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Stéréotypes ethniques et domination coloniale: L'image du Blanc dans la littérature orale
africaine (Ethnic Stereotypes and Colonial Domination: The White Man's Image in African Oral
Literature)
Author(s): Veronika Görög-Karady
Source: Cahiers d'Études Africaines, Vol. 15, Cahier 60 (1975), pp. 635-647
Published by: EHESS
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4391429
Accessed: 16-01-2016 11:21 UTC
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VERONIKA GOROG-KARADY
Stereotypes ethniques et domination coloniale
l'image du Blanc dans la litterature orale africaine
Dans une these de recherche r6cemment soutenuel, j'ai tent6 ie
recensement et l'analyse d'un ensemble, r6uni sans exclusive, de textes
litt6raires africains avec l'objectif d'en d6gager les principales conceptions
et repr6sentations collectives concernant l'identit6 sociale des Europ6ens
et des Africains. D'un corpus de textes oraux comptant quelque 298 unit6s
de tous genres, de toutes tailles, notees a diverses 6poques dans le conti-
nent africain au sud du Sahara et a Madagascar, i6i d'entre elles ont
ete retenues pour une etude de detail en raison de la seule richesse de
leur message (( ideologique )), mais sans egard pour leur interet esthetique,
ethnologique ou autre. Mon travail a vise tant l'analyse de ces contenus
explicites que l'6elaboration narrative de ceux-ci, c'est-.-dire l'usage
fait des differentes structures narratives et thUmes, qu'ils soient d'origine
africaine ou empruntes, a la Bible notamment. Pour l'essentiel, les textes
de mon corpus se decomposent en deux grands ensembles: les mythes
genetiques traditionnels ou syncretiques d'une part, tous les autres textes
(chants, chroniques historiques, propheties, anecdotes, croyances) d'autre
part.
Sans reprendre ici les conclusions de ce travail, il faut rappeler que
les mythes g6n6tiques avancent une interpr6tation globale de la nais-
sance de la diff6renciation raciale et sociale de l'humanit6, l'in6galit6
de tous ordres entre Blancs et Noirs. Les principaux themes qui orga-
nisent ces r6cits sont assez simples. L'in6galit6 provient soit d'un accident
originel situ6 au d6but des temps, soit d'un acte souverain et non motive
du g6niteur ou de l'autorit6 ancestrale mythique de l'humanit6 (arbitraire
divin), soit encore, et le plus souvent, d'une faute, d'un crime ou d'un
manquement aux regles morales commis par l'ancetre africain provoquant
et lgitimant a la fois la separation et l'instauration de l'in6galit6 entre
les groupes. Les Africains apparaissent donc r6gulierement dans ces
textes comme les responsables d'un destin social qui est syst6matiquement
figur6 sous forme d'une d6ch6ance (avec, comme theme paradigmatique,
I. Veronika GOROG-KARADY, (( Noirs et Blancs leurs rapports A travers la
litthrature orale africaine )), Paris, EPHE-VIe Section, 1974 (th6se de 3e cycle).
A paraltre sous le titre: Noirs et Blancs: leur image dans la litterature orale africaine,
Paris, SELAF, 1977.
Cahiers d'Atudes africaines, 6o, X V-4, pp. 635-647.
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la chute du paradis lie a la faute originelle). Le second ensemble des
textes id6ologiques r6pertori6s, num6riquement importants mais bien
plus h6t6rogenes quant 'a leur message, offre des images moins achevees des
rapports inter-ethniques: ces images sont parfois assez d6velopp6es mais
g6n6ralement allusives, et l'effort d'interpr6tation et de saisie des relations
coloniales y est peu pouss6 et le r6sultat fragmentaire. Cependant leur
message s'avere souvent moins transfigur6 et plus directement politique.
Il ressort des conclusions auxquelles mon travail a abouti que les
civilisations africaines pr6sentent une vision largement unitaire de la
situation coloniale, en depit des particularites culturelles qui les marquent.
Autrement dit, force est de constater que la relation historique entre
Africains et Europeens constitue une experience sociale qui domine
toutes les specificites ethniques, politiques ou sociales et impose des
representations, en derniere analyse convergentes, dans les ceuvres de
litteratur e traditionnelle. Dans l'etude qui suit, je tenterai de prendre
la mesure du degre d'adequation socio-historique de ces representations
ai l'aide d'une sorte de raccourci analytique (l'examen statistique des
attributs stereotypes des Blancs qui ont ete degages de mon corpus),
tout en renvoyant pour un traitement d'ensemble h ma these.
I. Le probleme des stereotypes et leur saisie
La difficult6 principale de cette recherche a r6sid6 dans le choix des
unit6s d'analyse pertinentes. Sans m'embarrasser de problemes tech-
niques (que l'on pourrait multiplier 'a volont6), j'ai pris en consid6ration
tout trait de caractere, d'attitude ou de comportement attribu6 aux
Europ6ens dans les textes, quel que soit le terme utilis6 pour traduire
cette spcification. Au lieu de relever donc les seuls adjectifs, 6pithetes
et autres termes qualificatifs portant sur les Europeens, j'ai 6galement
tenu compte des jugements de valeur ou de r6alit6 qui se d6gagent de
la relation d'actions et de comportements et qui, 'a dire vrai, ne sont que
des qualificatifs autrement exprim6s; j'ai class6 en outre comme st6r6o-
type tout objet de civilisation, toute institution, tout etat (malheur,
soumission) ou toute relation (superiorite, etre b6n6fique pour autrui)
que les textes rattachent t l'un ou l'autre groupe ethnique. Dans ce
travail, qui a 6t6 r6alis6 comme l'6num6ration cumul6e d'6l1ments
sp6cificateurs en liste ouverte (contrairement a la maniere dont on procede
d'habitude pour le codage, lorsqu'on range l'information dans un nombre
limite de categories fermees), j'ai 6vit4, autant que possible, toute
interpr6tation. Toutefois, le nombre des 6lements retenus ayant 6t6
consid6rable (quelque IIO unit6s pour les st6r6otypes des Blancs dans
les seuls mythes d'origine), il fallait bien regrouper cette information
dispersee dans des cat6gories significatives plus larges, ce qui ne pouvait
se faire sans une part d'interpr6tation et d'arbitraire. Pour minimiser
ce risque, les classements ont W opre's d'apres des rapprochements
s6mantiques et l'identit6 linguistique.
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L'IMAGE DU BLANC 637
Ainsi les objets de civilisation ont &t6 s6par6s des autres expressions
de la technicit6 sup6rieure des Europ6ens, mais certains objets (livre,
crayon et papier) ont 6t6 class6s dans des cat6gories abstraites denotant
des competences (intelligence, connaissances) lorsque la signification
de l'objet ne pretait pas a 6quivoque. Par ailleurs, pour surmonter la
difficult6 verbale de parler de (( st6r6otypes )) a propos de cat6gories de
qualificatifs tres differentes a la fois sous les rapports linguistique et s6man-
tique (traits de caractere, types de comportement, manieres, modes de
consommation, objets de civilisation poss6d6s, etc.), on se servira syst&
matiquement du terme (( attribut )) qui a une port6e plus generale.
2. La repartition globale des attributs des Blancs
Le Tableau I rassemble (chiffres de la derniere colonne) les principales
caract6ristiques dont les repr6sentations africaines dotent ou affublent
les Europ6ens. Les cat6gories sont rang6es de sorte que les qualit6s
positives occupent le haut du tableau (cat6gories I a ii) et les qualit6s
n6gatives, le bas (I2 L I5). On voit que ces demieres ne constituent au
total qu'un sixieme a peine de l'ensemble, encore renferment-elles pour
partie des qualit6s ambigues pouvant etre interpr6t6es autrement que
comme des d6fauts ((( aspect surnaturel )), (( aspect physique etrange ))).
Les autres traits attribu6s, dans les textes, aux Europeens refletent soit
des qualit6s positives, soit la sup6riorit6 relative des Blancs par rapport
aux Noirs.
Parmi les attributs positifs, on peut distinguer quatre groupes domi-
nants. Dans le plus important d'entre eux, avec presque autant de
recurrence que tout l'ensemble des traits negatifs signales, apparait
l'evocation des objets de civilisation d6notant la technicit6 sup6rieure
des Europ6ens: voiture, argent, t6l6graphe, bicyclette, etc. Cette tech-
nicit6 est signal6e ailleurs sous d'autres formes, et non moins explici-
tement. On en retrouve l'expression dans l'6vocation des armes surpuis-
santes (fusil et, surtout, canon) et des moyens de d6placement (navires
essentiellement, mais aussi avions) dont disposent les colonisateurs.
On note aussi avec insistance les institutions de civilisation particulieres
implant6es par les Europ6ens, parmi lesquelles figurent les organes de
l'administration et de la domination coloniale (impot, prison, gendar-
merie) et les 6tablissements de soins et de services culturels (6coles,
hopitaux, missions).
A part l'industrie et le commerce instaur6s par les Europ6ens (et
dans la cat6gorie desquels ont k6 rang6s les moyens de d6placement),
bien des mentions concernent la nourriture sp6cifique, g6n6ralement
atransform6e)) ou acuite)) que consomment les nouveaux venus (conserves,
pain blanc, sucre, vin de France, etc.) mais aussi les techniques de soins,
d'hygiene (torchon, savonnette), des manieres de table (fourchette,
assiette), d'habillement, d'ameublement (tables, chaises) et d'habitat
(maison k etage). Si l'on totalise les remarques concernant les diverses
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techniques caracteristiques des Europeens, on arrive I plus d'un tiers
de l'ensemble. Tout porte donc i croire que l'image du Blanc chez les
Africains est avant tout celle d'un homo faber qui est percu, en contraste
avec les membres de la culture propre, comme un technicien superieur
de la fabrication d'objets utilitaires, de la construction et de la destruc-
tion. Cette image semble dominer toutes les autres, les penetrer meme,
si bien qu'on en retrouve les elements jusque dans les vertus morales,
intellectuelles ou autres imputees aux Blancs.
TABLEAU I. – LES ATTRIBUTS DES BLANCS (TOUS GENRES RFUNIS)
SELON LA DATE DE COLLECTE DES TEXTES
Attributs I920 I92I-I954 I955 Ensemble
i. intelligence, connaissance, ruse
(livre) ………………… I2,9 Ii, I6,9 I3,0
2. vertus esth6tiques, 6thiques …. I7,6 4,I 6,5 I0,2
3. vertus d'efficacit6 …… …… 8,2 3,5 5,2 6,o
4. vertus guerri6res …… ……. 5,I 1,2 I,3 2,9
5. dot6s de techniques militaires:
armes modernes …… …… 8,6 I,7 2,6 5,0
6. techniques commerciales, indus-
trielles, etc …………….. 5,5 5,8 5,2 5,9
7. institutions de civilisation … 1,2 I5,2 6,5 6,7
8. nourriture *( europ6enne )) 5,I 5,1I 2,9 I,9 5,0
9. objets de civilisation ………. 13,3 12,3 26,0 i6,4
IO. puissance, sup6riorit . 9.. 9,4 13,4 12,3 II,4
ii. pacificateur, b6n6fique 1,7 3,2 1,4
12. aspect physique etrange ……. 2,7 4,5 2,4
13. aspect surnaturel …… ……. 5,5 1,2 I,9 3,3
I4. impuissant 7,6 2,2
15. qualites n6gatives : maltraite,
menace Noirs ……. ……. 4,7 i8,i 5,8 9,0
Ensemble ………….. 00 I 00 I 00
Total ……… 255 I7I 154 580
% du total ……………. 44 % 29 % 27 % 100
On releve en effet, parmi les principales qualit6s apparemment non
techniques, l'accent mis sur les savoirs et ce qu'on a appel1 les (( vertus
d'efficacit6 )). Les premiers sont pr6sent6s sous des formes tres variables,
soit globalement (sans distinction analytique de 1' intelligence )) en
gen6ral, de la ( connaissance )) ou (( des connaissances s), soit sous l'aspect
formellement plus specifique de la competence lettree (symbolis6e
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souvent par la possession des moyens d'ecriture – papier, crayon –
ou du livre) qui revet manifestement un caractere quasi magique dans les
repr6sentations traditionnelles, puisqu'elle signifie toutes les comp6tences
techniques sup6rieures. Or, les remarques concernant cette cat6gorie
d'attributs sont les secondes en fr6quence de toutes les notations inven-
tori6es.
Les troisiemes en fr6quence sont les remarques qui ne pr6cisent pas
la nature de la sup6riorit6 des Europ6ens et se contentent seulement de
l'affirmer soit en termes de puissance (u plus fort )), ((plus puissant )), etc.),
soit en termes de relations pures (( sup6rieur ))), ou encore par la pr6f6-
rence divine ((( pr6f6r6 )), (( bien cr66 )) par Dieu).
Plus intdressants paraissent etre les attributs qui mettent en valeur
les vertus- g6n6ralement li6es h des comportements ou des actions
typiques qui concourent 5. la realisation 6conomique des taches,
impliquent l'acceptation des efforts, la diligence, la rapidit6 et 1'efficacit6
dans le travail, le sens et le souci de la conduite la plus 6conomique, ce
qui peut comporter aussi la consommation ou la jouissance diff6rdes
(ou ce que les 6conomistes appellent le (( d6tour capitalistique ))). Ces
(( vertus d'efficacit6 )) constituent 6 % de toutes les remarques st6rdo-
typ6es.
Toutes les qualit6s positives sont loin d'etre li6es h la technicit6
sup6rieure chez les Blancs. La plus grande cat6gorie regroupe les vertus
6thiques mais aussi les qualit6s esth6tiques des Europeens. Relevons,
parmi les premieres, la modestie, la fid6lit6, l'ob6issance (h Dieu), la
politesse, la biens6ance, la propret6 et la g6n6rosit6. Au titre de qualit6s
esth6tiques les textes font surtout 6tat de la beautd des Europ6ens
q6quivalant parfois explicitement h la clart6 de leur peau. La fr6quence
de ces associations – plus d'un dixieme de l'ensemble – fait croire
? l'importance consid6rable de ce theme dans les repr6sentations afri-
caines. Ce fait vaut d'etre relev6, d'autant plus que les qualitds 6thiques
et esth6tiques attribu6es aux Europ6ens ne s'imposent pas de la meme
maniere a l'imaginaire africain que la supdrioritd technique et les comp6-
tences qui s'y attachent. Ces dernieres d6rivent de l'exp6rience quoti-
dienne et se confirment chaque jour, les vertus et compktences aff6rentes
peuvent etre logiquement d6duites de la sup6riorit6 technique des
colonisateurs. IL n'en est pas de meme des qualit6s esth6tiques ou 6thiques
qui ne pr6sentent aucune 6vidence ni n6cessit6 logique. Des conqu6rants
ou des techniciens surpuissants peuvent tres bien faire l'objet d'une
perception esth6tique, et surtout 6thique, n6gative. Si ce n'est g6n6ra-
lement pas le cas dans la litt6rature orale africaine, c'est probablement
en raison d'un curieux transfert sur le plan esth6tique et 6thique des
qualit6s techniques des Europ6ens. On a vu aussi que tres souvent,
dans les mythes d'origine en particulier, les qualit6s 6thiques servent
de l6gitimation a la dotation technique des Europ6ens (ou de leurs
ancetres), les deux devant aller en quelque sorte de pair dans ces repr6-
sentations collectives.
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Tres peu d'autres notations concernent les qualit6s positives diverses
des Blancs, consus parfois comme pacificateurs et b6n6fiques pour les
Africains.
Parmi les attributs ambigus on releve l'aspect physique 6trange des
Europ6ens et, un peu plus souvent mentionne, l'aspect surnaturel qui
peut etre soit positivement soit n6gativement connote. Lorsque le Blanc
est associ6 a une divinit6 ou a un envoye des puissances surnaturelles,
cette connotation est favorable mais il arrive aussi qu'il soit identifie
. des animaux ou des etres aquatiques ou encore a un genie mal qualifi6
(ces traits apparaissent surtout dans les croyances).
Les attributs franchement n6gatifs sont de deux especes. On fait
assez rarement allusion a la sant6 faible, a la fragilit6 de constitution
ou a l'impuissance des Blancs (qu'on oppose implicitement aux Noirs
robustes et r6sistants). Bien plus souvent apparait dans les textes le
theme, assez nettement politique, de l'Europeen abusif, jaloux, 6goiste,
agressif, exploiteur des Noirs, reflet veritable en quelque sorte des rapports
coloniaux. La coexistence apparente des attributs positifs et negatifs
ne devrait pas nous arreter, puisque, comme on le verra plus loin, ils
ne se trouvent pas en realit6 dans les memes types.
3. L'apparition des attributs et l'histoire
I1 faut tout d'abord dire que si la date de collecte permet d'ktablir
la limite la plus ancienne a laquelle le texte est attest6, elle ne permet
pas de pr6ciser l'epoque de sa premiere formulation. Toutefois si l'on
accepte l'hypothese probable que le d6lai entre la formulation des aeuvres
de litt6rature orale et leur recueil tend a se raccourcir avec les progres
de la prospection ethnographique, on peut penser qu'il existe une corr&-
lation, en g6n6ral significative, entre la date de collecte et la date de
formulation. I1 semble bien qu'on en retrouve la trace dans la notation
des attributs st6r6otyp6s (cf. Tableaux I et II).
On peut a cet 6gard distinguer deux groupes d'attributs. Les premiers
doivent etre consid6r6s comme les plus archaiques, etant apparus le
plus anciennement. Ce sont des attributs 'a connotation moralisante
et positive, telles les vertus esth6tiques et ethiques et les vertus d' aeffica-
cite )) dont nous avons not6 plus haut les rapports avec une morale du
travail et de l'effort. On y retrouve aussi les traits guerriers et la technicit6
militaire superieure des Europeens dont, a coup sfur, les Africains ont
tot fait l'exp6rience. Les attributs concernant la possession d'objets de
civilisation ont 6te' galement assez anciennement perZus surtout sous
leur aspect le plus quotidien, les nourritures europeennes. Par ailleurs
on remarquera les attributs concernant l'aspect surnaturel des Europ6ens
qui constituent des 6lements typiquement archaiques de representation.
Dans le second groupe d'attributs on classera les traits apparus le
plus recemment (apres I920 ou I955) selon leur fr6quence. Le contraste
entre attributs archaiques et modernes est assez frappant puisque les
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L'IMAGE DU BLANC 64I
derniers concernent surtout les objets de civilisation apportds par les
colonisateurs (deux fois plus souvent perSus apres I955 qu'avant) – et
qui temoignent de l'implantation mat6rielle de plus en plus pouss6e des
Europ6ens en Afrique -, les institutions coloniales (massivement men-
tionn6es surtout entre I92I et I955, c'est-i-dire pendant la phase la
plus avancee de la domination europ6enne) et, tres significativement,
les connaissances et l'intelligence du Blanc. Si l'on suit la courbe des
fr6quences avec lesquelles les divers attributs sont mis en valeur, on
trouve donc dans un premier temps – l'epoque pr6coloniale et au
d6but de la colonisation – le reflet des attributs les plus ext6rieurs,
les plus apparents ou les plus manifestes d'une part, mais aussi, dans le
registre oppose, les attributs issus d'une conception mythique et d'une
symbolisation archaique des intrus, encore peu connus et, par consequent,
repr6sent6s dans leur alt6rit6 la plus radicale. A une 6poque ult6rieure
et plus proche de nous apparaissent de plus en plus les 6l6ments secon-
daires de la civilisation europ6enne: les objets, les institutions et les
compktences auxqueiles les textes oraux ramenent la sup6riorit6 technique
des colonisateurs. A remarquer aussi que les attributs negatifs ne sur-
gissent en nombre que dans la litt6rature recueillie apres I92I, au moment
donc oju, effectivement, l'exploitation coloniale battait son plein.
4. La repartition des attributs d'apres les genres
I1 n'est pas d6pourvu d'int6ret d'observer la maniere dont les divers
genres litt6raires sont spkcialis6s pour v6hiculer les diff6rents types de
messages ideologiques. On peut saisir sous forme ramass6e les principaux
r6sultats de cet ordre dans le Tableau II.
II se confirme tout d'abord que la partie la plus riche en donnees
de notre materiel litt6raire est faite de mythes d'origine qui constituent
35 % des textes mais renferment environ 40 % de tous les attributs
id6ologiques. A l'inverse, les proph6ties, croyances, r6cits, etc., s'averent
un peu plus pauvres. Les differences ne sont pourtant pas grandes i cet
6gard entre les genres. Sachant par ailleurs que les mythes d'origine sont
parmi les genres les plus anciennement recueiUis (plus de la moiti6
des collectes remontent t 1'epoque ant6rieure a I920), on ne saurait
s'6tonner que les mythes reunissent un ensemble d'attributs passablement
archaYques, telles les vertus esth6tiques et 6thiques qui representent
pres d'un quart de toutes les notations id6ologiques dans ce genre de
textes.
Dans l'ensemble, les mythes d'origine offrent l'image la plus favorable
des Europ6ens, excluent tout h fait les attributs negatifs. Ils mettent
l'accent surtout sur les compktences (intelligence, connaissances) et les
techniques militaires ainsi que sur les vertus d'efficacit6, et, de fa9on
g6n6rale, privilegient les qualit6s morales et intellectuelles qui se r6velent
par le comportement aux depens des attributs lies aux objets et instru-
ments de civilisation.
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642 VERONIKA GOROG-KARADY
La nature des attributs que renferment les autres genres est fort
difftrente. Les genres les plus traditionnels – proph6ties et croyances –
pr6sentent sous ce rapport un syndrome typiquement archaique: y
dominent les traits ambigus – avant tout l'aspect surnaturel des Euro-
p6ens avec plus d'un cinquieme de tous les attributs – mais aussi les
traits n6gatifs dont on remarquera la part accordee a la fragilite ((( impuis-
sance ))) des Blancs. Un assez grand cas est fait du physique etrange des
colons et de leur aspect dangereux et malefique pour les Noirs.
TABLEAU II. – LES ATTRIBUTS DES BLANCS SELON LES GENRES LITTARAIRES
Attributs Mythes R&cits, chants, Prophelies,
d'origine anecdotes croyances
I. intelligence, connaissance, ruse
(livre) ……………….. 21, 2 II,2
2. vertus esthdtiques, 6thiques . . . 23,3 1,5 4
3. vertu d'efficacit6 …… …… II,6 2,7 I
4. vertus guerri6res ……0…… ,4 6,2
5. dot6s de techniques militaires,
d'armes modernes ……… 8,6 1,1 7
6. techniques commerciales, indus-
trielles, etc . ………….. 3,0 7,7 5
7. institutions de civilisation 15,1
8. nourriture ((europ6enne)) ….. 4,7 3,5 I
9. objets de civilisation . .1….. I3,8 22,5 5
IO. puissance, sup6riorit6 …….. I2,5 10,5 II
II. pacificateur, b6n6fique I,5 4
12. aspect physique 2,4 I4
13. aspect surnaturel 2I
I 4. impuissant . ………….II
I5. qualit6s n6gatives : maltraite,
menace Noirs ……..0….. 04 14,3 I5,0
Ensemble …………… l0 IOO 100
Total ………………. 23I 257 92
Les r6cits, chants et anecdotes, genres relativement ( modernes ),
du moins les plus port6s a traiter de la vie quotidienne directement et
sans transfiguration litteraire, offrent une image plus eclectique. On y
releve l'importance donn6e aux objets et institutions de civilisation
qui constituent au total pres de deux cinquiemes de tous les attributs.
Ces textes mettent aussi fortement en relief les qualit6s n6gatives,
l'agressivit6 et le caractere n6faste des Europ6ens. Leurs qualit4s intellec-
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L IMAGE DU BLANC 643
tuelles, vertus guerrieres et techniques sont 6galement davantage mises
en valeur que dans les autres genres (sauf pour ce qui est des connais-
sances et de l'intelligence qui figurent ici avec moins de poids que dans
les mythes d'origine). On peut dire en rsum6 que la spkificit6 narrative
et le caractere plus ou moins archaique des genres les qualifient diff&
remment pour porter les messages variables que v6hicule la litterature
orale.
5. Les attributs des Blancs selon les aires culturelles
I1 n'a pas 6t possible comme on l'aurait souhait6 de proc6der a une
analyse approfondie de la distribution des stWr6otypes dans les diverses
cultures africaines parce que les aires distinguees d'habitude par les
ethnologues sont tres in6galement repr6sent6es tant dans mon corpus
que dans l'ensemble des attributs relev6s. J'ai Wte obligee de restreindre
l'observation a quelques regions geographiquement d6limit6es qui
pr6sentent n6anmoins un minimum d'homog6n6it6 ethnique et dont
provient une partie numeriquement non n6gligeable des textes 6tudi6s.
Cette tentative n'a cependant aucune ambition particuliere, elle est
en tout cas d6pourvue de la pr6tention qui animait jadis certains repre-
sentants de l'6cole allemande des (( couches de civilisation )) (Frobenius)
de dresser des cartes precises d'expansion de certains traits de civilisation.
Pareil projet est ici sans objet parce que les donn6es sont bien trop
fragiles, instables et, pour partie, contradictoires: les attributs dont
j'essaie de tracer la distribution se retrouvent dans des proportions
variables dans la plupart des aires culturelles, a un moment ou a un
autre de l'histoire r6cente de ces civilisations africaines. Tout ce que je
souhaite mettre en 6vidence est la tendance que pr6sentent quelques
grands groupes d'ethnies a privilegier dans leurs repr6sentations collec-
tives tel aspect de l'image du Blanc plutot que tel autre (cf. Tableau III).
Dans cet ordre d'id6es, il est frappant que l'attribut le plus fr6quem-
ment 6voqu6 chez les pasteurs d'Afrique de l'Est concerne les techniques
militaires et les vertus esthMtiques et 6thiques. Si les objets de civili-
sation sont mentionn6s chez eux fr6quemment, ils le sont aussi dans les
autres aires – alors que les attributs n6gatifs ne sont, nulle part ailleurs,
aussi souvent cit6s. Au Congo, les elements archaiques de repr6sentation
comme la croyance a la nature non humaine des Europ6ens (avec plus
d'un cinquieme des attributs) existent; mais, ici encore, des qualit6s
esthetiques et 6thiques sont mises en valeur, ainsi que des objets et des
institutions de civilisations (un quart des attributs), des vertus d'effica-
cit6 et des capacit6s intellectuelles (un autre cinquieme des attributs
cit6s). Au Soudan les attributs dominants concernent les competences
intellectuelles, les objets et la sup6riorit6 indistincte des Europ6ens.
Tous les autres attributs sont plutot faiblement repr6sent6s.
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644 VERONIKA GOROG-KARADY
TABLEAU III. – LES ATTRIBUTS DES BLANCS
SELON QUELQUES GRANDES AIRES CULTURELLES
Attributs Afr'que Congo Soudan dle l'Est Guinde
I. intelligence, connaissance, ruse (livre) 6 II I7
2. vertus esth6tiques, 6thiques ………. 14 i6 7
3. vertus d'efficacit6 ……. ……….. 2 IO 3
4. vertus guerri6res ……. ………… 2 0 6
5. dotes de techniques militaires, d'armes
modernes ……… ………….. i8 3 6
6. techniques commerciales, industrielles,
etc ………………………… 7 3 4
7. institutions de civilisation ….. …… 3 II 4
8. nourriture "( europ6enne )) ….. ……. 3 4
9. objets de civilisation ……………. 13 14 I2
io. puissance, sup6riorit6 …… ……… 9 7 I6
II. pacificateur, b6n6fique …… …….. 6 4
12. aspect physique 6trange …… ……. 9 – 3
I3. aspect surnaturel ……. ………… 2 21 7
I4. impuissant …………………… I 3
I5. qualit6s n6gatives: maltraite, menace
Noirs ………. …………….. 9 2 4
Ensemble .0.0……………. . . 100 100
6. La perception des caracte'ristiques chez les Alricains
Apres avoir trac6 le portrait-robot de l'homme blanc tel qu'il se
pr6sente dans les textes recueilis, jetons un coup d'ceil rapide h titre
de comparaison sur les attributs que la litt6rature africaine accorde aux
Noirs. On trouve au total quatre fois moins d'attributs sur les Noirs
que sur les Blancs. Encore sont-ils repartis tres in6galement dans le temps,
dans les genres et dans les aires culturelles. Pour ne pas alourdir inutile-
ment la presentation de ces r6sultats num6riquement faibles, je n'ai
retenu ici qu'un seul tableau, le plus pertinent pour apprehender l'image
sommaire des Africains que transmettent les st6r6otypes enfouis dans les
textes (cf. Tableau IV).
Les attributs des Noirs sont pour partie l'envers des attributs euro-
p6ens, apparaissant sous forme d'absence de vertus et de dispositions
positives. Pour partie il s'agit de comportements ou de dotations (objets,
nourriture) qui font contraste ou s'opposent "a ce qui caract6rise, dans
les textes, les Blancs. I1 arrive aussi que l'on fasse etat de la condition
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L IMAGE DU BLANC 645
africaine comme colonis6e; c'est exceptionnellement que les Africains
sont d6peints sous un jour ouvertement favorable et dot6s de qualit6s
morales. Toutefois l'image d'ensemble reste assez d6savantageuse et les
attributs n6gatifs l'emportent de beaucoup sur les attributs positifs.
Si l'on compare le Tableau IV avec les autres il saute aux yeux que,
malgr6 les parall1lismes invers6s, le systeme des traits concernant les
Africains est tout autrement organist que les attributs int6ressant
les Europ6ens, si bien qu'il est impossible de d6tailler les premiers autant
que les seconds.
TABLEAU IV. – ATTRIBUTS AFRICAINS
(DANS LES MYTHES GANATIQUES SEULEMENT)
Attributs Avant I92I-I955 Aprs Ensemble
1920 191-95 neml
i. Defauts esth6tiques
Mal cre6, sale, laid, noir par puni-
tion .1…………………. 13 10 7 I I
2. D6fauts ethiques;
Irrespect, effronterie, cupidit6, pol-
tronnerie, jalousie, courrouce,
voleur, d6sob6issant i Dieu 0…. 2 40 15 20
Dot6 d'outils et d'armes primitifs
(lance, houe, couteaux, etc.) . 1. . I3 20 22 I6
Noir d6poss6d&, dupe, souffrant,
malheureux, d6pendant du Blanc,
domin6, esclave, servant 0……. 2 IO 30 22
Poli, pacifique 10 3 I
3. Manque de vertus d'investissement:
Impatient, impr6voyant, insou-
ciant, refuse l'effort, lent, pares-
seux, refuse la nouveaut6, incons-
tant …………….1901…….. I9 IO I0 i6
Ensemble ……………… 00 I 00 100 100
Total …………………. 96 10 41 147
Dans la derniere colonne du Tableau IV, on voit que les attributs
les plus fr6quents presentent les Africains dans leur 6tat de dependance
et d'exploitation coloniale (plus d'un cinquieme des cas). Un autre
cinquieme des attributs porte sur l'absence des vertus esthetiques,
un dixieme de l'ensemble sur les d6fauts 6thiques. Les attributs de la
pauvret6 materielle sont 6galement abondamment repr6sent6s: la consom-
mation d'aliments naturels et lFusage d'outils primitifs constituent pres
d'un tiers de tous les attributs signal6s. Vient ensuite le manque des
a vertus d'investissement )) et, en toute derniere position, les tres rares
6
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646 VERONIKA GOROG-KARADY
indications de qualit6s morales positives. En r6capitulant, un tiers des
remarques porte sur l'absence de vertus esthetiques et 6thiques, un tiers
sur la pauvret6 mat6rielle, le reste se partageant presque a 6galit6 entre
I'absence de qualit6s utilitaires et 1'6tat de colonis.
7. Le proble'me de l'authenticite'
La r6currence des themes id6ologiques et des traits socioculturels
attribu6s aux Blancs et aux Noirs qu'on saisit dans ces attributs st6r6o-
typ6s au travers des difftrents genres, ind6pendamment de l'origine
ethnique des textes ou de leur date de communication, semble nettement
verifier l'idee que ceux-ci n'ont guere subi de deformation du cote afri-
cain en raison de la nature des relations qui ont preside a leur collecte.
Cette r6ponse, satisfaisante pour l'esprit, laisse toutefois entier le pro-
bleme, moins apparent mais infiniment plus grave et en tout cas, plus
intrigant, de l'authenticite profonde – et non pas de la sinc6rite' -, en
d'autres termes, la signification reelle de ces themes dans l'univers mental
des Africains. Meme si l'on admet sans difficult6 la sinc6rite de leur
expos6 face au Blanc, sinchrit6 au (( premier degre )), il n'est pas sCur de
prime abord que ces themes ressortissent a l'activit6 et a la creativit6
expressives et imaginaires africaines au meme titre que les ceuvres de
litt6rature orale d6pourvues de contenu ideologique manifeste: l'origine
premiere de ce contenu que v6hiculent les textes peut en effet se trouver
non seulement dans l'experience v6cue et subie de la situation coloniale
mais aussi dans l'ide'ologie des colonisateurs, elle-meme imposee aux
Africains. Il est possible, d'apres cette hypothese, que le discours africain
sur les Europeens reflete autant ou plus le discours tenu par les Blancs
que la vision primitive, c'est-a-dire originelle, pure, libre de toute influence
des Noirs. De fait, on ne manque pas de t6moignages sur des cas de trans-
mission ou d'imposition, d6lib&r6e ou non, des conceptions europ6ennes
sur la relation entre Blancs et Noirs relevant de l'ethnocentrisme occi-
dental et impr6gn6es de l'id6ologie coloniale, qu'il s'agisse des qualit6s
respectives des Noirs et des Blancs, des fonctions civilisatrices ou pacifi-
catrices de la presence europeenne ou de la place que doivent idealement
tenir les deux communaut6s dans la soci6t6 coloniale… On connalt meme
avec precision les agents de cette acculturation ideologique – missions,
ecoles, autorites administratives ou militaires, surtout celles qui recru-
taient des Africains a leur service. La ressemblance parfois frappante des
st6r6otypes africains et europ6ens concernant les traits de caractere
des Noirs et des Blancs ne peut que faire ajouter foi a l'id6e que ces
textes sont dans quelque mesure les produits d'une sorte de feedback
d'ordre psychosociologique, bref la (( r6ception )) africaine de l'ideologie
coloniale.
Cependant, pose dans ces termes simples, le probleme comporte une
certaine ambiguit6. Vouloir distinguer entre l'image des rapports inter-
sociaux chez les Africains dans sa puret6 originelle, in statu nascendi en
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L'IMAGE DU BLANC 647
quelque sorte et l'image d6ja syncr6tique, est probablement un faux
probleme car la domination coloniale est ins6parable, a toutes ses 6tapes,
de la transmission et de l'action simultan6es de l'id6ologie coloniale.
Ce qui 6volue avec la duree, la r6ussite et le caractere national de la
colonisation, c'est le degr6 d'institutionalisation de la domination id6olo-
gique et, plus g6n6ralement, le rapport que les Africains entretiennent
avec les id6es europ&ennes qu'on leur propose. Mais par ailleurs rien ne
prouve que cette idWologie propos6e soit revue telle quelle, sans de substan-
tielles modifications, en particulier, sans qu'elle soit i l'occasion retourn6e
contre les Blancs et videe de son intention primitive. La (( docilit6 intellec-
tuelle )) des domin6s, lorsqu'ils demeurent dans leur systeme culturel
relativement fermi, sans communication libre avec le systeme culturel des
dominants, n'est qu'un mode, probablement mineur, de la r6ception des
messages id6ologiques. On connait bien des exemples allant a l'encontre
des vis6es de l'id6ologie revue des dominants. C'est dire que meme s'il
est probable que les textes 6tudi6s ne coulent pas d'une source pure,
et surtout pas d'une seule source, inaffect6e d'influences externes, tout
parait confirmer qu'ils renferment une part de la v6rit6 profonde de
l'attitude des Africains face aux Europ6ens pendant la p6riode concern6e.
V. GOROG-KARADY – Ethnic Stereotypes and Colonial
Domination: the White Man's Image in African Oral Litera-
ture. An analysis of the qualities and faults attributed
to the white people in African oral texts, collected mainly
during the colonial heyday, shows them to be quite close
to the colonial European self-image stereotypes. A likely
explanation would seem to lay in a feedback of these
stereotypes brought over by colonial institutions such as
schools, missions, etc.
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