à lutter contre la
pauvreté et l’exclusion par une allocation et un accompagnement dont accompagnement
socioprofessionnel. Celui est effectué par un référent unique qui peut être un Assistant de service
social. L’ accompagnement de l’ASS consiste à aider la personne à retrouver confiance en elle, en
49
ses capacités, à faire émerger ses potentialités, à s’insérer ou se réaffilier dans la société. De ce
fait, j’ai pris conscience durant ce travail que certains bénéficia ires sont dans le dispositif depuis
des années et les problématiques qu’ils rencontrent ne leur permettent pas de s’insérer
professionnellement. Aussi, le rôle de l’ASS est de favoriser une insertion sociale par l’accès aux
droits et dispositifs, l’exercic e de sa citoyenneté. L’accompagnement vise à restaurer la personne
dans sa dignité. Pour ce faire il est nécessaire d’être dans une écoute active, d’être dans une
position empathique et non jugement qui favorisent l’expression, avec des conseils éclairés d e
respecter son choix sauf en cas de vulnérabilité. Dans la relation d’aide entre l’ASS et la personne,
ce qui est recherché c’est son adhésion dans toutes les décisions la concernant afin de favoriser
son autonomie et la rendre actrice de son développemen t. Aussi l’éthique et la déontologie sont
important pour son positionnement professionnel et favoriser une relation de confiance basée sur
le respect du secret professionnel. Pour conclure, je citerais la définition de l’ accompagnement
selon Maela Paul « être avec et aller vers, sur la base d’une valeur symbolique, celle du
partage148»
148 http:// journals.openedition.org/rechercheformation/435
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