Ivan Gh. Claudia (căsătorită Rîpeanu) [610082]

UNIVERSITATEA DIN BUCUREȘTI
FACULTATEA DE LIMBI ȘI LITERATURI STRÃINE

LUCRARE METODICO-ȘTIINȚIFICÃ
PENTRU ACORDAREA GRADULUI DIDACTIC I

Coordonator științific:
Prof. dr. habil. Ileana Mihăilă

Candidat: [anonimizat], Buzău, județul Buzău

2018

UNIVERSITATEA DIN BUCUREȘTI
FACULTATEA DE LIMBI ȘI LITERATURI STRÃINE

BEAUMARCHAIS – LE BARBIER DE SÉVILLE
DANS LA CLASSE DE FLE

Coordonator științific:
Prof. dr. habil. Ileana Mihăilă

Candidat: [anonimizat], Buzău, județul Buzău

2018

1 TABLE DES MATIÈRES

Argument …………………………………..

I.CHAPITRE 1: Le Siècle des Lumières …………………………
1.1. Présentation du point de vue historique………………………….
1.2. Le siècle des philosophes…………………………………………
1.3. La condition des écrivains………………………………………

II.CHAPITRE 2 : Le Barbier de Séville -Beaumarchais
2.1. La vie de Beaumarchais…………………………………………
2.2. Le résumé/Lecture analytique…………………………………….
2.3. Les personnages…………………………………………………..
2.4. Maître et valet dans Le Barbier de Séville ………………………..
2.5. La présence féminine dans Le Barbier de Séville ………………………..
2.6. Les types de comique dans Le Barbier de Séville…………………………….
2.7. La chanson dans Le Barbier de Séville………………………………………
2.8. Le Barbier de Séville de Rossini vs. Le Barbier de Séville de
Beaumarchais………………………………………………………………

III.CHAPITRE 3 : Le Barbier de Séville dans la classe de FLE
3.1. Introduction…………………………………….
3.2. Unité didactique……………………………….

BIBLIOGRAPHIE……………………………………

2 Argument

L’éducation est l’une de plus noble et plus complexe activité humaine. Elle se réalise
dans la perspective d’un idéal de personnalité humaine, accordé à des repères culturels et
historiques bien déterminés. L’éducation est absolument nécessaire à l’homme, parce qu’il
possède le désir, l’inclination et la capacité de transmettre la sagesse et ses connaissances, de se
perpétuer de point de vue spirituel. De cette perspective, une culture importante doit avoir un
enseignement qui réponde à ses deux buts : le premier est de donner aux enfants des
connaissances générales dont ils ont besoin et on parle dans ce cas de l’instruction ; le deuxième
est de préparer dans l’enfant d’aujourd’hui l’homme de demain, l’adulte et c’est ça l’éducation1.
Pour réaliser ces buts, l’enseignement roumain dispose d’une multitude de disciplines,
d’activités, de méthodes. En Roumanie il y a une tradition importante dans l’enseignement du
français dans nos écoles où l’apprentissage d’une langue moderne commence depuis l’âge de 7
ans. La connaissance d’une langue étrangère offre des avantages multiples pour le moment et
aussi pour tout le long de la vie. Parler et comprendre une langue étrangère nous donne accès aux
ressources culturelles, touristiques, gastronomiques d’un pays, d’une région. On peut lire
l’original d’une œuvre et on acquiert plus d’informations que dans une traduction. En plus, il
s’agit du plaisir et de la satisfaction de lire un écrivain dans sa propre langue. Lire, parler et
écrire dans une langue étrangère c’est un exercice très bénéfique pour le cerveau et plus
précisément pour la mémoire. L’apprentissage d’une langue étrangère représente une ouverture
intellectuelle et humaine sur le monde. Soit qu’on voyage à l’étranger, soit qu’on lise des livres,
des revues, des dépliants, soit qu’on regarde à des documentaires, la langue étrangère nous donne
la possibilité de faire de nouvelles rencontres. On connaît la culture, la civilisation, les traditions
d’un peuple, on se lie d’amitié avec beaucoup de personnes et c’est plus facile de nouer des
relations quand on parle la langue maternelle des interlocuteurs. Pour les élèves d’un lycée
technologique, de nouveaux horizons s’ouvrent en apprenant une langue étrangère. Ils sont
impliqués dans des projets européens, ils participent à des activités qui nécessitent la
connaissance de l’anglais, du français, de l allemand etc. Dans ces projets ils font des stages de
pratique concernant leur domaine d’activité : le tourisme, la banque, le commerce, l’industrie
alimentaire, la hôtellerie. Maîtriser une ou plusieurs langues étrangères est un excellent moyen
de multiplier ses opportunités d’obtenir un emploi.
Dans Le Lycée Technologique Métiers et Services de Buzău, les élèves étudient le
français et l’anglais, deux langues qui leur offrent des opportunités professionnelles. On prépare

1 Constantin Cucoș, Pedagogie , Iași, EdituraPolirom, 1996, p.28.

3 des diplômés compétents de point de vue professionnel, capables de s’adapter rapidement aux
demandes de la société moderne, comme des producteurs actifs, consommateurs avisés,
investisseurs prudents, des citoyens responsables. Les domaines d’activité sont attractifs,
intéressants et avec une multitude de possibilités d’accès sur le marché de travail : Tourisme et
alimentation, Industrie alimentaire, Esthétique et hygiène du corps humain. En tant que
professeur de français, je contribue à la formation et à la fixation des compétences linguistiques
des élèves, pour qu’ils puissent faire face à toutes les situations demandées par un emploi dans
leur pays ou à l’étranger. Je favorise une communication authentique en classe et aussi la
motivation des apprenants par la diversité des supports, des thèmes, des activités.
J’ai choisi le thème Le Barbier de Séville de Beaumarchais parce que le théâtre joue un
rôle important dans la classe de FLE. Il permet de travailler les quatre compétences associées à
l’apprentissage de la langue française :
-Compréhension des écrits : les élèves se trouvent dans la situation de faire un grand
effort préalable pour comprendre en profondeur le texte de la pièce. Ils ont la possibilité de
découvrir de divers thèmes, des opinions, de s’enrichir le vocabulaire.
-Compréhension de l’oral : les élèves doivent être attentifs à leurs copains quand ils lisent
par rôles et apprendre à s’écouter eux-mêmes. Les documents authentiques utilisés (des pièces de
théâtre sur le CD, visionnées dans la classe à l’aide d’un vidéoprojecteur) leur suscite l’intérêt
pour le théâtre et leur donne la possibilité de participer à l’acquisition linguistique par un contact
avec la langue cible authentique.
-Production orale : le professeur encourage les élèves, à l’aide du théâtre, de s’exprimer
en français, d’utiliser des actes de parole ; par exemple : parler de soi, de ses goûts, présenter des
faits, donner son opinion, argumenter, convaincre quelqu’un, décrire etc. Le professeur travaille
avec les élèves au niveau de la prononciation, de la diction, et aussi l’expression corporelle, la
mimique, les gestes. Les situations d’interaction orale sont les plus nombreuses dans la classe de
FLE, en n’oubliant pas qu’on peut utiliser même le monologue.
-Production écrite : les élèves apprennent faire des descriptions, des petits textes dans
lesquels ils disent leur opinion concernant un thème, ils développent leur imagination et leur
créativité en réalisant l’adaptation d’un texte à un contexte actuel, en faisant des comparaisons,
des rédactions sur les problématiques classiques liées au théâtre, notamment les relations acteur-
personnage ou fiction-réalité.
En utilisant le théâtre dans la classe de FLE, on fait un travail de mémorisation, de
prononciation et les élèves ont le plaisir de communiquer entièrement en français, pendant des
activités en groupe ou face à un public. Ils peuvent aussi perfectionner leur français de point de
vue de la grammaire, parce qu’ils doivent prononcer correctement les mots et les expressions.

4 Pourquoi Le Barbier de Séville dans la classe de FLE ? Parce que c’est un document
authentique qui permet tant au professeur qu’aux élèves de retrouver la richesse d’une langue
authentique et de faire entrer la réalité extérieure dans la classe. Dans les manuels de FLE on ne
trouve pas des textes dramatiques et ces manuels qu’on utilise au lycée avec nos élèves incitent
rarement leurs lecteurs à se lancer dans un travail d’interprétation théâtrale. La comédie crée
dans la classe une atmosphère joviale, de détente, d’enthousiasme, de joie. L’humour joue un
rôle important et il peut déclencher une multitude de sentiments et d’émotions. Le Barbier de
Séville offre un répertoire divers de comique : le comique des mots, le comique des gestes et le
comique des situations. Les élèves ont la possibilité d’apprendre les caractéristiques d’une
comédie, et à la suite d’une analyse minutieuse de quelques extraits de la pièce Le Barbier de
Séville, ils seront capables de rédiger eux-mêmes des commentaires, des petits textes
argumentatifs. Ils pourront fixer le cadre spatio-temporel, donner des informations sur les
personnages en leur faisant le portrait physique et moral, relever les types de comique, présenter
avec des arguments que la pièce étudiée est une comédie. La conception dramatique du rire a
pour effet d’associer étroitement le spectateur à l’état d’esprit des personnages, de leur faire
partager, dans certains cas, une conception des événements qui leur est propre. Dans notre cas,
en regardant la pièce sur le vidéoprojecteur, on crée des liens de complicité entre la scène et la
classe, entre les personnages et les élèves. Les adolescents sont attirés par l’esprit d’aventure, le
suspense, les choses spectaculaires, les intrigues, les stratégies, l’imprévu, les déguisements. Et
ils trouvent dans Le Barbier de Séville toutes ces situations. Le jeu de la comédie est
indissociable des enjeux sociaux ou politiques qui sous-tendent l’intrigue. La pièce n’est pas
seulement une comédie plaisante, mais une satire de la société du XVIIIe siècle, une satire
politique, littéraire (le rôle de la Censure, le pouvoir des grands, des juges, la partialité de la
justice, la dénonciation d’une société corrompue par l’argent-le mercantilisme de Don Bazile) et
une satire sociale, un pamphlet féministe (l’héroïsme féminin, la revendication de la liberté pour
les femmes, la dénonciation de l humiliation impardonnable de la femme).
En plus, cette comédie est un matériel riche et varié, une fenêtre sur la France de XVIIIe
siècle, sur la vie, la société, les coutumes d’une période de l’histoire française. Les thèmes
abordés : l’amour, la jalousie, l’argent sont actuels. La pièce présente une intrigue sur le thème
de l’amour : deux hommes se disputent une femme, celui qui est aimé finit par l’emporter sur
son rival. Le vainqueur est l’aristocrate (le Comte Almaviva), il est jeune, et le vaincu, Bartholo,
il est le bourgeois, vieux et ridicule. L’amour d’un vieux homme pour une jeune fille, sa jalousie,
ses tentatives de la tenir enfermée, loin des yeux d’autres personnes sont des aspects très actuels
et présents dans notre société, qui offrent des similitudes avec la vie des filles et des garçons de
nos jours. Les extraits qu’on peut exploiter en classe de FLE ont un contenu très varié qui

5 permet des utilisations multiples, souvent ludiques (vocabulaire, grammaire, culture et
civilisation). On ne peut pas acquérir une langue si l’on n’est pas en contact direct avec les
productions de celle-ci. C’est ainsi que le fonctionnement réel d’une langue se révèle
pleinement dans les productions langagières des sujets parlants et l’usage effectif de cette
langue, la véritable capacité communicative ne s’acquiert qu’en contact avec ces productions.
Dans la classe de FLE on peut faire aussi l’audition de l’opéra de Rossini avec le même
titre et réaliser une comparaison entre ces deux chefs-d’œuvre concernant l’évolution des
personnages, l’intrigue. Ce sera une bonne occasion d’élargir l’horizon des connaissances des
élèves, de leur montrer une autre perspective sur la vie, de leur développer le goût pour le théâtre
et pour la musique, et d’enrichir leur esprit artistique.

6 Chapitre 1 : Le Siècle des Lumières

1.1. Présentation du point de vue historique
Le XVIIIe siècle est connu sous le nom de « Siècle des Lumières » ou « le Siècle des
philosophes ». Le mot est dérivé du latin ecclésiastique luminaria qui signifie « flambeau ». Il a
été introduit dans la langue française au XIIe siècle. Son sens propre a rapidement été doublé
d’un sens figuré : dans le domaine intellectuel, la lumière est « ce qui éclaire l’esprit dans la
recherche de la vérité » ( Grand Larousse de la langue française )2.Au pluriel, ce mot est
synonyme de « capacités intellectuelles »; il a été employé à partir de XVIIe siècle. Par exemple,
Monsieur Jourdan de Molière, dans l’œuvre Le Bourgeois Gentilhomme , est défini comme un
homme dont « les lumières sont petites ». Au XVIIIe siècle, le mot au pluriel est utilisé de plus
en plus fréquemment et il a progressivement désigné un vaste mouvement intellectuel et
philosophique qui a dominé l’Europe occidentale du XVIIIe siècle et qui affirme en particulier sa
croyance dans les progrès de l’esprit humain et de la civilisation.
Le Siècle des Lumières s’étend de 1685 (la révocation de l’édit de Nantes met fin à la
tolérance religieuse) et jusqu’à la Révolution française de 1789. L’unité apparente des Lumières
recouvre de 1685 à 1799 quatre ou cinq générations : la fin du règne du Roi-Soleil (1685), la
Régence (1715-1723), le règne de Louis XV (1723-1774), le règne de Louis XVI (1774-1792), la
Révolution française (1789-1799)3. Cette période, riche en créations de genres et en
métamorphoses de formes littéraires, est jalonnée par l’alternance entre des jubilations, des
inquiétudes, des combats et des ruptures. Du point de vue économique on assiste à une véritable
révolution de la civilisation matérielle : on développe le commerce, les « arts et les métiers »,
l’agriculture, tout conduisant à la prospérité des villes, au progrès de l’urbanisme. Toute cette
prospérité dure jusqu’en 1773 quand les mauvaises récoltes, les épidémies épuisent les
ressources des campagnes. L’artisanat et le commerce sont ruinés dans la dégringolade. L’état
absolutiste, trouvé à son apogée, cédera la place à un autre système né en 1789.
À cause des querelles religieuses (persécution des jansénistes, la révocation de l’édit de
Nantes) et des découvertes scientifiques, la religion va perdre de son prestige. La force du
sentiment religieux diminue et en même temps augmente la confiance de l’homme dans sa
propre raison. À la foi religieuse le XVIIIe siècle a substitué la foi au progrès de la science.
Donc, l’esprit scientifique triomphe des croyances religieuses. Les philosophes du temps militent
pour la tolérance politique et religieuse. Leurs idées progressistes ont pris corps dans un ouvrage
collectif : l’Encyclopédie. C’est le libraire Le Breton qui a eu l’idée de cette publication, conçue

2 Delphine Bernard, « Lumières », La littérature française au bac, Paris, Belin, 1996, p.540.
3 Georges Décote, Hélène Sabbah, XVIIIe siècle , Paris, Hatier, 1989, p.8-9.

7 comme un vaste dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers .4 Pour sa réalisation il
s’est adressé à Diderot et à d’Alembert qui ont été les premiers encyclopédistes. Elle a groupé les
plus grands philosophes de l’époque : Montesquieu, Voltaire, Helvétius, d’Holbach, Condillac,
Rousseau. La publication donnait des renseignements précieux sur toutes sortes de connaissances
et vulgarisait en même temps le progrès des sciences. Les philosophes y ont semé à profusion
leurs idées qui se résument à la négation de l’autorité, de la tradition, de la foi, à la confiance
dans le progrès.
Le développement du livre et de l’imprimé favorise la diffusion des Lumières. La
production des ouvrages religieux reste importante, mais celle des ouvrages littéraires et
techniques ne cesse d’augmenter. Au lectorat traditionnel des gens d’église et de justice s’ajoute
celui des paysans aisés, des commerçants et des militaires en garnison. La langue intellectuelle
n’est plus le latin comme c’était encore le cas au XVIIe siècle ; désormais on enseigne et on écrit
en français, qui est aussi la langue de l’élite internationale, ce qui contribue largement à la
diffusion des idées des philosophes en Europe.

●La fin du règne du Roi-Soleil (1685-1715)
Sous le règne de Louis XIV, la France est le royaume le plus important et le plus stable
d’Europe, face à une Angleterre prospère mais bien moins peuplée et qui sort d’éprouvantes
guerres civiles. L’Espagne, sclérosée, est sur le déclin cependant que l’Allemagne et l’Italie,
divisées en multiples principautés, n’ont pas d’existence politique. La monarchie française atteint
son apogée sous le long règne de Louis XIV. Dès le début de son règne, il s’est montré soucieux
de grandir le prestige de la monarchie pour éviter le retour des guerres civiles et les séditions
nobiliaires. Il a fait de la France pour plus d’un siècle la principale puissance du continent
européen, voire du monde. Habile politique, le Roi-Soleil a soin d’attirer une bonne partie de la
haute noblesse à la Cour, auprès de lui et sous sa surveillance, en lui accordant des pensions, en
la flattant et en la divertissant. Par calcul mais aussi par goût, il se montre grand mécène,
aménageant à Versailles un palais plus somptueux que tout ce qu’on avait connu jusque-là,
multipliant les fêtes et entretenant les artistes et les écrivains. Versailles est voué aux plaisirs de
la Cour mais aussi à l’édification du peuple. Celui-ci a libre accès dans la fameuse Galerie des
Glaces et en tire un sentiment d’orgueil national. Mais la situation économique du royaume se
dégrade à la fin du règne moins à cause des guerres qu’à cause de la météorologie. Hivers
glaciaux et étés pourris débouchent sur des pénuries récurrentes de céréales. Les dernières

4 Aurelia Tisan, Carmen Ciortan, Littérature française pour les classes de lycée , Craiova, Editura Aius, 1995, p.21.

8 années sont marquées par la menace constante de la famine, par les persécutions contre les
jansénistes et les protestants, surtout après la révocation de l’édit de Nantes en 1685.
De surcroît, de 1689 à 1697, puis de 1702 à 1713, la France est en guerre contre des
coalitions européennes menées par l’Autriche puis par l’Angleterre. Sont en jeu la prééminence
en Europe, mais surtout la maîtrise des empires coloniaux et les profits de leur exploitation. En
effet, à la fin du XVIIe siècle, les revenus de la terre ne constituent plus l’unique source de
richesse. Des fortunes énormes s’édifient grâce au commerce avec l’Amérique et l’Orient. Une
classe de « nouveaux riches », de financiers, d’armateurs, de négociants conteste à l’ancienne
noblesse une suprématie sociale que l’absolutisme louis-quatorzien s’est employé de son côté à
abaisser. Les dissensions religieuses, les échecs militaires et les difficultés économiques
conduisent les esprits éclairés à s’interroger sur les revers de la monarchie. La « crise de la
conscience européenne » se traduit en France par les progrès du rationalisme cartésien et prélude
au mouvement philosophique du XVIIIe siècle5. Si la littérature ne brille plus autant dans les
dernières années du règne, le Télémaque de Fénelon et surtout les œuvres de Challe, Bayle et
Fontenelle marquent une rupture qui traduit la naissance des Lumières.

●La Régence (1715-1723)
À peine Louis XIV est-il mort que la France acclame son arrière-petit-fils, et
recommence à respirer. À la rigidité maussade du défunt roi vieillissant succèdent la jubilation et
l’amour des plaisirs, considérés comme légitimes puisqu’ ils répondent à un besoin naturel de
l’homme, et illustrés par les romans de Crébillon et les tableaux de Watteau.
Le régent Philippe d’Orléans se rapproche des nations capitalistes, libérales et
protestantes. À l’intérieur il neutralise la noblesse, Saint-Simon en tête, rend son droit de
remontrance au Parlement qui va en profiter tout au long du siècle pour essayer de contrôler le
pouvoir royal, et suspend les persécutions religieuses. Le prodigieux succès du système de Law
(l’introduction du papier-monnaie gagé sur des sociétés coloniales) favorise la diminution de la
pression fiscale et permet une forte relance économique. Son écroulement final entraîne un
bouleversement des fortunes qui contribue à préparer le mélange des classes sociales.
Le calme et pacifique ministère du cardinal Fleury contribue à l’apaisement et à la
prospérité. Le centre de la société se modifie : Paris commence à éclipser Versailles, la cour
cesse d’être le seul point de mire du public et la curiosité scientifique favorise la création d’un

5 Jeanne Charpentier, Le mouvement des Lumières au XVIIIe siècle , Nathan, 2001, p. 7.

9 nouvel esprit. Fontenelle fait le procès de la mentalité magique dans les discussions de
l’Académie des sciences6.
Des clubs se créent pour discuter de l’actualité politique. Les salons littéraires
rassemblent autour d une maîtresse de maison une élite mondaine éclairée où la disparité des
rangs sociaux cède le pas à la royauté de l’esprit. Ils forment l’opinion en imprégnant peu à peu
la haute société des idées nouvelles, présentées avec une élégance détachée, et contribuent au
désenclavement de la pensée française en offrant l’occasion de rencontrer des visiteurs étrangers.
Les vingt années de l’ère Fleury correspondent à une période brillante de la littérature française :
Marivaux, Prévost et Crébillon y produisent les meilleurs de leurs œuvres. Montesquieu se
consacre à l’élaboration de son grand ouvrage et Voltaire commence à faire retentir l’Europe de
la philosophie des Lumières.
●Le règne de Louis XV (1723-1774)
Quand Fleury meurt en 1743, Louis XV, timide, solitaire et consciencieux, paraît enfin
agir en monarque. En 1745 on admire en « Louis le bien-aimé » le vainqueur de Fontenoy et on
le voit présenter une gracieuse maîtresse, Madame de Pompadour7. Favorable aux philosophes et
au parti intellectuel que rejettent la reine et son entourage dévot, cette femme de goût brillante et
éclairée accède à la réalité du pouvoir pour près de vingt ans et son mécénat offre à la royauté un
considérable prestige culturel et artistique. Le directeur de la Librairie, Malesherbes, protège
l’Encyclopédie qui consacre le triomphe des philosophes et cherche le sens de l’histoire non plus
dans le ciel, mais sur terre. La société des Lumières s’ouvre au talent et à l’argent roturier.
Le problème est justement de réformer l’État bourbonien de Versailles. Madame de
Pompadour soutient le contrôleur général des Finances Machault, qui tente de rendre l’impôt
plus équitable en créant le prélèvement du Vingtième : tous les sujets du roi, privilégiés inclus, y
sont assujettis. Voltaire appuie Machault. En vain: l’égoïsme du clergé fait échouer sa réforme et
le roi le renvoie. La bataille sociale commence à gagner le domaine des idées. Rousseau met en
question le droit de propriété, puis propose dans Du contrat social un système démocratique
fondé sur la souveraineté populaire et l’égalité de tous les citoyens. Choiseul s efforce de calmer
l’agitation des Parlements et dissout en 1764 l’ordre des Jésuites, à la grande joie des
Encyclopédistes, des gallicans et des jansénistes. La prospérité du royaume se confirme, mais
elle est mal partagée : les misérables se comptent encore par millions. Et l’image royale, affaiblie
par les inconséquences de Louis XV et le gaspillage de la cour, se brouille parce que la politique
étrangère offre une série d’échecs. Alors que l’attentat de Damiens (1757) vient de déchaîner une
vague de répressions contre le mouvement philosophique, les défaites de la guerre de Sept Ans

6 Ibidem, p. 8.
7 Ibidem, p. 9.

10 (1756-1763) humilient le sentiment national. La révocation des Parlements par Maupéou en
1771, approuvée par Voltaire, met fin au coup d’État permanent des parlementaires, mais irrite
une opinion ne voulant voir que leur opposition à l’absolutisme royal.
●Le règne de Louis XVI (1774-1792)
Lorsque Louis XV disparaît (1774), une véritable crise de régime menace la monarchie
française. La noblesse prétend désormais participer à la direction du pays, comme font les lords
en Angleterre. Elle est critiquée par les paysans, qui s’en prennent aux redevances et aux droits
féodaux. Quesnay et les physiocrates, soucieux de progrès agronomique, proposent l’abolition de
ces privilèges et la liberté du commerce intérieur, mais se heurtent à l’opposition des grands
propriétaires terriens. À la suite de Rousseau, la critique politique se radicalise. Deux ministres
philosophes essaient d’adapter le système gouvernemental aux réalités du terrain et aux
mentalités nouvelles. Ancien collaborateur de l’Encyclopédie, Turgot, ministre des Finances en
1774, libère le commerce des grains, supprime les corvées et les corporations, mais ce
réformateur libéral est renversé par le clan des privilégiés. Avant d’être à son tour renvoyé par
un roi faible, Necker s’attaque à une remise en ordre des finances publiques, ruinées par l’aide
apportée aux Insurgents d’Amérique8. Mais si cette aide suscite la sympathie de l’opinion
éclairée, elle aura coûté cher à la royauté française : les jeunes États-Unis, célébrés par Diderot,
offrent un dangereux exemple de démocratie aux sujets des monarchies autoritaires. D’ autant
plus dangereux que Louis XVI cède devant les pressions de la noblesse qui réclame la
restauration de ses droits féodaux.
La crise, économique et monétaire (mauvaises récoltes, faillites, banqueroute de l’État),
est aussi une crise sociale : par faiblesse et manque de lucidité, Louis XVI, renonçant aux
principes du despotisme éclairé cher aux philosophes des Lumières, cède aux pressions de la
noblesse qui revendique la restauration de ses droits féodaux et veut contrôler la monarchie.
Intellectuellement ouverte aux idées nouvelles mais socialement conservatrices, l’aristocratie
est traversée de trop de contradictions pour pouvoir empêcher l’avènement des valeurs et du
pouvoir de la bourgeoisie9. Même si elle rêve encore d’anoblissement, la classe des financiers,
des marchands, des maîtres de forge et des artisans affirment une idéologie de plus en plus
autonome qui fait du travail et du mérite personnel les fondements de la réussite sociale. Elle
remet en cause les privilèges, les pouvoirs politiques et les institutions religieuses qui la
marginalisent alors qu’elle fait la preuve, sur le terrain économique, de son dynamisme. Par ses
critiques de l’ordre établi et par sa volonté de changement, elle trouve des alliés dans le peuple
des villes et des campagnes.

8 Jeanne Charpentier, Le mouvement…, op. cit., p. 10.
9 Hélène Sabbah, op. cit., p.9.

11 ●La Révolution française (1789-1799)
Les exigences de la bourgeoisie affirmées par les députés du Tiers État aux États
généraux de 1789 trouveront leur traduction politique, la même année, dans les événements de la
Révolution française : la prise de la Bastille, symbole du despotisme (14 juillet), l’abolition des
privilèges (4 août), la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen (26 août), la mise à
disposition de la nation des biens du clergé (2 novembre).
Avec l’abolition de la royauté (21 septembre 1792), l’instauration de la République, la
mobilisation contre les armées étrangères ennemies de la Révolution (bataille de Valmy, le 20
septembre 1792), l’exil d’une partie de la noblesse, le gouvernement de Robespierre et du
Comité de salut public (1793-1794), le mouvement révolutionnaire se radicalise. La chute de
Robespierre (9 Thermidor-27 juillet 1794) marque la fin de la Terreur jacobine. Ainsi s’achève
une période d’extrême tension au cours de laquelle les transformations de la société souhaitées
par l’aile gauche de la Convention (l’Assemblée) se heurtent à de nombreuses résistances qui
sont éliminées par la force (des tribunaux révolutionnaires à la guillotine)10. Thermidor marque
la reprise en main du pouvoir par des éléments plus conservateurs de la bourgeoisie. Sous le
Directoire (instauré en 1795), la guerre reprend le pas sur les événements intérieurs. Elle va
permettre à un général de l’armée républicaine de s élever jusqu’ au pouvoir personnel : c’est le
coup d’État de Napoléon Bonaparte, le 18 Brumaire 1799. Une autre histoire commence alors.
Celle de la France romantique. Celle de la France moderne.

1.2. Le siècle des philosophes
D’une manière générale, on désigne sous le nom de philosophe tout homme qui réfléchit
sur les grands problèmes métaphysiques (origine, nature, destinée du monde ou des êtres vivants)
et qui cherche à les résoudre en un système universel. Cependant, au temps de Montesquieu, de
Diderot et de Voltaire, le terme a pris une valeur particulière. Beaucoup de ceux qu’on appelle
philosophes condamnent la métaphysique et pensent qu’il est vain de méditer sur
l’inconnaissable ; tous, en revanche, s’intéressent aux questions d’ordre politique, social, moral
ou religieux dont dépend le bonheur de l’homme sur la terre. Ces questions, ils prétendent les
examiner par eux-mêmes, en faisant abstraction de tous les préjugés.
« Les philosophes, lit-on dans l’Encyclopédie, n’admet rien sans preuve ; il n’acquiesce
point à des notions trompeuses ; il pose exactement les limites du certain, du probable et du
douteux. » 11 Ainsi, les philosophes s’insurgent, dans tous les domaines, contre le principe
d’autorité, déjà dénoncé au siècle précédent par Descartes et par les libertins ; ils bousculent les

10 Ibidem, p.10.
11P.-G. Castex, P. Surer, G. Becker, Histoire de la littérature française , Hachette, 1974, p.365.

12 opinions les plus répandues, les traditions les mieux assises. Ila opèrent une révolution dans les
esprits qui précède la grande révolution dans les institutions et dans les mœurs.
Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, l’esprit philosophique profite, pour
s’affirmer, de la faiblesse du gouvernement ; mais les écrivains les plus hardis dans leur critique
sociale demeurent en littérature fidèles au goût classique.
Dès la mort de Louis XIV, la crise d’autorité à laquelle succombera le régime est
virtuellement ouvert. Le duc d’Orléans, nommé régent, relâche la vigilance de la censure et de la
police. Louis XV réagit ; mais il ne peut étouffer l’expression des mécontentements que
provoque sa politique décevante, surtout après la mort du cardinal Fleury, qui le prive d’un
serviteur habile et d’un bon conseiller. Ce mécontentement est porté à son comble en 1748,
lorsque le Roi, après une guerre victorieuse contre Marie-Thérèse d’ Autriche, signe le traité
d’Aix- la Chapelle et achète une paix d’ ailleurs précaire par l’abandon de toutes ses conquêtes.
Cette crise laisse le champ libre aux novateurs, dont les idées trouvent dans l’opinion publique
une audience de plus en plus large.
Quand on parle du siècle des Lumières, on parle des principes de la philosophie aussi :
l’esprit d’examen, l’esprit scientifique et l’esprit cosmopolite12.
●L’esprit d’examen – À la foi traditionnelle, les philosophes substituent, comme principes
de connaissance, la raison et l’expérience. Descartes leur a appris à discerner la vérité de l’erreur
par l’exercice de la réflexion logique. Spinoza leur a proposé en exemple une critique de la
révélation. Les empiristes anglais, Locke en particulier, contribuent à leur donner le goût des
faits positifs.
●L’esprit scientifique – Ainsi tend à se substituer au prestige de la religion le prestige de
la science humaine. Le système de Newton suscite de grandes curiosités dans le public cultivé,
gagne des sympathies de plus en plus nombreuses dans le nom de savant et finit par s’imposer
aux dépens de l’ancienne physique, imbue de préjugés. Dans les Académies de province et
même chez les particuliers, expériences et recherches de laboratoire se multiplient. En même
temps progresse l’érudition historique et archéologique.
●L’esprit cosmopolite – En outre, une vive curiosité se répand pour les institutions et
pour les mœurs des pays étrangers. Les échanges internationaux se développent ; les voyageurs
deviennent de plus en plus nombreux. L’Angleterre connaît une faveur particulière : des
comparaisons souvent cruelles pour l’amour- propre national s’établissent entre les institutions
françaises et anglaises.
Pendant la Régence et la première moitié du règne de Louis XV, les mœurs de la société
française se caractérisent par le goût du plaisir et le goût du luxe. Par réaction contre la solennité

12 Ibidem, p. 366.

13 morose des dernières années du règne de Louis XIV, la Régence marque les débuts d’une ère de
frivolité et de plaisir. Les philosophes empiristes de l’école anglaise contribuent à répandre une
morale facile, qui incite à la joie de vivre: « Voici le temps de l’aimable Régence, /Temps
fortuné marqué par la licence », s’écrie Voltaire13.Les hommes au pouvoir donnent eux-mêmes
l’exemple de mœurs dissolues : le Régent festoie dans sa résidence du Palais-Royal avec les
« roués », ses compagnons de plaisir. La passion du jeu et surtout la passion du théâtre se
développent dans des milieux de plus en plus étendus. On joue la comédie chez la duchesse du
Maine, à Sceaux ; chez la marquise de Pompadour, à Versailles ; on interprète des opéras-
comiques sur de petits théâtres de marionnettes ; acteurs professionnels et gens du monde
collaborent à ces divertissements, qui sont suivis de soupers fins ; l’habitude de donner la
comédie fait considérer la vie comme une pièce de théâtre, où chacun tient son rôle sans rien
prendre au sérieux. La transformation des mœurs exerce une action sur les arts et la littérature.
Les gracieuses fantaisies de Watteau et de Lancret, peintres des « fêtes galantes », les Lettres
persanes et Le Temple de Gnide de Montesquieu, Le Mondain de Voltaire reflètent les goûts
d’une époque élégante, mais frivole, et assez cyniquement épicurienne.
Au goût du plaisir est intimement associé le goût du luxe. La réalisation de fortunes
colossales au temps de Law, et surtout la prospérité économique sous le ministère Fleury,
permettent à beaucoup de gens de mener un train de vie fastueux. “Aujourd’hui, écrit l’ historien
Duclos, évoquant le temps de la Régence, personne ne met de bornes à ses désirs »14. On raffine
à l’égard de la table, de l’habillement et des équipages, on cherche l’élégance et le confort dans
la décoration intérieure des appartements, certains arts mineurs, comme l’ébénisterie,
l’orfèvrerie, la reliure et la gravure, jouissent d’une vogue inconnue jusqu’alors. Les économistes
et même quelques hommes de lettres démontrent que la richesse d’un pays est en rapport avec
l’intensité de sa circulation monétaire. Montesquieu va jusqu’à poser en principe que le luxe est
une nécessité dans une monarchie : « Pour que l’ état monarchique se soutienne, le luxe doit aller
en croissant, du laboureur à l’artisan, au négociant, aux nobles, aux magistrats, aux grands
seigneurs, aux traitants principaux, aux princes ; sans quoi tout serait perdu. »15
Le XVIIIe siècle voit s’opérer une véritable révolution scientifique et idéologique : la
puissance de la nature devient un objet d’émerveillement et d’étude. La physique, la biologie, la
botanique ou la médecine passionnent les cercles cultivés. Les sociétés savantes et les académies
parisiennes et provinciales se multiplient. Fontenelle anime les débats de l’Académie royale des
sciences dont les publications alimenteront l’ Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. L’ Histoire

13 Ibidem, p.370.
14 P.-G. Castex, P. Surer, G. Becker, Histoire…, op.cit. p. 370.
15 Ibidem, p. 370.

14 naturelle de Buffon (1749) ou le Traité de chimie de Lavoisier (1789) sont célébrés bien au-delà
du monde des savantes. Les applications concrètes de la science suscitent également une vive
curiosité : l’électricité, le magnétisme, le paratonnerre, les vols en ballon font l’objet de modes
qui traduisent l’engouement du siècle pour les progrès scientifiques et technique.
L’enseignement des collèges est assuré principalement par les oratoriens et les jésuites et il
accorde une part essentielle aux « humanités » c’est-à-dire aux langues anciennes. Mais cette
culture humaniste, importante dans la formation civique des hommes des Lumières qui trouvent
chez les auteurs grecs et latins des modèles de pensée et de vertu, s’adresse encore
exclusivement aux garçons.

1.3. La condition des écrivains
Les écrivains, au XVIII e siècle, ne constituent pas un groupe social homogène. Certains
appartiennent à la noblesse d’épée comme Saint-Simon ou de robe comme Montesquieu, et on
distingue ainsi la noblesse militaire symbolisée par l’épée et celle des magistrats représentée par
la robe. D’autres appartiennent au clergé comme Prévost ou Condillac mais de plus en plus
souvent leur extraction est roturière (Beaumarchais est le fils d’un horloger) et provinciale
(Diderot est fils d’un coutelier de Langres). Si les plus chanceux ont une place à la cour (Voltaire
et Marmontel sont historiographes du roi), la plupart des hommes de lettres doivent chercher
leurs moyens d’existence dans le mécénat, le journalisme ou une activité parallèle :
Beaumarchais fait des affaires, Rousseau est laquais, musicien, secrétaire. Cependant une
catégorie limitée mais nouvelle apparaît : celle des écrivains professionnels qui réussissent à
vivre de leur plume. Pour eux, il n’est en général pas question de faire fortune. Dans les milieux
de la « bohème littéraire », on vit souvent modestement. Jusqu’ à la reconnaissance juridique de
l’homme de lettres, les auteurs n’ont aucun droit sur leur œuvre et dépendent des « libraires-
éditeurs ». Ceux-ci doivent, pour leur part, tenir compte, lorsqu’ ils publient un livre, des
règlements très stricts de l’administration royale. Pour paraître, un ouvrage doit recevoir un
« privilège » ou une « permission » délivrés par un censeur qui mesure la « conformité » du
manuscrit aux normes religieuses, politiques ou morales. Auteurs et éditeurs multiplient les ruses
pour éviter les interdictions qui menacent les ouvrages trop audacieux16.
En matière d’art, les grands classiques demeurent des modèles respectés. Les genres
consacrés, tragédie, comédie, roman, sont encore cultivés par de nombreux écrivains, qui, en les
renouvelant, contribuent avec plus ou moins de bonheur à les sauver : le théâtre de Marivaux, si
original qu’il soit, est une exquise réussite classique. Quant aux ouvrages philosophiques de

16 Hélène Sabbah, op. cit., p. 14.

15 Montesquieu et de Voltaire, ils s’imposent par une lucidité de pensée et par une clarté
d’expression qui sont également conformes au génie du classicisme.
Au début du XVIIIe siècle, la diffusion des idées nouvelles est favorisée par les
transformations de la vie sociale. Tandis que’ à Paris et même en province la vie de société se
développe grâce à la prospérité économique, le prestige de Versailles décline. Les hommes de
lettres désertent de plus en plus la Cour et, désormais affranchis de toute sujétion, aspirent à
vivre de leur plume ; ils travaillent dans l’agitation du monde et pénètrent partout où l’on peut
discuter librement les problèmes du jour. Les écrivains se réunissent dans les endroits à la mode :
clubs, cafés, salons. La première maison de café s’était ouverte en 1667 ; ce genre
d’établissement connut bientôt une vogue extraordinaire. Les cafés les plus connus furent le café
Procope-ouvert en 1695 par un Sicilien et où se réunissaient Fontenelle, Piron, Voltaire, Diderot,
Marmontel, le café Gradot-fréquenté par La Motte et le café Laurent17. Tout en consommant le
moka brûlant ou la limonade glacée, gens de lettres et beaux esprits se communiquaient en
cachette les libelles interdits, faisaient assaut de verve et entretenaient par leurs polémiques une
atmosphère chargée d’orage ; le public, intrigué, faisait cercle autour des « nouvellistes » qui
répandaient avec conviction des rumeurs parfois extravagantes, ou des poètes qui débitaient des
chansons satiriques contre le gouvernement. La compagnie privée la plus célèbre est celle que
fonda, vers 1720, l’abbé Alary à l’entresol de l’hôtel du président Hénault, place Vendôme. Elle
comprenait une vingtaine de membres. L’un d’eux, le marquis d’Argenson, la définit comme
« une espèce de club à l’anglaise ou de société politique parfaitement libre, composée de gens
qui aimaient à raisonner sur ce qui se passait…et dire leur avis sans crainte d’être compromis. »18
On se réunissait à l’Entresol le samedi ; l’été, on se promenait aux Tuileries sur les terrasses. On
commentait les nouvelles du jour et on lisait des mémoires. C’est pourtant chez des femmes,
dans les salons de Mesdames de Lambert (1710-1733) et de Tencin (1726-1749), dans ceux de
Madame du Deffand (1740-1780) ou de Madame Geoffrin (1749-1777), que se forme et
s’exprime l’esprit nouveau.
Malgré des conditions parfois difficiles, la production de livres connaît un essor
important, surtout dans le domaine scientifique, mais aussi dans des genres littéraires comme le
roman dont le XVIIIe siècle marque le véritable avènement. Les tirages dépassent rarement le
millier d’exemplaires, le livre restant un objet coûteux. Toutefois, le succès de l’Encyclopédie
(4000 exemplaires vendus pour l’édition originale) manifeste l’appétit de connaissance d’une
époque qui aime le savoir concret et la diffusion des grandes œuvres dans des cercles de plus en
plus larges de la société. Le goût pour le théâtre illustre également une transformation de la

17 P.-G. Castex, P. Surer, G. Becker, Histoire…, op. cit., p. 373.
18 Ibidem, p. 373.

16 sensibilité puisqu’ aux spectacles de la tradition, la comédie et la tragédie, s’ajoutent des genres
nouveaux, des genres « bourgeois » comme le drame sérieux.
L’écrivain change de statut : il n’est plus pensionné, il exerce un métier dont les bases
juridiques s’élaborent entre 1749 et 1770 ; les notions de propriété littéraire et de droits d’auteurs
sont désormais officiellement reconnues. Mais la conquête de cette liberté ne va pas sans
quelques déboires. À travers la figure du neveu de Rameau, Diderot nous décrit les aléas de
l’existence de l’homme de lettres vivant « au jour la journée », tantôt « gras et replet comme s’il
n’avait pas quitté la table d’un financier », tantôt « maigre et hâve comme un malade au dernier
degré de la consomption ».19

19 Delphine Bernard, La litérature… op.cit. , p.541.

17 Chapitre 2 : Le Barbier de Séville – Beaumarchais

2.1. La vie de Beaumarchais
Pierre-Augustin Caron est né le 24 janvier 1732 à Paris, rue Saint-Denis, dans une famille
d’horlogers modestes mais cultivés. Il est le septième enfant d’André-Charles Caron et de sa
femme Louise Pichon. Le père, issu d’une famille d’horlogers protestants, était lui-même devenu
maître-horloger après avoir abjuré le protestantisme le 7 mars 1721 dans l’église des Nouvelles-
Catholiques, se convertissant au catholicisme ; c’est un artisan reconnu, créateur de la première
montre-squelette. Pierre-Augustin, après des études à l’école des métiers d’Alfort de 1742 à
1745, entre en apprentissage dans l’atelier paternel à l’âge de 13 ans20. Il donne du fil à retordre à
son père, qui le chasse quelque temps de la maison familiale, mais finit par devenir un artisan
compétent, puisqu’il invente, en 1753, un nouveau mécanisme d’ échappement, dit à hampe ou à
double virgule, peu utilisé aujourd’hui du fait des problèmes de frottement. C’est le moment
aussi d’une première controverse : l’horloger du Roi Jean-André Lepaute s’attribue l’invention et
Beaumarchais contre-attaque en faisant appel à l’Académie des Sciences. Il est reconnu comme
le véritable inventeur et devient l’horloger attitré de Louis XV et de ses filles. Beaumarchais est
également l’inventeur d’un mécanisme de perfectionnement destiné aux pédales de harpes.
Il se marie le 27 novembre 1756 avec sa première femme Madeleine-Catherine Aubertin,
veuve Franquet. L’épouse est bien plus âgée que lui mais possède des terres. Il se fait dès lors
appeler « de Beaumarchais », nom d’une terre qui appartient à son épouse et qui donne l’illusion
de la noblesse. Madeleine-Catherine meurt subitement l’année suivante à 35 ans.
Immédiatement, le jeune veuf se voit dans une position inconfortable et se trouve confronté au
premier de la longue suite de procès et de scandales qui marqueront son existence. Grâce à son
talent musical, il devient en 1759 le professeur de harpe des quatre filles du roi Louis XV, qui
résident à la cour ; mais cette situation le détermine de lutter contre la calomnie et les vexations
des gens de cour. En 1760, il se lie d’amitié avec le financier de la Cour, Joseph Pâris –
Duverney qui favorise son entrée dans le monde de la finance et des affaires. Beaumarchais se
lance alors dans les spéculations commerciales, s’ enrichit, mène une joyeuse vie et écrit pour
ses amis des parades, farces inspirées par le Théâtre de la Foire, divertissements volontiers
vulgaires et grivois très appréciés à la cour comme dans les châteaux ( Jean Bête à la foire, Colin
et Colette, etc. ) En 1764, Pierre-Augustin se rend à Madrid pour régler des affaires de familles
et gérer celles de Pâris-Duverney. Reçu par le roi d’Espagne et la bonne société madrilène,
Beaumarchais observe les usages du pays et particulièrement l’arbitraire de sa justice : il s’en

20 Hélène Sabbah, op. cit., p. 388.

18 souviendra dans ses « comédies espagnoles »21. Rentré en France et souhaitant faire œuvre
dramatique dans un genre sérieux, Beaumarchais suit la voie ouverte à un nouveau théâtre par
Diderot dans Le Fils naturel et écrit Eugénie, représenté à la Comédie-Française en 1767, dans
laquelle il développe hardiment des thèses féministes. Encouragé par le succès de ce drame,
Beaumarchais précise ses conceptions dans son Essai sur le genre dramatique sérieux. Il fera
jouer en 1770 un autre drame, Les Deux Amis , où il évoque la question d’argent et étudie la
condition du négociant, mais rencontrera cette fois un échec complet22.
Les années 1770-1773 sont pour Beaumarchais des années de procès et de défaveur. Il
connaît une certaine disgrâce à la cour, voit sa seconde femme mourir en 1770 et perd la même
année son ami Pâris-Duverney. À l’occasion de ce second veuvage précoce, sa femme lui
laissant une somme astronomique, Beaumarchais est accusé de détournement d’héritage. Avant
de mourir, le banquier lui a légué une somme très importante. Mais le légataire universel de
Pâris-Duverney, le comte de La Blache accuse Beaumarchais d’avoir falsifié le testament et fait
courir sur son compte les rumeurs les plus injurieuses. Débouté de sa plainte, La Blache fait
appel. Or, pendant ce temps, Beaumarchais est envoyé en prison par une lettre de cachet pour
s’être battu avec un pair de France, le duc de Chaulnes23. La Blache en profite pour réclamer du
Parlement une condamnation rapide de Beaumarchais. Le conseiller au Parlement chargé de
l’affaire, Goëzman, refuse de recevoir l’écrivain mais la femme du magistrat accepte un
« cadeau » de celui-ci. Elle donne ainsi à Beaumarchais, accusé par le juge Goëzman de tentative
de corruption, une arme redoutable dont il se sert dans quatre célèbres Mémoires qui font le tour
de l’Europe, suscitant le rire et l’indignation contre les Goëzman, le Parlement et tous les
ennemis de l’écrivain. Beaumarchais est néanmoins blâmé, déchu de ses droits civils et, menacé
d’un nouvel emprisonnement, il doit fuir en Angleterre. Plus tard, il réussit à regagner la France
en offrant ses services à Louis XV, qui lui confie plusieurs missions délicates à l’étranger.
« Espion du roi », Beaumarchais se charge de neutraliser ceux qui, par leurs actions ou par leurs
écrits, peuvent nuire à la France. Il poursuivra, sous le règne de Louis XVI, ces entreprises de
politique secrète. Mais en 1775, il revient au théâtre avec la comédie du Barbier de Séville que la
censure avait interdite l année précédente. Représentée d’ abord dans une version en cinq actes,
la pièce connaît d’ abord un échec mais triomphe deux jours plus tard : en effet, Beaumarchais
s’est, selon ses termes, « mis en quatre » (actes) entre le vendredi et le dimanche, la comédie,
plus courte, est aussi plus brillante. Le personnage de Figaro est né24.

21 Ibidem, p. 388.
22 P.- G. Castex, Histoire…, op. cit., p. 494.
23 Hélène Sabbah, op. cit., p.389
24 Ibidem, p.389.

19 L’aventure personnelle de Beaumarchais devient historique lorsqu’ il engage la France
dans la guerre d’indépendance américaine en armant, à ses frais, les colons insurgés. Quand il est
réhabilité par le Parlement et gagne enfin son procès contre La Blache, il est alors l’homme le
plus célèbre de France. Il s’emploie ainsi à financer les premiers aéronautes, défend les
protestants contre la discrimination religieuses, fonde la Société des auteurs dramatiques qui dès
lors protège les droits des gens de lettres, il se fait éditeur des œuvres complètes de Voltaire et
« ingénieur » pour créer la Compagnie des eaux, déployant dans chaque activité la même force
enthousiaste. Cette énergie lui est indispensable pour obtenir l’autorisation de faire jouer sa
grande comédie, Le Mariage de Figaro , neuf ans après Le Barbier de Séville, en 1784. La
seconde partie de sa trilogie espagnole, une comédie en cinq actes, interdite par le roi et
plusieurs fois victime de la censure, est un nouveau triomphe. On y retrouve les mêmes
personnages, mais vieillis, dans des situations et des dispositions d’esprit différentes. Ambitieux
dans sa facture, Le Mariage de Figaro l’est aussi par sa portée politique et sociale, la critique se
réalisant plus insistante, plus grinçante. Ces dix années auront marqué à tous points de vue
l’apogée de la carrière de Beaumarchais. Il s’est attiré les foudres de la censure royale avec ses
audaces théâtrales, est devenu suspect aux yeux des révolutionnaires qui voyaient d’un mauvais
œil les succès multiples de ce « nouveau riche ». Usé, Beaumarchais donne encore un opéra
médiocre, Tarare (1887) et, après une représentation de sa dernière pièce, La Mère coupable, un
drame larmoyant qui clôt la trilogie espagnole, s’exile à l étranger.
Il ne rentre à Paris que sous le Directoire, en 1796, pour marier sa fille née d’un troisième
mariage. Il meurt en 1799.L’ œuvre de Beaumarchais, ses deux grandes comédies en particulier
(Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro ) est pleine de l’écho de cette vie mouvementée
où tous les moyens semblent bons pour arriver à ses fins.

2.2. Le résumé/Lecture analytique
Comme le montre sa biographie, le théâtre fut pour Beaumarchais une occupation parmi
d’autres, mais qu’il embrassa surtout par plaisir, sans avoir suivi la formation scolaire classique
que recevaient à l’époque la plupart des hommes de lettre. De sa vie mouvementée, parfois
désordonnée, il tira une richesse d’expériences dont son œuvre porte la trace.
Pour écrire Le Barbier de Séville , Beaumarchais s’est inspiré de l’une de ses premières
œuvres, Le Sacristain , qui mettait aux prises un vieillard, une jeune fille et un galant plein de
ruse25. D’une simple parade, Beaumarchais tire d’ abord en 1772 un « opéra-comique », c’est-à-
dire une pièce à chansons, qui est refusé par la Comédie-Italienne. Il le transforme en comédie en

25 Hélène Sabbah, op. cit., p. 391.

20 cinq actes qui est acceptée par la Comédie-Française. Elle est jouée le 23 février 1775, mais la
pièce échoue : trop longue et d’un comique trop pesant. En trois jours seulement, Beaumarchais
la remanie : il coupe, allège, fond deux actes en un ; le 26 février Le Barbier de Séville est joué à
nouveau dans la version en quatre actes que nous connaissons. C’est un triomphe. Quelques mois
plus tard, il la fait publier, accompagnée d’une « Lettre modéré sur la chute et la critique du
Barbier de Séville ». L’auteur y revient sur les circonstances de la représentation et répond à
certaines critiques alors formulées. Pour entraîner l’adhésion du lecteur, Beaumarchais choisit la
solution la plus plaisant et aussi la plus forte : prolonger le plaisir de la scène, faire de la lecture
un spectacle. La Lettre est ainsi une véritable petite comédie. Elle commence par une didascalie :
« L’auteur, vêtu modestement et courbé, présentant sa pièce au lecteur. »26 Ce dernier devient un
personnage, auquel Beaumarchais prête « double estomac, bon cuisinier, maîtresse honnête et
repos imperturbable. » Véritable monologue, la Lettre modérée utilise toutes les ressources du
théâtre comique : l’auteur interpelle le lecteur ou les critiques malveillants, leur donne la parole
en retour. La vivacité du ton, l’art de la repartie, sont les mêmes que ceux du Comte ou de
Figaro. L’auteur accorde une place importante à la musique et aux chants, ce qui constitue une
part de son originalité. On y retrouve des échos de la pièce de Molière, L’École des femmes et
d’une nouvelle de Scarron, La Précaution inutile. Cette Lettre, par son ton autant que par son
contenu, rappelle donc que le théâtre est un art du spectacle, que le texte n’y vaut que par
l’adhésion qu’il entraîne. En théâtralisant la préface, Beaumarchais prépare le lecteur à devenir
spectateur du texte du Barbier : il cherche à l’étourdir par un tourbillon verbal semblable à celui
que déchaîne la pièce, et sollicite son rire complice.
L action se déroule en Espagne, à Séville. Dans l’Acte I, le Comte Almaviva cherche à
revoir Rosine, dont le charme l’a conquis. Mais le docteur Bartholo, son vieux tuteur, fait
étroitement surveiller la jeune fille, qu’il souhaite épouser. Sous la fenêtre de Rosine, le Comte
retrouve Figaro, son ancien valet, devenu depuis barbier et apothicaire au service de Bartholo.
Figaro accepte de jouer les intermédiaires entre Rosine et le Comte, et de favoriser leurs amours.
Par le moyen d’une chanson, le Comte, sous le nom du « bachelier Lindor », fait sa cour à
Rosine.
Dans l’Acte II, Figaro porte un message de Rosine au Comte. Bazile, le professeur de
chant de Rosine, révèle à Bartholo que le Comte courtise Rosine. Déguisé en militaire ivre, le
Comte prétend se faire loger chez Bartholo. Soupçonneux, celui-ci le chasse. Le Comte réussit
cependant à faire passer un message à Rosine. Bartholo s’en aperçoit. Rosine feint de s’évanouir
et, par une rapide substitution, elle lui montre une lettre sans importance.

26 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-VIe, 1934, Collection
Classiques Larousse, p.13.

21 Dans l’Acte III, déguisé en « bachelier », le Comte se prétend envoyer comme suppléant
par Bazile, subitement tombé malade. La leçon de chant se transforme en duo d’amour. Survient
alors Bazile ! Figaro lui glisse à temps une somme d’argent. Bazile confirme qu’il est indisposé
et qu’il doit aller se recoucher. Tout irait donc bien si Bartholo ne surprenait au dernier moment
une réplique de Rosine, qui ne lui laisse aucun doute sur l’amour qu’elle porte au Comte.
Dans l’Acte IV, Bartholo décide de précipiter les événements et d’épouser Rosine cette
nuit même. Il réussit à convaincre Rosine de l’insincérité et de l’infidélité du Comte. De dépit,
Rosine révèle à Bartholo que le Comte avait projeté de l’enlever. Bartholo prend les mesures
nécessaires pour faire échouer les manœuvres du Comte. En vain, Figaro et le Comte le mettent
en échec. Le notaire, convoqué pour conclure le mariage de Bartholo et de Rosine, procède à
celui du Comte et de Rosine. Amer, Bartholo reconnaît sa défaite.
La pièce se déroule dans deux lieux différents : « une rue de Séville » devant la maison
de Bartholo, à l’acte premier et « l’appartement de Rosine » pour les trois actes suivants. Mais
ces deux lieux ne forment qu’un seul espace continu : ils communiquent en effet de deux façons :
par une « jalousie » au premier étage (c’est-à-dire une fenêtre fermée par une grille), par une
porte au rez-de chaussée. La porte est le plus souvent fermée, et à clef ; seul Bartholo va et vient
librement du dehors au dedans. La jalousie permet des actions parallèles : à l’acte premier,
Bartholo parle avec Rosine à la fenêtre (I, 3), pendant que le Comte et Figaro mettent au point
leurs projets dans la rue (I, 4). C’est par la fenêtre que tombe le message de Rosine, qui parvient
ainsi à adresser quelques mots à son amant (I, 3). Bartholo apparaît successivement à l’étage (I,
3) et dans la rue (I, 5). Au dernier acte, Figaro constate, en regardant par la fenêtre, que l’échelle
grâce à laquelle lui et le Comte étaient entrés dans la maison a été retirée, de l’extérieur, par le
docteur (IV, 6). Cette légère déviation de la règle classique de l’unité de lieu permet donc de
dynamiser l’espace scénique, de lui donner une fonction dans l’action. On le remarque aussi dans
les deux actes centraux, parce que l’appartement de Rosine comprend des pièces annexes, hors
scène, mais intégrées à l’espace de jeu : ainsi, « le cabinet du clavecin » (II, 2), où Figaro se
dissimule pendant les scènes 3 à 8 de l’acte II. Même s’il est caché, le barbier n’est pas inactif : il
passe la tête pour écouter, surprenant ainsi les projets de Bazile et de Bartholo (II, 8).Un petit
escalier (II, 2 ; II, 10) qui communique avec le cabinet, lui permet de sortir, et surtout d’ouvrir la
porte au Comte. À l’acte III, le Comte se dissimule un instant dans le cabinet, ce qui permet
d’accentuer la surprise de Rosine à sa vue (III, 4). L’appartement dispose d’une autre issue, celle
de l’escalier principal. Le bruit de la vaisselle qu’y renverse Figaro attire au-dehors Bartholo (III,
8).Mais la fonction principale de la porte et de la jalousie est de matérialiser les obstacles qui
séparent les deux jeunes amants. La méfiance possessive de Bartholo se concrétise sous l’aspect
d’une grille à ouvrir, d’un verrou à forcer. La conquête amoureuse requiert une ingéniosité de

22 serrurier. Beaumarchais met en évidence les deux sens du mot « jalousie » : au propre comme au
figuré, le Comte cherche la clef de la jalousie de Bartholo. La pièce gagne en efficacité scénique
et visuelle. L’acte premier pose cette question importante : comment entrer ? Parce que Rosine
ne peur sortir, seul un papier peut franchir, et avec beaucoup de difficulté, l’obstacle de la
jalousie, il faut bien que le Comte trouve le moyen d’entrer. Les deux actes centraux équilibrent
intérieur et extérieur : le Comte a pu entrer, mais il est par deux fois expulsé. L’acte IV,
symétrique et inverse du premier, montre les deux jeunes gens enfermés parce que Bartholo a
retiré l’échelle. Et on se pose la question : comment sortir avec Rosine ?
La première phrase de la pièce est : « Le jour est moins avancé que je ne croyais ». Cette
phrase prononcée par le Comte nous introduit tout de suite dans la temporalité de la pièce. On
observe la règle de l’unité de temps : la pièce se déroule en moins de vingt-quatre heures. Elle
commence le matin (I, 1) et à l’acte III nous en sommes à la soirée : chacun invite Bazile à se
coucher (III, 11). Au début de l’acte IV, il est « minuit sonné » (IV, 2). L’unité de temps est
nécessaire à l’intrigue, placée sous le signe de la hâte, de l’impatience. D’ ailleurs, la didascalie
qui commence la première scène nous montre déjà le Comte qui « tire sa montre en se
promenant ». Ses allées et venues, les interrogations, exclamations, points de suspensions qui
émaillent sa première tirade montrent son impatience, l’élan insatisfait de son désir amoureux.
Le Comte est présenté comme un personnage en mouvement. La motivation opposée d’un autre
personnage fait de la pièce ce qu’on n’appelait pas encore au XVIIIe siècle une « course contre
la montre »27 : on remarque la hâte de Bartholo à s’assurer la possession de Rosine par le
mariage : très vite on apprend qu’il en a fixé la date au lendemain (I, 5). C’est Rosine qui lance
les deux rivaux dans cette course : « Ramassez vite et sauvez-vous. » Lance-t-elle au Comte en
lui jetant sa lettre, cependant qu’elle semonce Bartholo : « Courez, courez donc, Monsieur ! »(I,
3). Cette double impulsion donnée, l’un et l autre ne s’arrêteront plus. Et le rythme ira en
s’accélérant : Figaro presse le Comte : « il faut marcher si vite que le soupçon n’ait pas le temps
de naître », Bazile alerte Bartholo : « Vous n’avez pas un instant à perdre » (II, 8). Le Comte
prévoit d’enlever Rosine à minuit (III, 12), mais Bartholo, de son côté, avance la signature du
contrat (IV, 1).Dans cette course, le perdant sera celui qui, le premier, ralentira le rythme :
Bartholo ; il est allé en toute hâte chercher l’alcade et les alguazils et il rentre en scène quelques
minutes trop tard : le contrat est déjà signé (IV, 8). Parfois critiquée pour son invraisemblance,
cette faiblesse du docteur s’inscrit pourtant dans la logique des personnages : à la course, la

27 Dominique Morineau, Le Barbier de Séville/40 questions, 40réponses, 4 études , Ellipses Édition Marketing S.A.,
Paris, 1999, p.11.

23 vieillesse finit toujours par lâcher pied devant la jeunesse. « Ces gens-là sont si alertes ! » se
plaint-il (IV, 1).
La rencontre de Figaro avec le Comte à l’acte premier nous apporte beaucoup
d’informations concernant leurs rapports, la présentation physique et le portrait moral. Les
répliques qui s’enchaînent sont courtes, voire très courtes et de volume relativement semblable.
Le Comte n’a pas la patience d’attendre que Figaro fasse son récit, il le presse de ses questions.
On remarque les interruptions des lignes 91 et 99 signalées par les points de suspension : dans un
cas, le Comte achève la phrase de Figaro ; dans l’autre, il demande à Figaro d’abréger. C’est
ensuite à Figaro d’interrompre le Comte, puis à nouveau au Comte, comme l’explicite la
didascalie « l’arrêtant » et la ponctuation. Ce passage n’est pas uniquement consacré à la
présentation des deux personnages principaux, puisque leur conversation est interrompue à deux
reprises par le projet qui préoccupe le Comte. Une première fois, celui-ci demande à Figaro de
l’appeler Lindor et non Monseigneur ; une deuxième fois, plus significative, le Comte
s’interrompt parce qu’il a cru voir paraître Rosine à la jalousie ; enfin, c’est au tour de Figaro de
suspendre lui-même son discours : « Que regardez-vous donc de côté ? ». Ainsi Beaumarchais
construit-il une exposition dynamique : l’action, déjà entamée dans la première scène avec
l’attente du Comte, se poursuit en même temps que les informations nécessaires à sa
compréhension sont données au spectateur. Beaumarchais, très attentif aux didascalies, inscrit
dans les répliques de ses personnages des indications scéniques (animation du décor, positions
des acteurs, etc ).
À l’acte premier, Figaro critique les rapports traditionnels entre noblesse et domesticité.
Il utilise les adjectifs « grands » et « petits » et les répliques aux accents de revendications
sociales : « un Grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal » et « Aux vertus
qu’on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent
dignes d’être valets ? » Il critique aussi l’envie et il dénonce en même temps l’instrument de
l’envie, la calomnie, comme l’indique le verbe « desservir » . C’est ici la première occurrence de
ce qui deviendra dans la suite de la pièce un ressort dramatique. Figaro introduit ce thème à
travers la citation d’un vers, car la calomnie dont il a fait l’objet auprès du ministre reposait
précisément sur le fait qu’il faisait lui-même des vers.
Dans sa première tirade, Figaro dénonce le fait que l’homme de lettres au XVIIIe siècle
n’a pas encore la considération qu’il mérite. La création littéraire, puisqu’ elle est jugée
« incompatible avec l’esprit des affaires », est dénigrée. Si Louis XIV et Colbert ont fait au siècle
précédent un énorme travail d’institutionnalisation des pratiques artistiques, au nom de la gloire
du monarque, si certains écrivains ont commencé à obtenir revenus et protections, le statut de

24 l’homme de lettres est encore très fragile. Il doit lutter contre la censure, mais aussi, bien
souvent, exercer un autre métier pour vivre.28
Dans sa deuxième tirade, Figaro fait part au Comte de son étonnement de n’avoir pas
remporté un grand succès au théâtre. Il s’était débrouillé pour réunir des spectateurs favorables à
sa pièce ou même payés pour l’applaudir. Cette peinture satirique présente le succès ou l’échec
des représentations théâtrales comme des phénomènes arrangés, par exemple lors des réunions
au café, et des luttes d’influence entre différentes factions, dont celle des ennemis de la pièce,
appelée cabale. Beaumarchais affirme donc de façon provocatrice et polémique par la bouche de
Figaro que la réussite d’une pièce ne tient pas au talent de l’auteur mais à sa personne sociale, à
ses relations, à ses amis.
Dans sa troisième tirade, Figaro critique les habitants de la république des Lettres, surtout
les journalistes. Sous la plume de Beaumarchais, il les désigne par des noms d’animaux
péjoratifs : d’abord les loups, ensuite les insectes, parasites qui se nourissent du sang des auteurs.
Les principaux procédés utilisés dans la satire de la troisième tirade sont une figure de pensée, la
métaphore et une figure de construction, l’énumération. L’efficacité critique de ces métaphores
est d’ autant plus grande que Figaro se livre à une énumération de neuf substantifs composée d’
une première série de termes métaphoriques (l’hyperonyme « les insectes » suivi des hyponymes
« les moustiques, les cousins »), et de leurs référents (« les critiques » puis « les envieux, les
feuillistes, les censeurs »), le terme de « maringouins » faisant la transition entre les deux séries,
puisqu’ il s’ agit du nom de moustiques des marais tropicaux mais aussi d’ un jeu de mots sur le
nom de Marin, protagoniste de l’ affaire Goezmann. Dans la deuxième partie de sa dernière
tirade, Figaro fait le récit de sa vie depuis son départ de Madrid. Ce récit est aussi l’exposé de sa
philosophie. Celle – ci est née d’une aversion pour la société, en particularité celle des Lettres
(« dégoûté des autres »). Figaro prône la supériorité du travail d’artisan sur le désir de gloire en
opposant « l’utile revenu du rasoir » aux « vains honneurs de la plume ». La philosophie qu’il
adopte pendant ses voyages peut être comparée à une forme de stoïcisme : quel que soit ce qu’il
lui arrive, il reste « supérieur aux événements », il « supporte » les malheurs et profite du
bonheur, synonyme de bonne humeur . Il choisit le rire et la gaieté face à l’adversité. Cette
philosophie est explicitée par l’adverbe « philosophiquement », par la question du Comte à la
suite de la tirade de Figaro (« Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ? » –I, 2) et,
précédemment, par l’expression de « joyeuse colère » employée par le Comte. Elle est résumée
par une célèbre phrase devenue proverbe : « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé

28 Éloise Lièvre-Molkhou , Le Barbier de Séville, Beaumarchais, Livret pédagogique , Hachette Éducation, Paris,
2003, p.14.

25 d’en pleurer ». La comédie apparaît alors comme un antidote au malheur. Les spectateurs sont
invités à profiter de cette occasion de rire et de se divertir. Figaro ne s’exprime pas comme on le
fait habituellement dans une simple conversation. Ses répliques ne portent pas beaucoup de
marques d’oralité, elles sont au contraire très écrites. Cette caractéristique participe au dispositif
dramaturgique du théâtre dans le théâtre car, en prenant la parole, Figaro entre en quelque sorte
en représentation. Pour dire les choses encore plus clairement, il « fait son numéro ». De fait,
l’ancien valet n’est pas seulement barbier, garçon apothicaire, poète, auteur dramatique, satiriste,
il est aussi meneur d’une intrigue à laquelle il participe, c’est-à-dire metteur en scène et acteur.
Le style de la gaieté chez Figaro utilise d’ abord l’ironie et en particulier l’antiphrase,
mais aussi une ironie plus subtile reposant sur l’emphase (dans ses déclarations d’allégeance et
d’obligation au Comte, qu’il continue à appeler Monseigneur après que celui-ci lui a demandé de
cesser). On trouve ensuite des jeux de mots (« médecines de cheval », « au tragique »,
« maringouins », « faisant la barbe à tout le monde »), des métaphores (les « Puissances »), des
périphrases (« l’amour des lettres », « léger d’argent »). On peut aussi remarquer la pratique
d’une esthétique du contraste, entre des formules respectueuses et une certaine insolence, entre
du vocabulaire concret et du vocabulaire abstrait. Dans sa dernière tirade, on rencontre des
antithèses (« de moi »/ « des autres » ; « utile »/ « vains », « accueilli »/ « emprisonné »), des
rythmes ternaires et surtout binaires auxquels celles-ci participent, puis un contraste, entre
l’accumulation des groupes construits sur le principe de la symétrie et les parataxes et hypotaxes
de la dernière phrase29.
L’acte II comprend 16 scènes. Il est bien d’ observer que l’ on parle de nouvelle ,,scène’’
chaque fois qu’ un personnage entre ou sort, et c’ est pourquoi on peut conclure que l’ acte II,
comme le reste de la pièce, est sous le signe du mouvement, avec des allées et venues d’ autant
plus fréquentes que le nombre de personnages est restreint. Beaumarchais observe généralement
la règle de la liaison des scènes : jamais le plateau ne reste vide ; à chaque fois demeure un
personnage qui relie la scène qui se termine à celle qui commence. C’est la fonction, notamment,
des cinq scènes de monologue qui ponctuent le deuxième acte (1, 3, 5, 9, 16). Elles sont toutes
très courtes, jamais plus d’une dizaine de lignes, parfois beaucoup moins. Leur rôle est de nous
renseigner non pas tant sur les états d’âme des personnages (des monologues psychologiques
ralentiraient trop le rythme de l’action) que sur leurs projets, leurs intentions. Car, dans la plupart
des autres scènes de cet acte, les personnages jouent un rôle, ils doivent dissimuler : Rosine
devant Bartholo, et aussi Bartholo devant Rosine (il se garde bien de lui dire qu’il compte
l’épouser le lendemain).

29 Ibidem, p. 16.

26 Les personnages les plus présents à l’acte II sont Rosine et Bartholo, que l’on voit
pendant dix scènes chacun. Cet acte peut être décrit comme celui de leur confrontation, car trois
scènes, parmi les plus longues, les montrent face à face (4, 11, 15).L’intérêt dramatique de ces
trois scènes repose sur la répétition d’une situation identique : la pression qu’exerce sur Rosine le
vieillard, qui cherche à la prendre en faute. Il se montre menaçant (« Je vais faire sceller cette
grille ».II, 4 ; « Un bon double tour me répondra de vous » II, 11.) Il est offensant pour Rosine,
quand il la soupçonne de s’intéresser à Figaro (II, 4), inquisiteur avec ses questions répétées :
« Vous ne répondez pas à ma question sur ce barbier ».Toutes les intuitions de Bartholo sont
exactes, même s’il n’a pas les moyens de les prouver. La menace est rendue sensible par la forme
affirmative de ses hypothèses : « Cela est. Vous avez écrit » (II, 11); «N’est-tu pas curieuse de
lire avec moi le papier qu’il t’a remis ? » (II, 15) Des apartés de Rosine sont chargés de souligner
la redoutable perspicacité du docteur : « Il n’en a pas manqué une seule » ; « Maudit homme » ;
« Cet homme a un instinct de jalousie ». (II, 11) Cela fait que Rosine, loin de pouvoir faire
avancer ses amours, est toujours sur la défensive. Elle doit trouver des explications mensongères
pour des faits très exacts. Les deux personnages sont alors utilisés à contre-emploi : c’est le
vieillard odieux qui se fait une arme de la vérité, tandis que l’« ingénue » recourt à la ruse et au
mensonge.
En ce qui concerne la manière de s’adresser à Rosine, en règle générale il la vouvoie,
mais parfois il utilise le tutoiement ; l’exemple le plus significative se trouve dans la scène 15 de
l’acte II. La scène est construite sur des renversements de situation traduits par l’alternance de
ces deux pronoms. Tout se réalise autour de la lettre du Comte, détenue par Rosine et dont le
docteur cherche à s’emparer. Comme souvent dans la pièce, Beaumarchais rend le conflit des
personnages très concret et très scénique, en le concentrant autour de la possession matérielle
d’un objet. La valeur comique de la scène consiste dans la variété des tactiques mises en œuvre
par chaque personnage pour se rendre ou rester maître de cette feuille de papier que ni l’un ni
l’autre n’a encore lue.
Lorsqu’on observe le système des pronoms et des appellatifs à l’œuvre dans cette scène,
il faut distinguer trois moments. Dans un premier temps, Bartholo tutoie Rosine et lui donne de
petits noms affectueux : « m’amour’, « mon cœur ». Ensuite, il passe au vouvoiement et ne
l’appelle plus que « Madame », puis « Rosine ». Enfin, il revient à des termes d’adresse
affectueux : « mon enfant », « Ma chère Rosine », « mignonne ».Ces noms et pronoms
participent au ridicule du personnage dans la mesure où ils sont inadéquats : Bartholo est un vieil
homme que l’amour pour une fraîche adolescente qui ne l’aime pas rend risible, voire un peu
pitoyable. Le plus significative de ces noms est l’expression « mon enfant », qu’on peut
considérer ici comme une sorte de syllepse : au sens figuré, il exprime simplement l’affection ;

27 mais il peut être entendu au sens propre, car Rosine a bien l’âge d’être l’enfant de Bartholo et
non sa femme.
Au début de la scène, juste après le départ du Comte, Rosine exprime ses impressions à
son égard, soit qu’elle ne puisse retenir son enthousiasme, soit qu’elle veuille se jouer de
Bartholo. Quoi qu’il en soit, on sent dans l’éloge que contient sa première réplique (« ce jeune
soldat », avec l’adjectif démonstratif laudatif ; « esprit » ; « éducation ») des accents de jeune
fille amoureuse. À la fin de la scène, quand Bartholo est sorti, c’est un monologue qui lui permet
d’exprimer ses sentiments. On observe la teneur affective de son discours dans les interjections
« Ah ! », la modalité exclamative, les points de suspension, le passé composé qui traduit le
regard rétrospectif de Rosine sur ce qui vient de se passer, et enfin le vocabulaire affectif
(« chagrin », « senti », « rougissais »).
La satire de la médecine apparaît dans le passage où Rosine feint d’être évanouie et elle
est très étroitement liée à la dissimulation que pratiquent les deux personnages. En effet, non
seulement Bartholo est incapable de se rendre compte médicalement que Rosine joue la
comédie( ce qui est une façon de se moquer de ses capacités de diagnostic), mais, en plus, il
« soigne » la « malade » mécaniquement, occupé qu’ il est à lire la fameuse lettre, en récitant des
formules toutes faites qui sembles vides de sens et sont surtout déconnectées de la situation :
« L’usage des odeurs…produit ces affections spasmodiques ». La satire porte donc à la fois sur
le docteur et sur le pédant.
Comme le montre la distribution des termes du champ lexical du mensonge, Rosine n’est
pas la seule personne déterminée de mentir. Bartholo pratique lui aussi la dissimulation dans
cette scène. Mais son mensonge ne lui sert à rien, il se retourne même contre lui. On peut ainsi
dire que Bartholo est « un trompeur trompé »30 puisqu’ il ne sait pas qu’elle a remplacé le billet
compromettant par une missive inoffensive. Tout au long de la pièce, Beaumarchais fera de
Bartholo le responsable de son propre malheur. Il utilise une forme particulière du langage
théâtral, l’aparté : réplique régie par une convention en vertu de laquelle un propos, bien qu’il
soit dit à haute voix, est la représentation de la pensée muette d’un personnage, que les autres
personnages ne sont donc pas censés entendre. Il y a, dans la scène 15, sept apartés également
répartis entre les deux personnages (quatre pour Bartholo, trois pour Rosine). Ils permettent aux
spectateurs de prendre connaissance de la stratégie adoptée par chacun, puis de la mise en œuvre
des plans : cet aparté est un peu particulier car Bartholo n’entend pas les propos de Rosine non
par convention, mais parce qu’il s’est éloigné pour aller fermer la porte, et enfin du résultat de
l’opération.

30 Éloise Lièvre-Molkhou , Le Barbier…, op. cit., p. 26.

28 Beaumarchais joue avec ses spectateurs ou lecteurs en mettant dans la bouche de
Bartholo une réplique qui fait allusion non à l’histoire représentée, mais à son art dramatique et
aux critiques qu’il a pu essuyer. À l’aide de la réplique « Nous ne sommes pas ici en France, où
l’on donne toujours raison aux femmes », Beaumarchais utilise une forme d’ironie : l’énoncé
laisse entendre clairement son contraire en le soulignant, à savoir que l’on est en France et que
c’est de la France que le dramaturge se moque31. Ce clin d’œil sur l’écriture de la pièce rompt un
instant l’illusion théâtrale. Dans la dernière réplique du monologue de Rosine, Beaumarchais
brise à nouveau l’illusion en compliquant l’intrigue de façon superflue. Il défait tout ce que la
scène vient de construire. Alors que Rosine a lutté pour éviter le drame, la lettre du Comte lui
« recommande de tenir une querelle ouverte avec son tuteur ». Par cette phrase, Beaumarchais
invite ses spectateurs et lecteurs à jeter un œil sur la fabrique de la comédie dans l’atelier du
dramaturge. Rosine a raison dans sa révolte ; ses revendications et les arguments qu’elle emploie
pour dénoncer la tyrannie de son tuteur sont parfaitement légitimes et justes. Comme dans un
véritable plaidoyer, elle commence par rappeler les faits contre lesquels elle s’insurge, en
évoquant la lettre de son cousin que Bartholo lui a remise « toute décachetée ». Dans ses
répliques, Rosine fait entendre une critique du mariage qui fait de la femme un être irresponsable
sous la tutelle de son mari. C’est toute la condition féminine de l’Ancien Régime que dénonce ici
Rosine dans sa ruse. La scène est composée de cinq mouvements que l’on peut clairement
identifier à l’aide des variations de types de répliques. En effet, ce sont les apartés de Rosine,
ainsi que les déplacements de Bartholo qui rythment la scène et qui permettent le passage d’un
mouvement à l’autre. La progression des scènes peut être présentée ainsi : Rosine joue les
naïves, Rosine se révolte (jusqu’ au déplacement de Bartholo), la fausse évanouie et le trompeur
trompé, Bartholo culpabilise (jusqu’ à la sortie de Bartholo), le monologue de Rosine.
Les didascalies, conformément à la théorisation du drame par Diderot, sont bien plus
nombreuses que dans la dramaturgie classique, plus longues et précises. Elles contiennent des
informations diverses : certaines, traditionnelles, portent sur les déplacements des personnages,
d’autres sur leurs gestes et leurs positions32. La plupart sont indispensables à la construction de la
scène : l’action passe par elles. Beaumarchais va jusqu’ à noter les regards de ses personnages,
étant ainsi plus un metteur en scène et directeur d’acteurs que l’auteur. Les didascalies sont très
développées, très précises, très écrites, comme si parfois le texte théâtral tendait vers le genre
romanesque ou que le dramaturge ne supportait pas d’être tenu à l’ écart de l’énonciation. Ces
didascalies participent au comique de la scène : les gestes qu’elles rapportent sont comiques
(Bartholo prenant le pouls de Rosine tout en lisant ; Rosine l’observant en cachette) et elles sont

31 Ibidem. p. 26
32 Ibidem, p. 28.

29 répétitives. Les objets qui interviennent ici sont, par ordre d’apparition sur scène, la « pochette »,
la porte, les lettres, le fauteuil, le flacon. De tous ces objets, ce sont les lettres, ou génériquement
la lettre, les plus importantes. L’objet lettre a un rôle récurrent et capital dans l’intrigue où il
intervient sous des formes diverses : des papiers, des billets qui servent au Comte et à Rosine
pour communiquer (acte I, scène3 ; acte II, scènes 2, 14 et 15), qui font avancer l’intrigue (acte
III, scène 2) et qui provoquent la péripétie fondamentale de la scène 3 de l’acte IV. Et c’est aussi
un écrit, « papier » ou « parchemin » que le Comte déguisé en soldat ivre produit à Bartholo
(scène 14).
Dans le théâtre classique, le passage d’un acte à l’autre suppose une rupture plus ou
moins longue de la continuité du temps et de l’action. Entre l’acte II et l’acte III, cette rupture est
indiquée tout d’ abord par le changement de personnage : à un monologue de Rosine (II, 16)
succède un monologue de Bartholo. D’ autre part, quelque temps est passé : le Comte qui était
sorti peu avant la fin de l’acte précédent (II, 14), encore déguisé en soldat, réapparaît dès la scène
2 de l’acte III, vêtu maintenant en « bachelier ». Bartholo était naguère optimiste sur les chances
auprès de Rosine : « Je te plairai, je te plairai », s’écriait-il (II, 15). Il réapparaît « seul et désolé »
(III, 1), s’exclamant : « Quelle humeur ! quelle humeur ! ». Le contraste est souligné par l’usage
du même tic de langage, cette tendance à la répétition dont le personnage est parfois affligé, et
dont Beaumarchais tire un effet assez plaisant : « Il ne faut pas me dire deux fois les choses, il ne
faut pas me les dire deux fois » (III, 2). Le changement le plus notable est dans l’humeur de
Rosine, qui « paraissait apaisée » quand le docteur l’avait quittée (II, 15), et qui est de nouveau
en colère. Entre-temps, bien sûr, Rosine a enfin lu la lettre du Comte qui lui recommandait de
« tenir querelle ouverte » avec son tuteur (II, 16).Le changement d’acte indique donc une
distance, mais on pourrait dire aussi qu’il la supprime, qu’il crée, par l’ellipse, un effet
d’accélération33 : le Comte est à peine sorti, le voila qui rentre à nouveau. Rosine semblait juste
calmée de sa colère feinte et la voilà qui rejette à nouveau son tuteur. Le début du nouvel acte
rebondit donc sur la fin du précédent ; il fait repartir sur un rythme encore plus vif les surprises,
les péripéties, les renversements de situation qui marquaient déjà l’acte II.
Dans l’acte III, à l’aide de la scène 4, Beaumarchais nous montre que la musique peut
être l’instrument de la fête, de la gaieté. La musique y est utilisée pour soutenir le rythme et
l’esprit des répliques du dramaturge. Le sous-titre de la pièce, La Précaution inutile , a déjà
apparu dans la scène 3 du premier acte. Rosine explique à Bartholo que le papier qu’elle tient
représente les paroles d’une chanson d’une « comédie nouvelle ». Mais, c’est un mensonge : le

33 Dominique Morineau, Le Barbier de Séville/40 questions, 40réponses, 4 études , Ellipses Édition Marketing S.A.,
Paris, 1999, p.28.

30 papier est un billet adressé au Comte, qu’elle fait passer pour une chanson afin de pouvoir la
lâcher impunément dans la rue, d’envoyer Bartholo la récupérer et inviter, dans l’intervalle, le
Comte à ramasser la feuille. C’est donc La Précaution inutile qui permet une première fois aux
deux amants de communiquer. Dans la scène 4 de l’acte III, c’est ce même chant qu’Alonzo
propose à Rosine d’essayer. Cette fois, ce n’est plus par l’intermédiaire matériel du papier que
les amoureux communiquent mais par celui des paroles et de la musique. Ce sous-titre illustre
parfaitement la situation de la scène et de toute la pièce, puisque Bartholo y est trompé malgré
toutes les dispositions qu’il prend pour surveiller Rosine. Il tient à écouter le chant, mais, même
s’il ne s’était pas endormi, Rosine et le Comte auraient trompé sa vigilance en s’exprimant et en
communiquant à travers la chanson. Non seulement les précautions que prend Bartholo sont
inutiles mais elles sont également nuisibles. C’est Bartholo qui insiste d’ abord pour que Rosine
prenne sa leçon avec Alonzo ; il est donc en quelque sorte responsable de ce qui lui arrive,
artisan de ses propres malheurs. Loin de le protéger, ses précautions se retournent contre lui.
On identifie dans la scène 4 au moins quatre péripéties, ce qui est beaucoup dans une
scène relativement courte, si l’on tient compte de la présence d’une assez longue partie chantée.
Au début, Rosine refuse de prendre sa leçon de musique, suivant les directives de son amant de
« tenir une querelle ouverte » avec son tuteur. Puis elle se rend compte que le nouveau maître de
musique n’est autre que Lindor : c’est la première péripétie, qui la fait changer d’avis. Parce
qu’elle a caché sa surprise en faisant croire à une foulure, Bartholo décide qu’il n’y aura pas de
leçon : nouveau retournement de situation, nouvelle péripétie. Mais le Comte persuade le tuteur
de ne pas contrarier sa pupille : la leçon aura donc lieu. Enfin, pendant le chant,
l’endormissement de Bartholo permet aux amoureux d’esquisser un geste de tendresse,
qu’interrompt le réveil soudain du vieillard, le schéma pouvant, selon la didascalie, se renouveler
plusieurs fois : ce sont autant de mini – péripéties. On observe que, dans la première partie de la
scène, ces revirements de situation sont très rapprochés : par ce rythme soutenu, Beaumarchais
joue avec l’attente, voire la tension, des spectateurs et produit un comique particulier.
Les péripéties de la deuxième partie de la scène sont signalées par la didascalie et fondées
sur des jeux de scène, des gestes des comédiens. Celles de la première partie utilisent aussi la
modalité exclamative exprimant la surprise ou la prière, ainsi que le champ lexical de
l’opposition (« non », « j’ai eu tort », « m’empêchez », « Ne la contrariez pas » etc.). Chaque
péripétie est signalée par le trouble de Rosine. Le Comte vient donner un coup de main à Rosine
grâce à une interrogation dite « totale ». En effet, à la question « Le pied vous a tourné ,
madame ? », Rosine ne peut répondre que par oui ou par non. Cela n’aurait pas été le cas s’il
avait utilisé une interrogation « partielle » et demandé, comme Bartholo : « Qu’avez-vous ? » Le
Comte suggère par là une réponse à Rosine, et ce d’autant plus qu’il n’utilise pas la forme

31 inversée (« Le pied vous a-t-il tourné ? ») caractéristique de la modalité interrogative, mais la
forme de l’assertion. On peut considérer que le Comte souffle une réplique à Rosine. Ainsi, tout
se passe comme si, pour un instant, il devenait l’auteur de la pièce, inventant pour les
personnages les paroles qu’ils doivent prononcer. Le moyen dramaturgique d’expression du
double jeu est l’aparté, mais un aparté particulier. Celui-ci n’a pas pour but de cacher à Rosine ce
qu’il dit à Bartholo, puisque Rosine sait très bien qu’il sert ses intérêts, mais de faire croire à
Bartholo qu’il est de son côté contre Rosine. Les apartés de cette scène sont en fait des masques,
ils font partie du déguisement et de la feinte. Le spectateur-leur destinataire implicite- ne leur
donne pas le même sens que Bartholo- destinataire apparent.
Dans la scène 4, Bartholo est ridiculisé. La tyrannie qu’il exerce sur Rosine est dénoncée,
mais il éveille aussi attendrissement et pitié. La tyrannie qu’il exerce sur Rosine est dénoncée,
mais il éveille aussi attendrissement et pitié. Il s’inquiète au moment où il croit que Rosine s’est
blessée, il va lui chercher un fauteuil, il ne veut pas qu’elle fasse d’effort. Son attitude reste
ambiguë, mais on peut croire qu’il est de bonne foi lorsqu’il veut la ménager ou assister à la
leçon. Ensuite, le fait qu’il s’endorme le fait apparaître comme un simple vieillard inoffensif,
peut-être un vieil homme qui court une dernière fois après sa jeunesse. Deux répliques peuvent
relever de ce qu’on appelle, dans le cadre de la tragédie, « l’ironie tragique » et qui concerne des
répliques par lesquelles un personnage fait allusion sans le savoir aux malheurs qui vont s’abattre
sur lui. Ainsi, lorsque Bartholo dit de la musique : « Je t’assure que ce soir elle m’enchantera »,
les spectateurs ne l’entendent pas de la même manière que lui. Pour eux, il s’agit d’une
antiphrase : la musique ne l’enchantera pas, elle sera l’instrument de la ruse dont il sera la
victime. De la même façon, la réponse « Parbleu ! » , si affirmative, à la question équivoque du
Comte est pour les spectateurs antiphrastique.34
La didascalie de la fin de l’ariette a pour particularité d’être très longue et très narrative.
Elle décrit ce qui se passe pendant le chant, à la fois sur la scène et du côté des musiciens, ou
plus précisément elle raconte au présent de narration, mais avec deux allusions au passé
immédiat de la scène-au passé composé et au plus-que-parfait (« s’est assoupi » et « avait
endormi » ).Cette didascalie ne se tient pas au style des indications scéniques, la plupart du temps
matérielles et laconiques. Ici, Beaumarchais affine sa peinture en utilisant un modalisateur et un
article indéfini subtils : le Comte « se hasarde à prendre une main »35 et non « prend la main de
Rosine ». Il ne se contente pas d’indiquer aux comédiens des mimiques pouvant exprimer les
sentiments des personnages, il essaie de faire sentir leur évolution. Ces notations très précises

34 Éloise Lièvre-Molkhou , Le Barbier… , op. cit., p. 37.
35 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-Vie, Collection Classiques
Larousse, 1934, p. 69.

32 peuvent ainsi faire penser aux romans du XVIIIe siècle, qui ont fait pour la première fois de la
sensibilité une valeur littéraire.
Dans le premier couplet, on reconnaît une assonance en [ᾶ], voyelle nasalisée, ainsi que
les sons vocaliques ouverts dans « plaine », « ramène », « être », « pénètre », « feu », « fleurs »
et « cœurs », qui symbolisent l’ ouverture de ces derniers. Le deuxième couplet est dominé par
des allitérations en sifflantes et chuintantes (« bergère », « chantant », « son », « ruse »,
« abuse », « chanter », « danger », etc.) qui expriment la ruse et la dissimulation.36
La scène 11 de l’acte III est l’une des plus admirées de la pièce, elle est nommé aussi la
« scène de stupéfaction de Bazile ». Beaumarchais, avec une remarquable virtuosité, y invente
une situation dramatique inédite : tous les personnages, en effet, même ceux qui sont des
adversaires, s’unissent contre un seul, Bazile, mais avec des motivations différentes pour chacun.
Les didascalies présentent une double gradation ascendante, dans l’étonnement (« étonné »,
« plus étonné », « stupéfait », « effaré », « au dernier étonnement ») et dans la colère
(« impatienté », « en colère »).Le personnage rejeté est à la fois accablé sous le nombre et
abasourdi de voir ligués contre lui des ennemis aussi déclarés que Bartholo et Figaro. À l’entrée
de Bazile, Rosine et Figaro sont épouvantés et très contrariés car cette arrivée met en péril leur
plan. En effet, si Bazile parle et dit qu’il ne connaît pas Alonzo, Bartholo découvrira l’imposture.
Les réactions de ces personnages sont marquées dans le texte, au début de la scène, par trois
répliques très courtes, de trois syllabes chacune, caractérisées par la modalité exclamative. Les
deux premières sont constituées de phrases nominales (le nom de Bazile et un juron) et la
dernière d’une proposition minimale. Le terme qu’elle contient et qui désigne Bazile, le
« Diable », hyperbolique, exprime aussi le désagrément des protagonistes et la critique de
l’Église.
Figaro essaie d’ abord de détourner l’attention en se plaignant de ce que l’arrivée de
Bazile va encore reporter la taille de la barbe de Bartholo. C’est ce qu’exprime sa deuxième
réplique : « toujours des accrocs », c’est-à-dire des obstacles, et « deux heures pour une
méchante barbe ». Il se sert donc du même prétexte que dans les scènes précédentes pour
masquer les véritables intentions des trois complices. Mais, dans cette réplique, Figaro joint aussi
le geste à la parole. Pour signifier son impatience et pour couvrir la voix de Bazile qui répète sur
un ton interrogatif le nom du seigneur Alonzo, Figaro « frappe du pied. » Cette didascalie inscrit
la réplique de Figaro dans le répertoire du comique de gestes. Un énoncé contient plusieurs sens
ou valeurs. Il a d’abord le sens qu’exprime son contenu, indépendamment de la situation
d’énonciation, puis ceux que ce même contenu revêt dans une situation précise. La « valeur
illocutoire » d’un énoncé est l’acte de parole (déclaration, promesse, interrogation, interdiction,

36 Éloise Lièvre-Molkhou, op.cit., p.38

33 ordre, etc.) réalisé par tout énoncé. On appelle « valeur perlocutoire » d’un énoncé l’effet concret
que son énonciation produit dans une situation donnée. Les énoncés des répliques des
interlocuteurs de Bazile ont tous pour but de faire taire celui-ci. La plupart ont donc une valeur
illocutoire d’ordre. Mais tous ont pour effet d’empêcher Bazile de parler ou d’être entendu, ils
couvrent sa voix et ses propos : c’est leur valeur perlocutoire.37
L’entrée importune de Bazile est en parfait accord avec son caractère et son rôle
dramaturgique. Il n’est pas loin d’être le Diable personnifié, puisqu’ il relève du type du
« traître », vénal et corruptible. C’est à lui que l’on doit dans la pièce le célèbre éloge de la
calomnie de la scène 8 de l’acte II : « Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs,
pas de conte absurde, qu’ on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien
[…]. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le
diable […]. Qui diable y résisterait ? » Le terme dont se sert Figaro pour désigner l’importun fait
donc écho à cette célèbre tirade. Son entrée s’accorde également à son rôle dramaturgique dans
la mesure où il est l’adjuvant de Bartholo et l’opposant au projet du Comte. Mais le caractère
vénal du personnage de Bazile inverse ce schéma à l’échelle de la pièce comme à l’échelle de
cette scène : finalement Bazile devient l’instrument de la duperie du barbon.
La stupéfaction de Bazile est exprimée par l’utilisation des modalités interrogative et
exclamative portant sur des reprises de l’énoncé précédent, les points de suspension, et surtout
les didascalies qui explicitent l’étonnement. On remarque une progression marquée par ces
didascalies. L’étonnement de Bazile est d’ abord simple (« étonné »), puis exprimé au comparatif
(« plus étonné »), puis relayé par une stupéfaction de plus en plus grande (« stupéfait »,
« effaré »).Celle-ci se change alors en colère croissante (« impatienté », « en colère ») avant de
redevenir étonnement extrême, cette fois exprimé à l’ aide d’ un superlatif (« au dernier
étonnement »).Ces didascalies suggèrent des jeux de scène, des mimiques de la part du
comédien. Sa stupéfaction relève en cela autant du comique de gestes que du comique de
situation. La réplique de Bazile qui donne la clé de la scène est : « Qui diable est-ce qu’on
trompe ici ? Tout le monde est dans le secret ! ». Bazile a repéré l’anomalie qui réside dans le
fait que tous les autres personnages parlent bas et l’exhortent à se taire et qu’il n’en reste plus un
seul susceptible de ne pas devoir entendre ce que disent les autres. Cette réplique attire donc
notre attention sur le fait que l’enjeu de la scène est moins le quiproquo que la ruse à laquelle
Bartholo participe à son insu et dont il est la victime sans le savoir. Bartholo croit tromper
Rosine et Figaro en préparant son mariage avec l’aide d’Alonzo. C’ est pourquoi il parle bas et
demande à Bazile de ne pas nier qu’Alonzo est son élève et de ne pas s’expliquer sur l’homme

37 Éloise Lièvre-Molkhou, op.cit., p.45.

34 de loi. Il veut éviter de mettre Rosine au courant. En faisant cela, il ne fait que jouer le jeu de ses
ennemis : en empêchant Bazile de parler, il ne lui permet pas de révéler l’imposture du Comte.
Les deux clans – Bartholo d’un côté, le Comte, Figaro et Rosine de l’autre – ont le même but
(que Bazile ne parle pas), mais pour des raisons radicalement différentes et qui en réalité les
opposent. Beaumarchais souligne la méprise de Bartholo en lui faisant répéter ce que disent les
autres personnages qui sont en fait ses ennemis, en lui faisant faire bloc avec eux, parler d’ une
seul voix avec eux.
Dans cette scène comme dans la scène 4 de l’acte III, le Comte joue en quelque sorte un
double jeu. Il doit empêcher Bazile de le trahir, mais il doit aussi faire en sorte que Bartholo ne
s’aperçoive de rien. Il fait donc semblant d’aider Bartholo en le conseillant. Il lui souffle ce qu’il
doit dire et en cela le manipule. Le Comte se transforme ici en souffleur de théâtre, chargé de
rappeler leur texte aux comédiens qui l’ont oublié. Cette scène peur apparaître comme une
nouvelle satire de la médecine, dans la mesure où la situation oblige Bartholo à diagnostiquer
une grippe chez un sujet parfaitement bien-portant. Cette satire est soulignée par le fait qu’il
engage son honneur : « D’honneur, il sent la fièvre d’une lieue ». Le docteur se moque sans le
savoir de sa propre activité, il est sa propre victime. Le rythme soutenu de cette scène est produit
par la brièveté des répliques. Certaines sont laconiques et l’effet est renforcé par la modalité
exclamative qui domine le dialogue. Les enchaînements des répliques sont aussi responsables du
rythme trépidant38. Pour empêcher Bazile de parler, les autres personnages l’interrompent et
c’est souvent un rebondissement sur le dernier mot de la réplique qui permet de passer à la
suivante. Il n’y a donc aucune suspension, aucun silence entre les répliques. Cette hâte est
justifiée par la situation : Bazile étant gênant, les autres personnages essaient de s’en débarrasser.
À l’ origine de l’enchaînement mot à mot des répliques se trouve l’incompréhension de Bazile.
Ce procédé produit un comique verbal particulier : le comique de répétition. On trouve dans le
texte un système de répétition en écho de formules identiques, prononcées par tous les
personnages. Par un effet d’accélération, ces échos se resserrent au fur et à mesure que la scène
progresse. Dans un premier temps, des mots comme « élève » ou « se taire » reviennent à
quelques répliques de distance. On trouve ensuite une série de six répliques qui s’achèvent par
l’expression « homme de loi ». Un effet comique supplémentaire vient de ce que Bazile participe
lui-même à ces répétitions en série. Cinq fois revient alors la formule « Allez vous coucher »,
reprise ensuite par Bazile : « Que j’aille me coucher ! ». Une nouvelle accélération du rythme est
apportée par le « Eh !sans doute. » que tous lancent simultanément. De même, à la fin, le
« Bonsoir ! » de Rosine est repris par tous en chœur, puis par le seul Bazile. Outre sa portée
comique, la répétition a une dimension musicale, comme si chaque voix d’un orchestre reprenait

38 Ibidem, p. 47.

35 tour à tour une même mélodie. À la répétition, Beaumarchais associe la variation : chacun a sa
façon particulière d’inviter Bazile au silence, ou de lui suggérer qu’il doit être bien malade :
« Vous n’êtes pas bien » (le Comte) ; « Il a la physionomie toute renversée » (Figaro) ;
« D’honneur, il sent la fièvre d’une lieue » (Bartholo).
On observe que cette scène est composée de séries de répliques caractérisées par le fait
que tous les personnages prennent la parole l’un après l’autre. On relève, comme exemple, les
séries suivantes :
-Rosine, Bazile, le Comte, Bartholo ;
-Bazile, Bartholo, le Comte, Rosine, Figaro ;
-le Comte, Figaro, Bartholo, Rosine, Bazile, puis tous ;
– Bazile, Bartholo, le Comte, Figaro, Rosine.
C’est dans la deuxième partie de la scène que cette répartition est la plus systématique.
Elle détermine l’organisation et la progression de la scène, qui comprend deux parties, la
seconde étant composée de deux séries de prises de parole. Dans la première, on observe des
microstructures faisant alterner des séries de prises de parole successives de tous les personnages
et des moments de « dialogue » entre Bazile et Figaro., Bazile et Bartholo, le Comte et Bartholo.
À la fin de la scène, tous les personnages s’adressent à Bazile en même temps, dans les deux
répliques les personnages donnant l’impression de chanter, comme dans un chœur, à l’unisson.
Cette particularité fait ressortir le caractère arbitraire du langage dramatique.
À la fin de l’acte III intervient un effet de bruitage, représenté par l’orage : « On entend
un bruit d’orage. »39 Ce bruit est redoublé par l’orchestre qui joue une musique appropriée. Cet
orage qui gronde assure la liaison entre l’acte III et l’acte IV. Le mauvais temps est mentionné à
plusieures reprises ; Bazile dit : « Il pleut, il fait un temps du diable « (IV, 1), et Figaro dit
« Nous voici enfin arrivés, malgré la pluie, la foudre et les éclairs » (IV, 5). Cela contribue à
dramatiser le dénouement, à donner un caractère mystérieux à l’intrusion nocturne du Comte et
de Figaro. Mais l’orage est aussi métaphorique. Il vient souligner de façon expressive la tension
qui s’accroît brusquement entre les personnages, et les éclats qui se produisent entre eux. En
effet, la sortie de Bazile (III, 11) n’apaise pas l’atmosphère d’extravagance, de délire, qu’avait
suscité son apparition. Beaumarchais place à la scène 12 une série de brefs retournements de
situation, qui, à l’issue d’une véritable partie de cache-cache entre Bartholo et les deux
amoureux, amènent le docteur à surprendre les deux jeunes gens. À ce moment précis cesse le
jeu de la dissimulation, qui durait depuis deux actes. Le premier masque du Comte tombe, celui
d’« Alonzo » et reste le deuxième, celui qui cache Almaviva sous l’apparence de Lindor. Tombe
aussi le masque de Rosine, qui, pour la première fois, affronte ouvertement Bartholo, avec toute

39 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-Vie, 1934 p.80.

36 l’énergie de la révolte : « Sa femme ! Moi! Passer mes jours auprès d’un vieux jaloux, qui, pour
tout bonheur, offre à ma jeunesse un esclavage abominable. » (III, 12). On retrouve les
oppositions jeunesse/vieillesse, bonheur/esclavage qui structurent l’univers de la jeune femme.
Pour la première fois, elle parle « tout haut »: « Je donnerai mon cœur et ma main à celui qui
pourra m’arracher de cette horrible prison, où ma personne et mon bien sont retenus contre toute
justice. » (III, 12). Dans cette déclaration solennelle en prose rythmée (9/9/7/7/10), elle hausse le
ton : elle sort du registre de la comédie pour adopter les codes du roman chevaleresque : le cœur
de la belle prisonnière devient la récompense du héros qui saura la délivrer40.
L’acte IV commence par la didascalie « Le théâtre est obscur » . Parallèlement à l’effet
sonore de l’orage, cet acte utilise dans sa dramaturgie les éclairages, un effet qui est absent des
textes du théâtre classique. Beaumarchais l’a peut-être emprunté à d’autres formes de spectacle
plus visuelles, comme l’opéra. La marche vers le dénouement est accompagnée par
l’illumination progressive de la scène. L’obscurité initiale commence à être dissipée par la
« lanterne de papier » qu’apporte Bazile (IV, 1). À la scène 3, Bartholo revient en « tenant de la
lumière » . Au début de l’acte, on remarque une alternance de scènes « éclairées » (1, 3) et de
scènes « obscures » (2, 4, 5) qui accompagne les hésitations de l’intrigue. À la scène 6,
cependant, Figaro « allume toutes les bougies qui sont sur la table ». L’éclairage est encore
renforcé dans la scène finale par l’arrivée de « valets avec des flambeaux » (IV, 8) : le
dénouement heureux est désormais acquis.
Un effet analogue est obtenu par l’augmentation progressive du nombre de personnages
présents sur scène : un dans la scène 4, deux dans la scène 5, trois dans la scène 6, cinq dans la
scène 7, sept dans la scène 8, auxquels on ajoute aussi un nombre indéterminé de figurants. Ce
genre de progression est caractéristique de la technique dramaturgique de Beaumarchais : tout en
traitant chaque scène pour elle-même, il se montre soucieux du mouvement général de la pièce,
de la dynamique de l’ensemble41. Les personnages qui apparaissent au début de l’acte IV sont
Bartholo et Bazile. La réunion de ces deux personnages place le début de l’acte sous une sinistre
influence, qui va s’exercer sur Rosine jusqu’ au retournement qui intervient dans la scène 6. Les
explications entre le docteur et l’organiste (IV, 1), rétablissent la communication qui avait été
bloquée par les trois autres personnages à la fin de l’acte précédent (III, 11).Il s’ensuit une série
de révélations qui mettent le Comte et Rosine en péril : « Alonzo » était un émissaire du Comte ;
Figaro est son complice ; c’est sous un faux prétexte que le barbier a retenu le notaire, puisqu’il
n’a pas de nièce à marier. C’est pourquoi les deux hommes se montrent sûrs de leur succès :

40 Dominique Morineau, op.cit., p. 34.
41 Ibidem, p. 35.

37 « Bartholo-[…] Et vienne qui voudra, hors le notaire et vous, personne n’entrera de la nuit.
Bazile.-Avec ces précautions, vous êtes sûr de votre fait. » Et cette dernière réplique de Bazile
rappelle inévitablement le sous-titre de la pièce : La Précaution inutile .
À l’acte IV, il y a deux moments quand la scène reste vide, sans personnages : entre la
scène 1 et la scène 2, et entre la scène 4 et la scène 5.Ces deux moments coïncident avec l’arrivée
de Rosine et avec sa sortie. Beaumarchais motive ces entrées et sorties de la manière suivante :
Rosine arrive attirée par le bruit fait par Bazile et Bartholo ; elle sort effrayée par l’arrivée de
Figaro et du Comte. Ces deux ruptures ont pour effet d’isoler le groupe des scènes 2 à 4.D’une
façon symétrique, deux monologues de la jeune fille encadrent la scène centrale de la séquence,
où Bartholo assène ses calomnies. Les oppositions entre ces deux courtes scènes permettent de
mesurer les dégâts : Rosine s’inquiétait que son amant ne soit pas arrivé : « Lindor ne vient
point ! » (IV, 2) ; elle en vient à craindre sa venue : « Que faire ?…Il va venir. » (IV, 4). Elle
appréhendait une possible trahison de son amant : « Ah ! Lindor! si vous m’aviez trompée !… »
(IV, 2) ; elle regrette son apparence séduisante : « Figure noble, air doux, une voix si tendre !… »
(IV, 4). Elle fuyait devant son tuteur ; elle s’échappe à l’arrivée du jeune homme. Tout comme
au début de la pièce, revient le thème de l’« infortunée Rosine » (I, 4) : l’adjectif
« malheureuse » est employé trois fois (IV, 4).Mais l’infortune est double, désormais : celle
d’avoir été trahie par Lindor ; celle aussi de n’avoir plus comme perspective que l’odieux
Bartholo : « Son amour me dédommagera !…Malheureuse !… » Entre les deux monologues, la
scène 3 est construite, elle aussi, de façon symétrique : le moment central est le revirement de
Rosine ; aux calomnies de Bartholo répondent les abandons de la jeune fille, qui accepte
d’épouser le docteur et lui révèle que la clef de la jalousie lui a été dérobée. Mais le point le plus
important de cette scène est que les accusations du docteur portent à faux : Bartholo, qui croit
Rosine de connivence avec Almaviva, charge ce dernier, l’accuse de trahison, d’avoir d’autres
maîtresses. Or Rosine n’a jamais entendu parler du Comte et se soucie peu de lui : elle ne connaît
que Lindor. La seule chose qu’elle retienne des calomnies du docteur, c’est que Lindor/Alonzo
n’était qu’en entremetteur : « C’est pour le Comte Almaviva…C’est pour un autre ».Certes, cela
suffit pour qu’elle accepte d’épouser Bartholo. Mais ce subtil décalage, au moment même du
triomphe apparent du docteur, prépare le dénouement : les attaques de Bartholo visent un peu à
côté de la cible, et l’on voit à nouveau les avantages du déguisement : il reste au Comte un
dernier atout en main : en donnant même visage à Lindor et Almaviva, il pourra réduire à néant
les accusations du docteur. On admire la maîtrise avec laquelle Beaumarchais atteint deux
objectifs simultanés : par une symétrie rigoureuse, il donne une forte structure autonome aux
scènes 2 à 4, qui sont parmi les plus dramatiques ; par le léger décalage qu’il installe dans le

38 discours implacable de Bartholo, il les replace dans la continuité de l’intrigue et crée la faille qui
permettra le dénouement.
La scène 6 de l’acte IV contient deux péripéties, ce qui est beaucoup pour une scène
relativement courte. D’abord, le Comte inverse la situation en révélant sa véritable identité à
Rosine. Croyant que Lindor la « vendait « au comte Almaviva, Rosine ne voulait plus le suivre ;
apprenant que Lindor est le Comte, elle tombe dans ses bras. Le geste du Comte, indiqué par la
didascalie (« jetant son large manteau, paraît en habit magnifique »), rapproche cette péripétie du
coup de théâtre. La seconde péripétie est amenée par Figaro : l’échelle que les complices avaient
prévue pour leur fuite a été enlevée. C’est un nouveau renversement de situation : ils sont
prisonniers et du bonheur suprême on passe au danger, non sans quelque prise de distance de la
part de Beaumarchais vis-à-vis de la dramaturgie classique. Ces péripéties déterminent trois
mouvements dans la scène : avant la première péripétie, entre les deux péripéties et après la
seconde.
La première péripétie ou retournement de situation est d’abord signalée par le moyen
dramaturgique de la métamorphose vestimentaire : Lindor était un pauvre bachelier et devient
tout d’un coup un Comte richement vêtu. Dans la réplique du Comte, ce changement est exprimé
par un jeu de pronoms, le Comte passant d’une énonciation à la 3e personne au « je » :
« L’heureux homme que vous voyez à vos pieds n’est point Lindor ; je suis le comte Almaviva. »
Le changement est autant dans le geste et dans l’habit que dans les mots. La seconde péripétie est
marquée par la modalité exclamative traduisant la surprise et l’inquiétude des personnages mais
aussi des spectateurs, et par un jeu de mots sur le participe passé du verbe enlever : c’est
l’échelle qui a été « enlevée », alors que c’était à Rosine d’être la victime (consentante) d’un
enlèvement. Les péripéties de cette scène sont la conséquence d’événements antérieurs. Rosine a
reçu froidement son amant, parce Bartholo lui a montré la lettre qu’elle lui avait écrite en lui
disant qu’il la tenait d’une femme à qui le Comte l’avait sacrifiée (acte IV, scène 3). Bartholo
était en possession de cette lettre, parce que le Comte avait été obligé de la lui laisser pour
gagner sa confiance et assurer son mensonge dans la scène 2 de l’acte III. La retraite des
complices est coupée, parce que, dans la scène 3 de l’acte IV, Rosine a révélé à Bartholo son
prochain rendez-vous avec Lindor.
Dans la scène 6, Figaro allume toutes les bougies, non parce qu’il fait nuit, mais pour
créer l’espace scénique. Beaumarchais ne peut pas déplacer ses personnages, et puisque le
mariage doit avoir lieu sur place, on a besoin de lumière pour créer une atmosphère nuptiale
adéquate. Certaines répliques de cette scène résument l’intégralité ou une partie de l’intrigue.
C’est le cas de la révélation du Comte : « Je suis le comte Almaviva, qui meurt d’amour et vous
cherche en vain depuis six mois », et cette phrase de Rosine qui rappelle la scène 3 de l’acte IV :

39 « J’ai tout avoué, tout trahi ». D’autres répliques racontent par avance le dénouement et la façon
dont Beaumarchais va nous y conduire : « [Bartholo] sait que vous êtes ici et va venir avec main-
forte » (c’est ce qui arrive dans la dernière scène, mais trop tard) ; « vous serez ma femme »
(c’est ce qui arrive dans l’ avant-dernière scène).Il y a dans cette scène des répliques qui
rappellent ce qui s’ est passé ou annoncent ce qui va se passer ; et il y en a d’ autres qui indiquent
ce qui aurait pu se passer. Ces événements qui n’auront pas lieu, mais auxquels les personnages,
le dramaturge et les spectateurs ont pu penser, sont plus graves que les événements actualisés par
la pièce. C’est en cela que l’on peut dire que Beaumarchais inscrit dans cette scène des germes
d’un drame possible, ou plutôt de trois drames possibles42. Les deux premiers sont énoncés au
moment où Rosine ne sait pas encore qui est Lindor. Son histoire aurait pu être celle d’une jeune
fille qui quitte tout pour suivre un bachelier sans argent, ou celle d’une orpheline vendue à un
riche comte par un bachelier sans scrupule. Le dernier drame possible apparaît dans les répliques
de Rosine après la révélation du Comte : « Ah ! Lindor…Ah !monsieur! que je suis coupable!
j’allais me donner cette nuit même à mon tuteur » et « Ne voyez que ma punition! J’aurais passé
ma vie à vous détester. Ah Lindor! le plus affreux supplice n’est-il pas de haïr, quand on sent
qu’on est faite pour aimer ? » 43
Beaumarchais traduit l’évolution des sentiments de Rosine par le changement
d’énonciation, les variations de ton et de style de ses répliques. La didascalie initiale signale « un
ton très composé » , une certaine maîtrise, une froideur qui contrastent avec ses transports, son
langage exclamatif, troublé de la deuxième et troisième partie de la scène. Ces inflexions sont
marquées par le changement des pronoms grâce auxquels Rosine s’adresse au Comte : elle utilise
d’abord la deuxième personne du pluriel de politesse, mettant ainsi de la distance entre lui et elle,
puis exprime sa colère et son dégoût par le « tu » avant de retrouver le « vous », mais cette fois
pour exprimer le plus grand respect. L’analyse des sentiments de Rosine passe par leur simple
expression, verbale et extra-verbale (les larmes), mais aussi par leur commentaire. Dans sa
longue tirade, Rosine revient sur ses sentiments, son « remords » prochain, ses « bontés »
passées, sa « faiblesse ». Mais l’analyse est plus efficace encore dans les maximes qu’énoncent
tour à tour Figaro et la jeune fille : « la douce émotion de la joie n’a jamais de suites fâcheuses »,
« le plus affreux supplice n’est-il pas de haïr, quand on sent qu’on est faite pour aimer ? » On
reconnaît le présent de vérité générale et l’indéfini « on » qui permettent de dépasser l’expression
des sentiments dans leur analyse plus universelle.

42 Éloise Lièvre-Molkhou, op.cit., p.55.
43 Ibidem, p.56.

40 Beaumarchais exprime par l’intermédiaire de Rosine une pensée politique et sociale qui
revendique l’égalité des individus au-delà des distinctions de rang et de la richesse. En utilisant
la métaphore du jeu de hasard (« La naissance, la fortune ! Laissons là les jeux du hasard ».) pour
désigner ces critères de la hiérarchie sociale, Beaumarchais se souvient peut-être de la pièce de
Marivaux Le Jeu de l’amour et du hasard qui dénonce les mêmes réalités. Il exprime ainsi l’idée
que la place d’individu dans la société doit être fondée sur son mérite et non sur ses origines et
ses biens, et annonce les revendications de la Révolution française44.
De nombreux éléments dirigent cette scène vers le drame bourgeois, caractérisé par son
sérieux et sa dimension morale. Rosine, par exemple, laisse tomber des larmes. Elle utilise
également un vocabulaire spécifique au champ lexical de la morale en parlant du caractère
« irrégulier », c’est-à-dire contraire aux règles de la bienséance et de la vertu, de son rendez-vous
avec le Comte, en utilisant l’ adjectif « pures », les termes de « remords », d’« indignité », de
« punition ». Dans sa dernière réplique, Rosine fait preuve d’une grande générosité à l’ égard de
son tuteur. Malgré la tyrannie qu’il lui a imposé, elle renonce à se venger : « Mon cœur est si
plein que la vengeance ne peut y trouver place ».Par ce renoncement, Beaumarchais place sa
comédie sur le chemin du drame. L’absence de punition de Bartholo préserve l’atmosphère de
gaieté de la pièce, mais la générosité de Rosine rappelle les élans de certaines héroïnes tragiques
pardonnant à leur bourreau. La générosité était, par exemple, au XVIIe siècle, un ressort
essentiel de la tragédie cornélienne.

2.3. Les personnages
La pièce compte cinq personnages principaux : le Comte Almaviva, Bartholo, Rosine,
Figaro et Bazile. Pour présenter ses personnages, Beaumarchais utilise le motif des retrouvailles
de deux individus qui ne se sont pas vus depuis longtemps. La présentation se fait alors en deux
phases. Dans les premiers moments, les deux personnages hésitent à se reconnaître et les
interrogations qu’ils formulent chacun en aparté fournissent au spectateur une description
physique sommaire mais efficace de l’autre. On apprend ainsi que le Comte est caractérisé par
un « air altier et noble », tandis que Figaro a une allure « grotesque », c’est-à-dire grossière et qui
peut prêter à rire. Ces renseignements, appelés aussi didascalies internes , donnent non seulement
des indices sur les caractères respectifs des deux personnages mais aussi sur les classes sociales
auxquelles ils appartiennent.45 Les premiers adjectifs connotent l’aristocratie, tandis que le
troisième désigne le valet. Ensuite, on apprend du Comte que Figaro a été « mauvais sujet »,

44 Ibidem, p. 56
45 Ibidem, p. 12.

41 « paresseux » et « dérangé ».Dans un second temps, la présentation repose sur l’interrogatoire
auquel le Comte soumet Figaro pour apprendre ce qu’il est devenu pendant toutes les années où
il l’a perdu de vue. Beaumarchais utilise un procédé bien connu de la dramaturgie classique :
l’inversion significative des rôles. Habituellement, c’est le valet qui questionne le maître sur sa
situation, ici, c’est le contraire. Moins classique encore est le facteur qui préside à la rencontre et
qui est donc le moyen de l’exposition : le hasard. Dans les didascalies initiales, les personnages
de la comédie sont présentés par ordre d’importance décroissante dans l’action : le Comte et
Bartholo, d’ abord, dont la rivalité est ainsi signalé d’emblée comme le conflit majeur de la
pièce ; le Comte est « amant inconnu de Rosine », le second « tuteur de Rosine ».46 Rosine,
précisément, n’est nommée qu’en troisième lieu, ce qui la constitue davantage en objet, en enjeu
du conflit, qu’en sujet de l’action. Viennent ensuite les auxiliaires principaux, Figaro et Bazile.
Les autres personnages ne font que de brèves apparitions. La Jeunesse et L’Éveillé, domestiques
de Bartholo, ne sont que des silhouettes comiques sans rôle effectif dans l’action. Le Notaire et
l’Alcade (« homme de justice ») jouent les simples utilités : ils sont nécessaires pour le
dénouement. Les « alguazils » (agents de police) et valets qui apparaissent en IV, 8 ne sont que
des figurants, chargés, par leur nombre, d’apporter quelque solennité au dénouement. Mais
l’ordre de présentation recoupe aussi à peu près la hiérarchie sociale : chaque personnage, outre
son nom, est doté dans les didascalies d’une identité sociale. Pour les uns, c’est la classe
d’origine : noblesse pour le Comte et Rosine ; mais le premier est « Grand d’ Espagne », c’est-à-
dire de haute noblesse, tandis que la seconde est seulement « d’extraction noble ».Pour les
autres, nous apprenons leur métier. Bartholo, médecin, peut être classé dans la bourgeoisie, par
leurs professions de barbier, d’organiste et maître à chanter, Figaro et Bazile sont plus proches
des classes populaires. Les gens du peuple (La Jeunesse et L’Éveillé) se caractérisent surtout par
leur stupidité. L’importance dramatique des personnages est donc liée à leur rang social.
Les personnages Rosine, Figaro, le Comte, L’Éveillé et La Jeunesse sont habillés « à
l’espagnole ». Leurs costumes sont décrits avec un luxe de détails tout à fait inaccoutumé à
l’époque. Beaumarchais accorde une attention spéciale au costume, ce qui nous montre l’intérêt
qu’il accorde au spectacle, à représentation. Car ces costumes visent l’ effet : par la richesse des
matières et des ornements(« soie », « satin », « ruban », « riche manteau », « boutonnières
frangées d’ argent », « glands qui pendent »), par la mention de la couleur, parfois « tranchante »
(« brun », « noir », « écarlate », « blanc », « bleu »), par l’ampleur des vêtements (« grand
manteau », « large manteau », « grande perruque », « grande ceinture », « grands revers »,
« large ceinture »). La précision de ces didascalies vise surtout à accentuer le caractère espagnol

46 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-Vie, 1934, p.23.

42 de la pièce. De l’Espagne, Beaumarchais ne donne en fait qu’une image conventionnelle, capes,
guitares et chapeaux, conforme aux clichés les plus courants.
Bartholo est un vieux médecin et le tuteur de Rosine. C’est un personnage d’une extrême
jalousie qui cherche à tout contrôler et en particulier les moindres faits et gestes de Rosine. Dès
le premier acte, Figaro dresse un portrait assez péjoratif de ce personnage, d’abord
physiquement : « C’est un beau gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, blasé, qui guette,
et furette, et gronde, et geint tout à la fois. »47 Puis un portrait moral est esquissé, à nouveau par
Figaro: « Brutal, avare, amoureux et jaloux à l’excès de sa pupille, qui le hait à la mort »48 . C’est
le portrait d’un vieux barbon jaloux typique de comédie. Mais Figaro, souhaitant complaire au
Comte Almaviva, paraît peu objectif. Bartholo est bien plus malin que le vieux barbon jaloux des
comédies traditionnelles il parvient plus d’une fois à déjouer les ruses du trio que forment
Rosine, Figaro et le Comte ; il comprend par exemple que le papier qu’a laissé tomber Rosine est
un message, il démasque leur correspondance, repousse le cavalier, se méfie de Figaro, etc.
Le portrait de Bartholo fait par Figaro est cependant vérifié par le spectateur à plus d’un
titre : tout au long de la pièce, il est présenté comme un jaloux obsessionnel ; par exemple, acte II
scène 11, il vérifie le nombre de feuilles du carnet pour savoir si Rosine a écrit une lettre ou non
(il les compte même tous les jours). Il est aussi avare puisqu’ il refuse de donner son argent à
Don Bazile pour préparer le mariage. Pourtant, s’il est parfois sévère avec Rosine, aucune
didascalie ne laisse percevoir de brutalité de la part du personnage. Le personnage du barbon
s’avère donc plus nuancé que le portrait qu’en fait Figaro, tout de même en partie vérifié.
Figaro est « le barbier de Séville » ; le fait que la pièce prend le nom du domestique
dénote son importance au cœur de l’action dramatique. Le spectateur apprend une partie de son
passé par le récit qu’il en fait lui-même au Comte : il est arrivé à Séville après avoir perdu son
poste de garçon apothicaire ; il tente alors d’écrire des pièces et des poèmes sans grand succès. Il
rencontre le comte Almaviva dès l’acte I et l’aide à conquérir la belle Rosine, même s’il souligne
lui-même qu’il le fait par intérêt, conformément au caractère intéressé des valets de comédie ; il
dit lui-même à l’acte I : « Mon intérêt vous répond pour moi. »
Figaro est le locataire du docteur, mais aussi son barbier, son chirurgien, son apothicaire ;
il se sert de cette position pour aider le Comte à entrer dans la maison du médecin. Mais plus
qu’un simple aide de son ancien maître, c’est Figaro lui-même qui élabore toutes les stratégies
mises en place pour approcher Rosine. Le Comte souligne d’ ailleurs la perspicacité du valet à de
nombreuses reprises. Lorsqu’ il s’aperçoit de l’aide précieuse que peut lui apporter le valet, il se

47 Ibidem, p. 33.
48 Ibidem, p. 33.

43 flatte sans mesure : « Figaro, mon ami, tu seras mon ange, mon libérateur, mon Dieu tutélaire »49
Figaro prend alors l’allure de l’adjuvant, de celui qui va aider son maître par tous les moyens. Il
n’hésite pas d’ ailleurs à souligner sa propre importance dans l’action : « Moi, j’entre ici, où par
la force de mon Art, je vais d’un seul coup de baguette endormir la vigilance, éveiller l’amour,
égarer la jalousie, fourvoyer l’intrigue et renverser tous les obstacles. » (acte I, scène 6). En tant
que locataire-et mauvais payeur-, il doit cent écus à Bartholo. Paradoxalement, c’est sans doute
pour le vieil avare une raison de ne pas se séparer du barbier : cette dette le préoccupe (II, 4 ; II,
8 ; III, 5) et tout en maudissant Figaro (« l’ enragé, le scélérat corsaire de Figaro ! », II, 4),
Bartholo n’ envisage jamais de se passer de ses services. Ce n’est d’ ailleurs qu’à la fin de la
pièce qu’il comprend le rôle joué par le barbier auprès du Comte : « ce drôle est du complot »
(IV, 2) Les attributs de Figaro sont le rasoir, la lancette et le piston (I, 4). Le rasoir, on le voit en
action dans l’acte III, scène 12. La lancette est l’instrument du chirurgien qui pratique la saignée
(II, 4). En tant qu’apothicaire, il n’utilise pas dans la pièce le piston de la seringue à lavements,
mais il distribue généreusement les drogues. C’est cette triple fonction qui donne à Figaro un
accès assez libre à la maison du docteur (I, 4 ; III, 5). La relation entre les deux hommes est faite
de mépris et de méfiance réciproques. D’ où le portrait que dresse le barbier (I, 4) : « C’ est un
beau gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, rasé, blasé, qui guette, et furète, et gronde,
et geint tout à la fois.[…] Brutal, avare, amoureux et jaloux à l’ excès de sa pupille, qui le hait à
la mort. » En fait, l’accumulation des adjectifs finit par diminuer la valeur descriptive de chacun
d’entre eux. L’intervention agacée du Comte le montre bien : ce portrait nous apprend peu de
choses. C’est que Figaro se laisse emporter par le plaisir des mots : trois séries de quatre
adjectifs, et une de quatre verbes, des antithèses(beau/gros ; jeune/vieillard), et des jeux de
sonorités variés : allitérations et assonances initiales (gros/gris/guette/gronde) ou finales
(beau/gros ; pommelé/rusé/rasé/blasé ; guette/furète), paronomases (gros/gris ; rusé/rasé).Si l’ on
ajoute que « pommelé » se dit surtout de la robe d’ un cheval, on comprend que le portrait ne
vise pas à l’exactitude descriptive, mais à la caricature. Bartholo est installé dans le ridicule ;
Figaro se concilie le parti des rieurs. Beaumarchais célèbre le triomphe de la parole, par la
virtuosité du barbier, par sa propre virtuosité d’écrivain qui escompte le succès de ses mots
d’auteur auprès des spectateurs. Figaro est intelligent, perspicace, serviable. Il semble être au
cœur de la pièce puisque c’est sur lui que repose un enjeu essentiel de cette comédie : la
contestation de l’ordre social. En ce qui concerne son vêtement, le texte explique qu’il est en
habit de majo espagnol , c’est-à-dire qu’il est habillé de façon élégante pour un homme du
peuple : « chapeau blanc, ruban de couleur, fichu en soie, gilet en satin, boutons frangés

49 Ibidem, p. 35.

44 d’argent, grande ceinture de soie, jarretières nouées avec des glands. »50 Peut-être est-ce déjà un
moyen pour l’auteur de brouiller la frontière entre les différentes couches sociales.
Le comte Almaviva est d’ abord caractérisé par son rang. Il est présenté comme un
« Grand d’ Espagne » dans la liste des personnages et il est ensuite qualifié d’ « amant inconnu
de Rosine. » Il est amoureux de la jeune fille en secret, depuis une rencontre au Prado à Madrid,
et il vient l’observer chaque jour, déguisé en étudiant, à travers la jalousie de son appartement.
Toute la pièce est centrée sur ce personnage et son dessein : parvenir à se marier avec Rosine.
Dès l’acte I, il retrouve son ancien serviteur Figaro qui va lui être d’une grande utilité puisqu’ il
connaît le maître de la maison de Rosine, Bartholo. Sur les conseils de Figaro, le Comte joue
ainsi la comédie pour s’introduire dans la maison de la jolie Rosine en espérant la charmer. Deux
tentatives lui seront nécessaires pour y entrer finalement. Ce personnage joue donc de différents
rôles tout au long de la comédie, en mettant les spectateurs dans la situation de complices, parce
qu’ils sont au courant de ses multiples identités. Il se fait d’ abord passer pour un dénommé
Lindor auprès de la jeune femme ; tenant à être aimé pour lui-même et non pour son titre ou sa
fortune, il se présente ainsi dans la personne d’un jeune homme de naissance commune. Dans
l’acte II, il prend l’allure d’un cavalier ivrogne auprès de Bartholo, pour tenter de passer la nuit
chez le docteur, mais cette tentative est vaine. Puis il se déguise en bachelier dans l’acte III,
prétendant donner un cours de chant à Rosine. Enfin, il semble porter son véritable costume dans
le dernier acte : il apparaît habillé d’un riche manteau brun, conforme à son statut de Comte- il
porte une grande fraise au cou, une veste, une culotte, des bas et un manteau d’abbé.
Le Comte Almaviva est donc un personnage polymorphe dont il est difficile de saisir les
contours ; il est le maître, mais il ne cesse de suivre les conseils et les instructions de son ancien
valet ; il veut séduire Rosine, mais à l’aide d’une identité cachée. Il n’est pas le plus malin
puisque ses ruses sont souvent déjouées par Bartholo- lorsqu’ il donne la lettre de Rosine à son
tuteur cela finit par se retourner contre lui. Au début de la pièce, il se pose en maître et méprise
ce « coquin de valet », mais dès qu’il voit que Figaro peut lui être utile, il le considère en ami.
À chaque acte, le spectateur découvre le Comte dans une tenue différente. À l’acte
premier, il porte le costume simple qui convient au jeune « Lindor » ; à l’acte II, un uniforme de
cavalier ; des habits d’étudiant à l’acte III ; ce n’est qu’à l’acte IV qu’ on le voit avec les
vêtements superbes qui conviennent à son rang. Encore se dissimule-t-il, jusqu’ au milieu de la
scène 6, sous un large manteau brun, celui-là même qu’il portait déjà à l’acte premier. Il faut
ajouter qu’il a plusieurs identités : il est Lindor pour Rosine, Alonzo pour Bartholo (acte III),
Almaviva pour le seul Figaro. Il est, en quelque sorte, déguisé au second degré : quand, à l’acte
III, Rosine voit Lindor travesti en Alonzo, elle ne sait pas que sous Lindor se cache Almaviva.

50 Ibidem, p.23.

45 Tout le paradoxe de ce personnage qui veut être aimé pour lui-même est qu’il ne peut y
parvenir qu’en se dissimulant. Mais le paradoxe n’est qu’apparent : la vérité du Comte, c’est son
apparence ; son identité ne consiste pas dans une quelconque profondeur, elle est toute en
surface, dans l’étincelante virtuosité d’un comédien qui improvise des rôles successifs, voire
simultanés. Almaviva est ainsi pleinement un personnage de théâtre. Le Comte est tout entier
dans ses qualités superficielles : agilité, vivacité, présence d’esprit. C’est pour cela que Rosine
peut l’aimer au premier coup d’œil : face à Bartholo, il incarne l’esprit même de la jeunesse.
Mais les déguisements du Comte sont aussi la source d’un comique très particulier, qui provient
d’un léger ridicule social : on peut constater un certain décalage entre le rang, la dignité de ce
grand seigneur et les travestissements populaires auxquels il a recours.
Rosine est une jeune femme d’extraction noble, orpheline et sous la tutelle de Bartholo.
Rosine est d’ abord présentée comme un personnage ingénu, mais très rapidement, dès sa
première apparition, le spectateur peut percevoir chez elle une franche lucidité (elle dit qu’elle
est sous la « persécution d’un homme odieux ») et une volonté d’émancipation de son
« bourreau ». Dès le premier acte, elle se révolte déjà en parole contre sa condition qu’elle
rapproche de celle de l’esclave, et bientôt en action puisqu’ elle n’hésite pas à braver les interdits
de son tuteur pour envoyer un message à celui qui l’observe. Au fil de la pièce, Rosine fait figure
de jeune femme qui tente de s’émanciper de l’autorité de son tuteur, et sa parole se fait de plus
en plus libérée ; dès l’acte II elle n’hésite pas à dire à Bartholo son déplaisir : « Mais, Monsieur,
s’ il suffit d’ être homme pour nous plaire, pourquoi donc me déplaisez-vous si fort ? » ; et elle
finit même par lui dire à l’acte II, scène 4 : « puissiez-vous mourir de dépit ».Dans la dernière
scène de l’ acte II, elle se présente elle-même comme une femme qui défie l’ autorité injuste :
« j’ en suis plus révoltée encore » ; Bartholo lui rétorque alors : « comme révoltée ! Vous ne
m’avez jamais parlé ainsi » . Le spectateur comprend que sous ses yeux naît un personnage
nouveau, une femme nouvelle qui veut faire entendre sa voix.
Les premiers mots prononcés par Rosine, dans l’acte I, scène 3, sont : « Comme le grand
air fait plaisir à respirer ! » ce qui montre le désir de liberté. Elle aime « comme un esclave,
enfermé depuis longtemps, goûte avec plus de plaisir le charme de la liberté qui vient de lui être
offerte » (III, 4) Dans ses brefs monologues, la jeune fille se décrit avant tout comme
malheureuse (I, 3) et signe son billet « l’infortunée Rosine » (I, 4). Cependant, ce malheur n’est
pas d’ordre psychologique, il tient avant tout à sa situation : elle est « seule » (I, 3),
« enfermée », persécutée et réduite en esclavage par « un homme odieux », un « argus » (un
gardien qui l’espionne) (II, 1), un « génie malfaisant (II, 1), un « tyran (II, 3). Aimer Lindor,
c’est donc « tenter à sortir d’esclavage » (I, 3). L’« empressement » de « celui qui paraît
s’attacher si obstinément » à elle (I, 4) apparaît vite comme le contraire de la tyrannie du tuteur,

46 comme on voit dans cette expression fort expressive : « Je ne puis dire un mot ni faire un pas,
dont il ne devine sur-le-champ l’intention…Ah ! Lindor ! » (II, 1), auquel répond, à la fin du
même acte, une exclamation symétrique : « Ah ! Lindor ! Il [Bartholo] dit qu’il me plaira !… »
(II, 16).Au total, la personne même de « Lindor » compte assez peu dans l’amour de Rosine. Le
sentiment amoureux, dans Le Barbier de Séville , ne résulte pas de l’accord de deux caractères,
mais de la conjonction de deux élans vitaux.
Car l’exclamation initiale de Rosine, lancée en présence même de Bartholo, est aussi
l’indice d’une spontanéité, d’un élan symétriques de ceux du Comte, et qui portent la jeune fille
à toutes sortes d’initiatives : billet lâché par la fenêtre (I, 3), chanson improvisée en réponse à
celle du Comte (I, 6), nouvelle lettre (II, 1). Beaumarchais, conscient des audaces de son
personnage, les explique par la situation exceptionnelle de celui-ci : « Mon excuse est dans mon
malheur : […] est-ce un crime de tenter à sortir d’esclavage ? » (I, 3) ; « un homme injuste
parviendrait à faire une rusée de l’innocence même » (II, 16).Ces remarques de Rosine, qui
s’adressent avant tout au public, la justifient au regard de ce qu’on appelait alors les
« bienséances ».
Don Bazile est le maître à chanter de Rosine et il organise le mariage secret entre
Bartholo et Rosine en prenant contact avec toutes les personnes nécessaires pour que
l’événement ait lieu. Dans les didascalies, il est présenté avec « chapeau noir rabattu, soutanelle
et long manteau, sans fraise ni manchettes ».51 C’est son absence qui fait que le Comte parvient à
s’introduire dans la maison de Bartholo en se faisant passer pour un de ses disciples. Toutefois,
lorsqu’ il réapparaît, il semble totalement perdu, il ne comprend rien à la situation, tout le monde
cherche à le faire sortir de scène. À ce moment-là, un nouveau trait de son caractère apparaît : il
se fait facilement corrompre par l’argent. Effectivement, il accepte de partir lorsque le Comte
déguisé en bachelier lui glisse une bourse dans la main ; de même, dans la dernière scène lorsqu’
il accepte d’être le témoin du mariage de Rosine avec le Comte. Figaro dresse aussi un portrait
de ce personnage : « un pauvre hère qui montre la musique à sa pupille, infatué de son art,
friponneau besogneux, à genoux devant un écu, et dont il sera facile de venir à bout ».Ce portrait
semble se vérifier plusieurs fois au cours de la pièce, à travers l’exposition de son goût pour
l’argent et la victoire des personnages sur lui.
En plus de sa langue maternelle, Bazile utilise quelques mots de latin et d’italien. Ces
termes qu’il emploie sont des mots de métier, et l’on peut définir le personnage par sa façon de
parler. L’utilisation du latin révèle qu’il a fréquenté les écoles : le terme « concedo » (« je
l’accorde ») appartient au vocabulaire argumentatif traditionnel de l’Université. L’exclamation
« Bone Deus ! » , qui équivaut à « Mon Dieu ! », signale que Bazile est plus ou moins un homme

51Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-Vie, 1934, p. 23.

47 d’Église ; il en a en tout cas l’habit, chapeau noir et « soutanelle ». On l’appelle d’ ailleurs
« Don » Bazile. Mais c’est aussi un musicien, ce que confirment les termes italiens dont il
émaille sa tirade de la calomnie. Ces deux caractéristiques se rejoignent dans sa profession
d’organiste, musicien qui joue de l’orgue dans une église. Beaumarchais a choisi cette profession
de musicien parce que cela lui permet de le faire entrer facilement chez Bartholo (il donne des
leçons à Rosine). Quant à son lien non précisé avec l’Église, il inscrit Bazile dans une lignée de
personnages assez troubles, qui, depuis le Tartuffe de Molière, permettent aux dramaturges de
critiquer l’hypocrisie religieuse. Bazile et Figaro sont deux personnages assez semblables, Bazile
représentant la face noire de Figaro, son double négatif. Mais alors que l’arme de Figaro est la
chanson (I, 2), celle de Bazile, tout aussi musicale, est la calomnie. Dans une tirade célèbre, qui
fait l’essentiel de son rôle, Bazile se livre à un éloge de ce moyen peu recommandable, auquel il
attribue une efficacité universelle. Dans ce morceau de bravoure on trouve deux fois le mot
« diable », tandis que le « Ciel » n’y est mentionné qu’avec ironie.52 La tirade de Bazile, rapide,
brutale et inattendue, avec ses accumulations de verbes, ses métaphores, ses multiples
allitérations, donne une image du pouvoir inquiétant de la parole. Elle fait de Bazile un
personnage potentiellement dangereux, et cette menace, même virtuelle, accroît l’incertitude du
spectateur et la tension dramatique. L’« air de la calomnie » a été repris par Rossini dans l’opéra
du Barbier de Séville (1816). Le texte de Beaumarchais s’inscrit précisément dans une référence
à la musique et au chant.

2.4. Maître et valet dans Le Barbier de Séville
Selon le calendrier, le XVIIIe siècle débute en 1700. Politiquement, il commence en
1715, avec la mort de Louis XIV. Deux règnes se partagent le siècle : celui de Louis XV, arrière-
petit-fils de Louis XIV, et celui de Louis XVI, petit-fils de Louis XV. À partir de 1789, la
Révolution met progressivement fin au pouvoir, aux institutions et à la société de l’Ancien
Régime. Le XVIIIe siècle est celui d’une société en mutation, où les mœurs évoluent. Le théâtre
s’en fait l’écho. De nouvelles formes de comédies apparaissent, où les rapports entre maîtres et
valets prennent une place prépondérante. Juridiquement, la société française du XVIIIe siècle
reste une société divisée, hiérarchisée en trois « ordres » ou « états », parce qu’on ne parlait pas
alors de classes sociales, ni de groupes sociaux. Le premier de ces « ordres » était représenté par
le clergé, la noblesse était le deuxième, et le troisième « ordre », également appelé « tiers état »,

52 Dominique Morineau, Le Barbier de Séville/40 questions, 40réponses, 4 études , Ellipses Édition Marketing S.A.,
Paris, 1999, p.24.

48 regroupait tous ceux qui n’appartenaient ni au clergé ni à la noblesse, c’est-à-dire la quasi-totalité
de la population.53
Au XVIIIe siècle, toute famille, qu’elle appartienne à la bourgeoisie ou à l’aristocratie,
possède du personnel à son service. C’est l’un des signes de la réussite, de la considération et de
la supériorité sociale. Il y a d un côté les maîtres et de l’autre les valets. La dénonciation des
défauts de la noblesse dans les comédies du XVIIIe siècle se réalise à l’aide des trois manières
différentes : par des griefs directement exprimés. C’est Figaro qui, dans Le Barbier de Séville ,
réplique au Comte Almaviva : « Aux vertus qu’on exige dans un domestique, Votre Excellence
connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes des valets ? (I, 2.) »; par la mise en scène de
rivalités entre des nobles et des roturiers ; par un déplacement de l’intérêt dramatique vers le
valet au détriment du noble.
Beaumarchais renoue pour sa part avec la comédie d’intrigue qu’au XVIIe siècle Molière
pratiquait avec, par exemple, Les Fourberies de Scapin (1671). Conduite par un Figaro plein de
verve et toujours plein d’idées, l’action repose sur une succession de ruses et de
rebondissements. Beaumarchais renouvelle toutefois le genre. Figaro se comporte en effet
comme s’il avait lu les philosophes du XVIIIe siècle. Aux plaisanteries traditionnelles des valets,
il ajoute ses réflexions sur les mœurs politiques et sociales. Tout en conservant son rythme
soutenu, la comédie d’intrigue se fait satire. La critique sociale devient une dimension inhérente
au thème des maîtres et des valets, étant donné que les modifications sociales s’accompagnent
d’une transformation des mentalités et des comportements.
Avec Figaro, Beaumarchais crée un type original. Et ce type n’est ni bourgeois ni
aristocrate : c’est un valet, qui ravit et enthousiasme le public. De la relation qui s’établit entre le
maître et son valet, c’est toute une société en voie de transformation qui surgit, des mentalités
qui se modifient, des revendications qui se font apparaître, de nouveaux rapports au langage qui
s’instaurent, une forme particulière de comique qui apparaît.
Si pendant le XVIIe siècle, dans les comédies de Molière par exemple, les valets ne
disposaient pas d’une liberté de parole, à partir du XVIIIe siècle les comédies libèrent la parole
du valet : celui-ci dit désormais ce qu’il pense et, d’abord, de ses maîtres.54Parce qu’ils les
servent et qu’ils vivent dans leur ombre, les valets sont les observateurs privilégiés et les
premières victimes des défauts de leurs maîtres, dont ils font un sévère recensement. Ils se
plaignent d’une manière véhémente des mauvais traitements qu’ils subissent. La satire
individuelle revêt de la sorte un double aspect : elle vise autant la personne de leur maître que
son comportement de maître. Figaro s’adresse au Comte avec « Monseigneur » ou

53 Jean-Benoît Huitier , Maîtres et valets dans la comédie du XVIIIe siècle , Paris, Hatier, 1999, p.18.
54 Ibidem, p.30.

49 « Excellence ». Ces titres marquent la distance sociale qui les sépare, et que l’un et l’autre
respectent soigneusement. Almaviva, quant à lui, emploie volontiers les qualificatifs peu amènes
que le langage théâtral destine aux domestiques : « coquin », « maraud » (I, 2), « scélérat » (I, 4).
L’un dit « tu » et l’autre « vous ». C’est une différence de nature qui sépare maître et valet : c’est
à sa silhouette, à son « air altier et noble » que le barbier reconnaît son ancien maître (I, 2).
Figaro lance la question « Est-ce qu’un homme comme vous ignore quelque chose ? » à
Almaviva sans trop d’ironie (I, 6). À l’inverse, c’est à cause de « sa tournure grotesque » que le
Comte identifie son ancien serviteur (I, 2). Parfois, le ton change : « LE COMTE, l’embrasse.-
Ah ! Figaro, mon ami, tu seras mon ange, mon libérateur, mon dieu tutélaire ! » (I, 4). Mais c’est
que le Comte a besoin de lui : « Peste !comme l’utilité vous a bientôt rapproché les distances ! »
rétorque aussitôt le barbier. C’est sur ce fond de distance sociale bien signifiée que s’instaure une
réelle complicité entre les deux personnages. Leur dialogue occupe l’essentiel de l’acte premier,
dans trois scènes longues (2, 4, 6). Les répliques sont brèves et s’enchaînent vivement, comme
dans un numéro bien rodé. Chacun rebondit sur les mots de l’autre : « LE COMTE. –Pourquoi
donc l’as-tu quitté ? FIGARO. –Quitté ?c’est bien lui-même […] » (I, 2). Ils se comprennent à
demi-mot : « Pesez tout à cette balance et… » ; «elle n’est encore que sa pupille, mais
bientôt… » (I, 4). Parfois ils achèvent les répliques de l’autre : « FIGARO. -[…] Je vendais
souvent aux hommes de bonnes médecines de cheval…LE COMTE. –Qui tuaient les sujets du
roi ! FIGARO. -[…] mais qui n’ont pas laissé de guérir quelque fois des Galiciens, des Catalans,
des Auvergnats ». (I, 2) Dans la scène 2, c’est même le Comte qui sert de faire-valoir à Figaro,
riant de ses plaisanteries (« Beau début ! », « Pas mal ! »), lui posant les questions qu’il faut pour
le relancer. Ils fonctionnent sur le mode du jeu : mis au défi par Figaro, le Comte esquisse son
personnage de soldat ivre (I, 4). Et le barbier de renchérir « d’un ton plus ivre ». Pour improviser
des chansons, par contre, il trouve son maître, et s’incline : « Je ne ferais pas mieux, moi qui
m’en pique » (I, 6). Et, plaisamment, il « baise le bas de l’habit de son maître ». Dans l’ordre du
jeu, tout est permis, même l’impertinence : « Aux vertus qu’on exige dans un domestique, Votre
Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ? » (I, 4).Le rire du
Comte, qui éclate aussitôt, nous indique la portée de l’insolence : une simple boutade.
Traditionnellement, le valet de comédie se trouve dans la position d’ «adjuvant » : il est
celui qui aide le héros à parvenir à ses fins, c’est-à-dire le plus souvent à obtenir la main de
l’héroïne.55 L’astuce, l’audace, le franc-parler, voire l’absence de scrupules sont souvent son
partage. Figaro, auprès du Comte, assume pleinement cet emploi traditionnel du valet. Il est tout

55 Dominique Morineau, Le Barbier de Séville/40 questions, 40réponses, 4 études , Ellipses Édition Marketing S.A.,
Paris, 1999, p.41.

50 d’abord son « confident » suivant sa propre expression (IV, 5), celui qui recueille patiemment ses
plaintes d’amoureux, permettant ainsi au spectateur d’en prendre connaissance. Dans l’embarras
où se trouve Almaviva, incapable d’entrer en contact avec Rosine, il lui fournit ensuite les
ressources dont il dispose : des informations sur l’entourage de la jeune fille (I, 4 ; I, 6) ; des
idées, aussi, comme celle du déguisement de soldat (I, 4) ; des moyens qui vont du simple
accessoire, comme la guitare (I, 6) et l’échelle (IV, 5) jusqu’aux drogues qui mettent hors de
combat la maisonnée de Bartholo. Il est encore celui qui agit avec le Comte, ou à sa place. Il est
son messager, lui transmettant une lettre de Rosine (II, 2) ; son informateur, qui épie la
conversation de Bazile et de Bartholo (II, 8). Il détourne l’attention du vieillard en essayant de le
raser (III, 12) ; il parvient à lui dérober la clef de la jalousie, puis à l’attirer au-dehors en brisant
la vaisselle (III, 6-9).
Il y a deux façons de faire rire : de soi ou des autres. Le valet de comédie peut assumer
ces deux rôles : on rit de lui, il est ridicule ; mais aussi, il se moque des autres personnages ; ses
plaisanteries dévoilent les travers du vieillard amoureux. Chez Figaro, seule cette deuxième
possibilité est développée : il multiplie les mots, les plaisanteries et montre un art consommé de
la caricature, quand il s’amuse à portraiturer Bartholo (I, 4) ou Bazile (I, 6). Figaro n’est jamais
ridicule ; on ne rit de lui qu’au moment où il le veut bien. En effet, il ne se résume pas à sa
fonction de valet. À la différence du valet de comédie traditionnel, Figaro est doté d’une forte
individualité : il a un nom, un métier, un passé. On sait à peu près son âge : il n’est plus tout
jeune. Son statut social est celui de travailleur indépendant, que lui confère son métier de barbier.
À ce titre, il est locataire d’une maison, qui lui sert d’échoppe, avec une enseigne (I, 6). Surtout,
il a une histoire, un passé, qu’il raconte longuement (I, 2). Sur l’enseigne de la boutique de
Figaro on voit « trois palettes en l’air, l’œil dans la main, Consilio manuque , FIGARO » (I, 6)
Les « palettes » servent à recueillir le sang lors des saignées ; l’emblème de l’œil dans la main et
la devise latine (« avec clairvoyance et dextérité ») ont la même signification : ils définissent
l’intelligence pratique, l’habileté manuelle requises par le métier de barbier-chirurgien56. Ces
mots définissent aussi le personnage de Figaro. Ce dernier se présente lui-même comme une
sorte de magicien : « Moi, j’entre ici, où, par la force de mon art, je vais, d’un seul coup de
baguette, endormir la vigilance, éveiller l’amour, égarer la jalousie, fourvoyer l’intrigue, et
renverser tous les obstacles » (I, 6). L’accumulation des verbes, la personnification des forces
abstraites donnent ici l’impression d’une puissance illimitée. Mais il faut faire la part de
l’humour du barbier sur lui-même : sa première tâche n’est après tout que de droguer à bon
escient les domestiques de Bartholo.

56 Ibidem, p.18.

51 Plutôt qu’un magicien, Figaro est l’homme des expédients, apte à inventer dans l’urgence
des solutions à toutes les difficultés. Tout le récit de sa vie passée montre cette débrouillardise :
garçon apothicaire, il vend aux hommes les remèdes destinés aux chevaux ; auteur de théâtre, il
achète à l’avance les applaudissements (I, 2). Pour aider le Comte, il va de nouveau puiser dans
sa pharmacie « quelques petits moyens innocents… » (I, 4). Pendant sa vie, il a exercé donc tant
de métiers, domestique, garçon vétérinaire, auteur sifflé ou barbier, qu’il ne peut se définir par
aucun d’entre eux : ce ne sont que des rôles, toujours inférieurs à son mérite, qui, pense-t-il, n’est
pas reconnu à sa juste valeur. D’ailleurs, le seul moment où il perd son humour et devient pesant,
c’est quand il se sent méprisé par Bartholo, qui ne voit en lui qu’un inférieur : « C’est que vous
croyez avoir affaire à quelque barbier de village, et qui ne sait manier que le rasoir. Apprenez,
Monsieur, que j’ai travaillé de la plume à Madrid, et que sans les envieux… » (III, 5). Figaro
n’est donc valet que provisoirement et par chois, par amitié pour son ancien maître, par plaisir du
jeu, aussi.
Ce statut particulier du « valet » Figaro donne une originalité certaine à sa relation avec
son maître. Figaro, au début de la pièce, n’est pas au service du Comte. S’il se met à sa
disposition, c’est librement, après un moment de réflexion et pour un temps limité. Almaviva
n’est pas toujours ni seulement un maître, ni Figaro un valet. En acceptant de se déguiser, par
exemple, le Comte accepte de renoncer temporairement à son statut de maître, pour jouer un rôle
dans la mise en scène organisée par Figaro. Les mots mêmes de « maître » et de « valet »
suggèrent la primauté du premier sur le second : le maître est le supérieur, et le valet, inférieur,
du moins en principe. Chez Beaumarchais, par un jeu de circonstances, le valet devient le maître
de son maître.57 Le Comte se transforme en exécutant fidèle des ordres de Figaro. Sur les
conseils de ce dernier, il chante et joue de la guitare pour attirer l’attention de Rosine (I, 6). Il se
déguise en soldat ivre pour pénétrer chez Bartholo (II, 13), puis en « bachelier » pour donner une
leçon de musique à Rosine (III, 2, 3, 4). Avec Figaro, le valet devient l’organisateur et le
réalisateur de l’action. Sans lui, rien ne serait possible.
Dans Le Barbier de Séville , le valet se transforme en meneur de jeu, dont la virtuosité
suscite l’admiration du public. Il bénéficie de la sorte d’un capital de sympathie qui
contrebalance l’infériorité sociale de son statut. La position du maître s’en trouve amoindrie. Il
ne dispose plus de l’autorité, mais il perd tout prestige. L’inversion des rôles aboutit ici à une
déconsidération du maître et à une valorisation au moins psychologique et morale, du valet. Le
travestissement est, dans les comédies de Beaumarchais, un jeu. Jouer, se masquer, signifie
paraître autre que ce que l’on est. Jouer les autres c’est enfin une façon de leur jouer la comédie.
En général, le déguisement revêt trois formes principales : il s’agit tantôt d’un changement

57 Jean-Benoît Huitier , Maîtres et…, op.cit., p.42.

52 d’identité, tantôt de l’emprunt d’un nouveau statut social, tantôt d’un recours au double jeu58. Le
changement d’identité est le procédé le plus simple. Un personnage se présente à autrui sous un
nom et, parfois, sous un habit, qui ne sont pas les siens. Dans Le Barbier de Séville , le Comte
Almaviva ne révèle sa véritable identité à Rosine qu’au dernier acte, deux scènes seulement
avant la fin de la pièce (IV, 6). Jusque-là, Rosine pense avoir affaire à un modeste « bachelier »,
sans fortune ni naissance. Le changement de costume, élément très visuel au théâtre, concrétise
le changement d’identité. Le « bachelier » ouvre ainsi le « large manteau brun » qu’il porte
depuis le début de la pièce pour laisser paraître « un habit magnifique ».Le port du masque et le
jeu qui en découle créent un effet de théâtre dans le théâtre. Le procédé du théâtre dans le théâtre
a traditionnellement pour but d’empêcher le spectateur de distinguer la fiction du réel, de le
plonger dans une illusion absolue, puisqu’il ne sait plus en principe ce qui est censé être vrai et
ce qui est censé ne l’être pas. Lors d’une représentation théâtrale, chacun est placé dans une
position très particulière. Le public est dans une situation d’omniscience. Quant aux
personnages, certains sont de simples témoins, tandis que d’autres sont des acteurs et des
témoins. Le spectateur sait qui se travestit et, en conséquence, qui est vraiment qui. Quant au
Barbier de Séville , il montre dès le lever de rideau un Comte Almaviva déguisé : « Il est si doux
d’être aimé pour soi-même ! Et si je pouvais m’assurer sous ce déguisement… » (I, 1).
Clairement informé, le public peut donc connaître le dessous des cartes.
Le Barbier de Séville n’existe que par Figaro. De l’intrigue, cet ancien valet du Comte
Almaviva est le maître d’œuvre. Son talent de se limite pas toutefois à l’inventivité d’un stratège.
Figaro est en lui-même un homme-orchestre. Il trompe Bartholo en lui faisant des ruses,
devenant ainsi un homme de théâtre. Il remplit toutes les fonctions qu’exige la représentation
d’un spectacle. Figaro est l’adepte d’une philosophie joyeuse. Le schéma de la pièce est très
simple : un vieillard amoureux prétend épouser sa pupille, qu’un jeune amant plus adroit finit par
lui ravir. Tout l’intérêt de la pièce réside dans la manière de parvenir à ce dénouement. Le mérite
en revient à Figaro qui déborde d’initiatives et qui, du même coup, inverse à son profit la relation
maître-valet. Figaro est un valet qui déborde d’initiatives. Il résout les problèmes
progressivement. Le premier est de faire comprendre à Rosine que le Comte l’aime. Figaro
imagine aussitôt de lui faire chanter une chanson d’amour sur un air de guitare (I, 6). Le
deuxième problème est de favoriser une entrevue discrète entre les deux amoureux. L’étroite
surveillance que Bartholo jaloux fait exercer sur Rosine rend l’affaire sinon impossible, du
moins difficile. Pour Figaro ce n’est pas un problème. Quelques médicaments lui servent à
neutraliser l’Éveillé et La Jeunesse, les deux domestiques de Bartholo. Le Comte se présente
chez le vieillard en « uniforme de cavalier » avec « un billet de logement, c’est-à-dire un papier

58 Ibidem, p.63.

53 ordonnant à un particulier de loger chez lui un militaire. L’opération échoue, Bartholo étant
dispensé de loger des officiers chez lui. Figaro trouve une solution, en faisant revenir le Comte
sous le déguisement d’un « bachelier » (un étudiant en théologie) pour donner une leçon de
musique à Rosine, en lieu et place de Bazile, prétendu malade (III, 2). Mais Bazile survient en
bonne santé. Une bourse que lui fait discrètement passer Figaro assure pour le moment sa
complaisance. Bazile ne tarde pas toutefois à trahir. Avec son aide, Bartholo convainc Rosine de
l’infidélité du Comte. De dépit, Rosine s’apprête à épouser Bartholo. C’est encore Figaro qui
donne la solution : une bourse incite Bazile à signer le contrat de mariage du Comte et de Rosine,
juste avant que Bartholo ne vienne signer le sien. L’ingéniosité de Figaro consiste autant à
prévoir les événements qu’à savoir rebondir en cas de hasard malheureux. Il a toujours des idées
et l’imprévu ne le surprend pas longtemps. Sans lui, le Comte ne parviendrait pas à ses fins.
Dans La Lettre modérée, Beaumarchais n’a pas tort de qualifier son personnage de
« machiniste »59, c’est-à-dire d’homme qui mène l’intrigue. Le Comte se trouve réduit à un rôle
d’exécutant. Il est celui qui obéit, tandis que Figaro ordonne et distribue les rôles : « Moi, j’entre
ici, où par la force de mon art, je vais d’un seul coup de baguette endormir la vigilance, éveiller
l’amour, égarer la jalousie, fourvoyer l’intrigue, et renverser tous les obstacles. Vous,
Monseigneur, chez moi l’habit de soldat, le billet de logement et de l’or dans vos poches » (I,
6).Son vocabulaire est révélateur. Figaro se compare à un magicien (« mon art », « d’un seul
coup de baguette ») qui se réserve la partie la plus difficile du plan. Le Comte n’est plus que son
élève ou que son assistant. À plusieurs reprises, le Comte est contraint de dire son admiration
pour son ancien valet : « supérieurement vu », « Tu as raison » (I, 4). Par un renversement de
situation, le maître dépend de son valet et trouve en lui son maître.
Dans la pièce, Figaro se révèle le maître d’œuvre de l’intrigue, mais il s’amuse à l’être.
Contribuer au bonheur du Comte et de Rosine est pour lui un jeu. Figaro le mène comme s’il
s’agissait d’une pièce de théâtre dont il assumerait la responsabilité de la représentation. Il se
comporte tour à tour en acteur, en metteur en scène et en auteur.60Figaro aime se donner en
spectacle. Même quand il est seul, il est à lui-même son propre public. Quand il essaie de
chantonner, il devient juge de son interprétation. Soit pour s’applaudir : « Jusque-là cela ne va
pas mal » ; « Fort bien, Figaro » (I, 2), soit pour se critiquer : « Fi donc! c’est plat ! » (I,
2).Ailleurs, il prend les spectateurs à témoin. Ses commentaires sur Bazile sont comme une
présentation de ce sinistre personnage : « C’est un grand maraud que ce Bazile ! heureusement, il
est encore plus sot. Il faut un état, une famille, un nom, un rang, de la consistance enfin, pour

59 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-VIe, 1934, p. 18.
60 Jean-Benoît Huitier , Maîtres et…, op. cit., p.115.

54 faire sensation dans le monde en le calomniant. Mais un Bazile ! il médirait qu’on ne le croirait
pas » (II, 9). Pour nous, les spectateurs, Figaro dégage la morale de la pièce : « Quand la
jeunesse et l’amour sont d’accord pour tromper un vieillard, tout ce qu’il fait pour l’empêcher
peut bien s’appeler à bon droit La Précaution inutile » (IV, 8).Parfois, Figaro réagit comme un
acteur qui aurait oublié son rôle : « Ah ! je suis réellement frappé » (I, 6) s’exclame-t-il quand il
néglige d’indiquer au Comte l’adresse de sa boutique. Et Figaro est enfin un spectacle
permanent. Il ne se repose jamais, il court, il vole : « il frappe du pied » (III, 11), « il passe un
linge au cou de Bartholo » (III, 12) comme pour le raser, il subtilise la clé de la fenêtre de la
chambre de Rosine (III, 10), il imite la voix de Rosine et rit de sa propre imitation (I, 4). Figaro
n’existe que dans le mouvement et le jeu. Tout comme un metteur en scène, Figaro dirige le
Comte quand celui-ci doit simuler l’ivresse. Figaro le regarde, le reprend, lui indique la bonne
façon de jouer (I, 4). Il lui montre également comment faire semblant d’utiliser une guitare :
« Avec le dos de la main ; from, from, from… » (I, 6). Il règle également les entrées et les sorties
des autres personnages (I, 9 ; III, 6, 11).Figaro pense à tout, même aux accessoires : il se procure
des « manteaux » (IV, 5) pour que lui et le Comte passent inaperçus ; il prévoit la nécessité d’une
échelle pour atteindre la fenêtre de la chambre de Rosine (IV, 6).
Le Comte courtise Rosine sous le nom et l’habit du bachelier Lindor. Ce déguisement lui
permet d’aller et venir dans Séville, où il est très connu (le Comte est un « grand » de la cour
d’Espagne, donc susceptible d’être reconnu à tout instant) et d’endormir la méfiance de Bartholo.
Mais il est aussi un test de la sincérité de Rosine. Le Comte lui demande si elle souhaite être « la
compagne d’un malheureux sans fortune, sans naissance » (IV, 6). Rosine déclare s’en
moquer : « La naissance, la fortune ! Laissons les jeux du hasard » (IV, 6). Seul compte à ses
yeux le mérite ; l’expérience s’avère concluante. Le Comte peut dévoiler qui il est. Les comédies
de Beaumarchais sont plus discrètes sur les rapports du mariage et de l’argent. Rosine aime
sincèrement le Comte Almaviva, sans arrière-pensée ni calcul. Il n’en demeure pas moins qu’en
l’épousant à la fin du Barbier de Séville, elle s’élève au rang de Comtesse, dont Le Mariage de
Figaro montre tous les avantages matériels : grande propriété, domesticité nombreuses, absence
de soucis financiers.
Le couple que forment le valet et son maître est rarement harmonieux. Chacun nourrit des
reproches à l’égard de l’autre. Si les valets critiquent leur maître, les maîtres ne sont pas moins
sévères sur leurs serviteurs. Ils ne leur reconnaissent aucune qualité. Ils les considèrent comme
des êtres inférieurs. À quelques exceptions près toutefois, qui sont dues aux nécessités de
l’intrigue61.Pour les maîtres, les valets n’ont que des défauts. Ceux-ci sont toutefois traditionnels
dans le genre de la comédie. En général, il y a quatre défauts des valets : la paresse, le goût

61 Jean-Benoît Huitier , Maîtres et…, op. cit., p.37.

55 prononcé des domestiques pour la boisson, la cupidité et l’insolence62. Dans Le Barbier de
Séville, le Comte Almaviva se souvient de la « paresse » de Figaro, lorsque celui-ci était à son
service (I, 2). Bartholo ne parvient pas à tirer l’Éveillé de sa torpeur, ni à obtenir une quelconque
aide de la part de La Jeunesse (II, 6 et 7).En ce qui concerne le troisième défaut, la cupidité, pour
le Comte, Figaro est « un assez mauvais sujet » (I, 2) qui, de fait, se garde bien de payer son
loyer à Bartholo (I, 4). Figaro souligne avec une ironie féroce que les maîtres ne sont jamais
satisfaits de leur domesticité, qu’ils veulent que « le pauvre soit sans défaut » (I, 2).Ces défauts
ne sont pas choisis au hasard. Ils sont en effet une source de comique. Sur une scène de théâtre,
la gloutonnerie, l’ivresse et, parfois, la filouterie prêtent à sourire. Tromper ce « fripon » de
Bartholo par ces moyens relève d’un spectacle réjouissant. La tradition comique explique ainsi
pour une bonne part les défauts des valets. Les bourgeois manifestent leur supériorité et, par
contrecoup leur mépris d’une autre façon : ils battent et injurient leur valets. Bartholo appelle ses
serviteurs par ces mots : « Oh! les chiens de valets ! » (II, 5).
Figaro n’est pas seulement le valet. Il est un homme de théâtre complet : il est acteur,
metteur en scène, auteur. Comme auteur, dès le début de la pièce, on le voit composer des
couplets, cherchant son inspiration, mettant « un genou en terre » et écrire (I, 2). Plusieurs de ses
répliques sont de véritables portraits. À l’aide d’une seule phrase, il présente Bartholo au Comte :
« C’est un beau gros, court, jeune vieillard, gris, pommelé, rusé, rasé, blasé, qui guette et furette
et gronde et geint tout à la fois » (I, 4).Son sens de la formule, l’enchaînement des mots qui
s’appellent les uns les autres (« rusé , rasé »), la recherche des sonorités (« guette », « furette ») :
tout atteste sa maîtrise de la langue, habitude des discours, écrits ou parlés.
Figaro attire l’admiration et la sympathie du public grâce à sa gaieté, présentée comme art
de vivre. L’existence aventureuse qu’il a menée a rendu Figaro philosophe. Sa vie est faite d’une
succession d’échecs et de désagréments, mais il a choisi de ne pas se lamenter, et prendre la vie
comme elle vient : « bannissons le chagrin » chante-t-il sur sa guitare (I, 2) Ces premiers mots de
la chanson correspondent à ceux de sa première apparition sur scène. Sa philosophie est de
profiter du temps qui passe : « Où je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir ; et vive la
joie ! Qui sait si le monde durera encore trois semaines » (III, 5).

2.5. La présence féminine dans Le Barbier de Séville
Dans la pièce apparaissent deux personnages féminins : Rosine et Marceline. L’auteur
nous parle à plusieurs reprises d’une domestique nommée Marceline qui n’apparaît jamais sur
scène : « Marceline est malade » (II, 1) ; « il saigne au pied Marceline » (II, 4) ; « ROSINE : Il

62 Ibidem, p.38.

56 m’a rendu compte de l’état de Marceline, qui même n’est pas trop bien, à ce qu’il dit. » (II, 11) ;
« BARTHOLO : Je vais voir la pauvre Marceline, que ce Figaro a, je ne sais pourquoi, saignée
au pied. » (II, 15)
Cette Marceline, qui fait partie des domestiques de Bartholo, est, suppose-t-on, dévouée à
son maître, puisque Figaro prend soin de la mettre hors de combat en la saignant au pied (II, 4).
Ce personnage fantomatique, dont la mention installe une présence féminine auprès de Rosine
(toujours les « bienséances »), ne fait que souligner l’absence aux côtés de la jeune fille d’un
autre personnage traditionnel de la comédie : la servante, souvent complice de sa maîtresse, et
qui jouerait ici auprès de Rosine le même rôle que Figaro auprès du Comte. Cette dissymétrie est
frappante et affecte l’équilibre général de la pièce.
D’une part, en effet, cette situation accroît le sentiment que nous avons de l’isolement de
Rosine, de son enfermement. On trouve la même situation dans la pièce L’École des femmes de
Molière, dans laquelle la jeune Agnès, séquestrée par un tuteur jaloux, ne dispose d’aucune
auxiliaire féminine.63 D’autre part, cet isolement affecte aussi la construction du personnage :
n’ayant pas de confidente, Rosine ne peut s’abandonner à de longs épanchements sentimentaux,
d’autant plus qu’une comédie d’intrigue comme Le Barbier s’accommode mal de longs
monologues. Ses rencontres avec son amant sont brèves, et, sauf au dernier acte, ont toujours lieu
en présence de Bartholo. Elle n’exprime donc ses sentiments que par de brefs apartés, ou par de
non moins brefs monologues (II, 1 ; II, 16) qui ne lui permettent que de formuler ses réactions
immédiates à des situations d’urgence.
Cette caractéristique amène donc Beaumarchais à développer un autre aspect du
personnage : puisqu’elle est seule, Rosine doit réagir par elle-même, trouver les moyens de lutter
contre la tyrannie de son tuteur. D’où un personnage d’« ingénue » très actif : les deux billets
adressés à Lindor et la chanson derrière la jalousie. Mais, privée de conseils, la jeune fille
n’élabore pas de plans à long terme : elle agit dans l’urgence, parfois maladroitement,
improvisant une explication pour son doigt taché d’encre (II, 11), ou un stratagème pour
dissimuler la lettre du Comte (II, 15). De cette absence de conseils vient encore sa trop brusque
décision d’épouser Bartholo quand elle se croit trahie par Lindor (IV, 3). Ainsi, la place
particulière de Rosine dans le système des personnages détermine son comportement dans
l’intrigue.
Un aspect important présent dans le théâtre de Beaumarchais est la ruse féminine, qui
appartient aux effets comiques. Le Barbier de Séville , Le Mariage de Figaro et La Mère
Coupable, les trois pièces de la trilogie contiennent toutes une forme de ruse féminine. Mais dans

63 Dominique Morineau, Le Barbier de Séville/40 questions, 40réponses, 4 études , Ellipses Édition Marketing S.A.,
Paris, 1999, p.20.

57 La Mère Coupable les personnages sont devenus plus dramatiques, et la ruse féminine n’est pas
aussi importante que dans les deux autres pièces.64Beaumarchais utilise la ruse féminine pour
mettre ses personnages dans différentes situations comiques. Cette ruse étonne les spectateurs et
les fait rire, car il est drôle de voir comment les femmes dupent les hommes. Pour cela, il faut se
rappeler que les hommes à l’époque pensaient qu’ils étaient supérieurs aux femmes et cette
nouvelle attitude les a probablement surpris.
Dans Le Barbier de Séville, Rosine est la seul femme bien rusée. Cela commence dans
l’acte I, scène III, quand, sur son balcon, elle lance un billet à Lindor sous les yeux de Bartholo.
En fait, Lindor et le Comte sont le même personnage. Le Comte est déguisé en quelqu’un d’autre
pour s’assurer que Rosine l’aime à cause de son caractère et non pour son pouvoir et son argent.
Dans cette scène, Bartholo se plaint des pièces dramatiques à l’époque, quand Rosine lui raconte
que le papier dans ses mains est une chanson de la nouvelle comédie, mais Rosine ne l’écoute
pas. Elle sait que Lindor se cache devant le bâtiment et elle veut lui donner la lettre. Elle laisse le
papier tomber dans la rue : « ROSINE.-Le papier lui échappe et tombe dans la rue.-Ah ! ma
chanson ! ma chanson est tombée, en vous écoutant ; courez donc, Monsieur ; ma chanson ! elle
sera perdue » (I, 3). Rosine crée un moment de panique en criant : « Ah ! ma chanson ! ma
chanson ! […] », et elle demande à Bartholo d’aller chercher le papier : cela lui donne une
occasion de rester toute seule. Le rôle de Rosine est plutôt celui d’une victime. Elle est forcée à
se marier avec un vieillard et c’est lui qui s’oppose à l’amour entre elle et Lindor. Mais cette
victime sait réagir. Quand son tuteur lui fait savoir qu’elle est tombée dans les pièges du comte, à
l’acte IV, elle demande à Bartholo s’il veut l’épouser. Mais après cela, elle n’hésite pas à
tromper Bartholo. Beaumarchais présente Rosine comme un personnage naïf et sans beaucoup
d’expérience, cela aide les spectateurs à la voir avec beaucoup plus de sympathie que si elle était
un personnage cynique. Francis Richard, dans son article, constate : « La tyrannie du vieux
docteur suffit à elle seule à justifier les ruses de la pupille »65. Le rôle de Rosine n’est pas un rôle
comique, elle est plutôt un personnage tragique. Mais ce personnage se trouve souvent dans des
situations drôles.
Dans l’acte II, Rosine fait preuve de beaucoup d’imagination et d’ingéniosité pour se
jouer de Bartholo. Premièrement, Quand Bartholo a observé le doigt de Rosine taché d’encre,
une feuille manquante sur son écritoire, la plume noire d’encre, et il a commencé son dur
interrogatoire pour faire avouer à sa pupille qu’elle a écrit une lettre, Rosine a multiplié les
mensonges. Bartholo, incrédule, ferme sa porte à double tour. C’est le moment où le Comte,

64 Richard Francis, « La ruse féminine dans le théâtre de Beaumarchais », dans Beaumarchais : homme de lettres,
homme de société, Oxford, Peter Lang, 2000, p.178.
65 Ibidem, p.180.

58 déguisé en soldat, fait une entrée bruyante en feignant d’être ivre. Il tente en vain de donner une
lettre à Rosine, mais Bartholo s’en aperçoit et la renvoie dans sa chambre. La scène 15 de l’acte
II vise à provoquer une réflexion quant aux conditions des femmes en renouvelant les rôles
conventionnels du vieux barbon et de l’ingénue. C’est une scène comique, on parle ici du
comique de situation, puisque c’est une ingénue qui va s’assurer de cacher la lettre au nez de son
tuteur. La lettre est l’objet que Beaumarchais utilise afin de créer de différents jeux de scènes.
Cette lettre a une importance dramaturgique, parce qu’elle fixe l’enjeu de l’affrontement et
permet de révéler le caractère des personnages. Rosine, quand est amoureuse, tient tête à
Bartholo et elle montre du courage, de la ruse, de la force de caractère. Bartholo nous transmet
une jalousie excessive. Dans cette scène, il y a aussi un comique de geste, avec Rosine qui feint
l’évanouissement tandis que Bartholo va lui chercher de l’« eau spiritueuse », c’est-à-dire
alcoolisée.
Rosine n’est pas une ingénue, mais une jeune fille libertine qui joue à l’ingénue. Sa ruse
pour éviter d’être prise en flagrant délit consiste à faire croire à sa naïveté. C’est ce qui apparaît
dans la première partie de l’échange. Rosine feint l’étourderie, gage d’une innocence naturelle.
Devant la résistance de Bartholo, elle est cependant obligée de changer de tactique et adopte
alors le ton de la révolte. C’est un second détournement du type de l’ingénue, car l’ingénue
traditionnelle ne se rebelle pas et n’intervient pas dans la conduite de l’intrigue. Dans la
troisième partie de la scène, celle de l’évanouissement, les répliques de Rosine se dotent
d’accents de tragédienne. Elle troque le ton de la révolte et de la revendication caractérisé par de
nombreuses interrogations pour celui de la plainte, de la lamentation, dont la modalité
exclamative est la principale expression. Mais on observe aussi l’utilisation de l’hyperbole à
travers un vocabulaire excessif (« On me tuera », « Malheureuse » ; « je meurs »). Le terme
« fureur » est d’ ailleurs directement emprunté à la tragédie. On constate également la brièveté
des phrases qui comptent six syllabes et forment avec celles de Bartholo de quasi-alexandrins
blancs, d’autant plus qu’on y trouve une rime et une allitération en sifflantes [f] et [ƺ] :
« J’étouffe de fureur !/ Elle se trouve mal. /Je m’affaiblis, je meurs »66. Le champ lexical du
mensonge est composé des termes suivants : « Dissimulons », « feint », « ne pas le montrer »,
« sans qu’elle en soit instruite », « en se tournant un peu », « finement », « Qu’elle ignore »,
« fait semblant ». Leur répartition entre les différents personnages est intéressante : sur neuf, un
concerne le Comte, deux Rosine et six Bartholo.

66 Éloise Lièvre-Molkhou , Le Barbier de Séville, Beaumarchais, Livret pédagogique , Hachette Éducation, Paris,
2003, p.25.

59 La stratégie de Rosine compte plusieurs phases. Elle consiste d’abord à jouer l’innocence,
la distraction, puis à feindre la révolte pour éviter d’avoir à montrer à Bartholo la lettre du
Comte, et enfin, devant la résistance du tuteur, à simuler un évanouissement, puisqu’ elle a déjà
substitué la lettre de son cousin à l’autre, dans le but de culpabiliser Bartholo. Rosine parvient
parfaitement à ses fins ; elle semble sortir vainqueur sur tous les plans.
La scène 4 de l’acte III est aussi une situation dans laquelle Rosine se sert de la ruse.
Dans ce cas, il s’agit d’un extrait d’une ariette connue à l’époque. On remarque l’intelligence et
la présence d’esprit de Rosine qui sait exploiter un air connu pour l’appliquer à son destinataire
caché, le comte, tout en donnant l’impression de faire ses gammes musicales devant son tuteur.
Le commentaire que Rosine fait de l’air qu’elle va chanter peut recevoir deux interprétations:
l’une littérale, l’autre figurée. Littéralement, Rosine décrit le thème de la chanson : « un tableau
du printemps ». Mais le printemps est aussi un symbole : c’est la saison de l’amour. Ce qui fait
plaisir à Rosine, ce n’est pas le thème printanier du chant mais l’expression de son amour et de
celui du Comte. En évoquant la sortie de l’hiver, un cœur prisonnier, en le comparant à « un
esclave enfermé depuis longtemps », Rosine parle, grâce aux figures de la métaphore et de la
métonymie, de sa propre situation. Le cœur captif, c’est elle ; « la liberté qui vient de lui être
offerte », c’est l’amour de Lindor qui veut la soustraire à son tuteur67. L’ariette est une mise en
abyme de la pièce par son titre, par le prénom de Lindor qui y figure et aussi par son contenu
narratif. En effet, le deuxième couplet décrit métaphoriquement, et presque allégoriquement, la
situation de Rosine. Bartholo devient une « mère » qui surveille sa fille, une bergère qui « va
chantant »- ce que Rosine est en train de faire. Le chant est une « ruse ». La suite du couplet
permet à Rosine d’exprimer sa peur d’être découverte (« Mais chanter/Sauve-t-il du danger ? » et
le trouble adolescent qu’elle ressent face à son premier amour (« Tout l’excite/Tout l’agite »
etc.). La fin du deuxième couplet rappelle la scène 2 de l’acte II dans laquelle Rosine avait
« feint de se courroucer » en apprenant que le Comte était amoureux d’elle ; le troisième couplet
fait allusion à Bartholo (« jaloux »).

2.6. Les types de comique dans le Barbier de Séville
Le Barbier de Séville est une comédie qui emploie les outils traditionnels du comique,
hérités de la comédie classique, tels que nous les retrouvons chez Molière par exemple.
Beaumarchais utilise différents effets comiques ou techniques pour nous faire rire : les
exagérations, le jeu de cache-cache mis en scène, les inversions, les quiproquos, l’ironie et les
répétitions. Dans la Lettre modérée , Beaumarchais avoue qu’il a voulu faire « une pièce

67 Ibidem, p. 37

60 amusante et sans fatigue, une espèce d ’imbroille »68.Ce mot imbroille, présent dans le
Dictionnaire de l’Académie française de 1762 ou imbroglio (forme relevée dans le même
dictionnaire à partir de 1798) semble signifier d’abord confusion, embrouillement. Ce n’est qu’à
partir de la sixième édition (1835) de son dictionnaire que l’Académie relève le sens de « pièce
de théâtre dont l’intrigue est fort compliquée ». C’est la valeur qu’a le terme dans l’exemple de
Beaumarchais.69Au fur et à mesure qu’on lit la pièce, on remarque une riche progression
dramatique. Les rebondissements, les retournements sont nombreux tout au long de la pièce, à tel
point que les critiques les rapprochent parfois d’une évolution romanesque. La situation initiale
de la pièce est très embrouillée, nouée par les mensonges, les non-dits et les ruses : le Comte
croit que Bartholo est marié avec Rosine, Figaro le dément dans la scène 4 ; le Comte cache son
identité dans la rue et utilise Figaro comme couverture ; Rosine feint de laisser tomber un papier
avec une comédie nouvelle alors que nous apprenons plus loin qu’il s’agit d’un message pour le
Comte ; le docteur prépare en secret son mariage avec Rosine. Les intrigues, les secrets et les
ruses se multiplient ainsi tout au long du premier acte. Ce sont les précisions données pendant ce
long acte d’exposition qui permettent aux spectateurs d’y voir plus clair. Les scènes où des
personnages sont cachés se multiplient : scène 1, le Comte est caché pour observer Rosine ;
scène 2, par moments, le Comte se cache pour ne pas se faire apercevoir ; scène 3 et 5, le Comte
et Figaro sont cachés ; scène 6, Figaro se cache pendant la scène du balcon. L’acte I s’impose
comme un chassé-croisé de simulations et de dissimulations très attrayantes pour le lecteur.
Enfin Figaro et le Comte mettent en place la stratégie d’approche de la maison de Bartholo, et
l’acte I devient un acte programmatique de tout le reste de la pièce. L’auteur joue aussi sur une
complicité entre maître et valet tout au long de la pièce, jeu permis par leur passé commun. La
scène 2 de l’acte I montre que les deux personnages se connaissent déjà et que le maître avait
aidé le valet ; la pièce déploie ainsi la contrepartie de ce service rendu. L’acte I est ainsi
nécessaire à la mise en place de cette relation particulière entre maître et valet et à
l’éclaircissement de la situation initiale particulièrement embrouillée ; mais il permet en outre de
programmer le reste de l’action et de mettre le spectateur dans la confidence de ce qui se prépare.
L’acte II représente la défaite du trio de jeunes gens face au barbon redoutable. Le vieux
tuteur est rusé : il parvient à déjouer les ruses du couple, et la partie adverse doit convoquer
l’intelligence et la complicité de trois personnages pour mettre à mal sa méfiance et ses stratégies
de réclusion. Le Comte avoue la force de son adversaire à l’acte II, scène 3 : « Que ce diable
d’homme est rude à manier ! » À l’acte II, scène 15, Bartholo repère très bien le papier que le

68 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-VIe, 1934, p.18.
69 Gunnar von Proschwitz, Introduction à l’étude du vocabulaire de Beaumarchais , Genève, Slatkine Reprints,
1981, p.34.

61 Comte a essayé de glisser à Rosine, et lorsque le Comte présente un billet du Maréchal des logis
pour lui permettre d’être accueilli dans sa demeure, il se trouve que le docteur s’est fait exempter
du devoir de loger des gens de guerre. Le Comte y voit « un fâcheux contretemps » mais c’est
une véritable défaite de la première stratégie de rapprochement entre lui et Rosine. Dans l’acte
III, scène 2, on croirait que Bartholo peut à nouveau démasquer le Comte puisqu’il lui dit :
« vous avez l’air d’un amant déguisé que d’un ami officieux » ; pourtant dans cet acte le vieux
tuteur est dupé et il se termine avec la victoire du couplet amoureux.
Le dénouement est finalement heureux conformément à la comédie traditionnelle, et le
tableau final permet de réunir presque tous les personnages sur scène afin de révéler à tous les
aboutissements de l’action. C’est aussi la grande tradition de la comédie de finir avec un
mariage, une fête heureuse et unificatrice. Figaro fait preuve d’une confiance bien placée,
puisque la catharsis comique nécessite tout de même le plaisir du spectateur et le dénouement
final heureux. Figaro l’annonce dans sa dernière réplique, il s’agit de la victoire de « la jeunesse
et de l’amour ».70
Avant de connaître sa forme définitive de comédie, Le Barbier de Séville a été conçu
comme livret d’opéra-comique, puis comme parade destinée à être jouée chez Lenormant
d’Étiolles71. La pièce garde de la parade la verve, la gaieté, un rythme plein d’entrain. L’intrigue,
fort simple, consiste à faire triompher l’amour de deux jeunes gens, Rosine et Almaviva, en dépit
des obstacles que leur oppose la jalousie du vieux Bartholo. Pour soutenir l’intérêt du spectateur,
solliciter sa connivence et éviter un dénouement précoce, l’auteur utilise une série de péripéties,
de rebondissements et de coups de théâtre. D’un bout à l’autre, le comique domine la pièce ; il y
a le comique de personnage, le comique de situation et le comique de mots. Il émane tout
d’abord de l’intrigue qui, par ses multiples rebondissements, provoque quiproquos et rires en
cascade. Chaque stratagème imaginé par le comte et Figaro est successivement contrecarré par
une manœuvre, volontaire ou non, de Bartholo et Bazile. Les actions s’enchaînent d’une manière
très mouvementée. Beaumarchais laisse de multiples sujets d’inquiétudes au public, pour que
finalement les protagonistes s’en sortent de manière inattendue, soulageant par la même occasion
la crainte des spectateurs. Tous les rebondissements sont le cœur de la pièce. Ce sont eux qui
font rire ou s’inquiéter du sort des protagonistes : le rusé Bartholo découvre qu’il manque deux
feuilles, que la plume d’oie a été utilisée et que les doigts de Rosine sont pleins d’encre (acte II),
le Comte déguisé en militaire (acte II) manque de se faire prendre par Bartholo et celui-ci le
chasse, refusant de le loger, Bazile arrivant pendant le cours de musique de Rosine donné par son
prétendu élève, tout le monde le chassant pour une raison différente (III, 11), Bartholo qui

70 Beaumarchais, Le Barbier…, éd.. cit., p.92.
71 Xavier Darcos, Bernard Tartayre, Le XVIIIe siècle en littérature , Paris, Hachette, 1986, p. 301.

62 surprend le Comte faisant la cour à Rosine (III, 12) et d’autres. Mais ce sont ces rebondissements
qui font que la pièce se complique, s’embrouille pour devenir un imbroglio total, comme les
sentiments de Rosine par exemple. Ceux-ci changeront tout au long de la pièce. Ces
changements intempestifs font douter le public sur les sentiments réels de Rosine. Elle déclare
qu’elle aime le Comte (« Tout me dit que Lindor est charmant, /Que je dois l’aimer
constamment… »), puis elle dit à Figaro que ce n’est que « par pure amitié » (II, 2) et dans un
autre moment elle se laisse baiser le bras par le Comte pendant sa leçon (III, 4) À l’acte III, la
succession de très brèves scènes (scènes 5 à 10) est un exemple de ces accélérations de rythme
qu’affectionne Beaumarchais et qui rappellent, par la manière dont elle privilégient l’action sur
les dialogues, l’art de la commedia dell’arte . 72La construction serrée des dialogues constitue
l’autre ressort comique de la pièce. Beaumarchais préfère en règle générale l’alternance de
brèves répliques aux longues tirades, pratiquement absentes de la pièce. Les procédés auxquels il
a recours sont multiples : les répliques interrompues et complétées par un second personnage
(« FIGARO : Je vendais souvent aux hommes de bonnes médecines de cheval…LE COMTE :
Qui tuaient les sujets du Roi ! », I, 2), les répétitions (« FIGARO : Je me retire, il est fou. LE
COMTE : Et moi aussi ; d’honneur, il est fou. FIGARO : Il est fou, il est fou… », III, 13), les
jeux de mots (« LE COMTE : Savez-vous lire, Docteur…Barbe à l’eau ? », II, 13), les phrases à
double sens, sur lesquelles reposent les quiproquos de la pièce. À tous ces procédés, on ajoute
l’abondance des maximes souvent placées dans la bouche de Figaro. Ces dernières font évoluer
le comique vers le registre de l’audace et de l’insolence.
Le comique de la pièce tient avant tout au plaisir du jeu : jeu du Comte ou de Figaro, qui
trompent Bartholo, jeu de l’auteur, aussi, avec les lecteurs ou les spectateurs. Par sa simplicité,
l’intrigue du Barbier de Séville nous place dans un univers artificiel et léger, où seuls comptent
les rebondissements de l’action, qui annoncent un dénouement sans surprise : à tous les niveaux,
nous sommes dans le registre du jeu. L’entreprise dans laquelle se lance le Comte est une
aventure et un pari. Une aventure, car c’est une rupture avec son milieu et ses habitudes (I, 1) ;
mais c’est une aventure sans risque réel, où il n’a rien à perdre, sinon un peu d’amour-propre ; ce
n’est pas un changement de vie, mais un « déguisement » (I, 2) momentané. L’enjeu qu’il se
donne, « être aimé pour soi-même » (I, 1) ne semble pas être beaucoup plus stimulant que la
difficulté même de l’entreprise ; c’est ce que suggère Beaumarchais dans sa Lettre modérée :
« Le jeune amant, qui n’eût peut-être eu qu’un goût de fantaisie pour cette beauté, s’il l’eût
rencontrée dans le monde, en devient amoureux parce qu’elle est enfermée, au point de faire
l’impossible pour l’épouser ».Figaro, lui-aussi, s’engage par esprit ludique. D’entrée, il rit à
gorge déployée de la ruse de Rosine (I, 4) ; quant au déguisement du Comte, devenu « Lindor »,

72 Delphine Bernard, La littérature française au bac, Paris, Belin, 1996, p.48.

63 c’est pour lui une « mascarade », c’est-à-dire comme une fête travestie. Avant ses intérêts
matériels, c’est le plaisir du jeu qui le stimule. Il commence à construire des plans au
conditionnel, comme les enfants qui se préparent à jouer: « Je cherche dans ma tête si la
pharmacie ne fournirait pas quelques petits moyens innocents… » (I, 4) ; « il ne serait même pas
mal que vous eussiez l’air entre deux vins… » (I, 4). 73
Les actions simples auxquelles donne lieu l’intrigue sont aussi de l’ordre du jeu ; Figaro,
le Comte et Rosine s’y livrent avec enthousiasme. Le déguisement est la ruse favorite du Comte,
qui, avant même de rencontrer Figaro, s’était inventé le personnage de Lindor. La pièce dégage
le plaisir du jeu et le plaisir des mots. Jouer signifie se cacher (Figaro et le Comte : I, 3 ; I, 5 ;
Figaro seul : II, 3-8), escalader une fenêtre (IV, 5) ou improviser une chanson (I, 6). Transmettre
une lettre, échanger quelques mots avec Rosine exigent adresse et subtilité ; le Comte, dans ce
but, invente toute une mise en scène de bataille : « Figurez-vous (poussant le docteur) d’abord
que l’ennemi est d’un côté du ravin, et les amis de l’autre. (À Rosine, en lui montrant la lettre).
Sortez le mouchoir. (Il crache à terre.) Voilà le ravin, cela s’entend. (Rosine tire son mouchoir ;
le Comte laisse tomber sa lettre entre elle et lui » (II, 14). Dans un tel passage, on peut noter que
les didascalies tiennent autant de place que le dialogue. Dans de nombreuses scènes, le texte est
doublé par une véritable pantomime : une partie de cache-cache double le jeu de dupes des
échanges verbaux. Ainsi, tandis que Bartholo et Bazile s’entretiennent secrètement, « FIGARO,
caché dans le cabinet, paraît de temps en temps, et les écoute. » (II, 8). L’ariette de Rosine est
ponctuée par un jeu de scène répété, celui du baiser interrompu par les réveils de Bartholo (III,
4). À la scène 12 du même acte, le barbier cherche à masquer du mieux qu’il peut les deux
amants.
Tous les personnages sont des virtuoses du langage. Le dialogue ressemble souvent à un
véritable duel verbal, au-delà même des nécessités de l’intrigue. Comme disait J. Schérer, les
personnages semblent souvent « pris d’une sorte d’ivresse verbale »74, qui les pousse à
accumuler les mots, à jouer avec leurs sons, avec leurs sens. Cette tendance culmine avec les
tirades de Figaro (I, 2) et de Bazile (II, 8). Les jeux de mots, comme dans le portrait de Bartholo,
« rusé, rasé, blasé » (I, 4) provoquent des effets sonores. La rapidité des échanges est accentuée
par une tendance inverse, celle à l’ellipse, au sous-entendu. De ce point de vue, les
enchaînements des répliques sont particulièrement soignés. Un personnage peut reprendre
l’avantage en répétant un mot de la réplique précédente : « ROSINE.-[…] J’en suis plus révolté
encore. BARTHOLO.-Comment, révoltée ? » (II, 15). Il peut terminer la phrase du premier :

73 Dominique Morineau , Le Barbier de Séville; 40 questions, 40réponses, 4 études , Paris, Ellipses Édition
Marketing S. A., 1999, p.57.
74 Ibidem, p.58.

64 « LE COMTE.-Ainsi, ses moyens de plaire sont…FIGARO.-Nuls. » (I, 4). Ici, la brièveté du
monosyllabe accentue l’effet.
Le Barbier de Séville répond aux critères de la comédie définie par l’époque classique. La
pièce comprend quatre actes, le premier étant l’exposition parce qu’elle fixe le cadre spatio-
temporel donne des informations sur les personnages, les deux suivants les péripéties et le
quatrième le dénouement heureux. Le comique de la scène d’exposition vient de l’opposition
marquée entre les deux personnages. Figaro et le Comte ne sont pas de la même classe sociale :
l’un est riche, l’autre est pauvre ; ils se comportent différemment (l’un est discret, l’autre
extraverti) ; ils sont animés de sentiments différents (l’un est inquiet, l’autre joyeux). Le ressort
de l’intrigue est l’amour. Le comique de mot, de geste et de situation est partout présent.
Beaumarchais met en pratique aussi la règle des trois unités : l’unité de temps, de lieu et
d’action. L’action se passe dans une seule journée, du matin où Almaviva rencontre Figaro, au
soir où Rosine est mariée au Comte. Cependant, le temps se dilate par moments, pour les
chansons de Figaro (I, 2), du Comte (I, 6) et de Rosine (III, 4) et s’accélère ensuite, pour les
préparatifs du mariage décidé par Bartholo (I, 5 ; II, 8 ; IV, 3). L’unité de lieux est aussi
respectée, car la pièce se joue dans deux endroits opposés : à l’extérieur, dans la rue, devant chez
Bartholo ; puis à l’intérieur, dans les appartements de Rosine. Et pour finir l’unité d’action : une
seule histoire est relatée dans la pièce. Au XVIIIe siècle, la comédie se caractérise par des
personnages bourgeois ou de petite noblesse, par un aspect comique et de sujets légers. Dans Le
Barbier de Séville , dès les premières scènes, le spectateur comprend que ce ne sera pas une
tragédie, parce que les personnages ne sont pas mythologiques ni historiques ni des personnes de
très haut rang, le titre de Comte ne correspondant pas à un titre de noblesse considérable. D’autre
part, les thèmes abordés sont légers. Les champs lexicaux utilisés le prouvent. La pièce aborde la
recherche du bonheur, l’amour, le plaisir, donc des sujets caractéristiques de la comédie. Les
mots « bonheur », « cœur » et « plaisir » sont ainsi présents à la fois dans les répliques du Comte
et de Figaro. Beaumarchais pose dès les premières scènes le cadre, le lieu, le temps, le ton. Il
joue sur les oppositions des personnages pour éveiller la curiosité du spectateur et le faire
sourire.

2.7. La chanson dans Le Barbier de Séville
Le théâtre européen, par ses racines grecques, a un lien originel avec la musique, mais
bien moins organique que le cinéma. Avec Le Barbier de Séville , Beaumarchais entre comme
auteur dramatique dans la voie des grands succès et en même temps des grandes tribulations. Sa
première comédie, avant de pouvoir se produire sur la scène, a rencontré presque autant

65 d’obstacles que la seconde, et a subi diverses transformations. La relation de Beaumarchais avec
la musique se révèle d’un rapide aperçu de sa vie ; on sait qu’il a été, grâce à son talent musical,
le professeur de harpe des filles du roi Louis XV75. Il a composé de nombreuses chansons
populaires, qui ont eu d’ autant plus de succès que leur auteur était célèbre pour ses affaires,
judiciaires ou secrètes au service de la Cour, en France comme à l’étranger. Dans sa version
originelle, malheureusement perdue, Le Barbier de Séville était un opéra-comique ; refusé par les
comédiens italiens, Beaumarchais l’adapte pour les comédiens français, mais en conservant
plusieurs chansons dans la version définitive que nous connaissons. La pièce a été écrite en 1772
et joué en février 1775. Dans ses lettres de Madrid, à côté d’un dédain assez marqué pour le
théâtre espagnol en général, Beaumarchais manifeste un enthousiasme très vif pour la musique
espagnole, et particulièrement pour les intermèdes chantés connus sous le nom de tonadillas ou
saynètes. C’est le souvenir de ces tonadillas qui paraît avoir donné naissance au Barbier de
Séville ; il a été d’ abord composé pour faire valoir des airs espagnols que Beaumarchais avait
apportés de Madrid et qu’il arrangeait à la française. « Je fais, écrit-il à cette époque, des airs sur
mes paroles et des paroles sur mes airs. »76
Dans La Lettre modérée sur la chute et la critique, qui est la préface du Barbier de
Séville, Beaumarchais aborde brièvement la question de la musique et celle de la danse : «[avoir
] toujours chéri la musique sans inconstance et même sans infidélité » et il s’ en prend à la
« musique dramatique » française (opéra et opéra-comique), incapable, selon lui, de produire
« un véritable intérêt [de l’émotion] ou de la gaieté franche ».77Les musiciens se sont éloignés
« de la nature », se soumettent à des lois artificielles qui donnent trop à la virtuosité musicale aux
dépens des paroles, c’est-à-dire du mouvement dramatique et de l’expression des passions. Dans
la préface de Tarare (livret en vers de Beaumarchais, musique de Salieri, 1787), il manifeste en
faveur d’un renouvellement énergique de l’opéra : « il y a trop de musique dans la musique du
théâtre ».La musique devrait servir les mots, à la façon du vers dans la tragédie et la comédie :
« Je pense donc que la musique d’un opéra n’est, comme sa poésie, qu’un nouvel art d’embellir
la parole, dont il ne faut point abuser ».78
Dans la pièce de théâtre Le Barbier de Séville , le chant et la musique représentent des
éléments essentiels à la progression dramatique. Ils sont des moyens, pour les amants séparés, de
se déclarer leur amour de manière détournée. Le chant est une autre forme de parole qui permet
aux amoureux qui ne peuvent pas se parler de s’entendre et de s’échanger des messages. On

75 Hélène Sabbah, XVIIIe siècle, Paris, Hatier, 1989, p. 388.
76 Louis de Loménie, Beaumarchais et son temps:études sur la société en France au XVIIIe siècle, Tome premier,
Paris, Michel Lévy Frères, Libraires-Éditeurs, 1858, p.451
77 Beaumarchais, Le Barbier de Séville, éd. Jean Goldzink, Paris, GF Flammarion, 2001,p. 169.
78 Ibidem, p. 169.

66 rencontre neuf passages musicaux dans Le Barbier de Séville, la musique étant comme un
langage dramatique parallèle et complémentaire du discours. La musique intervient sous diverses
formes dans le développement de l’action dramatique de la comédie espagnole : les ariettes de
Rosine, la ritournelle de Bartholo, la parole chantonnée de Figaro, les airs de Lindor.
À l’acte I, d’après les didascalies, le comte Almaviva « tire sa montre en se promenant »
(I, 1), tandis que Figaro, « une guitare sur le dos, attaché en bandoulière avec un large ruban ; il
chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main » (I, 2). Cette attention dynamique aux
gestes, aux objets, aux actions, est typique pour la dramaturgie de Beaumarchais, extrêmement
précise et animée. Dès le début de la pièce, le joyeux barbier compose des vers sur un thème
convenu de chanson à boire (l’ivresse et la paresse), avec l’espoir d’une revanche sur la
« cabale », qui aurait donc fait chuter, injustement bien sûr, sa grande œuvre. Beaumarchais a
tenu lier l’ingénieux épisode introductif de la chanson avec le dialogue qui suit, grâce au thème
de la cabale et des déboires artistiques de Figaro. Il se permet aussi, à l’aide de ses vers, de s’en
prendre aux librettistes contemporains : « mon Dieu, nos faiseurs d’opéras-comiques n’y
regardent pas de si près. Aujourd’hui, ce qui ne vaut pas la peine d’être dit, on le chante ».79 La
guitare est l’instrument par excellence qui peint l’atmosphère espagnole, et elle est présente aussi
dans Le Mariage de Figaro. Dans la scène 6, il la confie à Almaviva pour que celui-ci ne dénote
pas à Séville tout en lui donnant quelques conseils rudimentaires (« avec le dos de la main ;
from, from, from…Chanter sans guitare à Séville ! vous seriez bientôt reconnu, ma foi, bientôt
dépisté », acte I, scène 6). Puis, emporté par son enthousiasme pour « le nerf de l’intrigue », il
néglige de la récupérer avant sa sortie, et se récrie : « J’oublie ma guitare, moi ? Je suis donc
fou ! » (acte I, scène 6).Tandis que Figaro rit, le Comte s’émeut : « Ma chère Rosine ! » et ce
contraste canonique ne nuit pas à la gaieté. Figaro s’aperçoit que Rosine les observe à travers la
jalousie, une fois Bartholo sorti pour assurer le mariage secret du lendemain (I, 5-6). Il presse
donc le Comte de chanter. Celui-ci se pose alors une question en soi naturelle, mais tout à fait
inhabituelle au théâtre, et donc piquante : « Mais comment chanter sur cette musique ? Je ne sais
pas faire de vers, moi ! » (I, 6). Cette réplique inattendue renvoie à la scène 2 de l’acte I, à
l’opposition du grand seigneur et du littérateur raté griffonnant sa chanson à boire, narrant ses
déboires héroico-comiques à un aristocrate dédaigneusement ironique. Mais la situation s’est
inversée, le Comte a perdu de sa superbe à l’égard des pauvres diables de versificateurs. La
paresse des privilégiés risque de le laisser sans voix. Figaro écarte l’objection piteuse par un mot
d’esprit en forme de maxime (« en amour, le cœur n’est pas difficile sur les productions de
l’esprit »), et lui tend sa guitare. Beaumarchais n’hésite pas à redoubler l’effet, et à en souligner
le sens : « Le Comte : Que veux-tu que j’en fasse ? j’en joue Si mal ! Figaro : Est-ce qu’un

79 Beaumarchais , Le Barbier …, éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-VI, 1934, p. 26.

67 homme comme vous ignore quelque chose ? Avec le dos de la main : from, from, from… »)80
Tandis que son maître chante ses trois couplets tendres, Figaro, à voix basse, passe des
encouragements à la surprise admirative, avant de s’extasier sur le trait final, d’une ingéniosité
pourtant médiocre ! [« Je bornerai mes plaisirs à vous voir ; Et puisiez-vous en trouver à
m’entendre ! –FIGARO : Oh !ma foi, pour celui-ci !… (Il s’approche et baise le bas de l’habit de
son maître) »]. La chanson reste ainsi fermement liée à la dramaturgie, tant sur le plan de
l’action(le Comte cache son identité, afin qu’on l’aime pour lui-même) que du comique, à travers
les commentaires de Figaro, et le décalage amusant entre leur admiration croissante et l’objet de
cette vive passion. On observe que par la parole chantée s’établit le premier dialogue entre les
deux amants, vite interrompu, après deux vers de Rosine, par « une croisée qui se ferme avec
bruit ». Le chant finit en cacophonie, l’unisson en séparation brutale, la rêverie amoureuse en
gag, avec rappel, par un procédé sobre et efficace, du grand motif de l’enfermement, qui domine
le destin de Rosine dans la trilogie. 81 Une réplique de Figaro ajoute cette indication intéressante,
qui met l’accent à la fois sur la voix, la situation, et le personnage de la jeune fille vue par un
domestique à la fois cynique et compatissant : « Ah ! la pauvre petite, comme elle tremble en
chantant ! Elle est prise, monseigneur ». Cynique, car Figaro n’imagine pas que le Comte songe
sérieusement à épouser Rosine, comme le veut la convention des comédies. Beaumarchais n’a
pas fini, dans cette scène si riche, avec le motif musical ; il veut terminer l’acte sur un double gag
de distraction. Alors que Figaro s’éloigne, le Comte le rappelle : « LE COMTE : Figaro ? –
FIGARO : Qu’est-ce que c’est ? –LE COMTE : Et ta guitare ? –FIGARO revient : J’oublie ma
guitare, moi ? Je suis donc fou ! Il s’en va. » L’instrument espagnol a traversé tout le premier
acte, de la chanson à boire à la chanson amoureuse, toutes improvisées, mais au service de deux
passions différentes, la vengeance d’abord, l’amour ensuite. On remarque au cours de cet acte
l’attention exceptionnelle aux composantes proprement théâtrales de l’art dramatique (gestes,
mouvements, objets, voix), à leur connexion la plus serrée possible, au profit de la rapidité et de
la densité maximales des effets comiques de tous ordres.
Le thème musical ouvert par la chanson de Figaro revient dès la scène 3, également sous
forme d’un papier dans les mains de Rosine : « des couplets de La Précaution inutile que mon
maître à chanter m’a donnés hier », dit-elle à Bartholo, en fait une lettre qu’elle lâche par la
fenêtre. C’est une ruse comique, la manière dont se sert Rosine pour avertir son galant caché
sous la fenêtre et le premier rappel du thème dramatique de riche tradition qui sert de sous-titre à
la pièce. Beaumarchais en profite pour présenter un Bartholo hostile aux Lumières, sous les
espèces du drame, de la liberté de penser, de la tolérance. Parmi les nouveautés du XVIIIe siècle

80 Ibidem, p. 37.
81 Beaumarchais , Le Barbier… , éd. Jean Goldzink, Paris, GF Flammarion, 2001 p. 175.

68 que critique Bartholo se trouve l’Encyclopédie. Cet imposant dictionnaire a été publié entre 1751
et 1772 sous la direction de Diderot, avec la collaboration des plus grands savants et penseurs de
l’époque. Son succès a tenu à deux facteurs : d’une part, c’est un ouvrage de vulgarisation, qui
met à la disposition du public les connaissances scientifiques et les savoir-faire techniques les
plus récents ; d’autre part, c’est une œuvre engagée, souvent audacieuse, qui diffuse largement
les idées nouvelles des philosophes des Lumières.82 C’est à ce double titre que l’ouvrage est
attaqué par Bartholo : celui-ci, dans le même passage, rejette aussi les découvertes scientifiques
récentes ; même qu’il est médecin, il refuse les progrès décisifs pour la santé publique comme
l’inoculation antivariolique et l’utilisation du quinquina. Mais le vieil homme s’en prend aussi
aux idées nouvelles défendues par l’ Encyclopédie , telles que la liberté de penser et la tolérance,
ainsi qu’au genre littéraire du drame, défini par Diderot et pratiqué par Beaumarchais. À l’aide
de ces allusions aux débats de l’actualité, on peut définir la personnalité du Bartholo : c’est un
homme attaché au passé, hostile par principe à toute nouveauté et qui refuse de se reconnaître
dans son époque, qualifiée par lui de « siècle barbare » (I, 3). L’adjectif « nouveau », qui a une
connotation positive pour Rosine (« une comédie nouvelle »), est fortement dépréciatif pour le
docteur (« quelque sottise d’un nouveau genre »). L’opposition entre les deux personnages est
celle de la jeunesse, qui va de l’avant, et de la vieillesse, qui répugne au changement.
L’orchestration dramaturgique de la chanson témoigne d’une grande virtuosité, au service d’une
scène rapide, très animée, qui active l’espace, les gestes, les mouvements, les voix, autour d’un
objet à la fois menu et spectaculaire, une feuille de papier tombant du balcon83. Bartholo ferme
désormais toute communication par la fenêtre, et le billet de Rosine indique lui-même le mode
de la réponse (« chantez indifféremment, sur l’air connu de ces couplets, quelque chose qui
m’apprenne enfin le nom, l’état et les intentions de celui qui paraît s’attacher si obstinément à
l’infortunée Rosine », I, 4). Très habilement, Beaumarchais prolonge l’effet de la scène 3 en
confiant à Figaro un comique exercice d’imitation [« Figaro, contrefaisant la voix de Rosine :
Ma chanson ! ma chanson est tombée ; courez, courez donc, (il rit) » I, 4].
Le deuxième acte compte seize scènes et la musique intervient avec l’entrée du Comte,
déguisé en cavalier saoul (conformément à ce qui a été convenu et annoncé au premier acte) à la
scène 12, et disparaît avec lui dans l’avant-dernière scène. À l’acte II, scène 8, Bazile et Bartholo
tentent de mettre en place un stratagème pour éloigner le Comte Almaviva de Rosine ; pour cela,
ils utilisent un langage spécifique au champ lexical de la musique : « D’abord un léger, bruit,
rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le

82 Dominique Morineau, Le Barbier de Séville; 40 questions, 40réponses, 4 études , Paris, Ellipses Édition
Marketing S. A., 1999, p. 14.
83 Beaumarchais, Le Barbier de Séville , éd.Jean Goldzink, Paris, GF Flammarion, 2001, p.174.

69 trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille
adroitement. Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche
il va le diable… ».84Même si le discours est parlé, le langage musical permet de dissimuler
quelque chose. Il est le moyen d’exprimer une chose qui semble inexprimable dans le langage
usuel.
Le Comte, déguisé en soldat, et prétendant avoir un billet de logement, c’est-à-dire un
ordre de réquisition signé des autorités militaires, oblige Bartholo à l’héberger pour une nuit. Il
pense s’installer dans la place pour une journée, afin d’entrer plus facilement en communication
avec Rosine. Ce premier projet échoue, puisque Bartholo dispose d’un brevet d’exemption qui le
dispense de loger des militaires. Mais le Comte n’en est pas autrement affecté : il dispose d’un
plan de rechange, qui consiste à faire passer une lettre à Rosine. Cette deuxième tentative ne
réussit pas trop bien non plus : Bartholo a vu la lettre, et Rosine aura toutes les peines du monde
à éviter qu’il ne s’empare (II, 15). De plus, quand elle va ira enfin, il sera trop tard pour en tirer
profit (II, 16). Cette première intrusion du Comte déguisé ne fait nullement progresser l’action.
Les deux héros n’en sont pas plus avancés. L’enjeu de la scène, loin de toute efficacité
dramatique est avant tout dans l’affrontement verbal entre les deux personnages. Cette joute
comique appartient au registre de la farce. Dans ce duel, le Comte est le plus fort : son
personnage d’ivrogne lui autorise toutes les transgressions, le jeu le plus libre avec les mots :
ainsi les déformations plaisantes du nom du docteur (« Balordo, Barque à l’eau », II, 12 ; « Barbe
à l’eau »- II, 13 ; « Barbaro »- II, 14), ou les railleries sur son âge : « Je vous ai pris pour son
bisaïeul paternel, maternel, sempiternel » (II, 14). Ce sont les vers d’un portrait ridicule chanté
sur un air à la mode (II, 13).L’important n’est pas le contenu des railleries, mais leur effet :
montrer un Bartholo rageur, mais impuissant devant l’insolence du faux ivrogne. Ses répliques
sont beaucoup plus brèves que celles du Comte. Sa défaite verbale se voit encore au fait qu’il
répète les sobriquets inventés par Almaviva (II, 14), et qu’il achève les plaisanteries de celui-ci.
Mais la principale supériorité du Comte dans sa maîtrise du langage tient à sa capacité d’user du
double sens, en multipliant les allusions qui ne peuvent être saisies que par Rosine ou par le
spectateur, comme les emplois du mot « lettre » ou de l’expression « billet doux » (II, 14). Pour
vaincre Bartholo, l’homme des murs, des portes, des grilles et des clefs, le Comte multiplie les
mots, les messages, les significations. Il met en circulation plus d’information que l’autre ne peut
en intercepter. Pour renouveler les sources d’intérêt, l’acte II accorde moins de place aux
références musicales, en faveur d’un comique appuyé sur la farce, réalisé par le travestissement
du Comte en soldat ivre. La première allusion apparaît dans la scène 2 : « ROSINE : Dieux !
J’entends mon tuteur. S’il vous trouvait ici…Passez par le cabinet du clavecin et descendez le

84 Beaumarchais, Le Barbier…, éd. Pierre Richard, Librairie Larousse-Paris-VI,1934, p.48.

70 plus doucement que vous pourrez ».La seconde allusion, dans la scène 4, fait revenir le motif
récurrent de la précaution (« BARTHOLO : J’aime mieux craindre sans sujet que de m’exposer
sans précaution ; […] N’a-t-on pas ce matin encore ramassé lestement votre chanson pendant
que j’allais la chercher ? »), et engage un dialogue fort vif entre Rosine et son tuteur abusif, mais
perspicace. Après les scènes de bâillements et d’éternuements (scènes 6 et 7), paraît Bazile, dont
Bartholo s’imagine à tort qu’il est venu « donner à Rosine sa leçon de musique » (II, 7). Bazile
apporte en réalité la mauvaise nouvelle de l’arrivé du Comte à Séville. Ce moment est loin de la
musique. Mais elle va surgir d’une manière aussi inattendue que brillante, dans la fameuse tirade
de la calomnie, scandée comme un morceau musical-un grand air-dont la force irait croissant
(pianissimo I piano, piano I rinforzando I crescendo I chorus).85 Dans la scène 11, Bartholo, en
examinant les doigts de Rosine, tachés d’encre, et le nombre des feuilles de papier, réveille
l’écho de La Précaution inutile lancée par la fenêtre dans l’acte précédant. C’est à ce moment
que le Comte entre en scène, « en uniforme de cavalerie, ayant l’air d’être entre deux vins et
chantant : Réveillons-là, etc. », air à la mode dont la partition s’est perdue. Après la chanson à
boire, la chanson ivre. Après la chanson tendre, la chanson grotesque. À la lettre jetée du balcon
avec tant d’à-propos répond également la lettre que le Comte tente en vain de lui transmettre
sous l’œil aux aguets du barbon, qui s’empresse de faire rentrer Rosine (II, 12). Engagé dans une
conversation périlleuse avec le docteur, le Comte s’efforce de la faire durer en scandant (entre
diction et chant) les trois premiers vers d’une description burlesque de Bartholo, sans doute sur
un rythme connu des spectateurs.
Une édition de 1809 propose avec quelque vraisemblance l’air d’une chanson grivoise, au
titre adapté à la situation (« Ici sont venus en personne »), et la grivoiserie de son contenu retient
Beaumarchais de désigner l’air.86 La chanson, à double entente, décrivait en effet les attraits
cachés des deux amants sous des mots d’apparence innocente. Mais la plaisanterie n’est pas
goûtée par sa victime, et le Comte, qui se prétend « médecin des chevaux du régiment » comme
le fut Figaro (I, 2), s’oriente sur un autre air (« Air : Vive le vin ») et un nouveau thème, médical
et tout aussi satirique à l’égard du docteur. Cet air, très connu alors, du compositeur Monsigny
est emprunté à la pièce d’un ami de Diderot, Sedaine, qui remporta un grand succès avec Le
Déserteur (1769).Dans le drame pathétique de Sedaine mis en musique par Monsigny, c’est le
héros, menacé de mort qui chante cet air. Beaumarchais ne se contente pas de mettre en parallèle,
par la mélodie, soldat émouvant de drame bourgeois et faux soldat de franche comédie. Il
distingue un premier couplet non chanté, c’est-à-dire scandé au rythme de l’air, du second,
pleinement chanté cette fois. On pourrait dire qu’il s’agit d’une attention aux détails, d’une

85 Beaumarchais, Le Barbier…, éd. Jean Goldzink,Paris, GF Flammarion, 2001, p.176.
86 Ibidem, p.176.

71 vigilance artistique continue. On retrouve cette virtuosité dans le traitement, riche en
rebondissements ingénieux, de la lettre que le Comte finit par remettre à Rosine sans tromper
Bartholo. Mais l’ingénue sans expérience du monde se révèle plus adroite que le barbon et le
grand seigneur amoureux (scènes 14 et 15). La progression dramatique est d’une rigueur
magistrale : toutes les scènes dans lesquelles joue Rosine sont marquées par le sceau du drame.
La tension, palpable, est présentée suivant une gradation : on passe de l’inquiétude quand elle se
sent hors-la-loi seule ou avec Figaro à la tension vis-à-vis du perspicace inquisiteur Bartholo,
dans la scène 4, puis à la colère qui éclate dans la dernière scène (« J’étouffe de fureur »). Les
deux airs du Lindor (le portrait du signalement et la satire des médecins) ne sont pas fonctionnels
sur le plan de l’intrigue ; leur intérêt est tonal et permet de détendre le public en sympathie avec
les jeunes premiers.
L’acte III est connu pour la célèbre leçon de musique (les scènes 4-6), qui marque
l’apothéose de la rencontre amoureuse entre Rosine et le Comte. Chassé comme militaire en
quête de logement, le Comte revient en « bachelier », « élève de Don Bazile, organiste du grand
couvent » (III, 2), prétendument malade. Il ne parvient à se maintenir dans la maison qu’en
remettant à Bartholo la lettre de Rosine et en improvisant, en authentique élève de Bazile, une
calomnie à l’égard de lui-même : « […] nous lui montrerons sa lettre et s’il le faut (Plus
mystérieusement) j’irai jusqu’à lui dire que je la tiens d’une femme à qui le comte l’a sacrifiée. »
(III, 2) Figaro ne réapparaît qu’à la scène 5. C’est lui qui a appris son rôle au Comte, qui lui a
indiqué le comportement à suivre face au docteur : « Figaro le connaît bien » remarque
Almaviva dans un bref monologue (III, 3). « Figaro va venir nous aider » chuchote-t-il très vite à
l’oreille de Rosine (III, 4). Le barbier, qui reste un instant immobile « dans le fond » (III, 5) est
donc, en quelque sorte, le metteur en scène d’abord invisible de la farce jouée par le Comte.
Celui-ci, acteur convaincant, apparaît même comme le double du barbier. Ses premiers mots à
l’acte III (« Que la paix et la joie habitent toujours céans ! » III, 2) sont comme un écho de la
gaieté naturelle de Figaro, qui entre en scène en chantant : « Banissons le chagrin » (I, 2). Le
Comte épreuve une rapidité à improviser : il a l’ « inspiration subite » de montrer au vieillard la
lettre de Rosine (III, 3). Au cours de l’acte III, le comte doit communiquer à Rosine deux
renseignements capitaux : le premier est qu’il va se présenter le soir même à la fenêtre de la
jalousie ; le second qu’il a dû montrer à Bartholo la lettre qu’elle lui a écrite. L’enjeu dramatique
de l’acte III est que le Comte puisse donner ces informations à la jeune fille, à temps. On
retrouve ici le principe de la « course contre la montre » : Almaviva parviendra-t-il à parler à
Rosine avant que Bartholo l’ait démasqué ? L’acte III fait alterner des occasions favorables et
des contretemps. Les occasions favorables sont les suivantes : lorsque Bartholo quitte la scène
(III, 6 ; III, 9) ; quand il s’endort (III, 4) ; quand son attention est détournée par le barbier (III,

72 12). Mais les moments de tête-à-tête entre les deux jeunes gens sont très brefs, car le retour ou le
réveil inopiné du docteur vient vite les interrompre. Par exemple, la très courte scène 6 ne permet
que l’échange d’une information matérielle sur la clef de la jalousie. Le mécanisme de l’acte III
est résumé par un jeu de scène répété qui scande l’ariette de Rosine (III, 4) : chaque fois que le
Comte se hasarde à baiser la main de la jeune fille, « l’émotion ralentit le chant de Rosine,
l’affaiblit, et finit même par lui couper la voix […]. L’absence du bruit, qui avait endormi
Bartholo, le réveille ». Seule la première information a été communiquée (III, 9 ; III, 12). Quant
à la seconde, celle qui concerne la lettre, elle n’a pu être transmise : à deux reprises, Almaviva a
été obligé d’interrompre sa phrase : « Et quant à la lettre que j’ai reçue de vous ce matin, je me
suis vu forcé… » (III, 9) ; « Et quant à votre lettre, je me suis trouvé tantôt dans un tel embarras,
pour rester ici… » (III, 12). Ces deux points de suspension rendent possible la calomnie de
Bartholo : Rosine aurait été trahie par son amant (IV, 3). Toute l’intrigue, à l’acte IV, repose sur
ce malentendu.87
La leçon de musique consiste, à nouveau, dans un morceau de La Précaution inutile, une
ariette « dans le goût espagnol » consacrée au printemps. Avant de la chanter, Rosine, tournée
vers le Comte, en fait un commentaire poétique qui vaut comme allégorie de ses sentiments et de
sa situation, et en somme de la pièce : « Au sortir de l’hiver, il semble que le cœur acquière un
plus haut degré de sensibilité ; comme un esclave enfermé goûte… ». L’ariette de Rosine,
d’après la partition, implique tout l’orchestre, soit dix-huit musiciens, plus un joueur de flageolet,
et met en jeu des intentions musicales nettement plus ambitieuses, comme Bartholo, malgré sa
bonne volonté affichée, le remarque assez drôlement88 : « […]est-ce qu’il n’y aurait pas moyen
de lui faire étudier des choses plus gaies que toutes ces grandes arias, qui vont en haut, en bas, en
roulant, hi, ho, a, a, a, a, et qui me semblent autant d’enterrements ? » La chanson se fonde
dramatiquement sur l’impossibilité d’un dialogue direct entre les deux jeunes gens, et le désir
compréhensible de prolonger leur rencontre. Pour une comédie, ce chant est trop long ; mais la
plus efficace justification d’un chant aussi long dans une comédie aussi rapide serait plutôt
d’ordre comique, comme Beaumarchais l’a bien senti en imaginant l’endormissement de
Bartholo, qui incite le comédien à en imaginer le mime progressif, en contrepoint de la mélodie
amoureuse. Le Comte, pendant la petite reprise, se hasarde à prendre une main qu’il couvre de
baisers, L’émotion ralentit le chant de Rosine, l’affaiblit, et finit même par lui couper la voix au
milieu de la cadence, au mot « extrême ». L’orchestre suit le mouvement de la chanteuse,
affaiblit son jeu et se tait avec elle. L’absence du bruit qui avait endormi Bartholo le réveille. Le

87 Dominique Morineau, op. cit., p.29.
88 Beaumarchais, Le Barbier…, éd.Jean Goldzink, Paris, GF Flammarion, 2001, p.180.

73 comte se relève, Rosine et l’orchestre reprennent subitement la suite de l’air. Si la petite reprise
se répète, le même jeu recommence.
Beaumarchais insère des chansons dans Le Barbier de Séville et aussi dans les deux
autres pièces de la trilogie avec un réel souci de vraisemblance. Par exemple, dans la scène avec
l’entrée du Comte faussement ivre, au deuxième acte, sa satire des médecins sur l’air « Vive le
vin » est parlée avant d’être chantée (II, 13). Plus tard, Bartholo « cherche en se grattant la tête et
chante en faisant claquer ses pouces et dansant comme les vieillards » pour sa ritournelle, qu’il
commence par un coup d’essai (3 vers), s’interrompant lui-même pour amorcer (et justifier) son
récital (III, 4 et 5). Du reste, le barbier-musicien commençait-t-il par « chantonner gaiement’’ sa
nouvelle composition ; ce n’est que dans un deuxième temps qu’il « met un genou en terre et
écrit en chantant » –la nuance sémantique est d’importance (I, 2).On remarque aussi la cohérence
de la mise en musique de tous les airs spécifiques : l’air de Lindor (I,6) est rendu nécessaire par
le message envoyé par Rosine ; l’ariette de Rosine (III, 4) également puisqu’elle prend sa leçon ;
la ritournelle de Bartholo est amenée logiquement par sa nostalgie de « ces petits airs qu’on
chantait dans [sa] jeunesse ».89 Le spectateur n’est jamais surpris d’entendre un personnage
chanter, puisque tout air est préparé par le discours qui l’environne. On voit également que les
airs se terminent grâce à des procédés divers : soit le chanteur est interrompu (le Comte, Bazile),
soit il s’arrête de lui-même en apercevant un tiers importun (Rosine, Bartholo), soit il sort en
chantant (Figaro).Si la musique ne choque pas l’oreille du spectateur ni son esprit, c’est aussi
parce qu’elle étoffe l’intrigue dans les séquences où elle s’insère. Les airs paraissent ainsi
motivés et « dramatisés », en ce qu’ils assurent la plupart du temps des moments de détente
ponctuant une séquence sous tension.
La musique a pour fonction première d’accompagner la gaieté. À un premier niveau, elle
sert la bouffonnerie et le travestissement. Dans cette pièce, s’opère un renversement symbolique,
puisque l’ancien valet devient, la durée du spectacle, le maître du comte Almaviva, en lui prêtant
sa guitare et en lui faisant répéter son rôle de cavalier ayant « l’ivresse du peuple »90. Le
deuxième acte en entier joue sur ce renversement burlesque. Mais à ce stade, le subterfuge
échoue en partie grâce à la méfiance du barbon. On a vu que l’entré du Comte, déguisé en soldat
pris de vin, opère une éphémère détente farcesque, des scènes 12 à 14. C’est la seule présence de
la musique dans cet acte. Elle concorde avec l’hypocrisie du Comte prétendument saoul, suivant
la forme d’un pastiche comme l’atteste cette satire topique des médecins, qui rappelle Molière
par son thème et Sedaine par son timbre :

89 Thibaut Julian, « La musique dans la trilogie de Beaumarchais », Malice, nș6, 2016, p. 5.
90 Ibidem, p. 8

74 (Sans chanter) « Non, docteur, je ne prétends pas
Que notre art obtienne le pas
Sur Hippocrate et sa brigade. »
(En chantant) « Votre savoir, mon camarade,
Est d’un succès plus général ;
Car s’il n’emporte point le mal
Il emporte au moins le malade. »91
On donne un autre exemple dans la pièce : la ritournelle grivoise de Bartholo, qui suit la
scène de leçon de musique entre les amants et introduit un contraste burlesque et grivois avec la
sensibilité galante de cette dernière :
« Veux-tu, ma Rosinette,
Faire emplette
Du roi des maris ?
Je ne suis point Tircis ;
Mais la nuit, dans l’ombre,
Je vaux encore mon prix ;
Et quand il fait sombre
Les plus beaux chats sont gris. »92
Le héros de la pièce, Figaro, incarne et diffuse autour de lui la gaieté. Beaumarchais
présente dans la Lettre modérée « l’enfant de [ses] loisirs comme un « barbier, beau diseur,
mauvais poète, hardi musicien, grand fringueneur de guitare et jadis valet de chambre du
comte ». Mais la musique ne se produit pas seulement le rire : elle permet souvent un sourire
d’attendrissement. C’est le cas dès lors qu’elle devient le langage de l’aveu et/ou de la
communion entre amants. Elle a de facto une fonction psychologique et sentimentale, tout en
étant un code non accessible aux tiers importuns. Ainsi, Rosine voudrait chasser son barbon dans
le troisième acte, prétextant que « la musique n’a nul attrait pour [lui] », pour se ménager un
entretien galant avec Lindor-Alonzo-Almaviva-en vain. C’est ainsi que les amants
communiquent ainsi quand ils sont seuls, mais qui intervient à deux reprises : à distance, quand
Lindor chante son air et que Rosine lui répond brièvement depuis l’intérieur (« Tout me dit que
Lindor est charmant, / Que je dois l’aimer constamment… »), et surtout pendant le sommeil de
Bartholo durant la leçon de musique, comme le signale la didascalie de la page (III, 4). Ils se
parlent à mots couverts alors qu’ils sont épiés et se comprennent à travers le lexique musical.
Aussi le Comte dévoile-t-il à Rosine le plan de mariage secret pour le soir même en prétendant

91 Beaumarchais, Le Barbier…, éd. Pierre Richard, Librairies Larousse-Paris-VI, 1934 , p. 53.
92 Ibidem, p. 70-71.

75 avoir à lui dire « un mot essentiel au progrès de l’art qu’[il a] l’honneur de [lui] enseigner » (la
périphrase mime un langage crypté).93
La musique est utilisée aussi comme élément de décor sonore pour mimer l’orage
nocturne, entre l’acte III et l’acte IV. La didascalie indique assez bien que cette tempête crée une
atmosphère tout en soulignant l’intensité dramatique et la tempête intérieure que traversent les
amants, prêts à tout tenter pour libérer Rosine des griffes du barbon : « On entend un bruit
d’orage. » Ce bruit est redoublé par l’orchestre qui joue une musique appropriée.
Outre les instruments, le papier à musique et les partitions sont des objets nécessaires aux
représentations de la pièce ; on ne peut pas imaginer une Rosine sans Précaution inutile (III,
6).La musique de la comédie de Figaro compose non seulement un élément de décor sonore,
mais elle exprime aussi les émotions des personnages par des pauses lyriques ou des saillies
franchement comiques et elle introduit un jeu avec les spectateurs, les invitant à la fois à
sympathiser avec les personnages tout en les maintenant à distance. Le chant et la musique sont
des éléments fondamentaux qui permettent à l’intrigue d’avancer ; comme l’utilisation du chœur
dans les tragédies antiques, le chant permet d’informer le lecteur de ce qui se passe dans
l’histoire.

2.8. Le Barbier de Séville de Rossini vs. Le Barbier de Séville de
Beaumarchais
La pièce Le Barbier de Séville de Beaumarchais a été adaptée premièrement pour l’opéra
par Paisiello en 1782, d’abord à Saint-Pétersbourg, puis à Vienne, sous le titre Il barbiere di
Siviglia, ovvero La precauzione inutile. Le 20 février 1816, la création Le Barbier de Séville de
Beaumarchais est représentée sur la scène du Teatro Argentina de Rome sous la forme d’un
opera buffa, comédie en deux actes, sur un livret de Cesare Sterbini et la musique de Gioacchino
Rossini, sous le titre Il Barbiere di Siviglia . La légende dit que Rossini a réalisé sa composition
en 13 jours94. Malgré le désastre de la première représentation, à cause des rivaux de Rossini qui
ont perturbé et interrompu de manière intempestive le spectacle, la deuxième représentation a
connu un accueil favorable. Le Barbier de Séville de Rossini a gagné en popularité au fil des
représentations jusqu’à devenir le plus grand succès du compositeur italien et un chef-d’œuvre
du répertoire lyrique.
Le Barbier de Séville (Il Barbiere di Siviglia) de Rossini s’inscrit dans la grande tradition
de l’opera buffa italien, un genre typiquement italien qui trouve ses origines dans les intermezzi

93 Thibaut Julian, La musique…, op. cit. p.10.
94 Beaumarchais, Le Barbier …, éd. Jean Goldzink, Paris, GF Flammarion, 2001, p.169.

76 comiques du XVIIIe siècle qui entrecoupaient les opera seria. Il s’inspire d’abord de la
Commedia dell’arte et du réalisme comique du XVIIe siècle. Distinct de l’opera seria par ses
moyens modestes et ses sujets issus de l’univers bourgeois ou populaire, et non pas noble ou
mythologique, il traite de la vie quotidienne selon une construction dramatique moins
conventionnelle, avec une forme plus claire et sans complication, une musique simple et
mélodieuse.95 L’opéra débute par une Sinfonia introductive de caractère majestueux. Cette
sinfonia est structurée en deux parties : Andante maestoso et Allegro vivo et più mosso . Des
motifs mélodiques brefs et clairement définis par leur timbre et leur caractère créent un véritable
dialogue et permettent de faire avancer le discours musical. Chez Rossini, chaque motif possède
son timbre, sa signature particulière. Il joue sur les oppositions entre les cordes en détaché
(procédé qui consiste à séparer les sons d’une phrase musicale) et les bois en legato (cette
indication de phrasé précise que l’on doit jouer sans coupure dans le son. Les bois rencontrés
dans l’orchestre sont les bassons, les clarinettes, les hautbois, les flûtes. Les cordes reprennent
cette réponse dans le même phrasé. Des accords de tout l’orchestre dans la nuance forte
encadrent ces motifs. Le hautbois associé aux violons, altos et violoncelles, intervient sur une
note tenue. Il sera bientôt rejoint par le cor et le basson.96
Chez Rossini, les traits sont à la fois vifs et précis ; le tempo, le rythme joue un rôle
essentiel dans sa musique : une certaine virtuosité s’empare vite de l’orchestre, une accélération
accompagnée d’un crescendo des instruments (le fameux crescendo rossinien) souligne
l’intensité de l’action et permet la progression du discours. Ces quelques éléments permettent de
comprendre le caractère unique de son style, et particulièrement de cette ouverture, exemple
emblématique de musique joyeuse.
Après l’ouverture, ce sont les deux actes qui suivent. L’acte I compte deux tableaux.
Dans le premier, le Comte Almaviva s’efforce d’attirer l’attention de Rosina, jeune pupille du
docteur Bartolo, en lui chantant une sérénade sous le balcon, à Séville, devant la maison du
docteur. La sérénade porte le titre Ecco ridente in cielo. Figaro, un ancien domestique du
Comte, barbier-chirurgien de Bartolo, fait son joyeuse entrée sur la scène. Le Comte reste caché,
tandis que Figaro interprète sa cavatine (courte pièce vocale chantée par un soliste), avec le titre
Largo al factotum , dans laquelle il se réjouit de sa condition. Il est le factotum de la ville et ses
occupations multiples lui permettent de mener une vie de noble, il étant aussi un « barbier de
qualité » :« Largo al factotum/Della città./ Presto a bottega/ Che l’alba è già./ Ah che bel vivere,/
Che bel piacere/ Per un barbiere/ Di qualità !/ Ah bravo Figaro !/ Bravo, bravissimo,/

95 https://www.opera-lille.fr/fichier/o_media/9968/media_fichier_fr_dp.barbier.de.sa.vill.light.pdf , consulté le 12
février 2018
96 https://www.opera-lille.fr/fichier/o_media/9968/media_fichier_fr_dp.barbier.de.sa.vill.light.pdf , consulté le 12
février 2018

77 Fortunatissimo, /Per verità ! »97. La cavatine de Figaro est un morceau de virtuosité par une
accélération régulière du tempo, à laquelle on ajoute le principe de réitération, les paroles sont
martelées avec énergie et virtuosité. Le Comte Almaviva et Figaro se reconnaissent et Almaviva
explique qu’il s’est épris de Rosina à Madrid et lui demande son aide pour se rencontrer avec
elle. Rosina paraît au balcon et laisse tomber un billet dans lequel elle invite le comte à se
présenter et se plaint de l’état de captivité dans lequel elle vit jour et nuit, sous la surveillance
tyrannique de Bartolo. Le Comte se présente dans une nouvelle sérénade où il dit qu’il s’appelle
Lindor, il est pauvre et très amoureux. Figaro lui conseille ensuite de se présenter chez Bartolo
avec un billet de logement. Pour mieux égarer les soupçons, il aura l’air à moitié ivre.
Le deuxième tableau de l’acte I présente Rosina, seule, en chantant son amour pour
Lindor et sa détermination d’échapper à son tuteur. La cavatine de Rosina, Una voce poco fa,
nous dévoile progressivement les différentes facettes du personnage de Rosina : tour à tour
femme amoureuse, rebelle, ou rusée. La musique souligne les différents aspects de son caractère.
Après une introduction orchestrale, Rosina évoque son amour pour Lindor : « Una voce poco fa
qui nel cor mi risuono ; il moi cor ferito è già, e Lindor fu che il piago » (« Une voix, il y a peu a
résonné dans mon cœur ; déjà il saigne, et Lindor est celui qui l’a blessé ».)98 Les rythmes de la
mélodie de Rosina montrent l’impatience et la détermination. Les vocalises et les ornements sont
nombreux et donnent à cet air son relief. On connaît que Rossini a changé la tradition en écrivant
chacune des notes de ces vocalises. Toujours dans le deuxième tableau, Figaro propose au Comte
de se déguiser en soldat ivre et de se présenter chez Bartolo pour y passer la nuit. Après avoir
proposé sa complicité, il se cache rapidement à l’arrivée du docteur. Un autre personnage qui
apparaît sur la scène est Basilio, le maître de musique de Rosina, qui vient informer Bartolo de la
présence d’Almaviva dans la ville. L’arme terrible choisie par Basilio pour lutter contre le comte
est la calomnie. L’aria de Basilio, La calunnia è un venticello, décrit les dégâts que provoque la
calomnie à Bartolo. C’est une musique descriptive qui illustre le phénomène de manière très
précise : l’orchestre et la voix se placent initialement dans une nuance piano, lors de l’énoncé de
la première phrase : « La calunnia è un venticello » («La calomnie est un vent léger »)99 : « La
calunnia è un venticello,/ Un’auretta assai gentile/ Che insensibile, sottile, /Leggermente,
dolcemente/ Incomincia a susurrar/ Piano piano, terra terra,/ Sotto voce, sibilando,/ Va
scorrendo, va ronzando,/ Nelle orecchie della gente/ S’introduce destramente,/ Ele teste ed i

97 Cesare Sterbini, Il Barbiere di Siviglia, Edizioni « A. Barion » della Casa Per Edizioni Popolari, S. A., Sesto San
Giovanni (Milano), 1935, p. 4.
98 Ibidem, p. 10.

99 Ibidem, p. 12.

78 cervelli/ Fa stordiore e fa gonfiar. ». Les trois moments de la calomnie sont : le murmure,
l’amplification, l’anéantissement.
Puis, pendant que tous deux vont préparer le contrat de mariage qui doit unir Bartolo à
Rosina, Figaro prévient cette dernière, d’une part que son tuteur veut l’épouser dès le lendemain,
d’autre part que Lindor l’adore. Rosine, ravie, remet à Figaro un billet doux déjà préparé pour
Lindor. À peine Figaro est-il sorti que Bartolo fait son apparition, plus soupçonneux et
inquisiteur que jamais. Il n’est pas, proclame-t-il, un homme qu’on berne facilement. Il chante
l’aria A un dottor della mia sorte. À la fin de l’acte I, les trois personnages principaux sont
présents. Le Comte déguisé en cavalier se présente ivre à la porte de Bartolo ; il lui donne un
billet indiquant qu’il doit loger chez lui. Le ton monte entre les deux hommes. Figaro tente de
calmer le jeu, en vain. La force publique doit intervenir. Almaviva révèle sa véritable identité
aux autorités à la stupéfaction générale. On lui rend sa liberté. La musique martiale met en avant
un rythme de sonnerie à l’orchestre entrecoupé d’un motif pointé de marche joyeuse aux
instruments à vent (hautbois, flûte, clarinette, basson). Le Comte, qui chante de courtes phrases
avec une intonation particulière relative à son état, prend un certain plaisir à déformer le nom du
docteur (Balordo, Bartoldo, Barbaro), et Bartolo lui répond avec une impatience à peine
contenue. La fin de la scène superpose musicalement l’expression d’un sentiment de bonheur
pour le Comte à la rage de Bartolo. Cette scène est représentative pour les éléments
humoristiques : le déguisement du Comte, le cri du cavalier qui semble ivre, la transformation du
nom du docteur, l’embrassade forcée. La scène entière est accompagnée par une musique légère
et moqueuse qui parodie une marche militaire.
Dans l’acte II, Bartolo s’interroge sur l’identité du soldat qui s’est introduit chez lui,
quand un nouveau venu se présente. C’est Alonso, un élève de Basilio remplaçant son maître
pour la leçon de Rosina, parce que Basilio est souffrant. Alonso, bien sûr, n’est autre
qu’Almaviva déguisé. Bartolo reste méfiant, et le comte utilise pour lever ses soupçons le billet
doux que lui a fait parvenir Rosina. Il prétend l’avoir reçu par hasard à la place d’Almaviva, et
suggère de l’utiliser pour calomnier ce dernier. La leçon commence, mais la musique endort
Bartolo, et les amoureux en profitent pour se livrer à des apartés passionnés. À un moment
donné, Figaro entre dans la scène pour raser le docteur. Il parvient à lui subtiliser la clé de la
porte du balcon. Mais c’est alors que surgit Basilio, à la grande surprise de Bartolo. La solution
est une bourse bien garnie qui convainc Basilio qu’il est très malade et qu’il doit retourner au lit
au plus tôt. Figaro rase dons Bartolo, mais ce dernier surprend des propos non équivoques des
amoureux. Il entre dans une rage folle, chasse tout le monde, et envoie chercher le notaire pour
précipiter son mariage. Puis il montre à Rosina le billet qu’elle avait écrit comme preuve de la
légèreté d’Almaviva. Rosina, effondrée, répond à Bartolo qu’elle consent à l’épouser sur-le

79 champ. Mais Figaro et le comte se sont introduits dans la maison grâce à la clé dérobée. Rosina
repousse le comte, mais celui-ci n’a pas de mal, en dévoilant son identité, à se justifier. Ils se
préparent à s’enfuir discrètement. Requis pour le contrat de mariage, Basilio et le notaire arrivent
et produisent le document que signent Rosina et Almaviva bien sûr. Un pistolet et un bijou de
prix convainquent Basilio d’accepter d’être témoin. Et Bartolo ne peut que s’incliner, et constater
l’inutilité de ses précautions.
La scène 2 de l’acte II, représentée par le duo Bartolo et le Comte (Almaviva est déguisé
en maître de musique dans l’intention de s’approcher de Rosina), est très intéressante à cause du
ton de la moquerie qui affecte la voix d’Almaviva, dont les paroles sont reprises avec agacement
par le docteur : « Gioia, pace ». La musique participe à ce jeu des apparences trompeuses : trop
répétitive, trop simple, son manque de finesse caractérise tout à fait le faux maître de musique.
Dans le rapport entre le texte et la musique, les apartés sont traités au début dans un style qui se
rapproche du récitatif avec un débit rapide et une écriture plus syllabique.
Le duo Rosina et le Comte est un air majestueux et joyeux, et il représente une
confidence amoureuse de la jeune femme à Lindor. Alors que Bartolo s’endort, elle demande à
son bien-aimé de l’aider à se défaire de l’emprise de son cruel tuteur. Le Comte se montre
rassurant et croit à un destin favorable. Les nombreuses vocalises mettent en relief à la fois
l’exercice de chant et les mots importants du texte (« amore…ardore…crudeltà »)
Dans l’acte II une place importante occupe l’aria de Berta (la femme de chambre de
Bartolo), un allegretto à deux temps, au caractère léger. Cette aria fait partie du genre des airs de
sorbet (aria di sorbetto ) qui étaient introduits par les compositeurs italiens au milieu d’un opéra,
pour permettre au public de discuter ou de déguster un sorbet. La tradition n’existe plus mais ces
airs ont pour caractéristiques de ne pas apporter d’éléments nouveaux et de mettre en scène des
personnages secondaires. Berta s’interroge sur l’amour qui touche la jeune fille et le vieux
docteur. Elle considère ce sentiment comme un mal universel, puis déclare qu’elle se sent
méprisée et vieille. Après une introduction au caractère guilleret (contretemps aux violons, motif
descendant à la clarinette et à la flûte traversière), la voix reprend la même mélodie en appuyant
par une nuance forte et contrastée, les « si, si » de Berta. Comme souvent chez Rossini,
l’intensité dramatique est produite par un crescendo et un renforcement de l’effectif orchestral.
La fin est tout à fait typique de ce type d’air et de l’écriture de Rossini : le sentiment devenu
personnel, Berta se sent maintenant vieille et désespérée, est propice à une expression forte. Cet
air, sans être celui d’un personnage principal, est intéressant à plusieurs égards : on peut relever
le contexte historique et social (air de sorbet, société italienne à l’opéra au début du XIXe siècle),
et l’on peut également parler de l’écriture musicale de Rossini car le texte est rendu plus
compréhensible par la musique, et cette écriture est ici très variée. Chez Rossini, la présence

80 d’ornements, de fioritures, sont un moyen de caractériser un personnage, de montrer son
importance sociale et dramaturgique.
Vers la fin de l’acte II, c’est la scène de l’orage. Rossini débute l’évocation de la tempête
par des trémolos des violons qui évoquent le grondement de l’orage. Les pizzicatos des cordes en
sottovoce font penser aux gouttes de pluie et les traits des flûtes symbolisent les éclairs. C’est
l’une des scènes les plus réussies de cet opéra : l’écriture musicale et vocale s’accorde
parfaitement avec l’expression de la joie de Rosina, et le sentiment de bonheur amoureux du
Comte. La mélodie semble être naturelle chez Rossini, et comme dans la sinfonia introductive, la
ligne vocale trouve un écho dans les réponses instrumentales (les violons complètent la mélodie
de Rosina). Les pensées des personnages sont induites par la musique puis confirmées par les
mots. Figaro intervient pour décrire ce qu’il voit, approuver ce bonheur et se féliciter de la
réussite de son stratagème. On remarque aussi que les paroles demeurent toujours intelligibles
car les instruments ne couvrent jamais le registre des chanteurs.

81 Chapitre 3: Le Barbier de Séville dans la classe de FLE
3.1. Introduction
On ne peut pas acquérir une langue si l’on n’est pas en contact direct avec les productions
de celle-ci. C’est ainsi que le fonctionnement réel d’une langue se révèle pleinement dans les
productions langagières des sujets parlants et l’usage effectif de cette langue, la véritable
capacité communicative ne s’acquiert qu’en contact avec ces productions. Rédiger une lettre, un
article de journal, une recette de cuisine sont des tâches verbales très raffinées que l’on réussit à
réaliser à la condition d’avoir été en contact avec ce type de rédactions et d’avoir assimilé les
techniques appropriées pour la mise en discours du contenu que l’on veut représenter. Pour cela,
le professeur a la possibilité d’utiliser dans la classe de FLE les documents authentiques, qui ont
l’avantage de motiver et de surprendre les apprenants. Ils constituent une fenêtre sur la France,
sur la vie, les coutumes et l’actualité. Ils représentent un matériel riche et varié.
Le concept de document authentique dans la didactique du FLE est apparu au début des
années ’70 ; les spécialistes énumèrent ces documents qui peuvent être utilisés dans
l’enseignement : des articles de presse, des publicités, des chansons, des extraits de films de
fiction, des documentaires, des émissions de radio etc.100 Leur contenu très varié permet des
utilisations multiples, souvent ludiques (vocabulaire, grammaire, culture et civilisation etc.). Les
documents « authentiques » sont intégrés dans l’enseignement du FLE sous forme de
programmes TV, affiches publicitaires, recettes, chansons, poésies, articles de presse, extraits
littéraires. Ils sont orientés vers l’enseignement linguistique et culturel. Au niveau social,
l’apprenant prend conscience des différentes situations qui lui permettent de s’adapter aux
différents types de discours. Le but principal des documents authentiques est de permettre de
retrouver la richesse d’une langue authentique et de faire entrer la réalité extérieure dans la
classe. En utilisant les documents authentiques dans la classe de FLE, les élèves participent à
l’acquisition linguistique et à la découverte culturelle et socio – culturelle par un contact avec la
langue cible authentique. Ils favorisent aussi une communication authentique en classe où l’on
parle comme on pourrait le faire en dehors du cadre d’enseignement. Ces documents contribuent
à la motivation des apprenants par la diversité des supports, des thèmes, des activités.
Globalement, tous les documents servent de déclencheur et de support à l’expression écrite et
orale, contribuent à l’enrichissement du vocabulaire et au perfectionnement grammatical. Le
travail sur les documents va conduire apprenants et enseignants à pratiquer régulièrement des
activités réutilisables dans de nombreuses autres situations d’apprentissage : identifier des
éléments linguistiques, sémantiques et culturels ; émettre des hypothèses sur le document ;
(ré)construire le sens à partir des premières observations ; identifier qui produit le document et à
qui il s’adresse, le contenu et l’objectif du message dans le contexte d’origine ; réfléchir sur la
manière dont le message est transmis ; prendre position, donner son avis ; porter un regard sur sa
propre identité, sa propre réalité.101
Parmi tous ces documents authentiques, les textes littéraires occupent une place
importante, parce que la littérature offre aux élèves la possibilité de découvrir et de mieux
comprendre les nuances de la langue, d’améliorer leur vocabulaire français, de connaître une
culture étrangère. Les manuels ne contiennent pas assez de textes littéraires. Donc, dans ce cas,

100 Nicolae-Florentin Petrișor, Guide pratique pour les professeurs de français , Pitești, Editura Paradigme, 2007,
p.13.
101 Ibidem, p.14.

82 c’est le professeur qui doit chercher et choisir, en fonction des thèmes étudiés et du niveau de la
classe, des textes appropriés. Un grand avantage de l’utilisation de la littérature est que les
élèves doivent lire les textes littéraires ; ils le font pour le plaisir de la langue, et cette activité
développe le goût esthétique. La lecture est un phénomène complexe : le texte produit par un
écrivain est soumis à une reconstruction des sens, faite par les lecteurs, en fonction de leurs
connaissances linguistiques, de leur expérience de vie, de leur sensibilité, de leur état de
réceptivité et de ce qu’ils cherchent dans le texte (information, plaisir).102La lecture enrichit
l’expérience du lecteur, c’est-à-dire de l’élève, et participe à l’achèvement de sa personnalité.
Lire, c’est participer aux situations sensibles du texte, éprouver des émotions et des sentiments,
déterminer entre le sujet et l’écrit une communication affective qui rend plus forte l’action
éducative de la lecture. La lecture est un outil de l’enseignement qui vise à mettre en
concordance l’enrichissement, l’exercice et l’assouplissement de la pensée103.
La question que se posent souvent les professeurs de français est : quel type de texte
choisir dans la classe de FLE ? La réponse est la suivante : on peut utiliser une poésie, un texte
narratif, un texte descriptif, une pièce de théâtre, en général des textes accessibles pour tous les
élèves. On utilise le manuel comme base, comme point de départ pour lancer les élèves dans les
textes littéraires. À l’aide du manuel et en complétant avec des extraits de divers œuvres
littéraires, le professeur peut stimuler l’intérêt de ses élèves pour la littérature, la lecture et la
culture en général. Ainsi, le professeur devient un créateur, un homme réceptif et flexible ;
l’élève sera toujours stimulé par le professeur afin qu’il soit capable de découvrir tout seul le
plaisir et la nécessité réelle, pratique d’étudier une langue étrangère. En étudiant un texte
littéraire, le professeur a la liberté de créer ou de trouver d’autres exercices de grammaire, de
lexique, de phonétique. Il pourra ainsi éveiller la conscience philologique de l’élève, en mettant
en valeur toutes ses disponibilités de communication dans une langue étrangère104. En plus, on a
l’occasion de diriger les préférences des élèves vers des arts sans place dans le plan
d’enseignement (musique, peinture, cinéma, théâtre) qui ont une grande force d’attraction et une
influence sensibilisatrice sur eux. On cultive de cette manière l’intelligence, l’observation, la
comparaison, le jugement de valeur, la hiérarchisation.
Le théâtre est présent dans la clase de FLE plus souvent que les autres types de textes,
parce que le texte théâtral est une création originale qui s’ouvre aux analyses et interprétations au
niveau linguistique et culturel. Le théâtre donne l’opportunité idéale aux apprenants de se mettre
dans de diverses situations, d’échanger des paroles, de jouer des rôles. Le théâtre se prête aux
exercices de lecture visant la pratique de la prosodie et la phonétique. À l’aide des textes
théâtrales, on peut pratiquer l’intonation, la prosodie, la phonétique, la mémorisation. L’aspect
ludique du théâtre consiste dans le fait que les personnes les plus timides commencent à
s’exprimer plus librement ; puis les textes contiennent des jeux de mots qui peuvent déclencher
des activités ludiques et pédagogiques d’exploration des sens multiples derrière les paroles des
pièces. Exploiter le théâtre en classe donne aux apprenants une opportunité d’explorer la
civilisation française en même temps qu’apprendre la langue.

102 Dorina Roman, La didactique du français langue étrangère , Baia Mare, Editura Umbria, 1994, p. 206.
103 Ibidem, p.207.
104 Traian Nica, Cãtãlin Ilie, Tradition et modernité dans la didactique du français langue étrangère, Craiova, Editura
Celina, 1995, p.134.

83 Dans la classe de FLE on peut faire connaissance avec le théâtre soit en lisant un extrait
d’une pièce de théâtre (une comédie, un drame), soit en regardant la pièce sur le CD, à l’aide
d’un vidéo-projecteur. Il y a des élèves qui n’ont jamais été au théâtre, et c’est pourquoi le
professeur peut leur offrir l’occasion d’y aller, en organisant des visites au théâtre pour découvrir
l’espace, l’atmosphère et pour visionner une pièce. Ainsi, les élèves entrent en contact direct
avec le monde du théâtre : les acteurs, les costumes, le décor, les gestes, la mimique, les paroles
etc. L’étude d’une pièce de théâtre offre en plus un grand avantage, celui de mettre en scène le
texte par les élèves. Ceux-ci deviennent des acteurs, ils peuvent jouer des rôles, inventer des
répliques, transmettre des émotions. Cette démarche implique beaucoup de courage de la part du
professeur, d’imagination, de créativité .Selon Marie-Noëlle Cocton, le théâtre dans la classe de
FLE est très utile, parce qu’il donne la possibilité de découvrir ou redécouvrir sa voix en langue
étrangère, d’apprendre à utiliser les rythmes et intonations adaptés à chaque situation à travers
des exercices de respiration, de sonorité, de lecture expressive, de découvrir son corps ou le
redécouvrir à travers des déplacements dans l’espace, des précisions dans les gestes, des
émotions sur le visage, un travail sur le silence et les pauses105. Avec le théâtre, on apprend ou
réapprend à écouter l’autre, avec ses oreilles et aussi ses yeux, on répond de façon immédiate,
spontanée et engagée.
Pendant la classe de FLE, les élèves sont attirés par les documents sonores et vidéo.
Quand le professeur propose un film, un documentaire, un clip, les élèves doivent se familiariser
avec le type de document. Cette activité comporte plusieurs étapes : le premier visionnage/la
première écoute sans le son ou sans image s’il s’agit d’un clip, d’une chanson, le deuxième
visionnage/la deuxième écoute avec le son ou avec l’image, le troisième visionnage/la troisième
écoute avec son et image et en suivant la transcription du document. En général, la matière est
structurée en unités didactiques. Chaque unité a la structure suivante : un ou plusieurs documents
authentiques représentatifs pour un thème choisi de la programme scolaire spécifique pour
chaque niveau/chaque classe, des éléments de grammaire et de vocabulaire, phonétique, des
éléments de communication et savoir-faire, civilisation. Les activités proposées dans l’unité
didactique visent les compétences présentes dans le Cadre européen commun de référence pour
les langues (le CECR) : la compréhension de l’oral, la production orale, la compréhension de
l’écrit, la production écrite.106 Les documents authentiques proviennent de la presse ou de la
radio françaises et francophones, mais aussi des textes littéraires, des chansons, des dialogues
enregistrés tirés de la vie quotidienne et des exercices d’intonation communicative. Les activités
de production écrite et orale, dans tous les domaines (personnel, professionnel ou public),
mettent l’apprenant en situation de communication authentique. Chaque unité didactique met
accent sur l’approfondissement de la grammaire et du vocabulaire. L’apprenant est actif : il passe
du stade de la découverte, à la déduction et au réemploi. Il y a des tableaux, des listes qui offrent
une vision synthétique de chaque point traité. De nombreux exercices de compréhension et de
réemploi sont proposés. Ensuite, on rencontre la rubrique « Civilisation », avec des activités qui
permettent la découverte de nombreux aspects de la vie en France ou dans l’espace francophone :
la vie politique et sociale, la littérature, les sciences, la cuisine, la musique, les loisirs, l’activité
culturelle. À la fin de chaque unité il y a des tâches/des projets à réaliser en groupes, afin que les

105 Marie-Noëlle Cocton, « L’expression théâtrale en FLE: en route vers une cocréativité!”, dans Voix plurielles ,
vol.10, n˚2, 2013, p.73.
106 Le Cadre européen de référence pour les langues , Didier, 2005, p.27.

84 apprenants puissent réutiliser activement les savoirs acquis tout au long de l’unité, en faisant
appel à leur créativité.
Pour exploiter au maximum tous les aspects d’une unité didactique, le professeur a besoin
de 8 jusqu’à 12 heures, en fonction de la complexité des documents choisis et de niveau de la
classe. Pour un lycée technologique, indifféremment du profil ou de domaine d’activité des
élèves, le plan cadre propose deux heures de français par semaine. Les élèves aiment travailler
avec des documents authentiques, spécialement avec les chansons, les clips et les pièces de
théâtre. Après avoir exploité le document de point de vue de la grammaire, de lexique, de
communication, ils ont l’occasion de mettre en scène eux-mêmes la pièce étudiée, ou faire des
improvisations sur le thème présenté. Avant de jouer une scène, le professeur réalise
premièrement un moment de brise-glace et d’échauffement, c’est-à-dire des activités portant sur
les mimiques (ex. : le jeu de miroir), le regard (ex. : regarder son auditoire en entrant sur scène),
les émotions (ex. : le masque), les gestes (ex. : raconter une histoire sans parole), l’espace (ex. :
marcher dans une forêt, dans la mer, dans la boue, sur la neige), la voix (ex. : mettre en voix un
texte écrit par l’apprenant à partir d’un poème).107 Le brise-glace a le rôle de dynamiser la classe
en créant une cohésion de groupe où chacun trouvera un certain plaisir à jouer et à s’exprimer en
langue étrangère. Les activités d’échauffement se proposent de rendre l’apprenant le plus ouvert
et le plus disponible aux activités suivantes. Ces exercices partent du non verbal, continuent avec
l’émission vocale et finissent par le verbal. On peut utiliser les jeux d’expression mimique et
gestuelle, avec ou sans paroles, à partir d’une émotion ou d’un sentiment, jeu de mimes à
répétitions, improvisation à partir d’un document déclencheur, dramatisation à partir d’un texte,
de faits divers ou d’articles de presse, travail de lecture expressive.

107 Marie-Noëlle Cocton, art.cit., p.74.

85 3.2. UNITÉ DIDACTIQUE

Le niveau : A2-B1
Documents authentiques : Texte A : Acte I, scène III
Texte B : Acte I, scène IV
Compréhension orale : comprendre un document vidéo/sonore (une pièce de théâtre)
Production orale : -débattre de la condition féminine ;
-décrire des personnes, des objets, des lieux ;
-donner des informations sur quelqu’un ;
-proposer/justifier le choix ;
-donner des conseils, formuler des suggestions en utilisant l’impératif
-exprimer des sentiments : exprimer la joie/la tristesse
Compréhension écrite : -faire une lecture expressive d’un texte littéraire ;
-comprendre un texte littéraire/une pièce de théâtre/une comédie.
Production écrite : -écrire un journal intime ;
-écrire une lettre d’amour ou de rupture ;
-faire le portrait de quelqu’un.
Grammaire :-le passé composé
-l’impératif
-le genre et le nombre de l’adjectif
-l’adverbe de manière
-la polysémie
Vocabulaire : -le vocabulaire spécifique à la médecine
-le vocabulaire du conseil
-le vocabulaire de la tristesse, de la joie
Civilisation :-découvrir différents aspects de la société française du XVIIIe siècle
-découvrir un écrivain français (Beaumarchais)

86 Texte A: Acte I, scène III
La jalousie du premier étage s’ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre.
ROSINE. Comme le grand air fait plaisir à respirer !… Cette jalousie s’ouvre si rarement…
BARTHOLO . Quel papier tenez-vous là ?
ROSINE. Ce sont des couplets de La Précaution inutile , que mon maître à chanter m’a donnés
hier.
BARTHOLO . Qu’est-ce que La Précaution inutile ?
ROSINE. C’est une comédie nouvelle.
BARTHOLO . Quelque drame encore ! Quelque sottise d’un nouveau genre !
ROSINE. Je n’en sais rien.
BARTHOLO. Euh, euh, les journaux et l’autorité nous en feront raison. Siècle barbare !…
ROSINE . Vous injuriez toujours notre pauvre siècle.
BARTHOLO . Pardon de la liberté ! Qu’a-t-il donc produit pour qu’on le loue ? Sottises de toute
espèce : la liberté de penser, l’attraction, l’électricité, l’inoculation, le tolérantisme, le quinquina,
l’Encyclopédie, et les drames…
ROSINE. (Le papier lui échappe et tombe dans la rue ) Ah ! Ma chanson ! Ma chanson est
tombée en vous écoutant ; courez, courez donc, Monsieur ! Ma chanson, elle sera perdue !
BARTHOLO. Que diable aussi, l’on tient ce qu’on tient.
Il quitte le balcon.
ROSINE regarde en dedans et fait signe dans la rue. St, st ! (Le comte paraît .) Ramassez vite et
sauvez-vous.
Le comte ne fait qu’un saut, ramasse le papier et rentre.
BARTHOLO sort de la maison et cherche . Où donc est-il ? Je ne vois rien.
ROSINE . Sous le balcon, au pied du mur.
BARTHOLO . Vous me donnez là une jolie commission ! Il est donc passé quelqu’un ?
ROSINE . Je n’ai vu personne.
BARTHOLO , à lui-même. Et moi qui ai la bonté de chercher !…Bartholo, vous n’êtes qu’un sot,
mon ami : ceci doit vous apprendre à ne jamais ouvrir de jalousies sur la rue.
Il rentre.
ROSINE, toujours au balcon . Mon excuse est dans mon malheur : seule, enfermée, en butte à la
persécution d’un homme odieux, est-ce un crime de tenter à sortir d’esclavage ?
BARTHOLO, paraissant au balcon . Rentrez, signora ; c’est ma faute si vous avez perdu votre
chanson ; mais ce malheur ne vous arrivera plus, je vous jure.
Il ferme la jalousie à la clef !

87 LE COMTE . À présent qu’ils sont retirés, examinons cette chanson dans laquelle un mystère est
sûrement renfermé. C’est un billet !
FIGARO. Il demandait ce que c’est que La Précaution inutile !
LE COMTE lit vivement . « Votre empressement excite ma curiosité : sitôt que mon tuteur sera
sorti, chantez indifféremment, sur l’air connu de ces couplets, quelque chose qui m’apprenne
enfin le nom, l’état et les intentions de celui qui paraît s’attacher si obstinément à l’infortunée
Rosine. »

Exploitation du texte A : Acte I, scène III
1) Pré-lecture ( introduction à la thématique de l’extrait à partir des questions générales
adressées à toute la classe)
•Que représente cette image ? Réponse : C’est une affiche.
•Que présente cette affiche ? Réponse : C’est une invitation au théâtre.
•Quel est le titre de la pièce ? Réponse : C’est Le Barbier de Séville.
•Qui a écrit cette pièce ? Réponse : Beaumarchais.
•Vous êtes allés au théâtre ? Quelles pièces avez-vous vues ?
•Vous connaissez Beaumarchais ? Vous pouvez énumérez d’autres œuvres de Beaumarchais ?
•Vous aimez le théâtre ? Pourquoi ?
•Quelle est votre pièce préférée ? Quel est votre acteur/actrice préféré/e ?
•Quel est votre auteur préféré ?
•Observez le titre du texte ! De quoi peut parler ce texte ? Dites toutes les idées qui vous
viennent à l’esprit.
•Observez le texte ! De quel type de texte s’agit-il ?

2) La lecture ( compréhension globale de l’extrait exploité)
•une première lecture du texte, la lecture individuelle
•une deuxième lecture en grand groupe
Activité 1: Répondez aux questions suivantes :
a) Est-ce un texte intégral ? Réponse : C’est un extrait.
b) C’est un extrait d’une revue, d’un roman, d’un conte ? Réponse : d’une pièce de théâtre.
c) Combien de personnages apparaissent dans le texte ? Réponse : Dans le texte apparaissent
quatre personnages.
d) Quel est le nom des personnages ? Réponse : Les personnages sont Bartholo, Rosine, le
Comte et Figaro.

88 e) Où se trouvent les personnages ? Réponse : Bartholo et Rosine sont dans le balcon de leur
maison, le Comte et Figaro sont dans la rue, cachés.
f) Dans quelle réplique apparaît une dimension de satire sociale ?
Réponse : « Bartholo : Euh, euh, les journaux et l’autorité nous en feront raison. Siècle
barbare !…ROSINE : Vous injuriez toujours notre pauvre siècle. Bartholo : Pardon de la liberté !
Qu’a-t-il donc produit pour qu’on le loue ? Sottises de toute espèce : la liberté de penser,
l’attraction, l’électricité, l’inoculation, le tolérantisme, le quinquina, l’Encyclopédie, et les
drames… »
3) Après la lecture
Activité 2 : Trouvez dans le texte un homonyme pour le mot « sot ». Formez avec lui une
proposition. Corrigé : un saut→Le garçon fait un saut.
Activité 3 : Formez des propositions avec les différents sens du mot « jalousie ».
Corrigé :a) La femme ouvre la jalousie de sa fenêtre. (jalousie= vx. treillis de bois ou de métal au
travers duquel on peut voir sans être vu ; mod. Volet mobile composé de lames orientables)
b) Elle n’accepte pas la jalousie de son mari. (jalousie=sentiment douloureux que font
naître, chez la personne qui l’éprouve, les exigences d’un amour inquiet, le désir de possession
exclusive de la personne aimée, la crainte, le soupçon ou la certitude de son infidélité)
Activité 4 : Trouvez dans le texte l’antonyme du mot « fermer » et formez avec lui une
proposition.
Corrigé : ouvrir→Cette jalousie s’ouvre si rarement.
Activité 5 : Donnez un synonyme pour le mot « faute » et introduisez les mots dans des
contextes.
Corrigé : Dans ce texte il y a beaucoup de fautes. /C’est une erreur, vous êtes mal informé.
Activité 6 : Chassez l’intrus.
a) seule, enfermée, heureuse, infortunée Corrigé : heureuse
b) malheur, plaisir, persécution, esclavage Corrigé : plaisir
Activité 7 : VRAI ou FAUX ?
a)La nouvelle comédie que Rosine tient dans la main s’appelle « La Précaution inutile ».
b) La jalousie de la chambre s’ouvre souvent.
c) Bartholo ferme la jalousie à la clef.
d) Bartholo accepte toutes les découvertes du XVIIIe siècle.
Corrigé :
a) vrai ; b) faux ; c) vrai ; d) faux.
Activité 8 : Cochez la bonne case.
a)Rosine se trouve □dans la rue ;
□au premier étage ;

89 □au deuxième étage.
Corrigé : au premier étage
b) La Précaution inutile est □ un film
□ une émission à la radio
□ une comédie écrite dans le XVIIIe siècle
Corrigé : une comédie écrite dans le XVIIIe siècle

Exploitation du document vidéo : Acte I, scène III
Le document choisi représente un extrait de l’acte I, scène III (8'50 à 11'40) de la pièce Le
Barbier de Séville de Beaumarchais.
Mise en scène : Gérald Marti
Réalisation : Mike Roeykens, 1997
Production : Théâtre Royal du Parc à Bruxelles
Avec : Damien Gillard, Daniel Hanssens, Micheline Goethals, Thierry Lefevre, Jean-Claude
Frison, Daniel Ajenzer, Antoni Lo Presti, Olivier Monneret, Jean-Paul Landresse
Décors et costumes : Sylvie Deschampheleire
Direction technique et éclairages : Serge Daems
Adaptation de la musique traditionnelle : Damien Gillard
Durée : 92'

•Premier visionnage (sans le son)
Des questions :
1) Quelles sont les personnes que vous avez vues dans la vidéo ? Réponse : une fille et trois
hommes
2) Où se trouvent les personnages ? Réponse : la fille et le vieux sont dans le balcon ; les deux
jeunes gens sont dans la rue, cachés.
3) Que font la fille et l’homme sur le balcon ? Réponse : ils discutent.
4) De quoi parlent ces deux personnes ? Qu’est-ce que vous pensez ? Réponse : de la littérature,
de la météo, de la musique etc.
5) Énumérez les objets que vous avez vus dans le document vidéo. Réponse : le balcon, la
fenêtre, le billet, la clef, les murs
6) Énumérez les vêtements que vous avez observés dans le document. Réponse : une robe, une
chemise, un gilet, un pantalon, des bottes, une cape, un chapeau

90 •Deuxième visionnage (avec le son)
Activité 1 : Dites cinq mots que vous avez entendus dans le document. Réponse : balcon,
jalousie, malheur, drame, ma chanson etc.
Activité 2 : Regardez la fille ! Comment est-elle ? Et l’homme ? Réponse : la fille est jeune, elle
est triste. L’homme est plus vieux que la fille ; il est sérieux, sobre.
Activité 3 : On divise la classe en 2 groupes. GROUPE A : Relevez toutes les informations
concernant l’identité et la situation des deux hommes dans la rue. GROUPE B : Relevez toutes
les informations concernant l’identité et la situation du « couple » au balcon.
•Troisième visionnage (avec le son et les élèves peuvent suivre le texte, c’est-à-dire la
transcription du document)
Activité 4 : Complétez les blancs avec les mots tirés du texte.
« La jalousie du premier étage s’ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre.
ROSINE : Comme le grand air fait ………à respirer !…Cette jalousie s’ouvre si ………. …
BARTHOLO : Quel …………. tenez-vous là ?
ROSINE : Ce sont des couplets de La Précaution inutile , que mon …………… m’a donnés hier.
BARTHOLO : Qu’est-ce que La Précaution inutile ?
ROSINE : C’est …………… nouvelle. »

Corrigé :
« La jalousie du premier étage s’ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre.
ROSINE : Comme le grand air fait plaisir à respirer !…Cette jalousie s’ouvre si rarement.
BARTHOLO : Quel papier tenez-vous là ?
ROSINE : Ce sont des couplets de La Précaution inutile , que mon maître à chanter m’a donnés
hier.
BARTHOLO : Qu’est-ce que La Précaution inutile ?
ROSINE : C’est une comédie nouvelle. Une comédie
rarement
Maître à chanter
Plaisir
papier

91
Activité 5 : Donnez le verbe correspondant pour les noms suivants.
Une chanson→
Une attraction→
Un saut→
Une respiration→
Corrigé : chanter, attirer, sauter, respirer

Des exercices pour fixer le vocabulaire
1) À partir des noms suivants, formez des adjectifs :
Le malheur→ la liberté→ la jalousie→
La bonté→ l’attraction→ la sottise→
Le plaisir→ l’autorité→ le mystère→
Corrigé : le malheur→ malheureux/malheureuse
La bonté→ bon/ bonne
Le plaisir→ plaisant/plaisante
la liberté→ libre
l’attraction→ attractif/attractive
l’autorité→ autoritaire
la jalousie→ jaloux/jalouse
la sottise→ sot, sotte
le mystère→mystérieux/mystérieuse

2) Choisissez l’initiale de chaque mot et formez un nouveau mot.

Corrigé: ROSINE
RAISON SOT EXCUSE
INFORTUNÉE
NOM OBSTINÉMENT
FAUTE GENRE INUTILE

92

Corrigé: FIGARO

Corrigé: BARTHOLO

3) Classez les sentiments en positif ou en négatif : malheur, désespoir, fierté, satisfaction,
angoisse, joie, détente, tendresse, colère, solitude, enchantement, agacement, optimisme, amour,
amitié, furie, encouragement, mécontentement, chagrin.
Des sentiments positifs
Des sentiments négatifs



Corrigé :
Des sentiments positifs
Des sentiments négatifs
-fierté
-satisfaction
-joie
-détente
-tendresse
-enchantement
-optimisme
-amour
Amitié -malheur
-désespoir
-angoisse
-colère
-solitude
-agacement
-furie
-mécontentement
-chagrin ATTRACTION ODIEUX RAREMENT
BONTÉ AIR
RESPIRER
HOMME TOLÉRANTISME
LIBÉRTÉ
OUVRIR
ON

93 -encouragement

4) Choisissez l’un des sentiments de la liste. Faites un dessin pour le représenter. Montrez à
vos collègues votre dessin. Expliquez –leur pourquoi il représente pour vous le sentiment que
vous avez choisi.
5) Associez le verbe au sentiment concerné :
la haine aimer
la crainte passionner
le bonheur souffrir
la passion porter dans son cœur
l’amour haïr
le malheur craindre

Corrigé :
la haine aimer
la crainte passionner
le bonheur souffrir
la passion porter dans son cœur
l’amour haïr
le malheur craindre

6) Avec votre voisin, remplissez le tableau suivant :
Pour moi, si………. était une couleur était un animal était une chanson
la colère elle serait…….
la joie
la tristesse
l’amour

7) Lisez les phrases suivantes et complétez les blancs avec les sentiments qui conviennent :
jaloux, amoureux, triste, surpris.
a) Mon frère a eu 100 euros d’argent de poche et pas moi. Je suis …………………….
b) Ils se sont connus l’été dernier à la mer, le coup de foudre ! Ils sont …………………………
c) Son ami a oublié lui dire « Bon anniversaire ! ». Il est …………………………………
d) Jean a préparé une fête pour son copain qui a passé l’examen à la faculté. Il est……………….

94 e)Figaro a rencontré le Comte dans la rue, déguisé, en attendant sous un balcon. Il a été………..
f) Le Comte, après avoir rencontré Rosine à Madrid, est tombé……………………..
g) Bartholo est un vieux médecin qui veut épouser Rosine. Il est avare et………….à l’excès.
h) Rosine aime le Comte mais elle ne peut pas sortir de la maison. Elle est ………………
Corrigé :
a)Mon frère a eu 100 euros d’argent de poche et pas moi. Je suis jaloux.
b) Ils se sont connus l’été dernier à la mer, le coup de foudre ! Ils sont amoureux.
c)Son ami a oublié lui dire « Bon anniversaire ! ». Il est triste.
d) Jean a préparé une fête pour son copain qui a passé l’examen à la faculté. Il est surpris.
e)Figaro a rencontré le Comte dans la rue, déguisé, en attendant sous un balcon. Il a été surpris
f) Le Comte, après avoir rencontré Rosine à Madrid, est tombé amoureux.
g)Bartholo est un vieux médecin qui veut épouser Rosine. Il est avare et jaloux à l’excès.
h) Rosine aime le Comte mais elle ne peut pas sortir de la maison. Elle est triste.

8) Associez les phrases qui expriment des sentiments avec les mots correspondants :
Malheur « Quelque sottise d’un nouveau genre ![…] Siècle barbare ! »
Tristesse « Bartholo, vous n’êtes qu’un sot, mon ami : ceci doit vous apprendre à ne
jamais ouvrir de jalousies sur la rue. »
Haine « Je suis seule, enfermée, en butte à la persécution d’un homme odieux. »
Jalousie « Comme le grand air fait plaisir à respirer !…Cette jalousie s’ouvre si
rarement… »

Corrigé :
Malheur « Quelque sottise d’un nouveau genre ![…] Siècle barbare ! »
Tristesse « Bartholo, vous n’êtes qu’un sot, mon ami : ceci doit vous apprendre à ne
jamais ouvrir de jalousies sur la rue. »
Haine « Je suis seule, enfermée, en butte à la persécution d’un homme odieux. »
Jalousie « Comme le grand air fait plaisir à respirer !…Cette jalousie s’ouvre si
rarement… »

9) Complétez le tableau :
Nom Adjectif qualificatif Verbe ou expression verbale
Être joyeux

95 enchantement
triste
L’abattement
Se satisfaire de

Corrigé :
Nom Adjectif qualificatif Verbe ou expression verbale
La joie Joyeux/joyeuse Être joyeux
enchantement Enchanté/e Etre enchanté
La tristesse triste Etre triste
L’abattement Abattu/abattue Etre abattu
La satisfaction Satisfait/satisfaite Se satisfaire de

10) Cochez la bonne case :
•L’Encyclopédie est a) une bande dessinée ;
b) une émission sportive ;
c) œuvre monumentale du XVIIIe siècle, composée par les encyclopédistes
sous la direction de Diderot et d’Alembert.
Corrigé : c) œuvre monumentale du XVIIIe siècle, composée par les encyclopédistes sous la
direction de Diderot et d’Alembert.

•Le quinquina est a) un fruit ;
b) écorce amère aux propriétés toniques et fébrifuges, fournie par diverses
espèces d’arbustes du genre cinchona ;
c)une légume.
Corrigé : b) écorce amère aux propriétés toniques et fébrifuges, fournie par diverses espèces
d’arbustes du genre cinchona

11) Complétez les blancs avec les mots suivants : encyclopédie , Encyclopédie, état, État .
J’ai dans ma bibliothèque une………………..médicale que je consulte souvent pour enrichir mes
connaissances médicales. ………………………………est une œuvre représentative pour le
XVIIIe siècle ou le siècle des Lumières. J’admire beaucoup mon professeur d’histoire parce qu’il
est une …………………….vivante. Le blessé est dans un ……..grave, il faut le sauver. Nous
avons appris à la classe d’histoire de la séparation de l’Église et de l’État.

96 Corrigé : J’ai dans ma bibliothèque une encyclopédie médicale que je consulte souvent pour
enrichir mes connaissances médicales. L’Encyclopédie est une œuvre représentative pour le
XVIIIe siècle ou le siècle des Lumières. J’admire beaucoup mon professeur d’histoire parce qu’il
est une encyclopédie vivante.
encyclopédie =1) ouvrage où l’on traite de toutes les connaissances humaines dans un ordre
alphabétique ou méthodique (dictionnaire)
2) (fig.) une personne aux connaissances extrêmement étendues et variées. (cf. Le
Petit Robert de la langue française, Paris, 2006
Encyclopédie = œuvre monumentale du XVIIIe siècle, composée par les encyclopédistes
sous la direction de Diderot et d’Alembert.
état = 1) manière d’être (physique, intellectuelle, morale) d’un être vivant ; Exemple : état de
santé
2) manière d’être (d’une personne ou d’une chose), considérée dans ce qu’elle a de durable ;
Exemple : les états successifs d’une chose.
État= autorité souveraine s’exerçant sur l’ensemble d’un peuple et d’un territoire déterminés ;
Exemple : administration des affaires de l’État.
12) Mettez les phrases suivantes dans le bon ordre.
a) « Ma chanson est tombée en vous écoutant ; courez, courez donc, Monsieur ! »
b) « Sitôt que mon tuteur sera sorti, chantez indifféremment, sur l’air connu de ces couplets… »
c) « C’est une comédie nouvelle »
d) « La jalousie du premier étage s’ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre. »
e) « Qu’est-ce que La Précaution inutile ? »
Corrigé :
d) « La jalousie du premier étage s’ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre. »
e) « Qu’est-ce que La Précaution inutile ? »
c) « C’est une comédie nouvelle.»
a) « Ma chanson est tombée en vous écoutant ; courez, courez donc, Monsieur ! »
b) « Sitôt que mon tuteur sera sorti, chantez indifféremment, sur l’air connu de ces couplets… »
13. Reliez par des flèches les noms des personnages avec les personnages-types :
Figaro le jaloux
Rosine le valet
Bartholo le jeune premier
Le Comte la jeune première
Corrigé :

97 Figaro le jaloux
Rosine le valet
Bartholo le jeune premier
Le Comte la jeune première

Des exercices pour fixer les éléments de grammaire
•L’adjectif qualificatif
1) Soulignez dans le texte A (acte 1, scène III) les adjectifs qualificatifs et classez-les en
fonction de leur genre.
Les adjectifs au masculin Les adjectifs au féminin
– –
– –

Corrigé :
Les adjectifs au masculin Les adjectifs au féminin
grand nouvelle
nouveau jolie
barbare seule
pauvre enfermée
odieux infortunée

2) Lisez le texte suivant et soulignez les adjectifs au féminin.
Je suis né dans une petite ville active et gaie. J’habite avec ma mère, une femme à voix douce qui
me raconte le soir beaucoup d’histoires intéressantes. Mon meilleur ami s’appelle Gaston. Il est
énergique, travailleur, compétent, gentil aussi. Sa mère nous rend visite chaque jour et nous
apporte des gâteaux. Elle est adorable, toujours calme, discrète, élégante, spirituelle.
Corrigé :
Je suis né dans une petite ville active et gaie. J’habite avec ma mère, une femme à voix douce qui
me raconte le soir beaucoup d’histoires intéressantes . Mon meilleur ami s’appelle Gaston. Il est
énergique, travailleur, compétent, gentil aussi. Sa mère nous rend visite chaque jour et nous
apporte des gâteaux. Elle est adorable, toujours calme, discrète, élégante , spirituelle.
3) Répondez en utilisant l’adjectif en italique au féminin, selon le modèle :
Modèle: Ce bagage est lourd. Et cette valise? -Elle est lourde aussi.
a) Cet homme est bavard. Et cette femme?
b) Paul est petit. Et Marie?

98 c) Ce garçon est amusant. Et cette fille?
d) Ce documentaire est intéressant. Et cette émission?
Corrigé:
a) Elle est bavarde aussi.
b) Marie est petite aussi.
c)Cette fille est amusante aussi.
d) Cette émission est intéressante aussi.
4) Exprimez les propositions suivantes en utilisant les noms entre parenthèses au lieu des
noms en italique, selon le modèle :
Modèle : C’est un acteur amusant. (une fille) C’est une fille amusante.

a) C’est un garçon actif. (une fillette)
b) C’est un travail sérieux. (une affaire)
c) C’est un château merveilleux. (une cathédrale)
d) C’est un spectacle récréatif. (une lecture)
Corrigé :
a) C’est une fillette active.
b) C’est une affaire sérieuse.
c) C’est une cathédrale merveilleuse.
d) C’est une lecture récréative.
5) Complétez les points avec les adjectifs suivants : beau, bel, nouveau, nouvel, belle,
nouvelle, vieux, vieil, vieille.
-J’ai acheté un ……………..sapin de Noël.
-J’admire beaucoup ce ……..acteur, mais il est aussi doué d’un vrai talent.
-Mon oncle habite dans un ……………………appartement.
-Quel…………………..chien !
-Mon frère fait ses études dans un………………………lycée.
-Tu connais mon ……………ami ?
-C’est très belle ta ……………………….voiture.
-Ma mère a acheté une …………………….robe.
-Dans notre ville il y a un ……………………. Bâtiment, il a 300 ans.
-Regardez ce …………………….arbre !
-J’ai aidé une …………… femme traverser la rue.

99
Corrigé :
-J’ai acheté un beau sapin de Noël.
-J’admire beaucoup ce bel acteur, mais il est aussi doué d’un vrai talent.
-Mon oncle habite dans un bel appartement.
-Quel beau chien !
-Mon frère fait ses études dans un nouveau lycée.
-Tu connais mon nouvel ami ?
-C’est très belle ta nouvelle voiture.
-Ma mère a acheté une belle robe.
-Dans notre ville il y a un vieux bâtiment, il a 300 ans.
-Regardez ce vieil arbre !
-J’ai aidé une vieille femme traverser la rue.

6) Reliez par une flèche les adjectifs aux noms correspondants :
La bonté nouveau
La tristesse seul
Le malheur pauvre
La solitude curieux
La curiosité bon
La pauvreté triste
La nouveauté malheureux
Corrigé :
La bonté nouveau
La tristesse seul
Le malheur pauvre
La solitude curieux
La curiosité bon

100 La pauvreté triste
La nouveauté malheureux
7) Comment est-il ? Comment est-elle ? Comment es-tu ? Comment êtes-vous ?
Exemple : Il y a de la politesse dans ses manières. Il est poli.
Elle est polie. /Je suis poli. /Je suis polie. /Nous sommes polis./Nous sommes polies.
a)Il aime le bavardage.
b) Elle a de la méchanceté.
c)Sa beauté est grande.
d) Elle répond avec amabilité.
Corrigé :
a)Il est bavard. /Elle est bavarde. / Je suis bavard. / Je suis bavarde. / Nous sommes bavards. /
Nous sommes bavardes.
b) Il est méchant. / Elle est méchante. / Je suis méchant. / Je suis méchante. / Nous sommes
méchants. / Nous sommes méchantes.
c)Il est beau. / Elle est belle. / Je suis beau. / Je suis belle. / Nous sommes beaux. / Nous sommes
belles.
d) Il est aimable. / Elle est aimable. / Je suis aimable. / Nous sommes aimables.
8) Un masque rit ! Un masque pleure ! Répondez convenablement en utilisant le lexique des
masques.
Exemple : Il a connu une belle fille. Il est enchanté ou désolé ?
Il est enchanté, bien sûr.
a)Les garçons jouent avec leurs copains. Ils sont tristes ou gais ?
b) Vous avez gagné le match. Vous êtes heureux ou malheureux ?
c) Tu fais du sport. Tu es apathique ou vivace ?
d) Il a manqué l’avion. Il est content ou triste ?

101

Vivace exalté navré malheureux
Heureux + enchanté désolé – triste
Joyeux satisfait insatisfait attristé
Gai content apathique mécontent
Corrigé :
a) Ils sont gais.
b) Nous sommes heureux.
c)Je suis vivace.
d) Il est triste.

•L’adverbe de manière
1) Lisez avec attention l’extrait de l’acte I, scène III et relevez les adverbes de manière.
Corrigé : rarement, sûrement, vivement, indifféremment, obstinément
2) Reliez par des flèches les adjectifs aux adverbes correspondants :
Rare obstinément
Sûr vivement
Vif rarement
Indifférent sûrement
Obstiné indifféremment
Corrigé :
Rare obstinément
Sûr vivement
Vif rarement
Indifférent sûrement
Obstiné indifféremment

102 3) Complète les phrases par les adverbes ci-dessous : rarement, comme, sûrement, quand,
vivement, surtout, indifféremment, obstinément.
a) Pour moi, c’est ça la victoire, …………………………….de tous les détails.
b) J’aime les sports d’hiver, ……………………….le ski.
c)……………….tu es optimiste ! Je t’admire.
d) Les élèves sortent……………………….de la classe.
e) ……………………….rentrez-vous des vacances ?
f) Mon copain Michel va ………………………à la bibliothèque.
g) Cette pièce de théâtre est………………………la plus intéressante que j’ai vue.
h) Le gouvernement refuse………………………..d’appuyer financièrement cet évènement.
Corrigé :
a) Pour moi, c’est ça la victoire, indifféremment de tous les détails.
b) J’aime les sports d’hiver, surtout le ski.
c)Comme tu es optimiste ! Je t’admire.
d) Les élèves sortent vivement de la classe.
e) Quand rentrez-vous des vacances ?
f) Mon copain Michel va rarement à la bibliothèque.
g) Cette pièce de théâtre est sûrement la plus intéressante que j’ai vue.
h) Le gouvernement refuse obstinément d’appuyer financièrement cet évènement.

4) Soulignez les adverbes de manière dans la liste ci-dessous.
Lentement, appartement, élégant, remerciement, élégamment, empressement, vêtement,
évidemment, évènement, prudemment, rarement
Corrigé :
Lentement, appartement, élégant, remerciement, élégamment, empressement, vêtement,
évidemment , évènement, prudemment, rarement

5)Transformez les adjectifs en adverbes.
joli→ absolu→
suffisant→ triste→
fréquent→ malheureux→
poli→ heureux→
Corrigé :
joli→ joliment absolu→absolument

103 suffisant→ suffisamment triste→tristement
fréquent→ fréquemment malheureux→malheureusement
poli→ poliment heureux→heureusement

6) Pouvez-vous reconnaître l’adjectif à partir duquel chacun de ces adverbes est formé ?
précisément→
profondément→
légèrement→
récemment→
Corrigé :
précisément→ précis
profondément→ profond
légèrement→ léger
récemment→ récent
7) Reliez par une flèche chaque adverbe à sa signification :
Joliment de manière imprudente
Logiquement de manière vive
Vivement d’une façon jolie
Imprudemment de façon logique
Corrigé :
Joliment de manière imprudente
Logiquement de manière vive
Vivement d’une façon jolie
Imprudemment de façon logique
8) Barrez l’intrus dans chaque série :
a) violemment, constamment, gémissement, patiemment
b) jugement, constamment, doucement, rapidement
c)timidement, tendrement, segment, certainement
Corrigé :
a) violemment, constamment, gémissement, patiemment
b) jugement, constamment, doucement, rapidement
c)timidement, tendrement, segment, certainement
9) Remplacez les groupes en gras par l’adverbe correspondant.

104 a)Ils ont gagné ce match avec facilité.
b) Lisez avec attention l’énoncé de ce problème.
c)Il a disparu de façon mystérieuse .
Corrigé :
a)Ils ont gagné ce match facilement.
b) Lisez attentivement l’énoncé de ce problème.
c)Il a disparu mystérieusement.

10) Complétez le tableau :
Adjectif Adverbe
inutilement
violent
vivement
rare

Corrigé :
Adjectif Adverbe
inutile inutilement
violent violemment
vif vivement
rare rarement

•L’impératif
1) Lisez avec attention l’extrait de l’acte I, scène III et relevez les verbes à l’impératif.
Corrigé : courez, ramassez, sauvez-vous, rentrez, examinons, chantez.
2) Complétez le tableau :
Ière personne du pluriel IIème personne du singulier IIème personne du pluriel
courez
ramassez
examinons
Sauvez-vous
chantez

Corrigé :

105 Ière personne du pluriel IIème personne du singulier IIème personne du pluriel
courons cours courez
ramassons ramasse ramassez
examinons examine examinez
Sauvons-nous Sauve-toi Sauvez-vous
chantons chante chantez

3) Complétez les points avec les verbes suivants à l’impératif : courez, ramassez, sauvez-
vous, examinons, chantez.
a)……………………. pour ne pas perdre la conférence !
b) Je vois un chien dans la rue, ……………………. !
c)…………………..ce patient qui a de la fièvre !
d) Ma grand-mère n’aime pas le désordre, donc……………………tous les jouets !
e) Pour une vie heureuse, écoutez de la musique et surtout…………………. !
Corrigé :
a) Courez pour ne pas perdre la conférence !
b) Je vois un chien dans la rue, sauvez-vous!
c) Examinons ce patient qui a de la fièvre !
d) Ma grand-mère n’aime pas le désordre, donc ramassez tous les jouets !
e) Pour une vie heureuse, écoutez de la musique et surtout chantez !
4) Soulignez les verbes conjugués à l’impératif !
a)Je suis d’accord avec toi.
b) Joue avec moi, s’il te plaît !
c) Tu joues chaque jour avec tes copains dans le parc.
d) Nous cherchons des indices pour résoudre le cas.
e) Cherchons une solution pour ce problème important !
f) Écoutez de la musique à la radio !
Corrigé :
a)Je suis d’accord avec toi.
b) Joue avec moi, s’il te plaît !
c) Tu joues chaque jour avec tes copains dans le parc.
d) Nous cherchons des indices pour résoudre le cas.
e) Cherchons une solution pour ce problème important !
f) Écoutez de la musique à la radio !
5) Mettez les phrases suivantes à l’impératif présent.

106 a)Tu vas à la piscine.
b) Vous mangez beaucoup de fruits.
c)Vous êtes attentifs à votre professeur.
d) Nous prenons le train à 7 heures pour arriver à temps à la conférence.

Corrigé :
a)Tu vas à la piscine. → Va à la piscine !
b) Vous mangez beaucoup de fruits. → Mangez beaucoup de fruits !
c)Vous êtes attentifs à votre professeur. → Soyez attentifs à votre professeur !
d) Nous prenons le train à 7 heures pour arriver à temps à la conférence. → Prenons le train à 7
heures pour arriver à temps à la conférence !
•Le passé composé
1) Lisez avec attention l’extrait de l’acte I, scène III et relevez les verbes à l’impératif.
Corrigé : a donnés, a produit, est tombée, est passé, je n’ai vu, vous avez perdu
2) Réécris les phrases en donnant au verbe le sujet entre parenthèses.
a) Il a donné à sa copine un livre intéressant. (tu)
b) J’ai vu un film amusant ce week-end. (vous)
c)Il a produit beaucoup de choses utiles. (ils)
d) Vous avez perdu les clefs. (je)
Corrigé :
a) Tu as donné à ta copine un livre intéressant.
b) Vous avez vu un film amusant ce week-end.
c) Ils ont produit beaucoup de choses utiles.
d) J’ai perdu les clefs.
3) Complète les points par le présent de l’indicatif des verbes auxiliaires AVOIR ou ÊTRE.
a)J’………………..oublié de l’inviter à mon anniversaire.
b) Elle ……………fini le projet à temps.
c)Nous………………partis à la montagne.
d) Tu ……………..allé en ville avec tes amis.

107 Corrigé :
a) J’ai oublié de l’inviter à mon anniversaire.
b) Elle a fini le projet à temps.
c) Nous sommes partis à la montagne.
d) Tu es allé en ville avec tes amis.
4) Choisissez la forme correcte.
a) Elle est parti/est partie à la mer.
b) Nous avons mangé/ai mangé beaucoup de fruits.
c) Ils ont sorti/ sont sortis ensemble dans le parc.
d)Tu a gagné/ as gagné le grand prix.
5)Dans les deux colonnes, tu as ce que disent un garçon et une fillette. Complète dans la colonne
respective les verbes au passé composé en faisant attention à la forme du participe passé.
Jacque dit Yvonne dit
Je suis sorti Je suis sortie
Je suis allé ……………………………
…………………………… Je suis partie
Je suis né ……………………………….
Je suis arrivé ……………………………….

Corrigé:
Jacque dit Yvonne dit
Je suis sorti Je suis sortie
Je suis allé Je suis allée
Je suis parti Je suis partie
Je suis né Je suis née
Je suis arrivé Je suis arrivée

6) Mettez en ordre les mots pour en faire des phrases.
a) avons/les/Nous/à /fini/classes/midi.
b) une/acheté/J’/rouge/ai/voiture.
c) la/descendus/Les/rue/enfants/sont/dans.
d) un/pris/Au/déjeuner/café/petit/tu/as.
Corrigé :
a) Nous avons fini les classes à midi.

108 b) J’ai acheté une voiture rouge.
c) Les enfants sont descendus dans la rue.
d) Au petit déjeuner tu as pris un café.

PRODUCTION ORALE
1) Activité par groupes : Vous êtes pour ou contre l’attitude de Bartholo envers Rosine ? Donnez
des arguments !
2) Vous êtes la servante de Rosine ! Imaginez un dialogue avec Rosine sur ses sentiments.
3) Le jeu : Dis une qualité pour cette personne ! ( utilisez des adjectifs)
Exemple : un docteur → bon, courageux, calme, intelligent
Un professeur →calme, actif, intelligent, créatif
4) Faites le portrait de Rosine et de Bartholo en utilisant des adjectifs !
5) Décris ton copain/ta copine !
6) Décrivez votre classe !
7) Vous écrivez un article sur la condition des femmes dans le XVIIIe siècle et vous prenez une
interview à Rosine.
8) Vous faites un reportage sur les docteurs et la médecine du XVIIIe siècle. Vous devez prendre
une interview à Bartholo.

PRODUCTION ÉCRITE
1) Tu es tombé (e) amoureux (euse) et tu écris une lettre à ton meilleur(e) ami(e) pour lui dire
comment tu te sens.
2) Écrivez une lettre d’amour à votre bien-aimé/bien-aimée.
3) Écrivez un journal intime !
4) Si vous pouviez rentrer dans le passé, vous voudriez vivre dans le XVIIIe siècle ? Donnez des
arguments dans un texte de 100-120 mots.
5) Si vous étiez Rosine, quel serait le billet que vous écririez au Comte ?
6) Vous devez écrire un article dans la revue de l’école dans lequel vous parlez des éléments
comiques de la scène que vous avez regardée sur le CD.
7) Racontez ce que vous avez fait pendant les vacances d’été en utilisant le passé composé.
8) Vous avez fait une visite avec la classe et le professeur de français au théâtre. Écrivez une
lettre à un ami dans laquelle vous lui racontez ce que vous avez vu et observé dans le théâtre, ce
que vous avez senti. Utilisez le passé composé.

TEXTE B: Acte I, scène IV

109 FIGARO , contrefaisant la voix de Rosine. – Ma chanson, ma chanson est tombée ; courez,
courez donc ; (Il rit.) ah, ah, ah ! Oh ! ces femmes ! voulez-vous donner de l’adresse à la plus
ingénue ? enfermez-la.
LE COMTE .-Ma chère Rosine !
FIGARO .-Monseigneur, je ne suis plus en peine des motifs de votre mascarade ; vous faites ici
l’amour en perspective.
LE COMTE .-Te voilà instruit ; mais si tu jases…
FIGARO .-Moi, jaser ! Je n’emploierai point pour vous rassurer les grandes phrases d’honneur et
de dévouement dont on abuse à la journée ; je n’ai qu’un mot : mon intérêt vous répond de moi ;
pesez tout à cette balance, et…
LE COMTE .-Fort bien. Apprends donc que le hasard m’a fait rencontrer au Prado, il y a six
mois, une jeune personne d’une beauté… ! Tu viens de la voir. Je l’ai fait chercher en vain par
tout Madrid. Ce n’est que depuis peu de jours que j’ai découvert qu’elle s’appelle Rosine, est
d’un sang noble, orpheline, et mariée à un vieux médecin de cette ville, nommé Bartholo.
FIGARO. -Joli oiseau, ma foi !difficile à dénicher ! Mais qui vous a dit qu’elle était femme du
docteur ?
LE COMTE .-Tout le monde.
FIGARO .-C’est une histoire qu’il a forgée en arrivant de Madrid, pour donner le change aux
galants et les écarter ; elle n’est encore que sa pupille, mais bientôt…
LE COMTE , vivement.-Jamais !…Ah ! quelle nouvelle ! J’étais résolu de tout oser pour lui
présenter mes regrets, et je la trouve libre ! Il n’y a pas un moment à perdre ; il faut m’en faire
aimer, et l’arracher à l’indigne engagement qu’on lui destine. Tu connais donc ce tuteur ?
FIGARO .-Comme ma mère.
LE COMTE .-Quel homme est-ce ?
FIGARO, vivement.-C’est un beau gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, rasé, blasé,
qui guette, et furette, et gronde, et geint tout à la fois.
LE COMTE , impatienté.-Eh ! je l’ai vu. Son caractère ?
FIGARO. -Brutal, avare, amoureux et jaloux à l’excès de sa pupille, qui le hait à la mort.
LE COMTE .-Ainsi, ses moyens de plaire sont…
FIGARO .-Nuls.
LE COMTE .-Tant mieux. Sa probité ?
FIGARO.- Tout juste autant qu’il en faut pour n’être point pendu.
LE COMTE .-Tant mieux. Punir un fripon en se rendant heureux…
FIGARO .-C’est faire à la fois le bien public et particulier : chef-d’œuvre de morale, en vérité,
monseigneur !
LE COMTE .-Tu dis que la crainte des galants lui fait fermer sa porte ?
FIGARO. -À tout le monde : s’il pouvait la calfeutrer…

110 LE COMTE .-Ah ! diable, tant pis. Aurais-tu de l’accès chez lui ?
FIGARO.- Si j’en ai ! Primo, la maison que j’occupe appartient au docteur , qui m’y loge gratis.
LE COMTE .-Ah ! ah !
FIGARO. -Oui. Et moi, en reconnaissance, je lui promets dix pistoles d’or par an, gratis aussi.
LE COMTE , impatienté.-Tu es son locataire ?
FIGARO .-De plus, son barbier, son chirurgien, son apothicaire ; il ne se donne pas dans sa
maison un coup de rasoir, de lancette ou de piston, qui ne soit de la main de votre serviteur.
LE COMTE l’embrasse .-Ah ! Figaro, mon ami, tu seras mon ange, mon libérateur, mon dieu
tutélaire.
FIGARO .-Peste ! comme l’utilité vous a bientôt rapproché les distances ! Parlez-moi des gens
passionnés !
LE COMTE .-Heureux Figaro, tu vas voir ma Rosine ! tu vas la voir ! Conçois-tu ton bonheur ?
FIGARO .-C’est bien là un propos d’amant ! Est-ce que je l’adore, moi ? Puissiez-vous prendre
ma place !
LE COMTE .-Ah ! si l’on pouvait écarter tous les surveillants !
FIGARO .-C’est à quoi je rêvais.
LE COMTE .-Pour douze heures seulement !
FIGARO .-En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l’intérêt
d’autrui.
LE COMTE .-Sans doute. Eh bien ?
FIGARO , rêvant.-Je cherche dans ma tête si la pharmacie ne fournirait pas quelques petits
moyens innocents…
LE COMTE .-Scélérat !
FIGARO. -Est-ce que je veux leur nuire ?Ils ont tous besoin de mon ministère. Il ne s’agit que de
les traiter ensemble.
LE COMTE .-Mais ce médecin peut prendre un soupçon.
FIGARO. -Il faut marcher si vite, que le soupçon n’ait pas le temps de naître. Il me vient une
idée: le régiment de Royal-Infant arrive en cette ville.
LE COMTE .-Le colonel est de mes amis.
FIGARO .-Bon. Présentez-vous chez le docteur en habit de cavalier, avec un billet de logement ;
il faudra bien qu’il vous héberge ; et moi, je me charge du reste.
LE COMTE .-Excellent !
FIGARO. -Il ne serait même pas mal que vous eussiez l’air entre deux vins…
LE COMTE .-À quoi bon ?
FIGARO .-Et le mener un peu lestement sous cette apparence déraisonnable.

111 LE COMTE .-À quoi bon ?
FIGARO .-Pour qu’il ne prenne aucun ombrage, et vous croie plus pressé de dormir que
d’intriguer chez lui.
LE COMTE .-Supérieurement vu ! Mais que n’y vas-tu, toi ?
FIGARO. -Ah ! oui, moi ! Nous serons bien heureux s’il ne vous reconnaît pas, vous qu’il n’a
jamais vu. Et comment vous introduire après ?
LE COMTE .-Tu as raison.
FIGARO .-C’est que vous ne pourrez peut-être pas soutenir ce personnage difficile.
Cavalier…pris de vin…
LE COMTE .-Tu te moques de moi. (Prenant un ton ivre.) N’est-ce point ici la maison du
docteur Bartholo, mon ami ?
FIGARO .-Pas mal, en vérité ; vos jambes seulement un peu plus avinées. (D’un ton plus ivre.)
N’est-ce pas ici la maison… ?
LE COMTE .-Fi donc ! tu as l’ivresse du peuple.
FIGARO. -C’est la bonne ; c’est celle du plaisir.
LE COMTE .-La porte s’ouvre.
FIGARO .-C’est notre homme : éloignons-nous jusqu’à ce qu’il soit parti.

Exploitation du document vidéo : Acte I, scène IV
Le document choisi représente un extrait de l’acte I, scène IV (11'40 à 16ꞌ00) de la pièce Le
Barbier de Séville de Beaumarchais.
Mise en scène : Gérald Marti
Réalisation : Mike Roeykens, 1997
Production : Théâtre Royal du Parc à Bruxelles
Avec : Damien Gillard, Daniel Hanssens, Micheline Goethals, Thierry Lefevre, Jean-Claude
Frison, Daniel Ajenzer, Antoni Lo Presti, Olivier Monneret, Jean-Paul Landresse
Décors et costumes : Sylvie Deschampheleire
Direction technique et éclairages : Serge Daems
Adaptation de la musique traditionnelle : Damien Gillard
Durée : 92'

•Premier visionnage (sans le son)
Des questions :

112 1) Quelles sont les personnes que vous avez vues dans la vidéo, l’acte I, scène IV ? Réponse :
deux hommes.
2) Où sont-ils ? Réponse : dans la rue, sous le balcon.
3) Que font-ils ? Réponse : ils discutent, ils se promènent
4) Énumérez les objets que vous avez vus dans le document vidéo. Réponse : les murs d’une
maison, le balcon, des escaliers.
5) Comment sont habillés les deux jeunes gens ? Réponse : ils portent des pantalons, des
chemises ; l’un porte un gilet rouge, l’autre une cape verte et un chapeau noire.
•Deuxième visionnage (avec le son)
Activité 1 : Dites des mots que vous avez entendus dans le document. Réponse : Madrid,
vieillard, rusé, avare, jaloux, barbier, cavalier, ivresse etc.
Activité 2 : Cochez la bonne case.
a)La ville qui apparait dans le document est : □Paris ; □Séville ; □Madrid.
Corrigé : Madrid.
b) On entend parler □deux personnes ; □trois personnes ; □une personne.
Corrigé : deux personnes
•Troisième visionnage (avec le son et les élèves peuvent suivre le texte, c’est-à-dire la
transcription du document)
Activité 3 : VRAI ou FAUX ?
a) Le Comte a rencontré Rosine à Madrid il y a six mois. Corrigé : VRAI
b) Figaro n’accepte pas d’aider le Comte entrer dans la maison de Bartholo. Corrigé : FAUX
c) Bartholo est amoureux et jaloux à l’excès de sa pupille. Corrigé : VRAI
d) Figaro est le barbier, le chirurgien et l’apothicaire de Bartholo. Corrigé : VRAI
Activité 4 : Complétez les blancs avec les mots tirés du texte.
« LE COMTE, vivement. -Jamais !…Ah !quelle nouvelle ! J’étais résolu de tout oser pour lui
présenter mes…………………., et je la trouve……………… ! Il n’y a pas un moment à
………….. ; il faut m’en faire aimer, et l’arracher à l’indigne …………………….qu’on lui
destine. Tu connais donc ce …………………… ?
FIGARO.-Comme ma mère.
LE COMTE.-Quel homme est-ce ?
FIGARO, vivement. -C’est un beau ……., court, jeune vieillard, gris pommelé, …………..,
………….., blasé, qui guette, et furette, et…………………, et geint tout à la fois. »

113

Corrigé :
« LE COMTE, vivement. -Jamais !…Ah !quelle nouvelle ! J’étais résolu de tout oser pour lui
présenter mes regrets, et je la trouve libre ! Il n’y a pas un moment à perdre ; il faut m’en faire
aimer, et l’arracher à l’indigne engagement qu’on lui destine. Tu connais donc ce tuteur ?
FIGARO.-Comme ma mère.
LE COMTE.-Quel homme est-ce ?
FIGARO, vivement. -C’est un beau gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, rasé , blasé,
qui guette, et furette, et gronde, et geint tout à la fois. »

Des exercices pour fixer le vocabulaire et la grammaire
1) Une phrase est fausse. Laquelle ?
a) Rosine est d’un sang noble, orpheline et mariée à un vieux médecin de la ville, nommé
Bartholo.
b) Bartholo est brutal et avare.
c) Figaro ne connait pas le tuteur de Rosine.
d) Le Comte va se présenter chez le docteur en habit de cavalier, avec un billet de logement.
Corrigé : c) Figaro ne connait pas le tuteur de Rosine.

2) Pour chacune des affirmations suivantes, cochez la variante VRAI ou FAUX et justifiez
votre réponse en citant une phrase ou une expression du texte.
VRAI FAUX
a) Figaro cherche d’écarter tous les surveillants de Bartholo
en utilisant des médicaments.

114 Justification……………………………………………..
b) Rosine est la femme du docteur.
Justification……………………………………..
c)Figaro ne donne pas d’argent à Bartholo pour le logement.
Justification……………………………………….
d) Rosine aime Bartholo.
Justification………………………………………

Corrigé :
VRAI FAUX
a) Figaro cherche d’écarter tous les surveillants de Bartholo
en utilisant des médicaments.
Justification : « FIGARO , rêvant.-Je cherche dans ma tête
si la pharmacie ne fournirait pas quelques petits moyens
innocents… » X
b) Rosine est la femme du docteur.
Justification : « elle n’est encore que sa pupille » X
c)Figaro ne donne pas d’argent à Bartholo pour le logement.
Justification : « la maison que j’occupe appartient au
docteur, qui m’y loge gratis. » X
d) Rosine aime Bartholo.
Justification : « …jaloux à l’excès de sa pupille, qui le hait
à la mort. » X

3) Donnez la famille du mot « libre » en vous aidant du dictionnaire. Complétez les points
avec ces mots.
a) Cette mère laisse trop de ……………………… à ses enfants.
b) Tu es ………………cet après-midi.
c) Les chiens ne devraient pas circuler………………dans les rues de la ville.
d) La………………………des prisonniers a été un acte de justice.
e) Le vol a été commis par un détenu récemment ……………
f) On entendait des bruits bizarres ; tout à coup un rire………………….détendit l’atmosphère :
c’était le chat.
g) Je vais essayer de me ………………….cet après-midi pour aller au spectacle de ma fille.
Corrigé :
a) Cette mère laisse trop de liberté à ses enfants.
b) Tu es libre cet après-midi.
c) Les chiens ne devraient pas circuler librement dans les rues de la ville.
d) La libération des prisonniers a été un acte de justice.

115 e) Le vol a été commis par un détenu récemment libéré.
f) On entendait des bruits bizarres ; tout à coup un rire libérateur détendit l’atmosphère : c’était
le chat.
g) Je vais essayer de me libérer cet après-midi pour aller au spectacle de ma fille.
4) Lisez avec attention les propositions suivantes et relevez les différents sens du mot
« air ». Écrivez –les de nouveau, en employant des synonymes.
a)Durant l’hiver, l’air froid et humide cause de nombreuses crises d’asthme.
b) Elle fredonne le même air depuis ce matin.
c)Son air amusant provoque des rires.
Corrigé :
a) Durant l’hiver, l’atmosphère froid et humide cause de nombreuses crises d’asthme.
Air=fluide gazeux constituant l’atmosphère, que respirent les êtres vivants
b) Elle fredonne le même chant depuis ce matin./Elle fredonne la même mélodie depuis ce
matin.
Air=morceau de musique composé pour une voix, accompagné de paroles
c) Son expression amusante provoque des rires.
Air=apparence générale habituelle à une personne (allure) ; apparence expressive plus ou moins
durable, manifestée par le visage, la voix, les gestes (expression)

5) Complétez les points par les homonymes du mot « air ».Consultez le dictionnaire.
a) Mihai adore pratiquer les sports en plein ………………
b) Aux mathématiques, le professeur nous a appris comment calculer ………………d’un
triangle.
c)Sur cette ……………..on a récolté les céréales.
d) L’…………..chrétienne débute avec la naissance du Christ.
e) Il ……………… sans trouver son chemin.
f) L’aigle …………… rarement près des habitations ou des routes, car il recherche la tranquillité
avant tout.
Corrigé : air, aire, ère, erre, aire
a) Mihai adore pratiquer les sports en plein air. (air= atmosphère)
b) Aux mathématiques, le professeur nous a appris comment calculer l’aire d’un triangle. (aire=
portion limitée de surface, nombre qui la mesure →superficie)
c)Sur cette aire on a récolté les céréales.( aire=toute surface plane)
d) L’ère chrétienne débute avec la naissance du Christ.(espace de temps, généralement de longue
durée, qui commence à un point fixe et déterminé ; âge, époque, période)

116 e) Il erre sans trouver son chemin. (errer=aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure ;
vagabonder, flâner ; j’erre, tu erres, il erre, ils errent)
f) L’aigle aire rarement près des habitations ou des routes, car il recherche la tranquillité avant
tout. (airer=faire son nid, nicher, en parlant des oiseaux de proie ; aire, airent)

6) Reliez les deux colonnes par des flèches :
Le barbier la médecine
L’apothicaire l’esthétique
Le docteur l’armée
Le colonel la pharmacie

Corrigé :
Le barbier la médecine
L’apothicaire l’esthétique
Le docteur l’armée
Le colonel la pharmacie
7) Trouvez des noms spécifiques au métier de barbier et de médecin.
A Z B R A S O I R E

E T G E V Z I U R F
P I S
T
O
N
B
B
O
C

G I M M N I A C D M
H A M M N I R C D A
V O E B R A B X Z L
J R
A S
É M I S S A
W Q L L K A E B B D
D O
C T
E U R A I E
P P
E T
T E C N A L

Corrigé : rasoir, barbe, rasé, barbier, docteur, lancette, malade, piston

117 A Z B R A S O I R E

E T G E V Z I U R F
P I S
T
O
N
B
B
O
C

G I M M N I A C D M
H A M M N I R C D A
V O E B R A B X Z L
J R
A S
É M I S S A
W Q L L K A E B B D
D O
C T
E U R A I E
P P
E T
T E C N A L

8) Mettez en bon ordre les mots pour construire des phrases.
a)

Corrigé : Le Comte va se présenter chez le docteur en habit de cavalier.
b)

Corrigé : Le Comte aura l’air entre deux vins.
c)

Corrigé : Figaro, mon ami, tu seras mon ange, mon libérateur, mon dieu tutélaire. cavalier. le docteur
en habit de
se présenter va
chez Le Comte
l’air entre aura Le Comte
vins. deux
mon ami, mon ange mon libérateur
mon dieu
tu tutélaire.
Figaro, seras

118 9) Remplacez le mot « raison » par les synonymes suivants : « la pensée », « le
discernement », « le motif ».
a) Je connais peu de choses concernant les doctrines fondées sur la raison.
b) Cet homme accorde beaucoup d’importance à sa raison pour résoudre ce problème délicat.
c) Il n’a pas publié son livre par une raison très simple : il n’a pas eu d’argent.
Corrigé :
a) Je connais peu de choses concernant les doctrines fondées sur la pensée.
b) Cet homme accorde beaucoup d’importance à son discernement pour résoudre ce problème
délicat.
c) Il n’a pas publié son livre par un motif très simple : il n’a pas eu d’argent.
10) Donnez pour chaque verbe le nom correspondant :
loger→
traiter→
héberger→
éloigner→
Corrigé :
loger→le logement
traiter→le traitement
héberger→l’hébergement
éloigner→l’éloignement
11) Chassez l’intrus :
a) avoir raison, raisonnable, déraisonnable, mangeable
b) soupçon, soupçonner, amoureux, soupçonneux
c) surveillants, galants, surveiller, surveillance
d) rêve, rêveur, serviteur, rêver
Corrigé :
a) avoir raison, raisonnable, déraisonnable, mangeable
b) soupçon, soupçonner, amoureux, soupçonneux
c) surveillants, galants, surveiller, surveillance
d) rêve, rêveur, serviteur, rêver
12) Complétez les blancs avec les mots suivants : dieu, Dieu, déesse.
a)Dans la mythologie grecque, Poséidon est le……………………des mers et des océans.
b) Quand j’ai des problèmes, je vais à l’église et je dis une prière à ……………….

119 c)Athéna est la …………………grecque de la sagesse.
d) J’ai lu beaucoup de livres sur les ……………….de la Grèce, la mythologie est ma passion.
e)Dans la religion chrétienne, …………………est le créateur du monde.
Corrigé :
a)Dans la mythologie grecque, Poséidon est le dieu des mers et des océans.
b) Quand j’ai des problèmes, je vais à l’église et je dis une prière à Dieu.
c)Athéna est la déesse grecque de la sagesse.
d) J’ai lu beaucoup de livres sur les dieux de la Grèce, la mythologie est ma passion.
e)Dans la religion chrétienne, Dieu est le créateur du monde.
13) Complétez les définitions suivantes avec les homonymes des mots « foi » et « nouvelle ».
a)Je suis un organe, situé dans la partie supérieure droite de l’abdomen et j’ai le rôle suivant :
sécrétion de la bile, métabolisme des glucides, des protides et des lipides, épuration et
détoxication. Je m’appelle……………………….
b) Je suis la confiance absolue que l’on met en quelqu’un ou en quelque chose. Je
m’appelle……………….
c)Je suis le moment du temps où un événement, conçu comme identique à d’autres événements,
se produit. On voit, par exemple, une personne pour la première ………………
d) Je possède des qualités originales, je suis inédite, donc je suis une conception………………
e) Je suis un récit généralement bref, de construction dramatique et je présente des personnages
peu nombreux. Je suis une…………………………..
Corrigé :
a) Je suis un organe, situé dans la partie supérieure droite de l’abdomen et j’ai le rôle suivant :
sécrétion de la bile, métabolisme des glucides, des protides et des lipides, épuration et
détoxication. Je m’appelle le foie.
b) Je suis la confiance absolue que l’on met en quelqu’un ou en quelque chose. Je m’appelle la
foi.
c) Je suis le moment du temps où un événement, conçu comme identique à d’autres événements,
se produit. On voit, par exemple, une personne pour la première fois.
d) Je possède des qualités originales, je suis inédite, donc je suis une conception nouvelle.
e) Je suis un récit généralement bref, de construction dramatique et je présente des personnages
peu nombreux. Je suis une nouvelle.
14) En vous appuyant sur la fiche Donner des informations sur quelqu’un, précisez les traits de
caractère de ces personnes :
a)Marie ne pense qu’à elle, à ses robes, à ses toilettes ; rien ne l’intéresse en dehors de sa
personne.
Elle ……………………………

120 Elle a ………………. caractère.
b) Julie parle avec tout le monde, elle sourit toujours et donne des conseils et surtout un coup de
main à tout le monde.
Elle est …………………..
Elle a ………………………….caractère.
c)Michel parle beaucoup de lui-même, il promet son aide à tout le monde et il ne tient pas sa
parole.
Il est ……………………..
Il a ……………………..caractère.
Corrigé :
a)Marie ne pense qu’à elle, à ses robes, à ses toilettes ; rien ne l’intéresse en dehors de sa
personne.
Elle est égoïste.
Elle a mauvais caractère.
b) Julie parle avec tout le monde, elle sourit toujours et donne des conseils et surtout un coup de
main à tout le monde.
Elle est généreuse.
Elle a bon caractère.
c)Michel parle beaucoup de lui-même, il promet son aide à tout le monde et il ne tient pas sa
parole.
Il est impoli.
Il a mauvais caractère.

14) Complétez les conseils suivants à propos de la santé avec les verbes à l’impératif
affirmatif ou négatif : boire, dormir, manger, sourire, fumer, faire.
Pour un ami Pour un groupe d’amis
……..deux litres d’eau par jour. …………….deux litres d’eau par jour.
…………..du sport trente minutes par jour. ……………..du sport trente minutes par jour.
………….huit heures par nuit. ………………huit heures par nuit.
……….des fruits et des légumes chaque jour. ……….des fruits et des légumes chaque jour.
…………quand tu rencontres des gens. ………….quand vous rencontrez des gens.
Et surtout, …………………….pas ! Et surtout, …………………….pas !

Corrigé :
Pour un ami Pour un groupe d’amis
Bois deux litres d’eau par jour. Buvez deux litres d’eau par jour.
Fais du sport trente minutes par jour. Faites du sport trente minutes par jour.

121 Dors huit heures par nuit. Dormez huit heures par nuit.
Mange des fruits et des légumes chaque jour. Mangez des fruits et des légumes chaque jour.
Souris quand tu rencontres des gens. Souriez quand vous rencontrez des gens.
Et surtout, ne fume pas ! Et surtout, ne fumez pas !

15) Mettez les verbes suivants à l’impératif pour compléter les conseils : dire, parler, offrir,
céder, être, avoir.
a)……………. « bonjour » quand vous entrez dans un magasin !
b) Dans les transports en commun, …………………..votre place aux personnes âgées !
c)Lors d’un anniversaire, ………………. des fleurs !
d) Quand vous êtes dans une bibliothèque, ne ……………………pas !
e)………………de patience, le film va commencer dans quelques minutes.
f) ………………………..attentifs au professeur, s’il vous plaît !
Corrigé :
a) Dites « bonjour » quand vous entrez dans un magasin !
b) Dans les transports en commun, cédez votre place aux personnes âgées !
c)Lors d’un anniversaire, offrez des fleurs !
d) Quand vous êtes dans une bibliothèque, ne parlez pas !
e) Ayez de la patience, le film va commencer dans quelques minutes !
f) Soyez attentifs au professeur, s’il vous plaît !

PRODUCTION ORALE ET PRODUCTION ÉCRITE
1) Vous êtes le guide d’un musée d’art et vous présentez à un groupe d’élèves quatre tableaux
qui représentent les personnages suivants : Figaro, Rosine, Bartholo, le Comte.
2) Vous rencontrez le Comte, déguisé, sous le balcon de Rosine. Imaginez un dialogue avec lui !
3) Vous participez à un bal masqué. Vous devez vous habillez comme les personnages de la
pièce Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Quel personnage choisiriez-vous ? Argumentez !
Présentez aussi vos costumes !
4) Si vous étiez le Comte, que feriez-vous pour entrer dans la maison de Bartholo ?
5) Réalisez une affiche pour la représentation de la pièce Le Barbier de Séville de Beaumarchais
qui aura lieu au théâtre de votre ville.
6) Écrivez un mail à votre meilleur ami dans lequel vous présentez le personnage de la pièce Le
Barbier de Séville qui vous a impressionné de plus.

122
CIVILISATION
1) Projet par groupes : Divisez la classe en groupes de 3 ou 4 élèves et présentez un aspect de la
société de XVIIIe siècle. Par exemple, vous pouvez choisir la littérature, la musique, le théâtre,
la condition de la femme, la relation maître-valet etc.
2) Cherchez des informations sur les acteurs que vous avez vus dans la pièce présentée sur le CD
et, par groupes, faites leur présentation.
3) Dessinez un décor de théâtre ! Comparez votre dessin à celui de votre copain.
4) Complétez la fiche d’identité de Beaumarchais.
5) Complétez la fiche d’identité de l’œuvre Le Barbier de Séville.

Complétez la fiche d’identité de l’auteur.

Nom : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Date et lieu de naissance : le 24 janvier 1732 à Paris
La famille ………………………………………………
…………………………………………………………
Formation : ……………………………………………
…………………………………………………………
Carrière :………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
Œuvres de théâtre : ……………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
Mort : …….……………………………………………………………………………….

Complétez la fiche d’identité de l’œuvre .

Titre complet : Le Barbier de Séville ou…………………………
Année de parution :……………………………………………… Collez ici le
portrait de
Beaumarchais
Collez ou réaliser
le portrait du
personage-titre

123 Date de la première représentation :…………………………….
Genre et registre …………………………………………………
Principaux personnages :…………………………………………
……………………………………………………………………
……………………………………………………………………
Résumé de l’intrigue :…………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………….
……………………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………..

Observez cette représentation de Figaro.
a)Faites le portrait physique de Figaro.
…………………………………………………..
…………………………………………………..
………………………………………………….
………………………………………………….

124 b)Donnez quatre adjectifs pour qualifier son caractère.
…………………………………………………………
c)Imaginez sa vie………………………………………
………………………………………………………..
……………………………………………………………..
…………………………………………………………….
………………………………………………………………
d)Comparez cette représentation avec celle faite par Beaumarchais au début de la pièce.
« FIGARO, barbier de Séville : en habit de majo espagnol. La tête couverte d’un rescille, ou
filet ; chapeau blanc, ruban de couleur autour de la forme, un fichu de soie attaché fort lâche à
son cou, gilet et haut-de-chausse de satin, avec des boutons et boutonnières frangés d’argent ;une
grande ceinture de soie, les jarretières nouées avec des glands qui pendent sur chaque jambe ;
veste de couleur tranchante, à grands revers de la couleur du gilet ; bas blancs et souliers gris. »

Exprimer des sentiments (exprimer la joie/la tristesse)

Nom commun
Adjectif Verbe

La joie
-l’allégresse
-le contentement
-l’enchantement
-l’enthousiasme
-la gaieté
-le ravissement
-la satisfaction
-le plaisir

-allègre
-content
-enchanté
-enthousiaste
-gai
-ravi
-satisfait
-heureux
-joyeux
•être content
•être joyeux
•prendre plaisir à
•s’enthousiasmer pour
•se satisfaire de

Nom commun
Adjectif
Verbe

125

La tristesse -l’abattement
-l’accablement
-l’amertume
-le chagrin
-le désespoir
-la douleur
-la mélancolie
-la nostalgie -abattu
-accablé
-affligé
-attristé
-déçu
-désespéré
-mélancolique
-morose
-nostalgique
-pessimiste
-triste

•être abattu
•souffrir
•être insupportable

Donner des informations sur quelqu’un
Comment est-il ? Comment est-elle ?

Il/elle est:
-bon, brave -poli, polie
-généreux, généreuse -modeste
-sympathique -aimable
-bavard, bavarde -courageux, courageuse
-souriant, souriante -curieux, curieuse
-gentil, gentille

Il/elle a bon caractère.

126

Présenter quelqu’un/Faire le portrait de quelqu’un

LA TAILLE : haute, moyenne, petite, mince, élancée
L’ASPECT : robuste, chétif, délicat, trapu, gros
LE VISAGE : ovale, allongé, rond, carré
LE FRONT : bombé, étroit, bas, lisse, haut
LES YEUX : bleus, noirs, noisette, marron, grands, petits, en amande
LE REGARD : vif, perçant, rieur, malin
LE NEZ : droit, aquilin, retroussé, au vent, camus
LE MENTON : pointu, carré, volontaire
LA BOUCHE : rouge, fraîche, petite, en cœur
LES JOUES : rondes, creuses, roses, pâles
LES CHEVEUX : plats, souples, raides, en brosse, frisés, bouclés ;
Les cheveux sont : blonds, bruns, roux, châtains, en nattes, avec une raie, attachés sur la nuque.
Il/elle est:
-méchant, méchante -égoïste
-antipathique -taciturne
-grossier, grossière -désagréable
-timide -impoli, impolie
-indifférent, indifférente
-vantard, vantarde
Il/elle a mauvais caractère.

127

128

129 BIBLIOGRAPHIE
A. Oeuvres primaires
1. Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville, avec une Notice
biographique, une Notice historique et littéraire, des Notes explicatives par Pierre RICHARD,
Librairie Larousse-Paris-VIe, 1934, Collection Classiques Larousse
2. Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville ou Les précautions
inutiles, comédie en quatre actes, publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièvre, janvier 2015,
collection Théâtre Classique
3. BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville, présentation, notes, dossier, chronologie et
bibliographie par Jean GOLDZINK, GF Flammarion, Paris, 2001
B. Livres, études, articles
4. Delphine BERNARD, La littérature française au BAC , Paris, Belin, 1996
5. Cadre Européen Commun de Référence pour les langues, Didier, 2005
6. P.-G.CASTEX, P.SURER, G.BECKER, Histoire de la littérature française , Hachette, 1974
7. Jeanne CHARPENTIER, Michel CHARPENTIER, Le mouvement des Lumières au XVIIIe
siècle, Nathan, 2001
8. Marie-Noëlle COCTON, « L’expression théâtrale en FLE : en route vers une cocréativité ! »,
dans Voix plurielles , vol. 10, n⁰2, 2013
9. Marie-Noëlle COCTON, « L’improvisation : une invitation à voyager en classe de FLE »,
dans Nouvelle Revue Synergies Canada, n⁰8, 2015
10.Anca COSÃCEANU, Didactique du français langue étrangère , Editura Cavallioti, București,
2003
11. Xavier DARCOS, Bernard TARTAYRE, Le XVIIIe siècle en littérature, Hachette, Paris,
1986
12. Vlad DOBROIU, « Les activités théâtrales en classe de français langue étrangère » dans
Synergies , Roumanie, n⁰9, 2014, p.93-99.
13.Richard FRANCIS, « La Ruse féminine dans le théâtre de Beaumarchais », dans
Beaumarchais : homme de lettres, homme de société, Philip Robinson, éd., Oxford· Bern·
Bruxelles· Frankfurt a. M. ·New York· Wien, Peter Lang, 2000
14. George GHIDU, Valeriu PISOSCHI, Gramatica limbii franceze cu exerciții , Editura Teora,
București, 2003
15. Viorica GROZA, Zapping sur la grammaire , Sinapsis, Cluj-Napoca, 2012
16. Jean-Benoît HUTIER, Maître et valets dans la comédie du XVIIIe siècle , Hatier, Paris, 1999
17. Angela ION, Histoire de la littérature française , Editura Didactică și Pedagogică, București,
1982
18. Thibaut JULIAN, « La musique dans la trilogie de Beaumarchais », dans Malice, n⁰6, janvier
2016

130 19. Margaret LANG, Isabelle PEREZ, Gramatica limbii franceze moderne , Editura Teora,
București, 2001
20. Régine MÉRIEUX, Yves LOISEAU, Connexions 2, Didier, Paris, 2004
21.Éloïse LIÈVRE-MOLKHOU, Le Barbier de Séville. Livret pédagogique , Hachette Éducation,
Paris, 2003
22. LE PETIT ROBERT, Dictionnaires Le Robert-Paris, 2006
23. Louis de LOMÉNIE, Beaumarchais et son temps : études sur la société en France au XVIIIe
siècle, Tome premier, Paris, Michel Lévy Frères, Libraires-Éditeurs, 1858
24. Elsir Elamin Hamid MOHAMED, « Théâtre et enseignement du Français Langue
Étrangère », dans Synergies Algérie , n⁰2, 2008, p.177-184.
25. Dominique MORINEAU, Le Barbier de Séville, Beaumarchais, 40 questions, 40 réponses, 4
études, Ellipses Édition Marketing S. A., Paris, 1999
26. Traian NICA, Cãtãlin ILIE, Tradition et modernité dans la didactique du français langue
étrangère, Editura Celina, Craiova, 1995
27. Adrien PAYET, Activités théâtrales en classe de langue, Clé International, Paris, 2010
28. Nicolae-Florentin PETRIȘOR, Guide pratique pour les professeurs de français , Editura
Paradigme, Pitești, 2007
29. Gisèle PIERRA, Une esthétique théâtrale en langue étrangère , L’Harmattan, 2001
30. Programa școlară aprobată cu O. M. nr.5099/ 09.09.2009, București, 2009
31. Programa școlară aprobată cu O.M. nr.3458/09.03.2004, București, 2004
32. Programa școlară aprobată cu O. M. nr. 3488/23.03.2006, București, 2006
33. Gunar von PROSCHWITZ, Introduction à l’étude du vocabulaire de Beaumarchais , Slatkine
Reprints, Genève, 1981
34. Dorina ROMAN, La didactique du français, langue étrangère, Editura Umbria, Baia Mare,
1994
35. Hélène SABBAH, Georges DÉCOTE, XVIIIe siècle, Hatier, Paris, 1989
36. Cesare STERBINI, Il Barbiere di Siviglia, Edizioni « A. Barion » della Casa Per Edizioni
Popolari, S. A., (Milano), 1935
37. Aurelia TISAN, Carmen CIORTAN, Littérature française pour les classes de lycée , Editura
Aius, Craiova, 1995
38. Elena ZOGOVSKA, « Le théâtre moteur de tous les apprentissages », dans Le français dans
le monde, n⁰409, janvier-février 2017

C. SITOGRAPHIE
1.www.tv5monde.com/théâtre
2.www.litteratureaudio.com

131 3.https://www.opera-lille.fr/…/media_fichier_fr_dp.barbier.de.sa.ville.light.pdf
4.https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Barbier_de_Séville
5.https://www.audible.fr/pd/Classiques/Le-Barbier-de-Seville-Livre-Audio/B077YLZYWP
6.https://fr.wikisource.org/wiki/Beaumarchais_sa_vie_ses écrits_et_son_temps/07
7.http://cielam.univ-amu.fr/publication/1817
8.https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202692n
9.https://www.youtube.com/watch ?v=tckoE8zGT24
10.https://www.youtube.com/watch ?v=LAotFzt6z-o

132 Declarație de autenticitate

Subsemnata, Ivan Gh. Claudia (căsătorită Rîpeanu), profesor la Liceul
Tehnologic Meserii și Servicii, Buzău, județul Buzău, înscrisă pentru obținerea
gradului didactic I, seria 2017-2019, cu lucrarea Beaumarchais-Le Barbier de
Séville dans la classe de FLE , declar pe propria răspundere că lucrarea a fost
elaborată personal și îmi aparține în întregime, nu am folosit alte surse decât cele
menționate în bibliografie, nu am preluat texte, date sau elemente de grafică din
alte lucrări sau din alte surse fără să le citez și fără să le precizez sursa preluării.
Lucrarea nu a mai fost folosită în alte contexte de examen sau de concurs.

Data, Semnătura,

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