REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE [607328]

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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTERE DE L‟ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITÉ BLIDA 2

Faculté des L ettres et des Langues
Département de Français

LE RÔLE DE LA SITUATION D'INTÉGRATION DANS
L'ACQUISITION DU LANGAGE ÉCRIT EN
COMPREHENSION ET EN PRODUCTION CHEZ LES
ELEVES DE 03ème AS: « Propositions didactiques pour
l’application de la pédagogie de projet»

THESE PRESENTEE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE DOCTORAT

Spécialité : Didactique du français

Présentée p ar l‟étudiante : Dirigéee par :
Fatiha OUSSEUR Mohand Amokrane AIT DJIDA

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2016/2017

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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTERE DE L‟ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITÉ BLIDA 2

Faculté des Lettres et des Langues
Département de Français

LE RÔLE DE LA SITUATION D'INTÉGRATION DANS
L'ACQUISITION DU LANGAGE ÉCRIT EN
COMPREHENSION ET EN PRODUCTION CHEZ LES
ELEVES DE 03ème AS: « Propositions didactiques pour
l’application de la pédagogie de projet»

THESE PRESENTEE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE DOCTORAT

Spécialité : Didactique du français

Présentée par l‟étudiant e : Dirigéee par :
Fatiha OUSSEUR Mohand Amokrane AIT DJIDA
Devant le jury composé de :

Khedidja Mokaddem Professeur, Université de Sidi Bellabes Présidente
Mohand Amokrane Ait Djida Maître de conférences A,Université de Chlef Rapporteur
Hakim Menguellat Maître de conférences A ,Université de Blida 2 Examinateur
Abdellali Beceti Maître de conférences A , ENS de Bouzeréah Examinateur
Malika Besseket Maître de conférences A , université de Mostaganem Examinatri ce

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2016/2017

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Remerciements

Je tiens à exprimer ma sincère grat itude à monsieur Mohand Amokrane AIT DJIDA,
mon directeur de recherche , pour sa grande disponibilité, son engagement , sa rigueur
scientifique , sa collaboration intellectuelle et ses commentaires qui m’ont permis
d’enrichir ma démarche et ma réflexion . Son dynamisme et sa compréhension me
donnaient la force et le courage pour continuer dans les moments difficiles.

Je remercie également mes enseignants qui m’ont prodigué tout leur savoir et savoir –
faire, qui m’ont énormément donné durant cette formation et qui ont su éveiller en moi
le désir arde nt de la recherche.

Je tiens à remercier tous ceux qui, de prés ou de loin , ont apporté une attention et
une aide à cette recherche , je leurs suis profondément reconnaissante de l’intérêt qui
lui ont accordé .D’abord , à ceux qui partagent mon quo tidien ; ma mère puis ma
mère : ma source d’énergie, mes frères, ma belle – sœur Rachida et surtout à Mouna,
Younes et Razane. A toute la belle -famille TAIBI surtout mon père Miloud. Puis à mes
amis fidèles et mes collègues notamment : Baghdadi.A , Mer ah.H, bouacha.Z,
Tiffour.A, Bouasla.A, Fellah.A.
Vous êtes des personnes extraordinaires qui m’ont offert un soutien indéfectible tout
au long de cette recherche et qui ont contribué à l’accomplissement de ce projet et
avec qui, il est précieux de par tager chaque moment, petit ou grand de la vie.

Finalement, je tiens à remercier mon époux Mohamed, qui n’a pas ménagé un effort
pour que cette thèse réussisse : « sans toi ce projet n’aurait jamais pu voir le jour »
A toi MOHAMED et à mes enfants DINA et Ibrahim Khalil Errahmen
A vous tous GRAND merci

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Résumé

La situation d'intégration a été introduite dans l’ensemble des activités à élaborer avec
les classes de troisième année secondaire juste après la mise en place de la réforme du
système éducatif algérien dans les années deux milles. Étudier ce genre d'activité
devient essentiel tant il faut former nos apprenants comme futurs citoyens, pour
aujourd’hui et pour demain. . Alors que la démocratie s’approfondit, l’objectif du secteur
éducatif se conçoit de plus en plus comme une éducation à la citoyenneté responsable
et critique. C’est dans ce but qu’à partir de l’année 2004, l’enseignement de l'écrit dans
des situations d'intégration s’inscrit officiellement dans le programme de fra nçais au
secondaire algérien
Afin de préparer les jeunes adolescents à devenir des citoyens actifs d’une société
démocratique, il faut non seulement les rendre capables de comprendre le
fonctionnement de cette société dans ses dimensions politique, éco nomique et sociale
mais les aider à se percevoir comme des acteurs potentiels du devenir du monde qui
les entoure. Pour cela, il est nécessaire de leur donner les moyens de se situer dans un
contexte professionnel réel et non pas à l’extérieur de ce lui-ci, donc il est indispensable
de les habituer à comprendre et à écrire dans un but et de ce fait la situation
d'intégration semble être représentative du monde de demain.C’est la raison pour
laquelle nous nous sommes posé la question suivante : Quel rôle joue la situation
d’intégration dans l’acquisition du langage écrit ?

Par ailleurs, dans les épreuves du français langue étrangère, le sujet de l'examen contient
deux parties: une première pour la compréhension et une deuxième pour la production
de l'écrit. Cependant, le sujet de l'expression écrite vise toujours des enjeux discursifs1
c'est-à-dire l'objectif de l'acte de communication (informer, convaincre, réfuter…).
En revanche, produire de l'écrit n'est pas une accumulation de phrases correctes car la
cohérence d'un texte dépend à la fois des plans pragmatique, syntaxique et sémantique.
Les séances de compréhension élaborées dans les cours du programme auront
sensibilisé l'apprenant à un certain nombre de notion qu'il faudra approfondir tout au
long du projet pédagogique. L'apprenant doit savoir qu'il écrit dans un but, à un lecteur
particulier et doit avoir une présentation particulière. C'est pourquoi le profe sseur doit
recourir à des situations de communication authentique en concevant des projets
d'écriture véritables avec un enjeu et un destinataire précis.

Ainsi, l’apprenant qui doit accomplir une tâche rédactionnelle lors de l’examen, doit
d’abord faire preuve de compréhension. De ce fait, si l’élève éprouve des difficultés au
niveau de la compréhension, la rédaction devient une activité difficile voire impossible.
En outre, on ne peut pas s’interroger sur les difficultés en compréhension/écriture si on
ne connait pas les stratégies mises en place pour apprendre. C’est la raison pour
laquelle nous allons tenter, dans le cadre de notre recherche, d’expliquer le processus
cognitif sous -jacent, de mettre en place un protocole de recherche afin de pouvo ir enfin
proposer des remédiations et des pistes didactiques pour l’application de la pédagogie
d’intégration. Mots clés : Compétence, compréhension, production écrite , pédagogie
de projet, situation d’intégration, processus cognitif .

1 Ils peuvent être implicites.

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Liste des tableaux

-Tableau n°01 : Structuration des savoirs……………………… ……………… …..109
-Tableau n°02 : Types de contex tes de spécialité……………………………… …..350
-Grille n°01 : Analyse des critères d’élaboration d’un sujet d’e xpression écrite ….393
-Grille n°02 : Paramètres d’évaluation des rédactions réalisées par les
apprenants……… ……………………………………………… …………………. .452

Liste des figures

-Figure n° 01 : Zone couverte par la pé dagogie d’intégration ………………… ……… 17
-Figure n°02 : Situation « actuelle » /Situation « but » ……………………… …… …..17
-Figure n° 03 : Mobilisation des compétences dans la pédagogi e de projet…… ………..45
-Figure n°04 L’objectif de l’ argumentation ………………………… …………… …..500
-Figure n°05 : La dynamique argumentative ……………………… .……… ………..502

6

Table des matières

Remerciements …………………………………………………………… ……………..03
Résumé………………………………………………………… ………….. ……..…… 04
Liste des tableaux et des figures ………………………… ……. ………… ……… …….05
Table des matières …………………………………… ………………………. ……… ..06
INTRODUCTION GENERALE……………… ……………………………… ……….14

FONDEMENTS THEORIQUES

CHAPITRE I : LANGUES ET REPRÉSENTATIONS IDENTITAIRES EN
ALGÉRIE : HISTOIRE, ÉVOLUTION ET RECONSTRUCTION
PÉDAGOGIQUE ………………………………………………………………… ……27

1. L’Algérie dans ses langues ……………………………………………… ……… …27
2. L’utilisation politique des langues : arabisation ou bilinguisme ?……………………….. .29
3. Les facteurs de différenciation et proximités entre français langue maternelle et
français langue étrangère …………………………………………… …………… ……. 30
4. Les langues et leurs pratiques en Algéri e : le cas d’une classe de langue
étrangère …………………………………………………………………… ..………… 35
5.Le contexte scolaire algérien et les programmes de français :…………… …………. 37
6.Programme du « français » au cycle secondaire ………………………… …………. 38
7.La pédagogie du projet :une nouvelle perspective adoptée ……………… ………….39
8. La genèse de la pédagogie du projet : une rupture dans le rapport au temps des
sociétés humaines ……………………………………………………………… …..….44
9-Quelle définition du projet – élèves ?…………………………………. …………………. ………….45
10.La place de la production écrite dans les programmes de03ème année
secondaire :………………………………………………………………………… …..46

7

11.La composante pragmatique dans la classe de
langue :……………… …… ……… ……………………………… … ………………… 52
12.L’acquisition de la compétence pragmatique en langue étrangère ………… ………53
13. « Éducation » face aux réformes : Programme du F.L.E au cycle secondaire
Algérien: ……… ……………………………… ……………………………………… ..57
14. La formation des enseignants au XX e siècle ………………………………… ……60
15. Contextualisation et universalisme . Quelle didactique des langues pour le XXI e
siècle ?………………………………………………………………. …………………………. ………….. …….62
16. Le contexte m acrolinguistique et la place des politiques linguistiques éducatives :
vers une didactique du pluriliguisme ……………………………………… …………. ..66
17.Le cadre européen commun de référence pour les langues : un nouvel universalisme
en didactique des langues …………………………… …………… …………………… 68
18.La formation au métier d’enseignant : l’enfant pauvre de la didactique des langue s………… 72
19.L’hétérogénéité d’hier à aujourd’hui …………………………………………… …..74
20.A quelles conditions la pédagogie du projet est – elle efficace ? ……… ………… 77
21. Sur quels supports s’appuyer : Varier les situations pédagogique s …… ……..79
22.Comment comprendre la situation pédagogique ? ……………………… ……… …81
23.Styles d’enseignement,syles pédagogiques……… ………………………………. …………….82
24.Contrat didactique et contrat disciplinaire ……………………………… …………. .83
25.Communication interculturelle et didactique des langues comme champ de recherche …….86
26.Les composantes de la compétence à communiquer langagièrement …… ………… 89
27. Composantes d’une méthodologie d’enseignement des langues par compétences
spécifiques ………………………………………………… …………. …………… .…90
28.Les spécificités d’une situation d’écrit en langue étrangère: réception/production …..99
29. Cohésion méthodologique et articulation des compétences …………… …….. …106
30.L’articulation des compétences des communication langagières entre elles : Quels
éléments linguistiques , pédagogiques et discursifs ………………… ………………. …..110
31.La communication dans la classe :……………………………………… …… ..…113
32.La gestion du groupe et les communications dans la classe ………………… …… 115
33. De la discipline déclarée à la discipline apprise : La discipline « français » en
particulier, discipline séculaire et son renouveau ………………………… …… ….116
34.Le rôle de l’enseignant dans une expérience de classe FLE :……………… …..…118
35.Une situation pa radoxale : Didactiques, disciplines et rapports aux
disciplines ……………………………………………………………………… ……… 120

8

36.Quelques distinctions pour construire la notion de discipline scolaire …… ………121
37. L ’acquisition de la langue étrangère :les quatre tâches de l’apprenant …..………..129
38. Le conflit sociocognitif : ……………………………………………..… ………. .138
39.La motivation chez les collégiens et les lycéens ………………………… ….……. 139
40.Pédagogie différenciée dans les activités d’écriture ………………… ..………….. 148
41.Comment concevoir l’enseignement – apprentissage de l’écrit? ……………… ……….. 151
42.La rédaction comme lieu explicite de l’enseignement de l’écriture :la rédaction ou le
paradoxe d’une écriture qui ne s’enseigne pas ………………… ………… ….……… 151
43.La progression , le niv eau de lecture, la séquence …………………… …… ……… 154
44.Des outils pour construire des progressions : …………………………… ….……. 155
45.L’évaluation scolaire ………………………………………………………… ……157
46. Les finalités de l’éducation ………………………………………………… ..……158
CHAPITRE II : LE LANGAGE ECRIT :DE LA RECEPTION A LA
PRODUCTION :QUEL PROCESSUS COGNITIF DE LA CO MPREHENSION
DE L‟ECRIT ET QUEL TRANSFERT DE COMPETENCE ? ……… ………. 173
1.Le langage écrit …….. ……… .………………………………… …………..…… …174
2.Lire et écrire en français langue étrangère ………………………………… ………. 174
3.Les mots en concaténation :Les mouvements de l’œil dans la lecture ………. …… 176
4.Comment peut-on décrire la signification élaborée à partir du texte ? ……….. …… 181
5.Des traitements typologiques à des niveaux très divers : La reconnaissance des
différents types de texte ……………………………………… ………………. …… …184
6.L’approche cognitive des typologies de texte ………………………………… …….186
7.Critères et fonctions d’une typologie ………………………………… ……………..186
8.Les opérations textuelles …………………………………………………… ..…….187
9.Une approche de psychologie cognitive de la lecture /compréhension …………. 197
10.Trois générations de recherche en compréhension de textes ……………… ……… 199
11.Les aspects textuels ……………………………………………………… ..…..…201
12.Comprendre : intégrer de l’information …………………………………… ..…….211
13.Le point épistémologique sur la lecture : ……………………………… …………. 212
14.Compréhension de textes en langue étrangère ……………… ……. ……… ………216
15.Le bon lecteur et les méthodes de lecture rapide ………… ..……………… ……..218

9

16.Activité visuelle , objectifs de lecture et les différentes voies d’accès à la
signification …………………………………………………………………………. 220
17.D’ou vient le sens d’un texte ?……………………………………………………… ………………221
18.Le statut du texte littéraire : Construire une progression ordonnée : l’enseignant
comme guide ……………… …………………… ……………………… ..………… 222
19. Les principes de l'acquisition du langage en psychologie cognitive …… ……….. 225
20.La mise en œuvre de l'in teraction sociale en pédagogie …………… ……… ……..239
21.Psycholinguistique cognitive du traitement de texte …………… …………. ……… 240
22.Détermination d’une stratégie de lecture …….………………… …… …………… 244
23.Un nouveau rôle pour le professeur de français ……………… …………… …….. 245
24.Quels savoir à mobiliser dans l’acquisition du langage écrit ?………………… …………248
25.La lecture scolaire : Comprendre et interpréter en milieu scolaire entre tradition et
indices de renouveau ……………………………… …….……….… …….. ………… 255
26.La littérature comme lieu de référence ………………………………… ..………. 265
27.La littérature comme lieu de formation : Quelle didactique de la littérature ?…… 269
28-Le lieu du refoulé : les autres pratiques d’écriture ….…..……………… ….……. 270
29.Convergences et interdisciplinarité : vers une didactique cognitive du traitement du
texte …………………………………………………………………… ……..……. …271

CHAPITRE III : ÉCRIRE EN SITUATION/ PROCESSUS COGNITIF ET
ELABORATION DES SAVOIRS : QUEL ROLE POUR LE CONTEXTE ? ….275

1.Pourquoi s’intéresser à la production verbale écrite ? ……… ………… ………… …275
2.Psycholinguistique textuelle : problème d’actualité …………… …..…… ………… .275
3.Le niveau « texte » :des opérations multiples avec des ressources
limitées ……………………………………………………………………… ..……… .277
4. Quatre grands niveaux de détermination ………………………………… ..………279
5.Une linguistique textuelle : La pertinence linguistique des facteurs
situationnels ……… …………………………………………………………… ..…… .280
6.Texture, structure et activité langagière ……………………… ………… …… …… 281
7. Approche psychocognitive et psycholinguistique de l’écriture ………… …….……283

10

8.Les types de texte, discours, genre, sphère ………………………… ….…… ……… 296
9.Les univers de l’écrit ……………………………………………………… .…… …312
10.Les écrits scolaires entre innovation et tradition ………………………… ………..313
11.Lire et écrire : de la réception à la production ……………………………… ..……315
12.L’acquisition de la langue écrite : enjeux interdisciplinaires ………………… ..…316
13. Écrire pour apprendre : où le rapport à l’écriture est évoqué ……… ………… ….318
14.La Productio n écrite et son développement ……………………………… ………. 320
15.Comment peut-on procéder à l’étude de la production écrite ?………………… ………..322
16. Entrée lexicale à la production écrite ……………………………………… …….329
17. Les niveaux en production du langage : Planification des contenus et réalisation
linguistique …………………………………………………………… …………….. 332
18.De la réalisation textuelle à la pragmatique du discours : enje ux d’une nouvelle
discipline ………………………………………………………………… ……..……. 335
19. Le paramétrage contextuel de la production : la théorie des trois aspects …….….339
20. Le terme : un mot en contexte ? ……………………………………… ……. …… 342
21.Terme et contexte : deux notions qui ne s’excluent plus ……………… ………….. 343
22.Contexte et situation ………………………………………………… ……… …… 344
23.Du cotexte au contexte :l’unité lexicale entre langue et discours …………… ..…..346
24. Contexte linguistique et contexte extralinguistique ………………………… ….…348
25. Pourquoi s’interroger sur les contextes en didactique des langues ?…………………..351
26.Processus de contextualisation : effet de sco larisation et de déscolarisation ………360
27. Les processus mentaux sont – ils des modules indépendants ? ………… …… …..362

Conclusion de la partie théorique …………………… …………………… ……..366

11

PARTIE PRATIQUE :LA SITUATION D‟INTEGRATION DANS
L‟ACTIVITE D‟ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE ………… .367

I. Présentation générale …… ……………………………………………………… …..368

1. Description de l’enquête……… ………………………………………… ………… …368
2. Justification du choix méthodologique ………………………………………… ….….370
3. Présentation du corpus : deux établissements scolaires …………………… …… …….370

II. Présentation du questionnaire destiné aux enseignants …………………… …….. 378

01. Présentation des questions ……………………………………………………… ..…..378
02. Conditions de passation ………………………………………………………… …… .383
03. Présentation du public n°01 …………………………………………………… ..…… 384
04. Analyse et commentaires des résultats ……………………………………… …….…385

III. Présentation du questionnaire destiné aux apprenants ……………………… ……418

01. Le choix du public …………………………………………………………… …… ….418
02. Justification du choix du support …………………………………………… …… ……418
03. Présentation des questions ………………………………………………… …… …….418
04. Analy se des résultats et commentaire ……………………………………… …… …….423

IV. Expérimentation d‟une situation d‟intégration : ………………………… ………..435
01.Présentation et déroulement da l’activité ………………………………… ………..435
02. L’élaboration d’une épreuve d’évaluation :Les qualités d’une épreuve d’évaluation à
travvers une situa tion complexe…………………………………… …………….. ………… 436
03.Analyse des résultats et commentaires …………………………………… .…… …439
04.Interprétation des résultats et élaboration des paramètres d’évaluation des
rédactions réalisées par les apprenants ……………………………………… ……… .444
05.Comment peut -on justifier les difficultés éprouvées dans le processus d’écriture
chez l’enfant et l’adolescent ……… ……………………………………… …………. 472

12

06. Quelle compétence développée par notre activité d’intégration ?………. ……………..477
07.Les types des écrits scolai res algériens…………………………………… ………496

V. Perspectives didactiques pour l‟application de la pédagogie de l„intégration …..50 5

1. Présentation du contexte francophone ……… ………………………. …… ……….. 505
2. L’évaluation des acquis scolaires …………… ………… ………………… ..…… ..509
3. Le fléau des réussites et des échecs abusifs ………………………………… ..…….511
4. Évaluer les compétences dans la pédagogie de l’intégration ………………… …….511
5. Le rôle du critère dans l’évaluation des compétences langagières …………… …….513
6. Quels tex tes et quelles lectures pour aider à écrire …………………………… …….519
7.Évaluation formative dans une didactique de l’écriture ……………………… …….525
8.Entraîner à la production écrite ……………………………………………… ..…… 527
9.Acquisition et orthographe du français langue étrangère …………………… ………530
10.Expérimentation de l’intégration dans le projet …………………………… ………538
11.L’intégration dans les activités d’écriture …………………………………… ..…..546
Conclusion de la partie pratique( synthèse)…………… …………………… …… ……552

CONCLUSION GENERALE ………………………………….… ……… …..……… 553
Bibliographie ………………… …………………………………………… ………… .561
Annexes ………………………………………………………………………… ……. 568
Abstract ………………………… ……………………………………………… …….. 617

13

INTRODUCTION GENERALE

14

INTRODUCTION

Avec la réforme du système éducatif algérien, on introduit la situation d'intégration
dans l’ensemble des activités à élaborer avec les classes de troisième année secondaire.
Étudier ce genre d'activité d’écriture devient essentiel tant il faut former nos
apprenants co mme futurs citoyens, pour aujourd’hui et pour demain.

Alors que la démocratie s’approfondit, l’objectif de l’éducation civique se conçoit de
plus en plus comme une éducation à la citoyenneté responsable et critique. C’est dans
ce but qu’à partir de l’ann ée 2004, l’enseignement de l'écrit dans des situations
d'intégration s’inscrit officiellement dans le programme de français au secondaire
algérien: « Une situation d'intégration est le reflet d'une compétence à réaliser chez
l'élève. Elle peut être consid érée comme une occasion d'exercer la compétence chez
l'élève, ou comme une occasion d'évaluer s'il est compétent » (Roegiers.X,2004,P109)

Afin de préparer les jeunes adolescents à devenir des citoyens actifs d’une société
démocratique, il faut non seulement les rendre capables de comprendre le
fonctionnement de cette société dans ses dimensions politique, économique et sociale
mais les aider à se percevoir comme des acteurs potentiels du devenir du monde qui
les entoure. . « Une situation -problè me « didactique » est une situation -problème que
l'enseignant organise pour l'ensemble d'un groupe -classe, en fonction de nouveaux
apprentissages : nouveaux savoirs, nouveaux savoir -faire, etc ».
(Roegiers.X,2006,P21)
Ce souci de permettre aux jeunes de se situer eux -mêmes dans le monde de l'avenir se
justifie aussi d’un point de vue psychologique : l’adolescence est une période de
recherche identitaire et la construction de cette identité nécessite de prendre conscience
de ses racines, de son milie u, de s’inscrire dans un contexte particulier :
« C’est le déséquilibre qui est formateur même s’il est inconfortable, et peut -être surtout parce qu’il est
inconfortable ! Il correspond à un manque que l’élève a besoin de combler pour retrouver ce qu e nous
pourrions appeler un équilibre cognitif, c’est -à dire des savoirs qui sont reliés entre eux pour former
une cohérence utilisable dans d’autres situations » (De Vecchi.G et, Carmona –
Magnaldi.N,2002 , P93)

15

On pourrait énoncer comme suit les caractéristiques d'une situation d'intégration :
1. «Elle mobilise un ensemble d'acquis. Ces acquis sont intégrés et non additionnés. 2. Elle est orientée
vers la tâche, elle est significative. Elle possède donc une dimension sociale, que ce soit pour la suite du
parcours de l'étudiant, pour sa vie quotidienne ou professionnelle. Il ne s'agit pas d'un apprentissage
«scolaire».3. Elle fait référence à une catégorie de problèmes spécifiques à la discipline, ou à un
ensemble de disciplines, dont on a spécifié quelques paramètres.4. Elle est nouvelle pour l'étudiant. »
(Roegiers.X,1999,P30)

Ces caractéristiques permettent de distinguer un simple exercice de la résolution de
problème, c'est -a-dire l'exercice de la compétence proprement dite. Ainsi, la situation
d'intégration est donc l'image de la situation dans laquelle l'élève est invité à exercer sa
compétence Comme le dit L e Boterf :"À la différence de la pile bien connue, la
compétence ne s'use que si on ne l'utilise pas " (Le Boterf .G, 1995,P18 )

Les questions qui se posent sont les suivantes: La situation d'intégration pourrait –
elle avoir un impact sur l'apprentissage du français langue étrangère? Quel rôle joue
la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit ?

 1. Hypothèses:
1. 1. Les élèves n'écrivent pas en français car ils ne comprennent pas certaines pratiques
sociales ou contextuelles représentées dans la situation d'intégration (en essayant de
représenter le monde extérieur, on propose à l'élève des situation s complexes).1
1.2. Certains n'écrivent pas car la situation d'intégration constitue une entrave dans leur
activité d'écriture ; l’enseignant ne respecte pas les éléments constitutifs de la situation
d’intégration ce qui rend son sujet plus complexe et de ce fait cela a un impact négatif
sur la productivité des apprenants2
1.3. D'autres produisent mieux à l'écrit car ils perçoivent l'importance de
l'enseignement qu'ils subissent en classe3.

1 On lui dit par exemple, « tu es journaliste dans le journal de ton lycée et l’apprenant n’a jamais connu
ce genre d’activité rédactionnelle
2 Un ou plusieurs éléments sont absents du sujet d’expression écrite proposé par l’enseignant «1. Le
contexte q ui décrit l'environnement dans lequel se déroule la situation. Ou 2.
Les supports d'information sur la base de cette information l'apprenant va agir. Ou 3. La fonction qui
précise dans quel but la production doit être réalisée. Ou 4. La tâche : c'est l'image de ce que l'on attend
de l'élève quand il résout une situation. Ou 05. La consigne : c'est l'ensemble des instructions de travail
qui sont données à l'apprenant de façon explicite »
3 Il y a une productivité au niveau de l’écrit quand il y une b onne formulation de sujet d’expression
écrite

16

 2.Pourquoi avons -nous choisi d’intervenir en compréhension et en production de
l’écrit ?

Dans les épreuves du français langue étrangère, le sujet de l'examen contient deux
parties: une première partie pour la compréhension et une deuxième pour la production
de l'écrit. Cependant, le sujet de l'expression écrite vise toujours des enjeux discursifs1
c'est-à-dire l'objectif de l'acte de communication (informer, convaincre, réfuter…) . Par
ailleurs, produire de l'écrit n'est pas une accumulation de phrases correctes car la
cohérence d'un texte dépend à la fois des plans pragmatique, syntaxique et sémantique.
Les séances de compréhension élaborées dans les cours du programme auront
sensibilisé l'apprenant à un certain nombre de notion qu'il faudra approfondir tout au
long du projet. L'apprenant doit savoir qu'il écrit dans un but, à un lecteur particulier et
doit avoir une présentation particulière. C'est pourquoi le professeur doit recourir à des
situations de communication authentique en concevant des projets d'écriture véritables
avec un enjeu et un destinata ire précis. Ainsi, la formulation du sujet de l'expression
écrite devra comporter:
-"'intentionnalité qui doit guider la réalisation de l'écrit;
-les éléments de la situation de communication;
-L’objet du discours" .
(Document d'ac compagnement du programme, 2005 , p15 )

 3.Qu'est -ce que la Pédagogie de l'intégration?
La Pédagogie de de l’intégration n’est pas une pédagogie à proprement parler : c’est
une méthodologie curriculaire2, c’est -à-dire qu’elle propose un mode d’organisation des
apprentissages et de l’évaluation au sein d’un système éducatif ou d’un système de
formation. Elle se situe au point d’articulation entre le niveau politique d’une part et le
niveau des pratiques d’autre part. Autrement dit , elle fait o ffice d’interface entre une
politique curriculaire donnée (quel projet éducatif au service de quel projet de société ?
quelles finalités ?) et les pratique s pédagogiques des enseignants ? C’est ce quiest
représenté par le schéma (figure n°01) ci-dessous p roposé pa r Roegiers.X, (2010, p18)

1 Ils peuvent être implicites.
2 Référence au curriculum

17

En revanche Jonnaert P (2000, p54) dans son analyse de l’écart entre la « situation
actuelle » et « la situation but » propose le schéma suivant (Figure n°02) :

situation actuelle Processus de formulation Situation but
Se qui se passe (composantes,
acteurs, contexte) ce qui est visé par la
formation
Un problème ressenti amélioration attendue

En outre , afin de contextualiser une « situation actuelle », Jonnaert.P (2000, p55)
ajoute : « Nous serions réducteurs et nous ne pourrions effectivement comprendre la
situation actuelle si nous l’isolons du contexte dans lequel elle est appelée à
fonctionner et si nous négligions les interactions qui s’établissent entre elle et ce
contexte »

 4.Constat : Pourquoi avons -nous opté pour la situation d'intégration?

L'épreuve de baccalauréat constitue un moment crucial dans le parcours scolaire dans
la mesure où elle évalue l'activité d'enseignement/apprentissage ainsi que toute réforme
appliquée sur cette activité. Lorsque les élèves lisent le sujet de l'expression écrite , ils
accomplissent non pas une, mais toute une série d’opérations mentales bien distinctes1.
Il y a tout d’abord la reconnaissance des mots , puis leurs organisation en propositions
et en phrases cohérentes. En parallèle avec ces opérations, ils activent des
connaissances qu'ils intègrent au contenu du texte. Le processus d’intégration est

1 Nous traitons ces notions avec plus de précisions dans le chapitre III : LE PROCESSUS COGNITIF
DE LA COMPRÉHENSION DE L'ÉCRIT.

18

essentiel dans la compréhension. En effet la plupart des textes que nous lison s sont
incomplets, même s’ils nous paraissent à première vue parfaitement cohérents :
« La compréhension peut donc se définir comme la capacité à construire, à partir du
texte et des connaissances antérieures, une représentation mentale cohérente de la
situation évoquée par le text e. » (Gaonac’h et Golder, 2001, P 108)

Le concept de situation, ou plutôt de familles de situations, est donc central lorsque
l'on évoque « une compétence ». Mais de quelle situation parle -t- on?

On a souvent tendance à r éduire les situations d'apprentissage aux seules situations
d'exploration. L'approche par compétence appelle le recours à un autre type de
situation: « la situation d'intégration », qui vient couronner l'apprentissage, ou plutôt un
ensemble d'apprentissage. Cette situation consiste à donner à l'élève l'occasion
d'exercer la compétence visée. En effet la meilleure occasion d'installer une
compétence est de donner à l'apprenant l' occasion de l'exercer.

Certes, rappelons -le, l’objectif de la présente recherche est de révéler « le rôle que joue
la situation d’intégration dans l’acquisition du langage écrit en compréhension et en
production » , néanmoins, il est à noter que les termes « situation d’intégration »
relèvent d’un discours purement scolaire qui reprend, entre autre, l’idée de la
pragmatique du discours, un concept qui a ses origines épistémologiques1 . Ce qui
permet par exemple de distinguer ce qui, en mathématiques et en science, distingue
d'une part l'exercice, la simple application d'une règle, d'une théorie, et d'autre part la
résolution de problèmes, c'est -à dire l'exercice de la compétence proprement dite. Il y a
notamment exercice de la compétenc e si le problème à résoudre mobilise un ensemble
de connaissances. L'apprenant est d'ailleurs obligé d'identifier ceux qui interviennent
dans le problème, dans lequel on trouve des données parasites, et qui ait un caractère
signifiant pour l'apprenant, en terme de projet, d'investissement de sa part, de prise de
problème sur la réalité,… Sinon, on en reste à la simple application.

1 Que nous abordons ulérieuremnt.

19

 5.Intégration et évaluation des acquis :

Faut-il évaluer des compétences, des connaissances ou des capacités ? La questi on est
importante, c'est la raison pour laquelle on cite la phrase désormais célèbre de De
Ketele (1988, p254) " Dis -moi comment tu évalues, je te dirai qui tu formes".

Mais si l'on se prononce sur une évaluation de l'apprenant en termes de compétences, la
situation d'évaluation est du même que la situation d'intégration: elle doit être l'image
fidèle de la situation dans laquelle l'élève exerce la compétence. Dans cer tains cours, la
situation d'apprentissage de l'intégration est confondue avec la situation d'évaluation,
par choix ou par manque de temps. Ce sont les cours dans lesquels l'apprenant est invité,
au terme d'apports divers, à réaliser un travail personne l qui mobilise l'ensemble des
acquis, à travers lequel il manifeste sa compétence. C'est par exemple le cas d'un
travail dan s lequel l'élève doit montrer sa compétence à préparer et à présenter un
exposé oral sur un thème donné dans lequel il doit mo biliser un ensemble de
connaissances de savoir -faire acquis. C'est également le cas d'un mémoire de fin
d'études, où l'étudiant doit montrer sa compétence à conduire un travail de recherche
dans la discipline choisie. La situation d'intégra tion n'est don c rien d'autre qu'une
situation d'évaluation.
Ainsi, l'apprenant qui doit accomplir une tâche rédactionnelle lors d'un examen, doit
d'abord faire preuve de compréhension. En outre, si l'élève éprouve des difficultés au
niveau des trois points cités plus haut1, la rédaction devient une activité difficile voire
impossible. De ce fait, on ne peut pas s’interroger sur les difficultés en lecture/écriture
si on ne connaît pas les stratégies mises en place pour apprendre. Cela justifie notre
choix pour les cha mps de recherches en didactiques dans lesquels nous nous inscrivons
afin de mener notre enquête dans le cadre de cette thèse de doctorat :

A.Cognitivisme/ Socioconstructivisme :

Dans cette conception constructiviste des apprentissages, les cerveaux des élèves ne
sont pas des récipients2 ni une pyramide de connaissances sur laquelle on empilerait
les savoirs « Les élèves n’empilent pas les savoirs qu’ils reçoivent, ils n’apprennent

1 A savoir : le contexte, la consigne et la tâche rédactionnelle.
2 Avec l’idée de transmission du savoir.

20

vraiment que les savoirs qu’ils construisent. » (Rey et Staszewski, 200 4, P26)
Construire un savoir implique un travail d’appropriation complexe qui passe par une
déconstruction partielle des connaissances préexistantes de l’apprenant (remise en
question de certaines représentations désormais dépassées) et une reconstructio n
permettant d’intégrer (de classer, de relier) le nouveau savoir (attitude, concept, savoir –
faire) à l’ensemble des connaissances acquises précédemment. Cette vision de l’acte
d’apprendre amène à concevoir des dispositifs didactiques visant à mettre le plus
souvent les élèves en situation de « conflit cognitif », c’est – à dire, de remise en
question de leurs représentations préexistantes d’attitudes, de concepts ou de savoir –
faire.

En outre, sur le plan linguistique, on s’est inscrit dans :
B. le cou rant énonciatif : car l e concept d'énonciation est encore au centre des
recherches en linguistique aujourd'hui ce qui a apporté un point de vue totalement
nouveau. C'est Benveniste qui, le premier, a ouvert la voie en exprimant la nécessité de
prendre e n compte le sujet qui parle ; il a été l'un des premiers à s'intéresser au langage
en fonctionnement : Il est donc indispensable d'étudier le langage et le sujet en les
définissant par relation mutuelle. Car " le langage est "marqué" si profondément par
l'expression de la subjectivité qu'on se demande si, autrement construit, il pourrait
encore fonctionner et s'appeler langage. L'activité langagière laisse des traces dans
l'énoncé, traces que le linguiste cherche à systématiser.

Ainsi, le langage n'est pa s un simple intermédiaire s'effaçant derrière les choses qu'il
"représente" : il y a non seulement ce qui est dit mais le fait de le dire, l'énonciation, qui
se réfléchit dans la structure de l'énoncé.

La théorie de l'énonciation étudie donc de quelle manière l'acte d'énonciation permet de
référer, comment l'individuel s'inscrit dans les structures de la langue. Dans la mesure
où l'on prend en compte la relation que l'énonciateur entretient avec son prop re énoncé,
on doit faire intervenir la problématique de l'énonciation dans les énoncés les plus
divers. L'énonciation s'oppose, ainsi, naturellement à l'énoncé.

Cette distinction ne va pas sans poser de nombreux problèmes ; a priori l'ensemble des
facteurs impliqués dans la production d'un énoncé singulier peut être pris en compte. Or

21

ce n'est pas à tout cela que s'intéressent en général les linguistes quand ils s'occupent
d'énonciation. Ils appréhendent, en effet, l'événement énonciatif à travers les traces
repérables que celui -ci laisse dans l'énoncé.

Par ailleurs , faute de pouvoir étudier directement l'acte de production, on va chercher à
identifier et décrire les traces de l'acte (l'énonciation) dans le produit. Il parait en effet
difficile d'étud ier de manière pertinente et exhaustive l'ensemble des paramètres
agissant dans l'acte de parole ; on s'attache donc à repérer dans l'énoncé même les traces
ou les marques de l'énonciation qui vont avoir trait tout d'abord à la situation
d'énonciation tout simplement (à savoir les marques de la personne et le cadre
situationnel), pour observer ensuite les marques du locuteur à travers son énoncé (c'est –
à-dire la manière dont il va marquer l'énoncé de sa subjectivité). En revanche , le courant
pragmatique s'i ntéresse aussi , et plus généralement, au fait que tout énoncé est porteur
d'intentions et en particulier celle de faire ou de faire faire quelque chose :« C’est avec
John Austin que naît véritablement l’intérêt pour le langage envisagé d’un point de v ue bien
particulier : le langage considéré comme un mode d’action. Son principal apport à la philosophie du
langage est l’ébauche de la théorie des actes du langage. Celle -ci s’appuie sur le constat que le
langage n’a pas pour unique fonction de décr ire le réel , mais peut aussi permettre d’agir »
(Bracops .M, 2010,P34 )

Plus encore que l'étude de l'énonciation, la pragmatique s'intéresse aux éléments de
signification du discours qui ne sont pas forcément inscrits dans la langue. Sur la base
de la t héorie des actes de langage des philosophes J. Austin et J. Searle, ce courant s'est
développé dans deux directions : celle de l'analyse de l'argumentation et celle des
présupposés et des implicites du discours qui permettent d'en reconstruire le sens. C'e st
de la découverte, par Austin, du phénomène des actes de langage que l'on peut
réellement dater les débuts de la pragmatique telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Si le sens des messages dépend du contexte, des situations présentes et antérieures, ou
encore d'éléments implicites plus ou moins accessibles, alors la communication verbale
ne peut reposer sur la seule combinaison d'un lexique et d'une syntaxe. Avec la
pragmatique, il apparaît qu'utiliser le langage, ce n'est pas seulement dire quelque chose,
c'est agir.

22

Grice propose de substituer la notion d'intention de communication à celle de
signification. Selon lui, "vouloir dire", c'est vouloir qu'un énoncé ait u n certain effet sur
un auditoire, ne serait -ce que simplement faire comprendre le contenu de l'énoncé. En
ce sens communiquer, ce n'est pas tant transmettre une information que faire aboutir une
intention. Les compétences ne sont pas les mêmes, et les stra tégies non plus : « La
démarche de Grice oriente nettement l’étude du langage vers les sciences cognitives »
(Bracops.M, 2010,P69 )

Enfin, comment admettre que le contenu d'un message soit spécifique s'il peut être
modifié par la réponse que lui donner a son destinataire ? La conception interactive des
processus d'énonciation, de transmission et de compréhension remet en cause l'idée que
les mots auraient un sens hors des échanges langagiers. Le processus de
communication verbale apparaît plus complexe que ne la supposait la théorie de
l'information : l'idée que les mots reflètent le monde, traduisent nos pensées et
transportent le sens recule devant une conception où le présupposé, l'implicite et le
poids du contexte confèrent à tout discours plusieurs niveaux de signification
« L’énoncé véhicule ce que le locuteur veut communiquer. L’étude de l’énoncé est
l’objet de la pragmatique » (Bracops.M, 2010,P69 )

Donc ce que nous allons effectuer dans le cadre de cette thèse de doctorat e st d’établir
le lien entre les sciences du langage représentées par le courant pragmatique et les
sciences de l’éducation représentées par la pédagogie de l’intégration afin de pouvoir
enfin1 porposer des piste s didactiques pour l’application de la pédagogie de projet .

 6.Pourquoi nous nous sommes intéressé à l'argumentation ?

L'argumentation est, évidemment, un facteur de cohérence textuelle.
À partir des études de E. Benvenniste sur "L'homme dans la langue", O. Ducrot cherche
à constituer une logique du langage où aurait lieu une approche de l'argumentati on. Ses
études cernent quelques aspects de la fonction argumentative indubitablement présente
dans le langage. Les deux notions de polyphonie et d'énonciation sont liées depuis les

1 Dans notre partie méthodologique .

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travaux de Ducrot. En outre, la p roblématique de la pragmatique intégrée en donne
d'ailleurs une dé finition beaucoup plus étroite :

« Cependant, ce n’est pas l’argumentation telle qu’elle est définie classiquement, à savoir la stratégie
de persuasion, qui interesse Ducrot et Anscombre . Pour eux, la langue dispose d’une série de
potentialités argumentatives inscrites dans son lexique, et dans ses structures (au niveau de la phrase), et
ces potentialités se réalisent dans le discours (au niveau de l’énonc é) en donnant lieu à des relatio ns
argumentatives : c’est à l’étude de ce type de relations que s’attache la pragmatique intégrée.»
(Bracops.M, 2010,P177 )

L'un des aspects originaux de la pragmatique intégrée tient à sa contestation de la thèse,
classique en linguistique, de l'unicité d u sujet parlant. On peut considérer, et c'est
l'opinion de Ducrot lui -même, que la théorie de la polyphonie est étroitement liée à la
théorie bakhtinienne du dialogisme « La conscience est beaucoup plus effrayante que
tous les complexes inconscients ». (Bakhtine .M in Todorov,T, 1981, p55) .Non que les
travaux de Ducrot se soient directement inspirés de ceux de Bakhtine : plutôt, Bakhtine
et Ducrot œuvrent dans le même sens, mettre en doute l'unicité du sujet parlant.

Pour traiter tous les concepts cités plus haut avec plus de précision et a fin d’effectuer
notre recherche, il s’est avéré indispensable de répartir notre fondement théorique en
trois chapitres :

1.Langues et représentations identitaires en Algérie : Histoire, évolution et
reconstruction pédagogique
Dans ce c hapitre, nous allons décrire les représentations identitaires linguistiques en
décelant le parcours des politiques linguistiques et l’impact qu’elles peuvent avoir sur
l’acte pédagogique. Afin de mieux comprendre ce dern ier, nous avons essayé d’évoquer
les concepts et les notions qui relèvent de l’activité d’enseignement /apprentissage du
français langue étrangère.
02. Le langage écrit : de la réception à la production : quel processus cognitif de la
compréhension de l’écrit et quels transferts de compétences ?
Dans cette partie de la recherche , nous tentons d’expliquer le transfert de compétences

24

au niveau de l’écrit. A partir du moment où, l’apprenant du FLE passe de la
compréhension du texte (considérée comme modèl e linguistique) à la production du
texte (considérée c omme rédaction attendue à partir d’un modèle étudié) et au niveau
de la production écrite elle -même, l’apprenant effectue la même opération : c’est -à dire
à partir de la compréhension d’un sujet d’expression écrite (représenté par une situation
d’intégration), il doit réaliser une tâche rédactionnelle.

03.Écrire en situation : processus cognitif et élaboration des savoirs : quel rôle pour le
contexte ?
Pour ce qui est de ce chapit re, nous essayons de cerner les éléments qui co nstituent
l’ensemble de l’ activité rédactionnelle à savoir les composante s d’une situation
d’intégration : le rôle du contexte, l a tâche rédactionnelle et le processus cognitif
émanant .

Par ailleurs, d ans le cadre de ce projet de doctorat nous allons traiter avec plus de
précision les concepts cités plus haut en exploitant l’ensemble des références
bibliographiques, tout en proposant une partie méthodologique dans laquelle nous
décrirons la démarche que nous allons entretenir :

1.Nous avons analysé des copies d’expres sion écrite réalisées par des apprenants
inscrits en 03ème année secondaire langues étrangères et ce afin de vérifier l’application
de l’activité d’intégration dans les évaluations formatives et dans les rédactions
intermédiaires.

2.Nous avons réalisé deux questionnaires : le premier est destiné aux apprenants , le
deuxième est destiné aux enseignants. Ce dernier nous a permis de demander à 38
enseignants du cycle secondaire de formuler des sujets d’expression écrite. Cette
activité nous a donné l’occasion d’analyser les sujets des enseignants et de pouvoir
constater que nombreux sont les enseignants qui ne maîtrisent pas et ne respectent pas
les critères de la formulation d’un sujet d’expression écrite.

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3.De ce fait, nous avons eu l’idée de réa liser une activité d’écriture auprès des élèves
de 03ème année secondaire, série langues étrangères:
Nous présentons donc notre protocole de recherche, dans le corps de notre thèse, nous
exploitons des outils d’analyse, nous interprétons les données et les résultats obtenus
afin de vérifier nos hypothèses de départ.

Espérons ainsi, contribuer modestement dans l’avancée des recherches en didactique du
français langue étrangère dans le contexte Algérien.

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FONDEMENTS THEORIQUES

CHAPITRE 01 :

LANGUES ET REPRÉSENTATIONS
IDENTITAIRES EN
ALGÉRIE :HISTOIRE, ÉVOLUTION ET
RECONSTRUCTION PÉDAGOGIQUE ET
DIDACTIQUE

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LANGUES ET REPRÉSENTATIONS IDENTITAIRES EN
ALGÉRIE :HISTOIRE, ÉVOLUTION ET RECONSTRUCTION
PÉDAGOGIQUE ET DIDACTIQUE

1- L'Algérie dans ses langues :

La question des langues est à juste titre considérée comme un élément important dans
toute réflexion sur l'ALGÉRIE, sur la conception que cette société peut avoir d'elle –
même et donner à voir à l'extérieur. Elle concerne toutes les langues en usage dans ce
pays, mais le cadre est souvent restreint à la langue arabe écrite et à la langue française,
comme référant chacune à des identités opposées. Si l'on s'interroge sur la place de la
langue française, on en vient à se demander si son maintien est un élément négatif ( en
ce qu'il menacerait le lien à l'origine) ou positif ( en ce qu'il mettrait à distance le
traditionnel).

En effet l'ALGÉRIE, dans notre imaginaire contemporain, est partagée entre deux
pôles: aujourd'hui le déchaînement d'une violence sauvage, inouïe, hier la guerre
d'indépendance. C'est pourquoi nous pensons que la confrontation avec le grand passé
algérien est si impérative, si urgente, si vitale. Il ne s'agit pas d'oublier que les cen t
trente années d'occupation française en ALGERIE on laissé leur marque, qui n'est pas
seulement violence et indifférence, que des générations algériennes se sont formées
dans la langue française et ont élaboré une grande partie de leur projet d'émanc ipation à
partir des idéaux transmis par cette langue et dans cette langue et que donc le français
n'est pas seulement la langue de l'oppresseur. Et aussi que des générations
d'Européens venus de multiples horizons, les pieds -noirs, ont affûté leurs sens et leur
pensée au contact de la terre d'ALGÉRIE et de ses habitants, arabes, juifs et berbères.

Ainsi, l'arabe fut la langue choisie comme emblème de la souveraineté lors de la guerre
de libération, celle qui permet à un peuple de pouvoir dire ""NO US" en s'opposant au
colonialisme qui parlait lui français. L'arabe classique fut revendiqué, au mépris des
langues parlées, comme la langue de l'identité durement conquise, de sa naissance
volontaire; son acte de naissance,, la langue natale plutôt que maternelle, la langue

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rêvée d'une identité dont le rêve fut nécessaire. Aujourd'hui le peuple algérien est seul
et face à lui -même; parler arabe ne suffit plus. Il faut donc rappeler quelles langues
sont en jeu dans le paysage algérien, à quels enje ux elles sont utilisées, pour montrer de
quelle manière elles échangent entre elles ,comment elles réalisent ,à l'insu de tous, une
véritable création d'une ALERIE vivante.

La rencontre du français et de l'arabe en Algérie aurait pu être aussi paisible que celle
du finnois et du suédois en Finlande, ce dernier y ayant été introduit aussi par une
conquête. Ce que nous avons constaté est que :

"l'Algérie est une grande malade linguistique parce que les deux langue en présence avant
l'indépendance et même après, sont l'une et l'autre "surinvesties" symboliquement Le français et l'arabe
ne sont pas simplement des langues parlées par des locuteurs français ou arabes : ce sont aussi des
emblèmes politico -religieux et des messages à portées unive rselles: emblèmes et messages en conflit.
La situation actuelle des langues dans le contexte algérien se comprend par l'histoire dont elle est un
héritage. Lors de la conquête française, le pays, comme les autres pays de culture arabe, avait deux
registr es de langues. Le dialecte arabe et l'arabe classique qui est la langue de culture, liée à
l'islamisation du MAGHREB, était l'arabe dit coranique, car sa référence essentielle était la religion,
mais aussi à la culture qu'il véhiculait. Cette langue était d'usage essentiellement écrit. Elle était
largement enseignée dans les écoles coraniques. Des écoles de niveau supérieur (médersa) enseignaient
en plus des éléments de commentaire du coran, de grammaire, et de droit. A un niveau plus élevé, des
"univer sités" comme celles de Constantine, d'Alger, de Tlemcen formaient des savants (oulama) qui, par
l'accès à des disciplines complémentaires (éloquence, sciences religieuses, histoire) devenaient,
individuellement ou collectivement, des autorités reconnues p our interpréter la religion et le droit en
délivrant des "fatwa". Depuis 1830, l'Etat français a confisqué toutes ces fondations, sous prétexte qu'il
prenait la succession, ce qu'il ne fit pas évidemment: c'est ainsi que toute cette structure s'est effon drée,,
avec tout ce qu'elle signifiait, non seulement de transmission spirituelle de la religion, mais aussi comme
structuration culturelle et repère identitaire ». (Didier .H, 1998, p47)

Il faut y ajouter les mesures discriminatoires et le contrôle policier établi sur les
représentants de ces structures pour réaliser son affaiblissement progressif. Une certaine
renaissance de la connaissance de l'arabe s'est faite à partir de 193, s ous l'essor du
mouvement réformiste dirigé par BEN BADIS, encouragé par le mouvement
nationaliste. Didier ajoute que cette langue n'était pas la langue parlée, maternelle ou
natale. Il dit que la langue universellement parlée au MAGHREB depuis des sièc les
était le berbère sous ses multiples variantes. A partir de la conquête arabe de VIII

29

siècle, puis les HILALIENS au XI siècle, de l'essor des confréries au XVI siècle, enfin
de l'urbanisation aux XI et XX siècles, une langue parlée arabe dite dia lectale,
comportant elle aussi de multiples variantes, s'est répandue dans tout le MAGHREB.
Cette langue rarement écrite, est la langue de l'usage quotidien et de la vie sociale.
C'est cette langue arabe qu'on nommerait communément "l'algérien".

En revanche, la langue française a été introduite par la colonisation. Si elle fut la
langue des colons, des algériens acculturés, de la minorité scolarisée, elle s'imposa
surtout comme langue officielle, langue de l'administration et de la gestion du pay s
dans la perspective d'une ALGÉRIE française.

2. L'utilisation politique des langues: arabisation ou bilinguisme ?

En 1962, la gestion administrative du pays était faite en français. La totalité des
services publics fonctionnait en français, gérée pa r des fonctionnaires algériens qui,
pour la plupart, ignoraient la langue arabe classique. Cette couche dirigeante, mise en
place par la France, faisait figue de privilégiée pour les catégories sociales soit
engagées dans les maquis, soit exclues du sy stème pour une raison ou une autre, dont
l'analphabétisme. L'introduction autoritaire de l'arabe dans le service public (y compris
l'enseignement) fut donc considérée par tous ceux qui voulaient bénéficier du régime
comme un moyen d'entrée privilégiée : «La politique d'arabisation a donc pris en ALGERIE,
dès le début, cette coloration de support de luttes sociales. La conséquence en est que, à la différence des
méthodes suivies en TUNISIE et au MAROC, le bilinguisme( c'est -à dire l'utilisation simu ltanée du
français et de l'arabe), s'il fut aussi largement pratiqué que dans ces deux pays, ne fut jamais reconnu. La
politique d'arabisation fut ainsi continuellement englobée dans une lutte contre la langue française »
(Granguillaume.G, 1998 , p69.)
Les partisans de l'arabisation se proclamèrent comme les seuls nationalistes1 et les
vrais musulmans2. Les partisans du bilinguisme3se virent qualifiés de défenseurs de la
langue française " de ce fait ils furent pris au piège de la mauvaise conscience , et ne
furent pas à même de dénoncer le caractère suicidaire de la politique suivie"
(Granguillaume.G ,1998,p70 ). Ce déséquilibre fut accentué par la politique du pouvoir.

1 Luttant contre le colonialisme culturel
2 œuvrant pour la langue du coran
3 Seule position réelle, car la majorité était favorable à une restauration de la langue arabe

30

3. Les facteurs de différenciation et proximités entre français langue maternelle et
français langue étrangère

Les incroyables variations de la politique française en ALGÉRIE en cent trente années
permettent de penser que le débarquement des troupes à SIDI Ferruch le 14 juin 1830
fut l'acte le moins réfléchi de l'histoire moderne de la France. Les conséquences de cette
décision irrationnelle se font encore sentir. L'incorporation de l'Algérie au territoire
national français semble avoir été un accident ou un pis -aller, consécutif à l'échec
répété de susciter un pouvoir indigène analogue à c elui de Méhémet Ali en
ÉGYPTE : "Pour franciser réellement l'Algérie, il aurait fallu pouvoir imposer à la majorité
musulmane le code civil et l'école française, et non se contenter d'assimiler et de naturaliser les
israélites et les immig rés espagnoles: chose impossible. Seul un petit nombre d'arabo -berbères joua le jeu
de la laïcité des lois et de l'enseignement. En somme, jamais on ne put homologuer les trois
départements de l'Algérie à ceux de la métropole sur ces deux points essenti els". (Didier.H, 1998,
p49)

Comme nous l'avons dit plus haut, le refus scolaire diminua avec l'essor du
nationalisme algérien, après l'insurrection de mai 1945 et pendant les sept ans de ce que
les français nomment "la guerre d'Algérie" et les algér iens "la gu erre de libération"
(1954 -1962) : « En 1946, la proportion des élèves musulmans n'est que de 25,5% dans
les écoles françaises d'Algérie. En 1961 elle atteint 87% des effectifs scolaires, ce qui
équivaut à 878 000 scolarisés sur les 2 240 000 sc olarisabl es musulmans : à peine un
tiers » (Didier.H, 1998, p55).

Il convient de préciser que l'armée française s'engage dans le combat contre
l'analphabétisme et utilise des arguments qui n'étaient pas tous psychologiques pour
convaincre les parents récalcitrants. Au moment où la cause de la souveraineté
français e en Algérie était condamnée aussi bien par l'opinion internationale que par le
gouvernement de la France. C'est l'école qui était en train de gagner. En 1955, sept cent
mille algériens musulmans, soit moins de10% savaient plus ou moins lire le fran çais.
A la veille de l'indépendance, on dressait ce bilan linguistique ou scolaire :" un
musulman sur sept parle français, mais un musulman sur dix huit ou vingt le parle et
l'écrit, et si on se tourne vers les femmes, une musulmane sur cent cinquante est
capable de lire et d'écrire le français ".

31

Puis, par sa propre force, le français scolaire et administratif poursuit sa progression en
Algérie, sous AHMED BEN BELLA (1962 -1965) : « Le bilinguisme franco -arabe est
une réalité douloureuse, tissant, a vec les variations de la pratique musulmane , le
drame identitaire vécu par ce pays(…)Sur le plan linguistique , le français n’a fait que
reculer dans les pays voisins pendant cette période, alors qu’il a continué à pénétrer au
Maghreb et en Algérie » (Didier.H,1998, p48 -49)

L'abandon du refus scolaire amorcé après 1945, se confirme après 1962: les
enseignants français ou parlant le français sont les bienvenus. L'indépendance ne
constitue donc pas une discontinuité linguistique. Le 19 juin 1965,le p remier chef de
l'Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella est renversé par son ministre de la défense,
HOUARI BOUMEDIENE (1932 -1978)qui voulait remodeler son pays à son image.
Pour y parvenir, il étatise non seulement toute l'économie, mais tous les aspect s de la
vie sociale, y compris les mosquées, et la vie religieuse. Ce président a dû améliorer sa
pratique du français pour communiquer avec ses collaborateurs et ses ministres mais
jamais en public .L'étatisation de l'économie et de la vie sociale n' était donc pour lui un
moyen d'assurer sa défrancisation. Le mouvement d' arabisation se poursuivit sous la
présidence de CHADLI BENDJEDID :

« La présence dans nombreuses écoles, parmi les enfants qui ont le français pour langue maternelle,
d’enfants étrangers ou d’origine étrangère, ne manque pas de poser des problèmes à ceux qui ont à
charge de leur enseigner le français ou à ceux qui assurent la formation des maîtres et ont part à la
responsabilité d’évaluer ce qui se produit dans les classes. Cela conduit à s’interroger à la fois sur ce qui
se produit dans les classes, « les facteurs de différenciation et aussi les possibles proximités » entre
français langue maternelle ( FLM ) et français langue étrangére ( FLE ) et à faire entrer cette
interrogat ion dans le champ d’une didactique propre à résoudre les problème de cet ordre : didactique
du français langue maternelle ( DFLM ) ? didactique du français langue étrangère ( DFLE ) ?
Didactique commune aux deux situations ? » ( Galisson et Rou let, 1989,p67)

On voit que ces question conduisent vers des prises de position importantes car elles
retentissent sur la délimitation de recherches déjà engagées ou en train de se mettre en
place et , que , de ce fait , elle nous fait entrer dans une zone sen sible puisque c’est celle
du partage des compétences et des responsabilités .
Par ailleurs, dans le cadre de la didactique du français langue étrangère et afin de

32

pouvoir réaliser une évaluation glottonomique des situations francophones, les
chercheurs te ntent de d’é tudier les pratique langagières :

« Le concept « glottopolitique » a été proposé par L.GUESPIN1 pour rendre compte de tout ce qui
concerne « la gestion de pratiques langagières. La glottopolitique couvre ainsi les aspects micro et
macro -sociolinguistique, en ce sens qu’elle va des interactions quotidiennes, jusqu’aux interventions les
plus glo bales et les plus explicites du pouvoir politique sur les langues. Ce concept permet de cette
façon de prendre en compte des facteurs clés que la seule analyse des politiques/aménagements
linguistiques macrosociolinguistique n’intègre pas, -ou pas s uffisamment – à nos yeux, les pratiques et
les représentations interventionnistes des acteurs sociaux « ordinaires »
(Contributions écrites,2008, p132)

En revanche, la gestion des pratiques langagières implique l’étude de la langue et de sa
structure g rammaticale qui la caractérise des autres systèmes linguistiques c’est ce que
nus abordons dans partie ci -dessous.

Certains, à cause du discours récurrent sur le recul "qualitatif" du français en Algérie –
un fait qui, en réalité, touche toutes les matièr es et n’est aucunement propre à l’Algérie
– nous semble -t-il, ont tendance à généraliser, par confusion probablement, pour parler
d’un recul "quantitatif " de la place du français en Algérie. Il semble que les statistiques
révèlent au contraire une nette a mélioration. Sur ce point Rahal .S (2001, P15) distingue
trois catégories de francophones algériens : les francophones réels, occasionnels et
passifs « ceux qui comprennent cette langue mais qui ne la parlent pas », elle affirme
que la langue française oc cupe toujours, en Algérie, « une place fondamentale » et
qu’elle n’a pas perdu son prestige car elle est non seulement considérée comme « une
chance d’ascension sociale mais elle demeure également un instrumen t de
communication largement employé ». On constate que l’arabe algérien et le français
sont considérés comme les variétés les plus choisies dans les situations de travail et que
ces deux langues sont présentes dans l’administration et le discours politique.

En outre, on distingue un bilingui sme institutionnel dicté, entre autres par, la nécessité
d’enseigner en français( le français dans les universités et les instituts spécialisés) et par
la présence conjointe du français et de l’arabe dans les administrations publiques ; et

1 Louis Guespin était professeur à l'Université de Rouen et membre fondateur du laboratoire
« Dynamiques sociolangagières ». Spécialiste de sociolinguistique et d'analyse de discours, il fut l'un des
fondateurs de la socioterminologie.

33

d’autre part, un bilinguisme non institutionnel : dicté par la nécessité de
communication et la lourdeur de l’Histoire , tout en remarquant que cette langue a laissé
des empreintes, enracinées aussi bien dans notre façon de parler et de penser, parfois,
mais égalemen t dans nos mœurs les plus intimes . On peut affirmer, également, qu’on
utilise le français pour affirmer une appartenance à une classe sociale élevée ; mais on
explique aussi que l’Algérien, à qui il est difficile d’aborder certains sujets tabous en
arabe algérien, parce que le comportement individuel est couvert par le comportement
social a, par conséquent, tendance à recourir à la langue française pour transgresser
ces sujets . On parle également d’un retour massif et constamment revendiqué, à
l’apprentissage des langues en Algérie et on remarque que l’usage du français est
souvent « très étroitement une idée de valorisation sociale ». De nombreuses personnes ,
interrogées à ce sujet, comparent enfin la présence de trois l angues en Algérie et
concl uent: « La langue française est présente dans toutes les institutions étatique ou
privées, la langue arabe est présente dans toutes ces institutions mais d’un degré
moindre, l’arabe dialectal est présent d’une manière intense ».
Par ailleurs, et comme nous le signalons plus haut, l’hypothèse que la politique de
l’arabisation pourrait engendrer un certain recul de la présence du français en Algérie,
n’est pas confirmée par la réalité. Il semblerait même que plusieurs études démontrent
le contraire. Ainsi, la langue française est présente dans différents écrits en Algérie, à
l’exception du secteur de la justice, la réalité langagière algérienne reste « largement
empreinte de langue française » et qu’au fur et à mesure qu’on s’écarte des milieux
étatiques la situation devient de moins en moins unilingue « jusqu’à s’inverser en
faveur de la langue française dans certains usages d’instances privées (entreprises,
commerces, etc.) ».

A cet effet, on remarque, qu’à l’exception de la monnaie, les documents officiels se
présentent la plupart du temps sous la forme "dialingue"1, et que les fonctions les plus
techniques sont assurées par la langue française uniquement . On cite comme exemple
les docume nts comptables, les chéquiers, et ceux des secteurs médical et paramédical.
On affirme par ailleurs, sur les statistiques des publications de l’Office des Publications
Universitaires et des tirages des quotidiens nationaux que le domaine de l’édition est
encore dans une large mesure d’expression française. Nous constatons enfin, en ce qui

1 Terme employé par Porquier pour désigner les documents écrits en deux langues.

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concerne les affichages, que Le français est partout présent , et soulignons l’utilisation
de quelques inscriptions « fautives » telles que « Vente de pièces des tac hés » et «
BienVenus » que nous interprétons comme « des marques d’appropriation de la langue
française, en production comme en réception ».Enfin, en observant des documents
écrits, qu’ils soient étatiques ou non, nous pouvons révéler que « la langue fra nçaise se
promène publiquement soit toute seule, soit accompagnée, soit encore « en doublure »
de la langue arabe ». Sebaa .R (1996 ,p 21) affirme également que l’observation aussi
bien des milieux universitaires ou sociaux « montre l’existence de déséquil ibres
multiformes, entre les usages réels et les prescriptions formelles ».

Les Algériens demeurent, donc, très attachés à la langue française, si bien que l’Algérie
soit considérée comme le premier producteur et consommateur africain de biens
cultu rels de langue française, dans un rapport sur " l’état de la francophonie dans le
monde" , qui date de 1991. Le français est valorisé chez les Algériens et même bénéficie
de « représentations » positives. Par ailleurs, si la simple appellation de "langue
étrangère", peut laisser entendre qu’il n’a aucun privilège, en Algérie, comparé aux
autres langues étrangères, les faits confirment le contraire. C’est par exemple ce que
montre l’observation des conséquences de la décision qui rend possible, en 1993, le
choix entre le français et l’anglais comme première langue étrangère à apprendre à
l’écol e primaire.

Derradji .Y (2000 , p150 ) , à travers sa lecture des résultats de statistiques officielles et de
deux enquêtes sur le sujet de la place et des fonctions des langues étrangères en Algérie,
remarquera d’abord que l’option de l’anglais ne séduit p as beaucoup et sera fuie
progressivement, pour ne concerner, sur l’ensemble du territoire, que 1,27% des inscrits
en 1995/1996. En outre, dira -t-il, tous les directeurs affirment que beaucoup de parents
ont regretté ce choix et ont demandé son annulation a u cours de la même année « après
avoir constaté que leurs enfants étaient en décalage avec la réalité sociolinguistique de
la famille et de la société algérienne ». Il dira, ensuite, que « les parents disqualifient la
langue anglaise au profit de la langu e française », en ajoutant , par ailleurs, que son
enquête l’amène à conclure que la langue française domine les autres dans les usages
familiaux, sociaux et professionnels « avec respectivement les indices suivants : au
foyer 84,66 %, avec les amis 87,50 % et 64,20 % à l'université » et que 70,45% de ses
enquêtés considèrent que le français est la deuxième langue du pays « mais qu'elle est

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en même temps, avec 75 % d'opinion favorable, la langue la plus importante pour le
pays ». Il termine en affirmant q ue ces résultats confirme le prestige de cette langue et
« montre d'une part qu'elle reste en position de force sur le marché linguistique
algérien et d'autre part qu'elle a encore de l’avenir en Algérie ». Un sondage réalisé en
1998 montre que deux pare nts algériens sur trois souhaitent toujours que leurs enfants
apprennent le français à l’école comme première langue étrangère. .

En outre, si nous confrontons la situati on du français en Algérie avec les critères de
Dabène, nous devons le classer plutôt du côté « voisinage » et « familiarité » que de
celui de « l’étrangeté ». Si nous le confrontons au modèle de Pochard, nous dirions que
le français en Algérie n’est certe s pas français langue hôte, mais qu’il est toutefois assez
proche de ce pôle. Nous devons préciser que cette conclusion reste surtout vraie, pour
les régions du nord algérien et quelques autres grandes villes et que ce modèle est utile
pour décrire les va riations sociolinguistiques. En effet, nous pouvons dire que le
français peut être considéré comme langue moins familière, moins utilisée, moins
valorisée, voire, peu prisée dans certaines localités isolées du sud algérien par exemple.
Quoiqu’il semble qu e cette situation est en train d’évoluer : des enseignants, mais aussi
des ingénieurs, nous apprennent qu’ils sont souvent sollicités pour des cours de soutien,
en langue française, pour des écoliers, des lycéens et des adultes parfois.

4.Les langues et leurs pratiques en Algérie : la cas d’une classe de langue étrangère

Le phénomène de plurilinguisme en Algérie a suscité encore un grand questionnement
car bien que dans la réalité plusieurs langues se côtoient quotidiennement, le discours
officiel fait état de la présence d’une seule et unique langue : l’arabe . Le pouvoir a
longtemps tenté d’imposer aux algériens un modèle linguistique. La loi qui généralise la
langue arabe pour l’ensemble du pays est l’une des mesures clefs adoptées dans cette
planific ation linguistique. Malheureusement, cette loi conçue à l’origine comme un «
élément unificateur » n’a fait qu’aggraver les problèmes de la société sur les pla ns
pédagogique et scientifique :« L’école algérienne est considérée comme l’un des foyers princ ipaux
du plurilinguisme : les élèves y arrivent avec des compétences étendues dans des variétés d’arabe
algérien ou de berbère . A ces langues dites « maternelles » viennent s’ajouter les langues que les élèves
apprennent à l école mais aussi par contact spontané dans leurs vie sociale , notamment pour le français
. Il s’agit de l’arabe moderne , du français et de l’anglais » (Blanchet. P et al,2009 .p103)

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C’est pour cette raison que nous évoquons le contact de langues , qui est l’une des
conséquences du plurilinguisme , dans une classe de langue étrangè re en l’ occurrence
l’anglais : une description de l’alternance des langues dans une classe de langue
étrangère pourrait mettre en relief des pratiques linguistiques souvent passées sous
silence dans les s ituations de classe puisque la didactique des langues s’est constituée
sur un rejet de la co – présence de ces langues dans l’entreprise pédagogique.

Ensuite , nous remarquons souvent que ce phénomène « interdit » d’usage dans une
classe de langue se m anifeste , et ce , entre deux langues étrangères : le français et
l’anglais .. Nous avons constaté que la plupart des enseignants et des élèves ont recours
au français en classe d’apprentissage de l’anglai. Il est vrai que la quantité des énoncés
introduit en français peut varier selon le cours. L’usage de l’arabe algérien dans
certaines situations de la classe est expliqué par les enseignants comme étant une
conséquence de la baisse du niveau des élèves et non comme la manifestation de leur
répertoire plur ilingue.

Nous avons remarqué aussi que les enseignants qui affirment lors des entretiens1 le fait
de ne pas utiliser d’autres langues que l’anglais , le faisaient dans leurs cours ,
témoignant d’un habitus entre les pratiques et les représentations , phénomène bien
connu en sociolinguistique depuis les travaux de Labov .
Quant à l’application des textes officiels qu , au moment des enquêtes , interdisent le
recours à d’autres langues que celle qui est enseignée , les avis sont partagés .
Certains enseignants soutiennent que le recours à une autre langue est permis à partir du
moment où celui – ci permet de faire progresser le cours . Une enseignante dit à ce
propos : « Actuellement les textes officiels n’incitent pas à utiliser une autre langue pendant le cours .
Il serait pourtant bien utile de réintroduire les thèmes et les versions . Souve nt l’élève apprend une
langue et ses structures en les comparant avec la langue qui domine le mieux . Grace aux thèmes et
versions , i l considérait la connaissance d sa propre langue » .2

1 C’est une description de la réalité d’une classe de FLE et ce afin de faire le lien avec les travaux de
LABOV « Pratiques et représentations ». Le plurilinguisme évoque toujours les pratiques des
interlocuteurs.
2 Rappelons ici que nous tentons toujours de décrire de manière objective la pratique des langues dans une
classe de FLE . Il s’agit d’interroger des enseignants sur leur réalité de classe de manière générale. Ce
procédé s’avère incontournable lorsqu’il s’agit du plurilinguisme.

37

D’autres sont dans cette pratique mais ne justifient pas leurs poi nts de vue .Les élèves
trouvent que faire usage de plusieurs langues est un phénomène « naturel » , « normal»
voire « spontané » . Certains insistent aussi sur le coté ludique attaché à l’usage
combiné des deux langues .

Comme nous avons pu le souligner dans les exemples , les deux pôles de la situation de
classe , à savoir l’enseignant et l’élève , ont recours à une autre langue , souvent le
français , mais pas pour les mêmes nécessités . Les enseignants se servent du français
pour gérer les ac tivités de la classe , expliquer les formes de l’anglais ou encore
traduire . Les élèves quant à eux recourent au français pour accéder au sens des mots,
pour demander des explications voire une traduction.

Enfin , nous pouvons dire que les manifestations de l’alternance de langue posent la
question des interactions entre enseignant / appropriation et contexte .
Il s’agit de réfléchir à l’apport éventuel des recours à une première langue étrangère
dans l’apprentissage d’une deuxième langue ét rangère. Ceci nous permettra peut – être
de reconsidérer le statut du français en Algérie , mais aussi de redéfinir la place de « la
première langue étrangère » qui « doit être prise en compte non pas tant comme
obstacle réel ou virtuel , mais comme const ituant d’un répertoire bi – lingue.

05.Le contexte scolaire algérien et les programmes de français :

Selon les textes officiels, l es programmes sont conçus de manière à aider les
enseignants à : -« passer d’une logique d’enseignement à une logique
d’app rentissage » en s’orientant vers les démarches qui feront de l’apprenant « un
partenaire actif dans le processus de sa formation » et qui viseront progressivement son
autonomie ; -doter celui -ci « d’un outil linguistique performant, permettant le plus de
« transactions » possibles par la prise en compte de toutes les composantes de la
compétence de communication » vu que l’acquisition d’une langue ne peut être efficace
« si on distingue l’aspect « utilitaire » de l’aspect « culturel » » et que la maîtrise d’une
langue constitue « un atout pour la réussite professionnelle dans le monde du travail
(qui demande de plus en plus la connaissance des langues étrangères) » et le moyen le
plus objectif de co nnaître l’Autre par « une réflexion entretenue sur l’Identité/
Altérité » ;

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-favoriser l’intégration des acquis grâce à l’approche par les compétences qui « permet
de ne pas couper les apprenants de leur environnement culturel et social par le
transfert, à l’extérieur, des habiletés acquises à l’école » ;
-développer chez l’apprenant « des attitudes sociales positives comme l’esprit de
recherche et de coopération » et la curiosité, l’envie d’apprendre à travers la réalisation
de projets collectifs.

En o utre, le cadre théorique fixé par les concepteurs comporte la linguistique de
l’énonciation et l’approche communicative, le cognitivisme, et enfin l’approche par les
compétences. Benbouzid, ministre de l’Education nationale, qui parle de « refondation
du système éducatif » explique que « C’est une pédagogie nouvelle, c’est une approche
par compétence qui remplace l’approche par objectif » et que cette nouvelle approche
vise à rendre « l’élève partie prenante dans la conception de son cours. C’est un
élém ent actif »

6. Programme d’étude, programme scolaire du « français » au cycle secondaire :

Les programmes d’étude sont un élément important dans l’enseignement de l’écrit et de
toutes les disciplines puisqu’ils constituent le cadre obligatoire dans leq uel l’enseignant
exerce sa fonction. Nous présenterons d’abord dans cette section les objectifs terminaux
du français au secondaire et les contenus des programmes suivie d’une analyse de la
part réservée à la production écrite durant l’ année. L’enseignemen t du français au lycée
a pour finalité de permettre à chacun de former sa personnalité et de devenir un citoyen
conscient, autonome et responsable. En effet, selon les programmes, à la fin du cycle
secondaire, l’élève doit avoir une maîtrise de la langue ( code et emplois) suffisante
pour lui permettre de :
-accéder à une documentation diversifiée en langue française ;
-utiliser le français dans des situations d’enseignement/apprentissage (cours magistral,
travaux pratiques et dirigés…) en prenant une part active à l’assimilation de
l’information scientifique, (prise de notes de manière organisée et réfléchie pour
réutiliser les connaissances enregistrées dans des situations diverses) ;
-Prendre conscience dans des situations d’interlocution concrètes ou de lecture des
dimensions informatives, argumentatives et littérairement marquées des textes écrits ou
oraux, que ces textes traitent de phénomènes, de faits ou d’événements, décrivent des

39

objets, des lieux ou des personnes ou bien relatent des propos ou des arguments avancés
par des tierces personnes ou par le scripteur lui -même.

En résumé, nous dirons, selon les programmes, qu’à la fin du cycle secondaire, l’élève
sera un utilisateur autonome du français, instrument qu’il pourra mettre au service des
comp étences requises par la formation supérieure, professionnelle et les contraintes de
la communication sociale .Pour atteindre les compétences finales du cycle secondaire, la
formation s’articule sur trois plans de formation (un pour chaque année secondaire) .
Chaque plan de formation a pour objectif de faire acquérir à l’élève trois compétences
finales traduites en projets didactiques. Chacune de ces compétences met en œuvre un
certain nombre de capacités cognitives, socio -affectives, psycho -motrices déjà pré sentes
chez l’élève.

07-La pédagogie du projet :une nouvelle perspective adoptée

Dans les années quatre –vingt 1, un autre courant important tentera une synthèse de
diverses propositions alternatives touchant les dispositifs ,l’apprentissage , les
démar ches ,mais aussi les savoirs disciplinaires . L’accent se déplace de l’enseignement
à l’apprentissage ( comment le Sujet construit le savoir ) en fonction de l’idée selon
laquelle il faut réduire l’écart – important pour certains élèves – entre le mode (
dominant ) de l’apprentissage scolaire et les modes ( dominants ) de l’apprentissage
social . Dans cette perspective , la production devient centrale . On n’apprend pas avant
de faire ,en repoussant ce faire dans un futur hypothétique , voire même sans trop savoir
à quoi les contenus à apprendre peuvent servir . On apprend en faisant , parce qu’on a
rencontré des problèmes précis et qu’il faut les surmonter pour continuer le travail. Les
contenus ne sont donc pas programmés à l’avance mais appelés par la tâc he et finalisés
par elle . C’est le projet , dans sa logique ,qui doit organiser les apprentissages , les
contenus , les exercices ..

1 On situe gén éralement les origines de cette approche autour des années 1920. 1918: article de
Kilpatrick: « The Project Method », FREINET, DECROLY….En Europe. la démarche du projet
connaît un essor considérable dans l’Education nationale depuis les années 1970. La mise en place de
cette pédagogie en Algérie était vers les année 2003.

40

Ce type de pédagogie , mis en Algérie vers les année 20031, tente aussi de répondre à la
construction parfois difficile de la motivation ( ou à son absence ) par son élaboration
collective à l’intérieur de l’espace de la classe . Cela explique les phases indispensables
de négociation du projet et de ses modalités de réalisation qui doivent faire l’objet d’un
contrat explicite .

Tout ce dispositif est géré par le collectif – classe , avec des séances de programmation ,
de socialisation des activités et des produits des groupes , de régulation ( portant sur les
relations ) et d’évaluation. Le produit final est socialisé à l’ext érieur de la classe et , si
possible , de l’école , ce qui doit contribuer à fonctionnaliser et à finaliser les activités .
Dans ce cadre pédagogique global ,les formes de travail peuvent être très diverses ( en
fonction des séquences et de leurs objectifs ) , accordant une large place à
différenciation et aux groupes . Complémentairement, l’hétérogénéité des élèves n’est
pas considérée comme un handicap mais comme une richesse pourvu que les dispositifs
de travail la gèrent explicitement: des compétences d iversifiées mises au service d’un
projet commun et d’une co -formation .

Un dernier point du rupture mérite d’être mentionné . On considère ici – contrairement
aux conceptions « traditionnelles » – que c’est le pouvoir donné » aux élèves dans cette
struct ure qui nécessite et motive l’appel a ux techniques et non l’inverse . Il est évident
qu’un tel mode de travail pédagogique à des effets importants quant aux contenus et aux
compétences . Des domaines spécifiques du français se trouvent plus « naturellement »
convoqués que dans d’autres modes : tout ce qui concerne la pragmatique , l’énonciation
,la communication ( en fonction de l’importance et de la diversité des situations de la
socialisation …) ainsi que les différents types de textes correspondant à la di versité des
tâches engendrées et assumées par les élèves ( contrats , comptes rendus des séances
,résumés , argumentataires …) .

Les exemples réalisés de pédagogie du projet sur le terrain de la didactique du français
ont souvent été des expériences d’écr iture longue. Cela a pu entretenir certaines
confusions . Tout travail en projet n’est pas forcément de l’écriture longue . Toute
écriture longue n’est pas forcément un travail en projet. A partir de ce constat , il

1 Année peu tardive , nous semble t -il.

41

convient d’éviter de confondre les avant ages et les désavantages de chacune des deux
pratiques . L’écriture longue est un notion fort variable , désignant soit la longueur des
textes ( de petits romans ou de grandes nouvelles ) , soit le nombre de séances , soit les
deux . Elle convoque , en tous cas , des savoirs intéressants ( sur la globalité des textes
,sur le travail en groupe ) et impose , par sa logique , même de façon réduite , d’autres
pratiques : réécriture , importance conférée à l’aide des pairs , négociation , évaluation
formative ….

De son coté , l’écriture longue en projet – au travers des expériences connues –
manifeste un certain nombre d’effets positifs : motivation des élèves , développement
des compétences relationnelles et organisationnelles , développement des compétences
scripturales et textuelles : déblocage vis –à-vis de l’écrit , longueur des textes produits ,
meilleure structuration globale ,prise en compte du destinataire , intérêt des écrits , ertc .
Il est tout à fait intéressant de constater que l’écriture longue en pr ojet s’est développée
avant les apports de véritables théories de l’écriture qui ont pu , alors seulement , faire
comprendre vraiment en quoi ces dispositifs pédagogiques favorisaient les processus
scripturaux : on verra plus loin la fonction des groupes dans l’aide à la planification , à
l’explication textuelle , à la révision , etc . La pratique peut ainsi être fort en avance sur
les théories qui expliquent se s fonctionnements et ses effets .

Comme pour la lecture , il serait préférable de parler de pratiqu es d’écritures ,
diversifiées et multidimensionnelles , incluant les r eprésentations de ces pratiques , les
rapports que les sujets entretiennent avec celles , la façon dont ils les situent par rapport
à leurs autres pratiques , ce qu’ils y investissent com me enj eux et finalités , etc . Ce que ,
en fait , une écriture longue en projet permet d’intégrer …
Pour conclure sur ce courant , on noterai qu’il a permis plusieurs déplacements
importants : une attention portée aux sujets – apprenants et à leurs modes
d’apprentissage ; une ouverture des pratiques d’écriture et des types de textes ; une
diversification des références théoriques ( intégrant notamment la dimension la
pragmatique ) ; une utilisation forte de la réécriture et des aides que peuvent fournir les
groupes .
Il ne faudrait cependant pas sous – estimer certaines de ses limites . Ainsi ,un projet
d’écriture longue n’est pas adapté à tous les niveaux de scolarité ( au début de l’école
primaire ou les capacités scripturales des élèves sont encore très l imitées ou au lycée en

42

raison des examens nationaux et des épreuves qui y sont exigées ) et , en raison du
temps qu’il nécessaire ( qui peut entrainer une lassitude chez certains élèves ) , il peut
aussi restreindre la diversité des situations de travail e t des types d’écrits pratiqués . Le
travail en projet n’est pas non plus dénué de risques de dérives déjà bien analysés : le
primat de la production ou l’attention portée plus sur des problèmes globaux (
d’organisation générale du texte , pour un grand nom bre d’élèves ) que sur des
problèmes plus « fins » ( orthographe , syntaxe … ) et plus individualisés . De surcroit
,de tels projets supposent une maîtrise d’un très haut niveau chez l’enseignant ,aussi
bien sur le plan de la pédagogie ( maîtrise des disp ositifs ) que sur celui des contenus
qu’il doit être en mesure de mobiliser dans sa classe , sans préprogrammation forte , en
réponse aux problèmes rencontrés .Enfin , ce « modèle » risque de se rigidifier et de
verser dans l’apologie ( comme tout cadre ) en posant en principes intangibles ce qui a
servi à ouvrir de nouvelles pistes face aux certitudes dominantes .

Lorsqu’on consulte la littérature de la Pédagogie (pédagogie participative, pédagogie
de la découverte, etc.), la méthode d’enseignement qui permet le mieux de s’assurer du
degré des acquisitions est la Pédagogie de l’Intégration. Elle peut renseigner
l’enseignant avec précision, une fois que la tâche proposée est évaluée, de la capacité
réelle de chaque élève à transférer ces apprentissages da ns la vie quotidienne, dans sa
scolarité, son entourage, son milieux, etc.

7.1. Objectifs de La pédagogie d’intégration : Approche par l’intégration des acquis :

Selon Roegiers. X , il n’existe d’intégration que lorsqu’il y a apprentissage. Cette
pédagogie permet de vérifier immédiatement après chaque activité si l’élève est capable
de sélectionner parmi ses apprentissages ce qu’il doit intégrer dans sa production. Il
s’agit de le placer devant des situations simples et concrètes lui permettant de réinvestir
ses acquis dans son discours, oral ou écrit. Si l’élève ne réemploie pas ses acquis et ses
compétences, il les perd.

L’objectif principal de cette pédagogie est de préparer l’élève à produire des discours
cohérents face à des situations complex es qui nécessitent une action ou une réaction
verbale ordonnée de sa part. C’est aussi le préparer à l’écrit (et à la parole) en classe, en
intégrant dans un discours inédit, original et spontané les différentes acquisitions

43

langagières capitalisées. Si ce t élève ne peut pas intégrer ses acquis face à ces situations,
il ne pourra pas dépasser l’opération de restitution de ce qu’il aura appris, donc il ne
pourra faire usage que de sa capacité de mémorisation, aux dépens de ses capacités
d’analyse, de synthès e, etc. Selon le même auteur , il existe deux moments dans
lesquels l’intégration des acquis peut s’effectuer :
7.2 La Situation d’Intégration Partielle :
Il s’agit de mettre l’élève devant une situation où il doit reproduire les savoirs et les
savoir -faire dans un discours cohérent et bref. C’est un moment d’entraînement
progressif à l’écrit. Ces situations peuvent se réaliser principalement en fin de séance
d’Activité de Langue (lexique, grammaire, orthographe, conjugaison). La multiplication
de ces situations limitées dans le temps permet de conduire l’élève petit à petit vers la
Production Ecrite Finale.

7.3. La Situation d’intégration Finale :

A la fin de chaque séquence d’apprentissage, l’élève doit produire une courte rédaction
de deu x à trois paragraphes, dans laquelle il est appelé à réemployer, à intégrer
particulièrement les acquis de la séquence écoulée (mise en page, énonciation, lexique,
grammaire, etc.). Cette production représente une situation idéale pour vérifier le degré
d’assimilation des notions étudiées. C’est un moment important d’évaluer (à blanc) la
compétence de production et la compétence linguistique chez l’élève. Cette évaluation
ne signifierait absolument rien du tout et ne serait viable et objective que si elle é tait
faite sur la base d’une grille d’Evaluation, composée de critères de réussite très
clairement formulés et qui répondent à tous les objectifs d’apprentissage fixés au début
de la séquence. Dans le sujet inducteur, l’enseignant doit indiquer à l’élève l a situation
de communication (qui va parler dans la rédaction, de quoi, à qui s’adressera -t-il, dans
quelle intention, etc.).

Un enseignement fait de façon frontale, de l’enseignant vers l’élève, ne présente aucune
efficacité ni rentabilité au niveau des apprentissages, combien même l’enseignant aurait
l’impression d’avoir réussi un bon enseignement sous forme de cours « magistra l ».
C’est bien beau d’expliquer, à sens unique, mais sommes -nous sûrs que tous les élèves
ont compris ? En expliquant, ne sommes nous pas en train de superposer et d’imposer
notre intelligence à celle de l’élève, pour enfin l’inhiber ? Est -il toujours cap able

44

d’absorber l’imagination et l’intelligence de son professeur ? Ne dit -on pas que la
meilleure façon d’empêcher l’élève de comprendre c’est de lui expliquer ? Un
enseignement n’est réussi que lorsque l’apprentissage est réel car en classe c’est l’élève
qui doit travailler pour apprendre et non le professeur, et charge à ce dernier de trouver
la pédagogie efficace qui permet à cet élève de se motiver pour aller à la découverte des
connaissances et des méthodes.

8. La genèse de la pédagogie du projet : une rupture dans le rapport au temps des
sociétés humaines

« le concept de projet est apparu dans des conditions historiques déterminées , avant d’être repris en
philosophie et en pédagogie , puis de fleurir aujourd’hui dans une multitude d’expressions
caractéristiques de notre époque : du projet d’orientation au projet de retraite , en passant par l’objet
d’établissement , le projet d’installation professionnelle ( en agriculture ) , etc »(Huber.M, 2005,
p23)

Ce n’est pas un hasard si le concept de pro jet apparaît à la fin du XVIII e siécle chez le
philosphe Fichte car il est le fils de la philosophie des Lumières. Pour les tenants de
cette philosophie, le développement scientifique et technique est une nouvelle façon de
vivre le temps, à travers le temps technicien qui valorise la di mension du futur, à
l’opposé du temps traditionnel de ces sociétés à dominante rurale qui privilégient le
présent et la réactualisation du passé (avec les cycles de la nature ) . A la même époque ,
Jean – Jacques Rousseau esquisse dans l’Emile ( 1762 ) ce qui deviendra la pédagogie
du projet , notamment dans le passage ou il cherche un livre de chevet pour Emile et
que son choix s’arrête sur Robinson Crusoé car , affirme –t-il , « Robinson Crusoé
dans son île , seul , dépourvu de l’assistance de ses sembl ables et des instruments de
tous les arts , pourvoyant cependant à sa subsistance , à sa conservation , et se procurant
même une sorte de bien – être ,voila un objet intéressant pour tout âge … ( c’est ) le
plus sur moyen de s’élever au – dessus des préjug és et d’ordonner ses jugements sur les
vrais rapports des choses . Jean – Jacques Rousseau escompte que la tète d’Emile lui en
tourne et qu’il « projette » – le mot figure dans le texte – de devenir lui – même
Robinson , s’occupant pour de bon de son c hâteau , de ses chèvres , de ses plantations
et qu’il prenne les mesures pour se procurer ce qui viendrait à lui manquer . L’enfant
aménageant son île sera plus ardent pour apprendre que le maître pour enseigner .

45

9-Quelle définition du projet – élèves ?

La démarche de projet est un processus engagé par un acteur en vue de la réalisation
d’une action. Elle suppose :
-« Une représentation anticipatrice du processus et de l’état final (nos images mentales sont une force : il
n’ya pas de changement possibl e sans un travail préalable sur nos représentations) ; -Une analyse de la
faisabilité du projet ; -Une planification ; -Une prise en compte des affects ( « désir – origine » , désir de
production d’un changement, faire l’expérience d’un changement de soi à travers le changement du réel ,
etc .) . » (Huber.M,2005,p11) .

La pédagogie du projet peut être définie comme de finalisation de l’acte
d’apprentissage. L’élève se mobilise et trouve du sens aux apprentissages dans une
production à portée sociale qui le valorise .La résolution des problèmes rencontrés au
cours de cett e réalisation va favoriser la production et la mobilisation de compétences et
de savoirs nouveaux.C’est ce qu’illustre le schéma suivant (Huber.M,2005,p11) (Figure
n°03) « Mobilisation des compétences dans la pédagogie de projet »

Evaluation
individuelle

Situation de réinvestissement
Des acquisitions

Situations –problèmes sit –pb sit –pb sit –pb

Origine du projet

Par ailleurs, apprendre en projet ne signifie pas forcement « résoudre des situations –
problèmes », chaque situation est considérée, selon Roegiers.X (2011,p16) comme :

– Éléves
-Professeur
-Environnement
Séquences d’apprentissage
Nécessitées par le projet
Projet produit socialisable
Moments de cogestion du projet
(éventuellement situations de relance )
présentation du
produit à un
public -projet :

46

« un terme courant qui désigne les relations qu’entretiennent une personne ou un groupe de personnes
avec un contexte donné . Ce contexte se caractérise essentiellement par l’environnement dans lequel
les personnes se situent : un ensemble de circonstances à un moment donné. Une situation ne pose pas
nécessairement problème. C ’est par exemple le cas d’une fête de famille, ou d’une promenade entre
amis »

10.La place de la production écrite dans les programmes de 03ème année secondaire

Les programmes d’étude présentent la maîtrise de l’écrit comme une condition
essentielle de la réussite scolaire, sociale et professionnelle puisqu’elle participe à la
construction de la pensée et du rapport au monde et elle contribue à l’épanouissement
de l’individu. A ce double titre, l’apprentissage de la production de textes, c onstitue un
enjeu essentiel de l’enseignement du français dans les classes de 3ème AS d’où les
objectifs qui lui sont attribués. En classe de 03ème A.S, l’activité d’écriture a cinq
objectifs majeurs :

1. Maîtriser l’exposé écrit d’une opinion personnelle (textes argumentatifs).
2. Perfectionner l’écriture des textes narratifs complexes.
3. Rédiger un texte expositif à partir d’un schéma.
4. Rédiger un commentaire personnel sur une œuvre lue.
5.Rédiger un résumé ou une synthèse de documents ou un compte -rendu criti que.

Ainsi, dans la continuité des cycles précédents, on conduit les élèves à produire des
écrits fréquents et diversifiés (narration, description, explication, expression d’opinion,
commentaire), dans une progression d’ensemble régie par les objectifs ci tés plus haut.

Toutefois, malgré les énormes progrès constitués par les programmes, les pratiques
pédagogiques et l’horaire consacré à l’écrit montrent que les instructions officielles
reflètent une vision incomplète de ce qu’est l’écriture puisqu’il y es t fait peu d’allusion
à l’acte d’écrire lui -même, et une vision traditionnelle visible surtout par l’accent mis
sur les connaissances de la typologie textuelle (structure) et étroitement linguistique
(lexicale, grammaticale et orthographique……). Il ne s’ag it donc pas de l’intégration
des différentes composantes de l’acte d’écrire vu dans sa complexité comme un
processus cognitif qui intègre des sous -processus inhérents dans toute activité

47

d’écriture, mais d’un simple réinvestissement des acquis linguistique s puisque les textes
officiels préconisent pour réaliser les objectifs cités précédemment de :

a) Développer les compétences grammaticales ;
b) Poursuivre et consolider l’apprentissage des aspects linguistiques ;
c) Développer les compétences textuelles et discursives ;
Tout ceci nous mène à faire les remarques suivantes ;
1) L’écrit est vu dans son aspect normatif : langue correcte, respect de la structure du
texte…. ;
2) L’aspect communicationnel est totalement absent ;
3) L’aspect cognitif est complètement négligé.

Il est clair que la conformité des moyens didactiques avec les principes des démarches
dans lesquelles ils s’inscrivent est capitale pour la réussite de l’application de celles -ci.
Le lien existant entre les manuels et les pratiques devient très étroit avec des
enseignants qui – faute d’une bonne formation et/ou information – ne peuvent pas créer
leurs propres moyens didactiques qui leur permettraient de se libérer de ceux mis à leur
disposition. Ce qui n’est, en fait, pas toujours fa cile. Perrenoud .P (1995, P 25) [ pense
d’ailleurs que si l’enseignant doit gérer seul des situations d’apprentissage complexes, il
n’est toutefois pas tenu de créer : « À jet continu, des situations -problèmes toutes plus
passionnantes et pertinentes les une s que les autres », et qu’il faut donc que les éditeurs
et didacticiens mettent à sa disposition les matériaux adéquats.

Or, les théoriciens pédagogues ont beau fait l’éloge des démarches actives, les
élaborateurs des manuels, constatent certains, n’app liquent que très rarement leurs
recommandations. Ainsi, quand les manuels ne se caractérisent pa s par l’éclectisme que
remarque , ils restent souvent dominés par la logique traditionnelle. Ainsi, on remarque
que toutes les méthodes ou des manuels élaborés, après 1980, réclament leur
appartenance au courant communicatif, mais qu’en fait, « Force est de constater que
cette revendication est quelquefois impropre ». Perrenoud .P, (1995, p13) aussi fait
remarquer que même si les manuels changent de "look" et dev iennent moins austères,
« si certains proposent des situations ouvertes, des énigmes, voire des activités qui

48

ressemblent à des projets, ils ne s’inscrivent toujours pas dans la perspective des
pédagogies actives et la pédagogie transmissive reste dominan te ».

En outre, les situations économiques ou pédagogiques particulières de certains pays,
dont ceux du tiers -monde, peuvent retarder davantage l’application des méthodes
actives. En effet, Cuq.J-P (1991, p167)attire par exemple notre attention, en traitant des
méthodes de l’enseignement du français en Afrique, sur le fait que les conditions qui
prévalent dans ce continent « font que les manuels scolaires y ont une durée de vie
généralement plus imp ortante qu’en France ».

C’est le cas en Algérie avant la réforme entamée en 2002, qui n’est d’ailleurs pas encore
achevée. Les programmes et manuels scolaires, hormis quelques petits réajustements,
sont restés pratiquement les mêmes durant un quart de s iècle. D’ailleurs, la refonte s’est
en réalité imposée dés les années 1990, et a été jugée comme étant trop livresques et ne
répondant pas adéquatement aux exigences de développement aussi bien des élèves
apprenants que de la société Par ailleurs, ceux é dités pour accompagner les
programmes issus de cette réforme, et qui sont censés être meilleurs que ceux qu’ils
remplacent, ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. C’est ainsi que le
professeur Lagha .A (2005, p65) , traitant des soixante -neuf man uels scolaires édités,
entre 2002 et 2005, constate que certains d’entre eux souffrent de quelques
inexactitudes scientifiques tandis que d’autres « ne sont pas conformes à l’approche par
les compétences. Ils reflètent une approche par les contenus ». Notr e propre observation
de certains des manuels de français algériens, anciens ou récents, nous permet de
vérifier la validité de la plupart de ces observations :

« A titre d’exemple, les manuels de français utilisés dans les écoles primaires sont édités durant les
années soixante -dix. Celui des élèves de la 4ème année fondamentale n’a été remplacé que l’année passée,
tandis qu’on garde toujours ceux de la 5ème et 6ème. Par ailleurs, le plus récent des manuels destinés aux
élèves de la 2e année des lycée , bien qu’il soit publié après l’adoption de l’approche par les
compétences, s’avère plus proche des manuels traditionnels, que des manuels fondés sur cette approche
ou sur une pédagogie active » (Zegrar.B, 2006,13)

La plupart des leçons de langues sont encadrées par des passages théoriques, les
exercices sont souvent décontextualisés, etc. Il est de ce fait, nous semble -t-il, moins

49

« actif » que ceux édités avant la réforme, dont celui qu’il remplace, et celui qui es t
utilisé actuellement avec les classes de 3 A.S : « La plupart des manuels qu’il nous est donné de
consulter, qu’ils soient d’autodidaxie ou destinés à d’apprenants en situation institutionnelle, qu’ils
soient algériens ou provenant de France, sont malheu reusement loin d’infirmer les critiques des auteurs
cités plus haut. Nous constatons, en effet, que ces manuels se présentent le plus souvent sous le schéma
traditionnel : cours théoriques suivis d’exercices structuraux » (Ammouden .M, 2007, P 53) .

Ainsi, les méthodes traditionnelles sont toujours présentes, voire dominantes, dans les
pratiques. Par ailleurs, on trouve que le modèle de « la transmission », qui considère
l’élève comme « une page blanche à écrire » et la connaissance comme un conte nu qui
viendrait s’imprimer dans sa tête, est toujours vivace. Rieunier .A (2000, p60) , constate
aussi que les pratiques des enseignants sont dominées par le cours magistral ou son
équivalent actuel dans le primaire et le secondaire, le cours dialogué. Il précise que
« Dans les deux cas, il s’agit de pédagogie traditionnelle ».

Ceux qui traitent de l’enseignement des langues font le même constat. Ainsi,
Porcher .L(2004,p10) qui est persuadé qu’aujourd’hui l’enseignement/ apprentissage
des langues doit ê tre, indiscutablement, limité par la finalité qui consiste à enseigner ce
qui est « utile pour la vie immédiate » de l’apprenant en le dotant de la « capacité à
communiquer », affirme que cet objectif se heurte, à une certaine résistance de la part de
l’institution qui a tendance, malgré les travaux des chercheurs, des innovateurs et de
certaines organisations officielles, à continuer à enseigner comme dans le passé .

Dans l’article où elle retrace l’évolution des méthodologies dans l’enseignement du
FLE, jusqu’à 2001, Rodriguez .S (2001, p 32) termine par une partie intitulée
« l’éclectisme actuel ». Elle y affirme que l’enseignement du FLE est entré dans une
phase caractérisée par une crise des méthodologies, et qu’ « il n’y a pas de
méthodologie un ique, forte, globale et universelle sur laquelle tous seraient d’accord ».
Cette période a commencé, selon elle, depuis une vingtaine d’années. Elle parle, ainsi,
d’« un éclectisme méthodologique qui tend à la diversification des matériels et des
approches proposés ». Elle explique enfin que les enseignants rejettent toute imposition
et se libèrent des contraintes des méthodologies constituées et des manuels. Ils
fabriquent leurs propres méthodes à partir d’éléments de cours empruntés à différentes
autres m éthodes.

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Les auteurs du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (2001, p103)
font également allusion à cet éclectisme. En effet, dans le chapitre 6 qu’ils consacrent
aux opérations d’apprentissage et d’enseignement des langues , ils reconnais sent d’une
part l’absence d’une réponse unanime à la question Comment les apprenants
apprennent -ils ?, et d’autre part, l’existence de nombreuses façons d’apprendre et
d’enseigner les langues. En conséquence, ils parlent d’options méthodologiques et
précis ent d’ailleurs que leur cadre « n’a pas pour vocation de promouvoir une méthode
d’enseignement particulière mais bien de présenter des choix ». Ils n’écartent pas par
ailleurs, la possibilité que certains praticiens puissent penser que leurs objectifs sera ient
mieux atteints par d’autres méthodes que celles préconisées dans le CECRL ; et ils
invitent enfin ceux -là à en parler avec eux et avec les autres partenaires du Cadre . Cet
éclectisme qui se trouve dans le domaine des langues étrangères se caractéris e par ses
combinaisons d’approches variées, ses retours aux anciennes méthodes, ses tendances à
l’autocritique, son aspiration à la décrispation.

Nous pensons que cet éclectisme peut s’expliquer, entre autres, par l’abondance des
moyens didactiques dont l’utilisation est désormais facilitée par la présence de moyens
de reproduction (photocopieuse, imprimantes), le souci de répondre aux profils
hétér ogènes des apprenants, la complexité des recommandations que véhiculent les
nouvelles approches, auxquelles les enseignants ne sont pas suffisamment préparés, et le
manque de moyens didactiques concrets permettant la mise en œuvre de certaines
théories.

Les principes des pédagogies actives, fortement présents dans la théorie et les principes
des approches retenues aujourd’hui pour l’enseignement/apprentissage des langues, ne
sont, donc dominants ni dans les moyens didactiques, ni dans les pratiques effec tives
des enseignants. Comment pourrait -on expliquer ce paradoxe ?

Nous pensons que la place privilégiée dont jouissent les pédagogies actives dans les
réflexions/propositions théoriques d’aujourd’hui est essentiellement due à l’échec
constaté, partout et par tous, des méthodes traditionnelles. Par ailleurs, nous faisons
l’hypothèse que le très faible recours aux pédagogies actives peut s’expliquer – selon
les cas – par l’une ou plusieurs des causes suivantes :

51

-1.La surcharge des groupes d’apprenants, surtout dans les pays sous -développés, mais
aussi pour d’autres comme ceux du Maghreb. Il est clair qu’il est difficile, de centrer un
enseignement/apprentissage sur l’apprenant quand on travaille avec des groupes d’une
quarantaine d’éléments, surtout quan d, l’hétérogénéité est très forte.
-2.La surcharge des programmes : le principal inconvénient des méthodes actives est,
fort probablement, qu’elles sont «coûteuses en temps » ; de ce fait, l’enseignant ne peut
s’appuyer sur elles que s’il sait qu’il pourrait réaliser une bonne part du programme
qu’on lui propose, d’où la nécessité de son allègement.
-3.Des insuffisances dans la formation des enseignants : même quand on a affa ire à des
enseignants qui sont diplômés d’universités, et qui sont convaincus de l’intérêt des
méthodes actives, il n’est pas évident que ceux -là sachent appliquer une pédagogie
active. En effet, certains remarquent que, même quand la conviction ne fait p as défaut,
les enseignants sont nombreux à ne pas trop savoir comment procéder ni comment
organiser les activités d'enseignement -apprentissage d’où l’intérêt de penser par
exemple, à une formation d’enseignants à des observations et analyses de pratiqu es
grâce par exemple à des enregistrements vidéos.
-4.Le manque de moyens didactiques favorisant ce type de pédagogie : cet élément peut
être un autre obstacle, surtout pour les enseignants qui n’ont pas l’habitude de concevoir
leur outil. En outre, le manque de moyens techniques et de médias (bibliothèques, salle
Internet, manuels adéquats …) ne peut que compliquer davantage la situation.
-5. Les points de langue abordés obéissent fréquemment à une entrée par contenus
fragmentés. On y remarque donc : le manque de tâches et d’activités ; la rareté des
propos itions d’évaluations diagnostiques et formative ; l’absence fréquente de
situations -problèmes, de projets et d’autres situations d’intégration, etc. Nous trouvons
enfin que les thèmes des supports ne sont pas toujours proches ou motivants pour le
public au quel ils sont destinés.

Pour toutes ces raisons, nous voudrions que les « metteurs en scène » de l’activité
d’enseignement/apprentissage prennent en considératio n cette production écrite, en
évitant toute allusion et en l’intégrant dans les pratiques de classes.

52

11. La composante pragmatique dans la classe de langue

L’approche communicative, qui a dominé les méthodes d’enseignement, s’est
concentrée sur le développement de la compétence sociolinguistique et langagière. Cela
signifie, en théorie, que l’élève apprend à distinguer et à manier différents registres dans
la langue cible . Il y a cependant des obstacles de taille : premièrement, l’input oral et
écrit que les apprenants reçoivent est limité aux registres formels.

Deuxièmement, les apprenants ont rarement l’occasion d’utiliser leur langue cible
comme authentique instrument de communication. Considérons d’abord le problème de
l’input . Un trio de chercheurs canadiens, R.Mougeon , K.Rehner é T.Nadasdi , ont
analysé un éc hantillon de manuels de français employés dans les programmes
d’immersion de Toronto . Ils ont distingué les textes qui reflètent plus ou moins le
français oral ( dialogues , extraits d’entrevues ) des textes appartenant au français écrit (
textes rédigés par les auteurs des manuels , extraits d’œuvres littéraires , extraits
d’articles publiés dans la presse , etc .) . Les auteurs ont également examiné les cahiers
d’activités pédagogiques associés à ses manuels. Leur but était de vérifier si les
différent es variantes sociolinguistiques (en particulier les variantes populaires)
figuraient dans ces cahiers et d’examiner comment on les présentait aux élèves.

Les résultats montrent une absence totale de variantes populaires dans les manuels .Les
variantes inf ormelles courantes au Canada se révèlent extrêmement rares .Le « ne » , par
exemple , est maintenu dans les textes( ce qui est attendu ) , mais il est aussi
massivement maintenu dans les textes qui reflètent le français oral ( alors que le taux
d’omission moyen de « ne » au Canada approche les 98%)
Les rares cas d’effacement de « ne » ont été trouvés dans le discours d’individus
dévalorisés (un garçon moins intelligent que ses copains et une bande de délinquants).
Les auteurs constatent que la seule varian te informelle et courante à être relativement
fréquente dans les manuels est le pronom « on » .Les variantes formelles par contre sont
utilisées très souvent , voire catégoriquement :

« Dans l’approche communicative on formait »un communicateur » en créant des situations langagières
pour le faire parler avec (des interlocuteurs) et agir sur (ces mêmes interlocuteurs), dans la perspective
actionnelle esquissée par le Cadre Européen de R éférence, on se propose de former « un acteur

53

social », ce qui impliquera nécessairement(…) de le faire agir avec les autres pendant le temps de son
apprentissage en lui proposant des occasions de « co-actions », dans le sens d’actions communes à
finali té collective. C’est cette dimension d’enjeu social authentique qui différencie la co -action de la
simulation, technique de base utilisée dans l’approche communicative pour créer artificiellement en
classe des situations de simple interactions langagière entre apprenants » (Puren.C ,2002, p62)

C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire l’e nseignement /apprentissage du français
langue étrangère en Algérie.
12. L’acquisition de la compétence pragmatique en langue étrangère

Les études considérées couvrent un continuum entre, d’un coté, la compétence
sociolinguistique (phénomènes de choix entre variantes informelles et plus formelles),
et d’un autre coté , la compétence sociopragmatique et socioculturelle ( usage de scripts
appropriés ) :

« La notion de didactique désigne la capacité -ou la disposition d’un discours – à délivrer des
connaissances. La didacticité d’un discours peut être abordée de trois manières :
-en mettant l’accent sur la situation : ans un lieu voué à l’apprentissage (école, institut, université), les
participants de l’interaction sont « l e maître et l’élève », l’interaction a pour but (connu des
participants)de permettre d’enseigner une matière disciplinaire donnée ;
-selon une définition formelle : s’attachant à des marques linguistiques montrant qu’il y a transmission
de savoir (reformulation, définitions, mots métalinguistiques,..)
-selon la visée pragmatique : qui se dégage au fil des échanges par l’intention que les interactants
manifestent : il s’agit pour le locuteur savant de faire – savoir, de convaincre du bien -fondé de
l’apprentissage et, p our les partenaires apprenantss , de donner des signes que l’apprentissage
s’effectue » (Cirucel.F, 2011, p22)

Parmi ces études, seules celles de Lyster considèrent l’efficacité de différentes
techniques d’enseignement de la norme sociolinguistique. Cet auteur analyse l’effet de
la stratégie fonctionnelle –analytique sur des aspects de la compétence sociolinguistique
de 106 écoliers anglophones de Toronto inscrits dans un programme d’immersion
française .Il constate que l’enseignement analytique se limite trop souvent à un
enseignement décontextualisé de la grammaire. Il plaide donc en faveur d’une stratégie
fonctionnelle analytique dans un contexte comm unicatif, c’est –à-dire d’une stratégie
fonctionnelle – analytique. Les résultats de son expérience suggèrent que les élèves qui

54

ont eu pendant sept semaines des cours de français de nature fonctionnelle –analytique
ont significativement développé leur com pétence sociolinguistique en comparaison de
ceux du groupe de contrôle . Le groupe de contrôle avait continué à suivre son
programme dit ‘’ régulier ‘’, c’est –à –dire une approche plutôt expérientielle , laquelle
ne visait aucun trait sociolinguistique de manière intentionnelle . L’usage du « vous »,
par exemple, par les apprenants des situations dans le groupe expérimental était devenu
plus approprié et correct dans des situations for melles à l’oral comme à l’écrit. Leur
conscience des différences socio -stylistiques dans la langue seconde était également
développée de façon significative. Malgré ces progrès , les élèves du groupe
expérimental n’atteignaient guère le niveau des locuteurs natifs . Lyster se demande si
ce phénomène de ‘’ plafonnement ‘’ n’est pas intrinsèque à l’instruction formelle étant
donné la nature sociale de la variation sociolinguistique. Le contexte scolaire limite
l’usage authentique de la fonction sociale du « vous » et même l’instruction explicite ne
suffit pas à faire adopter un u sage natif . Lyster conclut que seul un usage authentique
de la langue seconde permettra à l’apprenant d’adopter la norme sociolinguistique
française.
La frontière entre ce qui constitue une erreur pragmatique et un usage pragmatique non
– natif est floue. Les études de Peeters ( 1999) et Romero – Trillo ( 2002 ) concernent
les erreurs . Il s’agit de cas ou l’apprenant utilise des expressions ou des mots dans la
langue cible de façon inappropriée, supposant que ceux – ci sont équivalents aux
expressions ou mots dans sa langue maternelle. Cela peut causer des malentendus avec
les interlocuteurs natifs. Les usages pragmatiques non –natifs par contre ne provoquent
pas de rupture dans la communication. Ils ne seront pas identifiés sur le champ.
L’interlocuteur p ourra éventuellement ressentir un sentiment d’incertitude à propos du
discours qu’il ou elle entend sans pouvoir mettre le doigt sur la cause. Il est également
apparu que les langues qui avaient été apprises uniquement dans la salle de classe
étaient choi sies beaucoup moins souvent pour exprimer des jurons, et que la force de
ces jurons était jugée moindre que pour ceux des langues qui avaient été acquises en
milieu naturel ou par une combinaison d’instruction formelle et u n séjour dans le milieu
naturel :
« La pragmatique, à la confluence de réflexions de provenances diverses, se laisse difficilement
circonscrire. D’un côté on a l’impression qu’elle n’a envahi que récemment les sciences humaines, de
l’autre on l’entend évoquer pour des considérations su r le langage qui sont fort
ancienne ».(Maingueneau.D,1990, p37)

55

Par ailleurs, qu’ est – ce que qu’on entend par la compétence sociolinguistique ,
pragmatique et discursive d’apprenants dans des contextes d’apprentissage
institutionnalisé ?

Tout d’abor d , que ces compétences s’acquièrent si difficilement et si lentement que les
apprenants ne commencent à saisir leur existence qu’une fois que leur instruction
formelle touche à sa fin . La raison est que ces compétences ne se laissent pas résumer
en quelq ues formules et recettes toutes faites, comme c’est le cas pour des règles de
grammaire. Même si certaines technique, comme l’approche fonctionnelle /analytique,
évoquée ci -dessus , stimulent l’acquisition des normes sociolinguistiques , les
apprenants s emblent éprouver des difficultés à se souvenir simultanément de toutes les
caractéristiques d’un registre particulier .

C’est pourquoi il faut par exemple avertir les apprenants qu’il est impératif de n’utiliser
des mots familiers que dans un contexte a pproprié. Un locuteur natif en situation
exolingue sera probablement moins choqué par une erreur grammaticale que par une «
gaffe » sociolinguistique. Il se peut que le locuteur qui utilise des mots familiers indique
une grande familiarité avec la langue , la langue lui « appartient » et lui donne le droit
d’explorer ses confins les plus obscurs ou les plus osés . Si par contre le locuteur non –
natif signale par son accent , ses erreurs grammaticales , sociolinguistiques et
pragmatiques occasionnelles qu ’il s’agit pour lui d’une langue étrangère , l’interlocuteur
natif pourrait trouver l’usage de variantes stigmatisées incongru .

Il en est de même pour la compétence pragmatique : un élément discordant suffit pour
faire basculer l’édifice. Ceci n’est évi demment pas dramatique mais risque de
provoquer des problèmes de communication assez frustrants pour tous les
participants.Les recherches de Romero – Trillo , Peeters montrent combien il est
difficile pour des apprenants en contexte scolaire de saisir ce s normes éphémères . Les
professeurs de langue doivent être conscients des différences sociopragmatiques qui
peuvent exister entre la langue maternelle de leurs apprenants et celles de la langue
cible. Ils devront donc tenter de sensibiliser les apprenants aux différences et de
stimuler leur « conscience métapragmatique » . Les professeurs doivent donc expliciter
ce qui est implicite dans la langue cible et réveiller les capacités propres des apprenants
à s’engager dans des analyses pragmatiques.

56

Ces const atations nous permettent à présent de formuler quelques suggestions pour
améliorer l’enseignement des normes sociolinguistiques et pragmatiques en langue
étrangère :
 Les méthodes de langue ne devraient contenir que du matériel authentique.
C’est – à- dire l’auteur du manuel ne devrait donc pas inventer des dialogues puisque
ceux – ci seront artificiels, pauvres et stériles et risquent de limiter le développement de
la fluidité conceptuelle dans la L2. Les documents écrits devraient être accompagnés
d’un max imum de documents vidéos (documentaires, débats, extraits de films) qui
permettraient aux apprenants de saisir les normes sociopragmatiques en contexte
authentique. Le développement des moyens de communication par internet (Computer
mediated discursive) vi a les sites de chat (discours synchrone), les e – mails (discours
asynchrone) ainsi que les visio – conférences restent une source importante de bain
linguistique pour les apprenants dont chances d’interaction avec les natifs de langue
cible sont rares ou presque inexistantes. Aussi, est – il d’une importance capitale que ce
moyen de communication est au fait un matériel pédagogique, il est aussi une source de
loisir et de distraction pour les apprenants. Le résultat ne peut être que bénéfique pour
tous l es acteurs de l’acte pédagogique. Il y a lieu de signaler que l’authenticité ne réside
nullement dans le choix du matériel pédagogique, mais dans la manière dont ce matériel
est exploité par l’enseignant. L’unité minimale dans l’apprentissage ne devrait pa s être
le mot ou le morphème mais des unités de discours (scripts) produits dans des contextes
spécifiés par des locuteurs natifs de la même génération que les apprenants. L’auteur de
manuels devrait disposer de multiples corpus originaux. L’usage de scr ipts originaux
pourrait également éveiller l’intérêt de l’apprenant au niveau du contenu. Il est évident
que l’auteur devra opérer un choix parmi les scripts authentiques mais il ne devrait pas
craindre d’inclure des sujets délicats comme la sexualité, ou de l’humour un peu « osé
». Il s’agit, en effet, d’adopter la perspective du jeune apprenant et non celle du
professeur adulte.

Une littérature abondante a émergé sur les manières d’éveiller la conscience
pragmatique des apprenants en milieu guidé. Cepen dant, et vu le fait que cette approche
est encore dans un état embryonnaire, il reste difficile de la mettre en application,
encore moins de prouver son efficacité dans la classe de langue.

57

Tout le monde sera d’accord sur le fait qu’on ne peut pas apprendr e un sport quelconque
en s’enfermant dans la bibliothèque avec un manuel .C’est donc dans la classe de langue
qu’on pourra éveiller la conscience des règles sociopragmatiques mais ce n’est
cependant qu’en dehors de la classe que la compétence sociopragmati que des
apprenants pourra se développer .

L’enseignant devra s’assurer que les manuels de langue utilisés sont réellement
communicatifs, comprenant l’éventail complet des registres oraux et écrits .
L’usage de documents audio – visuels authentiques permet tra également d’attirer
l’attention des apprenants sur des phénomènes de variation comme l’omission du
« ne » , par exemple . Les échanges linguistiques avec des locuteurs natifs ou les
périodes passées à l’étranger permettront aux apprenants d’ être « dans le bain » et de
développer leur compétence sociopragmatique. Ils pourront alors utiliser la langue cible
comme véritable instrument de communication dans un contexte authentique. Ce n’est
qu’ainsi qu’ils pourront relier l’information morpholexicale et sémantique dans la
mémoire explicite aux représentations conceptuelles dans la mémoire implicite, adapter
leur schémas et scripts dans la langue cible afin de produire un discours
sociopragmatiquement approprié.

Il reste à espérer que les auteurs de manue ls de langue étrangère et de programmes
scolaires s’inspireront des études mentionnées plus haut afin de mieux préparer les
apprenants à la communication authentique en langue étrangère .

13. L’ « Éducation » face aux réformes : Programme du F.L.E au cy cle secondaire
Algérien:

L’école algérienne doit s’engager dans la transformation rapide que connaît le pays aux
niveaux politique, économique et social et « s’acclimater », estiment certains, à un
nouveau contexte de mondialisation économique et d’accélération du progrès
techno logique, mais aussi et surtout parce qu’elle fait l’objet, depuis deux décennies, de
vives critiques aussi bien de la part des parents, des députés et d’autres observateurs,
que de la part des principaux concernés, à savoir les enseignants et les élèves v oire ,
parfois, du ministère, qui ont pu la qualifier et de « sinistrée », une réforme dans le
secteur de l’éducation s’est imposée. Un quart de siècle après la première, le Ministère

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amorce alors, en juillet 2002, une deuxième réforme de son système éduca tif national,
en s’engageant à la suite d’autres pays dans l’approche par les compétences. Une
réforme des programmes s’impose également non seulement à cause, des exigences de
la réforme, mais également parce que – mis à part quelques petites retouches – ces
programmes sont restés dans la « logique » dictée par l’Ordonnance N°35 -76 du 16
avril 1976, et ils ont été violemment critiqués, depuis au moins la fin des années quatre –
vingt. A ce sujet Kaci .T (2003, p169) écrit :

« La mise en place d’un système éducatif adapté aux ambitions d’une révolution sociale nécessitait un
projet nouveau. Or, la réponse aux défis immédiats a fait remettre à plus tard le problème. L’héritage de
l’enseignement traditionnel (écoles coraniques, zaouïas et medersas) a égalemen t laissé ses empreintes.
Essentiellement à vocation religieuse, cet enseignement a été traversé par des influences politiques et
pédagogiques variées, souvent conflictuelles. Il ne constitue pas à proprement parler un système. Bien
qu’auréolé par son actio n effective de conservation de la langue et des valeurs religieuses et culturelles
nationales, cet enseignement ne constituait pas un système à même de prendre en charge une politique
d’éducation nationale. Son éparpillement, ses conflits internes, le cara ctère traditionnel est limité de ses
contenus et de sa pédagogie n’en faisaient pas une alternative pour une société en pleine transformation.
Il a cependant marqué le développement de notre système éducatif, notamment dans certains de ses
contenus d’ensei gnement et de ses orientations pédagogiques ».

Les programmes d’étude sont un élément important dans l’enseignement de l’écrit et de
toutes les disciplines puisqu’ils constituent le cadre obligatoire dans lequel l’enseignant
exerce sa fonction. Nous prése nterons d’abord dans cette section les objectifs terminaux
du français au secondaire et les contenus des programmes suivie d’une analyse de la
part réservée à la production écrite durant cette année.

L’enseignement du français au lycée a pour finalité de permettre à chacun de former sa
personnalité et de devenir un citoyen conscient, autonome et responsable. En effet,
selon les programmes, à la fin du cycle secondaire, l’élève doit avoir une maîtrise de la
langue (code et emplois) suffisante pour lui perm ettre de :

-accéder à une documentation diversifiée en langue française ;
-utiliser le français dans des situations d’enseignement/apprentissage (cours magistral,
travaux pratiques et dirigés…) en prenant une part active à l’assimilation de

59

l’information scientifique, (prise de notes de manière organisée et réfléchie pour
réutiliser les connaissances enregistrées dans des situations diverses) ;
-Prendre conscience dans des situations d’interlocution concrètes ou de lecture des
dimensions informatives, arg umentatives et littérairement marquées des textes écrits ou
oraux, que ces textes traitent de phénomènes, de faits ou d’événements, décrivent des
objets, des lieux ou des personnes ou bien relatent des propos ou des arguments avancés
par des tierces person nes ou par le scripteur lui -même.

En résumé, nous dirons, selon les programmes, qu’à la fin du cycle secondaire, l’élève
sera un utilisateur autonome du français, instrument qu’il pourra mettre au service des
compétences requises par la formation supérie ure, professionnelle et les contraintes de
la communication sociale .Pour atteindre les compétences finales du cycle secondaire, la
formation s’articule sur trois plans de formation (un pour chaque année secondaire).
Chaque plan de formation a pour objecti f de faire acquérir à l’élève trois compétences
finales traduites en projets didactiques. Chacune de ces compétences met en œuvre un
certain nombre de capacités cognitives, socio -affectives, psycho -motrices déjà présentes
chez l’élève.

Les programmes son t conçus de manière à aider les enseignants à :
– passer d’une logique d’enseignement à une logique d’apprentissage » en s’orientant
vers les démarches qui feront de l’apprenant « un partenaire actif dans le processus de
sa formation » et qui viseront pro gressivement son autonomie ;
-doter celui -ci « d’un outil linguistique performant, permettant le plus de
« transactions » possibles par la prise en compte de toutes les composantes de la
compétence de communication » vu que l’acquisition d’une langue ne peut être efficace
« si on distingue l’aspect « utilitaire » de l’aspect « culturel » » et que la maîtrise d’une
langue constitue « un atout pour la réussite professionnelle dans le monde du travail
(qui demande de plus en plus la connaissance des langues étrangères) » et le moyen le
plus objectif de connaître l’Autre par « une réflexion entretenue sur l’Identité/
Altérité » ;
-favoriser l’intégration des acquis grâce à l’approche par les compétences qui « permet
de ne pas couper les apprenants de leur en vironnement culturel et social par le
transfert, à l’extérieur, des habiletés acquises à l’école » ; -développer chez
l’apprenant « des attitudes sociales positives comme l’esprit de recherche et de

60

coopération » et la curiosité, l’envie d’apprendre à tr avers la réalisation de projets
collectifs.

En outre, le cadre théorique fixé par les concepteurs comporte la linguistique de
l’énonciation et l’approche communicative, le cognitivisme, et enfin l’approche par les
compétences. Benbouzid, ancien ministre de l’Education nationale, qui parle de
« refondation du système éducatif » explique que « C’est une pédagogie nouvelle, c’est
une approche par compétence qui remplace l’approche par objectif » et que cette
nouvelle approche vise à rendre « l’élève partie prenante dans la conception de son
cours. C’ est un élément actif »

14. La formation des enseignants au XX e siècle

Au début du siècle, seuls les enseignants du primaire sont formés, dans une certaine
mesure, à leur futur métier. Les enseignants du secondaire ne reçoivent qu’une
formation « académique », disciplinaire.

En France, par exemple, la réforme de 1905 révèle de façon décisive le rôle de la
formation professionnelle dans les écoles normales primaires (qui se consacraient
jusque – là presque exclusivement à la formation académique des él èves – maîtres). Le
décret du 4 aout 1905 précise que la fonction essentielle des Ecoles normales consiste
moins à préparer des brevetés qu’à former par une culture spéciale, les futurs éducateurs
de la démocratie.

Désormais, les élèves -maîtres sont appel és à passer leur brevet supérieur au terme de
leur seconde année d’Ecole normale et un « examen de fin d’études normales » au
terme de leur troisième année. Les programmes de première et seconde année se
trouvent réduits et remaniés. Ceux de troisième ann ée sont, quant à eux, longuement
développés autour de deux grands axes : « les programmes et directions pédagogiques
» (explicitant pour chaque discipline les modalités spécifiques de leur application
pratique) ; « l’éducati on professionnelle des élèves -maîtres » (se préoccupant largement
de l’enseignement dispensé dans les écoles annexes ) .

Cette entrée effective des Ecoles normales primaires dans la formation professionnelle

61

des normaliens et normaliennes ne remet pas en cause le « monde à part » que constitue
l’ordre du primaire , loin s’en faut . Le primaire supérieur est la voie royale de la
reproduction du primaire et de son encadrement en circuit fermé ( cours
complémentaires ou Ecoles primaires supérieures , Ecoles normales primaires , Ecoles
normales primaires supérieures de Saint – Cloud et de Fontenay ) . Il est tout à fait
significatif que la formation et l’encadrement des institutions et des institutrices soient
assurés par des professeurs de l’ordre primaire ( titulaires du certificat d’ap titude au
professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures ) ou par des
inspecteurs primaires , les uns et les autres anciens élèves des Ecoles normales
primaires supérieures de Saint – Cloude et Fontenay . Toute velléité de faire appel à des
enseignants du secondaire (a fortiori du supérieur ) soulève le tollé . L’ensemble des
cursus et des encadrements relève uniquement de l’ordre primaire . Cette
autoreproduction assure une grande homogénéité et une très forte stabilité à la
pédagogie du primaire , à la pédagogie « normale », dans une séparation totale de
formation et de préoccupation avec le secondaire et le supérieur.

A peine un siècle , de 1900 à 1904 , la durée de scolarisation moyenne s’est accrue de
plus de dix sept ans ( en comptant la préscolarisation ) . Au début du siècle , l’immense
majorité des jeunes Français faisait connaissance avec les institutions scolaires à six ans
et quittait l’école dès douze ou treize ans ; à peine 8 % d’entre eux continuaient leurs
études dans le secondaire ou le primaire supérieur ; moins de 1 % étaient scolarisés à
dix – huit ans . En cette fin de siècle , la quasi – totalité des jeunes Français sont «
préscolarisés » dès l’âge de trois ans ; 83 % d’entre eux sont encore scolarisés à dix –
huit ans révolus , 50 % à vingt ans .

Au début du siècle , on séparait les sexes mais on mêlait les âges ( notamment dans les
classes uniques ou semi – uniques du primaire ) ; l’âge « normal » n’était pas encore
devenu une des « fixations » du systè me scolaire et de ses agents ( même dans le
secondaire , où l’âge de passation du baccalauréat s’étalait de 15 – 16 ans jusqu‘à 20 ans
et plus sans problème majeur ) . Actuellement, les sexes sont mêlés mais les âges sont
séparés ; l’âge « normal » est l’u n des critères fondamentaux de l’orientation et de la
sélection. On n’a sans doute pas assez réfléchi aux conséquences de cette véritable
mutation qui fait que les jeunes Français sont élevés, socialisés , éduqués dans et par
leur promotion d’âge , leur gr oupe de pairs ; et cela pendant dix – sept ans …

62

En effet, les filles et les jeunes filles, au début du siècle, n’étaient pas seulement
séparées , à l’école , des garçons et des jeunes gens : elles devaient suivre des scolarités
différentes ; et elles av aient une scolarisation inférieure . Dans l’élémentaire du
primaire , les programmes signés par Jules Ferry1 étaient nettement différenciés pour le
travail manuel et l’éducation physique afin de préparer et prédisposer les garçons aux
futurs travaux de l’o uvrier et du soldat , les filles aux soin du ménage et aux ouvrages
des femmes . Surtout , les poursuites d’études étaient quantitativement différentes pour
les jeunes filles . En 1901 , on ne comptait que 27000 élèves dans le primaire supérieur
féminin c ontre 40 000 dans le primaire supérieur masculin , soit deux filles pour trois
garçons .
15. Contextualisation et universalisme : Quelle didactique des langues pour le XXIe
siècle ?

La didactique des langues , en tant que domaine d’intervention et de production de
connaissance sur l’apprentissage et l’enseignement des langues ,existe depuis des
siècles. Mais ce n’est que dans une période récente , au regard de l’histoire , et de
manière relativement autonome; à travers une réflexion sur les problémati ques majeurs
qui contribuent à la définir et sur les objectifs qu’elle poursuit , en visant une
théorisation de son champ :

« Dans cette réflexion , qui se développe , évolue et se densifie plus particulièrement depuis une
cinquantaine d’année dans l’esp ace francophone , les notions de situation puis de contexte occupent une
place centrale ; si elles ne sont pas toujours visibles , ces notions réapparaissent périodiquement , comme
le serpent de mer , témoignant d’une présence à la fois étudiée mais toujou rs sous – jacente , qui
s’impose même quand on souhaiterait l’oublier . »
( Blanchet. P et al, 2009)(p183) .

1 Jules Ferry, né le 5 avril 1832 à Saint -Dié (Vosges ) et mort le 17 mars 1893 à Paris , est un homme
politique français . Opposant à l' Empire , membre du gouvernemen t provisoire en 1870 et maire de Paris
en 1871 , il est l'auteur des lois de la IIIe République rendant l' instruction obligatoire et gratuite. Considéré
comme le promoteur de l'« école gratuite et obligatoire », il est devenu plusieurs décennies après sa mort
l'un des pères fondateurs de l' identité républicaine ..(Biographie : wikipédia, encyclopédie libre)

63

Nous balaierons donc rapidement l’élaboration du champ de la didactique des langues ,
et en particulier du français langue étrangère ( FLE ) , dans cet espace depuis l’après
guerre , pour tenter de mettre en lumière quelques jalons des différentes manifestations
de la notion de contexte , en fonction des périodes et des choix dominants , avant de
proposer quelques repères pour une réflexion dida ctique renouvelée .

L’émergence de didactique des langues dans le contexte francophone , et plus
spécifiquement français ; est liée à l’effort d’une théorisation pratique de
l’enseignement – apprentissage des langues étrangères , dans un double effort de
désolidarisation de corps disciplinaires tels que la linguistique et la linguistique
appliquée , et de remobilisation de son dispositif conceptuel autour d’une forme
d’autonomie accompagnée . On note, des phases constitutives , une réinterprétation du
contexte autour de dispositif terminologique qui trace les linéaments d’un paysage
didactique distinguant entre didactique du français langue maternelle , langue seconde
et étrangère.

Selon Besse, et même Cuq, l’imagination terminologique des politiques e t des
planificateurs de l’enseignement des langues est, sur ce point , grande : en Suisse , « le
romanche » est langue « nationale » à l’instar du français ; de l’allemand et de l’Italien
, mais n’est pas langue ‘’ officielle ‘’ comme ces dernières , ce qui lui vaut de ne pas
être enseigné dans les cantons où il n’est pas pratiqué. En Belgique , le français , bien
que « langue nationale et officielle » d’un pays bi – lingue , est enseigné en Flandre
belge comme une langue « étrangère ». Le français est « langue étrangère privilégiée »
au Maroc , bien qu’il soit davantage pratiqué dans de nombreux pays où il est langue
officielle .

Cela ne signifie pas pour autant que la réflexion didactique , au – delà du marquage de
ses contours disciplinaires e t son champ d’action , se soit désintéressée du contexte .
Bien au contraire. Toute la réflexion entourant l’approche communicative, centrée
autour de l’idée qu’on apprend dans et par l’interaction et dans une situation
particulière, la centration sur l’ap prenant et l’effort de prendre en compte ses besoins
d’apprentissage , les efforts de définir des profils d’apprenants et les répertoires
didactiques des enseignants , la réalisation que la classe se construit autour de contrats

64

didactiques, aussi bien que le recours au son et à l’image ou à des documents «
authentiques » en classe sont autant de traces de l’intérêt constant des didacticiens de
rendre compte du contexte dans lequel se construit l’apprentissage , et d’en maitriser les
influences dans et par l’acte didactique :
« Un cours de langue, ou de toute autre discipline , relève de la communication didactique ,
communication définie généralement comme ayant pour but ou de vouloir rendre un ou plusieurs des
interlocuteurs plus savants, plus habiles, plus compétents. La communication didactique n’est pas
seulement liée aux situations scolaires : une visite guidée dans un musée, par exemple, comporte elle
aussi un but didactique, du moins en partie » (Cicurel.F, 2011, p 21)

L’essor des approches c ommunicatives , inspirées , notamment , des travaux de Hymes ,
correspond tout particulièrement à cette vision de l’apprentissage , basée sur le sens et le
contexte . Ainsi , des dialogues comme ceux de « Gros plan sur le français » (1998 )1 –
pour n’en cit er que quelques uns , emblématiques de leur époque – reposent sur l’effort
de contextualisation de l’interaction didactique dans une situation ( potentiellement )
authentique , mettant en scène des interlocuteurs ordinaires ( en particulier des enfan ts )
, qui perdent leur maman dans les grands – magasins , et embrassent les difficultés de la
conversation quotidienne , empreinte de nombre de malentendus possibles ,
linguistiques et culturels . Ces nouveaux acteurs qui infiltrent dès lors les manuels
parlent français avec une variétés d’accents ( du touriste grec en avion aux jeunes élèves
magrébins de la cou de la récréation ) . Leurs conversations , colorées , s’échappent des
dialogues dénués d’ambigüité des locuteurs idéalement monolingues habitent jusque – là
les univers aseptisés et monochromes des méthodes de langues . Rappelons, ci -dessous,
la différence méthodologique qu’apporte Christian Puren au champ de la didactique des
langues étrangères :

« Dans l’approche communicative on formait »un communicateur » en créant des situations langagières
pour le faire parler avec (des interlocuteurs) et agir sur (ces mêmes interlocuteurs), dans la perspective
actionnelle esquissée par le Cadre Européen de R éférence, on se propose de former « un acteur
social », ce qui impliquera nécessairement(…) de le faire agir avec les autres pendant le temps de son
apprentissage en lui proposant des occasions de « co-actions », dans le sens d’actions communes à
finali té collective. C’est cette dimension d’enjeu social authentique qui différencie la co -action de la

1 Destinée à un public jeune/adulte, cette méthode permet la mise à niveau en français d’étudiant, la
maîtrise de la langue et l’enrichissement des connaissances. Elle permet également de faire prendre
conscience des différents registres de langue selon les contextes. Les thèmes ou les dominantes travaillées
sont : l’oral, la phonétique, la prononciation, les opérations de lecture, les bases grammaticales, le
vocabulaire.

65

simulation, technique de base utilisée dans l’approche communicative pour créer artificiellement en
classe des situations de simple interactions langagière entre apprenants » (Puren.C ,2002, p62)

A titre d’exemple , un ensemble pédagogique comme Soleil , destiné à l’enseignement
du français aux jeunes élèves ( 11 – 15 ans ) , choisit de présenter une situation de
rencontre interculturelle comme la colonie de vacance , multilingue et marquée par
l’exlinguisme et la négociation de la forme et du sens ; en interaction. Dans un même
souci de plus grande authenticité , l’introdu ction du français en Gros plan indique que
« les documents vidéo présentent une langue vivante , riche , authentique et varié e (…)
ce que l’on entend est du français authentique ( … ) ce cours se caractérise par l’absence
de concession ; on ne présente pas un français de studio ; enregistré par des acteurs .
On s’efforce , au contraire , d’habituer les apprenants au français tel qu‘il se parle
réellement » .

Sur le plan de la théorisation didactique , on voit ainsi se déployer l’effort de construire
une intelligibité conceptuelle , en cherchant à définir des zones de contraintes ou de
figements , donc , d’une certaine manière de stabilité ; une intelligibilité qui va
permettre , dans un lieu donné , d’encourager des « manières d’enseigner »
appréhend ées comme le s plus adaptées au contexte de leur mise en œuvre ( et apportant
ainsi une efficacité maximale pour atteindre les buts fixés en fonction des besoins
d’apprentissage ) . En même temps , ce travail s’accompagne d’une mise en tension
entre cet eff ort de simplifier et de trouver les transversalités par delà les situations
locales , autrement dit de dévoiler les principes niveaux guidant l’action pédagogique ,
et celui de déceler les originalités d’un contexte et donc , de complexifier , pour
adap ter , les objets , les références et les formes de la participations .

Ainsi, selon Richterich , l’apprenant peut bien paraître au centre , mais ce n’est pas lui
qui s’y est mis , c’est le système . Le « centrage » , s’il ne veut pas rester une illusion
pédagogique , ne peut que passer par la définition de ce rtaines formes de participation .
L’acte d’apprendre appartient à celui qui apprend, mais ce dernier n’est seul dans son
activité . Pour parvenir à l’acte, il doit nécessairement ou indirectement , d épendre des
institutions d’utilisation qui , elles , nécessairement , fonctionnent dans un type de
société.

66

16. Le contexte macrolinguistique et la place des politiques linguistiques éducatives :
vers une didactique du plurilinguisme

La deuxième moiti é des années quatre – vingt – dix et le début des années deux mille
sont en effet marqués par la montée en puissance de la dimension plurilingue dans
l’apprentissage et l’enseignement des langues en occident , en particulier en Europe ,
sous l’influence de l’accélération de la tendance globalisatrice au plan international ,
d’un point de vue tant économique que social et culturel , et de l’action volontariste du
conseil de l’Europe en matière d’apprentissage et d’enseignement des langues .

Les orientatio ns peu à peu définies , diffusées et mises en œuvre , sur le plan didactique
, avec le cadre européen commun de référence pour les langues ( 2001 ) sont le fruit
d’une interprétation géo – sociolinguistique de la situation européenne et internationale
et sont accompagnées de recommandations plus générales à l’usage des responsables et
décideurs , à travers le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques –
éducatives en Europe . Comme le rappel Daniel Coste en disant que toute prise en
compte de la pluralité des langues conduit à des interrogations à des choix de politique
linguistique .

Les facteurs de contextualisation dominants dans cette période sont donc d’ordre
essentiellement politique , dans le sens où ils sont directement liés à la con struction
d’une Europe politiquement et culturellement unie , à travers notamment le ciment que
représentait l’invention d’une identité et une citoyenneté européenne , si les questions
linguistiques ont joué un rôle important dans la constitution des nati ons en Europe , il
s’agit , en quelque sorte , de répéter l’opération à une échelle plus vaste et avec
quelques déplacements : l’Europe a besoin de principes linguistiques communs
davantage que de langues communes .

Dans cette perspective , le pluriling uisme n’apparaît plus seulement comme une
finalité , mais comme le principe même sur lequel reposent les politiques linguistiques
et éducatives européennes et , par -delà , la conception même de l’Europe comme entité
politique . Selon Beacco l’espace europ éen pourrait être identifié non par les langues
qui s’y parlent , quelles soient ou non autochtones , mais par l’adhésion commune à des
principes définissant une manière d’être aux langues.

67

Un autre ensemble de facteurs a autrefois concouru , de notre p oint de vue , à
contextualiser l’enseignement et surtout l’apprentissage des langues dans cette période :
celui de la montée en puissance , dans le domaine de l’éducation et de la formation , de
la notion de compétence en tant qu’activité située des acteur s sociaux. Ce qui
s’accompagne d’interrogations sur la place du sujet dans la construction de cette
compétence et de l’essor des approches biographiques dans la formation, ainsi que des
technologies de l’information et de la communication comme moyen d’art iculer
l’individuel et le collaboratif.

Si , à la fin de ce bref tour d’horizon historique , on observe d’un peu plus prés , les «
discours fondateurs » des orientations didactiques correspondant à ces différentes
périodes , on peut y lire une volont é réelle et répétée d’associer les langues , leurs
usages et leurs apprentissages aux conditions (sociales , historiques , psychologiques
notamment ) de leurs productions .

Ainsi ; Henri Besse rappelle par exemple que la préface de l’édition de 1961 de la
méthode SGAV voix et images de France insiste sur le fait que « situation et langage
sont étroitement associés et solidaires » et que « même sous sa forme la plus humble , il
( le langage ) est lié à une civilisation » . Ainsi, selon les périodes , on a pu distinguer la
sélection de certains facteurs contextuels , qui dominent le paysage et qui s’affirment
temporairement pour infléchir les orientations majoritaires . On pourrait donc conclure
dans un premier temps sur l’instauration d’’une contextualis ation forte pour
l’apprentissage et l’enseignement des langues et en particulier du français comme
langue étrangère / seconde.

Pourtant, par -delà les évolutions et les facteurs de contextualisation , des chercheurs et
didacticiens rajoutent, qu’en effectu ant ce retour sur le passé récent , une certaine forme
de constance sous – tendant les orientations perdurait tout au long de demi – siècle ,
constance qui pourrait notamment être caractérisée par le primat de l’offre sur les
demandes et la permanence d’u ne forme d’universalité sous – jacente :-Universalité du
primat de la communication ; -Universalité des « valeurs » ; -Universalité d’une
conception du français comme « langue de civilisation » .

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Il est tentant , en constatant cette permanence , de la relier aux analyses sociohistoriques
qui sont développées à propos de la période 1945 -1970 , en tant qu’espace d’expansion
de « l’économie monde » qui consacre la domination triomphante de « l’uni versalisme
européen » . Dans quelle mesure les orientations actuelles promues par les instances
européennes confortent – elles ou non cette domination , dans le champ de la didactique
des langues ?

17. Le cadre européen commun de référence pour les langu es : un nouvel universalisme
en didactique des langues.

Ce panorama des orientations majeures de la didactique des langues et de leur
inscription contex tuelle dans l’espace occidental , et principalement francophone , nous
conduit à interroger plus précis ément la période actuelle et les perspectives qu’elle porte
pour le futur .

En outre, en opérant un retour sur l’histoire du CECR , de sa construction et des facteurs
qui l’ont érigé en référence quasi incontournable pour l’apprentissage , l’enseignement
mais aussi et surtout l’évolution et les certifications en langues aujourd’hui , bien au
delà des frontières de l’Europe , il met en évidence quelques paradoxes liés au
glissement des orientations de départ , fondamentalement contextualisants aux dires de
ses promoteurs , vers des usages normatifs , voire perspectifs et injonctifs.

Dans cette logique , le cadre offre avant tout un langage et des outils communs qui
autorisent des comparaisons entre des choix différents , que ces choix soient nationaux ,
régionaux ou autres . Différents mais rapportables les uns aux autres pour accompagner
au mieux les parcours, les trajectoires d’acteurs sociaux se déplaçant d’un contexte à un
autre .

Mais les choses ne sont pas passées exactement comme attendu . C’est p lutôt l’inverse
qui s’est souvent produit : le cadre a été perçu comme une norme européenne ,
quasiment comme une prospection ou une injonction , à laquelle il conviendrait que les
différents contestes , bon gré malgré , se conforment .
Selon Coste, le cadre de référence ainsi compris risquait ( risque encore ? ) dés lors d e
devenir un instrument fermé . Il analyse cette « dérive » comme le produit d’un

69

décalage entre , d’une part , une offre souple ou multiréférentielle ; « relevant » d’un «
sur m esure » et d’autre part ; une demande focalisée sur un produit globalisant ou
totalisant , un « prêt – à – porter » qui serait beaucoup moin s « ajusté et
individualisé ».
Mais on assiste à l’apparition d’interrogations plus argumentées portant sur l’éven tuel
intérêt d « utiliser » ou d’ « adapter » le CECR dans des environnements notablement
différents , de plusieurs points de vue , de ceux pour lesquels il a été conçu. Comment
justifier une telle exportation – transposition dans des environnements historiques ,
géographiques et sociolinguistiques fondamentalement différents , si ce n’est en
évidant le CECR des fondements même des circonstances de son émergence , et ,
partant , d’une part ( essentielle ) de sa substance ? en d’autres termes ; si l ’on peut ,
sans dommage ; universaliser le CECR , n’est – ce pas en même temps au risque de le
dépouiller de sa contextualisation historico – sociolinguistique et de n’en conserver que
sa dimension méthodologique , au sens « technique» du mot ?

Daniel Coste revient sur la conception même du CECR , en affirmant qu’elle repose sur
l’alliance entre « une ouverture à des usages multiples et un certain nombre d’options
fortes » . Au premier rang de ces options fortes figure la « promotion du
pluril inguisme » , inscrite dans des « principes et valeurs touchant à la démocratie , la
citoyenneté et à la compréhensi on interculturelle ». Au plurilinguisme peut apparaître ,
à première vue , comme une donnée universellement partagée dans un monde
globalisé ; mais on peut aussi considérer , et c’est l’option que nous prenons ici , q u’il
existe DES plurilinguisme , dont les constructions invitent à imaginer des options
politiques et didactiques – partiellement au moins – diversifiées .

Par ailleurs, l a didac tique des langues doit tenir compte de son histoire pour mieux se
projeter dans le futur , sans nécessairement viser des uniformisations conceptuelles ou
actionnelles . Comme le fait appa raître plusieurs contributions , les catégories
« traditionnell es »de la didactique des langues ne sont plus que rarement pertinentes :
la distinction entre langue « première » , « étrangère » ou « seconde » n’a
aujourd’hui aucune signification opéra toire dans de nombreux espaces , les phénomènes
de mobilité e t de transnationalisme mettent en question les fondements même de nos
modes de pensée , les ressources et les atouts se distribuent de manière parfois opposée
à celles que l’on attend.

70

En effet, cette réflexion, qui a d’abord visé des études de cas contrastées comme
préalable et guide à une approche contextualisée de la didactique des langues ,
souhaitait , « en développant une perspective critique sur ses méthodes , ses outils et
ses champs d’ intervention , rechercher la pertinence sociale et scientifique de ses
questionnements , et d’offrir des repères en matières de cadre épistémologique et
d’orientations théoriques et pratiques ». Si la perspective sociodidactique largement
mobilisée dans l es études contemporaines , et d’abord mise en avant dans l’espace
francophone notamment chez Dabéne , a permis d’interroger les liens étroits qui tissent
les espaces de la classe et d’autres espaces sociaux , dans leurs contin uités et leurs
discontinuités , la problématique qui émerge de l’ensemble des textes questionne
l’articulation de ces différentes dimensions .

En mettant l’accent sur les dimensions sociales , historiques , culturelles et politiques
de la didactique des langues , elle préfigure la t ransformation du champ et la production
d’une réflexion opératoire pour :
-Une transformation des usages d’appropriation à la fois singuliers , pluriels et
hétérogènes ;
-Une évolution contextualisée de la formation des enseignants et formateurs ( culture s
éducatives , approches biographiques , portfolios professionnels .. ) ;
-Le développement de dispositifs d’évaluations cohérents avec ces orientations , non
pas standardisés ( ce qui est le propre , général ement , des outils d’évaluation , pour leur
assurer une « fiabilité » , mais situés , variables , contextualisables .

La théorisation progressive d’une didactique contextualsée ( ou plus exactement de
didactiques contextualiées ) qui se dégage au fil des textes accompagne un
questionnement complément aire sur l’émergence dans l’espace de réflexion d’un
déplacement de paradigme , qui permet de réimaginer l’école comme un site de la
participation, de la transformation sociale et de l’émancipation. Le contexte , en se (re)
construisant historiquement , sociopolitiquement , discursivement et localement ,
comme un lieu de tension et un nouvel espace – temps , polycentrique et polysituée ,
permet de repenser la didactique comme un espace d’action et de responsabilité
politique et éthique pour nos société co ntemporaines construites dans la diversité et la
complexité .

71

La didactique du plurilinguisme utopique que Coste ordonne autour de la globalisation
( des langues des ressources du curriculum et des parcours d’apprentissage ) , de la
valorisation ( de la diversité des langues , de l’éducation plurilingues , des compétences
partielles , de la compétence plurilingue et de la diversité culturelle ) , de la
différenciation ( des objectifs , des types de maitrise , des représentations et des valeurs
attachées a ux diverses langues , des argumentaires relatifs aux apprentissage , des
démarches et des formes d’enseignement ) , de l’interrogation ( transversale et dans la
durée , pour le développement d’une compétence plurilingue , avec les disciplines , et
de la diversité au projet éducatif ) , de l’autonomisation ( des apprenants en vue d’une
formation tout au long de la vie ) et ; bien justement , de la contextualisaion, est – elle
alors de la nature à apporter les pistes de réflexion nécessaires pour renouveler et
dynamiser la didactique du XXIe siècle ? On ne peut, selon cette analyse , s’ y engager
qu’en acceptant de déplacer son centre de gravité historique et géographique , en
discutant les catégorisations même qu’elle a forgées , en transformant les sujets même
de son existence et de ses interrogation s … bref , en devenant une didactique DES
plurilinguismes.

Dans l’ère de la francophonie, l’habitude a été prise aujourd’hui de désigner par
francophonie (avec « f »minuscule), l’ensemble des locuteurs francophones, et par
Francophonie (avec « F » majus cule) l’ensemble des pays francophones aujourd’hui
regroupés dans l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) :
« Les orientations générales de la politique de la Francophonie sont définies tous les deux ans par le
Sommet des chefs d’etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage. Depuis le sommet de
Hanoî, en 1997, la Francophonie est dotée d’une charte et surtout d’un secrétaire général dont le rôle
est d’être « le porte -parole politique et le représentant officiel de la Francophonie au niveau
international. La Francophonie est également dotée d’un nombre d’organismes ministériels et
d’organismes opérateurs ». (Cuq .J-P et Gruca .I, 2005,p37) .

72

18. La formation au métier d’enseignant : l’enfant pauvre de la didactique des langues

Quelle que soit la discipline considérée ,l’intégration des avancées successives de la
recherche dans la formation des enseignants ne se fait pas sans décalage dans le temps
ni sans réticences institutionnelles , du fait ,notamment , de la p esanteur des formes de
certification , parfois , jugées non -conformes aux objectifs officiels. Dans ce contexte,
Coste. D( 1994, p 193), précise :

« Ces décalages sont d’autant plus important que les disciplines concernées touchent de plus prés à
l’idéo logie culturelle du système éducatif . Les langues vivantes enseignées à l’école sont de celles -là .Il
suffit de mettre en parallèle les communications présentées au cours de ces journées et les programmes
des licences de langues en France pour mesurer l’a mpleur du fossé qui sépare le stade actuel des
recherches en didactique des langues et le contenu de la formation des enseignants. »

Toutefois, au nord comme au sud , les problèmes de formation des enseignants
deviennent plus préoccupants vers la fin du XXème siècle et au début du troisième
millénaire alors qu’on observe plusieurs mouvement de réformes en vue d’une
tertiarisation de la formation des enseignants. On retrouve à la base de ce processus,
qui s’est accéléré au fil du temps, le const at général du manque chronique
d’enseignants en qualité et en quantité. Dans bon nombre de pays du Nord1 comme
du Sud2, des réformes considérables successives ont transformé les systèmes
d’éducation et apporté d’importants changements à la vocation initiale des institutions
et écoles des formation des enseignants . Ces transformations, adaptations, et mutations
profondes ont abouti à la création de diverses structures plus modernes aux moyens
renforcés et ayant pour mission la formation des enseig nants pour le primaire et le
secondaire :« Il s’agit de véritables institutions dont le système de formation combine une composante
scientifique ou disciplinaire et une composante pédagogique ou didactique. Leurs configurations et
dénominations sont var iables : FASE(faculté des sciences de l’éducation),ISE(institut supérieur de
l’éducation), IUFM (institut universitaire de formation des maîtres), ENS( écoles nationales
supérieures), INSE ( instituts nationaux de sciences de l’éducation), IFM (instituts de formation des
maîtres), EFI ( écoles de formation des instituteurs), ISFM (institut supérieur de formation des maîtres),
IFEV( institut de formation des enseignants de Vanuatu), INE(institut national de l’éducation),
CUI(collèges universitaires d’inst ituteurs), HEP(hautes écoles pédagogiques), UPN (université
pédagogique nationale), IPE (institut pédagogique de l’éducation) » (Karsenti, et al, 2008, p11)

1 Les pays développés tels que : l’Europe, USA..
2 Les pays en voie de développement te ls que : L’Afrique , l’Asie…..

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En effet, l’ALGÉRIE est un de ces pays qui connaissent une période rapide de
transformation pol itique, économique et sociale ; une transformation qui se caractérise
par un processus de démocratisation, une transition d’une économie planifiée vers une
économie de marché , ainsi que par une consolidation de l’identité nationale à travers
une intég ration officielle de la culture et de la langue Amazigh. Dans ce contexte, le
système éducatif dans son ensemble est appelé à changer. Contenus et méthodes
inadaptés, faibles taux de réussite au baccalauréat , taux élevé de déperdition scolaire,
pression de la demande au niveau de l’enseignement supérieur avec un effectif scolaire
dépassant les huit millions d’élèves soit un quart de la population totale, chômage
croissant, de la population active jeune sont autant de symptômes qui requièrent un e
réforme du système éducatif dans un contexte de mondialisation économique et
d’accélération du progrès technologique :

« Afin de faire face à ces défis, l’Assemblée Nationale Populaire a voté la réforme du système éducatif en
juillet 2002, visant à u ne mutation qualitative de son enseignement afin de mieux répondre aux
nécessités de la préparation des jeunes à un nouveau contexte de participation civique , sociale et
économique . » (Benbouzid et Koîchiro, 2005 p33 -34)

Dans cette perspective, l’enseignement et l’apprentissage sont désormais considérés
comme des instruments pour le développement d’individus autonomes, capables de
faire face à des défis, d’adopter une position critique pour s’adapter à de nouvelles
situations, et de participer a ctivement aux groupes auxquels ils appartiennent. L’accent
sur le développement d’individus compétents exige une nouvelle conceptualisation de
l’enseignement, tournée vers l’amélioration de la capacité de chacun à régir à de
nouvelle demandes et à s’ada pter à de nouvelles situations.

74

19. L’hétérogénéité d’hier à aujourd’hui

Marie -Claude Grandguillot (2002,P5) affirme dans une conclusion : « une classe
hétérogéne est une mine ,car elle constitue à la fois une richesse à exploiter et un
danger d’explosion » .

Les classes homogènes : mettre ou ne pas mettre les élèves dans des classes
hétérogènes , est –ce une question éthique , ou bien un problème moral ?
Question bien théorique au premier abord . L’école élémentaire accueille tous les enfants
pour leur apprendre à lire – écrire – compter. On entend rarement les instituteurs se
plaindre de l’hétérogénéité de leur classe : c’est leur tôt . Au contraire, les professeurs
de collège , à fortiori de lycée ,s’attendent à enseigner devant des classes homogènes (
le terme de classe homogène apparaît d’ailleurs comme un pléonasme : par définition
une classe est une ensemble constitué à partir d’une s élection préalable selon une
logique de classement ) .

Issues des meilleurs classes , et têtes de ces classes , les enseignants d’hier tendaient à
reproduire les méthodes pédagogiques adaptées à ces regroupements : expl ications ,
interrogations , exercices , composition et cela d’autant plus qu’aucune formation
spécifiquement pédagogique n’était donnée à la plupart . L’enseignant déroulait le
programme, il parlait , les élèves écoutaient ,faisaient leurs devoirs .

En outre, chaque cours permet aux élèves, soit de découvrir et de manipuler des noyaux
de savoir , clés pour la compréhension des phénomènes historiques ou physiques par
exemple , soit de s’entrainer à résoudre des problèmes qui développeront au fil des
trimestres leurs capacités d’analyse et de s ynthèse . Chaque séquence d’enseignement
vise de nouveaux apprentissages. Cet objectif ne peut être atteint que si les élèves
partagent ce projet , en étant marqués par le désir d’apprendre , s’ils participent . Cette
curiosité n’est plus donnée . Les clas ses sont hétérogènes , de sorte qu’il revient
désormais à l’enseignant , tout en continuant évidemment à apporter les savoirs utiles ,
d’organiser les conditions de leur transmission et de leur acquisition en faisant en sorte
que les élèves dans leur diver sité entrent en apprentissage ,se comportent en apprenants
comme on dit en sciences de l’éducation :

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« Quand il s’adresse à un groupe relativement homogène , l’enseignant obtient ces comportements par
des incitations ou des injonctions adressées à l’ensemble de la classe : il précise le sens des exercices
proposés , indique les moyens et les méthodes à utiliser . Il organise des séances de correction
collectives, suscite les questions. Certains communiquent les critères d’évaluation et demandent aux
élèves de s’y référer. En retour, les élèves motivés, le groupe – moteur de la classe ,entrainent bon la
participation des autres ; on accepte aussi que quelques exceptions confirment la règle .Par contre, dans
une classe hétérogène , l’activité du group e est neutralisée sinon paralysée par la diversité des niveaux et
des attitudes . Le groupe est trop éclaté pour constituer un interlocuteur commun réceptif aux conseils et
capable de progresser. Seuls les élèves motivés , ceux qui ont des raisons personn elles de s’intéresser
aux mathématiques ou à la géographie , participent aux nouvelles connaissances ».
(Grandguillot.M.C ,2002 ,p14)

Chacune des attitudes décrites plus haut va donc constituer pour l’enseignant non plus
une donnée mais un objectif pédag ogique à atteindre . L’enseignant doit désormais faire
en sorte que chaque élève, quels que soient ses acquis et ses projets :
-Repère les finalités de la tâche qu’on lui demande de réaliser ;
-Utilise ce qu’il sait et se serve des ressources dont il disp ose , travaille sur ses erreurs ,
etc .

Il ne s’agit plus alors d’injonctions ou de conseils mais de mises en situations réelles
dans lesquelles le développement de ces comportements seront les objectifs visés.
L’évaluation traditionnelle est un verrou important qui bloque toutes sortes d’autres
changements .Le faire sauter, c’est donc ouvrir la porte à d’autres changements ».Le
mot évaluation s’est immiscé dans le vocabulaire pédagogique autour des années 70 , à
un moment ou les recherches en docimologi e ( étude des facteurs qui influencent la
notation ) mettaient en évidence le caractère arbitraire des notes . Il est alors apparu
qu’on pouvait faire un lien entre l’échec et le fait de bloquer leurs efforts pour
progresser .Le terme évaluation s’est peu à peu imposé , mais les pratiques ont peu
évolué .

Par ailleurs ,après des tentatives pour supprimer purement et simplement les notes ou
adopter un mode d’appréciation par lettres ( A ,B,C,D,E) , on en est presque partout
revenu aux notes chiffrés , décid ément plus claires , apparemment plus objectives et
aussi plus faciles à interpréter , en particulier pour les familles ; la moyenne constitue un
solide repère : plus de 10 , ça passe, au dessous , danger ! Des élèves paresseux à

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compter sont capables d’a crobaties arithmétiques pour calculer le nombre de points qui
leur manquent et quels efforts il faudra déployer – ou économiser – pour décrocher la
fameuse moyenne ( qui correspond souvent à une note qu’il n’a jamais obtenue ! ) .

L’attachement aux notes , des jeunes et de leur famille , est une donnée incontournable .
L’attribution de notes est une garan tie de sérieux pour les parents . Quant aux élèves, le
moment où ils en prennent connaissance est toujours impatiemment attendu : cette note
comptera peut -être dans la moyenne et pèsera da ns les décisions de fin d’année . En
effet, dans une classe hétérogène ou, nous l’avons vu , les rési stances risquent d’être
fortes , il faut d’abord susciter l’intérêt et assurer la participation . Si l’hétérogénéité
d’un gr oupe renf orce les intérêts individuelles, elle n’éteint pas , pour la plupart des
élèves , l’intérêt pour les notes qu’ils obtiennent . « Les élèves n’aiment pas tra vailler
mais ils aiment réussir . »

Il est important de définir les objectifs et les communiquer . Le mot objectif s’est
imposé dans le vocabulaire de la pédagogie , il désigne ce que l’on vise ,ce que l’on
cherche à faire acquérir aux élèves et qu’ils ne possèdent pas , l’endroit où ils doivent
arriver . Les programmes, dans leur forme tr aditionnelle, présentent les listes de sujets à
aborder , des morceaux de matière qui nomment des thèmes disciplinaires à aborder :
par exemple , la proposition relative , la concordance des temps , les philosophes du
XVIII e siècle ,etc . Il reste à l’en seignant à trouver les moyens de transmettre ces
connaissances .

Dans les enseignements professionnels d’abord, en enseignement général maintenant ,
apparaissent des référentiels qui présentent le programme sous forme de listes
d’objectifs à atteindre par les élèves à la fin de l’apprentiss age : « Ils seront capables
de». Entrer dans un référentiel 1est parfois rude pour qui n’est pas rompu à la
formulat ion détaillée des objectifs. C’est pour cela qu’il est plus réaliste de prendre
personellement l’hab itude, à partir des activités que nous proposons aux élèves et qui
nous semblent utiles , de nous demander : « Qu’est ce que je veux qu’ils sachent
faire ? » « Dans quelles conditions faut -il réaliser telle activité ou telle tâche ? »

1 Document fourni par le ministère de l’éducation nationale . Il contient un descriptif détaillé des
objectifs d’enseignement, un ensemble structuré d’information utilisée pour l’exécution ou la mise en
place de l’activité d’enseignement/apprentissage.

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C’est ce dernie r point qui nous interesse le plus et que nous allons aborder da ns la
partie suivante .

20. A quelles conditions la pédagogie du projet est – elle efficace ?

« La pédagogie du projet – élèves est un magnifique outil à condition d e respecter une
«certaine méthodologie ». En effet, mal appliquée , el le peut être totalement dévoyée ,
fournissant ainsi des arguments à ses détracteurs » (Huber.M,2005, p41)

Ainsi, nous proposons les différentes conditions qui permettent une meilleure mise en
place de cette pédagogie, à savoir :
A-Méthodologie du projet – élèves : Il est nécessaire de remplir un certain nombre de
conditions pour mettre en place une véritable pédagogie du projet – élèves .
B-Réalisation d’une production : Le projet doit déboucher sur une fabrication concrète,
un produit palpable. En fonction du produit réalisé, il est possible de classer les projets –
élèves en trois catégories. Ainsi, ce produit socialisable peut être :
 Une production destinée à être écou lée sur le marché : le repas d’un restaurant d’école ,
les productions d’un élevage ,d’un potager , d’un atelier artisanal …
 Un produit médiatique : un film , un montage de diapositives , une pièce de théâtre ,un
CD-Rom ,une exposition …
 Une action tournée vers le groupe lui -même tout en favorisant un contact avec
l’extérieur : un voyage, une tournée, un échange …

C-Reconnaissance sociale :

Le projet doit avoir pour objectif une prise de pouvoir sur le réel , débouchant sur une
véritable reconnaissance so ciale . Le produit réalisé doit avoir un impact sur
l’environnement, qui apportera la preuve tangible de l’acquisition de savoirs, de savoir –
faire et de savoir -être nouveaux . De cette action sur le milieu découlera une
reconnaissance sociale qui valoriser a le formé, lui ( re ) donnera confiance en lui – même
et le persuadera qu’il est capable d’acq uisitions plus complexes encore .

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D-Modification du statut de l’enfant :

Le projet doit s’accompagner d’une modification du statut de l’enfant, du formé,
suscitée par une cogestion des projets unissant formés et formateurs. Cette cogestion
peut prendre la forme de bilans coopératifs réguliers. Lors de ces bilans, formateurs et
formés font le point sur la tâche en cours et sur les acquisitions qui s’opèrent. L’enfant
n’est plus ce faible que « couve » la pédagogie traditionnelle : il est sur un pied
d’égalité avec le ou les formateurs, même si les fonctions et les expressions de chacun
sont différentes.

E-Appropriation des structures de l’établissement scol aire

La pratique doit s’accompagner d’une prise de pouvoir citoyenne sur les structures de
l’établissement scolaire, permettant ainsi de prolonger et de renforcer les prises de
responsabilité qui s’effectuent dans le projet. Les délégués – élèves, par ex emple,
doivent pouvoir participer à un conseil d’école, ou d’administration avec de réelles
attributions. La gestion souple du temps, autre exemple, à laquelle peuvent être associés
les formés, favorisera la réalisation des projets qui naissent dans l’étab lissement .

F-Une approche constructiviste du savoir voire reconstructiviste

Le projet doit reposer sur une autre approche du savoir. Ce savoir doit être pensé
comme produit d’un apprentissage et non comme celui d’un enseignement. Il doit être
fonctionnel et non académique, car débouchant directement sur une action , une
production tangible . Le projet suppose une approche constructiviste : le savoir se
construit dans une recherche action transformant la réalité. Le projet relève également
de la pédagogie par objectifs, dans la mesure où , par le projet , certains objectifs de
forma tions vont pouvoir être atteins , tout en évitant les excès analytiques de cette
pratique . Dans la pédagogie du projet, la construction du savoir s’effectue dans
l’action, et de ce fait, le savoir se reconstruit .

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21. Sur quels supports s’appuyer : Vari er les situations pédagogiques

Afin d’enrichir les séances d’enseignement /apprentissage , l’enseignant doit varier ses
supports et ses situations pédagogiques :
« Notre environnement est riche en occasions de susciter des projets élèves, à nous de les saisir … La
pratique de la pédagogie du projet élèves put s’appuyer sur des supports qui se situent dans l’école elle
même ou dans son environnement. De même , elle peut impliquer les personnels non enseignants de
l’établissement , des parents , des interv enants extérieurs …Elle favorise , également les
décloisonnements en amenant plusie urs enseignants à collaborer » (Huber.M,2005,p41 )

21.1-L’établissement :

L’établissement, l’école est lieu de vie fréquente quotidiennement. Il convient qu’il soit
agréable or :« La cour est inhospitalière, sans ombre l’été.»,« Ce mur de béton est
d’une tristesse ! », « Ce terrain au bout de la cour est quasiment en friche. »,« Ce
couloir est d’un gris sale …», « Le réfectoire est peu accueillant. », « Notre sa lle de
classe pourrait être aménagée autrement. », « Une salle de classe est inutilisée depuis la
suppression d’un poste. La poussière s’y accumule depuis plusieurs années. Que
pourrait – on faire ? »

21.2. -Le centre de documentation

Faire une exposit ion, écrire un livre collectif, créer un journal, monter un spectacle : une
pièce de théâtre, une comédie musicale, un spectacle de marionnettes, un récital de
poésie …, animer une émission de radio, monter une page sur Internet, réaliser un
montage diapos , une production multimédia …

21.3. L’environnement proche :

Les projets peuvent être de dimension très variable. Certains durent une année, d’autres
un après -midi seulement. Peut -être faut -il commencer par ceux – là ? L’environnement
proche fournit alors quantité de supports à des projets – élèves : « La maternell e touche
notre école. Ne pourrait -on pas lire des histoires aux plus petits ? » « Les anciens se
réunissent tous les mardis dans la salle du foyer qui se situe sur la même place que notre
école. Ne pourrait -on pas prendre une initiative dans leur directio n ? » « Dans notre

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commune réside une spécialiste de l’histoire locale. Ne pourrait – on pas l’inviter ? » «
Ce terrain à coté de l’école est complètement abandonné. Ne pourrait –on pas demander
au conseil municipal d’en faire quelque chose ? » «Madame l e Maire a parlé de faire un
conseil municipal d’enfants. Quel pourrait être notre rôle ? » « Les automobiles et les
camions traversent le village à une vitesse folle. Comment les sensibiliser au danger
qu’ils nous font courir ? »

21.4. L’environnement pl us lointain
« Nous partons en classe de mer à la fin de l’année scolaire. Est – ce qu’on aura notre
mot à dire sur ce qu’on y fera ? » « Nous correspondons avec une classe Il faudrait
qu’on reçoive nos correspondants. Et si on leur faisait une surprise pour une fête »« Et
si on aidait une classe africaine ? J’ai vu un reportage à la télé : les enfants n’ont pas le
matériel nécessaire pour travailler en classe. »

Notre quotidien nous suggère mille pistes de projets. Il reste à organiser des situations
inductrices motivantes, qui donnent envie aux élèves d’adhérer au projet. Et si quelques
élèves sont peu enthousiastes ? Il faudra alors négocier avec eux un projet individuel
qu’ils mèneront en partielle.

Bien souvent s’ils n’adhérent pas au projet collec tif, c’est parce qu’ils ne voient pas très
bien de quoi il s’agit. Ils ne perçoivent pas à se projeter dans le futur que place dans ce
projet. Ils n’arrivent pas à se projeter dans le futur que constitue cette entreprise
.Lorsqu’ils comprendront mieux de q uoi il retourne, ils réintègreront ou créeront un
pont entre leur projet personnel et celui de la classe. Tous les enfants ne s’approprient
pas le projet d’emblée, c’est peu à peu chacun s’y engage.

A ne mener que des projets, les élèves s’en lasseraien t aussi vite que des discours de
l’enseignant et des cours magistraux . Au pays des enfants discours . Au pays des
enfants « zappeurs » ,il est urgent et nécessaire de diversifier les mises en situation
pédagogique . L’enseignant a à sa disposition différ ents outils , parmi lesquels on peut
citer : « Les leçons magistrales ,les situations – problèmes , le travail autonome, l a
démarche de conceptualisation, l e débat de preuve , qui active des représentations
contradic toires autour d’un même thème, l’ateli er d’écriture, l e jeu de formation ».
(Huber.M,2005,p125)

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Au fil du temps, l’enseignant doit les combinerez de façon de plus en plus efficace en
fonction de son public et de l’environnement , de ses goûts et les goûts de ses élèves , de
ses valeurs et celles de ses élèves …Il élabore sa méthode personnelle . Il faut solliciter
également les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais ce
sont, n’en doutons pas, les projets -élèves menés en cours d’année qui donneront un sens
à l’ensemble ». Cet ensemble qui sera le fruit d’une interaction entre les acteurs de la
situation pédagogique à savoir : l’enseignant, l’élève et le savoir. C’est cette situation
que nous tenons à expliciter dans la partie ci -dessous.

22. Comment comprendre l a situation pédagogique ?

« Qu’est – ce que la pédagogie ? C’est l’enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la
pratique éducatives par la même personne ,sur la même personne . Le pédagogue est un praticien –
théoricien de l’action éducativ e . Il cherche à conjoindre la théorie et la pratique à partir de sa propre
action , à obtenir une conjonction parfaite de l’une et de l’autre , tâche à la fois indispensable et
impossible en totalité ( sinon , il y aurait extinction de la pédagogie ) » . (Houssaye.J,1996,p13)

Cette impossible et nécessaire conjonction entre théorie et pratique est à la fois le lien
entre les deux , l’impossibilité même de les réduire l’un à l’autre et le mouvement
dialectique qui les enveloppe de façon indissoluble . C’est ainsi, pour être pédagogue, il
ne suffit pas d’être enseignant , spécialiste en sciences de l’éducation ou formateur .
L’enseignant se présente comme le spécialiste d’un savoir uni ou pluridisciplinaire et
comme le praticien de la pédagogie de ce sav oir ; mais, de même que, par exemple le
professeur d’histoire n’est pas historien, de même sa pratique pédagogique n’est pas
réellement source de théorie : « Étymologiquement , l’épistémologie est un discours
raisonné et ordonné sur les sciences . Elle app araît comme une discipline , scientifique
ou analytique , qui se donne les différentes sciences attestées comme autant d’objets
d’étude » . (Houssaye.J,1996,p51)

Elle est « une étude critique des principes , des hypothèses et des résultats des diverses
sciences » ; elle est « destinée à déterminer leur origine , leur valeur et leur portée
objective ». L’épistémologie présuppose donc l’existence préalable de plusieurs
sciences déjà constituées qui lui fournissent des matériaux . Elle est toujours a
posteriori.

82

Dans le domaine des sciences de l’éducation , l’interrogation épistémologique n’est
guère prospère . Cela tient sans doute à la nouveauté relative de ces disciplines ( leur
reconnaissance académique est récente ) et au fait qu’elles se présentent en ordre
dispersé . Il leur faut d’abord être , de manière tâtonnante , avant d’avoir le loisir de
chercher à savoir , un peu systématiquement , ce qu’elles sont . En dépit de ce vide des
commencement , il est possible de prédire les trois voies royales su r lesquelles la
réflexion épistémologique sur les sciences de l’éducation pourrait s’engager . La
transposition didactique est l’une d’entre elles .
La psychologie ,la sociologie , l a psychanalyse ,l’é thnologie , l’économie ,l’histoire , les
sciences du langage , la séméiologie sont toutes , quand elles s’intéressent aux
phénomènes éducatifs , des sciences de l’éducation . A ce titre, elles n’échappent pas à
l’interrogation et à la cr itique de l’épistémologie .
23 . Styles d’enseignement, styles pédagogiqu es

« L’enseignant est un élément clef du triangle pédagogique , à la fois membre du processus – enseigner et
du processus – former , à l’intersection des deux comme sur les deux axes qui les caractérisent . Le
processus « enseigner » recouvre la relatio n enseignant – savoir , la manière dont l’enseignant transmet
ses informations , son propre savoir afin que ceux -ci se transforment à leur tour en savoir chez l’élève .
Ce sont les actions, les pratiques qu’il met en œuvre en classe dans la transmission du savoir . Le
processus « former », quant à lui , privilégie la relation enseignant –élèves , les pratiques relationnelles
en usage en classe dans l’action de formation de l’élève . Ces deux processus caractérisent les pratiques
enseignantes en classe, il e st essentiel que chaque enseignant en comprenne le fonctionnement réel pour
lui-même mais cette compréhension est aussi indispensable pour la mise en place d’une formation
professionnelle des enseignants. » (Houssaye.J,1996,p89)

Lorsque les chercheurs o nt tenté de décrire la réalité des pratiques enseignantes,
manières de faire et d’être en classe, ou conduites véritables des enseignants telles
qu’elles se déroulent dans une situation pédagogique , ils ont constaté que celles –ci
présentent une très gra nde variété . Comme le montre fort bien Marc Bru dans ses
ouvrages consacrés à la « variété et la variabilité didactique »( 1987 , 1991 )
l’enseignant met en œuvre des pratiques variées , différentes selon les élèves et les
contextes . « Comment les maî tres enseignent ? » s’interrogent dans leur recherche
Gilbert de Landsheere et Emilie Bayer ( 1969 ) . Et à partir d’observations méthodiques,

83

ils repèrent les traits qui caractérisent telle pratique et qui , en même temps les
différencient des autres . De même Gaston Mialaret ( 1978) essaye de construire des
profils d’enseignants et Marcel Postic ( 1977) analyse les interactions et les actes
pédagogiques en classe en les combinant avec les intentions des enseignants pour
dégager des fréquences de comporteme nts et des profils .

Le concept de style est alors apparu , style d’enseignement ou style pédagogique
puisqu’il s’agissait de catégoriser les comportements réellement mis en œuvre dans
l’action . C’est donc la dimension pédagogique de l’enseignement , le rôle de la
transformation de l’information en savoir chez l’élève , par le biais de la relation et des
actions vécues , qui étaient décrits et objectivés à l’aide de ce concept de style .

24 . Contrat didactique et contrat disciplinaire

Dans cette micros ociété que constitue la classe , de multiples interactions de toute
nature se développent au cours de chaque séquence d’enseignement entre un enseignant
et des élèves . La description et la formalisation des mécanismes qui régissent ces
échanges ont été ab ordées par différents auteurs à partir d’approches scientifiques
variées . Plus récemment ( 1974) , Janine Filloux ,dans son ouvrage « Du contrat
pédagogique » , ou comment faire aimer les mathématiques à une jeune fille qui aime
l’ail , aborde le problème à partir de l’analyse des représentations mises en scène dans le
rapport pédagogique en situation scolaire, en ayant recours à l’approche
psychanalytique pour la lecture et l’interprétation de ces représentations . Le concept de
contrat pédagogique , ains i introduit, règle un rapport pédagogique totalement
dissymétrique entre l’enseignant qui possède le savoir et a pour projet de le faire
apprendre à l’élève , et l’élève en tant que sujet susceptible d’apprendre le savoir en
question : « Les analyses du co ntrat pédagogique mettent ainsi essentiellement l’accent
sur les communications entre le maitre et ses élèves : L’organisation de l’échange dans
le champ pédagogique relève plus de la position de séducteur de mieux séduire que
donner ». (Houssaye.J,1996,p 39)

Le savoir apparaît alors , dans les analyses de Janine Folloux , comme une légitimation
de l’enseignant dans son rôle de maître , détenteur de ce savoir que l’élève tendra de
s’approprier dans un processus d’identification permettant le fonctionnement de

84

l’enseignement . Cette centration forte des analyses sur l’enseignant réfère à un modèle
d’enseignement de type « magistral » et ne peut prendre en compte les phénomènes
d’enseignement lorsque celui -ci est de type plus « participatif » , tel qu’il est trè s
largement préconisé aujourd’hui .
Les recherches en didactique des disciplines qui sont développées ces derniéres années
ont très fortement mis l’accent sur les savoirs qui se transmettent dans la classe , ce qui
les a conduites à produire de nouveaux co ncepts permettant d’approcher ces
phénomènes .Les concepts de contrat didactique et de contrat disciplinaire permettent
d’envisager une approche féconde des problèmes ainsi posés .

Au cours d’une séance ayant pour objet l’enseignement à un élève d’une co nnaissance
déterminée ( situation didactique ) , l’élève interprète la situation qui lui est présentée ,
les questions qui lui sont posées , les informations qui lui sont fournies ,les contraintes
qui lui sont imposées ,en fonction de ce que le maître repr oduit , consciemment ou non ,
de façon répétitive dans sa pratique de l’enseignement . Nous nous intéressons plus
particulièrement à ce qui , dans ces habitudes , est spécifique des connaissances
enseignées : ce contrat didactique est considéré comme l’en semble des comportements
( spécifiques ) du maitre qui sont attendus de l’élève et l’ensemble des comportements
de l’élève qui sont attendus du maitre .

Ainsi, introduire le contrat didactique apparaît comme ce qui, dans le contrat
pédagogique , caracté risé la part prise spécifiquement par le contenu de savoir qui est
l’enjeu d’apprentissage dans la situation didactique .

On peut considérer, pour tenter de cerner la place du contrat didactique , que trois
grandes catégories de savoirs sont en présence dans une classe :
-Les savoirs scolaires, qui sont les savoirs ou savoir -faire socialement reconnus comme
objets d’enseigne ment . Ce n’est pas le lieu de s’interroger sur les problèmes posés par
les origines de ces savoirs , qui peuvent soit provenir de savoirs ou de pratiques de
références soumis au processus de transposition didactique ,soit être de pures créations
du systèm e scolaire ;

-Les savoirs enseignés qui sont ces savoirs scolaires mis en scène par les enseignants ;
-Les savoirs des élèves qui sont le produit des savoirs enseignés chez les élèves .

85

Ces différents types de savoirs cohabitent, de façon plus ou moins ha rmonieuse , dans la
classe sous le contrôle des épistémologies correspondantes selon un système qui peut
être schématisé. Le contrat didactique, lorsqu’il est correctement mis en œuvre, garantit
le fonction nement harmonieux de ce système , en ce sens qu’il tend à minimiser les
distances entre les savoirs scolaires enseignés et les élèves , et assure la comptabilité des
épistémologies scolaires , de l’enseignant et de l’élève .

Le contrat didactique peut ainsi être vu comme le moteur du système didactique et , par
là-même , c’est celui qui règle l’avancement du « temps didactique » marquant
l’évolution du statut des savoirs , telle qu’elle a été problématisé par Yves Chevallard.
Dans cette perspective, on peut repérer les différentes modifications des savoirs qui
naissent , évoluent puis meurent , sur des périodes de temps plus ou moins longues , à
l’intérieur du système d’enseignement . Cette succession de changements est contrôlée
par le contrat didactique qui fixe , à chaque période , les responsabilités du maitre et de
l’élève par rapport au savoir actuel et par rapport au savoir passé , chacun étant
comptable devant l’autre de cette responsabilité .

Dans cette perspective, l’étude du contrat didactique prend une particulière importance ;
en effet, l’ensei gnant doit mettre les élèves dans une situation ou le savoir visé prendra
sens au travers d’une activité d’enseignement construite à cet effet :

« La réalité objective des situations scolaires conduit généralement l’élève à apprendre et à réaliser ses
performances en présence d’autrui . Par la comparaison sociale ainsi installée , cet état de fait rend
visible les différences interindividuelles de valeurs , d’attitudes , de connaissances ou encore d’habiletés
à apprendre . Ces différences et leurs expre ssions posent un problème à la fois aux maitres , chargés d’en
organiser la gestion , et aux élèves contraints d’assumer les positions ou statuts qu’elles peuvent leur
assigner .Omniprésente dans la vie quotidienne , la comparaison sociale apparaît donc co mme un
élément presque inévitable de l’interaction sociale . Aussi , la connaissance , méme superficielle , des
résultats des travaux dont elle fait l’objet est elle indispensables pour évoquer les effets des structures
compétitives et coopératives sur le s activités individuelles , notamment cognitives »(
Houssaye.J, 1996,p141) .

Les recherches les plus actuelles sur la comparaison sociale posent les mémes questions
fondamentales que posait déjà Festinger en 1954 au moment ou il formulait les
principales p ropositions de sa théorie : pourquoi y a -t-il comparaison avec autrui ? Avec

86

quelques personnes est -elle effectuée ? Quelles conséquences pour les sujets la
comparaison sociale entraine -t-elle ?

Selon Festinger1 , tout individu aurait tendance à évaluer ses opinions et aptitudes
personnelles . En l’absence de moyens objectifs non sociaux, cette évaluation se ferait
par comparaison avec les aptitudes et opinions des autres .
25. Communication interculturelle et didactique des langues comme champ de
recherc he
25.1. Communication interculturelle et représentations de l’étranger

S’inscrivant dans le champ des travaux portant sur la construction des représentations
liées aux langues et aux cultures et sur les identités en jeu dans une Europe pluriel et
pluriculturelle , ce projet aborde la notion de médiation culturelle dans la situation
d’incompréhension , d’intolérance , voire de xénophobie , et se propose d’y remet dans
le cadre de l’enseignement des langues . L’étude de la médiation culturelle porter sur
des espaces envisagés à des échelles différentes ( interactions individuelles échanges
scolaires ,relations entre Europe occidentale / centrale / orientale ) , et / ou sur objets (
par exemple , médias , manuels scolaires ) , et / ou sur les fonctions du média culturel (
par exemple , relation entre milieux scolaire et non scolaire ) . Cet objet va mettre en
place une attitude de recherche qui peut s’exercer à tous les niveaux , à bien celui du
chercheur , du formateurs , de l’enseignant qu’à l’acquisi tion de compétences , visant à
interroger l’évidence culturelle à savoir introduire une démarche réflexive .

1 Selon l’encyclopédie libre wikipédia « La dissonance cognitive est un concept de psychologie élaboré
par Leon Festinger et présenté dans le livre L'Échec d'une prophétie publi é en 1956 en collaboration avec
Henry Riecken et Stanley Schachter. Selon cette théorie , l'individu en présence de cogn itions
(« connaissances , opinions ou croyances sur l’ environnement , sur soi ou sur son propre comportement »
incompatibles entre elles, éprouve un état de tension désagréable : c'est l'état de « dissonance cognitive ».
Dès lors, cet individu mettra en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif.
Ces stratégies sont app elées « modes de réduction de la dissonance cognitive »

87

25.2. Communication interculturelle et identités

Issu des recherches menées sur la communication interculturelle, ce projet repose une
définition de la langue comme composante identitaire et analyse les parties sociales
spécifiques suscitées par le contact avec l’étranger. Il vise à développer l’expertise de la
relation à l’Autre qui valorise les auteurs sociaux de la multiappartenance et établit une
relation critique aux évidences développées dans la relation avec une société perçue
communique .

Des notions qui se sont développées en sciences sociales, telles que représentation,
xénophobie1, préjugé , stéréotype , sont étudiées dans le ur relation avec l’activité de
médiation culturelle pour améliorer leur visibilité dans les curricula de langues , en
particulier en ce qui concerne la définition , la progression ou l’évaluation des
compétences .

25.3.Communication interculturelle et méd iation. Une contribution au cadre européen
commun de référence pour les langues

L’entrée culturelle privilégiée par ce projet permet d’approfondir des compétences
nommées et validées dans le champ de la didactique des langues, distinctes de la stricte
performance linguistique (entendue comme l’ensemble des compétences lexicale,
grammaticale, sémantique et phonologique) et des compétences communicatives
langagières . Le projet vise à affiner la définition de compétences, reconnues dans le
cadre européen co mmun de référence, sous forme de compétences générales et glosées
généralement par les termes de « conscience interculturelle » . « aptitudes
interculturelles » , « savoir – être » , » aptitudes à la découverte ».

Présente dans le cadre européen commu n de référence , la notion de médiation y est
abordée dans un contexte de réduction et d’interprétariat . Ce faisant, elle se trouve
limitée à une activité de reformulation derrière laquelle s’effacent les enjeux de la
communication interculturelle qui occ ultent les dysfonctionnements d’une
communication entre partenaires se référent à des systèmes de valeurs différents . Le

1 Hostlité aux étrangers, à tout ce qui est étranger et à tout ce qui vient de l’étranger

88

projet vise à préciser les relations existantes entre cette notion , les aptitudes
interculturelles et le « savoir – être » , et à mo biliser une conception non idéalisée la
communication . Ce projet se donne pour objectif principal de faire découvrir le
potentiel didactique de la notion de médiation culturelle , s es conclusions doivent
permettre de mettre en œuv re au quotidien une citoy enneté :

« Le propos du projet Médiation culturelle et didactique des langues est de distinguer la politique de sa
mise en œuvre dans le champ de l’enseigne ment l’apprentissage des langues . Face aux notions juridiques
en usages dans le champ politique, telles que « citoyenneté », « droits de l’homme » , « démocratie » , la
nouvelle médiation culturelle est donc ici explorée pour permettre la réalisation didactique projet
politique . La distinction entre ces deux niveaux , politique et didactique , d’instituer une problématique
de recherche qui interroge les notions chargées de valeur négative ( conflit , xénophobie ,racisme ) ou
positive ( empathie , ouvert l’Autre xénophilie ) , pour qu’elles soient identifiées et anal ysées. Cette
distinction vise également à interroger les objets en général , manulels scolaires en particulier ) , et qui
ne sont pas usuellement comme des espaces où interf érent politique et didactique».
(Zarate.G et al,2003, p13)

Pour remédier aux boul eversement géopolitiques ( conflits armés ou idéologiques),
marquer un renouveau ou une reconstruction des relations entre état ,l’étude de la
langue du pays « anciennement ennemi » et devenu partenaire fait par la batterie de
mesures auxquelles le polit ique fait appel . L’objet de ce projet est d’y concourir en
proposant la notion de médiation culturelle comme modalité de mise en relation des
langues et des cultures dans perspective d’une Europe dont l’identité est en
construction .

25.4. champs et méth odologies de référence :les disciplines impliquées dans l’étude de
la médiation culturelle

De nos jours , tous s’accordent pour dire que langue , pensée et culture inséparables et
que leur interaction nécessite une approche nouvelle dans l’étude des concepts . De
toute évidence , notre vision du monde et nos modes de développent au contact des
autres façonnent nos représentations culturelles . portent à la fois sur notre propre
culture et sur celles des autres. Elles émergent tendre enfance et sont renforcées à
l’école . Les représentations positives menées des attitudes xénophiles qui s’exprim ent
généralement par des comportements et des pratiques d’ouverture à l’Autre , alors que

89

les représentations négatives mènent à des comportements qui s’extériorisent à travers
des comportements xénophobes d e rejet et de refus de l’Autre :

« En psycholin guistique et psychologie sociale , on ne saurait aborder l’étude des représentations
culturelles ,sans référence à la connaissance de soi , l’identité ethnique et culturelle et sans l’étude des
signes culturels , des marqueurs sociaux et de leur significat ion . Qu’arrive –t-il lorsque nous apprenons
une langue ? Comment en arrive –t-on à s’approprier le sens des mots et la culture d’une autre langue ?
Quels sont nos points de référence ? »
(Zarate.G et al, 2003,p29)

26. Les composantes de la compétence à communiquer langagièrement

L’objectif de l’enseignement d’une langue est d’installer cher un apprenant une
capacité à communiquer dans cette langue, créer les conditions de l’acquisition d’une
compétence à produire des énoncés grammaticaux appropriés aux contextes de
communication . Ce sont ces catégories ou composantes de la compétence à
communiquer langagièrement dont nous allons chercher à clarifier la nature et les
relations dans cette partie de la recherche.

L’adéquation de la production verbale aux contextes sociaux de ses emplois implique la
maitrise de savoirs différents ou qui sont posés comme tels en théorie. Un des choix qui
détermine les formes des enseignements communicatifs est donc celui d’identifier la
nature de ces savoirs, de les séle ctionner comme objectifs d’enseignement mais surtout
de les articuler entre eux dans les programmes et la séquence d’enseignement, de
manière visible pour les apprenants . L’enseignement de la compétence de
communication dans une langue non connue se prése nte concrètement sous la forme de
celui de certaines de ses composantes, considérées comme autant de compétences
spécifiques diverses mais interpendantes.

L’approche communicative de l’enseignement d’une langue étrangère à mis l’accent sur
l’aspect pragma tique de la production écrite . L’écrit n’est plus ,comme dans la
méthodologie traditionnelle, la norme souveraine du langage , ni ,comme dans la
méthodologie audio – visuel , subordonné à l’oral . Ecrire devient un acte de
communication fonctionnel , un s avoir et un savoir -faire spécifiques permettant à
l’apprenant de s’exprimer et de communiquer au moyen d’un système de signes

90

spécifiques , les signes graphiques .

Comme tout acte langagier , l’acte d’écrire s’inscrit dans une situation de
communication particulière , met en œuvre des structures linguistiques , et réalise une
intention de communication . L’aspect socio – culturel de la communication écrite mais
aussi l’aspect individuel et affectif du scripteur sont pris en compte. Si l’approche
communica tive répond à la question « écrire pour quoi faire ? », la réponse la question
« comment faire pour écrire ? » reste problématique. La compétence de production
écrite demeure une compétence langagière délicate à enseigner et à faire
acquérir :« Cette compé tence pourrait être enseignée globalement, mais dans
l’approche méthodologiq ue communicative, version haute , on a choisi de spécifier celle
–ci en catégories distincts d’activités lan gagières , dont chacune relève a priori d’une
démarche qui lui est prop re » (Beacco.J.C,2007,p70)

En effet, la communication écrite est soumise à des paramètres bien spécifiques que
nous évoquons ci -dessous.

27. Composantes d’une méthodologie d’enseignement des langues par compétences
spécifiques

Lors d’une conférence menée le 7 mars 2007 à l’Assemblée Générale de la Régionale
de l’APLV1 de Grenoble, par Claire Bourguignon, cette dernière évoque des
innovations méthodologiques en voulant accorder de l’importance à l’approche
communicative élaborée dans une perspectiv e actionnelle ce qui a donné la naissance à
un nouveau concept méthodologique à savoir : « l’approche communic -actionnelle ».

Pour Bourguignon, il faut proposer à l’élèves des tâches communicatives dans
lesquelles il est impliqué ; par exemple, en écr ivant une lettre ou en échangeant avec
son voisin, mais il faut cibler davantage des actions d’ordre « social ».
Dans ce contexte, l’action se caractérise par l’ensemble des paramètres qu’il faut
prendre en compte pour qu’elle réussisse, sachant que l’int ention seule ne garantit pas la
réussite de l’action. Elle définit le scénario d’apprentissage -action comme une

1 l'Association des Professeurs de Langues Vivantes

91

« simulation basée sur une série de tâches communicatives, toutes reliées les unes aux
autres, visant l’accomplissement d’une mission plus ou moins complexe par rapport à
un objectif. Cette série d’activités amène à la réalisation de la tâche finale ».1

Dans ce contexte, Bourguignon considère le terme « mission » comme synonyme de
« projet ». Dans ce cadre, pour accomplir la tâche définie par la mission, l’apprenant –
usager doit effectuer une succession de « micro -tâches » impliquant 5 activités de
communication langagières, toutes reliées les unes aux autres dans l’ordre suivant :

A)-.Activités de réception : lire et écouter (l’ordre de ces activités pouvant varier))
B)-Interaction orale (face à face ou au téléphone, medium de communication que les
apprenants doivent apprendre à utiliser). Remarque : le développement d’internet peut
amener à envisager également l‟interaction écrite par le biais d’échange.

C)-Activités de production : parle r et écrire
En outre, pour notre chercheur, la notion de « succession » est essentielle car elle fait
disparaître la possibilité d’action « gratuite ». Chaque micro -tâche est imbriquée dans
l’autre et au service de l’accomplissement de la mission. Il est é vident que chacune des
activités de communication langagières fera l’objet de tâches d’apprentissage à part
entière mais toutes seront organisées autour du but à atteindre dans le cadre de la
mission.

Pour les besoins de la recherche, nous situerons cett e composante discursive par rapport
aux stratégies de réception / production ; après avoir défini les genres discursifs. Nous
évoquerons les relations de la composante visant la maitrise des genres de discours avec
d’autres composantes : la compétence gram maticale / formelle et la composant e
culturelle et interculturelle :

« Le terme d’opérationnel a déjà été utilisé à plusieurs reprises pour qualifier les niveaux d’organisation
rendus possibles par les modèles de la compétence de communication. il a servi à apprécier le caractère
trop abstrait de certains de ces niveaux ; qui ont alors été situés au rang des finalités é éducatives, ou le
statut trop fragmenté d’autres , dont l’emploi est considéré comme risquant de défaire les démarches
méthodologiques et de les réduire à un ensemble d’organisation des activités d’enseig nement est alors

1 http://www.aplv -languesmodernes.org consulté le 18 -11-2012 à 22h33mn

92

susceptible de laisser des activités d’enseignement est alors susceptible de laisser des espaces
permettant à une approche globaliste d’être réintroduite. » (Beacco.J.C,2007,p91)

On a cherché jusqu’ici à identifier le juste niveau de structuration qui va permette à la
fois d’articuler les contenus d’enseignement et leur organisation curriculaire aux
finalités générales d’une formation en langue et de traduire ceux -ci, vers l’aval, en
séquences d’enseignement contrôlé .

27.1. La compo sante discursive : genres de discours et répertoires discursifs

On entendra par genre de discours ou genre discursif , les formes prises par la
communication telle qu’elle s’effectue dans une situation sociale et une communauté de
communication données , identifiées comme telles par des paramètres ( lieu , type de
participants …) et ou prend place une forme discursive spécifique comme : une
conférence , un fait divers , une anecdote , une dispute , un mythe ,une prière …Cette
production verbale tend à se conformer aux régulations caractérisant ces situations (ou
plutôt, ces événements de communication, au sens de D.Hymes ) aussi bien dans ses
contenus que dans sa structure et ses réalisations verbales , plus ou moins ritualisées et
contraintes .

Dans ce cadre théorique, on s’intéresse à des concepts importants, c’est celui de la
compétence pragmatique et celui de texte et de genre de discours , pour caractériser la
compétence proprement commu nicationnelle et langagière de « l’utilisateur /
apprenant » . Et c omme on l’a noté précédemment, la compétence pragmatique se
rapporte aussi aux régularités des discours .C’est assez dire que l’on retrouve là une
tradition de la didactique du français langue étrangère qui , dés le début des années 1975
, voyait da ns la description des régularités linguistiques des genres discursifs l’une des
bases possibles pour les méthodologies d’enseignement d’inspiration communicative
.On a choisi de retenir le concept de genre de discours pour spécifier la composante
situation nelle / sociale de la compétence de commu nication pour plusieurs motifs :

1-Les noms des genres relèvent du lexique ordinaire , plus ou moins étoffé selon les
locuteurs , qui peuvent s’en faire une représentation vague mais non dépourvue d’intérêt
pour les activités d’enseignement . Les genres discursifs constituent ainsi la form e

93

immédiate sous laquelle la langue donne prise aux locuteurs : ils sont capables de les
identifier mais aussi d’en produire certains , même sans enseignement , en fonction de
leur répertoire discursif .
2-La notion de genre de discours est moins abstra ite et plus précise que celle de type de
texte ( type narratif , descriptif , injonctif , expositif , argumentatif …) . Cette dernière
n’a jamais véritablement été en mesure de décrire des classes de textes puisqu’on
reconnaissait facilement qu’un texte co ncret répond simultanément, le plus souvent , à
plusieurs types . (J.M.Adam ) , dont les travaux ont beaucoup contribué en France à la
diffusion de ce concept dans les cultures didactiques , semble en avoir reconnu
l’inadéquation relative et s’est tourné , à son tour , vers les genres discursifs .

3-On peut décrire les genres discursifs au moyen de catégories linguistiques , puisqu’un
genre discursif est un objet verbal , distinct cependant de l’énoncé , du texte , de l’acte
de langage , du type de textes …On considère ces formes discursives non pas comme
des phénomènes d’énonciation singuliers ou individuels , mais en tant qui ‘elles
manifestent des régularités , indépendantes des énonciateurs . Ces régularités se sont
construites au sein des communautés de communication et elles sont partagées , à des
degrés divers , par les membres de ces communautés . Elles peuvent être appréhendées
en terme de types d’énoncés relativement stables. Ceux -ci définissent la propriété des
énoncés ( et non leur correction ou leur grammaticalité ) , comme étant leur adéquation
à des règles partagées de bonne formation des genres discursifs de cette communauté .

4-Par rapport aux modèles courants d’analyse de la compétence communicative, le
concept de genre discursif ne prend pas véritablement en charge la dimension
pragmatique, bien qu’il donne une interprétation concrète des règles sociales réussite
des énoncés . Cependant, la force des énoncés est prise en compte dans l’analyse
linguistique des régularités génériques , pui sque chaque genre peut être partiellement
caractérisé comme étant constitué d’une noyau stable de fonction qui y reçoivent des
réalisations linguistiques particulières .

5-Enfin et surtout, le concept de genre de discours semble indispensable en ce qui
concerne l’enseignement / apprentissage des langues .En effet , les genres ne sont pas

94

des formes discursives universelles : ils sont , le plus souvent , propres à des
communautés discursives qui peuvent par ailleurs , utiliser dans une même langue .

Les enseignements de langue mettent en contact au moins deux cultures discursives,
celle de la communauté discursive des apprenants et celle de la langue cible .
L’acquisition d’une compétence de communication suppose de pouvoir reconnaitre et
s’approprier ce s variations de cultures discursives, qui ne se réduisent pas à la
connaissance des variations sociales ( statut , rôle ..) . La spécification de la composante
discursive de la compétence de communication par les genres discursifs permet ainsi de
réintrodu ire, au niveau des activités d’enseignement , un e perspective ethnolinguistique ,
celle tracée par D.Hymes , qui semble avoir été relativement négligé&e dans les
enseignements se donnant comme communicatifs .A ces titres , les genres discursifs
font partie des représentations ordinaires de la communication que peuvent tout à fait
appréhender des locuteurs et des apprenants sans compétences particulière en sciences
du langage. Ils sont à retenir comme une catégorisation linguistique et didactique
centrale des modèles de communication destinés à structurer les enseignements.

 Les répertoires discursifs.
Si l’on retient donc, après M.Bakhtine, que le locuteur fait l’expérience immédiate du
langage à travers les genres verbaux et que (les formes de la langue et les formes des
types d’énoncés ; c’est – à-dire les genres du discours ,s’introduisent dans notre
expérience et dans notre conscience conjointement et sans que leur corrélation étroite
soit rompue. Les genres du discours organisent notre parole de la même f açon que
l’organisent les formes grammaticales(syntaxiques) » , alors ceux -ci peuvent être
considères comme des traits linguistiques identitaires, caractérisant des locuteurs et des
groupes.les répertoires effectifs des membres d’une même communauté de
communication ne sont pas identiques, mais ils présentent probablement un plus petit
commun dénominateur, comme la maitrise de certains genres oraux interactifs
ordinaires. Répertoire discursif n’est pas seulement un concept qui met d’identifier les
possibili tés , variables suivant les moments de sa vie langagière , qu’ à un locuteur
d’utiliser des genres de la communication verbale ( chaque genre étant réalisé dans une
ou plusieurs langues ) et d’en jouer en fonction de ses besoins . C’est aussi une
catégor ie méthodologique qui a pour rôle de définir le profit communicatif visé par un

95

enseignement de langue , au moyen de l’inventaire des genres discursifs qu’(un
apprenant est supposé être en mesure d’utiliser ( ou auxquels il est en mesure de
participer ) ; en réception et / ou en production , dans la communication verbale . Il est
sans doute réducteur de considérer qu’un genre discursif relève d’un seul niveau de
compétence, c’est -à-dire d’identifier les discours qui correspondent à un niveau de
compétence , car la difficulté de réception ou de production d’un texte donné ne dépend
pas nécessairement de son appartenance à un genre de discours .

Par exemple , un reportage abordant un sujet connu de l’apprenant est probablement
d’accès plus facile qu’un autr e traitant de domaines ou de sujets peu ou mal connus de
lui . Mais cette caractérisation peut constituer une forme de détermination
opérationnelle des objectifs d’ense ignement de la communication. Cette spécification
n’est pas utilisée en tant que telle p our définir des niveaux mais elle y présente .

27.2. Compétences stratégiques et compétences discursives

Cette compétence cognitive générale , de nature non c ommunicative / langagières , est
sollicitée de manière permanente de la communication : « les stratégies sont le moyen
utilisé par l’usage d’une langue pour mobiliser et équilibrer ses ressources et pour
mettre en œuvre des aptitudes être des opérations afin de répondre aux exigences de la
communication en situation et d’exécuter la tâche avec suc cès et de la façon la plus
complète et la plus économique possible en fonction de son but précis. Elles comportent
des opérations métacognitives ( planification , exécution , contrôle , remédiation ) et
mettent en jeu des opérations locales de niveau infér ieur telles que déduire , discriminer
, calculer , comparer , contrôler , classifier , évaluer , induire ,inférer , mettre en relation
… Elles se présentent donc comme un ensemble hiérarchisé à deux entrées :
Comme pour les autres compétences, une méthodo logie d’enseignement capable de
prendre en charge de manière spécifique la production se fonde à la fois sur des données
psycholinguistiques, pour autant qu’elles sont accessibles et réutilisables pratiquement ,
ainsi que sur des données psycholinguistique s , pour autant qu’elles sont accessibles et
réutilisables pratiquement , ainsi que sur les caractéristiques de l’ objet à produire , le
texte .
27.3.Une composante cognitive de la production : la planification et le contrôle

96

Dans les stratégies de production , communes à l’écrit et à l’oral , on insiste sur la
mobilisation de ressources de l’apprenant , dont des ressources dites intérieures ,
glosées ultérieurement par construction sur un savoir antérieur , termes sous lesquels il
faut probablement mettre les acquis formels ( de nature morphosyntaxique …) de
l’apprenant et sa familiarité plus ou moins grande avec le genre de texte à produire . Ces
recours aux acq uis supposent, d’après le Cadre , une préparation consciente , qui semble
exclue l’improvisation , ce qui peut se comprendre puisque les situations d’écrit relèvent
de la communication différée et non en face à face , au moins si l’on ne tient pas compte
des formes de communication écrite interactive en temps réel , ou cependant un tem ps
de préparation est toujours possible. La production orale devant un auditoire peut ne
concentrer que des apprenants experts , séjournant de manière prolongée dans un des
pays dont ils apprennent la langue , contexte dans lequel des occasions sociales ou
professionnelles de discours improvisé peuvent prendre place . La production repose
aussi sur le recours à des ressources extérieures, dont on imagine qu’il peut s’agir
d’ouvrages de références ( dictionnaires , grammaires , manuels de rédaction …) ou
d’exemple de textes à produire . Si ressources sont insuffisantes , l’apprenant /
utilisateur doit apprendre à adapté sa tâche verbale aux moyens effectivement
disponibles .

L’autre caractéristiques majeure retenue dans le cadre , et ailleurs dans la litt érature
didactique , pour caractériser la production est la possibilité de contrôle et de correction
, sous sa forme principale d’autocorrection . Le fait qu’un texte reçoive des formes
successives et soit mis au point dans un processus , parfois de langu e durée , de reprise
et de relectures , avant d’être proposé à la lecture ( brouillon , version de travail , projet
de texte …) , est considéra comme devant relever d’une compétence spécifique dite
d’évaluation ( contrôle des résultats ) ou de remédiation .

27.4.Composante linguistique de la production :

En fait , la notion centrale utilisée par le cadre , en conformité avec des points de vue
largement représentés en d idactique des langue , est celle de texte et de textualité. Le
texte occupe de fait une place qui s’y trouve défini comme « une séquence discursive
orale ou écrite que les app renants/ utilisateurs reçoivent , produisent ou échangent ».

97

On soulignera ce pendant la place donnée dans le cadre aux régularités d’ordre
structural, qui prédominent largement dans les descripteurs sur celles de nature
linguistique, qui donnent une « coloration » commune aux textes relevant d’un même
genre . La compétence discurs ive est présentée comme capacité à ordonner des phrases
de manière à produire des ensembles cohérents . Sur la base d’une capacité à organiser
des phrases , données comme élément minimal , l’apprenant / utilisateur doit acquérir
,en langue cible , un savoi r – faire consistant à maitriser un ensemble de relations entre
phrases : les relation thème/ rhème , information nouvelle , cause / conséquence ,
succession…

En outre , cette capacité à concevoir une série d’énoncés articulés entre eux en termes
de cohérence , cohésion , organisation rhétorique , logique … est posée comme
fondement des activités de production. De ce fait, du poin t de vue des résultats
attendu s, cela implique une longue période d’appropriation , avent d’obtenir des textes
qui soient corrects ( ou acceptables ) et appropriés ,non seulement du strict point de vue
textuel mais aussi orographique , morphologique , syntaxique, des compétences lexi co-
sémantiques sont aussi indispensables pour adopter le ton ou la posture énonciative (par
exemple, sous la forme d’interventions appréciatives ou par l’emploi de nous et de on
dans les textes universitaires ) adaptés à un genre de discours donné qu’ à de s
circonstances de productio n et de réception particulières .

Les conséquences méthodologiques en sont que les activités d’enseignement consacrées
à la production constituent un centre d’attraction fort , auquel il est possible d’articuler
de nombr euses autres compétences . On voit alors que le risque est d’en revenir à une
méthodologie globaliste fondée sur les supports d’enseignement, qui pourrait conduire
à diluer les objectifs proprement en place au sein d’une approche
communic’ationnelle.

Par ailleurs, évaluer si un enseignement / apprentissage de la production fondé sur des
modèles de textes inhibe les potentialités ultérieures en langue, qui ne pourraient plus
déboucher sur des formes d’expression personnelle , demeure un point débattu.

98

27.5.Ressources descriptives pour une méthodologie d’enseignement de la production
textuelle

Le cadre fait explicitement référence à ce type de travaux dans la grille cohérence et
cohésion ou les descripteurs sont formés à partir de constituants tels que : connecteurs
(élémentaires / simples ) , articulateurs , mots de liaison , moyens linguistiques de
structuration et d’articulation . Ces descriptions entrent dans le cadre de ce qui est
généralement nommé linguistique textuelle dans le champ françai s . Elles prennent en
charge l‘étude de superstructures des textes , de leurs séquences , des anaphores , des
connecteurs ….

Si l’on s’en tient à des formes dominantes, on peut avancer , par exemple , que les
textes de vulgarisation tendent à privilégier les pronoms personnels ou les hyperonymes
( L’aigle est un rapace . Il vit dans les montagnes . Cet oiseau , comme tous les rapaces
, est accusé de bien des méfaits .) Les textes exposant la recherche auraient tendance à
employer de manière plus conséquen te des moyens lexicaux ( mais fort peu
hyperonymes ) pour réaliser les relations anaphoriques : cela permet de transformer les
objets de discours à mesure que l’argumentation ou la construction de la connaissance
progresse . Par exemple , dans un texte d’h istorien l’entré e du roi dans une ville devient ,
en fin de paragraphe , le déploiement de la société urbaine , après avoir été dénommée
cérémonial puis liturgie de la fête du roi .

27.6. Activer la compétence communicationnelle de l’apprenant : Repérage du genre
discursif à produire et des ressources disponibles

Les activités préalables à la production textuelle sont de même nature que celles mises
en place pour l’interaction orale ou la réception. elles ont des finalités identiques :
solliciter les conn aissances acquises par les apprenants à partir des genres discursifs
qu’ils utilisent ou auxquels ils sont exposés , dans leur langue première ou dans une
langue maitrisée à un niveau linguistique , quand elle est disponible , permit à
l’apprenant , sur la base d’une connaissance le plus souvent intuitive par exemple, de
faire des hypothèses à partir du nom du genre ( en langue cible ) sur ceux de son
répertoire auquel il pourrait s’apparenter , extérieurement tout ou moins.

99

Par ailleurs, peut imaginer que toute activité de p roduction textuelle comportera , en
amont ou entrainement systématique au repérage et à l’emploi des ressources permettant
d’aider les apprenants dans la fabrication des textes . ces ressources peuvent être
documentaires : dictionnaires monolingues et bilingues , référentiels de langue ,
grammaires , traités d’orthographe et utilisation des correcteurs orthographiques des
logiques des logiciels de traitement de texte , emploie de la ponctuation , normes de mis
en page , feuilles de style … ces catégories d’instruments de référence doivent devenir
familières à leurs utilisateurs . Les autres ressources sont relatives à ce que l’on
nomme généralement les « contenus» . s’il ne s’agit pas de textes d’imagination , il faut
alors identifi er des sources d’information relatives à l’éventail des contenus concernés .
l’internet est une source irremplaçable , pour peu que l’on soit en mesure d’évaluer le
statut des informations disponibles . une autre forme de recherche des contenus est la
mise en commun dans le groupe d’apprenants , qui peut se réaliser sous forme de
brainstorming1 .

28. Les spécificités d’une situation d’écrit en langue étrangère: réception/production

La communication écrite se caractérise par l’absence d’un face à f ace entre le scripteur
et le destinataire ; l’émetteur du message et le récepteur n’étant pas en contact direct , la
communication est fait différée . D’autre part , puisque le destinataire est absent , voire
virtuel , l’émetteur d’un message écrit ( le sc ripteur ) ne peut pas contrôler l’effet de son
message sur le destinataire . Ce décalage dans le temps et cette absence dans l’espace
impliquent des contraintes spécifiques à la production écrite :

-L’organisation rigoureuse des signes graphiques ( écriture lisible , orthographe ,
ponctuation , typographie ) pour la lisibilité et l’expressivité du texte ;
-La clarté du message ( précision du vocabulaire , correction de la syntaxe , concision ) .
Puisqu’il n’est pas possible de s’expliquer en direct , il est nécessaire de lever les
ambigüités possibles du message en fournissant au lecteur des repères de sens (

1 « Le remue -méninges est une technique de résolution créative de problème sous la direction d'un
animateur, un remue -méninges étant pl us spécifiquement une réunion informelle de collecte d' idées ou,
pour les enfants, un casse -tête. Toutefois, en France et au Canada , le terme « remue -méninges » a été
retenu comme terme équivalent à l'anglais « brainstorming ». Le terme brainstorming désigne aussi un jeu
d'énigmes apparu à la fin des années 2000 sur internet » D’après l’encyclopédie libre «Wikipédia »

100

récurrence de mots ou de thèmes , redondances de constructions , connecteurs
,anaphoriques ) ;
-L’élaboration d’un discours en continu ( phrases complexes , liens logiques , cohésion
textuelle ) car il n’y aura pas d’interruption .
-Le texte écrit doit donc un tout , lisible , clair ,construit et achevé pour une meilleure
réception possible .

En contre partie , le scripteur , n’étant pas en situation de dialogue , a le temps et la
solitude pour lui , ce qui lui permet de reformuler son message . Il a donc la maitrise de
la situation et reste celui qui initie et construit un discours dans un inte rrompu . Cette
stabilité de rôle lui permet de prendre du recul par rapport à son projet de texte , voire
de modifier son intension de communication . En l’absence des réactions immédiates du
récepteur , il a toute latitude pour faire ses choix lexicaux et syntaxiques .Ce recul
possible vis -à-vis de son texte lui permet d’organiser , de modifier , de réviser son
discours avant qu’il ne parvienne au destinataire ( ce qui est impossible à l’oral ) .

28.1. Qu’est –ce que comprendre un texte en langue étrang ère ? :(Les trois phases de la
perception d’un texte )

Pour produire des textes, il faut en avoir lus. Il ne s’agit pas de lecture / déchiffrage,
puisque nous avons affaire à des apprenants adultes lisant déjà dans une langue voire
dans plusieurs, mais de la compréhension du sens d’un texte. En langue étrangère, les
théoriciens de l’approche communicative ainsi que les cognitivistes se sont interrogés
sur la manière dont le lecteur construit le sens d’un texte. Ils ont souligné trois aspects
significatifs de cette activité langagière : la perception du texte, l’interprétation du
texte,et les stratégies de lecture .Nous évoquons , brièvement , ces aspects pour en
retenir les implications pédagogiques .

1-La première approche du texte se fait p ar l’œil . Ce premier contact met en jeu une
mémoire sensorielle qui saisit des impressions visuelles sous forme d’images de mots ;
elle retient ces photos de mots pendant peu de temps, environ un quart de seconde , puis
effectue une première sélection d es mots.
2-Cette sélection est acheminée ensuite vers la mémoire à court terme qui leur attribue
une signification ( elle peut traiter 7 éléments en 20 secondes ) .

101

3-Une fois les significations trouvées, ces éléments d’informations sont enfin transférés
régulièrement dans la mémoire à long terme, sinon ils sont effacés. Ainsi, à la fin du
texte, ce sont les éléments sélectionnés qui sont mémorisés et non l’intégralité du
texte.Ces trois niveaux de mémoire fonctionnent en int eraction . En langue étrangère, c e
surtout la phase (b) qui peut poser problème. En effet, la sélection de la mémoire à court
terme se fait en fonction de chaque lecteur, de sa connaissance dans le domaine, de ses
compétences linguistiques, de son intention et des conditions de lecture.

Or, selon les scientifiques, chez la plupart des individus, la capacité de la mémoire à
court terme est limitée en quantité et dans le temps (7 éléments en moyenne pendant 20
secondes). Donc, si le lecteur débutant ou inexpérimenté passe trop de temps à id entifier
chaque mot, il s’ensuivra un encombrement de la mémoire à court terme, qui, débordé,
ne parviendra pas à traiter toutes ces informations pour les acheminer vers la mémoire à
long terme. Alors ces informations seront effacées, et le texte deviendra
incompréhensible. Cela peut être expliqué par la présence de plusieurs facteurs :

« Pour aborder un texte, le lecteur s’appuie au premier chef sur une connaissance, fût -elle minimale, du
contexte énonciatif, il dispose d’un certain savoir d’extension t rès variable sur l’époque, l’auteur, les
circonstances immédiates et lointaines, le genre de discours dont relève l’œuvre. Le lecteur est
également censé maîtriser la grammaire de la langue et user convenablement du discours. Il possède une
compétence le xicale qui porte aussi bien sur le signifié que sur les valeurs qui s’attachent à l’emploi des
termes. » (Maingueneau,D, 1990,p37)

28.2. Qu’est -ce qu’écrire en langue étrangère ?

La compétence de production écrite est dépendante des textes lus et compris
antérieurement, comme nous le savons, parfois, ces deux compétences sont
indissociables. L’exposition à une typologie variée de textes (narratifs, descriptifs,
argumentatifs, perspectifs) devrait amener l’apprenant à produire lui –même des textes
divers. Le scripteur -lecteur doit posséder un certain nombre de paramètres qui lui
permettent également d’accéder au sens du texte ou produire un texte :

« Le lecteur a aussi à sa disposition un certain nombre de grille qui lui permettent de structurer les
relations intralextuelles, de règles d’organisation textuelle, qui ressortissent à la grammaire de texte. Ces
règles, pour reprendre une distinction classique, définissent les conditions de la cohésion et de la

102

cohérence d’une suite d’énoncés. Les règles de cohésion portent en particulier sur les enchaînements
locaux, c’est -à dire avant tout les phénomènes de co -référence (substitution lexicale ou pronominale), de
progression thématique (la répartition des éléments de sens nouveaux et des éléments acquis ) de
recouvrement entre les inférences d’une phrase à l’autre. Quant à la cohérence, elle résulte de
contraintes plus globales liées aux genres de discours (tragédie classique, roman picaresque,..) , mais
aussi aux types de séquences (narration, argumenta tion, conversation,…) » (Maingueneau,D, 1990,
p 38)

Pourtant, tous les lecteurs ne sont pas des écrivains .Ainsi, nous savons que les
processus mentaux mis en œuvre dans la production écrite (en langue maternelle
comme en langue étrangè re) sont extrêmemen t complexes. Cognitivistes et
psycholinguistiques ont proposé plusieurs modèles des opérations mentales qui
présideraient de textes. Ces modèles assez différents les uns des autres présentent
toutefois quelques points de consensus .Nous évoquons ceux qui ont des implications
pédagogiques.

En outre, l’orthographe est à l’écrit ce que la phonétique est à l’oral , à savoir un code
qu’il faut maitriser si l’on veut bien écrire une langue .Les apprenants ont généralement
une représentation négative de l’orthog raphe française , qu’ils considèrent comme
difficile .Qu’en est -il réellement ?
La langue orale (la transcription de l’oral) est soumise à un ensemble de règles qui en
conditionnent l’usage et qui constituent un code. En revanche, le code orthographique
français est le résultat d’une histoire bien particulière : lorsqu’il a fallu transcrire la
nouvelle langue que constituait le français, il n’y a pas eu de création d’un alphabet
spécifique .L’alphabet latin, ne pouvant servir transcrire des dons nouveaux, a été
modifié par des ajouts, à différentes époques, de lettres nouvelles ou de signes
diacritiques pour noter ces sons nouveaux .L’on a créé d’autre part des marques
grammaticales et sémantiques nouvelles.

Par ailleurs , historiquement , la cohabitation entre le latin et le français a été longue et
tardive ; plus le français se développait à l’oral , plus l’écrit s’attachait à l’origine latine.
Le latin et le français ont vécu durant de nombreux siècles ( et dans certains milieux
comme l’Eglise et l’Un iversité , jusqu’ à une époque récente ) en état de véritable
symbiose , ils étaient sentis comme une seule et même langue : on lisait le latin à la

103

française , on écrivait le français à la latine … Le français n’a jamais rompu avec le
système de l’ancienn e langue , tout en connaissant une évolution originale et très rapide
sous tous ses aspects , phonétique , morphosyntaxique , lexical . Dés l’origine s’installe
ainsi un hiatus entre orale et sa transcription .Aussi l’orthographe française a -t-elle
longt emps été considérée comme une somme d’éléments disparates , avec beaucoup
d’exceptions , difficile à décrire et donc à apprendre .Cependant , grâce aux travaux de
linguistes comme Gak1, il est reconnu maintenant que l’orthographe française est un
véritable système graphique . La notion d’arbitraire tend à disparaître , les règles de
fonctionnement sont intégrées dans un système dont la rationalité a été mise à jour .
Depuis 1990 , il existe une reforme qui va dans ce sens .

En revanche, nous savons qu’il e xiste trois types d’évaluation qui correspondent à trois
moments de l’apprentissage :
-L’évaluation initiale ( qui se fait avant la formation proposée à l’apprenant – test de «
niveau » de langue en fonction des acquis oraux et écrits .
-L’évaluation en cour de formation ( évaluation formative ) ;
-L’évaluation finale ( ou sommative ) .
Nous nous intéressons ici à l’évaluation en cours de formation comme faisant partie
intégrante de l’apprentissage et , à ce titre , exploitable à la fois par l’enseignant et par
l’apprenant pour éclaircir des aspects encore flous et progresser dans l’apprentissage .
Nous tenons à insister sur le fait que ce type d’évaluation ne devrait pas représenter un
moment intégré au parcours d’apprentissage .A ce propos , le traitemen t de l’erreur est
un point crucial .C’est ce point de vue méthodologique qui nous intéresse le plus, dans
le cadre de cette thèse car quand on évoque la pédagogie de l’intégration c’est surtout
les termes tels que« évaluation, acquis, erreurs » qui sont souvent présents dans le
processus d’enseignement /apprentissage.

Par ailleurs, dans l’apprentissage des langues étrangères, plus particulièrement dans
l’acquisition d’une compétence de l’écrit, il y a lieu à des reformulations. En un sens
très large on entend par reformulation la transformation d’une unité discursive de taille

1 Vladimir Grigorievitch Gak Docteur ès lettres. Membre de la Société linguistique de Paris. Professeur
de français et titulaire de la chaire de grammaire française à l'Institut pédagogique de Moscou (en 1991).

104

variable ( du mot au texte ) en une autre qui est censée être sémantiquement «
équivalente » d’une manière ou d’une autre . Cette opération prend des tours variés
selon le niveau auquel elle intervient , le type de discours sur lequel elle porte et la
nature de cette transformation :

1-Dans la reformulation intradiscursive l’énonciateur met en relation deux unités
successives de son discours qu’il pose comme équivalentes . La ref ormulation oscille
alors entre la simple substitution et la paraphrase explicative . Elle est indiquée par des
marqueurs tels « c’est – à- dire » , « autrement dit » , « cela veut dire que » , « en un
mot » , etc . Beaucoup étendent le domaine de la r eformulation aux phénomènes de
correction , ou l’on remplace une unité par une autre , supposée plus approprié. A coté
des autre formulations , ou l’énonciateur reformule ses propres paroles , on trouve des
hétéroformulations ( « Tu veux dire que … » ) de s propos du coénonciateur . (
Métadiscours ) .

2-Dans la dynamique de l’interaction , la reformulation permet à l’énonciateur de
négocier les obstacles qui surgissent .Ainsi, l’enseignement par séquences
d’apprentissage est omniprésent dans les activités des enseignants.

Comme discours ou énoncé le terme texte prend des valeurs variables . On l’emploi
souvent comme un équivalent d’énoncé , comme une suite linguistique autonome , orale
ou écrite , produite par un ou plusieurs énonciateurs dans une situation de
communication déterminée .
L’unité des tâches essentielles de l’analyse du dis cours est de classer les discours qui
sont produits dans une société. D’ailleurs , les membres d’une collectivité ont une
compétence en matière de typologie des discours qui leur permet de reconnaître le type
d’activité discursives dans lequel ils sont e ngagés et de s’y comporter de manière
appropriée . ( Genre de discours , Indice de contextualisation).

28.3. Lire pour produire : identifier des ressources textuelles

Un moment essentiel de ce guidage repose sur un contact direct avec des textes releva nt
du genre visé : ils sont proposés aux apprenants en tant que modèles. Par modèles on
entend, en fait, un ensemble de ressources, plus spécifiques que les précédentes , de

105

nature structurelle et linguistique que les apprenants sont mis en condition de
s’approprier , au moins partiellement , pour construire à leur tour des textes
comparables mais inédits . Cette collecte préparatoire des textes correspondants à ceux
qui sont à produire peut constituer une activité individuelle pour les apprenants :
« L’accès au sens d’un texte est fonction d’une compétence de compréhension globale
qui comprend aussi bien la connaissance du code linguistique (graphémie ,
morphologie, syntaxe, lexique) que celle du fonctionnement textuel et interculturel
(organisation des phrases entre elles, fonction du texte, relation du texte à d’autres
textes » (Cicurel.F, 1991, P12)

Pour tirer des ressources textuelles proposées par l’enseignant ou rassemblées par les
apprenants , ces derniers doivent non seulement interpréter les textes auxquels ils sont
exposés mais surcout identifier les moyens linguistiques utilisés conformément a ux
régulations discursives constitutives du genre , pour créer du sens . C’est dire que , dans
la démarche de compréhension , l’attention sera attirée sur l’interprétation médiane et
surtout locale . Il n’est évidemment pas question de doter les apprenants de l’appareil
descriptif utilisé par l’analyse du discours . Il convient de s’en tenir à l’identification :

-D’unités de textes dont les plus perceptibles par des apprenants sont vraisemblablement
de nature pragmatique / sémantique ; Pour les désigner dans un métalangue ordinaire
( qui contourne la terminologie technique ; séquence ; paragraphe ,régime disc ursif…)
-De leur disposition ( pour rependre le terme de la rhétorique antique ) , c’est -à-dire de
leur position ( par rapport à des repères comme le début ou la fin des textes ) ;
-De leur réalisations linguistiques, c’est –à-dire des correspondances s tables que l’on
peut observer entre des éléments / unités de sens récurrents dans les textes et le jeu de
formes qui les actualisent .
Cette analyse , sans métalangage linguistique , est destinée à conduire à l’identification
du matériel morphosyntaxiqu e et lexical pertinent à la fois pour les structures des
groupes syntaxiques et pour les choix énonciatifs .

106

29. Cohésion méthodologique et articulation des compétences

Nous proposerons, dans cette partie de la recherche, quelques observations rela tives à la
méthodologique des enseignements désignée aussi par le terme articulation
méthodologique puisque celle -ci est toujours d’actualité : elle se pose d’autant plus que
les enseignements centrés sur une seule compétence (réception écrite par exemple) sont
rares réservés à des publics spécifiques et peu adaptés aux enseignements scolaires
généraux où toutes les compétences sont prises en charge par les programmes.

De plus , de nombreuses formations initiales d’enseignants de langue comprennent des
enseignements relatifs à ce qui est souvent nommé unité didactique dont le commentaire
ou la réalisation peuvent constituer des sujets d’épreuves d’examen :

« Il est établit que l’appropriation d’une langue non connue s’ effectue au contact de celle –ci c’est
l’exposition à des énoncés de cette langue , produits en situation d’interaction essentiellement , qui est le
lieu de constitution d’une maitrise de cette langue . Ce contact implique que l’apprenant prélève du
matériel linguistique et communicatif d ans des échanges lequel , traité au moyen d’un complexe
d’opérations cognitives ( saisie , identification ,mémorisation ) , est en mesure de servir de base à la
production d’énoncés originaux en langue autre , attestant ainsi d’une compétence autre que rép étitive .
Ces phénomènes ont été largement étudies dans le cadre de concepts comme celui de séquence
potentiellement acquisition elle , qui se caractérisent par un retour de l’apprenant sur une partie de
l’énoncé qu’il vient de produire , pour réorganiser en vue d’une nouvelle formulation plus conforme à la
représentation qu’il se fait de la correction –propriété dans cette langue » . (Beacco.J.C,2007,p239)

Si cette dynamique est effectivement à l’œuvre dans le cas d’une exposition naturelle à
la langue c ible en milieu exolingue , elle est aussi active dans l’espace de la classe de
langue ou les inputs sont fo urnis à la fois par le manuel, l’enseignant ,les interactions
avec l’enseignant et les autres apprenants et les descriptions métalinguistique , quell es
qu’en soient la nature et la forme de transmission qui peuvent être mises à disposition
pour accompagner la structuration de l’appropriation . Dans ce cadre , l’exposition est
aussi constituée de documents écrits ou oraux saisis uniquement en réception . Celle –ci
peut être prolongée par la fréquentation de médias en langue hors de la classe , qui sont
désormais beaucoup plus massivement présents qu’il y a une dizaine d’années ( chaines
de télévision en langue étrangère , DVD , Internet …) . Les ressourc es langagières
traditionnelles sont , par ailleurs , toujours disponibles : presse ,ouvrages dont littéraire

107

( traduire ou en version bilingue : texte original / traduction ) . La présence des langues
étrangères peut être consistance dans certains contexte s sociolinguistiques. Les
apprenants sont donc exposés :

-A des échantillons calibrés , en principe ceux du manuel de langue ,qui sont
principalement ceux destinés à susciter des interactions orales entre apprenants ou avec
l’enseignant . Ceux destinés à la réception sont généralement moins filtrés
linguistiquement puisqu’ ‘ils n’ont pas pour objet de servir de modèle à la production ;
-A des échantillons plutôt , calibrés , ceux de l’enseignant qui doit savoir adapter ses
énoncés aux acquis des apprenant s ;
-A des échantillons non calibrés, ceux de l’environnement linguistique , qui, ne sont
pas destinés à l’enseignement ou qui sont importés en classe à cette fin ( documents
dits authentiques ). Voici donc les conséquences méthodologiques de cette
carac térisation , banale , de situation de la classe de langue ( en milieu alloglotte1) .

De ce fait, le rôle de l’enseignement est primordialement de reconstituer un
environnement langagier assez riche mais utilisable, qui va permette avant tout à
l’appropriation de se déployer car celle -ci coexiste avec l’acquisition par
l’enseignement. Il est presque proverbial de souligner que enseigner cela ne les
empêche pas d’apprendre ce qui ce qui ne l’est pas dans le cadre d’activités autonomes
des appren ants ou dans celui de projets l’enseignement aurait avantage à comporter une
réflexion sur les formes d’exposition à la langue en dehors de la classe de manière à les
valoriser, les accroitre et à tirer parti de celles -ci dans l’enseignement.

Par ailleur s, c’est cette articulation entre l’exposition à la langue et les activités
d’enseignement qui y sont rattachées qu’il convenait de rappeler en priorité cette
conception conduit à concevoir la séquence méthodologique comme constituée d’une
phase de conta ct avec l’échantillon auquel sont accrochées selon des principes qui
seront décrits plus avant les activités de systématisation qui constituent le mode
d’intervention spécifique de l’enseignement.

1 personne qui parle une langue différente de celle du pays considéré .

108

En outre, l’approche par compétences implique d’ouvrir à nouveau la question de la
nature de la cohésion des différentes activités dont la succession ou l’enchainement
forment l’enseignement. A cet égard il convient de distinguer deux modes de succession
l’un est de nature méthodologique :il s’appuie sur une con ception de la nature de
l’appropriation et de l’enseignement des langues. L’autre est de nature sociale dirons –
nous il est commandé par des impératifs pédagogiques généraux comme par exemple
celui de varier les activités pour de jeunes apprenants en fonct ion de leur capacité
d’attention de créer une dynamique dans le groupe classe d’adapter les activités à l’état
de disponibilité des apprenants (cours de fin de journée…) et aux circonstances
extérieures de toute nature. Cette succession est aussi rythmée p ar la durée du cours
scandée en unités de 45 minutes à 01 heure. Ce rythme social de l’enseignement
découpe matériellement les activités en tronçons distincts qui ne correspondent pas
nécessairement à des césures méthodologiques ; celles -ci peuvent donc êt re découpées
de manière largement aléatoire. Mais on peut facilement imaginer que les enseignants
cherchent à donner une cohérence aux activités de classe dans ce cadre horaire. Quoi
qu’il en soit le rythme méthodologique et le rythme social ne coïncident pas
nécessairement.

Les manuels de langues doivent tenir compte de cet ensemble de contraintes pour
organiser une division en éléments des activités d’enseignement proposées celles -ci
sont dénommées de manière variable suivant la matérielle unité leçon …comme nous
l’avons déjà signalé . Cette structuration peut comporter plusieurs niveaux :

-Un niveau global selon un découpage en projets pédagogiques… assez conséquents en
termes de duré. Dans le contexte pédagogique algérien, un manuel destiné à une an née
d’enseignement en comporte autour de0 3 à 04) incluant des activités propres à ce type
d’unité comme évaluations entrainement à l’examen résumé des régularités étudiées.
-Un niveau moyen celui de l’unité de la leçon qui s’étend alors sur plusieurs de cours et
qui est l’espace opérationnel de programmation et d’organisation de l’enseignement.
-un niveau local constitué d’activités didactiques distinctes, identifiées de manière
générale par un nom générique ou spécialise comme ; activité, grammaire…

109

Phrase 1
Phrase 2
Présentation

Exploitation Explication
Répétition
Mémorisation

Tableau n°01 : Structuration des savoirs

Mais comme le constate H.Besse, le succès de l’ordre présentation explication
répétition -exploitation e st probablement lié au fait qu’ il ne contrevient que très peu à
celui que les enseignants sont accoutumés à pratiquer quelle que soit la méthode : ne
faut-il pas comprendre avant de s’exprimer, apprendre avant de réutiliser. La question
de la coïncidence entr e séquence méthodologique et unité didactique est sans réel objet
quand l’enseignement ne concerne qu’ une seule compétence ou une compétence
langagière tenue pour unique comme dans les approches globalistes. La question de la
cohésion de l’unité didactiqu e se pose dès lors que l’on admet que chaque compétence
relève d’une séquence propre caractérisée en particulier par la nature des échantillons ou
par la démarche d’exploitation de celui -ci rien n’interdit de concevoir des unités
didactiques qui soient ide ntiques à une séquence c’est -à-dire en fait des unités où une
seule compétence de communication langagière est objet d’enseignement. Cette
architecture de méthode de langue a l’avantage de raccourcir les unités et de rendre
compatibles rythme méthodologiq ue et rythme social.une telle solution est cependant
encore relativement étrangère aux manuels inspirés par l’approche globaliste dont
rappelons -le l’audience est forte pour le français enseigné comme langue étrangère.

110

30. L’articulation des compétences des communication langagières entre elles : Quels
éléments linguistiques , pédagogiques et discursifs

Ce concept a été introduit par le fondateur de la grammaire générative , Chomsky , pour
désigner l’aptitude qu’ont les locuteurs d’une lang ue à produire et comprendre un
nombre illimité de phrases inédites . Mais en analyse du discours on ne peut pas se
contenter de cette compétence grammaticale. En effet , à celle – ci s’ajoute une
compétence pragmatique qui contient les règles permettant à un sujet d’interpréter un
énoncé par rapport à un contexte particulier . En feraient partie les lois du discours .

L’éthnographie de la communication a introduit la notion de compétence de
communication ( ou communicative ) : pour parler il faut aussi savoir utiliser la langue
de manière approprié dans une grande variété de situations ( Hymes). Cette compétence
communicative est très largement implicite , elle s’acquiert à travers les interactions .
On trouve également un emploi de compétence discursive ( Maingueneau 1984 ) pour
désigner l’aptitude que doit avoir un sujet pour produire des énoncés qui relèvent d’une
formation discursive déterminée ( par exemple l’aptitude d’un énonciateur communiste
à produire des énoncés communistes ) .

En effet, cons tituer des unités didactiques implique un nombre important de décisions
dont certaines sont commandées , en amont , par le programme d’enseignement , par
exemple . d’autres choix sont ouverts comme ceux :
-D’unités mono -compétence ou’ il n’ya plus de di fférences fondamentales
d’architecteur entre l’unité didactique et la séquence méthodologique . dans cette
hypothèse ,on peut être conduit à élaborer autant de schémas distincts d’unités
didactiques qu’il y a de comparables tout particulièrement celles co nsacrées aux
compétences de réception ;
-D’unités pluri – compétences adoptant le même schéma ;
-D’unité pluri – compétences adoptant des schémas différents d’organisation des
activités . Reste à examiner la cohésion interne des unités didactiques p luri-
compétences . celle – ci dépend de la complémentarité , l’enseignement / des
compétences entre elles . deux principes peuvent être retenus pour assurer cette
cohésion :

111

-La complémentarité globale des activités de réception de celles de produc tion ( dans
une succession réception/ production ) ;
-La non – complémentarité des genres oraux ( et inversement ) , et des genres oraux
interactifs à des genres oraux non interactifs ( et inversement ) .

 Réception écrite produ ction écrite

La relation est la plus clairement établie et elle a servi de base à la description des
éléments de guidage méthodologique du chapitre 9 . elle construit une dynamique ( «
lire pour écrire » ) qui fait aussi des textes proposés aux activité s de compréhension un
« moment » de –familiarisation ( explicite ou non pris en charge méthodologiquement )
avec des modèles , dessinant un cadre pour la production écrite ultérieure .

 Réception orale production orale

On pourrait avancer la même observation pour la relation réception orale / production
orale , toujours à condition que les mêmes genres de discours servent à constituer les
échantillons dans les deux séquences . il convient d’ajouter que la réception écrite peut
constituer une séquence préalable à la préparation et à la production de discours oraux
présentent des affinités suffisantes et si la compétence d’improvisation fait l’objet
d’activités d’enseignement spécifique.

 Réception orale production écrit e

La consécution d’une séquence de réception orale et d’une autre centrée sur la écrite
semble possible, mais son utilisation ne semble pas présenter de bénéfices particuliers
par rapport à un enchainement « réception écrite / production écrite où la mati ère
graphique , par exemple , est toujours disponible .

 Production écrite/ orale réception écrit/ orale
Les relations entre séquences production écrit / orale et réception écrite / orale ne
semblent pas faire sens méthodologique : elles sont d’ailleurs très peu présentes dans
matériaux d’enseignement .

112

 Réception orale production écrite

Les articulations entre réception orale et réception écrite sont socialement attestées (
journal télévisé ou radio , puis presse quotidi enne papier ou internet ) et elles peuvent
être particulièrement efficaces dans le cadre de la réalisation de projets , là encore
uniquement si les discours concernés présentent des relations sociales établies (
appartenance à l’espace médiatique , dans l’ exemple retenu ) .

 Réception écrite réception orale
Mais les séquence réception écrite / réception orale sont probablement à éviter , sauf
pour des publics qu’il convient de préparer s oigneusement à l’écoute puisque , dans ces
condition ( emploi comme supports de textes écris et oraux voisins ou relatifs aux même
contenus ) , la spécificité de la réception orale est probablement gommée : si l’écoute a
été ainsi pilotée , on met alors en place un dispositif méthodologiq ue qui active
davantage des stratégies de reconnaissance que des stratégies d’inférence .

 Production orale interaction orale

Les séquences centrées sur l’apprentissage des interaction orales ont certes à voir avec
celles relatives à la production oral ( qui est non interactive ) , en ce qu’y intervient la
gestion de l’improvisation . mais le caractère essentiellement interaction nel de ces
formes discursives en fait une compétence très spécifique , qui ne semble guère pouvoir
être alimentée que la réception orale mais aussi écrite d’interactions.

Mais ces quelques orientations générales ne suffisent pas à clarifier les relat ions entre
les supports d’enseignement et les activités de systématisation formelle auxquelles ils
peuvent servir de point de départ . D’un point de vue pédagogique ,il revient à
l’enseignant de prendre des décisions en ce qui concernent l’opportunité de m ettre en
place , de façon improvisée ,une activité de systématisation formelle en réaction à des
productions ou à des erreurs , hésitations , questions … des apprenants . La part de ces
activités est fortement variable mais elle est incompressible . Celle s –ci , nées dans ces
circonstances impromptues formelle programmées en fonction des supports , des

113

objecti fs de la séquence ou de l’unité , des niveaux de compétence à atteindre au terme
du cycle d ‘enseignement et des connaissances acquises . Elles porte nt ( non
exclusivement ) sur des éléments linguistiques qui sont présents soit dans les supports ,
soit dans les productions des apprenants . La sélection de ces éléments de la langue
donnant lieu à précision , définition ,traduction , explication métaling uistique ou même
exercice au pied levé demeure largement aléatoire , puis quelle dépend du groupe –
classe que constituent les apprenants . Elle est ,sans aucun doute , à mettre en relation
avec les besoins langagières de nature pratique / fonctionnelle res sentis par les
apprenants pour parvenir à agir langagièrement de manière efficace dans les contextes
de communication , dans lesquels ils se trouvent ou se trouveront impliqués au terme de
leur formation .

31. La communication dans la classe :

Avant d’étudier le problème des documents et des activités de classe il est nécessaire
d’éclaircir le rapport entre communication didactique / réelle ou authentique afin de ne
pas nous perdre dans le débat qui consiste à savoir si la classe est ou non un l ieu
d’échange réels :

« De nombreux méthodologues contestent le fait qu’il puisse y avoir une communication réelle en classe
de langue en affirmant que la classe sera toujours le lieu de communication didactique . Un cours de
langue, ou de toute autre di scipline , relève de la communication didactique , communication définie
généralement comme ayant pour but ou de vouloir rendre un ou plusieurs des interlocuteurs plus
savants, plus habiles, plus compétents. La communication didactique n’est pas seuleme nt liée aux
situations scolaires : une visite guidée dans un musée, par exemple, comporte elle aussi un but
didactique, du moins en partie » (Cirurel.F, 2011, p 21)

Notre position sur ce point peut se résumer de la façon suivante : la classe de langue est
un lieu ou se jouent des rapports sociaux ( rapports de savoir , de pouvoir ) comme dans
d’autre situations de communication. Dire que les rapports entre les interlocuteurs sont
en dehors de toute réalité nous semble extrême ; la spécifié de la situat ion veut que les
interactions soient centrées sur un objectif : apprendre la LE , et que la LE constitue
elle- même le moyen d’apprentissage . De ce fait, sur le plan méthodologique , il faut
signaler :

114

-« Que les documents de travail introduits dans la classe seront proches de ceux que l’on trouve dans la
vie courante ;
-Que le type d’activités proposées aux apprenants se rapprochera des types d échanges qui existent dans
la réalité . Le problème est peut – être plus de savoir comment les activités prop osées dans la classe
permettent à l’apprenant de s’insérer dans la communication réelle ;
-Que la manière de structurer le groupe , d’instaurer des rapports entre l’enseignant et les apprenants ,
les apprenants entre eux , aura sans doute un rôle importa nt à jouer dans la mise en place de réseaux de
communication au sein du groupe -classe ». (Bérard.E,1991,p49)

Si on fait un usage très large du terme authentique , si ce terme est un gage de
renouveau dans l’enseignement des LE , il est évident que même si «L’ authentique
n’existe pas » , usage du mot authentique , l’utilisation de documents authentiques
s’inscrit d’ abord dans un processus de réaction qui part d’une pratique . Nous ne
reviendrons pas sur les caractéristiques de la communication dans les MAV ( dialogues
présentant la langue orale simplifiée , appauvrie , situations de communication
stéréotypées , personnages ayant peu d’épaisseur psychologique , s’ insérant mal dans
une réalité socioculturelle ) .

En outre, les raisons qui font du document dit « authentique» un support privilégié pour
l’enseignement / apprentissage sont les suivantes:
-Un apprenant au niveau débutant peut être motivé positivement s’il peut comprendre
des échanges réels : l’utilisat ion de documents authentiques justifierait donc au niveau
de la motivation . A ce propos on peut noter que pour Canale et Swain ( 1980 ) , c’est
uniquement le facteur motivation qui fera choisir une approche communicative : « de
notre point de vue , une motivation constante pour l’apprenant et l’enseignant peut être
l’unique facteur important , déterminant le succès d’une approche communicative par
rapport à une approche grammaticale . » C’est un argument de même type que Coste
(1970 ) développe en faveur du document authentique : « S’il n’est pas l’unique objet
de notre enseignement , nous avons à tirer le meilleur parti possible de sa valeur de
motivation . Il est en effet pour l’élève « récompense et réconfort . »
-L’utilisation du document authentiqu e est un des éléments qui permettra de favoriser
l’autonomie d’apprentissage de l’élève .Cet argument en faveur du document
authentique, l’apprenant pourra réinvestir ses stratégies en dehors de la classe , ceci veut
dire que l’objectif « apprendre à app rendre » est aussi important que le contenu des
documents . Vu sous cet angle , il est alors évident que le document authentique écrit ,

115

sonore , vidéo ) permet de travailler sur une mise en relation des énoncés produit avec
les conditions de production ; on effectue dés lors dimension pragmatique du langage et
sur les usages sociaux .

Un travail de ce type suppose que plusieurs conditions soient respectées . Car il nous
semble que le problème se situe surtout au niveau du choix des documents , de leurs
utilisations , de leur insertion dans le projet pédagogique d’ensemble . De ce fait, il est
évident que prendre un document dit authentique pour le faire pénétrer dans la salle de
classe , c’est le couper de ses conditions de réception ordinaires , mais ne sommes -nous
pas exposés chaque jour à des documents qui ne sont pas conçus pour nous ? En effet,
une des hypothèses développées pour faciliter l’accès aux documents authentique est de
partir de textes dont le domaine de référence est connu par l’apprenant . Si cette
stratégie favorise la compréhension , l’accès aux documents par la confiance qu’elle
donne à l’apprenant , elle a pour inconvénient d’enfermer l’apprenant dans le
développement d’une compétence de communication en LE proche de sa compétence
de communication en LM .La didactique du FLE marquée dans les années 70 -80 par ce
Galiss on (1982 ) appelle « l’irruption de la pédagogie » .

Ainsi , en déplaçant le centre d’intérêt de la classe , de la méthode vers l’apprenant , se
posent des questions pédagogique qui ne sont pas forcément liées à l’apprentissage
d’une langue étrangère . L e groupe et son fonctionnement , les conflits et les tensions
ont des répercussions sur le succès de l’apprentissage . Les dispositions psychologiques
de chaque apprenant , la façon dont il se situe par rapport à l’enseignant et aux autres
apprenants , pe uvent être rendus positives par des dispositifs qui les prennent en
compte .

32.La gestion du groupe et les communications dans la classe

Combien de fois entend –on dans les salles des professeurs, des propos comme : «
Cette année j’ai de la chance , j’ai une bonne classe », ou bien :
« Décidément , ils sont impossibles , j’ai tout essayé , ça ne marche pas …» .
« Enseignants euphoriques, maitres découragés , les uns et les autres ne savent souvent
pas en quoi et comment ils sont responsables de la qua lité des relations qui
s’établissent dans leurs classes » .(Houssaye.J,1996,p151)

116

Est -ce vraiment une affaire de hasard , d’habileté , de gentillesse, de sévérité , de
charisme , d’autorité , de compétence , d’affirmation de soi ? Les qualités requises et l es
« trucs » pour gérer un groupe d’élèves ne manquent pas . Pourtant il n’existe pas de
recettes q ui conviennent à tout le monde . Il appartient à chaque ensei gnant de chercher
des solutions . Les lignes qui suivent tentent de l’aider dans cette démarche , en explorant
les particularités qui fondent l’originalité du groupe – classe et qui déterminent en grande
partie la manière de le gérer . Entre un triomphalisme trop souvent oppressif et un
fatalisme démobilisant et coupable , il existe une voie moyenne , f aite de réflexions , de
tâtonnements et , pourquoi pas , de remises en question .
33-De la discipline déclarée à la discipline apprise : La discipline « français » en
particulier, discipline séculaire et son renouveau

« L’identité d’un objet étant forcément relative au point de vue qui est posé sur lui , la question qui nous
occupe ici – la discipline « Français» est elle une discipline singulier , plurielle ou transversale ?
m’apparaît comme une invitation à confronter une diversité de regards . En l’occurrence , un premier
point de vue possible pour traiter des disciplines scolaires est celui des instructions officielles : par leur
caractère « instituant », elles permettent de définir les disciplines comme des cadres conceptuels
contraignants , qui fonctionnent de manière plus ou moins commune au sein d’espace géo – politiques et
historiques déterminés ».(Falardeau. E et al, 2007,p63)

En ce qui concerne la discipline « français » , un certain point de vue nous permet
d’affirmer que , constitu ée au XIX e siècle , elle se stabilise une première fois avec la
deuxième tiers du siècle , dans un dispositif qui va durer longtemps et qui marque
encore aujourd’hui les pratiques dominantes en classes . Ce dispositif , lui – même fruit
d’un long développ ement peut être caractérisé par quelques traits constitutifs qui
fondent son efficacité :

-« Vision unitaire et normative de la langue ; -Conception représentationnelle de sa fonction ; –
Orientation vers la lecture et vers l’écriture comme point de départ et d’aboutissement de l’enseignement
du français , la parole étant travaillée en fonction de l’écrit ; -Conception instrumentales de la
connaissance de la langue ( vocabulaire, conjugaison , orthographe , grammaire ) ; -Spécialisation du
secondaire sur le travail littéraire , en lien notamment avec la philosophie et l’histoire . Ce dispositif
subit certes de nombreuses crises et beaucoup évolue , notamment sous l’impulsion importante de
l’éducation nouvelle après la première Guerre mondiale , sans po ur autant être fondamentalement remis
en cause jusque dans les années 1960. La transformation de dispositif s’opère dans le contexte d’une

117

réforme fondamentale du système scolaire , caractérisée notamment par le nouveau rôle dévolu à
l’enseignement seconda ire , désormais chargé doit notamment répondre à des besoins accrus de maitrise
en lecture et en écriture , et redéfinir sa place dans une perspective de formation plus longue ,
impliquant une maitrise plus grande et plus diversifiée des techniques cultur elles de base . Il en résulte
une mise en cause fondamentale du paradigme de l’enseignement du français , dont les lignes de force
peuvent être décrites comme suit :
-Orientation vers la communication et l’activité langagière comme objet essentiel de l’ens eignement ; –
Vision plus diversifiée de la langue , intégrant l’oral comme dimension autonome ; -Plus grande
autonomisation du travail de connaissance de la langue , cependant toujours conçue dans une visée avant
tout instrumentale ; -Contestation du monop ole du littéraire au secon daire et de sa forme classique »
(Falardeau. E et al, 2007,p14)

Concernant ces conceptions globales , la palette va de la dissolution tendancielle de la
discipline dans les autres disciplines ( conformément à une tendance « intégrative » de
l’enseignement , radicalisant les tentatives de réforme de l’école sous la bannière de
l’éducation nouvelle et plus encore de la progressive éducation qui jalonnent tout le XX
e siècle , jusqu’au maintien de la discipline avec son dispositif classique . L’auteur
défend la position de maintien de la discipline « Français » , reformée comme unité
autonome , articulée et ouverte , et ce pour trois raisons essentielles :
-La pos sibilité et la nécessité de penser la discipline sur la totalité du cursus scolaire , y
compris le secondaire , voire la formation professionnelle ,
-La possibilité et la nécessite de créer des synergies entre ses différentes composantes,
-La possibilité e t la nécessité de garantir que les différentes formes d’activités
langagières ( écrire ,lire , parler , écouter ) soient des objets d’étude .

« Le travail sur ces pratiques se fait traditionnellement en référence au concept de « genre textuel » .Il
néces site un travail de décomposition et de recomposition des différentes capacités impliquées dans la «
maitrise » des divers discours . Ce travail se fait selon une double logique dans la progression : une
logique de diversification et une logique de « secondarisation » de ces genres » . (Falardeau. E et al,
2007,p20)

C’est dans ce travail sur les pratiques langagières qu’une ouverture est possible vers
d’autres disciplines scolaires , car ces dernières impliquent toujours une bonne maitrise
des formes de l ecture et d’écriture qui leur sont propres . La part d’autonomie et
d’intégration de discipline « Français » aux autres disciplines est une question qui se

118

décide cas par cas , mais la décision présuppose chaque fois une définition relativement
précise de s contenus et des démarches/ disciplines propres .

34- Le rôle de l’enseignant dans une expérience de classe FLE :

Il s’agit d’un public d’adultes ou de jeunes enfants, débutants ou faux débutants, qui
désirent apprendre le français. En effet, nombreuses sont les raisons qui incitent un
locuteur à apprendre une langue étrangère, en ce qui nous concerne , on s’intéresse au
français langue étrangère :
-Entrée dans une université ou une école française ;
-Etudes dans leurs pays nécessitant le fran çais ;
-Travail dans une société française à l’étranger ou étrangère en France ;
-Plaisir ;
-Raisons familiales ….

A propos de ces contenus , nous devons également signaler que :
-Le temps consacré à un acte ( ou une pratique discursive ) varie en fonction du public ,
de ses besoins , des difficultés ressenties ;
-Ces contenus sont programmés en fonction de l’urgence et des besoins même si
certains contenus trouvent une place logique ( « se présenter » au début ) ou si certains
enchainements sembl ent plus rentables que d’autres ( « demander un objet » avant «
demander un renseignement» , localisation dans l’espace »avant « localisation dans le
temps »).
-Certains actes ne font pas l’objet d’une programmation, l’accord, accepter / refuser ; ils
peuvent cependant s’articuler avec plusieurs actes, ainsi accepter / refuser peut être
traité en relation avec proposer , inviter , demander la permission.

En revanche, l e travail s’organise autour de trois types d’activités :
-Compréhension ;
-Expressi on ;
-Conceptualisation / systématisation ;

119

Pour la compréhension, les contenus sont présentés dans des documents authentiques ou
simulés. Si nous avons choisi de travailler parfois sur des documents simulés, c’est
parce que le recueil de certains documents sonores est problématique : l’enregistrement
des conversations parfois impossible ; par ailleurs lorsque les interlocuteurs savent
qu’ils sont enregistrés, leur comportement peut se modifier . A partir des documen ts (
sonores, vidéo, écrits ) ,
on effectue d’abord un travail de compréhension globale en tenant de faire retrouver aux
apprenants les conditions de production ( interlocuteurs . lieu , canal , objectif de
l’échange ) . Le thème des documents proposés est choisi en fonction des
préoccupat ions des étudiants. On prend toujours soin de présenter plusieurs documents
ayant globalement le même objectif et comportant plus ou moins les mêmes actes et
notions . On peut ainsi isoler plusieurs réalisations du même acte et mettre ces
réalisations en relation avec les conditions de production ( par exemple , la prise de
contact varie selon que les interlo cuteurs se connaissent ou non ; selon le lieu de
l’échange…)

Par ailleurs, l es interventions des enseignants se regroupent autour de trois grandes
fonctions :
1. Organisation du travail ;
2. Facilitation de la communication au sein du groupe ;
3. Référence au niveau de la langue, de la communication.
Mais selon le type de séance, une ou deux de ces fonctions sont privilégiées
-Pour la compréhension : Référence au niveau de la langue, de la communication.
-Pour l’expression : Organisation du travail ( mise en place de la séance par les
consignes ) ;Référence pour la langue ( correction ) .
-Pour la négociation : Facilitation de la communication .
-Pour systématisation : Organisation du travail ; Référen ce pour la langue ( correction ;

En outre, l es activités de l’enseignant sont regroupées de manière à proposer les grandes
catégories de fonctions suivantes .
– Faire que chaque apprenant donne son opini on ;
– Participer à un échange d’informations ;
– Faciliter l’intercompréhension ;

120

– Corriger les erreurs.
– Organisateur , meneur de jeu : une grande partie de leurs interventions .
– Facilitateurs de l’inter -compréhension entre les membres de groupe .
– Expert au niveau de la méthodologie et de la langue : une part plus faible
d’interventions sont consacrées soit à des explicitations de type méthodologique , soit
minoritairement à la correction d’erreurs .

Enfin les enseignants ont une participation à la discussi on au même titre que les autres
membres du groupe , c’est -à dire qu’ils interviennent parfois pour donner leur avis ,
faire des suggestions ou poser un problème .

De surcoît , le rôle de l’enseignant se définit par sa capacité à faire varier ses fonctions
en liaison avec le type de travail réalisé .Le rôle qu’il peut avoir pour faciliter l’inter –
compréhension apparaît comme un point clé dans la mesure où les apprenants sont
familiarisés aux procédés consistant à expliquer , reformuler , expliciter. Ces pro cèdes
sont repris lors des intera ctions apprenant – apprenant.

En outre ,les deux termes enseignement/ apprentissage sont souvent utilisés ensemble
comme s’il existait une transparence entre les deux. Cette relation peut -être examinée
sous deux angles :
-La réaction des apprenants au projet d’enseignement mis en place par les enseignants ;
-Leur vécu quant à l’apprentissage de la langue étrangère .
Nous pensons quant à nous que l’on à beaucoup dit et écrit sur l’approche
communicative , sur ses bienfaits et ses méfaits ..Mais que l’on n’a peut -être pas assez
communiqué , c’est – à – dire pas assez fait circuler la réflexion , l’expérience , dans les
multiples formes de l’acte pédagogique ou didactique .

35. Une situation paradoxale : Didactiques, discipl ines et rapports aux disciplines :

« précisons d’emblée ce qui apparaît à nos yeux comme une situation p aradoxale . Les didactiques n’ont
cessé , tout au long de leur processus d’émergence , de se définir par la relation à telle ou telle discipline
, au point où l’on a préféré nettement une didactique comparée , respectueuse de cette identité , à une
didactique générale , qui risquerait , aux yeux de certains, de dissoudre cette même identité dans une
entité supra – disciplinaire » . (Falardeau. E et al, 2007,p28)

121

Pourtant , à y regarder de plus prés , il nous semble que cette affirmation fonctionne
plus comme un emblème que comme un lieu d’interrogation et d’investigation
théoriques. Cette situation est d’autant plus étonnante que tous les termes de
l’affirmation sont à remettre en question ainsi que l’ont montré de multiples travaux :

-La notion de discipline scolaire dont les découpages et les formes varient
diachroniquement et synchroniquement ;
-La notion de discipline savante ( de référence ) don t le statut est incertain entre projet
épistémologique , organisation de la recherche , enseignement universitaire … et dont
les contours et les formes varient , eux aussi , diachroniquement et synchroniquement ;
-Les relations entre ces deux ordres discip linaires , variables aussi bien du point de vue
de la symétrie ( à une discipline « savantes » ) , que de point de vue des modalités de
référence ( sélection des objets et des théories , modes de décontexualisation des savoirs
et des savoir – faire … ) .

Enfin, il nous parait donc préférable de poser que les didactiques se référent à une
constellation disciplinaire ,constituée par une ou plusieurs disciplines scolaires , par une
ou plusieurs et par leurs relations , chacun des termes de cette structure et les relations ,
qui les unissent nous semblent devoir être thématisés comme objets de recherche .

36. Quelques distinctions pour construire la notion de discipline scolaire

En fonction des analyses précédentes ,les chercheurs , au sein de THEODILE1 , tentent
de préciser la notion de discipline scolaire en partant de deux principes :-« Les
disciplines sont l’objet de construction , au travers de luttes , de compromis et

1 L’équipe Théodile -CIREL(Centre Interuniversitaire de Recherche en Éducation de Lille était, avant
son intégration au CIREL en 2008, une équipe autonome. Créée en 1991, elle est devenue équipe
d’accueil en 1993 (ÉA 1764).Théodi le-CIREL comprend actuellement 69 membres : 29 membres
statutaires (10 professeurs ou habilités à diriger des recherches, et 19 maîtres de conférences), 25
membres associés, 15 doctorants. Sa composition est pluridisciplinaire et internationale. Elle fonct ionne
en réseau avec les principaux centres de recherche en didactiques de l’espace francophone et entretient
des relations avec diverses associations de recherche en didactiques, parmi lesquelles l’ARCD
(Association pour des recherches comparatistes en di dactique), les réseaux américains WAC (Writing
across the curriculum) et WID (Writing in the disciplines) et l’AIRDF (Association internationale de
recherche en didactique du français), dont elle accueille le siège et dont elle a organisé, en septembre
2007, le dixième colloque international. Plusieurs de ses membres sont responsables ou au comité de
rédaction ou comité scientifique des principales revues de didactiques ou de revues de référence en
éducation : Aster, Enjeux, Le Français aujourd’hui, La Lett re de l’AIRDF, Pratiques, Recherches en
Didactiques, Télémaque, Recherches, Repères, Revue Française de Pédagogie

122

d’adaptations ; -Ces constructions prennent des formes différentes selon l’esp ace au
sein duquel elles se situent » (Falardeau. E et al, 2007,p31)

Loin d’une approche essentialiste , neutralisante et historique , il s’agit donc , en
s’appuyant sur les travaux historiques et comparatifs , de préciser l’idée selon laquelle
les disci plines sont construites au travers de luttes et négociations ( explicites ou
implicites ) entre forces sociales et politiques , agents externes et internes à l’école … et
au travers d’adaptations, elles aussi toujours plus ou moins conflictuelles aux muta tions
de la société , à l’émergence de nouveaux enjeux , aux modifications du public scolaire .
Il s’agit , en complémentaire , de spécifier les variations formelles de ces mêmes
disciplines . En effet , sous le même nom ( « Français » , « mathématiques » …. ) , les
savoirs et les pratiques mises en œuvre s’avèrent fort différentes selon qu’on se trouve ,
par exemple, dans une filière « générale » ou « professionnelle » , dans un cadre
pédagogique classique ou innovant .

36.1. Les apports de la psychologie

Les connaissances de la psychopédagogie scientifique cordonnées à une formation
pratique d’un côté, générale de l’autre , pourraient donner à nos éducateurs de demain
non seulement le moyen de ne pas sacrifier la vie intellectuelle et personn elle de
plusieurs générations , mais de faire en sorte que , grâce à leur action sur la jeunesse
resplendissante , les fruits passent encore les promesse des fleurs . L’histoire de la
pensée pédagogique au XX e siècle le démontre : si la problématique de l ’éducation
scolaire se complexifie et s’infléchit , elle le doit , pour l’essentiel , aux apports
psychologiques et psychanalytiques qui , progressivement , imposent leur prégnance .
Comment cela est devenu ? Quels sont ces « savoirs » initialement étrang ers à l’Ecole
qui modifient la conception ? Les brèves rema rques qui suivent le suggèrent :

« Les dernières décennies du XXe siècle , marquées par l’obligation scolaire et l’apogée d’une certaine
pédagogie traditionnaire , voient apparaître et se dévelop per une nouvelle conception de l’enfance qui
introduit, une révolution copernicienne , puis elle défend l’idée – jusqu’alors non reçue – que l’école
doit être centrée sur l’élève et qu’il importe donc de le milieu connaître pour le milieu éduquer ».
(Ava nzini.G, 1996,p54)

123

C’est pour ces raisons conjointes que nombreuses « innovations » apparaissent ,
donnant lieu à beaucoup de travaux sur les conditions de leur émergence. Leur nombre
et leur rythme sont tels que plusieurs tentatives ont été conduites pour cl asser les
méthodes de travail :

« Notre siècle devait voir apparaître plusieurs essaies de méthodes neuves , à cause des changements
qui, pendant ce temps , affectèrent les trois variables de base. Toute modification de l’un d’eux , a fortiori
de deux ou des trois , amène nécessairement une recherche d’ajustement liée au déséquilibre qu’elle
entraine . De plus , toute invention étant problématique , l’efficacité d’une méthode n’est jamais garantie
et , de fait , aucune ne réussit universellement . Elle est donc constamment l’objet de recherches de
perfectionnement . C’est pourquoi la volonté d’instruire les enfants mentalement handicapés ou
intellectuellement déficients a particulièrement stimulé l’inventivité » . (Avanzini.G, 1996,p121)

On se référera aussi au triangle de J.Houssaye ( 1987 ) . Pour cet auteur , une méthode
se caractérise par la manière dont elle organise les relations entre le maître , l’élève et le
savoir . D’où trois principaux groupes de démarches ; de type traditionnel , le premier
privilégie la relation maître -savoir ; il se caractérise par l’autorité de l’adulte , qui
distribue les connaissances et gère les modalités de leur relation , le second donne
priorité à la qualité de celle – ci à l’éducation , en refusant de s’ en tenir exclusivement à
un objectif d’instruction, le troisième s’organise autour de la capacité et , même , de
l’exigence d’auto – apprentissage de l’élève . Il se réclame volontiers des théories
constructivistes de type piagétien et situe le maître comm e celui qui favorise , mais ne
provoque pa s , l’ assimilation.

36.2. Le courant didactique

Dans certains pays , le développement de la didactique fut essentiellement lié au
renouvellement des contenus de l’enseignement ou à l’expérimentation de projets
novateurs . Ce fut le cas de la France , où les mouvements d’innovation pédagogiques ,
type Freinet et groupes d’éducation nouvelle , ont toujours été très actifs . Nombre
d’anciens « militants » ont souhaité dépasser le simple logorrhée pour lancer des études
plus fondées , notamment en travaillant sur l’impact réel des innovations entreprises ou
en souhaitant mieux connaître leurs élèves par des études plus systématiques :

124

« Dans les pays anglo – saxon ,par contre , le développement de la didactique a été à un
approfondissement des recherches de base sur les phénomènes de l’enseignement , et notamment sur les
recherches curriculaires . Il s’agissait de préciser de nouveaux programmes et d’envisager les activités
éducatives appropriées . Dans d’autres en core , le démarrage de la recherche fut très étroitement lié à la
psychologie de son œuvre , eut beaucoup d’influence . La psychologie génétique en sera l’instrument ,
elle servira de méthode de référence pour étudier la formation des connaissances » .(Avanzini.G,
1996,p133)

Par la suite , d’autres psychologues furent également mis à contribution ; Ausubel et
Bruner ont très largement influencé le domaine dans les années 80. Aujourd’hui, les
références à Vygotski d’une part et aux exercices cognitive s d’autres part sont
largement mises en avant .

36.3. Utilisation de la grammaire scolaire dans l’enseignement de la rédaction
française : analyse de pratiques en classe :Quelle (s) grammaire (s) pour les textes ?

Pour la première fois, on s’interroge, pendant les années 80 sur le rôle de la grammaire
dans l’acquisition du langage écrit et la relation qui peut exister entre la grammaire et le
texte. Bronckart et Besson y avaient répondu en 1988 dans un texte intitu lé « Et si la
grammaire n’était pas inutile ? » . Ces chercheurs y acceptaient le principe de la
pertinence d’un enseignement de la grammaire , pour lequel ils retenaient trois
objectifs : « la maîtrise des formes d’expression longues , écrites et orales ; la maîtrise
des règles de l’orthographe grammaticale du français ; l’acquisition d’un métalangage
permettant l’analyse des caractéristiques et du fonctionnement des longues secondes . »
Ils y faisaient des propositions détaillées dans trois chapitres portant sur « les unités
minimales du français ( lexèmes , morphèmes ) ; sur les types de groupes d’unités et les
types de phrases à l’intérieur desquels ces unités se distribuent ; sur les fonctions
grammaticales qu’assurent les unités et les groupes par rapport aux niveaux de
structurations supérieurs ( l’unité dans le groupe ou dans la phra se , le groupe dans la
phrase ). » Ils laissaient, en revanche, de côté un quatrième niveau d’analyse : les
fonctions textuelles , dont l’étude leur paraissait « de vo ir être intégrée à une pédagogie
de l’expression textuelle , plutôt qu’à une démarche de structuration grammaticale
proprement dite ».

125

Quelques années après , le premier auteur Bronckart , revenant sur les suggestions faites
à l’époque , les qualifiait d’ « insuffisantes , parce que trop marquées par les contraintes
du structuralism e et de la grammaire générative ».
Reprenant cette question lors de journées d’étude de la DFLM1 sur les activités
métalangagières , Schneuwly récusait quant à lui l’idée que la grammaire serait au
service de la production écrite , relevant l’absence de transfert dans les activités de
production ou de compréhension écrite des savoirs acquis dans le domaine gram matical
. Plus récemment encore , Bronckart défendait l’étude des notions grammaticales et
textuelles en fonction de l’usage social à côté d’un travail plus ponctuel sur certaines
notions pour elles – mêmes .

En outre, il nous parait indispensa ble d’explorer une question préalable : Quels
métalangages sont effectués sur les textes , en particulier dans de rédaction ? Toute
suggestion de notre part devrait en effet tenir compte des pratiques actuelles : en
connaître les convergences et la diversi té ; en explorer les domaines couverts ou laissés
de côté ;en identifier les terminologies mobilisées , leur pertinence et éventuellement
leur in adéquation sur le plan textuel. Dans la question générale posée à l’instant, nous
allons découper ici une prob lématique plus spécifique en analysant ce que maîtres et
élèves font de la « grammaire scolaire » da ns l’enseignement de l’écriture . Ces cours,
consacrés essentiellement à l’étude de morphosyntaxe (catégories et fonctions) dans le
cadre de la phrase , c orrespondent généralement aux unités métalinguistiques décrites
dans les travaux réalisés par Bronckart et Besson dans leurs propositions de 1988 .

36.4.Les incertitudes de l’évaluation

L’évaluation, en tant que pratique identifiée dans le champs soci aux de l’éducation et de
la formation , est l’objet d’un intérêt paradoxal . En effet , d’une certaine façon , sa
visibilité et sa c larté varient en sens inverse :« On s’intéresse de plus en plus à l’activité des
évaluateurs , qu’il s’agisse d’en analyser les effets , d’en critiquer les modalités , ou , à l’inverse , de la
promouvoir comme élément d’une véritable « culture » , il faut favoriser , dans notre système éducatif ,
une « culture de l’évaluation » , c’est – à- dire l’émergence d’un état d’esprit , d’habitudes , de réflexes
même , grâce auxquels sont appréciés régulièrement l’état courant et les actions conduites pour , en
retour , infléchir ces dernières , si nécessaires » . (Avanzini.G, 1996, p161)

1 Didactique du français langue maternelle

126

En effet, l’évaluation envahit l’espace scolaire, de la maternelle à l’université. Mais en
même temps, on ne sait plus très bien en quoi consiste cette opération, ni même à quoi
elle sert vraiment, tant sont nombreux ses usages, différents les objets sur lesquels on lui
demande de s’ex ercer, et diverses les circonstances de sa mise en œuvre. D’où la
perplexité, sinon l’hostilité croissante des acteurs, sur le « terrain ». Ainsi, qu’elle soit
célébrée ou vilipendée, l’évaluation demeure entourée d’un certain flou. Il importe donc
de cond uire un effort d’analyse destiné à clarifier les enjeux, conditions nécessaire pour
éventuellement mieux asseoir les pratiques.

Or , à qui s’efforce d’identifier les lignes de force des débats ayant agité , ces 30
dernières années , les spécialistes de l’ évaluation , il apparaît d’une part que ce qui se
discute tourne autour de la question essentielle de la signification de cette activité , et
d’autre part que l’on s’est trouvé placé devant quelques grandes alternatives opposant
deux grandes types de répon ses à la question discutée . Ce sont ces grandes alternatives,
qui constituent comme autant de dilemmes entre les propositions contradictoires
desquelles on serait sommé de choisir, que nous allons caractériser, en ne nous
interdisant pas, en chaque cas, d e tenter de discerner que nous pourrions juger, pour des
raisons qu’il conviendra d’expliciter, la plus pertinente.

Pour le sens commun, et sans doute pour la plupart des enseignants, évaluer signifie
mesurer, ou encore, tenter de le faire. Ainsi, on pens e assez spontanément que le
problème pour l’évaluateur scolaire est de mesurer le plus objectivement possibles la
performance d’un élève, placé dans une situation de compétition sociale. Une telle
représentation a dû être dominante dans l’esprit de s pionni ers de la docimologie et o n
sait que ce terme a été proposé par Piéron Henri dans son ouvrage « Examen et
docimologie », (1963, p 157). En 1922, on désigne ce qui voulait être une nouvelle
science des examens, ayant pour ambition de contribuer au perfecti onnement des
méthodes destinées à assurer les « classements humains ». Le paradigme docimologique
, dominé ainsi par la double idée que l’examen est une pratique , scientifique ,de
mesure ( qu’il a pour objet de mesurer rigoureusement et scientifiquement une
performance scolaire , par le moyen de la notation ) , dont on doit pouvoir rendre
compte scientifiquement par l’investigation docimologique , fut prégnant des années
quarante aux années soixante , et continue à avoir cours , aujourd‘hui , chez bon no mbre
de praticiens , pour qui la note qu’ils attribuent est équivalent d’une mesure objective .

127

Dés le départ, la docimologie s’est donc enfermée dans une problématique de la mesure,
ce qui l’a conduit à refuser toute autre signification à l’évaluation. Me surer, ou
disparaître, tel est en fait, pour elle, le dilemme.

En effet, « Tous les résultats vont dans le même sens » ( Piéron. H , 1963 , p .23 ) .
Selon cet auteur, on ne diminue pas l’incertitude de la mesure en multipliant le nombre
de mesures .Et les variations dans les notes de mathématiques sont aussi grandes qu’en
lettres. Des examinateurs différents ne « mesurent » pas de la même façon les mêmes
projets (désaccords sur le classement des copies) ; ils n’utilisent pas de la même façon
les éch elles de notes (dispersion des notes ; décalages des notes moyennes) ; de plus, ils
sont instables dans leurs jugements :

« Quelles conclusions en tiers ? La première – et quasiment la seule qu’en tire la docimologie – est qu’il
convient de rechercher le s causes de biais pour tenter de les neutraliser. Un effort est certes méritoire.
D’une part , parce qu’il permet de mieux comprendre les conditions dans lesquelles s’exerce l’acte
d’évaluation ( a priori ) ou de remédiations ( a posteriori ) susceptibles d’éliminer les écarts les moins
admissibles , ou les injustices les plus criantes » ( Hadji .C , 1989 , p .97 -99 )

Ainsi, l’effet de compréhension et d’analyse expérimentale de l’activité d’évaluation ;
visible dés les premiers travaux de Piéron, dont on peut seulement regretter qu’ils aient
visé que l’amélioration des procédures d’examens et de notation, négligeant ainsi de
poser les questions de la pertinence de l’examen et du sens de la notation, débouchera,
avec les travaux de Noiret et Caverne (1978) , sur une description fine du comportement
du sujet évaluateur. Ainsi sont mis en évidence des « déterminants » et des
« mécanismes » do nt la connaissance est précieuse :.

« les causes de la situation que l’on déplore sont à rechercher non seulement du côté de la variabilité de
l’évaluateur ( variations de l’humeur , attitudes affectives , divergences d’intérêts ) , ou du jeu de facteurs
sociaux qui font de l’examen , pour partie , une épreuve de reconnaissance sociale , mais encore de
l’existence d’effe ts ( d’admission , d’ordre ou de contraste ) produits par les conditions psychologiques
ou contextuelles de l’activité d’évaluation . ( Bourdieu.P et Passeron .J-C , 1970 , p.149 -150 )

Cependant , tant qu’on ne s’interroge pas sur la pertinence de l’idée s elon laquelle
l’évaluation est une mesure , et , plus largement sur le sens et la pertinence de la
recherche de l’objectivité , est on est condamné à n’avoir de choix qu’entre progresser

128

dans la conscience , toujours plus malheureuse , et peut – être , à l a longue , résignée ,
de l’infirmité d’une telle mesure , ou être victime du vertige qui menace lorsqu’on prend
conscience du fait que l’év aluation n’est pas une mesure

En outre, les notes dépendent, parfois de l’idéologie des enseignants , de leur hume ur ,
de leur degré de sévérité ou d’indulgence , de l’allure de l’élève ( à l’oral ) , de ses
performances antérieures ( effet d’assimilation ) ,de son statut scolaire ( effet source ) ,
voire de son appartenance socio – économique ( effet de catégorisation ) , ou encore de la
place de la copie dans un lot , ou de la performance de celui qui précède.. Sous quelle
dimension saisit –on donc une copie ? « Dans la plupart des cas, l’évaluateur scolaire ne se
pose aucune question. Serait – il excessif de dire qu’il a raison ? Au – delà du paradoxe, cela reviendrait
à affirmer qu’il a intuitivement compris que l’évaluation n’est pas la mesure d’un objet , mais la « lecture
orientée d’une réalité qu’est l’objet, d’attentes sociales particulières ». (Hadji .C, 1992, p29)

Mais s’agit -il vraiment d’évaluation ? Les indicateurs de coût et de fonctionnement
permettent de décrire la réalité ; et les résultats s’apprécient d’abord par rapport aux
objectifs. Or , selon Hadji, il sera possible de mettre en rapport de plu sieurs façons les
coûts , le fonctionnement et les résultats . L’efficacité ne se mesure que par un rapport :
de quoi sur quoi ? Il n’est pas facile de définir et de distinguer « efficacité, efficience ,
rendement , et réussite ». Pour évaluer au sens prop re , un établissement scolaire ,il
faudrait pouvoir apprécier la valeur qu’il ajoute : quelle différence peut – on observer
entre le « bagage » de l’élève à la sortie et son bagage à l’entrée ? Cela exige que les
résultats éventuellement mesurés soient r apportés à l’environnement : origine sociale
des élèves , niveau de départ , par exemple – et l’on retrouve la nécessité de la
contextualisation . C’est pourquoi la valeur ajoutée ne se fond nullement avec les
résultats . Et c’est pourquoi il est impossib le de ce contenter d’un seul indicateur
.L’évaluateur est ici face à deux risques symétriques : celui de « diluer » son travail
dans un nombre trop grand d’indicateurs , qui ne permettront plus de voir l’essentiel et
de dégager des significations du consta t ; celui de réduire la réalité et son sens en se
contenant d’un seul indicateur , censé tout exprimer .

129

Ainsi , s’ils sont en effet nécessaires pour saisir la réalité , des indicateurs ne constituent
pas , à eux seuls , un instrument suffisant d’évaluation . Autrement dit encore , une
instrumentation , aussi sophistiquée soit – elle , n’est pas un gage de bonne évaluation ,
dans la mesure ou l’évaluation est plus qu’une simple analyse , et exige qu’on prenne
parti , dans l’axe d’un questionnemen t . les chiffres ne parlent jamais d’eux – mêmes , et
ne prennent leur sens que dans une problématique explicative . L’intérêt majeur du
paradigme informationnel est sans doute, de plaider pour un élargissement de
l’observation. Selon Phillipe Perrenoud Mieux voudrait parler d’observation
formative que d’évaluation , tant ce dernier mot est associé à la mesure , aux
classements , aux carnets scolaires , à l’idée d’informations codifiables , transmissibles ,
comptabilisant les acquis et les lacunes .

Ainsi, cette observation est formative quand elle permet de guider , d’optimiser les
apprentissages . Une telle observation peut s’opérer selon ses modalités très variées,
porte sur un champ divers et complexe (niveau de maîtrise , processus d’apprentissage ,
attitudes des élèves ) , et s’efforce d’interpréter les observables selon des modèles dont
le niveau d’élaboration est variable . Mais c’est alors la notion d’évaluation formative
qui est en jeu et , avec elle , l’idée que la fonction centrale de l’évalu ation est la
régulation ce qui nous place devant un dernier grand débat : apprécier ou agir .

37. L’acquisition de la langue étrangère: les quatre tâches de l’apprenant

L’apprenant d’une langue étrangère est censé effectuer un certain nombre de tâches
qu’on juge indispensable dans le processu s d’acquisition de cette langue :
« Les données de l’entrée parviennent en général à l’apprenant sous la forme d’énoncés complets doués
de sens, qui sont insérés dans un contexte situationnel donné . Ce qu’il peut percevoir et traiter, ce sont :
-Une suite complexe d’ondes sonores, le signal linguistique à proprement parler ;
-Un complexe de données parallèles, perceptibles surtout visuellement : les informations parallè les »
(Wolfgand.K, 19 89, p8) .

De ce fait, la compétence orale et la compétence écrite sont indissociables quand on
évoque l’acquisition d’une langue donnée. Ci -dessous, nous allons déceler les quatre
tâches qui composent cette acquisition.

130

37.1.Tâches et activité mentale

L’exécution de toute tâche complexe requiert de l’ attention ou de l’effort mental .Le
degré d’attention n’est pas illimité : une tâche très exigeante peut dépasser notre
capacité momentanée , ce qui peut alors conduire à l’erreur ou à l’échec . L’évaluation
des performances d’un apprenant de langue étrangère, du point de vue psychologique ,
suppose une analyse des relations complexes entre la structure de ses capacités et les
facteurs qui déterminent la capacité d’effort mental dans l’expression et la
compréhension orales et écrites . Cette capacité varie selon le degré d’ « éveil
arousal »du sujet , lui – même dépendant de la complexité de la tâche et aussi de la
connaissance des résultats de son exécution , fournie par l’évaluation externe ou interne
immédiate .

Ainsi , tr aduire une phrase demande davantage d’effort mental que répéter une phrase .
D’autre part , le degré d’éveil – et donc d’attention et d’effort mental – peut , à partir
d’un certain seuil , diminuer la capacité . Enfin , le temps disponible influe sur
l’exé cution de la tâche : une tâche à effectuer en temps limité mobilisera davantage
d’attention et d’effort mental . Pour Levelt , une activité mentale complexe consiste en
une série d’opérations hiérarchisées , organisées selon des programmes d’ordre cognitif ,
intériorisés comme schèmes d’action . L’automatisation de ces programmes libère
d’autant la capacité d’effort mental . Dans l’activité langagière , on peut distinguer entre
opérations « de haut niveau » , qui concernent l’organisation sémantique , disc ursive et
pragmatique du discours et des opérations de « bas niveau » , qui concernent la
morphosyntaxe , la phonologie et la graphie . Si celles – ci sont suffisamment
automatisées , davantage d’effort mental sera disponible pour les opérations de haut
niveau . Ceci explique la difficulté de tâches complexes qui mobilisent à la fois les deux
niveaux d’opérations , lorsqu’elles dépassent les capacités disponibles d’effort mental ,
et aussi le fait que , selon les cas , cette limitation affecte l’un ou l’au tre des deux
niveaux . On en trouve des exemples fréquents dans l’activité langagière ordinaire ,
lorsque la concentration sur le contenu du discours occasionne des lapsus , à l’oral ou à
l’écrit . De même , il est difficile de relire un texte en se concen trant à la fois sur la
forme – et sur le contenu – pour en apprécier ou en vérifier la cohérence textuelle et le
déroulement de l’argumentation . Comme le fait observer Levelt , la morphologie du
genre et du nombre , dans des langues comme le français où l es marques d’accord

131

peuvent s’étaler sur des énoncés longs , requièrent automatisation et / ou contrôle dans
l’exécution du programme . Il n’est pas rare d’observer en français, chez des locuteurs –
scripteurs natifs , des fautes d’accord liées aux circons tances de production du discours.

Une partie des fautes observées en langue étrangère tient à la complexité intrinsèque ou
subjective de la tâche et à l’effort mental requis , celui – ci étant , dans des conditions
similaires ou comparables , normalement supérieur à celui nécessaire à un natif , surtout
si l’activité langagière comporte une part de contrôle . Dans ce cas, l’attention et le
contrôle peuvent être concentrés sur certains aspects du discours , sur le niveau ( haut
ou bas ) de l’activité , voi re sur certaines opérations , en fonction du temps disponibles ,
de la connaissance intériorisée et du degré d’automatisation du programme interne .

Les autres aspects , niveaux ou opérations peuvent alors être affectés par cette
concentration de l’activ ité mentale .Ceci contribue à expliquer non seulement
l’apparition de fautes , mais aussi la variabilité observée chez un apprenant selon le type
de tâche . Cet aspect à été souligné à maintes reprises dans les recherches sur
l’interlangue1 et conduit à p réconiser , pour le recueil de données d’interlangue , une
panoplie de tâches diversifiées et des critères de sélection selon les opérations qu’elles
impliquent . Si la variabilité tient , pour une part , à la connaissance intériorisée dotée,
elle-même, de règles variables, elle ne peut s’expliquer sans tenir compte de l’activité
même du sujet selon les caractéristiques des tâches qui la sollicitent . Le fait qu’un
apprenant recoure à sa connaissance explicite ou à sa connaissance implicite ne suffit
pas à caractériser son activité : une même tâche , en effet , peut mobiliser l’une et / ou
l’autre de façon elle -mêm e variable selon les individus. Ici se pose la question de
l’activité inhérente à la tâche : les taches scolaires les plus répandus impliquent n on
seulement un traitement linguistique ou psycholinguistique , mais aussi un traitement
cognitif déterminé par la procédure spécifique de la tâche : connaissance et
compréhension des consignes , adaptation au cadre formel de l’exercice , etc . Par
exemple , un exercice formel consistant à faire des phrases relatives ( contenant une
proposition dite relative ) à partir de phrases simples , ou à repérer des articulateurs dans un
texte écrit implique d’autres opérations que celles qui seraient mises en œuvre dans la
production naturelle de telles phrases ou dans la compréhension de lecture du même texte ).

1 voir à ce sujet :E.Tarone , M.Swain et A .Fatahman , U ,Frauenfelder et R.Porq uier .

132

D’une part, ces tâches, en mobilisant surtout le « bas niveau » ( selon Levelt ) , libèrent
d’autant la capacité mentale , qui n’est alors pas ou peu impliquée dans le contenu et
l’émission d’énoncés . En contre partie , elle est absorbée par la conduite même de
l’exercice , qui implique d’autres opérations motrices et cognitives . S’il s’agit de tâches
familières , pour lesquelles les schèmes d’action sont déjà intériorisés voire automatisés ,
l’effet mental investi sera d’autant moindre . Si au contraire il s’agit de tâches nouvelles
ou plus complexes ( par exemple , repérer des articulateurs en les classant selon leur
forme , leur lieu et leur ordre d ’apparition dans un texte ) , la complexité ou la difficulté
des opérations impliquera d’autant plus d’effort mental , au point de dépasser
éventuellement les capacités momentanées de celui – ci , sans pour autant dépasser les
capacités linguistiques de la connaissance intériorisée .

L’un des problème de l’apprentissage est alors celui de l’appropriation de schèmes
d’action liés aux tâches d’apprentissage . En ce sens , on est amené à s’interroger au
moins sur trois implications didactiques des notions d’a ctivité mentale et de programme
cognitif . Tout d’abord, l’apprentissage d’une langue implique un entrainement aux
tâches d’apprentissage et plus largement aux opérations cognitives d’utilisation du
langage . Comme le suggère W.Levelt ( 1976) , ce sont les programmes , non les
activités « terminales » , à quoi il faut entrainer les apprenants ; cet entrainement
requiert l’intégration des types d’opération à travers diversifiées . C’est , en un sens , ce
que signifie , « apprendre à apprendre » . Ensuite s e pose le problème de l’adéquation
des tâches en usage dans l’apprentissage des langues étrangères par rapport aux
schèmes d’action et aux opérations effectivement mobilisés dans l’utilisation d’une
langue . Enfin , il y a lieu de s’interroger sur les appr oches ou les techniques
pédagogiques de nature à développer ou mobiliser les capacités profondes d’attention
ou d’effort mental chez l’individu .

Comme l’observe D.Gaonac‘h , un problème pédagogique central est celui des
stratégies de communication mise s en œuvre par les élèves ( et non supposées telles a
priori de par les caractéristiques formelles des exercices proposés ) : à quelles activités
cognitives correspond telle ou telle activité pédagogique , celle qui est effectivement
mise en œuvre dans un e situation de communication donnée ?

Ainsi, les exercices scolaires correspondent à différentes activités de communication ,

133

qui n’ont pas les mêmes exigences cognitives et psycholinguistiques . Un des objectifs
d’une psychopédagogie cognitive du langage devrait être décrire ces exigences ,
autrement dit de procéder à l’explication des procédés cognitifs impliqués.

Cependant , dans des exercices aussi formels , les stratégies et l’activité même du
locuteur sont partiellement induites par le type d’exerci ces – bien que de façon
imprévue par leurs auteurs – autant que par la routine engendrée par l’habitude et que
par leur statut ambigu , à la fois tâche d’apprentissage et d’évaluation . Selon que
l’exercice est perçu et traité comme activité de découverte ou d’entrainement , ou au
contraire comme activité d’évaluation ( voir les travaux de U.Frauenfelder et
R.Porquier) , dont la réussite constitue un enjeu institutionnel , le traitement en sera
sans doute différent . D’abord , parce que le niveau d’éveil et donc de capacité mentale
ne sera pas le même ; ensuite parce que l’attention ne sera pas focalisée sur les mêmes
aspects du matériau ni sur les mêmes opérations ; enfin parce que des schèmes cognitifs
différents seront mobilisés . Qu’on l’envisage en terme d’opérations ou de stratégies, le
traitement variera donc selon le type d’exercice , mais aussi selon sa finalité et son
statut dans le cadre d’apprentissage ou il est proposé .

De ce fait, si l’on tente de répartir les tâches selon les trois types d’activités de
( production , compréhension , activités métalinguistiques ) déjà envisagées, on obtient
le recensement suivant :
-Production : répétition ( orale ou écrite ) ; transcoda ge ( dictée ou lecture oralisée ) ;
transformation ou manipulation d’énoncés sous forme d’exercices systématiques ou
non : paraphrases ; réécriture orale ou écrite , à partir d’énoncés oraux ou écrits (
comme dans la mise au discours indirect ou di scours rapproché ) ; traduction de L1 en
L2 ; expression libre orale ou écrite avec consignes et support ( visuel , écrit , sonore
,audio – visuel ) ou sans consignes et / ou sans support .
-Compréhension : compréhension orale ou écrite ( écoute ou lecture sans ou avec
production ) ; paraphrase ; prise de notes , résumé ou compte – rendu ; traduction L2 en
L1 ; réponse à des questions ; classement de phrase ; recherche de contexte ou de
situation appropriés à des énoncés ; association d’énoncés avec les imag es
correspondantes , etc .
– Activités métalinguistiques : choix de synonymes ou de paraphrases dans des
exercices ou tests à « choix multiples » , avec ou sans texte – support ; classement ou

134

analyse de phrases ou d’énoncés ; jugements de grammaticalité ou d’acceptabilité ;
identification d’erreurs ;auto – correction ; auto – paraphrase ; commentaires
métalinguistiques divers , etc .

Cet inventaire est en lui -même révélateur .Hormis la compréhension et l’expression
naturelles ( hors tâche , ou dans des tâches de stimulation ) , il n’existe pas de tâches
pures : toutes ou presque recouvrent deux ou trois catégories envisagées . Ainsi , les
tâches de compréhension mobilisent le plus souvent et la compréhension et l’expression
. Cette dernière étant destin ée à vérifier le résultat de la précédente . Les tâches
intuitionnelles et / ou métalinguistiques sont susceptibles de ne solliciter séparément
que l’un des trois types d’activité , c’est que ces tâches sont par nature des tâches
complexes , mobilisant de s activités complexes .

En revanche, la dictée , exercice traditionnel encore vivace , et qui semble une tâche
simple , en fournit un exemple clair : elle suppose perception auditive , décodage du
sens , mise en mémoire immédiate , transcodage interne et production graphique sans
exclure le contrôle simultané , immédiat ou à court terme ( et la rectification éventuelle
) de la transcription , voire du sens initialement décodé . Cet exercice ne parait guère
différent , quant aux opérations effectuées , de l ’activité naturelle d’un locuteur –
scripteur prenant par écrit un message téléphonique sous la dictée , avec cette différence
importante cependant que la correction formelle du texte transcrit ne sollicite pas
forcément l’attention du récepteur , ni n’aff ecte le plus souvent le traitement et le
devenir ultérieur de l’information reçue . Sinon , le récepteur est en mesure de solliciter
et d’obtenir répétition , correction ou confirmation du contenu et de la forme du
message . On voit que la justification pé dagogique de la dictée , dans une perspective
fonctionnelle -communicative , est autre que celles traditionnellement invoquées .

En outre, il se peut que la dictée, comme d’autres exercices formels , se justifie comme
tâche d’entrainement , dans ce cas, i l faut se demander quelle est sa nature dans les
circonstances authentiques où l’apprenant aura à s’ y livrer , quelles sont alors les
opérations mises en jeu , et comment les simuler en situation d’apprentissage . Tâche
d’apprentissage et d’évaluation, la dictée se définit par ce qu’elle entend faire pratiquer
ou évaluer ,et par les automatismes linguistiques qu’ elle entend inculquer , mais non
par les schèmes d’action et les opérations qu’elle peut exercer et développer chez les

135

apprenants -utilisateurs d e la langue étrangère , qui pourtant, entrent en jeu da ns
d’autres tâches ou activités .

Par ailleurs , les exercices formels et systématiques ( y compris maints exercices «
communicatifs » ou « situationnels » ), outre la complexité souvent insoupçonné e des
opérations qu’ils impliquent , tentent , s’ils n’ont pas pour pure visée de monter des
automatismes au sens skinnérien du terme , à mobiliser l’activité métalinguistique des
apprenants tout en les entrainant à communiquer . Ces deux visées ne sont pa s
incompatibles ,bien au contraire . Mais la conception ou la pratique même des
exercices , selon qu’elles sont centrées davantage sur l’une ou l’autre visée , induisent
soit des activités et des opérations différentes , soit des critères d’évaluation diff érents .
L’inévitable conditionnement inhérent à une pratique non réfléchie ( chez l’enseignant
et l’apprenant ) des exercices de grammaire , ou des tâches d’apprentissage en général ,
peut conduire davantage à savoir « faire des exercices »qu’ à maitrise r les opérations
cognitives impliquées par l’utilisation de la langue étrangère . Au point que l’on puisse
parfois se demander si les exercices servent à faire de la grammaire ou si c’est la
grammaire qui sert à faire des exercices .

Ainsi, une approche p ragmatique de l’enseignement / apprentissage de la grammaire
impliquerait alors que l’on s’interroge d’abord sur les activités et les opérations mises
en œuvre dans l’utilisation communicative des langues maternelle et étrangère, selon
les besoins , les objectifs , les contextes sociolinguistiques et socioculturels et les
pratiques communicatives effectives ou envisagées. D’autre part, on s’interroge
également sur les tâches et activités spécifiques de nature à exercer ou entrainer les
apprenants à cett e fin , sans que celles -ci soient a priori homologues des conditions et
des processus d’utilisation de la langue étrangère . En effet, il semble que ces deux
perspectives ne soient pas inconciliables mais bien plutôt complémentaires . De plus ,
des exercice s jugés traditionnels peuvent être réadaptés , dans la pratique pédagogique ,
en ce sens .

136

A l’inverse , les activités et les opérations investies dans la communication naturelle
sont susceptibles de suggérer des principes d’exercices ou des tâches a ppropriés à
l’apprentissage . L’activité métalinguistique ou « méta – cognitive » 1 des apprenants ,
qu’elle se manifeste spontanément ou soit repérée par des procédures empiriques ou
même expérimentales , révèle , de façon plus profonde que l’analyse des erreurs ou des
interlangues , comment ils appréhendent et traitent à leur manière l es descriptions
grammaticales sous -jacentes aux exercices et aux tâches et les adaptent à leurs propres
conduites et stratégies d’apprentissage . Il n’est pas rare qu’un exercice communicatif se
voie , dans la classe , converti en exercice de grammaire , ou qu’un exercice de
grammaire soit transformé en exercice communicatif .

37.2. Construire l’énoncé :

Tout d’abord, admettons que l’apprenant ait réussi à analyser la langue au moins
jusqu’à en disposer d’une cinquantaine de mots : quelques noms , quel ques verbes ,
quelques prépositions , peut -être les pronoms personnels « je et tu » . S’il veut
maintenant construire lui -même des énoncés plus long qu’un mot , il doit tenter de relier
ces mots ensemble . C’est ce que nous appelons le problème de la synth èse , ou plus
précisément le problème de la combinaison des mots . Mais ce problème se pose de
façon identique au niveau des sons : chaque langue admet seulement certaines
combinaisons de sons, qui peuvent également différer selon leur position( début de m ot
, fin de mot , position accentuée ou non , etc .).
Faire face à ce problème de système, est important pour l’apprenant en vue de sa propre
production, mais pas seulement. Il doit également , dans une certaine mesure , envisager
les règles correspondantes lorsqu’il veut comprendre des énoncés compliqués en langue
cible, particulièrement lorsqu’il dispose de peu d’informations parallèles qui pourraient
aider à l’interprétation . Mais ces deux ensembles , disons pour être bref les règles
syntaxiques pour la production dans la langue de l’apprenant et les règles syntaxiques
pour la compréhension d’énoncés en langue cible , n’ont pas forcément besoin d’être
identiques . L’apprenant peut réussir à analyser correctement « parallèles ou même
aucun e », sans pour cela être capable de construire lui -même des énoncés équivalents.

1 voir D.Gaonac ‘h 1982

137

37.3. Mettre en contexte :

En règle générale, l’énoncé est inséré dans un complexe d’informations contextuelles.
Dés qu’un locuteur prend la parole, il doit essayer d’adapter son énoncé à ce flot
d’informations. C’est ce que nous appelons le problème de l’intégration au contexte.
Tout locuteur doit le résoudre. Ce n’est pas un problème spécifique à l’apprenant ; mais
il se pose de façon différente en fonction de la ri chesse de la langue de l’apprenant.
Lorsque la langue de l’apprenant est très élémentaire , la réussite de la communication
dépend en bonne mesure des informations parallèles ,mais surtout de l’habileté avec
laquelle l’apprenant insère les quelques moyens linguistiques dont il dispose dans
l’ensemble des informations contextuelles , et dont il agit sur celle -ci.

Ainsi, des langues d’apprenants plus développées sont moins dépendantes des
connaissances contextuelles ; mais elles s’appuient toujours sur ces d ernières, comme la
langue cible elle -même . De la langue d’apprenant la plus rudimentaire jusqu’à celle qui
ne se distingue pratiquement plus de la langue cible, il existe toujours un certain
équilibre entre connaissances linguistiques et connaissances con textuelles. Cet équilibre
se modifie progressivement au profit des premières.

37.4.Comparaison langagière :

Supposons que l’apprenant ait déjà atteint un état de langue relativement développé.
Pour pouvoir continuer à développer sa langue, il doit la co mparer en permanence avec
celle de son entourage social . C’est également vrai aux stades initiaux du processus
d’acquisition, mais la tâche devient de plus en plus difficile, tout simplement parce que
les différences deviennent plus petites. Il peut alors se faire que des différences
subsistent, mais qu’elles soient trop minimes pour que l’apprenant soit en mesure de les
reconnaître. C’est là une des raisons décisives pour lesquelles l’acquisition de la langue
se bloque souvent, alors qu’il reste souhaitab le pour l’apprenant de la poursuivre.

Ce problème de comparaison est l’une des causes des prédictions fausses auxquelles la
‘’ grammaire contrastive ‘’ a souvent abouti . Des structures pour lesquelles les deux
langues se différencient nettement ne posent , de ce point de vue , qu’un problème
simple : l’apprenant s’aperçoit facilement qu’il s’agit là de différences importantes entre

138

son état de langue cible. Les structures très similaires sont plus difficiles à traiter du
point de vue de la comparaison : elles sont peut – être aisées à acquérir , mais l’apprenant
ne perçoit pas immédiatement qu’il y a une différence , donc un apprentissage à faire .

L’apprenant doit en permanence résoudre simultanément les quatre tâches que nous
avons isolées ici pour plu s de clarté. Ainsi, il est souvent bloqué dans l’analyse parce
qu’il ne sait pas comment certaines unités se combinent dans la langue cible.
Inversement , il ne peut pas avancer dans la combinaison tant qu’il ne dispose pas
d’unités plus petites qu’il pour rait ensuite combiner à ceux de la langue cible , et ainsi
de suite .

En effet, nous avons fragmenté ici la tâche globale de l’acquisition en quatre problèmes
d’acquisition séparés, c’est une façon d’affronter le problème d’analyse , de la recherche
sur l’acquisition des langues 1 . Il est fort possible qu’avec les progrès de la recherche
nous finissions par trouver inadéquate l’analyse que nous avons proposée. Considérons –
la cependant pour le moment comme pertinente et abordons les différents problèmes
dans le détail .

38 . Le conflit sociocognitif :

« Depuis une bonne quinzaine d’années on a assisté à un changement de perspective en psychologie, et
spécialement en psychologie du développement cognitif. Longtemps centrée sur l’étude de l’individu et de
ses interactions avec l’environnement, toute une partie de cette discipline s’est, de plus en plus orientée,
vers l’étude du rôle d’autrui comme médiateur de la relation du sujet à son environnement, dans la ligne
de psychologue tel s Vygotsky ou le Fran çais Wallo , ou encore bien avant eux Baldwin ».
(Houssaye.J,1996,p247)

Dans ses premiers ouvrages publiés dans les années vingt , Piaget avait lui -même insisté
sur le rôle des échanges avec autrui dans la décentration intellectuelle . Donnant un tour
plus radical à cette idée entre -temps un peu délaissée , certains chercheurs formés à la
psychologie sociale , avanceront plus tard que l’existence de « conflits de
communication » est une condition nécessaire à la décentration intellectuelle .

1 Sur la démarche des linguistes pour analyser les langues des apprenants, voir Trévise et Porquier 1985

139

Ainsi, co mprendre comment se pose aujourd’hui la question des situations
d’apprentissage impose, un détour historique qui permet de mettre en perspective les
deux grands mouvements qui ont présidé à l’organisation de ces situations et qu’on
nomme, de manière sans d oute un peu caricaturale, le mouvement de didactisation et le
mouvement de finalisation. Disons , pour faire simple , que se sont opposées et
s’opposent encore aujourd’hui , en matière pédagogique , deux grandes priorités : la
première est celle qui insist e sur la nécessité de rationaliser les apprentissages , d’être
particulièrement attentif à leur caractère exhaustif et systématique ; la seconde est celle
qui met en avant le fait qu’on n’apprend vraiment que ce qui a du sens pour le sujet ,
que ce qui s’i nscrit dans une démarche volontaire et est réinvesti dans une activité
librement choisie . Pour rester dans un certain schématisme , disons que le premier
mouvement est celui qui a présidé à l’organisation de lieux spécifiques destinés aux
apprentissages e t encadrés par des formateurs disposant de compétences distinctes des
professionnels exerçant dans la « vie active »… ces lieux ont pu , par exemple
,s’appeler des « écoles ». Le second mouvement qui , en réalité , existait bien avant le
premier , est ce lui qui justifie l’apprentissage par l’action directe du sujet immergé en
situation de production …tel qu’il a pu exister avant les pédagogues de l’Education
nouvelle et des « méthodes actives » qui , selon la formule de Dewey définissant ce que
l’on nomm e aujourd’hui la « pédagogie de projet », affirma bien haut l’importance du
Learning by doing, c’est ce que nous appelons le conflit sociocognitif .

39. La motivation chez les collégiens et les lycéens

La motivation est habituellement définie comme l’action des forces, conscientes ou
inconscientes, qui déterminent le comportement (sans aucune considération morale). A
ce titre, une des fonctions de l’enseignant est de provoquer, susciter, diriger, maintenir
et développer les motivations des élèves. N’oublions pas , pour autant , que la question
de la motivation touche l’enseignant lui -même : il a sa propre hiérarchie motivationnelle
( se considère –t- il d’abord comme un spécialiste d’une discipline , comme un
professeur de telle ou telle discipline , ou comme un pédagogue en charge de tel ou tel
contenu disciplinaire ? ).
Son degré de motivation est lié à ses représentations du métier d’enseignant et aux
incertitudes actuelles de ce métier ( si le champ de compétence reste lié aux savoirs acquis
ou à acquérir ,la fonction traditionnelle de transmission des savoirs n’est plus suffisante et se

140

trouve confrontée à bien d’autres gardiennage , éducation ,orientation , etc. )
De ce fait, l’enseignant est amené à essayer de fabriquer ,pour les élèves , du se ns à leur
présence à l’école ; les éléments de sa propre motivation sont pluriels , variables et
contradictoires. Certains sont actifs : contact avec les jeunes , amour de la discipline ,
désir de faire partager , d’autres sont matériels :moyen de gagner s a vie , avantages
matériels , liberté d’actions , sécurité , et d’autres sont passifs :on se retrouve à
enseigner faute de mieux ou après une entrée que l’on pensait provisoire ) . Il faut donc
retenir que la question de la motivation concerne autant l’ens eignant que l’élève
.Cependant, nous ne considérons ici que les forces qui déterminent la conduite des
élèves et, par là, le rôle de l’enseignant. A ce titre, la question de la motivation, parce
qu’elle tient au rapport que l’élève entretient avec le savoi r, s’inscrit indéniablement
dans le processus « apprendre ». Nous poserons cependant comme hypothèse que la
motivation est fonction du processus pédagogique dominant dans lequel elle s’inscrit.
Nous étudierons ainsi successivement la motivation dans le pro cessus « enseigner »,
dans le processus « former »et dans le processus « apprendre ».

Les sciences de l’éducation et, bien avant elles, la psychologie et la philosophie ont
observé et analysé les pouvoirs de la motivation et du désir. Aussi faut -il en per manence
s’interroger sur la manière de susciter et maintenir chez les élèves cet élan de curiosité
qui les soutiendra dans l’effort et les aidera à vaincre un possible découragement.
Quelle promesse d’intelligence et d’émotion peut offrir des adolescents à l’étude des
textes littéraires ? C’est probablement la première question à laquelle il faut tenter de
répondre avant d’aborder plus concrètement les différents moyens de motivation.

39.1. Motiver par la réflexion épistémologique

Pour donner sens aux études littéraires, il semble nécessaire de mener avec les élèves
une réflexion de type épistémologique. Afin de leur permettre de se construire une
représentation du but à atteindre, il faudrait pouvoir répondre aux questions : qu’est que
lire un texte ? Qu’est ce que comprendre ? Qu’est ce que la connaissance en
littérature ? Proposition ambitieuse et difficile peut -être à mettre en œuvre. Du reste, il
serait illusoire de prétendre apporter des réponses définitives à des questions toujours en
débat dans la noosphère. Au contact des textes, lors d’un retour réflexif sur eux -mêmes
suscité par cette connaissance active décrite par M. Bakhtine dans le principe

141

dialogique, qui est au cœur de l’activité de lecture. Définissant la réaction du lecteur au
texte. M . Bakhtine parlait de « compréhension répondante » ; on pourrait introduire,
parce que explicite pour les élèves, le terme de « compréhension questionnant », même
si une des réponses supposées par. M. Bakhtine pouvait être une question. Le
questionnement e st en effet à la source de la connaissance. Dans son ouvrage de la
problématologie, Michel Meyer montre que la question peut rester dans la réponse et
qu’alors elle sert de tremplin à la réflexion et permet de poursuivre le dialogue. Cette
attitude métacog nitive peut aussi être suggérée, impulsée ou relancée par un
questionnaire de l’enseignant visant à impliquer les élèves. Dans ce cas, la réflexion
suscitée peut porter non seulement sur les démarches intellectuelles d’accès au savoir,
mais aussi sur la l ittérature elle -même. Il s’agit, en effet, de faire découvrir à ces
adolescents qu’une des spécifiés du texte littéraire tient à sa capacité à susciter des
lectures toujours différentes et que, de ce fait, il représente un espace qui les engage
personnelle ment.

Toutefois, afin que cet engagement soit véritablement lucide, il faut tenter de l’identifier
et pour cela, sortir du flou épistémologique qui caractérise l’approche des textes au
lycée. Il conviendra alors pour se situer et comprendre ce que l’on fa it de caractériser les
différentes approches possibles, de définir leurs apports et le rapport au texte qu’elles
impliquent. Certes, cette prise de conscience n’est ni facile, ni rapide, ni même
définitive : elle est le fruit provisoire et fragile d’une ex périence longue des textes et
d’une habitude au questionnement autoréflexif. Elle représente une enquête à poursuivre
car idéalement elle est affirmation d’une liberté.

Cependant, plus simplement, le fait de susciter chez les élèves des interrogations su r le
pourquoi des textes, sur la réalité et l’imaginaire auxquels ils renvoient, sur les
questions auxquelles ils répondent, représente déjà une manière de les impliquer dans
cette communication particulière qu’est la littérature et contribue en partie à c onstruire
leur réception. Du reste, l’interpellation directe que constitue le questionnaire est loin
d’être le seul moyen d’intervention sur la motivation. A côté de ce moment de dialogue
privilégié , d’autres activités inhérentes aux cours de français peu vent indirectement
remplir les mêmes fonctions .

Ainsi, les regroupements de textes qui mettent en scène des représentations de la lecture

142

peuvent assumer ce rôle : ils invitent implicitement les élèves à confronter leurs propres
réactions à celles d’écri vains ou de personnages romanesques et ainsi à se définir eux –
mêmes . Avec l e dispositif et les contenus qu’elle met elle -même en œuvre ,
l’institution scolaire donne moyens d’entretenir et de vivifier la motivation . Mais lors
des activités de lecture q ui ne reposent pas sur l’image spéculaire d’elle même ,
comment éveiller l’intérêt des élèves pour ces objets de langage qui leur sont souvent si
étrangers ?

39.2. Motiver l’étude des textes par la difficulté

Choisir de travailler sur des textes complexes peut sembler une attitude quelque peu
volontariste , mais quelle satisfaction pour les élèves de relever le défi. Loin d’être une
démarche élitiste , il s’agit comme le préconise Philippe Meirieu de trouve r une
situation stimulante qui mobilise les potentialités des élèves .

En littérature , il est assez facile de tirer parti du choc et des paradoxes . Les textes
opaques1, qui résistent à la compréhension et déconcertent , sont souvent une ressource
car il est vrai , comme l’écrit Mei rieu.P , ( 1987, p.85 ) « La relation pédagogique où
l’on voit comment le désir vit de l’énigme de la relation, et la relation de la médiation »
. C’est ainsi que nombreux les chercheurs qui recommandent de proposer aux élè ves des
textes problématiques et ouverts . Apprendre à aborder les textes littéraires comme des
objets étrangers et uniques , dévouer le piège de la transparence et de l’évidence , ces
deux démarches sont indispensables dans la motivation de la lecture.

39.3.Motivation et apprentissage

Les impasses et les limites de la pédagogie par objectifs introduite dans le système
scolaire au début des années 80 ont conduit à cette idée que , pour préserver la
motivation lors des apprentissages , il fallait partir de la perception de l’objet complex e
avant de proposer des médiations . En effet , si , en son temps , le mode d’apprentissage

1 Un texte opaque n’est pas un extrait (forcément sorti de son contexte) ni un court écrit créé pour un
manuel. Il offre une résistance relative à sa compréhension. Il ne s’agit pas pour autant d’instrumentaliser
la littérature (le texte opaque ne peut être que le support d’un travail sur la compréhension).

143

behavioriste a permis de prendre conscience de la complexité des tâches demandées aux
élèves , il s’est par la suite révélé inefficace . Le recours systématique aux différentes
taxonomies auxquelles il a donné naissance a conduit nombre d’enseignants à oublier
l’essentiel : le sens qui fonde les apprentissages. Les élèves , entretenus dans l’illusion
que leur réussite successive à un ensemble d’objectifs limités leur assurerait la maîtrise
de la tâche complexe dont ils poursuivaient l’apprentissage , effectuaient quantité
d’exercices dont ils ne percevaient pas l’intérêt . Non seulement la motivation était
remise en cause mais encore l’efficacité de l’apprentissage ca r la maîtrise d’un savoir –
faire ne résulte pas d’un cumul de savoirs simples. L’erreur de pédagogie par objectifs a
été de recourir à une autonomisation et une atomisation des savoirs sans penser la
manière dont ils interféraient , se mêlaient ou se combi naient au sein d’une même tâche .

Pour dépasser cette aporie, éviter cet éclatement stér ile des objectifs : il est nécessaire
de préserver le sens en finalisant les propositions didactiques . Ainsi , les médiations
didactiques, qui supposent une analyse et une déconstruction de l’objet complexe sur
lequel on travaille, doivent rester en permanence, en dialogue avec lui , le questionner ,
permettre de l’appréhender sous l’angle particulier qui pose problème . Pour cela et
pour se garder d’un schématisme s implificateur susceptible de développer chez
l’apprenant des comportements mécaniques, il faut que ces médiations didactiques
conservent elles -mêmes une relative complexité . Cela signifie qu’on allégera la
surcharge cognitive de l’apprenant mais aussi qu’ on l’invitera à gérer simultanément
divers problèmes .

Par ailleurs, c e qui importe, ce ne sont pas les savoirs factuels, ce sont ceux que l’élève
construit en établissant des relations. Pour illustrer ce propos , prenons l’exemple de la
découverte du c oncept de focalisation et de son étude motivée par la lecture d’une
description où le statut du regard semble problématique . Pour appréhender le concept ,
plutôt que recourir à des extraits relevant de focalisations homogènes , clairement
identifiables , il semble préférable de choisir des textes où s’opèrent des glissements de
focalisation .
Ainsi sont étudiées non seulement les modalités du regard mais aussi leur insertion dans
la trame narrative . Ces extraits , plus conformes à la réalité des textes ro manesques
étudiées au lycée , permettent, en outre, de mieux saisir le mouvement de l’écriture , les
légers affleurements d’une conscience étrangère qui brisent subrepticement la cohérence

144

du regard .

Lors des apprentissages , le riche terreau de ces tex tes permet d’appréhender
simultanément divers concepts et de découvrir leurs emplois et leurs nuances dans des
situations authentiques . Contrairement aux apprentissages organisés sur le mode
expositif , ceux qui partent de la réalité complexe des textes p résentent un double
avantage : non seulement ils préservent la motivation mais ils évitent aussi une
préstructuration trop simpliste des savoirs . Si l’on considère déjà une hiérarchisation et
que celle -ci, comme structuration simple peut obérer l’appréhe nsion future de structures
plus complexes, on a tout à gagner, à éviter cette situation .

Enfin , on ne peut s’intéresser à la motivation dans l’apprentissage sans évoquer les
travaux de Lev Semionovitch Vygotsky . Dans son œuvr e majeure « pensée et
langa ge », ce psychologue russe à mis en évidence le rôle essentiel de la médiation
pédagogique et a déterminé expérimentalement une zone ou les apprentissages peuvent
s’exercer efficacement . Cette zone dite de « développement proximal » se situe entre ce
que l’élève est capable d’effectuer avec un adulte et ce qu’il est capable de réaliser seul .
C’est pourquoi , au niveau du lycée , seules les propositions d’activités complexes sont
porteuses de cette promesse de maturité . Dans la relation pédagogique , l’interaction
structurante de l’enseignant doit constamment s’efforcer d’investir cette zone de
développement proximal pour lui faire franchir des seuils et viser l’autonomie dans le
développement.

39.4.Développer la mémoire : rappel , maillage1 et transf ert

Les expérimentations effectuées par Buzan ( 1984 ) ont mis en évidence qu’il était
possible , dans certaines conditions de vaincre l’oubli de maintenir 80% des savoirs
reçus en une heure . Il s’agit en fait d’organiser à des périodicités déterminée s des
rappels de connaissances . Effectuée à titre expérimental en collège , cette activation
volontaire de la mémoire a donné des résultats spectaculaires . Sans recourir à des
comportements aussi volontaristes , l’enseignant doit avoir le souci de favori ser , selon
des modalités diversifiées , un retour réflexif sur les connaissances . Des bilans réguliers

1 Action de former un réseau, de disposer une grille qui recouvre, enserre, etc..

145

peuvent assumer cette fonction de rappel et , dans une perspective d’auto -évaluation ,
fournir l’occasion d’instaurer un échange structurant sur les s avoirs en jeu . Mais au
delà de ces moments privilégies , l’enseignement du français par son organisation
même , repose sur le rappel , suscite la mobilisation des connaissances et les organise
en un « maillage » propice à leur mémorisation. Les groupem ents de textes par
exemple assure la mise en réseau de certaines connaissances et leur consolidation par
leur insertion dans les contextes différents .
Ainsi , autant que la mémoire sémantique , c’est bien souvent la mémoire épisodique
qui est sollicitée . Il en va de même de l’étude des œuvres complètes, qui par leurs
récurrences thématiques et structurelles, offrent des possibilités identiques . Et ceci
concerne aussi bien la mémorisation des savoirs que des savoir -faire : durant la lecture
des textes , des schèmes de démarche sont peu à peu intégrés . Ces « scripts » ou
schémas de connaissances permettent d’appréhender les situations nouvelles , tout
comme les prototypes permettent d’approcher les concepts .

L’intervention didactique doit insister sur l’autonomie de l’élève , en pensant et créant
des situations d’enseignement susceptibl es de favoriser les transferts. Ce concept de
transfert , défini par Vouilloux .B ( 1992, p96 ) comme le « geste intellectuel non
explicité par lequel on transpose un concept d’un champ à un autre ( (transfert externe )
soit à l’intérieur d’un champ ( transfert interne ) » , suppose une mémoire active et
revêt une place centrale dans la construction du savoir » . Le ressort qui rend
l’opération efficace étant l’analogie , l’enseignant ,en exploitant les similitudes de tout
ordre qu’offre à la littérature , peut même envisager une progression dans les transferts .
Ce qui importe au départ , puisque c’est la mémoire épisodique1 qui stabilise le sens ,
c’est de bien choisir la situation dans laquelle le concept est appréhendé . Le contexte ne
doit, en effet, être ni trop simple ni trop complexe. Trop simple, il rendrait aléatoires ou
impossibles les réinvestissements dans des situations complexes ; trop complexe, il
permet de ne favoriser que les transferts vers la simplicité . Or les transferts doivent se
faire dans les deux sens. C’est cette condition qu’ils signalent une réelle appropriation
du concept ou de la notion.

1 En psychologie cognitive , la mémoire épisodique désigne le processus par lequel on se souvient des
événements vécus avec leur contexte (date, lieu, état émotionnel). Cette sous -partie de la mémoire à long
terme s'oppose à la mém oire sémantique qui est la mémoire des faits et des concepts. Cette distinction fut
introduite par le psychologue canadien Endel Tulving en 1972.

146

39.5. Construire une culture, une identité, une sens ibilité

Au delà de la faculté intellectuelle qui intervient da ns diverses opérations mentales , la
mémoire est, d’une certaine manière, aussi synonyme de culture .
Si , comme on l’a vu , on ne peut l’assimiler à une immense bibliothèque , elle
représente cependant la possibilité de faire surgir au moment opportun certaines
références qui sont celles d’un patrimoine et que l’individu partage avec une
communauté . En cela, la mémoire contribue à construire non seulement la personnalité
mais l’identité soci ale et culturelle du sujet .

L’enseignement de la littérature entre pour beaucoup dans cette édification de l’être : les
textes proposés aux élèves suscitent rarement l’indifférence . Que la réaction soit un
rejet ou au contraire une adhésion admirative o u émue , elle s’inscrit en traces
mnésiques qui reviendront d’autant plus facilement à la conscience que l’émotion aura
été intense .

En effet , « on se souvient que de soit » , disent les psycologues , soulignant ainsi
l’importance des réactions indiv iduelles . Aussi une lourde responsabilité incombe -t-
elle à l’enseignant qui peut , par le choix des textes , contribuer à façonner la
personnalité de l’élève . Certains textes émeuvent , bouleversent , empoignent , remuent
et leur puissance émotionnelle g rave durablement la sensibilité des adolescents .

Cependant ,cette naissance à soi ne se réalise pas à chaque lecture . Certains textes , plus
éloignés des préoccupations des lycéens , n’ont pas cette puissance suggestive . Charge
à l’enseignant de les p roblématiser pour leur rendre leur force illocutoire , leur
permettre de briser l’indifférence et de trouver en eux des échos . Dans une lettre de
janvier 1904 à Oskar Pollack , Kafka1 disait : « on ne devrait lire que des livres qui
vous mordent et vous piquent . Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup
de poing sur le crane , à quoi bon lire (… ) un livre doit être la hache qui brise la mer
gelée en nous » (Voir annexe A)

1 Franz Kafka est un écrivain pragois (de Prague) de langue allemande et de religion juive, né le
3 juillet 1883 à Prague et mort le 3 juin 1924 à Kierling . Il est considéré comme l'un des écrivains
majeurs du XXe siècle .

147

Idéalement , cette image pourrait définir également les effet s de la médiation
enseignante . Redonner vie et couleurs au texte étudiés , timbre et vigueur à la voix qui
s’exprime , tel est, en effet, le rôle de l’enseignant avant que l’élève ne parvienne seul à
cette résurrection qu’est chaque réactualisation du tex te .

39.6.La médiation enseignante :

Essentielle , elle se manifeste sous des formes très diverses : choix des supports , aide à
l’acquisition des concepts , au développement de la mémoire , à la problématisation .
Mais, c’est un domaine où elle est particulièrement précieuse , celui de la formalisation
de la pensée . Confrontés à un texte , au moment où ils doivent émettre des hypothèses
de lecture , les élèves ont souvent de vagues intuitions mais ils ne trouvent les mots pour
les exprimer . Si l’e nseignant n’aide pas à leur verbalisation ces pensées latentes
s’effaceront sans avoir pris forme . C’est dans cette situation que la démarche
maïeutique devient particulièrement féconde car « Les mots ne se contentent pas
d’exprimer la pensée , ils lui do nnent naissance . » L’enseignant est donc important : il
s’agit de faire naitre la pensée , de la sortir de la gagner de la ciseler en convoquant et en
interrogeant ses présupposés . Cette explication implique chez l’élève des choix
successifs caractérist iques d’une pensée vivante . En cela, elle est à la fois medium de la
cognition et affirmation d’une liberté .

En classe comme dans la tradition , l’activité socratique repose sur l’échange oral , sur
l’interaction entre l’enseignant et les élèves d’une p art et entre élèves d’autre part. Mais
il est aussi possible dans cette première phase de construction du sens , de recourir à
l’écrit et d’inciter ainsi chaque élève à formaliser sa pensée . Vigotsky a mis en
évidence , dans un contexte différent il est vrai , le caractère conscient du langage écrit
qui suppose « une construction volontaire du tissu sémantique » . Contrairement au
langage intérieur, caractérisé par la condensation, l’ellipse et la prédominance du sens
sur la signification , contrairement au langage oral , qui bien qu’étant un langage pour
autre souffre d’une relative imprécision car « la rapidité du langage oral ne perd pas un
processus complexe de formulation, elle ne laisse pas le temps à la délibération et aux
choix » , le langage éc rit favorise la conceptualisation en une valeur éminemment
heuristique .

148

Voici donc les enjeux , les principes, les valeurs d’une didactique de la littérature
centrée sur l’apprenant . Si cette première partie accorde une place importante à la
question d e l’appropriation des savoirs et à la dominante psychologique, elle aborde
aussi la dimension épistémologique avec la conviction forte qu’il faut réserver le
caractère problématique de certains savoirs.

Cette partie de la recherche, consacrée de façon plus précise à la mise en œuvre d’une
didactique de l’écriture, est centré sur la motivation en raison de principes simples
qu’on énoncerai de façon très prosaïque : « la présence et le développement de la
motivation aident les apprentissages ; son absence ou son déclin les génent.
Fondamentalement , elle participe du sens que donne le sujet à ses activités »
(Reuter.Y,2002,p91)

40 .Pédagogie différenciée dans les activités d’écriture

« On peut dire , d’une manière générale , apprendre c’est acquérir un comportement nouveau , en
donnant au terme de comportement le sens large qui a déjà été introduit . Cette acquisition peut se faire
soit en l’absence de conscience de l’apprenant , on parle alors de con ditionnements , soit par une
intervention consciente de sa part , on parle de constructivisme » (Houssaye.J,1996,p315)

En effet, le développement de la capacité d’apprentissage est bien l’objectif que devrait
avoir toute personne qui s’adresse à un élève que nous appelons ici « apprenant ».
L’apprenant étant supposé essentiellement acqu érir des comportements nouveaux , il
importe , non seulement que l’enseignant lui fasse connaître ces comportements
nouveaux par la de scription , la démonstration , mais également qu’il lui fournisse les
moyens qui lui en faciliteront l’acquisition . Nous n’aborderons pas les problèmes posés
au formateur par la présentation du contenu d’enseignement , qui relève de la fonction
de dispensateur d’information . Nous nous cent rerons sur la fonction de facilitateur
d’apprentissage qui , de notre point de vue , devrait être la fonction essentielle d’un
enseignant . Elle consiste naturellement à développer la capacité d’apprentissage de
l’élève . Avant de pouvoir indiquer ce que peut être une action de développement de la
capacité d’apprendre , il importe de dire en quoi consiste cette capacité et pour cela de
commencer par rappeler ce qu’est apprendre . C’est ce que nous allons faire dans un

149

premier temps avant d’aborder les autr es question s qui viennent d’être évoquées :

« Dans un travail d’écriture autonome, l’enfant doit mobiliser de nombreuses compétences. Il doit
mettre en œuvre différents savoirs antérieurement constitués, en particulier sa connaissance du monde et
celle des paroles qui disent ce monde (un ensemble de savoirs qui, habituellement , sont verbalisés
oralement ) . Il doit aussi pouvoir se servir de tous les apprentissages en cours sur l’écrit, aussi bien en
réception (déchiffrage et compréhension) qu’en prod uction (activités d’énonciation écrite travaillée en
dictée à l’adulte, mais aussi apprentissage du code de l’écriture ,etc . ) ».
(Char tier.A.M,1998,tome01, p216)

La production écrite apparaît ainsi comme une activité dans laquelle chacun doit
s’appropri er de façon singulière tous les savoirs scolaires et non scolaires, de l’écriture.
Sa complexité mais aussi son extrême utilité en font un savoir -faire qui est, tout à la
fois, fortement valorisé et redoutablement discriminant. Il faut donc être attentif à ce
que les premières expériences d’écriture puissent être ressenties comme des réussites
par celui qui écrit , qu’il puisse à la fois éprouver l’exigence des consignes en cours de
travail.

En effet, comment initier précocement à la production d’écrits sa ns créer un facteur
supplémentaire d’échec scolaire ? Pratiquement, cette position n’est tenable, sans
stigmatiser les plus faibles ni cesser de stimuler les meilleurs, qu’à une condition : que
l’élève ait sans cesse l’aide nécessaire pour parvenir à ses f ins. Au cours préparatoire,
l’enseignant ne peut pas attendre que tout enfant parvienne à écrire ce qu’il veut de
façon autonome. En revanche, il peut avoir une exigence : que chaque enfant demande
les aides dont il a besoin. On peut alors attendre de lui qu’il produise un texte correct,
lisible par un tiers extérieur, en cohérence avec le thème déterminé. La gageure est
plutôt du côté du maître qui doit remplir la part du contrat qui lui incombe en apportant
l’aide nécessaire au fur et à mesure des demande s exprimées par l’un ou l’autre et non
en fonction de ses besoins supposés . Il doit donc résister à de multiples tentations :
aider l’enfant sans solliciter , formuler la demande à la place de celui qui écrit ,enrichir
ou remanier le texte , proposer une autre formulation ( plus élaborée , plus élégante ,
plus économique ) quand le texte , bien que conforme à la consigne , est plat ou
maladroit .Il faut donc distinguer de l’enfant (produire tel texte) et l’objectif du maître,
l’intérêt d’un écrit scolaire individuel n’est pas dans le produit final mais dans les

150

apprentissages qu’il occasionne : les corrections magistrales qui améliorent à peu de
frais les travaux d’enfants n’ont pas grand effet sur leurs savoir -faire et risquent de les
leurrer sur leurs cap acités.

L’enseignant doit, en revanche, réagir quand le texte proposé est difficile, est favorisée
ou pas selon le dispositif pédagogique mis en place. C’est pourquoi nous proposons que
ce soient les enfants qui s’adressent au maître et non le maître qui circule entre les
tables de la classe en intervenant quand il le juge nécessaire. Nous pouvons justifier ce
que nous venons de dire par ce qui vient ci -dessous.

Des psychosociologues étudiant les interactions entre maître et élèves ont remarqué que
les b ons élèves sont justement ceux qui sollicitent le maître le plus fréquemment, alors
que les élèves moyens ou en difficulté attendent d’être interrogés pour intervenir . En
faisant de la demande explicite la règle commune de la production d’écrit, on peut
inverser progressivement le processus. Les bons élèves sont gratifiés de montrer qu’ils
parviennent à se passer de l’aide du maître, ce qui les rassure dans leur statut de
réussite, l’enseignant , rapidement libéré d’une partie de la classe , peut se consa crer à
ceux qui en ont le plus besoin . Ces derniers apprennent à formuler leurs difficultés et
c’est bien là ce qui les aide à avancer. Il s’agit donc d’une pédagogie différenciée,
puisqu’en valorisant la conquête de l’autonomie , elle permet de moduler d e façon
souple les interactions entre adulte et enfants .

Cependant, l’objectif n’est pas seulement d’écrire seul mais de parvenir à écrire ce que
l’on a projeté. Au fur et à mesure que les textes se complexifient, les élèves se trouvent
devant des difficultés inédites, en particulier avec la gestion de formes ve rbales qu’ils
n’emploient jamais en parlant ( comme le passé simple ) et dont ils ignorent
l’orthographe . Le maître doit donc rester un recours toujours possible pour tous, même
pour les bons élèves , qui trouvent ainsi une stimulation pour produire de te xtes de plus
en plus complexes , au lieu de se cantonner dans des productions faciles .

151

41. Comment concevoir l’enseignement – apprentissage de l’écrit?

Dans cette partie de la réflexion didactique sur les apprentissages, on se situerai dans
une perspective essentiellement constructiviste ,marquée à l’heure actuelle par les
travaux de Vygotsky et de Bruner , dans la mesure ou elle nous parait , d’un côté ,
satisfaire aux exigences évoquées ( plausibilité théorique , souplesse … ) et , de l’autre ,
fructueuse sur le terrain , notamment en raison du statut fondamental donné aux acteurs
, aux activités et à la recherche du sens . Cela implique au moins cinq grandes
composantes :

-« L’accent est porté sur le fait que les sujets construisent activement savoirs et compétences( à la
différence de cadres transmissifs , dans lesquels les élèves sont considérés comme de purs récepteurs ) ; –
Ils les construisent su r la base de leurs compétences , de leurs représentations , de leurs savoirs
antérieurs ( à la différence de cadres au sein desquels les élèves sont considérés comme des tabula ras ) ;
-Ils les construisent dans un jeu constatant de conflits , de déséquilibres – rééquilibres , de
déstructurations – restructurations de leurs cadres de connaissances ( à la différence de cadres au sein
desquels les sujets les construisent par simple accumulation ou par substitutions ) ; -Conséquence des
points précéde nts , l’erreur possède un statut radicalement autre : marque de l’activité du sujet ( et non
d’une absence d’activité ou de manques et de défaillances ) et ouverture à des interventions didactiques
spécifiques à effectuer de façon positive ( et non trace d es sanctions à appliquer en renvoyant l’élève , de
façon mécanique , à refaire inlassablement ce sur quoi il échoue de façon tout aussi inlassable )
-Ce cadre constructiviste convoque quelques concepts de base( zone proximale de développement ;
étayage ; conflit sociocognitif , représentations ; modes d’apprentissage ) , aujourd’hui très à la mode .»
(Reuter.Y,2002,p78)

On présenterai ces composantes très succinctement, pour indiquer en ce quoi elle nous
paraissent utiles , mais aussi ce pourquoi on pen se qu’il est utile de s’en servir avec
prudence . Ils seront retravaillés de façon plus pratiques dans les chapitres suivants .
42. La rédaction comme lieu explicite de l’enseignement de l’écriture :la rédaction ou le
paradoxe d’une écriture qui ne s’ense igne pas

« Écrire revient à exploiter des connaissances hétérogènes dans des situations les impliquant toutes .
Que l’écrit ne soit pas la résultante mécanique de l’apprentissage de l’orthographe , des temps verbaux
et du complément d’objet direct n’est pas exactemen t ignoré mais bien , par contre , passé sous silence .
Le plus intervenant dans la production forme un complexe analysé, en demeurant particulièrement

152

efficace puisque c’est lui qui , en définitive , permet de faire la différence entre les ‘’doués ‘’ et le s ‘’ non
doués ‘’ . L’imprégnation et la limitation , en quoi consiste le ‘’plus ‘’ , directement issus du socle
didactique littéraire , tiennent lieu d’enseignement spécifique de l’écrit ure . » (Reuter.Y,2002,p14)

Dans cette conception didactique, l’écriture est un objet d’apprentissage mais n’est pas
un objet d’enseignement . Trop complexe ou trop aristocratique , elle ne peut s’acquérir
par la répétition , globalement , sous une guidance tâtonnante par essais réd actionnels et
erreurs bimensuellement reconduits : s’il y a , à l’époque , des dogmes , il n’y a par
contre , de théorie. En accord avec cette analyse , Reuter soulignera, d’abord, que
l’écriture n’est pas enseignée en tant que telle . Elle se présente de fait comme une
synthèse « magique » des autres enseignements , essentiellement les « sous – systèmes
» de la langue : orthographe ,syntaxe , vocabulaire , conjugaison … C’est aux élèves à
apprendre , par eux -mêmes , comment les intégrer .

L’absence d’en seignement de l’une de ces composantes citées ci -dessus s’articule sans
doute à une absence de théorie de l’écriture due à de multiples facteurs , parmi lesquels
l’évacuation de la rhétorique quand s’impose la composition dans les années 1880 et ,on
note, pendant longtemps , l’absence de recherches sérieuses en France sur l’écriture et
son apprentissage ;
-La grammaire qui sert de support aux enseignements est , de surcroit , relativement
contradictoire avec l’écriture de textes ( elle est essentiellement surnormative ,
intraphrastique et plus centrée sur la morphosyntaxe et l’énoncé que sur l’énonciation et
la pragmatique ) ;
-La prégnance de la « langue » est d’ailleurs confirmée aussi bien par les annotations
des enseignants qui portent principalement sur cette dimension ( au détriment des autres
aspects du texte ) que par l’auto – évaluation des enseignés qui estiment leurs progrès en
rédaction par rapport à l’orthographe ou à la conjugaison ;
-Dans ce cadre , l’écriture est « réduite » de diverses f açons : elle est réduite au cours
de français ( alors qu’on écrit dans toutes les disciplines à l’école ) , elle est réduite par
le temps qui lui est consacré dans ce même cours de français , elle est réduite à certaines
activités et à des types de textes .
-Que l’écriture ne fasse pas l’objet d’un véritable enseignement peut encore se repérer
dans les exercices proposés ( qui n’imposent pas de réflexion sur la tâche à mener ) ,
dans certaines consignes professorales ( la réécriture envisagée comme simple passage

153

du « brouillon » au « propre ») , dans les réponses souvent assez pauvres des élèves sur
leur façon de procéder …

Même si le modèle classique de l’enseignement de l’écriture tend perdurer , il existe
depuis longtemps déjà des éléments de changement qui s’exercent à côté de lui ou en
son sein : innovations pédagogiques , apports théoriques , propositions didactiques
divergentes . Nous traitons plus particulièrement dans cette partie certaines perspectives
pédagogiques ( issues du courant Freinet ou de la pédagogie du projet ) , sur des
propositions pédagogico – didactiques. Il serait difficile – quelque soit le domain e
scolaire considéré – de passer sous silence les apports du courant représenté par Célestin
Freinet et ceux qui s’en inspirent . L’ouvrage important de Pierre Clanché est venu
rappeler le rôle historique considérable mais souvent dénaturé du texte libre. I l en
restitue les invariants :

-Il n’est pas isolé mais mis en relation avec d’autres pratiques d’expression libre (
musique , dessin …) et fonctionne ainsi dans une inter -motivation qui fait que l’écriture
n’est plus le moyen absolument privilégie de l’expression des élèves ;
-Il est considéré comme une pratique de communication avant d’être un moyen
d’apprentissage de la langue ( accent porté sur la communication « réelle » ; choix du
support et des instruments , de la périodicité ,etc signalement de s problèmes mais pas de
sanction sur l’orthographe ,la syntaxe … ) ;
-Absence de notation mais une lecture possible dans le collectif -classe et une
impression – diffusion en fonction de l’intérêt suscité ;
-Il s’agit , enfin ,d’une pratique parmi de nombr euses autres pratiques scripturales au
sein de la classe .

Ainsi, il est clair que cette activité a influencé, directement ou indirectement , d’autres
courants de réflexion, essentiellement à l’école primaire . Parmi les points importants ,
on relève la v alorisation , l’écoute et le respect de l’enfant -scripteur , le rôle du groupe ,
la conception de l’écriture comme praxis n’excluant pas les dimensions matérielles
,l’intérêt porté à la construction du besoin d’écrire et le primat accordé au pourquoi sur
le comment , c’est -à-dire à l’élaboration des fonctions de l’écriture . Même si certains
points faibles sont à noter ( quant à la théorisation de l’écriture et des textes ) , ce

154

courant présente encore trois intérêts non négligeables : tout d’abord , les co nceptions
de l’élève et de l’apprentissage qui rencontrent nombre de thèses actuelles dans une
perspective psychologique ; ensuite ,le va -et-vient constant , grâce aux instruments de
travail ,entre perspectives globales de l’écrit ( fonctions , sens …) et travail sur les
unités inférieures de structuration ; enfin , l’importance dévolue à la pratique elle -même
. On ne résiste pas ici au plaisir de citer un passage emblématique et toujours actuel de
Célestin Freinet lui -même : « c’est vraiment en forgeant qu’on devient forgeron ; c’est
en parlant qu’on apprend à parler ; c’est en écrivant qu’on apprend à écrire . Il n’y pas
d’autre règle souveraine »

L’enfant apprend à parler en un temps record parce qu’il ne s’arrête pas de parler , et
que sa maman n’arrê te pas non plus de l’écouter et de lui parler .L’enfant apprendrait
de même à écrire à la perfection , sans aucun exercice systématique et sans règle
spéciale , si les mêmes conditions indispensables étaient remplies ; c’est -à-dire si
l’enfant écrivait et lisait ,non seulement quelques minutes par jour , mais pour ainsi dire
en permanence .

43. La progression , le niveau de lecture, la séquence

Pour ce qui est du professeur de français ,ces remaniements ne vont jamais de soi : le
double objet de sa di scipline -la langue et littérature – est un lieu privilégie
d’investissement de valeurs et de cristallisation de conflits . Jaloux de sa liberté
pédagogique , il entend répondre à sa façon aux finalités qui lui sont aujourd’hui
assignées : instruire des ado lescents et former des citoyens . Mais confronté aux
nouvelles populations d’élèves qui lui sont confiées et à l’aggravation de l’échec
scolaire , sommé à justifier l’efficacité sociale de son enseignement , il vit une sorte de
crise d’identité qui le rend méfiant face à la pédagogie et l’innovation . Pourtant dans
cette crise s’expriment de nouvelles interrogations : comment retrouver une crédibilité ?
comment introduire plus de rationalité et plus de lucidité dans l’enseignement ?

« Qu’il en soit conscie nt ou non , le professeur est porteur de modèles d’apprentissage qui sont façonnés
par son histoire personnelle et sociale , ses valeurs de référence et son rapport à l’institution . Ces
modèles , en grande partie opaques , sont constamment travaillés et r éajustés sous la pression de
multiples contraintes comme celles qui sont liées à la nature des savoirs enseignés , aux démarches des

155

élèves dont les apprentissages – fussent – ils méthodiquement programmés – sont toujours imprévisibles
et intempestifs , ou aux demandes , à un moment historique donné ,de l’institution scolaire ». (Biard.Jet
Dénis.F,1993, p09)

Au-delà des innovations individuelles, peu généralisables , les propositions ne
manquent pas . On sait que les professeurs de français rejettent tout ce qui peut les
enfermer dans ce qu’ils croient être des préceptes normatifs et qu’ils se désintéressent
des recherches qui leur paraissent coupées des réalités de la classe . Ils expriment ainsi
une aspiration qu’il convient d’entendre ,celle de voir se dessiner de nouveaux champs
de réflexion et d’action . Il s’agit donc , avec le présent point , de travaille r à ouvrir
l’enseignement du français .

Du point de vue scientifique , le professeur dispose , avec les textes réglementaires ,
d’une matrice épistémologique constituée d’une ébauche de paradigme et d’une
taxonomie conceptuelle . Il lui reste à découvrir ce que pourraient être les grandes lignes
d’un modèle de progression didactique ancrée dans une spécificité disciplinaire – «
L’étude et la pratique des textes » – et plus précisément , puisque c’est la littérature qui
fait l’identité et l’irréductibilité de l’enseignement du français , une progression
d’ensemble enroulée autour du pilier que constitue le texte littéraire .

44. Des outils pour construire des progressions :
44.1.la grille de lecture

la nécessité de munir les élèves de lycée d’outils de référence a fait naître de multiples
dispositifs dont les plus remarquables sont la grille de lecture et le référentiel d’analyse .
La grille de lecture se présente comme un déploiement ordonné de questions . Déchargé
de la tâche d’invention des questio ns , l’élève est rendu plus disponible pour la lecture
du texte à laquelle il peut consacrer l’essentiel de ses efforts . Deux types de grilles
existent : la grille unique , présentée comme applicable pour tous les textes , et la grille
spécifique , destin ée à la lecture d’un texte particulier .

156

44.2. Acte de langage

L’acte de langage ( parfois dénommé acte de parole ou acte de discours ) est une des
notions essentielles de la pragmatique linguistique . Sa théorisation est surtout le fait du
philosoph e Austin ( 1970 ) , prolongée par Searle ( 1972 ) . C’est la plus petite unité
réalisant par le langage une action ( ordre , requête , assertion , promesse … ) destinée à
modifier la situation des interlocuteurs . Le co -énonciateur ne peut interpréter que s’il
reconnaît le caractère intentionnel de l’acte de l’énonciateur .

Tout acte de langage s’inscrit ainsi dans un cadre institutionnel qui définit un ensemble
de droits d’obligations pour ses participants . Il doit satisfaire un certain nombre de «
conditions d’emploi » qui sont autant de « conditions de réussite » qui le rendent
approprié au contexte . Searle a proposé une typologie de ces conditions ; elles portent
sur les circonstances et le statut des participants de l’acte de langage , leurs inte ntions ,
les effets qu’il est censé provoquer .

On distingue dans un acte de langage deux composants : sont le « contenu
propositionnel » et « sa force illocutoire » . « Paul vient – il ? » et « Paul vient » ont le
même contenu propositionnel mais pas l a même force illocutoire , le premier étant une
question , le second une assertion . La force illocutoire peut être marquée explicitement
par un verbe ( « Je te promets de venir » , « J’affirme qu’il pleut » ) ou par la modalité
de la phrase ( « Viens – tu ? » est une question ) , mais elle est souvent reconnue grâce
au contexte .
En effet , pour Austin , en produisant un acte de langage on accomplit en fait trois actes
simultanément :
1.un acte locutoire ( on produit une séquence de sons ayant une organisation syntaxique
et référant à quelque chose ) ;
2.un acte illocutoire ( on accomplit dans sa parole même une action qui modifie les
relations entre les interactants : asserter , prome ttre … ) ;
3.un acte perlocutoire ( on peut accomplir un acte illocutoire pour réaliser des actions
très variées : une question peut être destinée à flatter le co -énonciateur , à montrer que
l’on est modeste , à embrasser un tiers , etc .) .Alors que l’ac te illocutoire est de nature
linguistique , qu’il est attaché à la profération d’une certaine formule , l’acte
perlocutoire échappe au domaine de la langue .

157

44.3.Communauté discursive

On entend par là, les règles sociales que produit et gère un certain type de discours (
Maingueneau 1984 ) . Le recours à cette notion implique que les institutions
productrices d’un discours ne sont pas des « médiateurs » transparents . Les modes
d’organisation des hommes et de leurs discours sont inespérables , l’énoncia tion d’une
formation discursive à la fois suppose et rend possible le groupe qui lui est associé
.Cette notion peut s’appliquer dans deux domaines différents :

-Pour les énonciateurs d’un même type de discours ( journalistique , scientifiques) , qui
partagent un certain nombre d e modes de vie , de normes ,etc. Exemple de ce type de
communauté discursive les communautés tra nslangagiéres ( Beacco 1992) , c’est – à-
dire les institutions qui énoncent dans plusieurs langues ( entreprises multination ales ,
recherche scientifique ) .
-Pour les énonciateurs relevant de positionnements concourent ( un journal , un parti
politique , une école scientifique … ) dans un même champ discursif et qui se
distinguent par la manière dont ils s’organisent : « Cette notion de communauté
discursive doit être spécifiée en fonction de l’approche que l’on mène . On peut
s’intéresser seulement à ceux qui produisent les discours ou prendre en compte
l’ensemble des divers types d’agents qui sont attachés à cette production » . (Biard.Jet
Dénis.F,1993, p26)

Cette production est assujettie à une évaluation et afin de respecter le cadre et l’esprit de
la recherche nous éviterons de développer les thèmes philosophiques concernant le droit
d’évaluer, l’utilité d’évaluer ou le rôle social de l’évaluation , si ce n’est à l’occasion de
pratiques qui soulèvent directement ces questions.

45. L’évaluation scolaire

Les méthodes d’évaluation dites « lourdes », modération statistique , établissement de
grilles complexes ,ou collaboration obliga toire avec des spécialistes seront omises au
même titre que celles qui demandent des modifications institutionnelles de grande
envergure .Assez paradoxalement , nous avons besoin de définitions deux à deux
opposées . Le dictionnaire courant propose les syn onymes : mesure , estimatio n , calcul,

158

appréciation,etc. Autant de termes relevant de deux ordres antagonistes : celui de la
précision et celui de l’approximation .

Les dictionnaires spécialisés opposent , quant à eux , une évaluation donnée comme
mesur e du degré de conformité à une norme , d’une part ,du degré d’atteindre
d’objectifs , d’autre part . Cette opposition mène aux notions modernes d’évaluation
sommative et formative que nous aborderons dans une autre partie. Il y aurait mille
manière de mont rer que l’évaluation ressortit à une problématique de représentation ,
donc au do maine général de la sémiologie. Voyons les aspects qui déterm inent des
options pragmatiques :« Une manière d’aborder cette problématique consiste à se
demander pourquoi transf ormer un jugement en une note . La réponse est : pour
pouvoir y appliquer des opérations ».(Houssaye.J et al, 1996, p235)

Un autre versant permet d’aborder la difficulté en considérant l’évaluation comme un
miroir tenu par un enseignant dans des angles variables ; sa fonction première est de
donner une image de leurs performances aux élèves. Autrement dit , de donner une
information en retour , supposée aider l’élève à progresser ; c’est le principe de
l’évaluation comme un miroir tenu par un enseignan t dans des angles variables ; sa
fonction dit , de donner une information en retour , supposée aider l’élève à progresser ;
c’est le principe de l’évaluation formative . Mais le problème des destinateurs n’est pas
clos lorsqu’on a dit que le miroir est par nature déformant . En effet , l’enseignant doit
en fait varier l’angle de manière à fournir aux autres élèves , à l’administration , aux
collègues et même à lui -même , un rayon incident issu de la même origine . Cette «
polydestination » nuit à l’efficac ité du message .

46. Les finalités de l’éducation

Quelque soit la rubrique envisagée dans les pages précédentes , on est frappé par
l’abondance des données et le rythme de l’évaluation . Mais cette double caractéristique
ne signifie point qu’on progres se vers une solution des problèmes concernés , ni même
vers une sédation des controverses dont ils sont l’objet . Au contraire , tout est en
suspens. Or cette incertitude , ces conflits , qui caractérisent si manifestement la
pédagogie , et , plus globale ment , la pensée éducationnelle du XXe siècle ne sont
nullement fortuits . Ils procèdent d’une raison décisive , encore qu’insuffisamment

159

discernée et , même , volontiers occultée : c’est la dilution , l’obscurcissement ,
l’éloignement des finalités . Cell es-ci exercent une fonction prioritaire ; celles sont , par
exemple , indissociables de la signification des méthodes ou encore de « l’évaluation »
qui , par définition ,met en œuvre une échelle de valeurs . En 1975 , nous avions dit ces
finalités « introuvables » . Qu’en est -il aujourd’hui ? Le sont -elles encore ?

Pour la clarté du débat , on rappellera d’abord que , malgré l’incertitude et de la
confusion des usages dont elle est l’objet , cette notion est à différencier de celles de «
but » et d’ « objectif ». Elles se situent donc dans le registre non de ce que l’on se
propose d’atteindre mais des raisons pour lesquelles on se propose , c’est -à- dire des
valeurs . Au -delà de toute réalisation effective ou possible , elles ont trait aux idéaux et
relèvent , à ce titre , de choix fondamentaux . La finalité d’une action , écrit R.Ruyer ,
en est le pourquoi , le sens , par opposition à son comment , aux mécanismes de
fonctionnement qu’elle met en jeu .

Or , perceuses ou ignorées par l’éducateur , des f inalités sont nécessairement à l’œuvre
dans son activité . Qu’il les discerne ou pas , y ait ou non réfléchi , il les poursuit à
travers la série de ses attitudes successives , y compris celles qui sont apparemment les
plus insignifiantes . Certes , étant , en définitive , les valeurs elles -mêmes en tant
qu’elles sont intellectuellement adoptées et fermement visées , elles transcendent tout
comportement particulier ; aucun ne les épuise et elles demeurent au -delà de tout
résultat , sans pouvoir jamais être véritablement ou définitivement atteintes . Mais ,
simultanément , elles sont immanentes à la pratique , car elles la pénètrent et
l’information ; elles assument vis -à- vis d’elle un double rôle : elles l’impulsent, et elle
offrent le référent auquel est renvoyé le référent que constituent les conduites à évaluer
. C’est dire leur importance et le désarroi qu’entrainent tout conf lit ou tout doute à leur
égard :

« l’histoire générale de l’éducation confirme l’enchevêtrement de trois séries distinctes de f inalités :
philosophiques , théologiques et politiques . Toute grande philosophie , de Socrate et de Platon à Kant ,
conduit à une réflexion sur l’éducation et , de façon plus au moins développée , la comporte . Posant des
valeurs , elle en propose une vo ie d’intériorisation. Toute théologie fait de même , et c’est pourquoi , tout
spécialement , les religions du Livre – Judaïsme , Christianisme , Islam – en énonçant leur conception du
sens , voient en l’éducation un chemin , voire le chemin du salu t » (Avanzini.G, 1996,p230)

160

L’institution scolaire , en France , est fille de l’Eglise . Tou te doctrine politique , enfin ,
élaborant une représentation des relations entre homme et société , se préoccupe d’y
susciter l’adhésion.Au début de la Troisième Répu blique , quatre finalités majeurs se
déployèrent : l’élévation du niveau culturel qu’exigeait le développement
technologique , la marginalisation de l’Eglise catholique que voulaient les courants
rationalistes , positivistes et laïcistes , enfin la tentat ive de restauration d’une unité
nationale .

Cependant , pour appréhender de plus prés la problématique actuelle , il faut identifier
quelques unes de ces alternatives face auxquelles se trouvent décideurs politiques et
praticiens de base . A défaut d’un impossible recensement , nous évoquerons certaines
de celles entre lesquelles , sans que ce soit toujours aisément visible ou clairement
énoncé , est engagé un affrontement dont , en dépit des souhaits ou des désirs , l’issue
n’est pas prévisible .

Une première option s’ouvre entre culture générale et spécialisation, c’est -à- dire entre
éducation et formation à visée professionnelle. L’éducation est ce qui vise à accroitre la
polyvalence du sujet, grâce à une diversité d’apports propres à éveiller l ’esprit de
manière omnidirectionnelle, avant toute orientation. L’on connaît la célèbre citation de
Valéry : « Nous naissons plusieurs et nous mourrons un seul » : l’on vient au monde
avec d’abondantes potentialités, mais les circonstances de l’existence n e donnent
l’occasion d’en explorer et d’en exploiter qu’une faible partie . L’objectif de
l’éducation, notamment permanente, c’est d’en susciter l’exploration et l’exploitation
maximales. Au contraire, la formation vise une qualification précise, limitée à une
compétence acquise en vue de l’usage qui en sera effectué, spécialement l’insertion
professionnelle.

L’école n’est -elle pas, selon la formule de M. Boutin, malade de la formation
professionnelle , c’est –à- dire de sa volonté de l’assumer ? A vouloir tout faire, ne
risque -t-elle pas de tout manquer ? Demain ,cette question deviendra encore plus
complexe ; vue les transformations technologiques ,économiques et sociales et la
mobilité multiforme censée s’en suivre , comment choisir une formation qui
favoriserait la découverte de débouchés immédiates quoique en compromettant les
réadaptations ultérieures , et une éducation qui féliciterait éventuellement ces dernières ,

161

mais au risque de ne fournir aucune qualification immédiatement utilisable et d’être
accusée par les milieux professionnels d’indifférence à la conjoncture ?

Ce débat rebondit dans le registre politique , à propos des risques opposés de trop
concéder à l’entreprise ou d’en ignorer les exigences. Dés lors, un deuxième débat porte
sur la préférence à donner à un objectif d’adaptation ou à l’éveil de l’esprit cri tique.
Doit-on délibérément et d’emblée favoriser l’insertion, l’intégration, l’intériorisation
des normes sociales, considérer que l’évolution d’une société à un moment déterminé
est un fait et que, sauf à se manifester, il est indispensable de le prendre pour ce qu’il
est ? Ne doit – on pas plutôt rejeter l’idée d’évolutions inévitables, auxquelles il
s’imposerait, qu’on le souhaite ou non, de consentir ? Ne faut -il pas, donc, former
d’abord au jugement personnel, éveiller l’exigence, amener à prendre du recul, à
distinguer le droit du fait , à ne pas accepter tout ce dont on est le témoin et , plus encore
, à refuser de s’en faire l’agent ? Comment harmoniser ces deux finalités, éviter de
désadapter sous prétexte d’ouvrir le sens critique ? Y a -t-il une a rticulation entre l’un et
l’autre ? Comment contribuer simultanément à l’adaptation sociale et à la libération de
l’esprit ? Comment promouvoir le jugement personnel sans s’exposer à développer un
penchant soit à contester à tort et à travers ?

A travers , cela , une troisième alternative s’ouvre entre le privilège confère à
l’épanouissement personnel ou la soumission à des fins sociales collectives . Doctrines
et pratiques peuvent être classées par rapport à ce critère. L’objectif est -il de préparer
aux e xigences d’une société et aux fonctions qu’elle offre, même au prix d’une
orientation fortement dirigée, ou de permettre le libre choix de chacun, exclusivement
selon ses goûts ? Ces conceptions butent toutes sur une objection : la première se
heurtant au risque de sacrifier à des fins sociales et d’emblée contestables les aspirations
individuelles et de rencontrer les résistances de ceux qui n’entendent point y renoncer ,
la seconde échouant à aménager la correspondance des désirs aux besoins des divers
secteurs professionnels : l’absence de toute régulation peut provoquer à la fois la
surabondance de l’offre dans certains domaines et l’insuffisance en d’autres .Nous
avons essayé, ci -dessus, d’effectuer un parcours sur les finalités de l’éducation en
France . Qu’en est -il de Notre pays l’Algérie ? Ci après, nous allons tenter de déceler les
principaux points qui nous concernent.

162

46.1.Le contexte algérien : Rappel des finalités et des objectifs du système éducatif

Au-delà des spécificités des domaines de c onnaissances et des champs disciplinaires
qu’ils ont en charge, les programmes à élaborer doivent assumer leur part, en
complémentarité avec les autres composantes du système, pour la concrétisation des
objectifs de transmission et d’intégration des valeur s relatives aux options nationales :

-« Valeurs républicaines et démocratiques : développement du sens et du respect de la loi, du respect
d’autrui et de la capacité d’écoute de l’autre, du respect du pouvoir majoritaire et du respect des droits
des mino rités.
– Valeurs identitaires : maîtrise des langues nationales et valorisation de l’héritage civilisationnel
qu’elles véhiculent à travers, notamment, la connaissance de l’histoire et de la géographie du pays et
l’attachement à ses symboles ; prise de co nscience identitaire et consolidation des repères géographiques
et historiques, des fondements et des valeurs spirituelles et morales de l’Islam, des valeurs de l’héritage
culturel et civilisationnel de la Nation algérienne.
– Valeurs sociales : développem ent du sens de la justice sociale, de la solidarité et de l’entraide en
renforçant les attitudes de cohésion sociale, en préparant à servir la communauté et en développant le
sens de l’engagement et de l’initiative en même temps que le goût du travail.
– Valeurs universelles : développement de la pensée scientifique, de la capacité de raisonnement et de
réflexion critique, maîtrise des instruments de la modernité d’une part, protection et défense des droits
humains sous toutes leurs formes, préservation de l’environnement, ouverture sur les cultures et les
civilisations du monde, d’autre part. » (Commission nationale des programmes, 2006, P 24)

L’école doit -elle d’abord favoriser la formation d’une élite ou se préoccuper
prioritairement de la promotion de tous ? Entre ces deux finalités , y a -t-il
incompatibilité radicale ou , au contraire , matière à compromis sans compromission ?
Pour les uns , ce qui compte d’abord , c’est de faire accéder un certain nombre de sujets
au plus haut niveau possible et , pour les autres , de tout mettre en œuvre pour remédier
à l’échec . Dans le premier cas ,on sacrifie les moins capables de brillantes
performances dont , dans le second , la « politique de la réussite » se préoccupe
prioritairement . Faut -il réserver à quelques -uns la possibilité de construire et de mener
à bien les autres, qu’une insertion minimale ? Ce sont deux modèles de société
philosophiqueme nt irréductibles . Les établissements qui annoncent bruyamment leurs
pourcentages de réussite au baccalauréat et s’en prévalent vaniteusement illustrent le
premier choix , de manière d’ailleurs fallacieuse , car ces sources n’ont de signification

163

que par r apport au niveau initial des candidats ; et il est plus malaisé de faire réussir
quelques élèves au départ fortement handicapés que toute une cohorte de « sur-
doués ».Cette divergence est bien illustrée par le débat actu el sur l’apprentissage
précoce.

Aujourd’hui , notre société se fait peur à elle -même face aux drames qu’elle ne sait
gérer . Face à l’extension de la violence , plusieurs auteurs parlent de « retour des
valeurs » et préconisent d’y éduquer . Certes , cela est légitime , voire urgent . Mais à
quelles valeurs ? Comment y renoncer sans choisir en fait de favoriser l’individualisme
et l’égoïsme ? Mais comment s’y adonner sans risquer d’induire un endoctrinement qui ,
dans un corps social disloqué , apparaitrait justement à certains de ses compo santes
comme une pression inadmissible ? Il y a là deux finalités incompatibles et , si l’on
retient la seconde , il s’ouvre une série d’éventualités divergentes entre des axiologies
qui le sont aussi .

46.2.L’état actuel de l’évaluation scolaire

Malgré son extension , l’originalité des rapports et l’intérêt suscité , ce domaine de
recherche reste jeune et balbutiant . Nombre de travaux reprennent les mêmes études ,
sans faire recours de façon suffisamment systématique à l’état de la question ou aux
cadres théoriques déjà discutés . C’est notamment le cas de nombreuses recherches
anglo – saxones qui ignorent systématiquement les travaux publiés en anglais . C’est
également le cas de travaux français qui ne prennent pas en compte les publications en
langue espagnole , zone linguistique ou la didactique a pris un essor important ces dix
dernières années .

Par ailleurs , les conséquences directes de la didactique sur l’enseignement apparaissent
encore limitées . Il est vrai qu’elle n’a pas reçu un appui important en matière de
moyens et de personnels de la part des pouvoirs pub lics ou des entreprises privées . De
par sa lourdeur , le système éducatif évolue extrêmement lentement .Il est encore délicat
de fournir un état du domaine d’investigation et de ses limites . La didactique est
présentée avec des nuances certaines selon les chercheurs . Ces variations traduisent
l’évolution , les débats et les enjeux qui la traversent . Essayons de repérer comment elle
est définie et quels sont ses champs d’applicatio ns .

164

Ainsi, suivant les auteurs , la didactique est présentée soit comme :
-La science des conditions spécifiques de l’acquisition provoquée des connaissances (
Artigues , 1993 ) ;
-La science des conditions spécifiques de la diffusion des connaissances …utiles au
fonctionnement des institutions humaines ( Brousseau , 1993) .

En fait , c’est toute l’histoire de ce nouveau domaine qui est traduite dans cette
opposition . Après être préoccupé de l’enseignement , l’accent a été mis sur
l’apprentissage , en tant que facteur limitant et centre d’intérêt pour mettre en avant des
conditions le facilitant . Pour tous , cependant , ses objets d’études sont multiples .Il
comporte l’approche :
-De la transmission des connaissances et des capacités ; elle constitue , par conséquent ,
le noyau cognitif des recherches sur l’enseignement ( Lacombe , 1985 ) ;
-Des processus de transmission et d’acquisition relatifs au domaine spécifique ( d’une
discipline ) ou des sciences voisines avec laquelle elle interagit ( Vergnau d , 1985 ) ;
-Des procédures d’enseignement et de formation et la recherche des plus pertinentes (
Avanzini , 1986 ) . De même , ces auteurs sont d’abord pour avancer que la didactique
se différencie de la pédagogie par la prise en compte systématique des processus
disciplinaires ( Audigier , 1990 ), son développement ( Brun , 1981 ) . Il s’agit de
connaître les opérations qui se passent quand on apprend une discipline , et au service
de cet apprentissage , de mieux maîtriser et de cerner les problèmes qui se posent quand
on enseigne : en somme d’exercer le métier d’enseigner , autant que possible , en
connaissance de cause ( Moniot , 1993 ) .

La didactique constitue donc une discipline d’action , ou une technologie au sens
général du terme … située à l’int ersection de deux domaines , ou de deux états de faits :
l’état de l’enseignement d’une matière scolaire , et l’état des différentes disciplines
scientifiques de références ( Bronckart , 1989 ) . Elle vise à modifier les pratiques
enseignantes , à les fair e évoluer et à fonder ainsi l’innovation .

Toutefois, et cela est fondamentalement nouveau , les transformations envisagées ne
sont plus pensées a priori ou à partir de quelques considérations générales ( types
philosophiques ou sociologique ) ; elles son t associées :

165

-A des investigations sur le terrain ( introduction d’innovations et évaluation ,
connaissance du public , etc . ) ;
-A un travail théorique qui fournit les outils mé thodologiques de ce changement. Son
but est la connaissance d’une certaine catégorie de phénomènes (fonctionnement des
élèves , organisation du savoir , etc . ) . Pour en retirer des techniques , des décisions ou
des moyens d’action .
En d’autre termes , elle est l’organisation fonctionnelle de données théoriques à des fins
pratiques ,relatives à un domaine déterminé , dans un système donné , en vue d’une
application créant une situation favorable à un apprentissage et à son transfert . Avec le
recul , on constate que la didactique aborde un ensemble de questions très larges .
L’analyse des publications montre qu’elle se préoccupe d’aspects aussi divers que :
-Le développement intellectuel de l’apprenant , ses stratégies pour apprendre ,ses
obstacles ;
-Les savoirs « utiles » ;
-L’efficacité du système scolaire en ce qui concern e les compétences les plus générales
( autonomie de l’élève par exemple ) ou les plus spécifiques ( apprentissage du dessin
technique ) ;
-L’exploitation « au mieux »du temps disponibles ;
-La rationalisation de l’action éducative afin de lutter contre le gaspillage d’énergie et la
surcharge de programmes .
Dans le même temps , elle à pour projet de fournir à l’enseignant titulaire de classe des
moyens pour assumer et justifier ses propres choix pratiques en mesurant les
conséquences ou en les situant dans un projet global de formation. Pour les concepteurs
de programme , elle propose des éléments pour tenter de les organiser et définir des
niveaux de formulation de savoir. Enfin , elle suggère des ressources pour constituer des
documents ou des multimédia s lisibles , compréhensibles ou attractifs , etc .

A l’usage , ces préoccupations peuvent être regroupées dans un ensemble de questions .
1. Quoi enseigner ? Pourquoi ?
2. Comment enseigner ? Par qui ? Quand ?
3. Avec quel coût (en personnel et en équipements ) ?
4. Quel est le rapport qualité -prix ?
5. Comment mettre en place un changement institutionnel ?
6. Quel investissement faire dans la formation des personnels ?

166

46.2. L’analyse des finalités et l’identification d ’objectifs « réalistes »

Un premier champ de questions est celui des finalités éducatives possibles . Quels
objectifs retenir par disciplines et par niveaux ? En d’autres termes , quoi enseigner (ou
médiatiser si l’on panse une éducation non formelle) e t pourquoi ? Dans le contexte
actuel , le message à transmettre devient une préoccupation majeure . Les programmes
actuels sont très souvent décidés par reproduction des programmes antérieurs , et cela
au travers de découpage disciplinaires en place . Parc e que depuis cent cinquante ans on
enseigne la « tuyauterie » de la digestion en biologie , parce qu’on présente toujours la
Guerre de Troie en histoire , les enseignants , les décideurs ( et même les parents )
ressentent une certaine obligation à les con server dans les programmes .

Pourtant , les savoirs évoluent très rapidement : au cours de ces dix dernières années ,
nous avons assisté à l’émergence de multiples champs d’investigation et à des
changements considérables de concepts et même de paradigmes . Qu’adviendra -t-il des
savoirs et des modèles actuels ?comment gérer cette augmentation considérable de
connaissances ?On observe un accroissement exponentiel des savoirs . Ils ont été
multipliés par 2 en huit ans pour la chimie , en dix ans pour la mé decine .Va -t-on
augmenter le nombre d’objectifs , et , par là , le nombre d’heures de cours d’un facteur
équivalent ?

Ensuite , comment relever le défit de la complexité de la société actuelle ? Il devient
utile :
-De saisir des interactions , des inter dépendances entre les multiples éléments de
systèmes très organisés ;
-De percevoir comment les systèmes se structurent .
Il s’agit de dépasser des contradictions , des synergies entre ces derniers ou encore du
gérer des paradoxes .L’approche classique qui consiste à disséquer les « objets, les «
phénomènes » à travers des disciplines apparaît fruste et très souvent obsolète . Enfin , il
apparaît fondamental de panser les objectifs éducatifs en fonction des projets des élèves
( actuels ou futurs ) . Ce typ e de réflexion conduit à remettre en cause profondément les
contenus de l’enseignement et même les disciplines enseignées .

167

Ces nouveaux objectifs , les conditions de massification de l’école ( notamment aux
niveaux secondaire et universitaire ) requière nt de nouvelles stratégies d’enseignement .
Comment enseigner tel savoir , notamment pour les élèves en difficulté ?Mais aussi ou
et quand ?Contrairement à l’habitue , ce n’est pas parce que l’enseignant a traité tout
son programme et mené son cours avec s érieux qu’il à nécessairement transmis un
savoir .

En effet, par des pratiques d’évaluation , les recherches didactiques ont éclairé les
raisons de l’échec tant de pratiques pédagogiques traditionnelles que de nombres
d’innovations .Elles ont conduit à se décentrer des modalités habituelles de
l’enseigneme nt en montrant que les savoirs fondamentaux ne s’acquièrent jamais par
transmission directe d’un enseignant à un élève . L’apprenant a été progressivement
introduit au « cœur du » processus éducatif . Ce dernier ne se comporte nullement
comme un système d’enregistrement passif . La didactique s’est alors interrogée
timidement , puis de façon plus systématique :

-Sur les idées , les exploitations , les façons de raisonner propres à l’apprenant ( enfant
ou adulte ) ;
-Sur les façons dont ce dernier décod e les informations , pratique des expérimentations ;
-Sur les cheminements qui conduisent celui -ci à transformer ou réorganiser son système
de pensée .
-Progressivement , ces études ont conduit la didactique à revenir sur les conditions , les
contextes , l es stratégies pédagogiques , les aides didactiques ou les environnements qui
favorisent l’apprendre , le comprendre , la mobilisation des savoirs . Des prémisses de
modèles nouveaux ont été élaborées avec quelques débuts de succès . Ceux -ci
conduisent à pe nser autrement la relation éducative , notamment la relation apprenant –
savoir . Ils induisent par ailleurs l’idée d’une éducation intégrée .

Un dernier champ d’investigation est apparu récemment en relation avec des questions
de généralisation d’activités réussies ou de pertinence de changement. La
transformation du système éducatif est un phénomène complexe à l’image du système
en place . Toute activité de formation engendre des coûts en personnel et en
équipements . Toute modification nécessite des inve stissements . Ces questions ne
peuvent être éludées plus longtemps . Quel en est le rapport « qualité – prix » ? Si l’on

168

augmente le temps scolaire de deux heures , quelle amélioration de l’efficience scolaire
va-t-on l’obtenir ? Jusqu’à quel point la dim inution du nombre d’élève est -elle
profitable ?
Comment transposer une pratique pédagogique réalisée par un petit groupe d’enseignant
motivés ? Par ailleurs , comment provoquer ou mettre en place un changement
institutionnel ?

Jusqu’à une époque récent e , les décideurs , les administrateurs envisageaient le
changement au travers de réformes nationales . Aujourd’hui certains rêvent de réformes
européennes , voire mondiales . L’histoire de l’éducation nous apprend qu’une
circulaire ministérielle reste trè s insuffisante pour produire une transformation notable .
On ne change pas par décret des pratiques , les habitudes très ancrées , encore moins des
mentalités . Les travaux de didactique montrent que l’évolution du système éducatif ou
des pratiques scolair es a plus chance de réussir si elle passe d’abord par la conscience
des auteurs. La capacité des enseignants à remédier localement aux imperfections qu’ils
constatent est prépondérante . Encore faut -il qu’ils possèdent les outils , les moyens et
les ressou rces pour intervenir d’autres fonctionnements possibles .

La recherche en didactique procède ainsi de l’analyse des situations qui posent
problèmes à la proposition de solutions pédagogiques , avec un détour obligé
l’importance variable par la réflexion théorique , les investigations ( étude des
conceptions des enseignants sur l’apprendre par exemple ) et l’expérimentation
empirique ( recherche – formation ) . Son but est de produire les structures et les
instruments nécessaires à une formation initia le et continue des enseignants.

46.3.Principaux apports au champ éducatif

Les apports de la didactique aux sciences de l’éducation sont multiples . Ils reposent
tout à la fois la question des pratiques e t celle des modèles théoriques. Ses premiers
succès portent sur la connaissance de l’apprenant et sur les modèles d’ «
apprendre » . De plus , ces concepts nouveaux reformulent nombre de question
éducatives , notamment les finalités éducatives et le fonctionnement habituel de l’école .
Le courant didactique montre que l’élaboration des connaissances et des compétences
ne procède :

169

-Ni d’un modèle transmissif ( le savoir ne peut se transmettre frontalement d’un
enseignant à un apprenant ) ;
-Ni d’un modèle additif ( une nouvelle notion ne s’additionne pas directement aux
connaissances antérieures ; chaque notion nouvelle provoque une réorganisation de ces
connaissances ) .L’apprenant apprend au travers de ce qu’il est a partir de ce qu’il
connaît déjà .

Avant tout enseignement , ce dernier possède généralement un ensemble de questions ,
d’idées et de façons de raisonner sur la société , l’école , les savoirs , l’environnement et
l’univers , et tout ces éléments ( souvent implicites ) orientent son approche .

Cet ensemble de paramètres indi spensables pour apprendre sont regroupés sous le
vocable de conceptions . Ces dernières , seul instrument de compréhension dont dispose
l’élève , ont une certaine stabilité . L’appropriation d’une connaissance et l’acquisition
d’une démarche en dépendant . Si le système d’enseignement n’en tient pas compte , les
conceptions se maintiennent et les connaissances enseignées glissent à la surface des
apprenants sans même les concerner ou les imprégner .

L’organisation de pensée et l’apprentissage d’un savoir p rocèdent uniquement de
l’activité mentale de l’apprenant . On ne peut transmettre des connaissances comme on
transvaserait des contenus d’un récipient à un autre , ou comme on transférerait un objet
d’un acheteur à un autre . Toutefois , ces mêmes recherc hes montrent également la
nécessité de dépasser les simples perspectives constructives du développement de
l’enfant . Apprendre , c’est autant évacuer des savoirs peu adéquats qu’en approprier
d’autres . C’est le résultat d’un processus de transformation m ultipl e ( transformation de
questions , d’idées initiales , de façons de raisonner habituelles ) où des activités de
construction et de déconstruction interférent ; où les mises en réseau apparaissent
prioritaires , de même que les émergences de sens .

De plus , il est nettement apparu que les différents modèles constructives ne disent rien (
ou presque ) sur les contextes ou les conditions facilitant l’apprendre . Ils fournissent
peu d’applications pour des situations ou des environnements favorisant cet acte .
L’apprentissage optimal varie en priorité avec le contenu et avec le savoir cognitif
mobilisé par l’élève dans une situation particulière .

170

D’autres micro -modèles , connus sous le terme générique de modèle allostérique
( Giordan et De Vecchi , 1987 ) , se sont ainsi peu à peu imposés . D’une part , ils
mettent l’accent sur les cheminements , sur les processus , sur les capacités de transférer
une connaissance acquise dans une situation nouvelle , sur un certain degré d’autonomie
face aux apprentissa ges . L’acquisition de connaissances procède d’une activité
d’élaboration d’un apprenant confrontant les informations nouvelles et ses
connaissances mobilisées et produisant de nouvelles significations plus aptes aux
interrogations ( Giordan , 1989 ) . Un savoir ne se substitue aux présupposés de l’élève
que si ce dernier y trouve du sens et apprend à le faire fonctionner . Pour cela , il doit se
trouve confronté à des situations qui l’interpellent , à des informations qui l’aident à
penser .

D’autres part , le modèle allostérique met en place un environnement didactique
facilitateur constitué d’un cocktail de paramètres , tous indispensables . En effet ,
l’apprenant à peu de chance de « découvrir » seul l’ensemble des éléments pouvant
transformer ses ques tionnements . Son apprentissage sera facilité s’il est mis dans des
situations adaptées ( situations questionnantes , confrontations multiples ) , s’il trouve à
sa disposition un certain nombre d’éléments significatifs ( documentations ,
expérimentations , argumentations ) et certain nombre de formalismes restreins (
symbolisme , graphes , schémas ou modèles ) pouvant être intégrés dans sa démarche .
On peut ajouter qu’un autre niveau de savoir ne se substitue à l’ancien que si
l’apprenant y trouve un intér êt et apprend à le faire fonctionner .

L’école se trouve ainsi face à un paradoxe à gér er . Elle doit , tout à la fois , favoriser les
conditions d’une autodidaxie , et en même temps permettre à l’apprenant de se
confronter à des contextes porteurs de sen s . Pour créer les conditions d’un auto –
apprentissage . L’école peut favoriser les activités d’investigation , d’élaboration , de
production par les élèves eux -mêmes . Des pédagogies de projet , des actions sur le
local , des contrats ont été développés ; des moments de mise en perspective des savoirs
ou de mobilisation introduits , etc . Dans le même temps , l’école peut faire une place à
l’auto -enseignement , par l’introduction de réseau x de savoirs entre les élèves.
Transmettre un savoir devient égalemen t un moyen perf ormant pour l’appréhender .
Etc.

171

Des pédagogies intégrées ont été introduites grâce à des lieux de documentation , des
multimédias , des ateliers , des travaux de groupe , des exercices de simulation , ou
encore par l’approche de situatio ns réelles ( en liaison avec des organismes externes :
musée , associations , médias , etc .).

Les travaux de didactiques ont également montré que le rôle de l’école ne devrait plus
consister à inculquer des connaissances « à l’état pur » , sans contrib uer à
l’organisation par les apprenants , des connaissances complexes et mal situées qu’il a
pu glaner antérieurement . Dans bien des cas , il s’agit de saisir et d’analyser les
éléments d’une situation complexe pour agir et opérer .

En revanche, l’app roche par objectifs a été renouvelée , en contribuant à la
clarification des enjeux . Pour ce faire , d es grilles d’analyse ont été produites par
discipline pour :
-Établir un état de l’efficience des programmes et des pratiques en cours ;
-Analyser le statut des finalités ;
-Définir des objectifs réalistes en fonction des potentialités des élèves
( niveau de formulation ou niveau d’exigence ) ;
-Identifier les stratégies pédagogiques ( situations , interventions et aides didactiques ,
etc . ) adaptées à chaque « pool» d’objectifs ;
-Produire des outils pour l’évaluation ( grille d’analyse élève , grille d’analyse stratégie ,
etc . ) ;
-Produire des outils pour la formation des enseignants ( grille d’analyse des conceptions
, grille d’ana lyse des obstacles ou des objectifs -obstacle , etc) ;
-Veiller à la cohérence d’ensemble de la démarche .

Par ailleurs , les travaux de didactique ont mis en évidence les énormes lacunes existant
globalement dans les savoirs scolaires . Des champs entie rs de savoirs contemporains
sont absents ou extrêmement restreins à l’école . Des choix drastiques sur les contenus
actuels sont à réaliser .

En premier ,il apparaît préférable d’apprendre aux élèves à gérer ces connaissances par
eux – mêmes. Apprendre à gérer sa formation devient également une priorité .
L’appropriation d’attitudes est fondamentale en tant que moteur de mobilisation des

172

savoirs .

Bien que des concepts soient encore peu fixés et que certains d’entre eux soient
vivement discutables , le courant de la didactique renouvelle la recherche en sciences de
l’éducation , introduisant une approche tendant vers plus d’objectivité . Les aspects
éthiques ne sont pas éludés , elle les considère comme un paramètre indispensable à
clarifier dans toute approche éducative .

173

CHAPITRE II :

LE LANGAGE ÉCRIT :DE LA
RÉCEPTION A LA
PRODUCTION :QUELS PROCESSUS
COGNITIF DE LA COMPRÉHENSION DE
L‟ÉCRIT ET QUELS TRANSFERTS DE
COMPÉTENCES ?

174

LE LANGAGE ÉCRIT :DE LA RÉCEPTION A LA PRODUCTION :QUELS
PROCESSUS COGNITIF DE LA COMPRÉHENSION DE L‟ÉCRIT ET QUELS
TRANSFERTS DE COMPÉTENCES ?

01.Le langage écrit

Lorsque nous savons qu’un enfant a appris à lire ; « nous entendons par là qu’il est capable à
la fois de comprendre et de prononcer le langage écrit . dans la quasi -totalité des cas , cette compétence
suppose une maitrise préalable de la langue parlée . des remarques élémentaires de ce type signifient
qu’un examen préalable du langage écrit et de sa relation avec la langue parlée nous aidera à
comprendre tant la lecteur que l’écriture »(Andrew,1989,p15) .

Comme c’était ( ou c’est encore ) le cas de certaines culture s récentes ne disposant
d’aucun système d’écriture , comme par exemple en Amérique du nord , en Afrique
centrale, en Asie du sud -est et en Sibérie , les hommes préhistoriques utilisaient des
dessins pour transmettre l’information .
02. Lire et écrire en français langue étrangère

Pour des raisons plus objectives, tenant aux conditions historiques de développement
des divers skills ( oral ,écrit , en expression et en compréhension ) en didactique du
français langue étrangère on peut, expliquer sinon justi fier le choix d’un panorama
nettement moins d’avoir connu une histoire méthodologique symétrique .
Ainsi pour ce qui est de leur traitement pédagogique, production et interprétation ont –
elle été, assez systématiquement ( et naturellement ( ?) ) , perçues c omme un tout dans
l’ordre oral , alors qu’elles connaissaient le plus souvent un développement séparé dans
l’ordre scriptural : « Oral et écrit , enfin , se sont vu situer diversement par rapport à différents
champs de référence théorique , et ces référenciations ont pu, elles aussi , jouer parfois en faveur du
cloisonnement . Pour ne fai re encore qu’évoquer un exemple , le recours à certains modèles descriptifs de
l’activité de lecture conduit à disqualifier la mise en correspondance grapho –phonémi que comme
instrument d’accès au sens , et milite donc de facto en faveur d’une séparation entre l’activité
pédagogiques de l’ordre oral et activités pédagogiques de l’ordre scriptural » . (Coste.D,1994,p84)
Bien que la réflexion sur l’enseignement des civi lisations progresse sur le plan
international, que des manuels apparaissent, que des enseignements autonomes soient

175

fondés et que les efforts en direction de l’interculturalisme se multiplient en Europe ,le
renouvellement de l’enseignement de la civilisati on dans les classes de français langue
étrangère est loin de faire l’unanimité .

Par ailleurs, pour enseigner une langue , l’enseignant réalise volontairement des suites
d’actions , soit directement ,c’est -à-dire en présence de l’apprenant avec ou sans l ’aide
de moyens auxiliaires en complètements de sa présence et de sa parole , soit
indirectement , par le truchement de média . Ses actions sont observables et ont pour but
de transmettre des savoirs, savoir -faire , savoir – être .

Pour apprendre une lang ue , l’apprenant réalise volontairement des suites d’actions
observables ou non , soit directement en relation avec celles de l’enseignant et en sa
présence , soit indirectement , seul ou avec l’aide d’autres personnes ou de moyens
auxiliaires , pour explo iter les actions de l’enseignant afin de devenir capable de
reproduire , imiter ,adapter , transformer , recréer les savoirs , savoir -faire et savoir -faire
transmis ou même d’en inventer de nouveaux . Si l’enseignant a besoin de l’apprenant
pour enseigner, l’apprenant peut apprendre sans enseignant en trouvant ailleurs les
sources et les modalités de transmission des savoirs , savoir -faire et savoir -être . Il peut
aussi les acquérir ( distinction désormais classique entre apprentissage et acquisition )
sans réaliser volontairement les actions nécessaires .

La didactique des langues a pour objet la relation entre les actions d’enseignement et
celles d’apprentissage et la transformation des premières en secondes . Celles -ci se
passent généralement dans le cad re d’une institution de formation , dans un espace et à
des moments donnés , et portent sur des contenus qui représentent la traduction
opérationnelles des objectifs , lesquels vont permettre de déterminer les moyens
d’évaluation et de certification adéqua ts.
Les contenus et les modalités de réalisation des actions d’enseignement qui sont censées
provoquer celles d’apprentissage.
Comme nous traitons dans le cadre de cette recherche le transfert de compétence de la
lecture à l’écriture, nous allons ci – dessous aborder la première compétence en matière
de langage écrit et qui est la compréhension ou la situation de réception.
3. Les mots en concaténation :Les mouvements de l’œil dans la lecture

176

Lorsqu’on est plongé dans la lecture d’un bon livre ,l’œil semble parcourir chaque ligne
imprimée en un m ouvement ininterrompu uniforme :

« En réalité , cette sensation de continuité est tout à fait illusoire , car l’oriel progresse le long de la ligne
en une succession de bonds rapides entrecoupés de pauses . C ’est un oculiste français du XIX siècle , le
DR .Java , qui le premier observa la véritable nature des mouvements oculaires dans la lecture ,
mouvements qui depuis ont fait l’objet de nombreuses recherches ». (Andrew .WE,1989,p80)

Les bonds rapides par les quels l’œil progresse le long de la ligne sont appelés saccades .
Une saccade ne dure en moyenne que vingt cinquante millisecondes ( entre un
cinquantième et un vingtième de seconde ) . Les pauses entre les saccades sont appelées
fixations . Leur durée va rie considérablement , mais chez le lecteur normal une fixation
typique dure 200 à 250 millisecondes de mouvement continu que nous éprouvons ,
notre œil reste en fait immobile pendant environ nonante1 du temps de lecture .

3.1.Le champ visuel effectif

Les yeux prélèvent l’information uniquement quand ils sont immobiles . Lors de la
lecture d’un roman ou d’un ouvrage similaire , le lecteur moyen pose cinq ou six
fixations le long d’une ligne imprimée normale .Cette donnée va nous permettre
d’évaluer l’en tendue du ‘’ champ visuel effectif ‘’ , c’est -à-dire l’entendue de la zone
qui entoure le point de fixation . C’est à partir de ce point de fixation que l’on peut
prélever l’information utile sur les mots et lettres de la page qu’on lit .

Ces observation s introspectives ont été étayées par des expériences de visualisation de
texte contrôlée par ordinateur . Le champ visuel effectif ‘’ ou ‘’ l’empan perceptif ‘’
dans la lecture n’est que de dix à douze lettres ou espaces blancs ( ce qui représente
normalem ent environ deux mots ) . La quantité d’informations perçue à droite du point

1 quatre -vingt -dix (belgicisme et helvétisme)

177

de fixation est supérieure à celle prélevée à gauche ( Rayner , Well et Pollatsek , 1980) .
C’est sans doute pour cette raison que l’œil se pose approximativement à un tiers du
mot fixé plutôt qu’au centre ou à l’extrême droite de celui -ci .

3.2.Vitesse de lecture et compréhension

Une fixation dure environ 200 à 250 millisecondes et une saccade 20 à 50
millisecondes. Le lecteur compétent devrait dés lors pouvoir atteindre une confortable
vitesse de lecture de 1000 mots par minute ou plus . Bien que cette performance soit
parfois possible , la vitesse normale de lecture n’est que de 200 à 400 mots par minute .
Cette différence s’explique par deux raisons principalement . Premiè rement , quelque
dix à vingt pourcent des mouvements oculaires en lecture sont des régressions , c’est –à-
dire des retours en arrière qui s’effectuent de droite à gauche . Deuxièmement, bien
qu’une fixation normale soit de l’ordre d’un quart de seconde , e lle peut être parfois
beaucoup plus longue .

En effet , les fixations tendent à être plus longues quand elles portent sur des mots
inconnus , prolongation qui peut traduire un passage de la reconnaissance visuelle
directe à la reconnaissance phonétiqueme nt médiatisée . De même , la longueur des
fixations tend à augmenter avec la complexité grammaticale des phrases ainsi qu’à la fin
des phrases , traduisant ainsi le temps nécessaire au traitement grammatical et
sémantique en cours .

Enfin , les passages ‘’difficiles ‘’ feront l’objet de fixations plus longues que les
passages ‘’ faciles ‘’ ; ils demanderont également un nombre plus élevé de régressions .
L’explicitation de ce phénomène est très simple : la progression de l’œil ne dépasse
jamais la vitesse à laquelle le cerveau peut absorber et comprendre ce qui est lu . Nous
pouvons faire quelques inférences relatives à ces processus de compréhension de phrase
et de texte en nous référant à des découvertes provenant de sources diverses , et tout
spécialeme nt de psychologues cognitifs qui étudient la compréhension et le rappel de
textes et d’informations qui tentent de programmer des ordinateurs capables de répondre
à des questions portant sur des passages de textes .
3.3.Comprendre des mots en concaténatio n

178

La première et la plus fondamentale des découvertes établit que la compréhension du
sens d’un passage ne se limite pas à accoler les significations de chaque mot qui
compose ce passage . Il convient , par exemple , de tenir compte de l’ordre des mots
dans la phrase . Ainsi , « le chat chassait le rat » n’a pas du tout le même sens que « le
rat chassait le chat » et pourtant ces deux phrases contiennent exactement les mêmes
mots . De même « l’homme mord le chien » est une information nouvelle alors que « le
chien mord l’homme » n’en est pas une . Dans ces phrases, les différences de sens et de
fonction sont rendues par un changement dans l’ordre des mots et , en anglais ( comme
en français ) , l’ordre des mots est notamment déterminé par le rôle que chaqu e mot joue
dans la phrase . Dans les exemples ci –dessus ,l’agent de l’action devient normalement
le sujet grammatical d’une phrase et sa place devant le verbe qui exprime l’action .

Les règles présidant à la structure des phrases font partie de ce que l ’on appelle la
syntaxe d’une langue. A ce propos, il est intéressant de signaler l’existence d’une
catégorie de patients qui , suite à des lésions cérébrales , ont perdu la capacité d’utiliser
la syntaxe ou la structure des phrases dans la compréhension . En présence d’une phrase
du type « le chat chassait le rat » , ces patients , connus sous le nom d’aphasiques de
Broca1 , comprennent la signification de chaque mot individuellement et savent que la
phrase parle d’un chat et d’un rat , et que l’un chasse l’autre ; mais étant donné qu’ils
sont incapables d’utiliser l’ordre des mots , ils ne savent pas dire quel est l’animal qui
chasse l’autre.

En fait , les aphasiques de Broca éprouvent les mêmes difficultés de compréhension du
langage à la lecture qu’à l ’audition . Ces difficultés donnent à penser que les
mécanismes mis en œuvre pour analyser la structure des phrases sont les mêmes à la
lecture qu’à l’audition . La compréhension de phrases est une opération continue qui
utilise tant la structure de la phr ase que la signification des mots pour formuler des
hypothèses sur le sens des phrases entières. Il est certain que nous n’attendons pas la fin

1 L’aphasie de Broca tire son nom du chirurgien et anthropologue français Paul Broca (1824 -1880) connu
pour sa découverte du centre du langage dans le cerveau humain. Elle se caractérise par une réduction de
l’expression. L’individu parle peu, lentement, cherche ses mots. Il peut avoir des difficultés semblables
lorsqu’il essaie d’écrire, celles -ci n’étant pas liées au fait de devoir se servir de sa main gauche, mais étant
comparables aux difficultés observées dans le langage parlé. La compréhension est généralement bien
conservée.On l’appelle aussi aphasie d’expression, aphasie antérieure , aphasie motrice, aphasie
expressive.

179

de la phrase avant de l’analyser et de l’interpréter. De même que la fin d’une phrase
peut nous forcer à réinter préter le début de cette phrase une phrase ultérieure peut nous
forcer à interpréter une phrase précédente .

Les informations qui ont tenté de programmer des ordinateurs capables de «
comprendre ‘’ un récit ont du bien vite reconnaitre que , à celles s eules , une
compréhension de la signification des mots et une connaissance de la structure des
phrases ne suffisent pas à assurer une analyse correcte de la phrase .

3.4.Le produit de la compréhension

Que se passe –t-il lorsqu’une phrase , un récit ou un livre sont compris ? Quels sont les
produits de la compréhension ? Pour des comptes rendus récents des recherches
relatives à la compréhension de phrases et des récits , on consultera Brantford ( 1979) ,
Danks et Glucksberg (1980) , Sanford et Garrod ( 1981) et Mitchell( 1982) . Lorsqu’on
présente aux lecteurs un récit et qu’on leur demande par la suite de le rappeler , ils se
souviendront généralement de ce que l’on pourrait appeler la substance du réci t plutôt
que sa formulation particulière . Il est évident que l’on peut mémoriser la formulation
exacte si elle est nécessaire , mais l’opération la plus naturelle consiste probablement à
extraire et à stoker les points essentiels . On arrive à une conclus ion similaire lorsqu’on
présente ensuite aux lecteurs un ensemble de phrases et qu’on leur demande d’indiquer
lesquelles figuraient dans le texte original . Ils prétendront souvent reconnaitre une
phrase lorsque celle -ci préserve la substance d’une phrase du texte , même si sa
formulation s’en écarte fortement .Ils prétendront également reconnaitre des phrases
nouvelles qui contiennent des informations ne figurant pas dans le texte original , mais
qui pouvaient être raisonnablement inférées à partir de l’in formation fournie par
l’original .Sous quelle forme cette information est –elle représentée ? On a souvent
suggéré que nous réduisons le sens de ce que nous lisons à un ensemble de propositions
abstraites ( Mitchell , 1982) . Une proposition est une assert ion à propos d’une personne
ou d’une chose ( par exemple , le chien est gros ) ou à propos de la relation entre deux
entités ( par exemple ,le chien chassait le chat ) .

Ainsi , une phrase comme « le gros chien chassait le chat agile » contient trois
propositions : « 1.le chien est gros . 2.le chien chassait le chat . 3.le chat est agile » :

180

Ces trois propositions peuvent être stockées séparément en mémoire , non pas comme
des suites de mots , mais comme des représentations abstraites qui seraient les même s
pour les phrases équivalentes en français ou en espagnol par exemple . Lors du rappel ,
nous reformulons ces propositions dans la langue , gén éralement avec nos propres mots .

3.5.Le rôle du contexte antérieur dans la reconnaissance de mots

Lorsque n ous lisons , nous construisons activement une représentation du sens que
l’auteur a encodé dans le texte . C’est pourquoi les psychologues cognitivistes se sont
penchés avec beaucoup d’intér êt sur la question suivante : Les lecteurs utilisent –ils la
structure ou la signification des mots qu’ils viennent de lire pour s’aider à identifier les
mots qu’ils sont occupés à fixer ?

En effet, si l’on présente très brièvement un mot à un sujet , celui –ci est incapable de
l’identifier mais on peut augmenter graduellement la durée d’exposition jusqu’ à ce que
le mot soit identifié correctement la durée d’exposition spécifique qui est nécessaire à la
reconnaissance correcte du mot est connue sous le nom de seuil d’exposition vis uelle
Tulving et Gold ont mesuré le seuil d’exposition visuelle de mots présentés soit
individuellement soit à la suite de deux, quatre ou huit mots du contexte précédant le
mot-cible. Les mots du contexte pouvaient ou non avoir un rapport avec le mot -cible
placés dans les condition d’un contexte approprié de huit mots les sujets lisaient un
contexte comme les skieurs furent enterrés vivants par une soudaine et pouvaient
ensuite voir très brièvement un mot -cible comme avalanche si l’exposition était trop
brève et que le mot avalanche n’était pas identifié, le contexte était répété et la durée
d’exposition du mot -cible était augmentée et ainsi de suite jusqu’ à ce que le mot -cible
soit reconnu correctement le seuil du mot était alors noté.

Tulving et Gold o nt constaté qu’un contexte approprie avait pour effet d’abaisser les
seuils d’exposition visuelle c’est -à-dire de faciliter l’identification des mots -cibles, la
facilité avec laquelle un mot était identifié augmentait en fonction du nombre de mots
(de un à huit ) Dans le contexte approprie en outre les mots -cibles étaient plus
difficilement identifiés lorsqu’ ils étaient précédés par un contexte inapproprié que
lorsqu’ ils étaient présentés seuls sans contexte. Lorsqu’ il est inapproprié le contexte
avait un effet inhibiteur

181

3.6.Lire à voix haute : Rôle des sons dans la lecture

Tous les processus de compréhension dont nous avons parlé jusqu’ici dans cette partie
de la recherche, interviennent aussi bien en lecture silencieuse qu’en lecture à voix
haute . Si on se réfère aux faits q ue nous avons abondamment cités , on peut être sûr
qu’un lecteur entrainé n’accède pas au sens de ce qu’il lit via les sons .

Nous avons jusqu’ici considéré que les lecteurs entrainés identifient les mots familiers
visuelle ment , et que les sons ne sont utilisés que lorsqu’ils essaient d’identifier des
mots non familiers . Nous devons toutefois cette affirmation conciliable avec le fait que
la plupart des gens , lorsqu’ils lisent , font état ‘’ voix intérieure ‘’ qui pronon ce les
mots au fil de la lecture . Quelle est la nature de cette voix intérieure ? Joue –t-elle un
rôle utile dans la lecture ? Commençons par clarifier la position de cette voix intérieure
dans le déroulement du processus d’accès à la signification parta nt de caractères écrits,
la voix que nous entendons en nous -mêmes lorsque nous lisons prononce correctement
les mots irréguliers, elle assigne une prononciation correcte aux homographes.

04. Comment peut-on décrire la signification élaborée à partir du texte ?

« Comprendre ou produire un texte c’est construire un agencement particulier de contenus sémantiques
cet agencement dépend des connaissances conceptuelle et linguistiques du sujet et de la situation telle
qui’ il se la représente il est donc d ifficile de considèrera le texte comme un objet porteur de sens
indépendamment des paramètres situationnels et cognitifs c’est pourtant le parti qui sera pris dans ce
premier chapitre introductif dont l’objectif est de présentera quelques repères fondament aux sur la
manière de décrire « les informations apportés par le texte » (Gaonac’h.D et al,1996,p13)

La psycholinguistique dans les années 60 sous l’influence de Chomsky met l’accent
principal sur la façon dont se construisent les phrases les aspects s yntaxiques sont alors
privilégies(Chomsky,1965,Meyer,1969) au début des années 70 se développent des
travaux sur la mémoire sémantique posant le problème de l’organisation d’ensembles de
significations(Tulving et Donaidanson,1972 par exemple)le texte devie nt alors un objet
tout indiqué en parallèle les discussions du modèle de Chomsky et de la notion de
structure profonde syntaxique vont ouvrir la voie à des modèles d’orientation plus
sémantique(Fillmore ;1968) les travaux de psychologie du langage vont don c poser la

182

question de la description de la signification des textes (et non plus de phrases isolées)
en mettant l’accent sur les aspects sémantiques plutôt que sur les aspects syntaxiques
jusqu’ alors privilégiés.

04.1.La proposition, unité de base pour la description et le traitement du contenu

Pour kintsch (aussi le Ny ,1979) une proposition est unité de signification qui contient
un ou plusieurs arguments. Ces arguments sont des entités référentielles pouvant
correspondre à des être, des objets, de s idées d’autres propositions…des prédicats
assignent des propriétés aux arguments ou définissent la relation entre les arguments.
De cet effet, la proposition peut -elle effectivement être considérée comme une unité de
signification . Cette notion a en tout cas le mérite de mettre l’accent sur le contenu du
message plutôt que sur sa forme on sait en effet que la forme littérale d’un message fait
l’objet d’un oubli rapide c’est surtout le sens du message qui est stocké et conservé en
mémoire . Une description propositionnelle d’un message permet en outre de résoudre le
problème des équivalences sémantiques de formes de surface différentes dans les deux
phrases : « -La souris est poursuivie par le chat -Le chat poursuit la souris :
Poursuivre(chat ;souris) »
Ainsi dans un modèle propositionnelle du type de celui de Kintsh(1974) la signification
de toute unité lexicale correspond en mémoire à une liste de propositions chaque
élément des propositions renvoyant à son tour à une liste de propositions e t ainsi de
suite et la signification de ce qui est directement explicite par un texte va pouvoir être
représentée par un réseau de propositions Kintsch et van Dijk(1975,1978) proposent le
terme de microstructure pour désigner un tel réseau. Mais la microst ructure ne constitue
pas une description de l’ensemble de la signification du texte ;le sens du texte est aussi
représenté à un niveau plus global celui de la macrostructure qui peut rendre compte de
signification et relations non directement explicitées c es deux niveaux de description de
l’information du texte micro et macrostructure représentent ce qui est qualifié comme la
base de texte ils constituent des niveau du modèle de situation(van Dijk et Kintsch
1986) d’autre part représentation de l’ensemble d e la situation évoquée par le texte et
intégrant des connaissances antérieures relatives à cette situation.
04.2.L’organisation interpositionnelle : la microstructure du texte

La microstructure d’un texte est constituée par l’ensemble des propositions

183

correspondant à ce qui est directement exprimé en surface. La microstructure n’est
donc pas seulement une liste de proposition c’est bien un réseau dont les relations sont
définies par la répétition d’arguments c’est de plus un réseau hiérarchique dans leq uel
chaque proposition occupe un niveau de la hiérarchie au sommet de la hiérarchie(niveau
1) la proposition la plus importante puis(niveau 2) les propositions qui reprennent un
argument de la proposition de niveau 1 puis au niveau 3 celles qui reprennent un
argument d’une proposition de niveau 2 et ainsi de suite…

En résumé la microstructure est supposée décrire la signification locale du texte et serait
constituée d’un réseau de propositions hiérarchisées une série de recherches est venue
appuyer cette c onception sur plusieurs points.

04.3.L’élaboration du contenu sémantique global : la macrostructure

La microstructure nous l’avons vu décrit la signification locale littérale du texte à ce
niveau chaque phrase constitutive d’un texte peut être traitée de manière relativement
indépendante les éventuelles liaisons étant établies par la référence à des a rguments
partagés une théorie de la signification des textes doit rendre compte aussi de sa
signification à un niveau plus global celui de l’organisation des contenus entre
paragraphes et parties de texte c’est ce niveau qui est qualifié de macrostructure (kintsch
et van Dijk 1975/1978)

La macrostructure est comme la microstructure constituée de propositions et on peut
considérer différents types de macro -propositions selon la nature des opérations qui sont
susceptibles de donner lieu à leur construction de telles opérations sont explicitement
mises en œuvre dans des activités comme le résumé de texte qui visent à extraire la
signification globale du texte elles sont aussi supposées être mises en œuvre dans toute
activité de compréhension qui s’appuierait sur la construction progressive d’une
représentation globale de la signification du texte. Van Dijk propose une description
qui reste la plus élaborée des règles (macro -règles)permettant d’aboutir à l’élaboration
de la macrostructure ces macro -règles ont à la fois la propriété de réduire la
microstructure (il ya perte d’information),et de l’organiser(plusieurs micro -positions
sont intégrées par une seule macro proposition)elles présentent également un caractère

184

constructif en permettant l’élaboration d e nouvelles unités plus complexes.

La première des macro -règles est la règle de suppression elle consiste à supprimer
toutes les propositions correspondant à des aspects de détail ou non pertinents pour
l’interprétation des autres propositions. La seconde macro -règle apparentée à la
précédente est la règle de suppression « sévère » elle consiste à supprimer des éléments
qui peuvent être pertinents au niveau local mais qui ne sont pas nécessaires pour
l’interprétation globale du texte .

La troisième macro -règle est « la généralisation » qui consiste non pas à supprimer des
micro – propositions comme les règles précédentes mais à les remplacer par une
proposition plus générale qui les subsume cette macro -proposition se substitue donc à
une suite de micro – propositions qui constituent des particularisations de la macro –
proposition.
05. Des traitements typologiques à des niveaux très divers : La reconnaissance des
différents types de textes
« Sans anticiper sur une analyse plus approfondie des Operations co gnitives associèes aux traitements
des différents types de textes en particulier à celui du récit que l’on examinera infra on quelques
illustrations montrant que les Operations « typologiques » concernent des traitements intervenant à des
niveaux très di vers de la compréhension et de la production » (Gaonac’h.D et al,1996, p47)

A l’exception des travaux nombreux consacrés au schéma narratif, il existe peu de
recherches sur la capacité à identifier les différents types de textes pourtant si l’on
considère que des schémas superstructuraux des modèles typologiques contrôlent la
produ ction et la compréhension attester la présence de tels schémas chez les locuteurs
constitue un objectif critique .

Dans une étude réalisée auprès d’enfants de 7 à 13 ans et d’adultes benoit
Fayol(1989)ont fait classer quatre types de textes :
-Des text es narratifs canoniques comportant une organisation chronologique causale un
évènement inattendu et une résolution.
-Des textes descriptifs simples juxtapositions d’évènements dans un même contexte

185

spatial mais sans ordre chronologique ou causal
-Des argum entations comportant un problème et sa solution
-Des « non-textes » c’est -à-dire des séquences de propositions non reliées

Il ya trois de même longueur dans chaque catégorie . De plus , dans chaque cas il peut ya
avoir marquage linguistique de la catégorie ;soit les textes ne comportent que le temps
présent soit les temps utilisés sont diversifiés (temps du récit par exemple) les auteurs
observent un accroissement régulier dans la pertinence des regroupements obtenus à 7
ans cette pertinence est nulle à 13 ans elle est effective la présence d’un marquage
typologique au moyen des temps verbaux n’a d’effets que chez les adultes une analyse
qualitative plus fine révèle les évolutions suivantes :
-Opposition rudimentaire entre textes et non -textes à 9 ans
-Distinction entre descriptif d’un coté et narratif -argumentatif de l’autre à 11 ans .
-L’argumentatif n’est isolé qu’à partir de 13 ans et l’identification de cette catégorie
n’est nullement parfait y compris chez l’adulte il est vrai que les textes argumentatifs
utilisés par les auteurs sont plutôt des récits d’argumentation que des argumentations
proprement dites cela expliquerait d’ailleurs le fait que dans les classements observés
les textes argumentatifs soient confondus essentiellement avec le s textes narratifs.

Une étude du même type(classements) réalisée par Coirier et Marchand (1994) conduit
à des appréciations moins pessimistes les sujets des enfants de 12 ans doivent classer
16 petits dans 4 catégories : descriptif ,narratif ,explicatif et argumentatif si l’on prend
un critère strict on obtient les scores suivants de classements corrects : 28/ en descriptif
52/ en narratif 36/ en explicatif et 24/en argumentatif mais certains des textes utilisés
sont classables sans trop de problèmes dan s deux catégories à la fois (en particulier
explicatif et argumentatif) si donc on utilise un critère moins sévère classement d’au
moins 3 textes sur 4 dans la bonne catégorie les performances sont beaucoup plus
élevées 80/ en descriptif 77/ en narratif 80 /en explicatif et 72/ en argumentatif il
apparait donc ici qu’ à 12 sont mises en place des superstructures textuelles assez bien
différenciées .

Dans le domaine particulier du texte argumentatif on peut considérer qu’ il existe une
représentation prototy pique identifiable à tout le moins celle minimale de la structure
d’étayage « raison conclusion » . Ces chercheurs ont proposé à des élèves de 12 à 17

186

ans de produire des jugements d’argumentative sur des textes courts ces textes
présenteraient ou non ch acune des caractéristiques supposées constituer la
représentation prototypique soit dans l’ordre :
-Textes où n’apparait aucune prise de position
-Textes avec prise de position mais sans justification(structure minimale d’étayage)
-Textes avec prise de position et justification (structure complexe)

06.l’approche cognitive des typologies de texte

Il existe chez tout locuteur une compétence générale à l’enchainement syntaxique des
phrases et sémantique des propositions ; il existe aussi une certaine ca pacité à
reconnaitre un texte ( ou une zone de texte ) comme argumentatif , narratif , descriptif
… Une telle capacité peut alors être mise en œuvre dans les stratégies de lecture et de
production . Dans une perspective de psychologie cognitive ,la différe nciation de «
types de textes » doit se faire en référence à la variété des activités en jeu dans le
traitement des textes . Une classification doit donc avoir pour objectif de spécifier
comment on comprend , rappelle ou produit différents types de disc ours , autrement dit
de rendre compte des activités cognitives en jeu dans différents types de textes .

07.Critères et fonctions d’une typologie

Une typologie cognitivement pertinente des textes suppose de respecter deux
contraintes :
1. malgré la diversité des thèmes et des contenus ,il doit y avoir même (s) traitement (s)
des textes appartenant à une même famille typologique ;
2.des textes de familles différentes donnent lieu à des traitements différents même si
leur contenu subjectif est identiq ue . L’appartenance d’un texte à un type donné est
susceptible d’intervenir sur nombre de processus : la convocation du schéma
superstructural adéquat et donc la hiérarchisation et l’organisation de l’information
textuelle ; le retours à des schémas cognit ifs généraux ( la causalité et les structures de
but dans le récit , les structures logiques dans le texte scientifique , les scripts dans les
descriptions d’événements …) ; et plus généralement l’activation des domaines de
connaissances appropriés ; l’ide ntification ( système des temps ,déictiques ,connecteurs

187

… ) ; la mise en œuvre , enfin , de stratégies attentionnelles et mnémoniques1 ( plus ou
moins ) spécialisées .

On a proposé des typologies très diverses pour classer les textes . D’autres travaux
décrivent à cet égard quatre grandes familles :
-Les typologies à base énonciatives , inspirées des travaux de Benvéniste ( 1966 , 1970
) ; elles fondent sur l’analyse des rapports entre le locuteur , l’interlocuteur et l’ancrage
spatio –temporel . Il y a i ci centration sur les opérations linguistiques et les marqueurs
par l’intermédiaire desquels la situation énonciatives s’inscrit dans l’énoncé : pronoms
personnels, déictiques , système des temps …
-Les typologies à base communicative, ou fonctionnelle : quelle est la fonction de
l’information dans la situation de discours où elle est produite ? On se réfère ici à
Jakobson ( 1963) qui distingue six fonctions principales : la fonction référentielle (
expositive , informative ) ; la fonction conative , centr ée sur le destinataire ( l’injonctif
par exemple ) ; la fonction phatique , visant au maintien de la communication ( les
marqueurs de continuité thématique dans le dialogue ) ; la fonction métalinguistique
,contrôlant l’usage du code de la communication ; enfin , la fonction poétique .
-Les typologies fondées sur les structures cognitives mises en jeu . Celle de Werlich (
1975) est l’une des plus souvent utilisées en psychologie . Il distingue cinq grands types
de textes : le descriptif , lié à la percepti on de l’espace , le narratif , associé à la
perception du temps ; l’expositif ,ou y entrent en jeu l’analyse et la synthèse des
représentations conceptuelles ; l’argumentatif ,organisé autour des jugements et des
prises de position ; l’instructif , enfin , qui concerne les prévisions .

08. Les opérations textuelles
08.1. L’activation en mémoire à long terme

A chaque instant de l’activité de compréhension, la mémoire à long terme se caractérise
par un certain état d’activation d’une partie des unités d e connaissances qui la
composent , cette activation est conçue généralement dans le cadre d’un modèle en
réseau ; ce réseau est composé de nœuds ( concepts ou propositions ) interconnectés .

1 De la mémoire ou la mémorisation (soutenu)

188

L’activation se propage d’un nœud à l’autre par le biais de ce s interconnexions .
Lorsqu’un mot est lu ou entendu, non seulement la forme graphique et / ou
phonologique est activée , mais également l’ensemble des significations qui lui sont
associées . l’activation diffuse ainsi dans le réseau , de sorte qu’un élémen t peut être
actif soit directement , soit par diffusion de l’activation en provenance d’autres nœuds .

En effet, la plupart des modèles considèrent que les liens du réseau sont caractérisés par
une pondération ou un seuil de réactivité . quelques -uns (R umelhart , 1986 ; Kintsch ,
1988 ) envisagent également une activation négative , engendrant une inhibition . Ce
type de modélisation détermine la façon dont on peut concevoir l’élaboration
progressive du sens d’un énoncé .

D’une part , le sens d’un mot , d’une phrase , est conçu comme la partie
momentanément activée du réseau sémantique . La signification doit alors être
considérée comme tenue des aspects largement automatiques des mécanismes
d’activation, il faut considérer que , dans une première pha se au moins , la signification
se construit avec une intervention minime des facteurs contextuels .

En revanche , de nombreuses observations , à la suite de Swinney ( 1979 ) , vont dans
ce sens ( Gernsbacher et Faust , 1990 ; Till , Mross et Kintsch , 1988 ) . Ces recherches
montrent qu’à la lecture d’un mot ambigu, situé à la fin d’une phrase qui lève
l’ambigüit é , les différents sens possibles du mot sont d’abord simultanément activés .
C’est seulement après quelques dixièmes de seconde que le sens conforme au contexte
testé , seul , activé . C’est cette première phase d’activation qui est analysée dans le
modè le de Kintsch ( 1988 ) . Il s’agirait d’une phase strictement Bottom -up , c’est –à-
dire dirigée uniquement par les unités d’entrée , au cours de laquelle seraient activés les
nœuds correspondant à l’ « input » linguistique ( micropropositions directement
dérivées du texte ) chaque nœud renverrait à des nœuds associés et la déte rmination des
macropropositions . L’ensemble de ce processus ( qualifié de processus de construction )
se déroulant de façon automatique , son produit serait peu approprié : beaucoup de
nœuds spontanément activés ( micro – et macro propositions ) révéleraient non
pertinents . Interviendrait donc un second processus , appelé processus d’intégration ,
consistant à exclure ( désactiver ) les élément non pertinents .

189

Par ailleurs, la c onception proposée ici par kintsch , d’inspiration connexionniste , peut
sembler en rupture par rapport aux conceptualisations antérieures . Cette approche a le
mérite de considérer la construction de la représentation du sens de l’énoncé , au moins
dans ses aspect précoces , comme uniquement contrainte par la nature et la force des
liens unissant les différents éléments du réseau de connaissances activés en mémoire à
long terme . Ce type d’approche permet d’expliquer un certain nombre de phénomènes
comme l’élaboration automatique de certaines inférences au cours de la lecture ( Ob rien
, Shank , Myeres et Rayner , 1988 ) , ou l’accessibilité accrue d’unités appartenant au
scénario du type « anniversaire » est évoqué dans un texte , tout un réseau de
conna issances liées à cette re présentation serait activé . C ette activation rendrait alors
plus facilement disponible , au cours de la compréhension ,des concepts comme
« bougies » « gâteau ».

08.2. L’intégration Sémantique

La notion d’intégration sémantique désigne au moins deux aspects des traitements . Le
premier concerne l’élaboration d’un réseau cohérent d’unités ( propositions ) . Cette
élaboration recouvre à la fois la suppression d’activation des unités non pertinente s
automatiquement activées, et la construction et la stabilisation des liens unissant les
unités conservées . Le second aspect renvoie aux processus de synthése sémantique (
les premiers travaux de Bransford et Francks , 1971 ; Bransford , Barclay et Fran cks
,1972 ) .
Le terme « d’intégration sémantique» désigne alors en quelque sorte la perte d’identité
des informations littérales au profit d’une représentations plus globale des événements
qu’elles décrivent . Certaines opérations macrostructurales, sont des opérations
d’intégration sémantique qui correspondent à cette définition .Ces deux aspects de
l’intégration sémantique sont liés . Toutefois , ils permettent clairement de distinguer :

-Une composante qu’on peut qualifier d’ « horizontale » , qui renvoie au fait que
chaque élément nouveau , dans un texte , doit être rattaché ( intégré ) aux éléments déjà
traités. On peut à ce sujet renvoyer à la stratégie « given –new» développée par
Haviland et Clark(1974) ; pour chaque information du me ssage lu ou entendu ,le sujet
rechercherait une information « ancienne » ( une adresse ) , afin d’y rattacher
l’information nouvelle;

190

-Une composante plus « verticale » , qui correspond à l’élaboration d’unités
sémantiques synthétiques : intégration sém antique structurale ( Walker et Meyer,1980 )
, fortement liée aux connaissances des sujets ( schémas , scripts ) et à ses objectifs . Il
s’agit donc ici d’une composante plus contrôlée de l’intégration , et conduisant à l’
élaboration d’une macrostructur e sémantique et du modèle de situation .

08.3.Les lieus d’intégration

Le travail de Jarvella ( 1971) est l’un des tout premiers à mettre en évidence des lieux
d’intégration au cours du traitement de textes . Jarevella observe en effet que lorsqu’on
interrompt la lecture d’un texte , le sujet est capable de rappeler sous forme littéraire
uniquement la dernière proposition ( au sens grammatical ) ou phrase entendue . Les
phrases précédentes ne sont récupérées que sous une forme sémantique, avec perte des
aspects littéraux . La préposition grammaticale constituerait donc une unité de
traitement : une intégration sémantique se produirait à la fin de chaque proposition .
Cette interprétation est confirmée par une série d’observation ultérieures :
-Les te mps de lecture sont généralement plus longs sur les mots situés en fins de
phrases;
-Sur les mots de fin de phrases , les temps de lecture sont liés moins aux caractéristiques
de ces mots eux -mêmes qu’à celles des mots qui les précédent dans la phrase.

Cependant ,d’autres indicateurs peuvent venir moduler ce fonctionnement . Par
exemple, Beeman et Gernsbacher ( 1990) ont montré qu’après certaines locutions
comme «puis » ,les lecteurs avaient davantage de difficultés à rappeler la forme littérale
de la ph rase précédente , qu’en l’absence de ces locutions . Ces marques linguistiques ,
signalant une rupture thématique ; auraient donc en quelque sorte un rôle de
« déclencheur d’intégration» . Cette fonction pourrait être également assurée par
d’autres catégor ies de marques linguistiques , en particulier les marques de ponctuation.
Les connecteurs jouent aussi un rôle très important dans la gestion des processus
d’intégration sémantique : certains, en effet, favoriseraient une conservation littérale de
l’énoncé , alors que d’autres « déclencheraient » une intégration sémantique .

Il convient donc d’envisager l’intégration comme un processus cyclique ,opérant à des
endroits particuliers du texte . Ces lieux correspondent de façon majoritaire , mais non

191

exclusiv e , au frontières syntaxiques , fins de phrases ou fins de propositions (
Haberlandt et al ., 1989 ; Frazier et Fodor , 1978 ) .

08.4.Les cycles d’intégration de travail

Kinstch et Van Dijk ( 1978) , J.R.Miller et Kintsch ( 1980 ) ont proposé une conc eption
qui articule à la fois la composante horizontale de l’intégration et sa composante
verticale . Ils envisagent, en effet , dans un même modèle , la façon dont va s’établir la
cohérence locale ( au niveau de la microstructure ) et la macrostructure sé mantique .
Dans la conception proposée , les cycles d’intégration se déroulent dans un
accumulateur de la mémoire de travail , de capacité limitée ,et chaque cycle porte sur un
bloc de propositions correspondant à une phrase ou à une proposition grammatica le . Le
premier cycle de traitement , concernant donc la première phrase du texte consiste à
établir en mémoire de travail un graphe propositionnel . Ce graphe a toutes les
caractéristiques définies pour la microstructure :les propositions sont reliées ent re elles
sur la base de la répétition d’arguments ; certaines d’entre elles sont des inférences
permettant d’établir un lien entre propositions directement dérivables du message ;
l’ensemble est organisé de façon hiérarchique , les niveaux étant définis su r la base des
arguments partagés avec la proposition surordonnée .Une fois ce premier cycle de
traitement achevé , le suivant peut commencer .Il peut arriver que , dans certains cas ,
les propositions retenues pour participer au cycle suivant ne permettent pas d’y rattacher
les nouvelles propositions . Ces nouvelles propositions ne partagent aucun argument
avec les propositions du cycle précédent conservées dans l’accumulateur. Il y a donc
échec de la stratégie du bord d’attaque . Il est alors nécessaire de retrouver , parmi les
propositions, qui va être réinstallée en mémoire de travail pour participer au cycle de
traitement .

08.5..L’intervention des connaissances usuelles

Construire la signification du textes suppose comme on vient de le voir de procéder à
l’articulation des propositions élémentaires présentés dans la base de textes puis
d’élaborer progressivement la macrostructure ne suffisent toutefois pas à rendre compt e
complètement de la représentation qui sera finalement établie a des degrés tout texte
comporte,en effet, une quantité importante d’informations implicites le lecteur doit alors

192

reconstruire ces dernières en faisant intervenir dans le traitement sa connai ssance
générale du monde. soit par exemple les deux phrases suivantes : 1.Jean était en retard
à la gare 2.Le train est parti juste à la gare .

Il existe bien une relation permettant de relier les deux phrases dans la base de textes,
elles renvoient à une même situation « gare et train » mais la construction de la
signification complète qu’elles évoquent implique le recours à deux inférences
plaus ibles Jean voulait prendre le train et il l’a raté les connaissances du lecteur
permettront cependant aisément de mettre en œuvre ces inférences dans l’intégration
des phrases .

De façon similaire la construction macrostructurale implique le recours aux
connaissances du lecteur dans la phrase suivante « Josette a mis beaucoup de temps à
retrouver sa petite balle verte dans l’herbe » la règle macrostructurale d’effacement
peut s’appliquer à la propriété « petite » mais non à la propriété « verte » cette de rnière
explique en effet la durée de la recherche de Josette.
Comprendre un texte c’est donc mettre en œuvre toute une série de traitements
cognitifs qui vont permettre :

-de rétablir les informations implicites d’où la distinction de Kintch et van
Dijk(1975)entre base de textes implicite/explicite ;
-de gérer la construction macrostructurale en faisant intervenir différents types de
schémas présents dans les représentations préalables du lecteur : connaissances
générales sur l’organisation du monde, relations logiques, séquences chronologiques
stables dans la vie quotidienne, normes socioculturelles relatives à la structure plus ou
moins spécifique de différents types de discours ou de textes ;
Enfin outre l’analyse des informations apportées explic itement par le texte et
l’utilisation des connaissances stockées en mémoire à long terme , la représentation qui
sera finalement construite à l’issue de la lecture dépendra dans une large mesure des
objectifs du lecteur des traitements spécifiquement induit s par telle ou telle situation :
lire un texte pour apprendre ou pour comprendre, pour le résumer ou pour en faire un
usage critique avec un intérêt personnel ou par obligation… conduira le plus souvent à
modifier la représentation finale la représentatio n du texte est donc construite dans le
cadre d’une interaction complexe entre les caractéristiques de ce texte les connaissances

193

du lecteur et les éléments pertinents de la situation de lecture.

Les travaux de (Spilich ; Vesonder,Chiesi et voss,1979 Voss Vesonder et Spilich,1979)
indiquent qu’ un bon niveau initial de connaissance du domaine de référence permet un
meilleur rappel du texte au plan quantitatif les connaissances envisagées dans ces
travaux sont cependant de nature très spécifique, d’autres t ravaux à l’inverse portent sur
des connaissances très générales, montrent que pour extraire les idées principales d’un
texte, les sujets utilisent des stratégies plus automatisées lorsque ce texte concerne leur
domaine de formation universitaire.

Les trav aux ayant abordé de manière précise la façon dont interviennent les
connaissances du domaine sont cependant relativement rares. Il s’agit le plus souvent de
mises en relation entre le niveau de connaissances initiales d’une part et le niveau de
rappel du t exte d’autre part (par exemple langer,1980,1984)dans certains cas et
d’exercices avant la lecture du texte on observe alors de meilleures performances de
compréhension(par exemple Stahl et Jakobson,1986) d’autres travaux s’intéressent
enfin non pas à l’in tervention des connaissances du domaine mais plutôt à la manière
dont celles -ci se transforment et s’enrichissent au cours de la lecture.

En tout état de cause les travaux portent assez rarement sur l’activation des
connaissances du domaine et sur le rôle qu'elles exercent au cours de la compréhension.
Sans doute cela tient -il en grande partie à la non prise en compte de modèles de la
représentation des connaissances du domaine. Les quelques travaux disponibles (pour
une revue Fayol , 1990 ; Rouet , 1991 ) indiquent néanmoins que ces connaissances
interviennent de façon importante sur la vitesse de lecture du texte et sur la réalisation
d’Opérations liées à l’intégration d’ensemble des informations (en particulier le
repérage des éléments.

194

08.6..C ontextualisation, structuration et textualisation

Chaque opération langagière implique un ensemble de traitement des paramètres de
l’extra -langage , dan s le cadre d’une langue donnée :

« les opérations langagières correspondantes rendent compte des choix linguistiques opérés par le
locuteur quant au référent , aux relations texte – contexte , à la structuration interne du texte , et enfin à
l’agencement séquentiel, à la linéarisation des énoncés .
Les opérations de Contextualisation -référenciassions :
Qui parle à qui , de quoi , pourquoi ? Ce premier type d’opérations consiste à fixer les valeurs des
paramètres dans chacun des trois espaces :
-Statut de l’énonciateur , du destinataire et du but en fonction des objectifs de l’action engagée et du lieu
social où elle se déroule ; -Espace de la production : lieu , temps , interlocuteurs , mode oral/ écrit ; –
Espace référentiel : choix des notions et relations qui formeront la base du contenu du discours ; leurs
organisation et leur hiérarchisation en microproposition font intervenir les opérations de
référentialisation : extraction , assertion , lexicalisation . on peut caractériser ce niveau traitement
comme le premier pas dans la construction d’une base de texte propositionnelle au sens de Van Dijk et
Kintsch » . (Gaonac’h.D et al,1996, p60)

08.7.Les opérations de structuration

Elles articulent la représen tation langagière du contexte à l’organisation communicative
de la chaine textuelle . Elles sont au nombre de trois :
-L’ancrage discursif . il définit le type de relation entre le texte et les trous espaces
contextuels. L’ancrage définit une relation soi t « impliquée » soit « autonome » . Dans
le cas d’un mode impliqué , il ya correspondance entre les caractéristiques de l’espace
physique de la production et l’espace de l’interaction sociale . Par exemple , un père
parlant en tant que pére ( locuteur =énonciateur ) à son fils ( interlocuteur =
destinataire ) , discute avec lui , dans la cuisine , du partage des tâches ménagères (
lieu social correspondant au statut énonciateur destinataire ici défini ) . Dans le cas
d’un mode autonome , il ya au cont raire dissociation entre l’espace de la production et
celui de l’interaction sociale . On aurait , par exemple , un négre du ministère des
finances rédigeant à la place de son parton ( locuteur ne correspondant pas à
l’énonciateur ) . dans un bistrot, le discours que celui -ci doit adresser à la commission
de Bruxelles ( non -correspondance du lieu social et du lieu physique ) …

195

Le rapport entre l’espace de la production et l’espace référentiel permet , lui , de
distinguer ancrage « conjoint » et ancrage « disjoint » . L’ancrage conjoint définit une
relation de concomitance1 entre les éléments référentiels présents dans la situation de
production ( ou activés par le seul fait de leur évocation lorsqu’il s’agit de concepts
abstraits) et ceux qui sont évoqués dans le discours. Il y a au contraire ancrage disjoint
dans le cas où l’activité langagière porte sur des référents absents : événements passés
notamment . La combinaison de ces deux dimensions conduit à définir quatre types de
discours , lissant en surfa ce des textes des configurations spécifiques de traces
linguistiques . En reprenant ici la présentation qu’ y en donne De Weck ( 1991) , on
aura :

-Le discours en situation , impliqué et conjoint , en référence constante à la situation de
production ; on y rencontrera : les pronoms exosphériques de première et deuxième
personne ( je , tu ) attestant l’implication du couple énonciateur -destinataire par rapport
au couple locuteur –interlocuteur ; les déictiques temporels ou spatiaux ( hier ,
maintenant , i ci … ) qui articulent le discours au temps de la production ; les temps
verbaux du « discours » (par opposition à la narration quant à leur fonction ) : présent ,
passé composé , futur.. …
-Le discours théorique , autonome et conjoint : est marqué par son indépendance à la
situation de production : effacement de l’énonciateur , pronoms du type collectif ( on /
nous ) , structures passives , connecteurs logico -argumentatifs , fréquence du présent …
-Le récit conversationnel , impliqué et disjoint , marqué r elaté . On y trouvera le pronom
personnel de première personne , les organis ateurs temporels, l’imparfait…
-La narration , autonome et disjointe : effacement de l’énonciateur , pronoms de
troisième personne , passé simple et imparfait …

8.8.Les opération s de repérage.

Elles projettent l’ancrage énonciatif sur l’axe temporel le longe duquel se déroule le
discours . On y distingue trois composantes : le moment « absolu » d’évènement relaté
dans la réalité extralangagière(le 10 juin 1940) le moment effectif de la produc tion
verbale (« je vous parle maintenant de ce qui s’est passé le 10 juin 1940) le point

1 Coincidence dans le temps

196

référentiel construit par l’énonciateur dans la chaine du discours la combinaison de ces
trois repérages détermine pour l’essentiel l’usage des différents temps verba ux comme
le note De Weck, le système du repérage se confond parfois(notamment dans les texte
conjoints ) avec les marques de planification du texte.

08.9.Les opérations de planification

Elles visent à rendre compte du fait que le texte est le plus souvent organisé en parties
distinctes éventuellement hiérarchisées. Il s’agit donc de la « construction du plan
global d’organisation séquentielle » caractérisée tout à la fois par l’activatio n et
l’organisation des contenus, par l’élaboration macrostructurale et tenant compte du cas
Cohérent d’un modèle super structural. La planification est définie comme un
phénomène essentiellement langagier ; le même contenu pourrait, en effet, donner lie u à
des plans différents selon la proposition d’Adam(1984) : le plan de texte se définit par
l’organisation en « paquets de propositions » qui ont une place et un statut fonctionnel
précis dans le texte et qui peuvent être définis par cette place et ce st atut. Deux grands
types de plans doivent être envisagés ; les plans polygèrès(le dialogue ou l’écriture
collaborative) et les plans monogèrès.

08.10..Les opérations de textualisation linéarisation

Elles définissent la mise en texte proprement dite soit la construction effective de la
chaine textuelle ; la mise en phrases et en mots . On en distingue les points ci -dessous :
-La connexion -segmentation : cette opération concerne à la fois l’articulation
interpopositionnelle et le découpage des différentes parties du texte on trouvera ici le
balisage qui marque les différents niveaux de structuration du texte (macro -et
superstructure) au moyen de la ponctuation d’une part des organisateurs textuels d’autre
part pour une description plus précise des opér ations de connexion -segmentation ainsi
que des différentes catégories d’organisateurs textuels) ;
-L’empaquetage1 qui réalise les groupements suprapropositionnels ; mise en paquets des
noyaux prédicatifs et spécification des liens entre les constituants d e ces paquets avec
les procédures syntaxiques de subordination et de coordination ;

1 Action qui consiste à assembler, attacher ou envelopper ensemble plusieurs choses

197

-Le liage : trace du fonctionnement en cours de l’activité langagière au moyen
d’expressions n’ayant pas de signification propre ;hésitations et pauses non structurales
à l’oral ratures et corrections à l’écrit
-La cohèsion : elle assure le maintien et la progression du thème. Un texte bien formé
implique qu’il y ait conservation et en même temps progression de l’information au
niveau des syntagmes nominaux, par reprise des référents anciens et introduction des
référents nouveaux. La cohésion intervient également au niveau du « relais des
prédicat » , c’est -à -dire de l’organisation des relations entre les prédications
successives ,assurée notamment par le système des te mps verbaux. On trouvera à ce
niveau les distinctions é tat/procès, avant/arrière plan, …

08.11.Les opérations de modalisation .-

Elles présentent un aspect particulier ,intervenant dans l’organisation de ce qui est dit .
On classe ici un ensemble très varié d’opérations :l’opposition, entre assertion,
interrogation et injonction, les modalités du probable, du possible, du nécessaire… ,la
distance énonciative (il me semble que), le mode évaluatif ou appréciatif, etc. comme
les reformulations (c’est -à-dire…) ou l’annonce « par exemple ».

En outre, la validité du modèle proposé par Bronkart et Schneuwly quant à la
différenciation des types de textes peut être envisagée sous deux angles différents :
-La distribution des indicateurs linguistiques assoc iés aux quatre types d’ancrage
discursifs permet –elle de distinguer les quatre types de textes correspondants ?
– la variation expérimentalement contrôlée des conditions de production entraine t -elle
une différence systématique dans la mise en œuvre des opérations langagières
pertinentes et donc des indicateurs linguistiques résultants ?

09. Une approche de psychologie cognitive de la lecture /compréhension :

L’apprentissage de la lecture a suscité de nombreux débats , souvent passionnés , et l’on
trouve à son sujet une vaste littérature émanant de diverses disciplines ( pédagogie ,
psychologie ,sciences de l’éducation …) .

198

Nous essayerons ici1 de ne pas reproduire ces débats ; nous adopterons une perspective
de psychologie cognitive tout en intégran t des préoccupations pédagogiques , liées
notamment à l’apprentissage de la lecture ( ses phases , ses difficultés , ses prérequis
…). Nous discuterons la plupart des points présentés ici en articulation étroite avec ce
qui se passe dans la classe, et les questions que peut se poser l’enseignant. Peut -on ( ou
doit-on ) faciliter la compréhension des textes ( en manipulant le mode d’organisation
du texte , la familiarité de son contenu ..) ? :

« On lit pour comprendre , tout le monde en conviendra ,mais ,pour comprendre le fonctionnement du
lecteur , il est nécessaire de distinguer les capacités de lecture ( au sens de décodage ) des capacité de
compréhension . Certains élèves n’ont aucune difficulté de compréhension quand on leur lit un texte ,
mais sont incapables de le comprendre en le lisant eux – mêmes . Pour atteindre un niveau de
compréhension suffisant, il faut maitriser les mécanismes de base de l’activité de lecture ( ceux qui
permettent l’identification des mots ) . Nous emprunterons à Sprenger – Charolles et Casalis l’image
qu’elles donnent pour illustrer la relation entre capacités de base en lecture et compréhension :« il ne
vient à l’idée de personne de dire que ce qui manque à un enfant qui ne sait pas marcher ,c’est la finalité
de cette ac tivité . Il est évident que ce qui lui fait défaut , ce sont les mécanismes qui lui permettront de
garder l’équilibre sur ses jambes en mettant un pied devant l’autre pour suivre son chemin et cela sans
s’occuper consciemment de ce que font ses pieds . » (Gaonac’h.D et Golder,1998,p10)

A l’école , on peut dire de façon un peu générale que les activités visant
l’automatisation de certaines compétences dites de bas niveau ( comme la mise en
correspondance des graphèmes et des phénomènes ) sont un peu délaissées au profit
d’autres qui visen t l’acquisition de compétences de haut niveau ( la compréhension , par
exemple) . Les premières reposent sur un apprentissage répétitif ( mettre en
correspondance des groupes de lettres et des sons ) et a priori ennuyeux ,même si
l’apprentissage de cette m ise en correspondance ne se fait pas à partir de syllabes sans
signification :

« La compréhension de texte peut se concevoir à la fois comme une activité mentale de construction de la
signification du texte et comme le produit de cette activité , c’est –à-dire la signification . Par conséquent ,
la signification n’est pas contenue dans le texte , mais se trouve dans la tête du lecteur . Elle résulte en
effet d’une interaction entre un texte et son contenu et les structures de connaissances / croyances
activées ou élaborées par un individu –+lecteur au cours de la lecture . Pour construire la signification
d’un texte , il est nécessaire de construire sa cohérence locale ( microstructure ) et globale (

1 Dans la mesure du possible

199

macrostructure ) en mettant en rapport différents types d’informations issues du textes et les
connaissances du lecteur stockées en mémoire et activées lors de la lecture . Ce sont ces connais sances
qui permettent d’assurer la cohérence locale et globale »( Ma rin.B et Legros.D,200 8, p18)

Cette cohérence de la signification du texte se construit à l’aide des connaissances
générales et spécifiques que l’individu possède sur le « monde » évoqué par le texte ,
mais également sur le contexte et son monde environnant .Comprendre un texte consiste
donc pour le lecteur à lier les informations ( syntaxiques , sémantiques ) issues du texte
à ses connaissances sur le monde , concernant les objets , les événements et les états
évoqués par le texte . Cette intégration du contenu sémantique et des informations
linguistiques du texte aux connaissances du sujet s’opère essentiellement par
l’intermédiaire d’une représentation mentale élaborée au fur et à mesur e de la lecture et
dont le principe de construction est de garantir la cohérence de l’énoncé . Cette
cohérence peut être référentielle ( Kintsch & Van Dijk , 1988) ou causale , et
s’appliquer soit localement ( lorsque le lecteur relie la proposition ou la phrase qu’il lit
aux propositions ou aux phrases immédiatement précédentes ) , soit globalement (
lorsqu’il met en cohérence l’ensemble des informations issues du texte ) .

En effet, la représentation mentale peut s’analyser en plusieurs niveaux : un nive au de
surface exprimant l’information lexicale et syntaxique, un niveau sémantique
représentant à la fois la signification locale et globale des phrases et du texte, et un
niveau situationnel englobant les connaissances antérieures évoquées par le texte ai nsi
que les aspects contextuels de la situation de lecture .

10. Trois générations de recherche en compréhension de textes

Trois générations de modèles peuvent caractériser les recherches conduites sur la
compréhension de texte depuis trois décennies . La présentation de ces trois générations
permet de comprendre les évolutions et les progrès des grandes théories destinées à
mieux cerner l’activité de compréhension de textes .

200

10.1. les modèles de première génération : une approche centrée sur le « produit » de la
compréhension

La compréhension d’un texte est analysée comme le résultat d’une interaction entre un
lecteur et un texte . Elle suppose de la part du lecteur la construction d’une
représentation mentale qui dépasse l’information fournie par ce texte .
Van Dijk et Kintsch ( 1983) établissent dans leur modèle une distinction entre la
signification de la structure de surface et la signification du contenu du texte . La
première renvoie au traitement des mots , alors que la seconde renvoie à l a fois à la «
base de texte » ( microstructure et macrostructure ) , c’est -à-dire à la signification des
informations contenues dans le texte , et aux connaissances antérieures du lecteur
activées lors de la construction de la signification du texte . D’ après ce modèle , la
réussite du processus de compréhension suppose la construction en mémoire d’une
représentation étant définie comme au réseau d’événements , d’états , d’actions et de
faits , reliés entre eux suivant les relations qu’ils partagent . Van den Broek et Gustafson
( 1999) rajoutent que ce type de relation ,causal , caractérisé aussi bien les textes
narratifs qu’une grande partie des textes explicatifs . C’est ce constat qui a été le
fondement de la théorie du réseau de causalité et à la b ase des théories de la cohérence
de la signification des textes.

10.2.Les modèles de la deuxième génération : la prise en compte des processus cognitifs

Dans les modèles représentatifs de la deuxième génération , les chercheurs s’intéressent
aux processus cognitifs mis en jeu durant la lecture et à la nature des informations
activées . Le processus cognitif essentiel sur lequel ont travaillé les chercheurs sur
l’élaboration des inférences , en relation avec la mobilisation des ressources
attention nelles . La plupart des modèles s’appuient sur les contraintes de la capacité
limitée des ressources attentionnelles ou de la mémoire de travail. A chaque instant de
la lecture , l’individu doit focaliser son attention sur un petit nombre d’éléments qu’il
juge pertinents pour la compréhension du texte .

201

10.3. Les modèles de troisième génération : une approche intégrative de la
compréhension

Van den Broek et Gustasfon ( 1999) caractérisent la troisième génération de modèles
comme une extension des conclusions des première et deuxième générations . C’est
pourquoi ces modèles tentent à fournir une approche intégrative de l’activité de lecture
et du produit de la compréhension . Ils cherchent à rendre compte des mécanismes par
lesquels les processus « on line » , c’est -à-dire en temps réel , conduisent à la
construction d’une représentation en prenant en compte les facteurs qui affectent le
produi t de la compréhension , les processus et leurs interactions . Les modèles
s’efforcent de suivre l’activation de l’ensemble des composants textuels et l’activité
inférentielle tout au long de la lecture ( Kintsch , 1988) . Si les modèles des deux
premières générations ont largement contribué à saisir la nature de la représentation
constitue en mémoire et les processus cognitifs intervenant dans cette activité de
construction. Les modèles de la troisième génération ont permis essentiellement de
fournir une vi sion intégrative de la manière dont l’activation se distribue au cours de
l’activité de lecture. Ainsi, cette nouvelle approche rend compte de la manière dont les
éléments textuels et inférentiels fluctuent 1 au fil de la lecture et conduisent
progressive ment à l’élaboration d’une représentation cohérente du contenu du texte . Au
cours de l’activité de lecture , la représentation en cours de développement influence
l’activation des éléments subséquents2.

11. Les aspects textuels

Nous nous centrerons maintenant sur les aspects textuels, c’est –à-dire ceux qui
permettent l’intégration de haut niveau de l’information textuelle de la lecture /
compréhension : la construction de la représentation d’ensemble du texte. Nous ne nous
attac herons donc plus ici aux aspects lexicaux et syntaxiques. Du point de vue
linguistique, les aspects textuels correspondent à certaines dimensions que l’on peut
manipuler : type de texte , familiarité du domaine évoqué par le texte ,marques qui
assurent la cohésion …Nous essaierons ici d’analyser les opérations cognitives que le
lecteur met en jeu pour traiter ces aspects textuels ,et par là -même les difficultés qui

1 Passent successivemen t d’un état à l’autre .
2 Qui suit immédiatement .

202

peuvent faire obstacle à la compréhension :
« De manière à permettre au lecteur de se constr uire une représentation à peu prés cohérente de
problème, nous présenterons les choses de façon parfois un peu segmentée et parcellaire1, bien que cette
présentation soit probablement assez éloignée de la réalité du fonctionnement psychologique du lecteur.
Dans l’activité de lecture , les différentes dimensions qui permettent de caractériser le texte (contenu
familier ou non , structure textuelle standard ou non , etc .) ont des répercussions sur les nombreux
processus en jeu : sélectionner les informations importantes , segmenter l’information en paquets
cohérents ,etc . Mais tous ces aspects entretiennent entre eux des relations très étroites : il existe des
interactions fortes dans la mesure ou les effets que peut avoir une dimension textuelle ( par exemp le , la
familiarité du domaine ) varient en fonction des autres dimensions textuelles ( la structure du texte ,les
connecteurs , etc ) » . (Golder.C et Gaonac’h.D, 1998, p82)

De façon générale , disons que comprendre un texte consiste à construire un mod èle de
situation dans lequel l’information du texte élaborée, interprétée des connaissances
préalables des lecteurs , et intégrée dans celles -ci . Ces connaissances préalables
facilitent la mise en œuvre d’un certain nombre de processus essentiels à la
compréhension du texte : inférences pour rétablir l’implicite, mise en relation des
différentes informations du texte pour construire une représentation cohérence , etc .

11.1. Les connaissances du domaine évoqué par le texte : Plus on en sait , mieux on
comprend

De façon générale, on sait que le niveau initial de connaissance du domaine abordé par
le texte permet de mieux comprendre celui -ci ; les rappels effectués à l’issue de la
lecture sont de meilleure qualité , à l’issue de la lecture sont de meilleur e qualité , à la
fois du point de vue quantitatif ( plus d’éléments rappelés ) et qualitatif ( ce sont les
informations importantes qui sont rappelées ) . Ces connaissances interviennent sur la
vitesse de lecture du texte , et permettent également un meill eur repérage des éléments
importants , donc une meilleure intégration de l’information . Pour illustrer cette idée ,
nous décrions une expérience réalisée par Birkmire ,relativement simple dans son
principe et frappante par ses résultats .

 .L’expérience de Birkmire :

1 Petit fragment .

203

On propose un texte traitant des lasers et un autre texte traitant l’histoire de la notation
musicale d’une part à des étudiants en physique et , d’autre part , à des étudiants en
musicologie ; ils ont pour tâche de dégager les différentes idé es de chaque texte et
d’attribuer à chacune des idées une note d’importance . Ce travail préparatoire
(également effectué sur un texte neutre , traitant des perroquets ) permet de mettre en
avant l’organisation hiérarchique de chaque texte . Dans un second temps ,une fois
dégagées, les idées importantes par les deux premiers groupes d’étudiants , ont fait lire
chacun des textes à deux nouveaux groupes d’étudiants en physique et en musicologie .
Les textes sont présentés segment par segment ( un segment corr espond ici à une unité
d’idée ) sur un écran d’ordinateur ,ceci de manière à mesurer précisément les temps de
lecture de chaque idée , et les analyser en fonction de l’importance qui leur a été
précédemment attribuée . On observe que les novices dans un do maine considéré ( par
exemple , les étudiants en musicologie qui lisent un texte traitant des lasers ,
contrairement aux experts , ne modulent pas leur vitesse de lecture en fonction de la
hiérarchie des informations . Les experts, eux, lisent plus rapideme nt les idées
considérées comme importantes car ils les connaissent déjà . En revanche , sur le texte
neutre ( les perroquets ) , les deux groupes d’étudiants ont le même comportement ,
montrant ainsi que la régulation de la vitesse de lecture dépend bien d u degré
d’expertise , mesuré par le niveau de connaissances concept uelles .

Les connaissances antérieures permettent donc au lecteur expert de construire l’idée
principale du texte lorsque celle -ci n’est pas donnée explicitement ; elles permettent
égale ment d’obtenir des scores -élèves de compréhension lorsque celle -ci concerne les
relations causales entre informations données dans le texte. Les connaissances
antérieures permettent alors de compenser les incapacités ou les difficultés du lecteur à
inférer les relations causales en jeu dans le texte . Certains travaux empiriques montrent
que la compréhension des textes peut être notablement améliorée en diminuant la
proportion des inférences que le lecteur doit effectuer. Ainsi par, exemple, lorsque l’on
présente à des sujets des textes dans lesquels les faits décrits dans les propositions
successives sont explicitement reliés , la mémorisation et la compréhension s’en
trouvent alors facilitées .

Les chercheurs sont formels : la proportion d’informations nouvelles à intégrer ne doit

204

pas être trop importante . Cela veut -il dire qu’il faut nécessairement proposer à l’élève
des textes dont il connaît déjà suffisamment le sujet .
Bref , ce qui fait l’i ntérêt d’un texte ,c’est sa nouveauté. Il est donc nécessaire de donner
à l’élève des textes suffisamment nou veaux pour susciter son intérêt , tout en étant
suffisamment connus de manière qu’ils soient compris .

11.2. Connaissances générales et spécifiques

Si un certain niveau de connaissances du domaine conceptuel évoqué dans le texte
semble nécessaire à la compréhension , d’autres connaissances sont également requises .
Ainsi , Alexander distingue deux types de connaissances générales , qui renvoient à des
connaissance s non spécialisées sur le monde , connaissances acquises dans la vie
quotidienne ; et des connaissances spécifiques , spécialisées sur un domaine .
L’hypothèse générale proposé par Alexander peut se résumer comme suit : les lecteurs
peuven t aboutir à une interprétation correcte du texte, même avec des connaissances
préalables limitées, grâce à l’existence de connaissances générales.

Si ces stratégies viennent ajouter des difficultés supplémentaires à l’activité de lecture (
la tâche est pl us lourde ) , il semble néanmoins qu’elles permettent une compréhension
plus profonde , dans la mesure où elles permettent la construction d’un modèle de
situation intégrant l’information textuelle aux connaissances antérieures.

11.3. L’importance des inférences

Les difficultés de compréhension peuvent , pour une large part , être imputées à des
déficiences dans la mise en œuvre des processus inférentiels . Ces déficiences sont liées
, dans une large mesure ,à un manque de connaissances du domaine abo rdé par le texte
,mais elles peuvent également se rencontrer même lorsque les lecteurs ont un niveau de
connaissances suffisant.

Ainsi ,certains chercheurs s’intéressent à la capacité des enfants à établir les inférences
sur des éléments implicites du tex te . Dans une étude effectuée dans ce sens , les élèves
( répartis en deux groupes ,bons et mauvais compreneurs ) ont pour tâche de lire un
texte , puis de répondre à des questions de compréhension soit en présence du texte ,soit

205

en son absence . Les quest ions portent soit sur l’information directement accessible dans
le texte ( questions littérales qui ne nécessitent pas d’inférences ) , soit sur de
l’information nécessitant l’élaboration d’inférences .

De plus , les résultats font apparaître que, globalem ent ,e t comme on pouvait s’y
attendre , les performances de compréhension sont meilleures quand le lecteur peut se
référer au texte , et que les performances des bons compreneurs sont , dans tous les cas ,
plus élevées que celles des mauvais compreneurs .E n l’absence du texte ,les bons
compreneurs sont plus performants que les mauvais compreneurs ,quelque soit le type
de question . En présence du texte, les performances des mauvais compreneurs arrivent
à égaler celles des bons compreneurs ,mais uniquement s ur les questions littérales . Sur
les questions qui nécessitent des inférences , les mauvais compreneurs font 35 %
d’erreurs , alors que le taux d’erreurs des bons compreneurs ne dépasse pas 10 % .

En fait , les difficultés à établir des inférences déco uleraient de la manière dont certains
mauvais compreneurs traitent le texte : celui -ci serait traité à un niveau superficiel , les
lecteurs focalisant leur attention sur les mots . On retrouve ici les problèmes posés par
l’interactivité des processus : lorsque le lecteur se focalise sur l’accès lexical , il n’ya
plus suffisamment de ressources cognitives disponibles pour permettre l’interactivité , et
donc parvenir à l’intégration sémantique .

11.4. Les connaissances conceptuelles : sélectionner l’informat ion importante

Selon le modèle classique de Meyer , l’importance se caractérise selon deux
dimensions : une dimension structurale qui définit le rapport de subordination que les
informations entretiennent entre elles dans la structure du texte ; et une d imension
subjective qui correspond à ce que le lecteur considère comme important en fonction de
sa perspective , de ses intérêts .La lecture de texte ( lorsqu’elle a pour objectif la
compréhension ) ne peut se résumer à une suite linéaire de mots.

En fai t, nous accordons plus importance ( plus d’attention pour parler en termes
cognitifs …) à certaines informations ( eu égard à nos objectifs de lecture ) . Le titre ou
les débuts de paragraphe qui ,de façon générale ,introduisent l’information thématique
qui sera traitée dans le texte , constituent de bons exemples de ces paquets

206

d’informations sur lesquels nous centrons davantage notre attention . S’il existe une
relation causale évidente ( et qui peut paraître simple ) entre importance de
l’information et temps passé à traiter cette information , les modèles explicatifs ne sont
pas toujours aussi simples qu’on pourrait le penser a priori .

En revanche,dans le cadre d’une théorie interactive de la lecture , l’attribution de
l’importance peut être envisagée comme le repérage d’éléments importants ( ce qu’on
nomme les marques d’importance , qui peuvent être li nguistique , comme « en
résumé »,(ou paralinguistiques comme le soulignement ) .
Ainsi, ce repérage conduit à l’activation de représentations de haut niveau , lesquelles
facilitent l’intégration de la signification d’ensemble du texte , ou d’une partie de celui –
ci . L’identification des éléments importants du texte peut également se r éaliser sur la
base des caractéristiques sémantiques du texte , comme par exemple la position d’un
énoncé dans la structure hiérarchique sous -jacente au texte : il s’agit alors de
l’importance structurale . Lorsque l’importance se définit relativement aux attentes et
aux objectifs de lecture du sujet , on parle alors d’importance subjective .
Enfin , lorsqu’une unité sert de déclencheur pour l’activation de représentations utiles à
la compréhension ( indépendamment de sa position dans la structure hiérarch ique ) , on
parle alors d’importance fonctionnelle . C’est par exemple l e cas de « Il était une fois» ,
qui oriente le lecteur vers la construction d’une histoire.

11.05.Les connaissances linguistiques

Les connaissances conceptuelles précédemment év oquées sont activées à partir des
éléments linguistiques présents dans le texte. Si le lexique utilisé dans le texte permet
d’activer un domaine de connaissances particulier , il existe également des marques ( au
sens large ) qui semblent fonctionner comme indicateurs de traitement , autrement dit
qui incitent le lecteur à effectuer certaines opérations . Ce sont ces marques de
traitement auxquelles nous allons nous intéresser maintenant .Nous aborderons
successivement la ponctuation , la segmentation du te xte , les connecteurs et les
anaphores .

Nous avons vu que l’intégration de l’information textuelle est une composante cruciale
de l’activité de lecture / compréhension .Un certain nombre d’indices textuels peuvent

207

être pris en compte par le lecteur pour gérer les processus de traitement , et notamment
pour réaliser les processus intégratifs à des endroits propices .

En outre, la hiérarchie dans le degré de rupture crée par les différentes marques de
ponctuation ( virgule, point, alinéa ) est prise en co mpte pour établir les relations entre
les différents éléments de la représent ation construite par le lecteur .

Ainsi, les marques de ponctuation apparaissent comme de bon prédicateurs , à la fois du
lieu et de la durée des pauses en lecture ; elles constit uent des instructions qui
permettent d’établir des relations entre les différents éléments de la représentation . La
prise en compte de ces marques de ponctuation ne se ferait pas avant onze / douze ans .
Fayol présente à des élèves de dix à quatorze ans u n texte sous deux versions normale
dans laquelle la ponctuation est conforme à l’organisation hiérarchique du script , et une
version dans laquelle la ponctuation est non -conforme à cette organisation .

En revanche, un script peut être défini comme la re présentation que les individus se
construisent à propos d’événements fréquemment rencontrés dans la vie quotidienne et
qui se déroulent de manière stéréotypée , comme par exemple aller au restaurant ou
chez le dentiste. Un script étant constitué de plusie urs épisodes (demander la carte,
commander ,manger , payer ) . La ponctuation est logiquement plus forte entre ces
épisodes qu’a l’intérieur.

En effet , lors de la lecture d’un texte , des traitements de niveaux différents sont
réalisés ; certains peuvent être différés , c’est -à-dire que le lecteur maintient en mémoire
de travail certaines informations jusqu’ à un lieu propice à leur intégration ( par
exemple , la fin des phrases ) . Une gestion efficace des traitements consiste à repérer
des lieux ou réal iser cette intégration ; les marques de ponctuation sont des indices de
lieux qui peuvent étre repérés en vision périphérique .

Ce sur quoi il convient d’insister ici , c’est l’existence de stratégies différentes selon
qu’on est lecteur lent ou rapide . E n effet , on distingue classiquement deux stratégies
d’intégration : la stratégie physique , qui consiste à intégrer en fin de ligne , plus
souvent utilisée par les lecteurs rapides , et la stratégie linguistique , qui consiste à
intégrer en fin de phrase , plus souvent utilisée par les lecteurs lents .Néanmoins ,les

208

stratégies d’intégration des lecteurs lents peuvent être contraintes par les
caractéristiques textuelles .

Ainsi ,la ponctuation , lorsqu’elle peut être repérée , est utilisée par les lecteur s lents
pour gérer leur activité de lecture ; le repérage de la ponctuation permet alors une
accélération de la lecture . De nombreuses recherches montrent en fait que la plupart des
lecteurs adultes utilisent la proposition grammaticale ou la phrase comme unité de
traitement ; en effet, quand ils rencontrent une marque de ponctuation , ils intègrent
l’information nouvelle à la représentation élaborée en mémoire .

11.6. Le rôle des paragraphes

L’organisation du texte en paragraphes affecte également la lecture . En effet ,les
ruptures de paragraphe sont des indices qui permettent l’identification des différentes
parties du texte ( et donc la construction de la représentation macrostructurale ) , et qui
permettent également de gérer les traitements intégr atifs au cours de la lecture ( le
lecteur attend la fin du paragraphe pour intégrer les informations ) . Ainsi , le temps de
lecture du segment qui précède la rupture de paragraphe est allongé de façon notable ; la
rupture apparaît donc comme une instructi on de clôture , indiquant un lieu propice au
traitement intégratif .

On peut résumer les grandes fonctions du paragraphe comme suit :
-L’alinéa fait office de marque d’intégration , indiquant au lecteur qu’il peut intégrer
l’information qu’il vient de lire dans un cycle ;
-Le paragraphe sert de frontière par rapport au fonctionnement des anaphores : quand on
change de paragraphe , les pronoms anaphoriques ne revoient pas au référent du
paragraphe précédent ( sauf exception ) ;
-Il a également une foncti on rhétorique lorsqu’il marque une rupture dans le contenu ;
c’est par exemple le cas lorsque , dans un texte argumentatif , après avoir énuméré les
arguments en faveur d’une position , on passe aux contre – arguments dans un nouveau
paragraphe ( rupture d es énonciateurs ) ;
-Le paragraphe peut aussi constituer à lui seul une marque d’importance : l’information
présentée seule dans un petit paragraphe est alors mise en relief ;
-Enfin , le repérage visuel de la structure du texte grâce au découpage des di fférents

209

paragraphes facilite les traitements intégratifs , notamment en permettant de mettre en
parallèle des informations qui doivent être traitées simultanément .

11.7. Le rôle des connecteurs

Les travaux sur les connecteurs abondent et il semble difficile de faire la synthèse des
diverses fonctions qu’ils exercent dans la compréhension de texte . D’une manière très
générale , on peut dire qu’un des rôles des connecteurs est de faciliter l’intégration
sémantique en précisant le type de relations qu e deux phrases successives entretiennent .
En annonçant qu’il s’agit d’une relation de causalité , de concession , ou autre ,les
connecteurs ,lorsqu’ils sont correctement traités , accélèrent la vitesse de lecture .

Pour que les élèves prennent conscience de l’importance des connecteurs pour la
compréhension , on peut concevoir des exercices dans lesquels on supprime les
différents connecteurs en demandant aux élèves de rétablir le texte originel .

En effet, le traitement des anaphores , parce qu’il est particulièrement difficile pour les
élèves , a fait l’objet de nombreuses recherches . De façon générale , on considère qu’il
y a anaphore lorsque l’interprétation d’un segment du texte repose sur un segment lu
antérieurement ; le lecteur ,l orsqu’il rencon tre une anaphore , doit en rechercher
l’antécédent en mémoire de manière à réaliser l’intégration sémantique .

On peut résumer les résultats des différents travaux de la façon suivante :
-Le traitement des anaphores dépend à la fois de la distance physique entre l’anaphore
et son référent ( le traitement est plus rapide lorsque le référent est proche ) et de
l’importance du référent dans le modèle mental construit par le sujet ( quand on lit une
histoire , le héros est toujours très accessible : qua nd on rencontre « il » , on considère ,
sauf indication contraire , qu’il s’agit du héros ) .
-Le traitement des anaphores dépend également de leur nature et de leur caractère plus
ou moins explicite : la répétition des noms propres rend l’antécédent plus accessible .
Plus une anaphore est précise ,plus elle permet au lecteur de retrouver facilement son
antécédent .
-Le traitement de l’anaphore n’est pas réalisé dés sa rencontre , même si le processus de

210

recherche des antécédents potentiels est déclenché i mmédiatement . Son traitement peut
demander un certain délai , si par exemple il existe plusieurs candidats à la référence .
Le traitement des anaphores peut donc être plus ou moins de la nature des anaphores ,
des contraintes contextuelles , et du nombre de référents potentiels .

11.8.Les processus de gestion : savoir repérer ce qui bloque la compréhension

Le pilotage de la compréhension implique deux composantes : une composante
évaluation qui consiste à prendre conscience que l’information qu’on est e n train de lire
n’est pas comprise, et une composante régulation qui consiste à mettre en œuvre des
stratégies pour palier ces ruptures dans la compréhension. La stratégie de régulation a
fait l’objet de nombreuses recherches ; il s’agit le plus souvent d’ inciter l’élève à relire
les passages antérieurs. Selon les théories constructivistes de la compréhension, cette
relecture devrait faciliter l’assimilation de l’information entrante avec les connaissances
antérieures et le texte lu précédemment. Une recher che récente montre que non
seulement ces stratégies de relecture améliorent la compréhension, mais aussi que les
entrainements conservent leurs effets sur plusieurs jours ; en outre, ces stratégies
peuvent être entrainées dés neuf / dix ans.

Contrairement à la situation d’audition, la situation de lecture permet au lecteur de
moduler sa vitesse de prise d’informations : il peut accélérer sur l’information qu’il
considère comme non importante et ralentir sur celle qui lui semble importante ; il peut
également revenir sur les parties du texte qu’il n’a pas comprises . Cette possibilité de
traiter l’information du texte de façon variable est surtout utilisée par les bons lecteurs.
En revanche, les mauvais lecteurs éprouvent des difficultés à déte cter des incohérences,
des informations inconsistances ; dans les textes, ils n’arrivent pas à expliciter ce qui ne
va pas .

211

12-Comprendre : intégrer de l’information
12-1. L’acquisition du vocabulaire et des connaissances

Tous reconnaissent que la lecture peut contribuer à l’acquisition du vocabulaire et des
connaissances. .
Quant aux connaissances mêmes si les expériences concrètes sont de bonne sources
d’acquisition , la lecture personnelle demeure un moyen privilégie d’appropriation de
savoirs . Thérien ( 1997) explique bien le rôle de la lecture de textes littéraires dans
l’acquisition des connaissances , ce qu’il appelle la fin encyclopédique de la lecture :
La littérature de fiction , mais aussi la poésie , la littérature autobiographiq ue ( récits de
voyage , journaux , mémoires , correspondances , etc ) , la littérature historique ( roman
, théâtre , biographies , etc .) , constituent un immense réservoir pour construira
l’encyclopédie au sens d’Eco . il n’est pas un domaine du savoir ( religion , sciences ,
techniques , arts ) , il n’est pas une réalité sociale ( travail , chômage ,etc ) , par une
réalité économique ou politique pour lesquelles la littérature ne peut considérablement
contribuer à construire l’encyclopédie .

12.2. Le développement des habiletés en lecture

« Pour les enseignants , il n’est pas indifférent de savoir que la mise en présence de la littérature peut
contribuer au développement des habiletés générales en lecture . En effet , on sait que la lecture
personne lle est un moyen indispensable pour apprendre à lire de façon efficace . En d’autres mots , pour
être capable d’utiliser pleinement la lecture comme outil de communication , il faut lire et lire encore .
Bien évidemment , il faudra également que l’enseigne ment favorise l’acquisition de stratégies de lecture ,
mais ces stratégies ne deviendront fonctionnelles que si l’élève les utilise dans des situations de lecture
personnelle , situations dans lesquelles il décide lui -même d’appliquer les stratégies qui lu i ont été
enseignées » (Golder.C et Gaonac’h.D, 1998, p72)

Plus l’élève lit , plus il développe ses habiletés en lecture , plus la tâche devient facile et
agréable et plus il a envie de lire . L’inverse est généralement vrai : les lecteurs en
difficulté sont souvent des élèves qui ne lisent pas régulièrement, ils ne développent pas
leurs habiletés et la lecture devient pour eux une tâche difficile et désagréable ; ils
évitent donc par conséquent les occasions de lire, et la spirale continue .

212

En outre , la lecture personnelle régulière est étroitement liée aux habiletés de
compréhension des élèves du primaire et du secondaire ( Ricou , 1993 ; Duguay , 1996) .
Tout le long de leur scolarité , les élèves forts en lecture ont affiné leurs habiletés de
comp réhension par leurs habitudes de lecture régulière , habitudes qui font souvent
défaut aux lecteurs peu habiles en compréhension . Bref , la lecture personnelle au
primaire et au secondaire est nettement associée à la réussite scolaire ; elle permet aux
élèves de parfaire leur apprentissage de la lecture .

En effet, la lecture remplit plusieurs rôles chez l’enfant et l’adolescent : elle leur permet
de mieux connaître le monde qui les entoure, tout en les aidant à construire des
attitudes positives, comm e l’estime de soi, la tolérance envers les autres, la curiosité
envers la vie . La lecture peut être un moyen d’interpréter l’expérience humaine, de
définir ce que l’on est et ce que l’on pourrait être, de considérer des possibilités
nouvelles et d’envisag er des voies inédites. La lecture peut servir non seulement à
informer sur la vie, mais transformer la vie .

13-Le point épistémologique sur la lecture :
13.1.Sens, signification, signifiance

« Pour qui tente de comprendre ce que signifie l’acte de lecture, une première difficulté se présente
d’entrée de jeu : comment choisir dans le vaste champ lexical des termes qui le décrivent ; les concepts
pertinents pour en rendre compte ? D’ailleurs, faut – il distinguer ces termes souvent confondus dans
l’usage ou donnés comme synonymes ? les concepts de réception, de lecture, de compréhension,
d’interprétation recouvrent – ils la même activité du lecteur, mettent -ils en jeu les mêmes opérations
mentales ? Quelles frontières peut –on dessiner entre eux ? son t – elles d’origine historique ou relèvent –
elles de choix délibérés des théoriciens de la lecture ? Mais supposer que l’on puisse établir des
distinctions entre ces termes c’est admettre l’existence d’un consensus sur leur définition. Or, non
seulement d’ un théoricien à l’autre les définitions divergent, mais encore un même terme peut se voir
investi de significations différentes selon qu’il est appréhendé par un linguistique, un sémiologue ou un
historien de la littérature . Comment alors définir la lectu re littéraire au lycée sachant d’une part que
l’institution scolaire se veut relativement indépendante des différentes théories existantes et d’autre part
qu’elle a dans sa tradition donné elle -même un contenu à certains de ces termes »
(Rouxel.A,1991,p76) .

Sans doute pourrait – on là encore établir un inventaire des emplois de ces termes. Il
parait cependant opportun de renoncer à une stérile juxtaposition de définitions plus

213

propre à entretenir la confusion qu’a la dissiper . Pourtant pour ne pas esquiv er le
problème ni en nier la complexité, on se limitera à une seul investigation . Une rapide
incursion dans le dictionnaire des sciences du langage de Oswald Ducrot et Tzetan
Todorov suffit à mettre en lumière les distinctions opérées par les linguistes : le sens
d’un mot est donnée dans la langue la signification ( ou effet de sens ) provient de
l’emploi de ce mot dans un discours , donc de l’altération que fait subir au sens le
contexte ; enfin la signifiance qui est propre au texte , est « le jeu sans limites ni centre
des possibilités d’articulations génératrices de sens » ou encore « le sans fin des
opérations possibles dans un champ donné de la langue » .

Un transfert de ces définitions à l’étude des textes devrait permettre d’associer
significati on et compréhension d’une part et signifiance et interprétation d’autre part .
Mais l’harmonisation des nomenclatures n’est pas , on le sait, un souci de la critique et
les mêmes termes renvoient souvent à des définitions différentes .

13.2.La littéra ture comme activité et le rejet des vieux modèles

Selon Michel Picard ( 1987) , l’intérêt des chercheurs est progressivement passé du
texte au lecteur , comme jadis de l’auteur au texte .
Ce déplacement correspond à une rupture épistémologique profonde . Il signifie en effet
le passage d’une conception de la littérature comme chose à la littérature comme
activité : celle de l’écrivain et celle des lecteurs, mais non de littérature sans lect ure. La
lecture devient donc objet de toutes les attentions. Cet intérêt pour la lecture réelle est
une entière nouveauté, riche d’implications didactiques et pédagogiques. S’il est vrai
qu’auparavant et notamment dans les années 70 , le lecteur n’était pas complètement
absent de réflexion critique , ce lecteur était a lors une construction théorique au service
de la connaissance , une structure inscrite dans le texte .

Aujourd’hui, le consensus existe pour rejeter dans le passé – ou du moins pour
disqualifier – ces conceptions de l’interprétation. Désormais c’est l’i nteraction entre le
sujet et le texte qui suscite l’intérêt des chercheurs et celui des enseignants : Le sens
n’est plus à expliquer mais bien à vivre : il s’agit d’enressentir les effets.

214

13.3.La production de l’effet esthétique

Sans connaître l’intérêt des nombreux travaux sur cette question – notamment ceux de
H-R.Jaus – ce développement s’appuie principalement sur deux textes majeurs : L’acte
de lecture de W.Iser et Lector in fabula d’U.Eco . Selon W.Iser , en tant que donnée
matérielle est une simple virtualité qui ne peut trouver son actualité que grâce au sujet .
Par conséquent le texte de fiction doit être vu principalement comme communication et
l’acte de lecture essentiellement comme une relation dialogique . Aussi , considérer la
lecture du texte fictionnel comme un acte de communication invite à s’intéresser à la
dimension programmatique du texte et à reconnaître que l’effet produit sur le lecteur est
une r éaction à la force illocutoire : « Toutes fois, alors que dans le langage ordi naire , il
existe des conventions tacites qui régissent les actes de langage ces conventions liées à
la situation contextuelle sont absentes dans l’acte de lecture et remplacées par d’autres
, spécifiques qui permettent une communication réussie » . ( Aust in.JL, 1970, P37-43 )

Dans la communication littéraire , le lecteur se trouve mêlé à une situation qui ne lui est
pas familière car la validité de ce qui lui est familier apparaît comme suspendue . Mais
dans le rapport dialogue entre le texte et le lecte ur, le vide de la situation remplit un rôle
essentiel d’impulsion : il produit les conditions de la compréhension , car une situation
contextuelle peut ainsi se construire , permettant au lecteur et au texte de trouver une
convergence . Cette production de la situation contextuelle par le lecteur peut se faire à
partir de répertoire du texte , défini par W.Iser comme une sélection de normes
extratextuelles – constituées par les systèmes sémantique de l’époque – et de références
à la littérature antérieure . Ce sont ces éléments qui correspondent aux conventions qui
régissent la communication linguistique . Ils sont la condition de la relation dialogique
avec le texte , elle -même productrice de l’effet esthétique .
En fait , le lecteur est lui -même l’agent de cet effet qui dépend étroitement de sa
compétence interprétative . Que celle -ci soit sollicitée comme on vient de le voir pour
produire la situation contextuelle ou encore qu’elle intervienne en permanence , comme
le montre U.Eco dans Lector in fabula , pour remplir les implicites du texte , elle joue
un rôle déterminant et commande la production des effets du texte .En effet si les «
promenades inférentielles » dont parle U.Eco sont dirigées par le texte , la marge de
liberté et d’initiative qui reste au lecteur ne doit pas être minimisée : elle est finalement
à la source de l’effet esthétique .

215

Il ressort de ces travaux au moins deux enseignements précieux pour une réflexion
didactique. Tout d’abord , la lecture assume une fonction constructive à l’ég ard du
sujet : celui -ci se réalise intellectuellement et affectivement dans son activité
d’actualisation du texte . La relation dialogique dont il a été question implique ouverture
et reconnaissance de l’altérité : elle représente un gain , un élargissemen t des
compétences interprétatives , une sollicitation à l’affirmation de soi . La seconde leçon ,
c’est que n’est possible qu’a certaines conditions et en tout état de cause en privilégiant
parmi les compétences de lecteur ceux qui reposent sur une relatio n dialectique du sujet
et du texte . Pour analyser ces différentes attitudes de lecteur on peut se réfère utilement
à la typologie établie par Mikhatine et présentée par T.Todorov dans Mikhail Bakhtine ,
le principe dialogue , elle conserve une complète ac tualité .

13.4. De l’entière actualité de la typologie de M.Bakhtine

C’est dans une théorie que M.Bakhtine analyse la réception des textes . Il distingue
trois types d’attitudes interprétatives . La première , narcissique , consiste en la
projection du lecteur dans l’œuvre qu’il lit ; celle -ci illustre ou exemplifie sa propre
pensée. La seconde est l’empathie c’est -a- dire la fusion dans l’extase1 dans un
mouvement d’unification le sujet perd son identité propre ; sa conscience se dilue en
celle d’autru i . La troisième enfin n’est autre que le dialogue qui implique à la fois la
distance et la reconnaissance des positions respectives des instances de la
communication : le lecteur d’une part et l’auteur ou l’instance textuelle que représente
le narrateur d ’autre part .

Ainsi, cette attitude suppose un rapport à autrui radicalement différent : dans les deux
premières cas s’exerce un rapport de forces ou se manifeste l’entière domination ou
l’entière soumission du sujet ; la troisième attitude repose au cont raire sur le maintien
d’une dualité , source de tension et d’enrichissement .Il va sans dire que c’est cette
dernière attitude que préconise M.Bakhtine et s’il critique les conduites d’identification
ou de fusion , il admet toutefois qu’elles peuvent jouer un rôle transitoire ou
préparatoire . Remarque fort intéressante d’un point de vue didactique : elle laisse

1 L'extase (du latin ex-, « en dehors », et sto, stas, stare , « se tenir » : « être en dehors de soi -même »)
désigne un état où l'individu se ressent comme « transporté hors de lui-même » caractérisé par un
ravissement, une jouissance ou une joie extrême. L'extase peut être d'origine mystique ou survenir en
d'autres circonstances.

216

supposer que l’activité fusionnelle peut ouvrir la voie à une attitude plus distanciée,
qu’elle constitue souvent le premier mouvement de la compré hension mais qu’elle
n’exclut pas le mouvement inverse défini par le terme d’exotopie1. C’est ce retour à soi
même dans la conscience de son extériorité au texte qui est, pour M.Bakhtine, condition
et fondement de la compréhension. Celle -ci , du reste , ne saurait se réduire à un
processus interpersonnel ; elle est aussi mise en relation de deux cultures . Aussi
l’activité de compréhension exige -t- elle un travail de recherche et de documentation sur
le contexte de l’œuvre . Elle requiert également du lecte ur une claire perception de sa
situation historique. Selon Bakhtine, la première tâche est de comprendre l’œuvre de la
façon dont la comprenait son auteur , sans sortir des limites de sa compréhension .
L’accomplissement de cette tâche est très diffici le et exige habituellement d’examiner
une matière immense .En revanche, la deuxième tâche est d’utiliser son exotopie
temporelle et culturelle :« La conscience est plus effrayante que tous les complexes
inconscients »(Bakht ine in Todorov, 1981,P55) . Enfin , c’est précisément parce que la
compréhension repose sur l’exotopie que le contexte dialogique change et qu’il en
résulte que l’interprétation d’un texte est infinie .

14. Compréhension de textes en langue étrangère

En langue étrangère, nous nous contenterons de résumer les positions principales qui
se dégagent de trois ensembl es principaux de recherches :
1- celui connu en didactique du français langue étrangère sous l'appellation d'"Approche
Globale des textes" (AG) dont les principales publicati ons se situent autour de 1980 ;
2-Les travaux de P. L. CARRELL dans le ca dre de la théorie du schéma ;
3-les travaux de D. GAONAC'H d'orientation cognitiviste. Dans un article intitulé
« Pour une approche sémiotique de la lecture -compréhension en langue étr angère »
Marc Souchon décrit les études élaborées dans le domaine de la compréhension, de la
manière suivante :

1 L'exotopie bakhtienne est un mode de fonctionnement de l'esprit humain que l'on peut observer dan s la
vie quotidienne et pas seulement au niveau artistique. D'un point de vue psychologique, il le décrit
comme le processus d'identification et de distanciation qui se produit vis -à-vis d'autrui.

217

14.1.L'Approche Globale des textes" (AG) en didactique du FLE

Ces différents travaux émanant de chercheurs qui se définissent eux -mêmes avant tout
comme linguistes ont en commun : 1° une conception de la lecture définie avant tout
comme une activité de communication langagière (n'oublions pas en effet que l'on est à
l'époque où les "approches communicatives" occupent une position dominante dans le
champ de la didactique du FLE) ; 2° une description des processus mis en œuvre au
cours de l'activité élective très proche de celle développée par SMITH et GOODMAN
(du moins pour les publications parues dans les années 80) ; 2° leur nature spéculative :
ce sont en effet des travaux qui ne cherchent jamais à décrire d'une façon ou d'une autre,
l'activité propre du lecteur -récepteur en LE ; 3° l'absence de toute théorie particulière de
la compréhension des textes.

14.2.Les travaux de P. L. CARRELL

On pourrait résumer ses positions de la façon suivante : les textes les plus difficiles à
lire en LE sont d'abord les textes dont « les schémas de contenu » sont les plus éloignés
de ceux existant en LM ; ce sont ensuite les textes dont « les schémas forme ls »
diffèrent le plus de ceux qui sont utilisés en LM. De cette double affirmation découlent
deux conséquences principales. Ce sont les éléments socio -culturels inscrits dans les
textes( les "schémas de contenu") qui constituent la difficulté majeure de l a lecture en
LE ; il faut par conséquent les enseigner de façon systématique selon des procédures
adéquates. D'autre part « les schémas formels », dans la mesure où ils jouent un rôle
facilitateur, doivent eux aussi faire l'objet d'un enseignement de façon à ce que les
apprenants prennent conscience de leur existence y compris en LM.
Par ailleurs, nous n'entreprendrons pas ici une critique de la théorie du schéma. Certains
points de discussion apparaissent dans les travaux de Kintsch cités ci -dessus, "de telles
structures fixes sont trop inflexibles et ne sont pas suffisamment adapta bles aux
demandes imposées par les changements constants du contexte". Pour plus de
développements, on se référera entre autres à Baudet et Denhière (1992).

218

14.3.Les travaux de D. GAONAC'H .

Pour ce chercheur, il y aurait "court -circuitage" des proce ssus haut -bas dans la lecture
en LE. En effet, alors qu'on pourrait s'attendre à ce que dans la situation LE, les lecteurs
fassent davantage appel aux informations contextuelles de haut niveau, c'est l'inverse
qui se produit. Ce fait s'expliquerait par l'h ypothèse plus générale de "la surcharge
cognitive" qui, d'une façon générale, caractériserait toutes les activités langagières
effectuées en LE. A l'inverse de ce qui se produit en situation LM, les opérations de bas
niveau n'étant pas totalement automatis ées dans la lecture en LE, même à un stade très
avancé de maîtrise de cette LE, l'attention du sujet serait accaparée par les traitements
de bas niveau, ce qui ne lui permettrait d'utiliser avec la même efficacité les
informations de haut niveau fournies p ar le texte.

Par ailleurs, l'hypothèse du "court -circuitage des processus « haut-bas » nous semble
devoir être discutée au moins sur deux points. D'une part il suffit d'observer l'activité
des lecteurs en situation de lecture exolingue (y compris dès les premières étapes de
cette activité) pour s'apercevoir qu'ils utilisent effectivement des processus de type
descendant et que le "court -circuitage" invoqué ne se traduit jamais par leur disparition
(disparition qui ne peut être envisagée que comme une limit e extrême et sans doute tout
à fait théorique étant donné que la question se poserait alors de savoir si on pourrait
encore parler en pareil cas de lecture -compréhension. Si les processus descendants ne
sont pas totalement absents de la lecture en LE, l'hy pothèse du court -circuitage ne peut
exprimer qu'une diminution quantitativement significative de ces processus.

Or il n'est pas du tout facile de quantifier expérimentalement cette réduction à travers
les temps de traitement en isolant les phénomènes rel evant strictement de ces processus.
De plus, constater par exemple que tels processus descendants ne sont pas utilisés par
les lecteurs en LE ne signifie pas automatiquement que d'autres ne sont pas sollicités.

15- Le bon lecteur et les méthodes de lect ure rapide

L’importance du traitement « mot par mot » a souvent été contestée, notamment par les
protagonistes des méthodes de lecture rapide, qui préconisaient que l’entrainement à la
lecture efficace passe par la réalisation de sauts les plus longs pos sible . Mais de

219

nombreux travaux attestent maintenant que ce qui caractérise le lecture rapide , ce n’est
pas la longueur de ses sauts : le bon lecteur lit tout , mais en gérant la taille des saccades
de la manière la plus efficace pos sible selon la nature du texte : « Une caractéristique des
lecteurs experts est sans doute la flexibilité de leurs comportements : le bon lecteur peut lire et
comprendre très rapidement un texte comme il peut lire ce même texte très en détail en prêtant attention à
des aspects particuliers de forme ou d’orthographe. Les comportements oculaires varient alors
considérablement chez le même lecteur » . (Golder. C et Gaonac’h.D, 1998, p 23)

En bref , avec l’expérience de la lecture , on devient en fait capable de traiter plus
efficacement l’information que l’on capte à chaque fixation . Ainsi , un lecteur habile ,
sur le segment « hier ,je suis allée monter à cheval » , pourra éventuellement ne pas
fixer le mot « à » ; faire une seule fixation relativement brève du mot « cheval » ,et ne
pas retenir en arrière , sur les mots déjà fixés . Les évolutions qu’on peut repérer dans
les comportements oculaires sont la trace d’une meilleure automatisation dans l’habileté
à reconnaître chaque mot de texte.

Certains instruments didactique s ont pour objectif d’augmenter la vitesse de lecture ,
notamment en invitant le sujet à ne fixer que certains mots sur la ligne . Ce type de
méthode repose sur une conception erronée de la lecture et pose donc de nombreux
problèmes. Tout d’abord, il est m aintenant clairement établi que l’œil ne se contente pas
de fixer quelques mots importants pour comprendre, mais se pose ( même si c’est
parfois très rapidement ) sur pratiquement tous les mots du texte, est étroitement lié au
processus de compréhension : si ce processus n’exige pas trop d’effort , on peut lire
vite ; inversement , la vitesse de lecture est ralentie lorsque la compréhension est
difficile . Il est donc totalement illusoire de vouloir apprendre aux enfants à mieux lire
en les entrainant à lir e rapidement : lire vite est une conséquence des processus efficaces
de lecture , et non un moyen pour améliorer ces processus, une lecture trop rapide ne
permettra pas non plus de comprendre .

220

16. Activité visuelle , objectifs de lecture et les différentes voies d’accès à la
signification

Nous insisterons ici sur l’impact des objectifs de lecture sur la prise d’information s
visuelles pendant la lecture :

« La durée des fixations et le nombre de saccades de régression sont étroitement liés au mode de lecture :
si dans une lecture normale , la durée des fixations varie entre 200 et 300 millisecondes , cette durée
moyenne peut aller jusqu’à 400 millisecondes lors d’une lecture attentive . En outre , lorsque la lecture
du texte se fait aisément ( que le texte est facile ) ,on n’observe pas plus de 10 ou 20 % de saccades de
régression ; cette proportion augmente lorsque la difficulté du texte oblige à une lecture plus attentive .
En bref une lecture facile ( et rapide se caractérise par des saccades peu nombreuses mais amples , des
durées de fixation plus courtes et des régression moins fréquentes qu’une lecture difficile ( et lente ) ».
(Golder.C et Gaonac’h.D, 1998, p 28)

Cette réflexion sur les aspects « visuels » de la lecture nous permet d e monter que la
prise d’informations perspectives, celle liée pour l’essentiel aux mouvements des yeux ,
est déjà fortement liée à des traitements de dif férents niveaux : phonologiques ,
morphologiques et même parfois sémantiques .

En effet, on doit pourta nt admettre que la reconnaissance lexicale est en elle -même un
processus très complexe, sans que nous en ayons une conscience très claire .
Reconnaître un mot, c’est l’identifier parmi 30 000 à 50 000 possibles ; c’est nous
l’avons vu , activer des informa tions orthographiques qui supposent déjà des traitements
fondés sur des connaissances implicites ; c’est aussi activer les informations
sémantiques et syntaxiques relatives à ce mot et qui devront être prises en compte dans
la suite des traitements . Tout cela est 0.20 secondes ( nous lisons en moyenne cinq
mots par seconde) . Ces processus , même s’ils affleurent peu à la conscience ,
correspondent à un cout au plan cognitif , ce qui conduit à l’idée qu’il faut leur assurer
une très forte efficacité si l’ on veut éviter qu’ils ne soient trop couteux , et donc qu’ils
ne gênent la mise en œuvre d’autres processus .

221

17. D’ou vient le sens d’un texte ?

« Cette question s’avère difficile, déconcertante pour l’ensemble des élèves , quel que soit le niveau .
Souvent incomprise, gênante – brutale il est vrai – elle ne renvoie à rien pour nombre d’entre eux qui
préfèrent ne pas répondre . Toutefois , l’idée qui domine largement c’est que l’auteur est responsable du
sens : c’est lui qui imagine et qui choisit les mots , les tournures » , la ponctuation . L’auteur est une
figure importante qui s’exprime d’une manière particulière. » (Rouxel.A, 1996,p54)

En effet , un nombre appréciable de réponses accréditent l’idée que le sens est de nature
implicite : « il vient des sous – entendus que l’auteur veut nous faire comprendre » ;«
de ce que l’auteur cherche à nous dire derrière chaque expression » ; « de ce que cache
le texte, de ce qui ne se voit pas rien qu’en le lisant une fois ». Le nombre de réponses
qui attribuent le sens au lecteur est très variable d’une classe à l’autre. Cette disparité
révèle des parcours différents et résulte probablement de l’organisation des classes. En
seconde particulièrement, les réponses sont très hétérogènes. Donné en début d’ année1,
le questionnaire s’adresse à des élèves qui viennent d’horizons divers . A l’inverse , en
troisième et en première , le groupe – classe , ou une partie de celui -ci , a déjà une
histoire commune et les propositions des élèves sont parfois plus conse nsuelles . Quoi
qu’il en soit , les élèves notent que selon l’âge du lecteur , selon sa maturité , le sens
produit ne sera pas le même . L’idée d’une pluralité de sens possibles émerge
également ; sont alors suggérés le travail du lecteur , sa capacité à i ntroduire, à partir
d’indices trouvés dans le texte , sa liberté d’interprétation , sa « création ».

Enfin très rares sont les réponses qui mentionnent une interaction ou tout simplement
une relation entre l’auteur et le lecteur . « le sens d’un texte vient d’une part de son
auteur et d’autre part de la façon dont il a été lu donc compris » écrit une élève de
première littéraire. Cette réponse laconique témoigne d’une certaine conscience de la
complexité de l’acte de lecteur.
Avant de conclure sur ce po int, notons que cette question a aussi donné lieu à des
réponses pertinentes en termes de localisation textuelle du sens : le titre , l’introduction ,
la conclusion mais aussi les mots -clés sont sentis comme des lieux privilégiés où se lit
le sens du text e , remarques qui constituent un bel exemple de l’influence du cours de
français sur la rhétorique du lecteur élève .

1 Dans le cadre d’une étude effectuée par des chercheurs

222

Finalement, il ressort de cette enquête qu’il n ya pas de différence significative dans la
répartition des réponses entre les classes de troisièmes et de première. Paradoxalement,
malgré la mise en place de la lecture méthodique, la conscience de l’activité du lecteur
dans la construction du sens progresse peu durant les deux années de lycée. Une
majorité d’élèves ne se situent pas en tant que lecteurs actifs. Sans nécessairement
interpréter cette donnée en termes d’échec, force est de constater que dans le domaine
des représentations, les progrès sont lents et que la mise en place de nouvelles pratiques
de lecture dans les classes ne suffit pas pour le faire évoluer. Il ya la un terrain
d’investigation pour la didactique : la mise en place d’activités qui supposent des
démarches autoréflexives devrait favoriser chez l’élève la conscience de son pouvoir de
lecteur et donner du sens à l’activi té scolaire durant laquelle il s’exerce.

18. Le statut du texte littéraire :Construire une progression ordonnée : l’enseignant
comme guide
18.1.Le statut du texte littéraire au lycée

Comme le signalant Hutchinson et Waters, toute communication possède un niveau
structurel, un niveau fonctionnel et un niveau discursif qui sont complémentaires les uns
des autres. Il ne suffit pas que les apprenants étudient la langue cible, il importe
également de leur do nner les moyens d’utiliser cette langue, et pour cela de leur
proposer des tâches pertinentes après les savoirs exposés au domaine de connaissances
qu’on souhaite leur voir acquérir. C’est pourquoi l’enseignant propose aux apprenants, à
partir des document s sélectionnés, des tâches d’observation, comparaison, analyse,
déduction pour lesquelles ils seront amenés à utiliser la langue cible en situation au fur
et à mesure de leurs besoins . l’apprentissage d’une langue est subordonné à la façon
dont le cervea u observe , organise et enregistre les informations . C’est donc à
l’enseignant que revient la tâche de présenter ces informations de façon à en faciliter
l’observation et l’organisation « Laisser à l’élève le soin de résoudre le problème
d’apprendre, c’est se soustraire au devoir de résoudre le problème d’enseigner. »
(Skinner .B.F ,1968, p 171)

Pour faciliter ce processus , l’enseignant peut organiser l’input de façon à étapes de
l’apprentissage . Chacune comporte des passages obligés , plus ou moins f aciles , vers
une plus grande connaissance . L’idée à la base de cette façon de procéder est celle de

223

learnability, impliquant celle de teachability , c’est – à- dire qu’à un moment donnée
quelque chose peut être enseigné parce que les conditions requises sont réunies . Ou
bien , à la suite de Vygotski , le concept de zone proximale de développement ( la ZPD)
illustre bien ce qui est faisable ou non dans l’enseignement : il est en effet nécessaire
d’aller chercher les apprenants là où ils se trouvent pour que leur développement soit
possible . Trop loin de leur ZDP , l’apprentissage est impossible , puisqu’ils ne
disposent pas des éléments qui pourraient le rendre possible . Mais il n’ ya pas
davantage d’apprentissage si rien de nouveau n’est apporté. D’où l’idée qu’en
s’appuyant sur l’acquis antérieur , et que le travail de compréhension précède celui de
production1 .

En effet, si cette théorie est justifiée à certains égards , s’il est vrai que pour construire
un édifice , mieux vaut s’appuyer sur des f ondations solides , et ne pas commencer par
le toit , si donc il est exact qu’il faille une logique dans la manière dont l’information est
proposée aux apprenants , il est important également de se garder , dans ce domaine , de
toute rigidité qui aurait po ur effet d’enfermer les apprenants dans un carcan destructeur
de toute curiosité , de toute spontanéité , de tout aspect ludique et , pour finir , de tout
intérêt et de toute motivation .

En outre, il est nécessaire que les tâches proposées suivant un niv eau de complexité
progressif, et que l’apprenant soit guidé , encadré dans son apprentissage pour éviter la
dispersion , le découragement et la lassitude . L’enseignant a donc ce rôle de guide ,
celui qui montre le chemin , l’objectif à poursuivre . Il est là pour aider l’apprenant à
l’atteindre et pour le conseiller et l’encourage : à la découverte du savoir : l’apprenant
est au « centre de l’apprentissage » Cependant , ce n’est pas parce que l’input proposé
est clair , organisé et cohérent qu’ il sera as similable par l’apprenant . Selon Krashen ,
pour que l’appropriation se fasse , il faut que l’input soit compréhensible , intelligible de
l’apprenant , et si possible affectivement marqué .

Ainsi, D .Véronique à la suite de W.Klein ( 1989 ) pense que le processus
d’appropriation d’une langue seconde implique de la part de l’apprenant une double

1 C’est le constat à partir duquel nous avons entamé notre recherche dans le cadre de cette thèse : il s’agit
de la notion de transfert de compétence où l’élève algérien passe de la lecture/compréhension à la
production textuelle.

224

activité d’analyse et de synthèse : il lui faut d’abord percevoir et décomposer le flux de
paroles qui lui parvient pour ensuite réorganiser le perçu pour pouvoir produire des
énoncés dans la langue cible .L’activité cognitive se double d’une
activité sociolinguistique lorsque l’apprentissage passe par un échange avec un
interlocuteur plus compétent dans la langue . Le processus d’acquisition de la langue
prend donc une dimension mentale et sociale et dépend de l’apprenant et des relations
qu’il entretient avec un locuteur compétent : on parle alors d’input négocié.

De surcroît, au lycée , le texte littéraire est appréhendé dans le cadre de la lecture d’une
œuvre intégrale ou à partir d’une problématique construite par le professeur et à
découvrir par l’élève ( le groupement de textes ) . L’objet est de munir l’élève d’une
panoplie de savoirs , de concepts et de méthodes qui permettent de lire , de façon
autonome , une page littéraire isolée, selon la double convention implicite , de feu
l’explication de texte , explicite , du commentaire composé , qui veut qu’on sache
rendre compte d’un texte sans en connaître de l’auteur ou de l’œuvre autre chose que le
nom . De l a le statut particulier du commentaire composé . Avec ces exercices , l’élève
est censé se reporter mentalement à la panoplie de références qu’il a élaborée , pour
construire , à la place du contexte dont il est privé , son propre contexte de référence ,
véritable horizon de lecture grâce auquel il peut appréhender un texte dont à priori il
ignore tout . A cette pratique ,le professeur comprend que l’élève s’est construit son
savoir : il a extrait ses connaissances du domaine dans lequel il se les est appro priées ,
,il les a constituées en outils pour aborder une situation inédite et s’est décentré par
rapport au discours du maitre . Ces opérations de décontextualisation et de
recontextualisation donnent au professeur des informations sur ce que doit être
l’apprentissage : il convient , en amont , de proposer des approches diversifiées du texte
littéraire , de multiplier les problématiques ( historiques , génériques , thématiques ou
plus spécifiquement textuelles ) et d’imaginer des topiques de concepts clai rement
articulés.

18.2. L’articulation secondaire – supérieur
Tout texte littéraire se situe nécessairement au carrefour de contraintes externes ( ne fut
– ce que par son appartenance à une école , ou par son acquiescement, à une esthétique )
et interne ( le rôle du passage , sa place et sa fonction à cet endroit , dans l’économie
générale de l’œuvre ) . Ces exigences pèsent sur la fabrication du texte – seul objet , en

225

définitive , de l’exp lication littéraire ; à rebours , l’analyse conduite en classe mè ne le
jeune lecteur à une prise de conscience de plus en plus lucide de ce qui , externe au texte
et pourtant interne au champ de la littérature , travaille le texte . Le questionnement
visant le texte doit permettre à des élèves du secondaire d’acquérir c e mode de réfl exion
et de se constituer ainsi , au terme d’un certain nombre de séquences , un ensemble de
références , décantées à travers l’usage d’une typologie des textes et finalement
sédimentées , dans leur mémoire , en données culturelles. Une fois que ces mécanismes
sont acquis , à l’issue du secondaire , le travail de l’explication va pouvoir ajouter un
niveau de lecture supplémentaire ,opérer une sorte de renversement dialectique qui
ferait partir l’élève à la recherche , non plus de ce qu’il peu t reconnaître et rapporter à
un savoir déjà constitué ou opéré comme spécifique au texte mais de ce qui se révèle
irréductible à toute grille préétablie . Plus généralement, au – delà du lycée , sont
explorées les limites de la discipline .

En revanche, lo in de dénigrer les observations menées sur le texte et les analyses qui en
ont découlé , opérations absolument nécessaires et fondamentales , une telles attitude
permet , au contraire , à partir des informations obtenus , d’en dépasser les limites , de
sauter de l’explication ( décrire le texte et son fonctionnement ) à l’interprétation (
s’interroger sur la création littéraire : pourquoi ce paragraphe , ou même cette phrase -là ,
à cet endroit -là , avec ces mots -là , dans cet ordre -là ?) .

Par ailleurs, le renversement entre les objectifs du secondaire et ceux du supérieur ne
saurait s’instituer en hiatus. Dans la constitution du savoir , l’enseignement supérieur
prend efficacement le relais du lycée qu’il complète en le dépassant . La lecture , au
lycée , multiple l es typologies et les références . C’est dans cette multiplication même
que les élèves découvrent la possibilité de niveaux de lecture différents : ainsi s’élaborer
une première stratification des approches, pratique que l’entrainement au comment aire
composé a renforcée, et que l’enseignement supérieur va complexifier .

19. Les principes de l'acquisition du langage en psychologie cognitive :

Deux concepts clés sont développés par la psychologie cognitive pour rendre compte de
l'acquisition de connaissance en pédagogie de projet .Il s'agit des notions de « situation
de résolution de problème » et de « connaissances antérieures ». Nous allons d'abord

226

expliciter ces deux concepts avant de décrire leur rôle respectif tant dans la
construction d es connaissances que dans les différentes situations d'acquisition des
connaissances.

19.1. L'activité de résolution de problème :

L'acquisition de connaissance en psychologie cognitive est indissociable de la notion de
résolution d'une situation problème .C'est avant tout en résolvant des problèmes que
l'élève est amené à structurer ou restructurer ses représentations et acquérir a insi de
nouvelles connaissances. Ainsi un problème peut être défini comme : « Une tâche à
réaliser dans des conditions définies et pour laquelle on ne connaît pas le mode de
réalisation dans ces conditions : on sait quel est le but à atteindre, on connaî t le
contexte dans lequel il doit être atteint, mais on ne connaît pas de procédure pour
l'attei ndre » (Richa rd.J-F, 1994, p 81) .

Une autre définition est proposée à ce propos : « un problème se pose à l'élève dés qu'il
existe un écart entre une situation présente et un but que l'on cherche à atteindre »
(Marmèche .C , 1996,P 129)

En effet , toute activité scolaire d'un élève peut être , de la même façon , conçue comme
une acti vité de résolution de problèmes ; qu'il s'agisse de résoudre effectivement un
problème de mathématiques ( problème qui porte alors bien son nom) ou de répondre en
anglais ou en français aux sollicitations de l'enseignant de langue .Quel que soit le
probl ème, celui ci se définit toujours par un état initial (les données du problèmes) , un
état final ( le but à atteindre ) et une succession d'actions ( effectives ou mentales ) que
l'on peut nommer « procédures » et qui va permettre de « passer » de l'état initial à l'état
final .De ce fait, résoudre un problème consiste alors à développer des stratégies pour
mettre en place des procédures permettant de relier l'état initial à l'état final.

Cette résolution, assurée par et dans le système cognitif ,met à co ntribution des
différents registres mémoriels dans lesquels sont élaborées et traitées, par différents
processus mentaux, les informations, représentations et connaissances liées au
problème. Selon la théorie cognitiviste, l'élève, face à un problème, doit construire ce
qui peut être appelé « un espace mental de résolution du problème ». L'élaboration de

227

cet espace s'opère sur la base de l'interprétation par l'élève de l'énoncé du problème. Il
lui est nécessaire d'en identifier le type, d'établir le but à atteindre, de définir les
procédures pour atteindre ce but .Pour ce faire, l’élève peut faire appel à d'éventuels
schémas mentaux stockés en MLT1 si le type de problème est déjà connu. Dans le cas
inverse, il devra construire entièrement l’espace de résolution. Dans ce cas, le problème
peut-être considéré comme difficile car sa résolution suppose la mise en œuvre de
processus de planification de la procédure, de raisonnement, d'un modèle mental, par
exemple.

En outre, il est classique, en psycholo gie cognitive, de distinguer différents types de
problèmes dont les résolutions respectives ne mettent pas forcément en jeu les mêmes
connaissances ou les mêmes processus .Ainsi , selon Richard .J-P (1994, p81), nous
pouvons répertorier trois types de problèmes à travers : « des problèmes de découverte
de règles et de relation » survenant dans des situations de diagnostic « Pourquoi les
cotes de la pièce usinée ne sont – elles pas correctes? Est -ce un problème de réglage ?
Est ce un problème de fonctionnement de la machine ? Est ce un problème lié à l'entrée
des données dans le programmateur numérique de la machine – outil? » Et ; à travers
« des problèmes de transformation d'états » : Il s'agit i ci pour l'élève de modifier une
situation initiale pour atteindre un état final en respectant les actions ou les procédures
autorisées dans le cadre du problème. Ce type de problème peut être typiquement
illustré par un problème de physique ou de démonstra tion en mathématiques " Comment
faire pour calculer la trajectoire du satellite autour de la terre ? Comment puis – je m'y
prendre pour arriver à la démonstration ? J’y suis presque, pourtant "

Ainsi selon Richard .J-P (1994, p81) , nous pouvons répertorier le troisième type de
problèmes à travers « les problèmes d'arrangement » : pour lesquels il va s'agir de
construire, à partir d'éléments, une situation finale satisfaisant certains critères ( comme
une sorte de puzzle mental ) .Dans le cas de l'enseigne ment technique par exemple, ce
type de problème va se poser fréquemment à l'élève dans le cas de la réalisation d'un
dessin technique .Dans les enseignements littéraires, la rédaction de phrases
syntaxiquement complexes en sixième ou l'organisation d'un ra isonnement dans une
dissertation en terminale peut également correspondre à ce type de problème : « Je ne

1 Mémoire à long terme

228

sais pas trop si je garde cette idée pour ma conclusion ou si j'en parle
maintenant ! ».Bien entendu, selon le même auteur, un problème complexe peut être
mixte et comporter, dans ces différentes parties, des sous problèmes de chacune de ces
trois catégories.

Enfin il est clair que pour l'élève, pour pouvoir résoudre aux mieux toutes les situations
problèmes qui se présentent à lui, doit être en mesure d'utiliser toutes les connaissances
indispensables au bon déroulement de ses résolutions . Dans le cas inverse, c'est à dire si
aucune connaissance ne peut être convoquée pour résoudre le problème, celui -ci risque
de demeurer entier et insolvable (exemple de la copie blanche).De plus une seconde
notion, souvent associée à celle de résolution de problème, est primordiale en
psychologie cognitive,il s'agit des« connaissances antérieures ».

19.2. Le rôle des connaissances antérieures :

En effet le plus important des facteurs influençant l'apprentissage est ce que l'élève sait
déjà. Pour la psychologie cognitive, apprendre ne consiste pas simplement apercevoir
des informations et /ou à empiler les connaissances : il est nécessaire de compre ndre
pour apprendre. Les connaissances antérieures, dans un domaine donné, sont
indispensables au processus d'apprentissage car elles représentent un " berceau " pour
accueillir les nouvelles connaissances inhérentes à ce domaine .En fait, une informatio n
qui ne pourrait être " rattachée" à une quelconque connaissance préalable devient une
information non pertinente et non mémorisée par le système cognitif .En d'autres
termes, l'intégration de nouvelles informations dans la MLT1 dépend de l'efficience de s
connaissances antérieures auxquelles il est possible de rattacher de nouvelles
informations. En outre , acquérir des connaissances revient, pour l'élève, à élaborer de
nouvelles structures mentales en complétant ou modifiant des structures préexistantes.
Sur le plan de l'enseignement, il devient alors nécessaire d'opérer une véritable
progression pédagogique visant à accompagner l'élève dans la construction de ses
propres savoirs.

Dans ce cadre, la difficulté de l'enseignant est double .D'une part , il lu i est nécessaire

1 Mémoire à long terme.

229

de procéder à une analyse fine des connaissances initiales de ses élèves et d'autres part ,
il doit mettre en œuvre des situations pédagogiques adaptées au niveau évalué :

« Au niveau de l'évaluation diagnostique, il faut pouvoir identif ier le niveau des apprenants et cerner par
rapport à l'acquisition d'une compétence, les savoir – faire sur lesquels on peut s'appuyer .Le moyen le
mieux indiqué pour récolter les informations est le pré – test .Ce dernier met l'apprenant en face d'une
situation problème dans laquelle il mobilisera ses acquis antérieurs .Mais ces derniers ne lui permettront
pas de la résoudre complètement. De ce fait, la situation provoquera un conflit cognitif 1 ». (Document
d'accompagnement du programme, 2005, P3).

En effet cette difficulté d'adaptation est connue en psychologie cognitive, elle relève de
la différence pouvant exister entre le mode de pensée d'un expert et d'un novice, dans un
domaine de connaissance donné. Autrement dit sur le plan pédagogique, l'enseig nant est
l'expert d'un domaine disciplinaire et pédagogique; l'élève est un novice2.

En tant qu’expert, l’enseignant doit « déconstruire » ses connaissances disciplinaires
largement automatisées (il a été lui -même un apprenant) pour faire en sorte que l’élève
puisse reconstruire ces connaissances disciplinaires. Ces nécessités et possibilités
d'adaptation d'un expert au novice, que nous avons évoquées plus haut, ont été
particulièrement bien décrites par le psychologue russe Vygotski .L.S (1985, p43) , à
travers la notion de " zone proximale de développement"3. Cette zone peut être définie
comme : « L’écart entre ce que l’enfant peut réaliser seul et ce qu’il peut réaliser
avec l’aide d’une autre personne plus compétente (l’enseignant).Il s’agit p lus
communément de la zone de progrès de l’élève dans laquelle l’intervention de
l’enseignant doit se situer » . Par ailleurs, nous allons détailler maintenant les
différentes caractéristiques, selon l'approche cognitiviste, de cette construction de
conn aissances.
19.3. La construction des connaissances :
Du point de vue de la psychologie cognitive, l'acquisition de connaissances n'est pas la
résultante d'une seule et même activité mentale, clairement identifiable, mais repose
sur l’articulation et la coordination de diverses activités cognitives :

1 Condition nécessaire de l’apprentissage
2Même s'il finit certainement un jour par dépasser le maître.
3 Souvent connue entre pédagogues sous l'appellation abrégée de " ZPD».

230

« Apprendre suppose de pouvoir mettre en œuvre des activités, entre autres, de compréhension, de
construction de structures conceptuelles en MLT par le biais de processus sélectifs et stratégiques de
mémorisation ; de procéder à des traitements inférentiels sur la base des connaissances préalables,
d'élaborer et de vérifier des hypothèses, de généraliser des connaissances ou encore reconnaître la
classe d'un problème. ».(Richard .J-F, 1990, P72) .

Par ailleurs, deux contextes de construction des connaissances peuvent être
distingués ;dans un cas l'élève est confronté à une situation problème entièrement
nouvelle dont la résolution ne peut pas être directement assurée par le recours à des
connaissances antérieures correspondant directement au problème traité . Dans ce cas, il
s'agit pour l'élève d'entamer la construction d'un nouveau domaine de connaissance
.Dans l'autre cas, la situation problème peut être rattachée à des connaissances
antérieures. Il s'agit alors moins pour l'élève de construire de nouvelles connaissances
que d'approfondir ou d'enrichir un domaine de connaissances préexistant. Nous allons
voir que les processus mentaux sous – tendant l'un et l'autre de ces contextes
d'apprentissage ne s ont pas forcément de même nature.

En effet , lorsqu'il s'agit de construire un nouveau champ de connaissances, la difficulté
essentielle pour l'élève consiste à enclencher la construction de nouvelles connaissances
ou représentations en l'absence de conna issances antérieures directement applicables .Il
s'agit là d'une situation problème que va fréquemment rencontrer l'élève à chaque fois
qu'une notion nouvelle est introduite par l'enseignant.

Deux réponses sont apportées par la psychologie cognitive pour tenter d'expliquer le
mécanisme " d’enclenchement" : Le recours à des « règles générales de résolution de
problème (le GPS) et le recours à l'analogie ». Un " GPS" pour se repérer dans le
problème : L'une des façons (de tenter) de résoudre une situ ation -problème
initialement inconnue est de recourir à des règles très générales de résolution de
problèmes, il s'agit de procéder à des explorations, des tâtonnements, des essais -erreurs,
et plus particulièrement , de tenter de mettre en œuvre des straté gie de résolutions
génériques qui pourraient être appliquées à n'importe quel type de problème. Ces
stratégies , nommées " GPS" 1 , peuvent parfois s'avérer complexes .En l'occurrence ,

1 De l'anglais : general probleme solver par Wewel et Simon.

231

deux stratégie générales de résolution d'un problème initialement inco nnu peuvent être
décrites .

En revanche, « la stratégie de réduction des différences » consiste à effectuer une
action1puis à analyser aussitôt l'écart intermédiaire résultant de l'action .Cette démarche
très analytique , suppose à chaque évolution d'opter alors pour la stratégie ou le chemin ,
dans le raisonnement ,qui semble conduire le plus rapidement vers la solution .
Syntoniser mutuellement , par exemple, les stations de différentes chaînes télévisuelles
sur un magnétoscope nouvellement acheté peut être effectué par une série d'exploitation
successives l'utilisateur appuie sur un bouton qui lui semble pertinent et va modifier ,
ajuster sa procédure au fur et a mesure de sa progression vers le but final (enregistrer le
film qui commence inexorab lement dans quelques minutes ) .Ainsi selon les principes
de cette stratégies de réduction des différences , l'utilisateur va être guidé par l'atteinte la
plus rapide du but final sans doute négligera t – il après avoir syntonisé les chaînes , de
les mémoriser sur chacun des canaux du magnétoscope …

De plus, « la stratégie de l'analyse finalisée des moyens » reviendrait, elle, à procéder
à une analyse plus générale de la situation – problème en répertoriant, classifiant et
évaluant tous le s moyens à disposition avant de se lancer dans la résolution proprement
dite du problème. En d'autres termes, il s'agira de mettre en rapport, dés le départ, les
fins et les moyens caractérisant l'environnement de la situation problème. A fin
d’illustrer, nous pouvons donner pour exemple un élève, devant composer une
dissertation philosophique (à propos d'une problématique originale sur laquelle il n'a
aucune connaissance antérieure directe) qui aura certainement intérêt à analyser les fins
(souvent délimit ées par la question) et de les mettre en rapport avec les moyens
(souvent délimitées par les extraits de textes de philosophes fournis avec la question).
Bien sûr, il est probable qu'en l'absence de connaissances philosophiques antérieures sur
la question posée , la dissertation de cet élève soit très peu « pertinente » ou
« convaincante » mais cette stratégie d'analyse finalisée des moyens lui permettra
néanmoins de produire un texte d'une cohérence minimale en évitant de rendre une
copie blanche .

1 Physique ou mentale

232

Une analogie pour naviguer sur les parallèles .En dehors du recours au GPS , la seconde
possibilité de résoudre un problème nouveau repose sur d'utilisation de l'analogie .Il
s'agit pour l'élève de transférer l'ensemble d'un système de règles connu et parfa itement
maîtrisé, propre à un domaine de connaissance ( souvent très concret) , à un autre
domaine inconnu ( souvent plus abstrait) .En d'autres termes , il s'agit de traiter un
problème cible en utilisant un problème -source connu .Comme nous pouvons aisém ent
le constater, le recours à un raisonnement par analogie suppose que les problèmes cible
et source soient relativement proches dans leurs principes , seul leur habillage devant
changer .De tels problèmes, ne différent que par leurs formes de surfa ce, so nt
généralement qualifiés d' isomorphes1.

« Le traitement d'un problème par analogie suppose la mise en œuvre de trois phases successives .la
première nommée " évocation" consiste pour l'élève à récupérer, depuis la MLT, les connaissances
relatives au problème source. La seconde phase nommée « appariement », suppose que l’élève soit
capable d'établir une correspondance entre les éléments du problème -source et ceux du problème -cible.
Enfin, la dernière phase nommée « évaluation », suppose d'apprécier, d e juger la pertinence de
l’analogie en cernant les limites conceptuelles ». (Bastien.C, 1997, P17) .

Nous proposons, à présent, de fournir une description de ces situations pédagogiques en
tentant de cerner , sur le plan cognitif , quels peuvent être les processus, représentations
et connaissances plus particulièrement à mettre en jeu pour chacune d'entre elles .

19.4. Les situations d'acquisition de connaissance

Selon le pédagogie cognitive, deux grandes familles de situations d'apprentissage
peuvent être distinguées servant souvent de base à l'élaboration, par l'enseignant, de ses
séquences pédagogiques .Il s'agit de l'acquisition de connaissances par l’action ou la
découverte, et de l’acquisition de connaissances par le langage. Nous verrons
égalem ent, à la fin de cette partie, que ces deux modes d'acquisition de connaissances
peuvent être exploités par l'enseignant, dans le cadre plus large de l'apprentissage social
ou encore collaboratif.

1 de structure linguistique comparable

233

19.4.1. L'apprentissage par l'action et la découverte : intérêt et limites

L'apprentissage par l'action suppose de découvrir, de mémoriser les étapes de résolution
d'un problème tout en essayant d'en comprendre les principes et le fonctionnement.
L'intérêt de l'apprentissage par action est de confronter l'é lève à un problème dont la
résolution repose sur son activité lui même .Cet élève va devoir mettre en œuvre des
procédures d'exploitation, des essais – erreurs des tâtonnements qui vont lui permettre de
circonscrire la nature, l'étendue du problème .Le poin t important est que l'élève va
recevoir et devoir tenir compte de " feed – back" positifs ou négatifs émanant de la
situation -problème. Il peut agir, observer le résultat de son action consignant ce que
peut être fait et ne doit pas être fait. Il est fré quent que ce mode d'apprentissage soit
adopté par les enseignants de sciences, qui vont ainsi instaurer une phase d'exploration
et de découverte lors de travaux pratiques.

Toutefois l'apprentissage par l'action entraîne essentiellement l'élaboration de
connaissances portant sur les procédures nécessaires à la réalisation d'une tâche ou
d'une activité mais pas forcément de connaissances renvoyant à la fonction, aux
objectifs ou à la justification même de cette tâche. Dans le cas de l'apprentissage d'un
traitement de texte, par exemple, l'élève peut connaître les procédures pour copier un
mot, sans forcément être en mesure d'appliquer le même principe dans un autre logiciel
de mise en page .La procédure acquise peut demeurer très contextualisée car non
intégrée dans un ensemble de connaissances plus vaste (savoir copier tout type
d'informations dans tout type de logiciels).

Ainsi , savoir faire ce n'est pas seulement connaître une procédure, c'est également être
en mesure d'évaluer celle -ci en fonction de la tâche et du fonctionnement du système;
en comprendre le sens et l'efficacité .Ce mode d'apprentissage par l'action et la
découverte comporte un certain danger si l'enseignant ne veille pas à faire quelque peu "
théoriser" par l'élève les connaissances procédurales qu'il a pu acquérir lors de la phase
d'exploration .Dans le cas contraire ces connaissances procédurales peuvent être
appréhendées comme constituant une procédure unique et non décomposable pour
résoudre un problème .Il s’agit alors d’une « recette » qui va être appliquée
systématiquement .Cette recette peut faire fortune tant que l'exercice se prête à son
utilisation, mais l'élève sera vite en situation d'échec si les données du problème sont

234

légèrement différentes . Comprendre, en revanch e, comment et pourquoi une " recette"
fonctionne, en cerner les intérêts et les limites, revient à ne pas l'appliquer comme un
tout, mais à décomposer cette procédure en une série de sous -buts, voire d'actions
élémentaires à effectuer en comprenant le s raisons « des séquences ». C'est
certainement à cette condition que l'apprentissage par l'action et la découverte peut
s'avérer efficace.

Lors de l'apprentissage par l'action , deux modes d'exploration de l'espace de résolution
du problème peuvent êtr e distingués .Dans le premier cas , dit de « recherche
proactive » , l'élève ne connaît pas forcément le but final à atteindre , et la résolution du
problème va consister à délimiter d'état final en construisant le parcours , la procédure,
qui va permettr e d'atteindre ce but .Dans le second cas , dit de « recherche rétroactive »,
le but final est connu de l'élève et celui -ci doit alors construire et ajuster une procédure
de résolution qui va permettre d'atteindre ce but. Ces deux modes d'exploration sont
souvent utilisés dans le cas des travaux dirigés ou de travaux pratiques .Dans le cas de
l'enseignement de la chimie , par exemple , l'enseignant peut indiquer aux élève un
début de procédure ( en leur fournissant quelques produits chimiques dont le mélange
est " autorisé" ) puis leur demander d'observer différents mélanges de ces produits .Les
élèves vont devoir alors observer , décrire et justifier le but final qu'ils vont eux –même
découvrir ( réaction chimiques , précipité , etc. ) en fonction de leurs expérimentations
préalables.

L'enseignant met ainsi les élèves en situation de recherche proactive : le but final n'est
pas clairement énoncé , ce sont les élèves qui vont devoir découvrir sa notion de
réaction chimique .A l'inverse , dans le cas d'une recherche rétroactive , l'enseignant
peut demander aux élève d'expérimenter des mélanges jusqu'à l'obtention d'un précipité
rose ou d'une odeur de pomme verte. Les élèves vont , dans ce cas devoir construire la
procédure des mélanges pour atteindre le but imposé et connu de tous .En fait la
recherche proactive met l'accent sur la construction du but (ou de l'état final) alors que
la recherche rétroactive met, ell e, l’accent sur la procédure permettant d’atteindre ce
but ou cet état final.

En des termes plus pédagogiques, la recherche rétroactive s'apparenterait plutôt à une
véritable situation de problème (« comment faire pour.. »). Alors que la recherche

235

proactive s'apparenterait à une situation de découverte (« que se passe –t-il si
…. »).Aucune de ces deux méthodes ne semble prévaloir : l'apprentissage par l'action
repose très certainement sur un aller -retour permanent entre les deux modes de
recherche.

19.4.2. L’apprentissage par le langage :

Il est classique d'opposer l'apprentissage par l'action à l'apprentissage par le langage (
ou encore par « instruction » ) comme nous l'avons vu dans l'apprentissage par l'action
c'est l'élève qui , pas ses exploitations d'une situation -problème ,construit peu à peu une
représentation de l'espace de résolution de ce problème .Dans le cas de l'apprentissage
par le langage , il s'agit le plus souvent , pour l'enseignant , de transmettre des
informations aux élè ves en les formulant par le biais de la langue orale , écrite, ou par
tout autre moyen ou support composite , comme les multimédias. Selon cette modalité
d'apprentissage, l'élève n'est pas directement en prise avec la résolution d'un problème
mais doit com pléter ou élaborer des connaissances en les construisant à partir
d'informations verbales fournies ou gérées par l'enseignant .Ce dernier s'attend , en
retour , à ce que les informations ainsi communiquées aux élèves soient transformées
en connaissances e t viennent enrichir le contenue de leur MLT .

En effet , le code verbal (écrit, et /ou oral) est un médium souvent très privilégié par
l'enseignement car il constitue un outil extrêmement puissant d'évocation et de
représentation .Pourtant, et paradoxalem ent, ce même code peut parfois s’avérer être
" un peu trop" puissant et devenir un handicap à la bonne compréhension et l'intégration
par les élèves, des notions transmises par l’enseignant. En fait, apprendre par le biais du
langage suppose être " à minima" capable de décoder la forme de surface du texte ou
du discours (c’est à dire le vocabulaire, la syntaxe) pour ensuite analyser les
informations ainsi extraites à un niveau profond (c’est – à- dire sémantique : le sens, les
sous -entendus, etc.). « Cette analyse profonde suppose la réalisation d'une activité
complexe de compréhension pour laquelle l'élève doit être capable de mettre en œuvre
des processus d'inférence,de raisonnement et d'interprétation des informations
fournies » .( Denhiere .G et Baudet .S ,1992,P 12)
Par ailleurs,en raison de cette nécessaire activité de compréhension, l'apprentissage par
le langage entraîne l'élaboration de représentations complexes comme les modèles

236

mentaux ou encore des modèles de situations, par adjonction ou assimilation de
nouvelles connaissances ( issues de la compréhension du texte lu, par exemple ) au se in
de connaissances antérieures .

En outre, l'acquisition de connaissances à partir d'un texte ou d'un discours suppose
donc , et ce plus fortement que l’apprentissage par la découverte , de posséder des
connaissances antérieures concernant le thème du texte ou du discours , ce sont ces
connaissances antérieures qui vont permettre à l’élève de donner du sens aux
informations verbales en les rattachan t à des concepts connus.

Dans le cas de l'apprentissage par le langage , une des difficultés de l'élève consiste le
plus souvent à pouvoir repérer dans le flux du texte ou du discours, les informations
pertinentes qui doivent ou peuvent être intégrées dan s une structure mentale et un
contexte plus large .Pour faciliter une telle compréhension de la part de ses élèves
l'enseignant se doit alors d'aménager et d'adapter le contenu et la forme (c'est – dire le
niveau langagier ) de son discours et des documen ts écrits qui lui servent de support
.Toutefois , si le fait de tenir compte des connaissances antérieures des élèves en ne leur
fournissant que des informations intégrales est déjà un grand pas vers l'adaptation, cette
avancée n'est pas forcément suffisan te. Il est également nécessaire à l'enseignant de
veiller à l'adaptation pragmatique de ses propos afin d'établir avant tout un réel espace
de communication entre ses élèves et lui .Par ailleurs sur le plan de l'oral , cette
adaptation à l'auditoire peut être réalisée , entre autres , et par exemple : en ajustant le
niveau du vocabulaire et de syntaxe utilisés , en intégrant des temps de pauses dans son
débit verbal1 en marquant l'importance de certaines informations2 ou encore , en gérant
ses reformulat ions , c'est à – dire en étant volontairement redondant sans toutefois se
répéter3.
En revanche, sur le plan de l’écrit, de nombreux indices d'aide à la compréhension
peuvent être insérés dans les textes pour marquer et signifier au lecteur la
contextualisa tion et l'importance des informations. Ces indices de compréhension
peuvent être constitués par le titre, les sous -titres d'un texte, les mises en gras de

1 Temps de pauses qui sont autant de moment durant lesquels les élèves vont pouvoir intégrer de
nouvelles informations.
2 Par l'intonation ou par des instructions orales comme "faites attention à ceci ", " cela est très important",
etc.
3 Ce qui est sans doute le plus difficile à réaliser.

237

certaines mots, les soulignés, l'utilisation d’encadrée, de phrases contenues dans une
partie du tex te ou quelques uns de ses paragraphes. De la même façon , le recours à des
illustrations ou des graphiques dans un document écrit , peut jouer un rôle facilitateur
déterminant pour la compréhension des informations linguistiques .Il est , toutefois ,
nécessaire qu'une étroite correspondance puisse être établie entre les informations
linguistiques ( le texte) et les informations contenues dans l'image .Il semble qu'une
image ne soit réellement efficace que si l'élève peut effectivement l'utiliser comme une
aide à la compréhension et non pas simplement comme une information supplémentaire
.Ces différents indices , qu'il s'agisse de marques typographiques ou d'images , von t
tous faciliter l'élaboration , par l'élève , d'un modèle de situation ou un modèle com plet
et complexe , lui permettant de mémoriser à long terme les contenus essentiels
développés par l'enseignant .En fait ces indices constitueraient autant d'installation de
traitement permettant à l'élève de discriminer, sérier et classer les information s
importantes .

Nous venons de développer les principes, les intérêts et les contraintes de
l'apprentissage par le langage .Nous avons essentiellement abordé le langage en tant
qu'outil de transmission d'informations en tre un enseignant et ses élèves . Mais le
langage n'a pas seulement cette fonction. Il représente également, sur le plan mental, un
outil puissant de réflexion, et par là même de modification, par un élève (et en toute
autonomie), de ses propres connaissances.

19.4.3.. L'importance de la médiation langagière :

Le fait, par exemple de demander à un élève de verbaliser ses modes de raisonnement,
ses déductions, ses inductions semblent l'aider, en retour, à mieux structurer ou
restructurer ses connaissances .Le recours à une telle médiation langagière est bien
connu en pédagogie. Il permet à l'élève de prendre conscience non seulement de
l'étendue de ses connaissances, mais également de ses propres processus et stratégies
d'élaboration et de transformation de ses connaissances .Une telle pos sibilité de
verbaliser ses propres états mentaux fait appel à une famille particulière de
connaissance nommées " métacognitives " .La métacognition se définit comme étant :
« Le conscience (relative) qu'un individu peut avoir de son propre fonctionnemen t
cognitif ». (Gaonac’h .D et Golder.C, 2001, P 109) .

238

A titre d’exemple, ce fonctionnement métacognitif serait en jeu chez un élève à chaque
fois que l’enseignant lui demande d’identifier et d’expliquer les raisons d’une erreur
dans sa copie (« à ton avis, pourquoi t’es -tu trompé ? », « Quelle est ton erreur ? »,
Etait -il possible de s’y prendre autrement ? »).Le recours à des connaissances
métacognitives peut -être également et heureusement opéré par l'élève en dehors de tout
questionnement émanant de l'enseignant. Tel est le cas à chaque fois que l'élève va
mentaliser ses propres modes de fonctionnement, en utilisant son langage interne (sa
pensée verbale) ; autrement dit, à chaque fois qu'il va réfléchir à "comment faire".

Ainsi, le fait alors de pa rler, d'écrire avec et à propos de ses propres connaissances1
entraîne en retour, une structuration de ses connaissances car utilisées dans une tâche,
même si celle -ci demeure mentale .En effet cette interprétation explique également le
rôle très important joué par la production écrite dans l'acquisition de connaissances. Le
simple fait d'écrire un texte, portant sur un domaine de connaissances donné2 susciterait,
en retour, une augmentation des connaissances du domaine :

« Une telle acquisition de connais sances par l'écriture serait due au fait que les contraintes du passage à
l’écrit (écrire pour un destinataire, choisir les termes lexicaux, intégrer plusieurs idées dans la même
phrase) entraîneraient, chez le scripteur, une nécessaire reconsidération de ses connaissances
référentielles, initiales, voire la création de nouvelles connaissances, pour pouvoir justement répondre à
ces lourdes contraintes de l'écrit ». (Scardamalia .M et Bereiter .C, 1998, p 13) .

Nous avons opposé, au sein de l'introduction de cette partie, les définitions de
l'apprentissage par l’action et par le langage. Il n'existe cependant pas une situation qui
soit plus pertinente qu'une autre. Par exemple, l'un des problèmes de l'apprentissa ge par
le langage peut relever de l'absence de toute possibilité de mise en pratique des
connaissances ainsi acquises, et un tel apprentissage devra souvent être complété par un
passage par l'action et la découverte .Inversement, il demeure généralement
indispensable, à l'issue d'une séance d'apprentissage par l'action, de procéder
verbalement à des explications, des définitions (voire des théorisations), des
phénomènes et lois constatés par l'action ou la découverte .En fait, le choix de l'une ou
de l'autr e de ces situations, et la gestion de leur alternance au cours d'une même

1 Voire le simple fait de les activer en MLT "pour réfléchir avec"…
2 Le domaine réf érentiel du texte.

239

séquence (ou d'une même séance) pédagogique, dépend pleinement des objectifs fixés
par l'enseignant et du contenu des connaissances que celui -ci souhaite voir être
élaborées par ces élèves , l'apprentissage par l'action mettrait plus fortement l'accent sur
la connaissance des procédures de résolution d'un problème, alors que l'apprentissage
par l'instruction mettrait plutôt l'accent sur les connaissances relatives aux principes plus
généraux de ce problème

Il ne faut pas non plus établir une stricte correspondance entre les deux situations
d'apprentissage et les méthodes pédagogiques .L'apprentissage par l'action ne signifie
pas forcément un travail en autonomie de la part de l'élève et l'apprentissage par le
langage ne rime pas forcément avec une situation strictement transmissive dans
laquelle seul l'enseignant aurait le privilège de la parole. En fait, chacun de ces modes
d'apprentissage peut être mis en œuvre selon différents scén arios pédagogiques et plus
particulièrement au sein des situations d'apprentissage dans et par l'interaction sociale.

20. La mise en œuvre de l'interaction sociale en pédagogie :

Dans ses formes les plus marquées, la prise en compte des dimensions de l'interaction
sociale, dans l'acte d'enseigner, a donné lieu, depuis plusieurs décennies, à
l'expérimentation de nouvelles méthodes pédagogiques. Ainsi l'école Freinet, dont les
principes centraux reposent sur l'expression, la collaboration et les échanges de savoir
entre les élèves, ou encore les principes, préconisés par Cousinet, d'un travail libre des
élèves réunis en sous -groupes, font partie de ces tentatives visionnaires d'instauration
d'une autre pédagogie .Un outil privilégié, par les interactions sociales et l'activité
autonome qu'il procure aux élèves, est certainement le travail en sous -groupe .Selon les
approches sociocognitives et socioconstructives actuelles, l'intérêt du travail en sous –
groupes est de générer des conflits par le biais de l' interaction sociale .

Bien entendu, il ne s'agit pas ici de conflits physiques mais cognitifs. Travaillant en
collaboration pour résoudre une même situation -problème et atteindre ainsi un but
commun, les élèves doivent échanger des informations en vue de mutualiser leurs
connaissances. Un conflit socio -cognitif peut être souvent généré par un désaccord entre
les élèves (à propos d'un concept, par exemple).Le conflit crée une situation de
déséquilibre cognitif qui ne pourra être régulé que par l'établisseme nt d'un consens entre

240

les élèves (à propos de ce concept). Les échanges d'informations permettant d'atteindre
ce consens et de réduire le déséquilibre sont autant d'informations transmises
susceptibles de modifier les représentations ou les connaissances d e chaque élève .Il
s'agit donc bien là d'une situation d'apprentissage par et dans l'interaction sociale.
L'enseignant devient un médiateur qui favorise l'acquisition de ses élèves dans son
contexte social. Son rôle est important car il peut jouer sur la dynamique de chaque
sous-groupe en veillant à leur composition, en prenant en considération leur motivation.
Ainsi, les conflits socio -cognitifs générés seront plus ou moins importants selon que les
sous-groupes sont plus ou moins équilibrés en termes de n iveau de connaissances et
d'expertises.

21-Psycholinguistique cognitive du traitement de texte
21-1. L’activité de traitement du texte

Le traitement du texte , c’est –à-dire l’activité cognitive qui consiste lors de la
compréhension ou de la production à activer les connaissances à ce traitement résulte
d’une interaction entre , d’un coté , l’individu , caractérisé par ses connaissances et ses
croyances , variables en fonction de ses modalités d’apprentissage et de sa culture et ,
d’un autre coté , le t exte , dont le contenu sémantique et la structure sont les produits du
milieu culturel dont ils émanent .

Les premiers travaux sur le traitement du texte et consacrés au récit , conduits dans le
cadre de la psycholinguistique textuelle ( Coirier , Ganonac’h et Passerault , 1996 ) ont
tenté de valider psychologiquement des modèles du texte conçus souvent à partir des
schémas narratifs issus de la linguistique textuelle ( Adam , 1999 ) . Les recherches sur
le traitement du texte ont cependant soulig né l’insuffisance et l’inadéquation des
modèles centrés uniquement sur le texte et sur la prise en compte des seules
connaissances linguistiques . Elles ont également mis en évidence l’insuffisance des
conceptualisations centrées sur l’intervention privilé giée , au cours de l’activité de
traitement , de schémas homologues des structures types du texte .

La psycholinguistique cognitive du traitement du texte se donne pour objectif de décrire
non seulement les représentations activées ou construites ,mais aussi les processus mis
en œuvre dans l’élaboration de ces représentations au cours des taches de lectu re , de

241

compréhension et de production . Les méthodes de recherche utilisées ne se contentent
donc plus d’analyser la représentation activée ou construite et mise en mots ( méthode
off-line ) , mais les processus de construction de ces rep résentations ( mé thodes on -line)
( Jamet , 2006 ) . Le but est de construite et de valider des modèles du traitement
humain de l’information verbale dans ces activités ( Le Ny , 1989 ) . Les travaux
conduits dans ce cadre se caractérisent par le souci de privilégier l’étud e des activités
langagières comme moyen d’accéder à la compréhension du fonctionnement cognitif
des individus engagés dans les tâches d’apprentissage et par le souci de tenir compte de
cette connaissance du fonctionnement cognitif de l’individu pour amélio rer ses
capacités de traitement et pour concevoir des aides et des systèmes d’aide à
l’apprentissage efficace ( Sweet et Snow , 2003 ) .

21-2.Traitement du texte et sémantique cognitive

L’activation ou l’activité cognitive de construction des représenta tions est à la base de
l’activité de traitement du texte . L’individu, en effet, lorsqu’il lit un texte , une
représentation du contenu du texte ,c’est ce qu’on appelle la signification qui n’est donc
pas contenue dans le texte , mais dans la tète du lecte ur ( Denhiére et Legros , 1989 ) .
Pour construire la signification globale de ce texte ( macrostructure ) , le lecteur doit
mettre en relation de façon cohérente les différents constituants du contenu du texte (
microstructure ) et construire la cohérenc e de l’ensemble . La construction de cette
cohérence nécessite de faire des inférences1 qui sont indispensables à sa
compréhension2.

Les sciences du langage et de la cognition contribuent ainsi aux recherches
indispensables à la construction d’un cadre t héorique solide face aux développements
des nouvelles littératies et de nouvelles stratégies d’apprentissage / enseignement. Cette
convergence est récente. Le Ny ( 1979 ) en concevant la signification comme un
événement mental , a posé les fondements en Fr ance de la sémantique psychologique .
Johonson – Laird ( 1983 ) et Van Dijk et Kintsch ( 1983) ont développé une théorie des
modèles mentaux et des modèles de situation comme bases de connaissances et univers
référentiels des expressions langagières ( Blan c et Brouillet , 2003 ) a contribué à la

1 C’est -à-dire d’activer les connaissances évoquées par le contenu du texte
2 c’est -à-dire à la construction de la cohérence de sa signification.

242

mise en place de la sémantique cognitive en étudiant les déterminations réciproques des
structures linguistiques et cognitives . La sémantique cognitive permet d’analyser ,d’une
part , les invariants cognitifs qui p ermettent de catégoriser les représentations du monde
et d’élaborer les systèmes ou « modèles » de connaissances et de croyances des
individus et , d’autre part ,les moyens linguistiques qui permettent d’exprimer et de
décrire ces invariants et les facteu rs de variabilité qu’il importe de prendre en compte .

21.3 .La lecture méthodique est une réponse à la demande sociale :

Autrement dit, quelle demande sociale en matière de lecture aujourd’hui ? Avant de
situer la réflexion dans le domaine de la lecture , quelques général ités s’imposent. Selon
Chevallard(1985) pour mieux comprendre comment l’école qu’elle en ait conscience ou
non , apporte -ou n’apporte pas parfois – des réponses à des demandes que lui fait la
société.

En outre, il n y a pas lieu de développer ici des analyses relevant de l’histoire , de la
politique , de l’économie , de la sociologie … quasiment de toutes les sciences
humaines. La complexité des sociétés occidentales contemporaines prend formes
multiples ; causes ou conséquen ces , le plus souvent les deux en même temps les
phénomènes s’enchevêtrent ., aussi ne peut -on en citer quelques – uns que pêle -mêle :

-Obsolescence rapide des connaissances ;
-Multiplication des créations technologiques, avec les conséquences que cela entraine
pour les individus tant dans le domaine des loisirs et de la vie familiale que dans celui
de la profession ;
-Sophistication des structures sociales ;
-Accès du plus grand nombre à niveau d’études en élévation constante ;
-Développement des c ommunications audio – visuelles ;
-Formes esthétiques nouvelles déconcertantes ;
-Diversité et nombre toujours croissants des objets à lire ; Etc .
Se situer convenablement dans un tel univers, exige des compétences de lecture le
mieux adaptées. Ces r éflexions, même sommaires , permettent de comprendre qu’en
matière d’apprentissage de la lecture , il faut désormais mettre l’accent sur les aspects
qui garantiront à l’individu une meilleur adaptation à la société telle qu’elle est

243

aujourd’hui et surtou t telle qu’elle s’annonce pour demain : il devient urgent de faire
acquérir à l’élève des méthodes de lecture applicables à des objets à lire de plus
nombreux , de plus en plus divers .

Ainsi , une capacité de lecture doit – elle , pour préserver les meilleures chances
d’insertion . Un bon lecteur aujourd’hui est un individu qui pose d’une capacité «
ouverte » de lecture et sait adapter ses méthodes à la grande diversité des objets à lire …
sans pour autant se détourner de la fréquentation des textes littéraires .Il semble que les
instances décisionnelles de la « noosphère »1 aient perçu convenablement les
exigences de notre temps et se soient efforcées d’y répondre par l’intermédiaire de
textes officiels de France.2

21.4. Les apports de la psyc hologie cognitive

l’autonomie de l’élève ( au lieu de l’autorité magistrale ) , l’apprentissage des capacités
( au lieu de la transmission des savoirs ) et la prise en compte de l’hétérogénéité des
élèves ( au lieu d’un enseignement pour un élève moye n ou modèle ) figurent en bonne
place dans les finalités affirmés officiellement. Le discours est aisé mais on ne pourra
lui faire correspondre une réalité dans la classe qu’au prix de mutations pédagogiques
progressives alimentées par des connaissances no uvelles. La référence à des théories
constructives semble importante notamment dans ce contexte tel qu’il le souligne
Meirieu. P (1987)

Dans l’esprit de ses prédécesseurs, P . Meirieu propose un modèle de l’apprentissage
simple, à trois éléments ; Apprendre , c’est :
1.avoir un projet ( c’est -à- dire être placé dans une situation où l’apprentissage ait du
sens ) ;
2.mettre en œuvre des opérations mentales ( invariants structurels ou éléments
incontournables par lesquels tout le monde doit passer ) ;
3.négocier ces opérations mentales avec la stratégie personnelle la plus efficace .
22.Détermination d’une stratégie de lecture

1 Sphère où l’on pense
2dont on peut souligner, à propos de la lecture, la cohérence de la 6e à la terminale

244

La mise en œuvre de la stratégie de lecture va faire intervenir des indices de plus en
plus intratextuels ; ces derniers a ppartiendront à des catégories communes à tous les
types et genres de textes ou spécifiques à chacun d’entre eux : Par exemple , on peut
considérer les indices d’énonciations ( qui parle ? à qui ?… ) comme pertinents quelque
soit le texte à lire alors qu e les notions de point de vue et de choix narratif seront plus
spécialement requises pour aborder l’étude d’un roman ou d’une nouvelle .

On comprend de mieux en mieux que mettre sur pied un projet pédagogique cohérent
demande réflexion ; il faut en eff et organiser la mise en perspective des notions dans
une progression constructive – au plein sens du terme – en partant d’une connaissance
suffisante des opérations mentales exigées par la lecture ( ou invariants de l’acte de lire )
et en intégrant avec un e finesse croissante les multiples variables qui permettront la
flexibilité .

Dans la pratique concrète de la classe, nous constatons que les élèves, souvent peu
préparés à une construction du sens qui se fonde conscie mment sur les formes
textuelles , ont du mal à passer du repérage des indices à une interprétation suffisante ,
même si la stratégie adoptée convient . Cette difficulté constitue l’obstacle majeur
rencontré par les enseignants lorsqu’ils abordent la L.M , on la vaincra progressivement
par un apprentissage qui conduit l’élève à distinguer « signifiant , signifie et référent »
tout en donnant à la compétence encyclopédique sa juste place dans le processus ; par
ailleurs , il faut reconnaître la difficulté comme inhérente à la construction du sens et
considérer qu’elle doit faire l’objet d’un travail permanent et conscient . Nous pensons
en effet qu’il est vain de se désoler sur cette défaillance des élèves et de renoncer à la
L.M pour en revenir à des pratiques antérieures plus rassurantes , alors même que les
progrès résulteront d’un effort de plusieurs années sur ce qui fait obstacle .

245

23- Un nouveau rôle pour le professeur de français

A partir du moment où le professeur n’est plus le ‘’ dépositaire ‘’ du SENS du texte ,
bien des conditions de son action sont modifiées et des mises au point s’imposent autant
dans le domaine pédagogique que didactique . En effet, l’objectif essentiel ét ant de
développer les compétences de lecture de l’élève, le sens du texte devient une
préoccupation seconde , non en terme d’importance mais de chronologie ; dans un
premier temps , l’élève sera mis en situation de liberté face au texte , surtout lorsqu ’il
est littéraire . Cela aura pour conséquence essentielle de déposséder le maitre d’un
savoir donné , le SENS du texte , d’où qu’il vienne : lecture personnelle , tradition ; cela
ne signifie nullement qu’il doit l’ignorer, mais qu’il lui faut dorénav ant le réserver , le
mettre à distance , en différer l'éventuelle révélation afin de placer au premier plan les
préoccupations méthodologiques .

Une telle dépossession peut être dangereuse ou vécu comme telle ; en effet , elle est
perte d’un pouvoir , el le prive l’enseignant d’une forme d’autorité et le met à la merci
de l’élève . Il est donc nécessaire de la compenser par un autre pouvoir défini dans un
contrat pédagogique clair : le professeur qui maitrise lui -même les compétences de
lecture et qui, su rtout, dispose des moyens de les faire acquérir propose à l’élève de le
rendre capable de mieux lire . Cela pourrait s’exprimer ainsi :
 Objectif de la classe de français au lycée : amélioration de la capacité de lecture de
l’élève : Le professeur propose à l’élève de le rendre capable de :
 pratiquer la lecture active et plurielle, c’est -à- dire de savoir construire avec le
maximum de pertinence d’autonomie, le sens de textes variés :
 Non littéraires : argumentation, textes scientifiques ou de manuels , articles de journaux
, etc .
 Littéraires : roman , nouvelles , poésie , théâtre ,
 Image fixes et animés ;
 accéder au domaine de la critique :
a. En produisant une réflexion sur l’acte de lire lui -même, ce qui suppose :
 La maitrise d’une technologie et de concepts (par ex : signal, signe, indice signifiant ,
signifier , référent / fonctions du language / types de textes / énoncé , énonciation ,etc
) .

246

 La capacité d’analyser avec rigueur et précision les procédures et les stratégies de
lecture telles qu ’elles ont été pratiquées en cours d’année .
b. En sachant utiliser les discours critiques sur les textes ( abondants en milieu scolaire :
notes de manuels ou d’éditions universitaires , préfaces , articles de dictionnaire ou
d’histoir e littéraire , théorie s , etc . ) pour enrichir sa propre lecture .
En terme d’action pédagogique et didactique pour le professeur , il s’agira de créer
dans la classe des situations de lecture et de favoriser des stratégies :
 Qui permettent une meilleure prise de conscience pa r l’élève des particularités de la
situation de communication qu’est la lecture et de comportement de lecture qui doit en
résulter ;
 Qui initient à une pratique active de la lecture dans le cadre scolaire d’une part dans la
vie d’adulte d’autre part ;
 Qui permettent aux élèves de satisfaire avec succès aux exigences de l’institution

Le contrat étant connu … et accepté par les élèves, le professeur ne doit plus apparaître
comme le médiateur d’un SENS du texte connu initialement de lu i seul mais comme un
médiateur . Comment permet -t on de faire comprendre la dissociation entre savoir et
enseignant qui caractérise la relation nouvelle de type didactique ? ;
-Entre le professeur et l’élève , la relation pédagogique est doublée d’un contrat
didactique , dan s une situation créée par le professeur , l’élève se dote d’un projet
exigeant , pour se réaliser , il maitrise les savoirs mis en jeu par la lecture ;
-La relation de l’élève au savoir (savoir dont il faudra faire ultérieurement l’analyse plus
approfo ndie) est déterminée par une logique de l’apprentissage ; la situation didactique
est mise en place pour que priorité soit donnée à la construction de savoirs par
l’élève ;
-Entre le professeur et le savoir, il ya une distance plus grande que par le passé ;
-Les mutations nécessaires -si l’on veut répondre de façon plus adéquate aux
exigences nouvelles – font appel à des notions de pédagogie générale qu’il n’est pas
possible de donner ici . Voici donc posées les grandes lignes des cadres dans leq uel
s’inscriront les propositions concrètes sur la lecture méthodique ; ces dernières
s’appuient sur des savoirs multiples et souvent récents : il faut en faire l’inventaire dans
une scinde partie avec le souci de les aborder sous l’angle de leur intérêt d idactique.

247

Toutes fois une dernière remarque , valable pour toutes les disciplines , doit être faite .
Les transpositions didactiques s’enchainent : savoir savant, savoir à enseigner, savoir
enseigné prévu, savoir enseigné réalisé, savoir approprié par l’élève sont les grandes
étapes que l’analyse didactique distingue.

En revanche, il n’est pas indifférent de choisir le niveau où l’on se situe :
 Le savoir savant :
Le terme désigne ‘’ les savoirs validés , produits en un certain lieu et dans certaines
conditions , par un monde aux limites plus ou moins nettes , la communauté
scientifique qui légitime ces savoirs , leur confère un label d’exactitude , d’intérêt …
Très copieux et divers en français , il ne sera pas présenté en tant que tel car ce serait
une tâche colossale et d’un intérêt secondaire ici ;
 Le savoir à enseigner :
Il est en grande partie déjà traité, dans la mesure où il figure dans les textes off iciels ;
pour la L.M comme pour la LE, les dernières instructions, celles de la réforme
éducative, le définissent assez nettement ;
 Le savoir enseigné prévu :
Correspond aux préparations du professeur, mais un enseignant parvient -il , dans sa
classe , à m ettre en œuvre ses projets autant qu’il le désire ?
 Le savoir enseigné réalisé :
se crée dans le quotidien de la classe au carrefour du désir de l’enseignant et des dures
contraintes de la réalité scolaire, il exige la lucidité du maitre;
 Le ‘’ savoi r approprié :
devrait être la justification, la raison d’être des traitements didactiques précédents car il
correspond à ce que l’élève retendra au mieux, à ce qu’il construira : une seule
évaluation conséquente en mesurera l’ampleur et la qualité .

Les analyses qui suivent auront pour souci majeur de faire saisir la nature du travail à
opérer sur les savoirs savants identifiés et sur les savoirs à enseigner ( selon les
exigences institutionnelles ) afin qu’ils deviennent agents et objets d’apprentissage dans
des ‘’ mises en scène ‘’ didactique adaptées .

248

24. Quels savoir à mobiliser dans l’acquisition du langage écrit ?
24.1. Les savoirs littéraires

Autrefois largement dominants voire exclusifs dans la classe de français , ils sont ,
depuis des décennies , concurrencés par d’autres savoirs qui les relativisent et en même
temps enrichis par les rapports de la nouvelle critique , des sciences humaines ou de la
linguistique. L’histoire littéraire était le point de départ et d’arrivée de l’étude des
textes , elle commandait le sens et justifiait la lecture des grandes pages du patrimoine
littéraire français. Peu à peu , on la voit décliner dans beaucoup de classes malgré
l’usage encore très large de manuels sur un modèle célèbre : auta nt il y avait eu excès
dans la domination des connaissances sur l’auteur , les courants , le contexte historique
ou les lois des genres , autant il y eut abus dans le rejet de tout ce qui s’attachait à
l’histoire littéraire sans la rétablir dans son rôle ancien , ce qui suppose une réflexion
didactique : quel statut lui attribuer ? à quel moment la faire intervenir dans la lecture du
texte ? sous quelle ( s) forme (s) ? il faudra aborder ces thèmes plus loin en sachant que
bien des questions risquent de n e pas trouver de réponses définitives .

24.2. Les savoirs linguistiques

Ils ont connu des fortunes diverses depuis qu’ils sont apparus dans la classe de français.
Ils ont d’abord suscité beaucoup despotes ( on a pensé , par exemple , qu’ils allaient
révolutionner un enseignement de grammaire jugé assez stérile si l’on se fonde sur le
rapport entre nombre d’heures de cours et les résultats obtenus ) ; au fil de temps , les
déceptions se sont accumulées . C’est que l’entreprise n’était pas facile :

Comme nt faire face à ce défi scientifique ? Peut -on encore enseigner les langages
comme avant ? Doit -on adapter les méthodes anciennes, les rejeter ou les conserver
envers contre tout ? Faut -il courir de livre, de recyclage en recyclage ? ou admettre que
péda gogie des langues et théories du langages sont deux univers définitivement
disjoints.

L’enseignement des langues est certes un lieu de profondes contradictions. Mais ces
contradictions sont avant tout pédagogiques ; et elles ne pourront être levées que par
des décisions pédagogiques et politiques. La clarté didactique d’abord l’emprunt aux

249

sciences du langage ensuite ! Les sciences du langage ont certes progressé, mais pas
autant qu’on le dit et dans son ensemble, la théorie de la langue en usage reste à faire ,
et en particulier la théorie de l’usage de la langue en classe !

Sciences du langage et enseignement des langues sont donc en position de défi. Mais le
défi est réciproque ! les pédagogues ont beaucoup à apprendre des démarches des
théoriciens , et les scientifiques ont beaucoup à faire pour décrire et théoriser les faits
pédagogiquement pertinents ;il ne s’agira en aucun cas d’enseigner la linguistique ; ce
qui importe , c’est de retenir les notions susceptibles de devenir des outils
méthodolog iques pour la lecture des textes . Des exemples empruntés à divers systèmes
aideront à comprendre :

-La linguistique structurelle de Saussure (cours de linguistique générale, 1916) centrée
sur la langue comme système de signes – et sur l’opposition langu e / parole – a produit
les concepts les plus précieux pour nous : signifiant / signifié / référent . La distinction
entre trois éléments permettra une réflexion sur le sens et la prise de conscience de ‘’
l’illusion référentielle ‘’ qui empoisonne toute l ecture du texte littéraire .
-La linguistique de l’énonciation ( Emile Benvéniste , problèmes de linguistique
général , 1966 ) substitue le concept de discours à celui de parole :La distinction langue
/ parole obéissait à un mouvement qui , partant de pa role , conduisait à la construction
du code de la langue et s’y arrêtait . La distinction langue / discours tente d’étudier le
mouvement qui transforme la langue en discours, le mouvement qui met la langue «
en emploi et en action ».

Cette distincti on va permettre un regard neuf sur le texte. Celui – ci pourra être
considéré autrement que comme une suite statique de signes sans rapport à un acte de
production. Il sera possible de le considérer comme un procès d’appropriation de la
langue et comme u n exercice productif de discours. Le texte sera perçu comme trace
d’énonciation et non comme énoncé.

On peut définir l’énonciation comme suit : un procès par lequel des signes linguistiques
s’actualisent, assumés par un sujet parlant, dans des circonstances spatio -temporelles
particulières. Le mot discours devient ainsi synonyme d’énonciation puisque le procès
d’actualisation de la langue et son résultat (le texte en action ) se confondent .

250

24.3.Les savoirs empruntés aux sciences humaines

Les connaissances dans ce domaines étant plus familières au professeur que la plupart
des précédentes ; on abrégera l’exposé en retenant seulement deux ou trois aspects
révélateurs de rôle qu’elles peuvent jouer , après traitement didactique évidemment .

En effet, il faut mentionner la nécessaire reconsidération de la fonction des savoirs
historiques , sociologiques , psychologiques , psychanalytiques … pour ne citer que les
principaux .Pour l’essentiel , cela se traduit par une sorte de renversement : le te xte lu
n’est plus seulement prétexte à l’acquisition de nouvelles connaissances ( voir la
pratique contestable du groupement de texte comme réservoir de références dans lequel
le lecteur puise en exerçant sa compétence encyclopédique ; il n’ y a pas d’ind ices
possibles sans savoirs préalables , ce qui , compte tenu des lacunes des élèves , pose
d’énormes problèmes pédagogiques .

Première conséquence de cette manière de voir les choses : la lecture d’un texte exige la
communication – ou la mobilisation – d’un savoir sur le domaine de référence pertinent
dans l’optique du projet de lecture. Les modes de mise à la disposition de ce savoir
initial sont divers :
-Faire lire rapidement et collectivement un texte dénotatif pour aborder la lecture de
textes litt éraires ;
-Procéder à une émergence de représentations des élèves sur la peine de mort pour
mieux lire les articles de journaux présentant des points de vue favorables ou opposes à
son rétablissement ;
-Demander aux élèves la constitution d’un dossier doc umentaire sur un thème précis,
etc .

Cela n’exclut pas que le texte serve aussi à l’enrichissement d’un savoir dans le
domaine des sciences humaines, mais la perspective doit être claire : si l’on vise le
développement d’une capacité de lecture, celle -ci devient prioritaire et les autres
aspects se subordonnent à elle en s’organisant selon des perspectives méthodologiques.
De cette façon, le texte sera abordé avant tout comme un objet signifiant à lire et non
comme la simple occasion de découvrir de no uvelles idées. Par ailleurs, ajoutons une
autre remarque sur le bon usage des sciences humaines : elles apportent des repères

251

précieux au professeur et à l’élève mais de façons différentes :

Pour le professeur, outre une meilleure connaissance du sujet a pprenant, elles
permettent une vue d’ensemble nécessaire pour adopter une position épistémologique et
entrer dans l’analyse didactique. L’institution affirme opportunément qu’il faut prendre
en considération l’interdépendance des disciplines et la relativi té de chacune d’entre
elles ; un enseignement moderne ne doit en aucun cas sacrifier l’histoire des langues des
littératures, de cultures et des religions, des philosophies et des sciences. Il faut au
contraire se mesurer et travailler sans cesse à ces h istoires, de façon de plus en plus
subtile et critique. L’enseignement des langages peut et doit, tout autant que celui de la
physique ou de la biologie, être l’occasion d’une initiation à la logique l’enseignement
des mathématiques ou de physique , tout autant que celui de philosophie ou de
l’histoire , peut et doit permettre de réparer à l’histoire des idées des sciences ou des
techniques …..

En d’autres termes, de manière plus générale, l’accès à la méthode scientifique passe
par l’apprentissage de logi que élémentaire et par l’acquisition d’habitudes de pensée ,
de techniques d’outils cognitifs qui sont indispensables pour conduire un raisonnement
rigoureux et réflexif . L’opposition entre les ‘’ lettres ‘’ et les ‘’ sciences ‘’ , qui domine
encore aujo urd’hui l’organisation de l’enseignement et les ‘’ mentalités ‘’ des maitres
et des élèves et des parents d’élèves peut et doit surmontée par un enseignement capable
de professer à la fois la science et l’histoire des sciences ou l’épistémologie d’initie r
aussi bien à l’art ou à la littérature qu’a la réflexion esthétique ou logique ces objets ,
d’enseigner non seulement la maitrise da la langue et des discours littéraire ,
philosophique , scientifique , mais aussi la maitrise active des procédés ou le s
procédures logiques ou rhétoriques qu’ y sont engagés .

Ainsi s’ouvrent, pour la lecture plus que pour tout autre activité, des perspectives à
partir des sciences humaines :
-Meilleure appréciation de la pratique de la lecture au niveau individuel ( ps ychologie et
psychanalyse) ;
-Choix d’un éclairage dominant pour déterminer un projet de lecture : le même texte
peut être l’objet de constructions de sens différentes selon qu’on adopte un parti pris
initial de type sociologique ou psychologique par exe mple ; dans ce cas , les deux se

252

complétant le plus souvent , il est artificiel de les dissocier mais cela n’empêche de
travailler « en dominante » à tour de rôle pour déboucher sur une synthèse . Les élèves
gagneront à ces clarifications méthodiques ;
– Enrichissement de la construction du sens grâce à des indices plus nombreux, plus
nuancés … mais c’est là une évidence .

En revanche, chez la plus part des élèves, les sciences humaines sont ignorées en tant
que telles jusqu’au niveau de la termina le alors qu’elles suscitent curiosité et intérêt
bien avant . Leurs concepts constituent les références du plus grand nombre des textes
argumentatifs à étudier en seconde et en première. Voila au moins deux bonnes raisons
de les convoquer dans la classe de français avec des statuts aussi définis que possible :
-Ancrages indispensables pour éviter la dispersion et les discours généraux, les
hypothèses de sens hasardeuses, les anachronismes et autres aberrations qu’on connaît
depuis toujours, quels que soient les types de textes ;
-Garanties de rigueur pour la lecture méthodique des textes argumentatifs car ils aident
à définir des ‘’ entrées ‘’ : de quel (s) domaine ( s) scientifique (s) s’exprime
l’énonciateur du texte ? de quel type de texte s’agi t – il ?
-Matériaux possibles pour prolongements d’études du regroupements de textes ou de
lectures d’œuvres intégrales : synthèses individuelles écrites, exposés oraux en classe,
questions d’ensemble vues non comme objectif essentiel mais comme év aluation de la
pertinence de la construction du sens , etc .

24.4. Les savoirs utiles, les questions posées au texte

Comme propédeutique à la lecture, la lecture scolaire construit les savoirs et des
comportements. Pour tenter d’identifier ceux dont les élèves ont conscience – ceux
qu’ils croient efficaces – deux questions leur ont été posées en fin d’année scolaire.
L’une portait sur les savoirs jugés importants pour comprendre un texte, l’autre sur les
questions qu’ils se posent lors de leur lecture .

Ainsi, les réponses à la première interrogation sont surprenantes. Deux savoirs sont
jugées essentiels et dominent l’ensemble des réponses : la connaissance d’un
vocabulaire étendu et celle de l’auteur et du contexte. Comment expliquer en effet cette
importance accordée au vocabulaire lors même que son élucidation ne constitue

253

pratiquement jamais une démarche prêtable à l’explication ? Sans doute faut –il y avoir
prégnance de pratiques anciennes, antérieures en tout cas à la mise en place de la lecture
méthodique. Aussi peut -on y déceler l’intuition chez les éléves de l’atout que représente
la maitrise d’un vaste lexique ? les recherches d’A.Lieury ( 1993 ) ont en effet mis en
évidence l’existence d’une forte corrélation entre l’étendue du lexique dispon ible et la
réussite scolaire .

Quand aux savoirs sur l’auteur , on peut penser qu’ils renvoient moins des explications
biographiques qu’a une sorte de rituel qui consiste aussi bien de classe que dans les
manuels à « situer le texte » . Ces savoirs factu els sont sécurisants pour les élèves alors
que les savoirs à construire portent la marque de l’aléatoire. Il est aussi intéressant de
noter qu’a cette question sur les savoirs utiles, un certain nombre d’élèves ont répondu
en termes de savoir – faire ou d e compétences : être attentif, volontaire, savoir lire,
analyser ; faire preuve d’esprit critique ou de « recul pour ne pas se prendre au jeu de
l’histoire » ; savoir faire une lecture méthodique ….

Cette dernière remarque se trouve par l’ensemble des ré ponses apportées à la seconde
question. Face à un texte les élèves reproduisent généralement le questionnement de la
lecture méthodique, avec des réalisations différentes selon les niveaux. Au collège, les
questions : qui ?quoi ? Ou ? Quand ? Renvoient au contenu référentiel du texte qui
prend sens avec l’interrogation : que va –t-il se passer ?

Au lycée , apparaissent d’autres formulations qui portent la marque des apprentissages
sur l’énonciation , les genres littéraires et la typologie des textes notamm ent : qui parle ?
quel est le type de texte ? à quel genre appartient – il ? Mais dans l’ensemble, les
réponses fournies sont très hétérogènes et laissent une impression de savoirs émiettés.
Sont en effet mises sur le même plan d’interrogations aussi dispa rates que celles -ci :
quels sont les temps verbaux ? Quel est le héros ? L’auteur est –il le narrateur ? Quelles
est la focalisation ? Peut -on construire un schéma actantiel ou narratif ? Quelles sont les
figures de style ? Quel est l’enjeu du récit ? Lié es à l’habitude de l’observation formelle,
ces questions livrent l’image d’une lecture scolaire fortement instrumentalisée qui
développe à son insu des comportements un peu mécaniques . La plupart d’entre elles
témoignent aussi de la préférence accordée da ns les études au texte narratif qui apparaît
clairement comme le modèle implicite du texte.

254

Cependant, à coté de cette mise en œuvre un peu systématique des outils d’analyse , les
questions du sens et de l’inscription dans l’histoire se trouvent aussi posé es , et ceci des
collèges . Ainsi trouve -t-on en classe de troisième et de seconde des questionnements de
ce type : « Lorsque je lis un texte, j’essaie de comprendre pourquoi l’auteur a écrit ce
texte et pourquoi de telle ou telle manière. », « comment a -t-il (l’auteur) réussi à écrire
un texte comment celui -ci ? pourquoi l’a -t-il écrit ? » En classe de première, ces
questions fondamentales deviennent plus fréquentes, les enjeux de la lecture sont mieux
perçus .
24.5.La connaissance du sujet apprenant

De la même façon qu’on a repéré les savoirs linguistiques constituant des bases
implicites de la lecture méthodique, on s’efforcera de mettre au jour les apriori de nature
psychologique ( la lecture) comme sur le plan pédagogique ( autonomie de l’élève ,
apprentissage … ). De ce fait, deux domaines seront explorés : l’acte de lire et la
cognition.

24.6.La connaissance de l’acte de lire

On touche là un domaine où les ignorances persistent, surtout chez les professeurs de
lycée. Si dans l’optique anci enne, la méconnaissance des opérations mentales mises en
jeu par un lecteur pouvait s’admettre, il n’en est plus de même lorsque le
développement d’une capacité de lecture devient l’objectif prioritaire. Il faut affirmer
sans ambigüité qu’une didactique d e la lecture ne peut se bâtir que sur l’analyse des
compétences du récepteur en cohérence évidente avec la plupart des savoirs précédents.

En effet, la recherche a été active et féconde depuis les années 60 ; au départ , elle
portait sur les premiers apprentissages à l’école primaire mais on a vite compris
l’intérêt de son application à tous les niveaux de la scolarité . Il y a donc une
universalité des compétences de base du lecteur . Qu’on devra fondamentalement
procéder de la même façon. Ce fait essentiel autorise à parler d’invariants de l’acte de
lire, étant bien étendu qu’il y aura toujours, aussi des variables liées à la nature de
l’objet à lire ; au projet de lecture, à la situation, au sujet lecteur.

255

Afin d’illustrer, nous citons des livr es entiers qui ont été réalisés sur la question et en
grand nombre : Eveline Charmeux , Jean Foucambert , Jean Hébard , avec des points de
divergences et de convergence , ont proposé des pédagogies se fondant sur une
approche scientifique du phénomène lect ure . Des ouvrages de synthèse comme celui de
Cohen et Mauffry ont fait le point sur l’ensemble de la question, et bien d’autres.

En définitive, nous pouvons dire que ce tour d’horizon des savoirs a permis de vérifier
l’hypothèse de départ à savoir la complexité et l’ampleur du champ disciplinaire en
français . Les clarifications engagées demandent du temps ; on peut toutefois opérer une
avancée décisive dans les années à venir si l’on privilégie la recherche en didactique du
français avec un effort tou t particulier dans le domaine de l’épistémologie .En
définissant plus clairement les savoirs et surtout leurs fonctions , on se donnera les
moyens de construire des réponses cohérentes et ouvertes aux multiples questions
posées par la lecture méthodique … et , parce que c’est l’essentiel on donnera aux
élèves les méthodes qui feront d’eux des lecteurs authentiques et autonomes .

25-La lecture scolaire : Comprendre et interpréter en milieu scolaire entre tradition et
indices de renouveau

Alors que la t radition scolaire distingue les deux termes : « comprendre » renvoie Selon
Reuter.Y (1992) à sens premier , commun , non discutable et « interpréter » à
niveau d’interrogation de ce sens ou d’int égration d ans d’autres cadre :

« Aux termes de compréhension et d’interprétation qui ne sont jamais mentionnés pour décrire l’activité
du lecteur – élève , les textes officiels préfèrent des formulations moins connotées : il s’agit d’ « explorer
les effets de sens » , de « déchiffrer les textes litté raires» , de « mettre en évidence une signification du
texte dont l’écrivain lui -même pouvait ne pas avoir conscience » , de construire progressi vement une
signification , d’ « approfondir la lecture d’un texte » . Mais ces verbes d’action qui souligne nt avec
insistance le travail du lecteur ne sont pourtant pas synonymes. Se retrouvent en fait la phase de
décryptage (explorer, déchiffrer) et celle d’élaboration d’une signification (construire, approfondir) . La
distinction sens / signification est éga lement présente. Aussi, bien que les termes « comprendre » et «
interpréter » ne figurent pas explicitement dans les textes officiels , ils sont non plus nettement délimités »
(Rouxel.A ,1996,p23 ).

Par ailleurs, si dans la chronologie de l’acte de lect ure l’un semble ouvrir la voie à

256

l’autre , il n’est pas mis de bornes ou de limites entre eux . Quand glisse – t-on de la
compréhension à l’interprétation ? les instructions officielles ne le disent pas. Au
contraire, elles soulignent la progressivité néce ssaire à l’élaboration d’une signification.

Présence ou absence des termes consacrés, recours à des expressions de substitution ,
comment évaluer cette évolution de la terminologie ? il est clair tout d’abord que les
instructions officielles fonctionnent sur des savoirs tacites qui fondent de continuité de
l’enseignement. Ensuite, il apparaît nettement que la prise en compte des théories de la
réception se traduit par cette description de l’activité du lecteur et des efforts qu’il doit
déployer pour actual iser le texte. Sans doute faut -il voir dans ce changement
terminologique une trace ténue de la rupture épistémologique enfin prise en compte par
le système scolaire . Dans les pratiques de classe, la distinction entre t ermes continue
d’être faite . Reuter .Y, dans son article « Comprendre , interpréter , expliquer des
textes en situation scolaire » ( 1992 ) , propose de distinguer ces deux activités , entre
autres , par la nature des texte qui en rendent compte : « au niveau superstructurel
comme homologu e au texte – souche » alors que l’interprétation se construit « en
formant sa modalité typologique ( elle apparaît comme un texte argumentatif et / ou
explicatif même si le texte souche est narratif ) » . La compréhension se signalerait donc
par une ref ormulation suffisamment distanciée ; l’interprétation serait l’énoncé d’une
explication et sa justification. Distinction commode, il est vrai, mais pas toujours
opératoire : comment en effet reformuler un poème ? Comment éviter la réduction
discursive qui paradoxalement caractérise toutefois l’appropriation du texte et sa
dissolution ? sans doute faut – il admettre à ce niveau ce que l’on refusera plus tard ,
mais cette tolérance , pour rester féconde , devra s’accompagner d’une analyse des
difficultés qu’e lle engendre . La prise de conscience de ces limites ne peut du reste que
stimuler la volonté d’aller au -delà et inciter à d’authentiques démarches interprétatives.

Quoi qu’il en soit, ce critère de distinction proposé par Y.Reuter mérite d’être retenu
parce qu’il est didactiquement fonctionnel et qu’il donne source, durant la lecture
méthodique, à des énoncés observables et révélateurs des démarches adoptées par les
élèves .

257

25-1.La spécificité de la lecture scolaire :

Ouvrant la voie à cette liberté essentielle que représente le savoir – lire, la lecture
scolaire se présente paradoxalement comme une lecture contrainte, codée comme une
pratique sociale ritualisée qui se déroule dans les limites d’un temps donné. La lecture
scolaire se différenc ie en effet des autres modes de lecture fonctionnelle à visée
informative et lecture fictionnelle, cursive , visant le plaisir par l’immersion dans le
texte par trois caractéristiques principales : le rapport au temps qu’elle institue , la
nature du plaisi r qu’elle provoque et enfin sa dimension sociale .

Ce temps consacré au texte ne ressemble en rien au temps aboli, suspendu, lié à
l’illusion narrative, et bien souvent, il n’est pas non plus un temps de jouissance, de
déclaration du texte ou encore de mé ditation car la dimension sociale de la classe
empêche ce type d’expérience . Il s’agit plutôt d’un temps de rencontre, d’un processus
de connaissance lié à la mise en œuvre de savoirs et de savoir – faire. Disons -le pour une
majorité d’élèves, il s’agit d ’un temps d’effort ; le texte n’est pas le lieu où l’élève doit
perdre conscience ; il est au contraire celui d’une prise de conscience.

Par ailleurs, la lecture scolaire est en effet une lecture seconde, réflexive, critique,
distanciée, y compris lorsqu’ elle s’exerce sur des supports non littéraires. Elle nécessite
un temps de lecture plus long que celui des lectures privées, et ce temps cette présence
au texte modifie profondément la relation que le lecteur établit avec le texte. En
émoussant la sponta néité des premières réactions ou en les confortant, cette durée rend
en effet l’implication du lecteur souvent moins affective , plus lucide et plus réfléchie .

Plus que tous les autres, les textes littéraires impliquent un double parcours d’abord une
lecture heuristique au cours de laquelle le lecteur saisit une première signification ;
ensuite une lecture herméneutique qui renouvelle et modifie le regard porté sur la
précédente. Durant cette rétroactive, les signifiés produits par le lecteur se transfor ment,
construisant une nouvelle signification, ces lecteurs successives conduisent à un
véritable dialogue où le texte et lecteur sont également impliqués : dans une interaction
dynamique, la signification du texte et les effets sur le lecteur peuvent « bouger », se
modifier ou se renforcer à chaque lecture. C’est parce que la lecture s’inscrit dans durée
que ce dialogue est possible et que peuvent être posées les questions qu’ils fondent,

258

celles du comment et du pourquoi du texte . Le rythme ralenti est d onc requis par la
lecture littéraire ; il lui est nécessaire pour irriguer de sens les fibres du texte , pour faire
jouer ses potentialités et si la dimension institutionnelle de l’exercice favorise ce régime
de lecture , elle n’est qu’un adjuvant dans cet apprentissage .

C’est pourquoi la qualité d’un littéraire ne saurait être évaluer sur des critères de
rapidité.. Inspirés de la méthode Richaudeau « Méthode de lecture rapide destinée aux
adultes » ou des travaux de Jean Foucambert , la plupart des tests effectués en lecture
associent vitesse , compréhension et mémoire et mesurent , par leurs questions formées ,
des performances plus que des compétences . Ils représentent une tradition dans
l’évaluation de la lecture au collège. Depuis 19921, le min istère organise une évaluation
nationale à l’entrée en seconde . En lecture, elle se propose de tester, en prenant appui
sur des textes littéraires argumentatifs et narratifs , la capacité des élèves à «
comprendre texte écrit » .

Ainsi, trois compét ences :« observer , mettre en relation et construire un sens » sont
mesurées à l’aide d’items . Ces tests qui n’inscrivent pas la rapidité dans leur objectifs
se déroulent pourtant en un temps limité qui laisse très peu place à un investissement
personn el de type émotif ou fantomatique. Du reste , la nature et la forme des questions
font obstacle à l’expression individuelle : le recours aux QCM ou à des tableaux à
compléter , l’invitation à « établir des relevés portant sur des passages précis , souven t
restreints à quelques lignes , la préférence donnée à l’identification de faits de langue à
l’élucidation du sens littéral à la levée de l’implicite , sur les démarches interprétatives ,
font de ce parcours très directif dans le texte une course d’obstac les plutôt qu’une
appropriation sensible , préalable à la construction d’une signification . L’ordre de
questions, commandé par la hiérarchie des compétences à observer, ne s’apparente pas à
une approche progressive du texte dans sa globalité . Quant à la nécessité de
l’interprétation, elle n’apparaît comme telle qu’a partir de 1 994, dans le dernier item
concernant le texte narratif . Mais, sous demandées aux élèves ne sollicitent que
rarement un regard personnel sur le texte. Presque toutes les consignes sont des
injonctions ; « Justifiez, en vous appuyant sur le texte , ce rapprochement entre
Louisine et la Normandie » ; « à quoi sert le canonnier dans l’épisode ? Cochez l’une

1 En France

259

de ces propositions et justifiez votre choix » ; « En quoi le vieillard a -t-il montré qu’il
pouvait être le chef de ….? » .

De ce fait, cette directivité laisse croire qu’une seule signification est possible et qu’il
convient de trouver. Dés lors , on peut s’interroger sur la validité d’un dispositif censé –
selon les concept eurs- reproduire les démarches de la lecture méthodique et inaugurer
l’activité de lecture en seconde .Sans nier la nécessité d’évaluer en début d’année les
savoir – faire des élèves ,il ne semble guère pertinent d’introduire dans leur esprit une
telle im age de la lecture . Comment donner aux élèves le besoin et le gout de rythme de
lecture ralenti qui sied au texte littéraire ; qui le vivifie et en retour lui permet de mieux
agir sur le lecteur ? Si l’on doit évaluer, sans doute faudrait -il le faire à par tir de textes
ouverts, en recourant à des questions larges qui favorisent des lectures successives sans
imposer un parcours codifié dans le texte. Sans doute, aussi faudrait -il envisager une
gestion du temps plus souple, présupposant une certaine lenteur d ans la lecture des
textes littéraires ou instituant d’emblée comme protocole de lecture.

Avec l’expérience, les élèves devraient progressivement mieux investir ce temps dilaté
et percevoir que le retour sur le texte , ce passage de la découverte à la reco nnaissance ,
transforme aussi la nature du plaisir qu’ils peuvent ressentir. Le plaisir est conçu par
l’institution scolaire à la fois comme motivation et finalité de la lecture .

Actuellement, la lecture méthodique qui se définit comme une « explication de texte
consciente de ses démarches et de ses choix », tend à favoriser le second, lié au jeu
social de construction du sens, à l’interaction des rhétoriques de chaque lecteur -élève.
Aussi, ce plaisir est -il d’autant plus intense que les textes résistent davantage et que le
jeu exige du lecteur plus d’agilité.

En d’autres termes : la façon de lire vaut mieux que ce qu’ on lit , ou encore quand on
lit, on cherche le plaisir dans sa propre rhétorique de lecteur autant que dans le texte.
Cette attitude fortement encouragée par le système scolaire ne doit cependant pas
conduite à négliger l’autre pôle. Une lecture méthodique bien menée doit prévoir, en
début de séance , un temps suf fisamment long de confrontation individuelle avec le
texte pour que l’élève « ressente » en lui les effets de sa lecture . Les dérives
instrum entales de la lecture méthodique réduisent considérablement la part de l’émotion.

260

Or, comment accéder à l’émotio n esthétique sans cette rencontre essentielle, hors de
tout jeu social, de l’élève et du texte ? il est donc indispensable de prendre en compte la
dimension sensible de la lecture, de ménager un espace où elle puisse s’exprimer dans
l’intimité de chacun. C e revient à reconnaître l’importance du corps, de la pulsion, du
fantasme, de l’imaginaire dans le plaisir.

En effet, acte solitaire par excellence, la lecture devient à l’école une activité
partiellement collective dans laquelle le dialogue avec le te xte se nourrit des échanges
entre élèves. La lecture méthodique vit cette tension entre soi et le texte d’une part et soi
et les autres d’autre part, équilibre fragile ou disparition d’un seul met en péril le sens de
l’exercice.

25.2.La lecture scolaire d ans l’institution littéraire

Cette notion d’institution littéraire définie par Jacques Dubois ( 1978 ) est aujourd’hui
contestée . Certains chercheurs comme P. Bourdieu et Y . Reuter préfèrent la notion de
champ entendu comme système de positions et d ’agents organisés par des relations de
solidarité et des rapports de force autour de la production des biens symboliques et régi
par des intérêts et des enjeux qui lui sont propres . Il est vrai , comme montre Y .
Reuter que le champ est traversé par des institutions « qui l’excédent et ne s’y intègrent
que pour partie mais alors que la notion de champ renvoie d’abord à un espace où se
déploient des rapports de force , celle d’institution suggère davantage idée de pouvoir et
c’est en cela qu’elle est int éressante .

En outre, les activités scolaires de commentaire : explication , lecture méthodique ,
commentaire composé prennent sens si on les considère comme constitutives du fait
littéraire . C’est ce que propose Y.Reuter dans un article publié en 1990 dans la revue
pratiques. Il reprenait les analyses de Michel Charles ( 1985 ) , de P . Bourdieu ( 1971 )
et de Renée Balibar ( 1974 ) , il conteste avec raison la partition entre œuvre et
commentaire : le texte littéraire n’a pas d’existence autonome et le commentaire «
participe du texte et le constitue».

Ainsi, modestement, les lectures suscitées par l’école, par la diversité des interprétations
qu’elles provoquent, constituent et confirment la littéralité du texte. Si elles répondent à

261

une demande institutionnelle : celle de l’école, elles contribuent en même temps à
établir le produit littéraire.

25.3. La lecture en classe entre contrainte et approfondissement

Pour la définir, plusieurs domaines d’investigation ont été tous abordés : sa
signification par rapport à la lecture personnelle, sa dimension sociale, les outils
d’analyse qu’elle privilégie, sa finalité, la nature du plaisir qu’elle procure, ses
incidences sur les choix personnels de lecture . En troisième année secon daire ,
comprendre le texte lors d’une lecture personnelle signifie bien souvent « entrer dans le
texte » , « vivre une autre histoire » ,connaître l’expérience fusionnelle qui empêche de
se détacher de la lecture , « se faire un film dans la tète » .Au lycée , la compréhension
personnelle s’apparente davantage à la capacité à dégager l’essentiel du texte . En
revanche , au collège comme au lycée , les élèves insistent sur la forme particulière
prise par la lecture en classe ; ils s’expriment dans des fo rmulations de voisines de cet
énoncé proposé qu’essaye de nous dire l’auteur , le décortiquer paragraphe par
paragraphe , lire entre les lignes . Les idées d’approfondissement, d’analyse dans le
détail, de travail à la loupe sont véhiculées par les verbes « déchiffrer »,
« décomposer », « décortiquer » tandis que sans cesse affleure l’intuitions d’un sens
plus riche ; résultat de cette étude.

De surcroît, cette activité de lecture est parfois présentée en relation avec les attentes
institutionnelles : « C’est pour répondre à un besoin de connaissance précises que le
professeur veut nous enseigner.» ; « c’est pour nous faire connaître des auteurs , nous
faire connaître différents types d’ouvrages , c’est sans doute aussi pour nous apprendre
à mieux écrire . » Mais cette perspicacité est le fait d’une minorité.

Enfin , si la lecture personnelle et la lecture scolaire forment un contraste , celui -ci est
quelque peu atténué par la conscience chez certains élèves où obligation et plaisir ne
sont pas des ter mes exclusifs . Ainsi cet élève de seconde qui déclare : « Lire un texte à
l’école, c’est lire un texte qu’on vous impose mais qui peu devenir intéressant » , un
autre ajoute « je n’ai pas choisi le texte . Mais comme nous allons travailler dessus , il
faut que je m’invente un intérêt pour que je puisse l’interpréter et l’analyser avec la
classe . » la dimension collective de l’activité peut en effet être stimulante .

262

En outre, si le groupe de classe suscite parfois des réticences ou des réactions de
franche hostilité , le plus souvent sa présen ce est ressentie comme une aide . Grâce aux
échanges, l’idée qu’un texte peut offrir une pluralité de sens tend à gagner du terrain. De
plus , les autres élèves peuvent « aider à analyser certains passages , faire des
remarques auxquelles on avait pas pensé » ; rendent possibles la confr ontation d’idées ,
le progrès dans la réflexion ; ils incitent à « arriver au bout de nos réponses » . La
convivialité et le plaisir de s’exprimer semblent aussi essentiels à certains élèves.

25.4. Les finalités de la lecture scolaire

D’après une étu de réalisée auprès des lycéens, nous avons pu constater que c’est grâce à
un simple Q.C.M les élèves ont été conviés à définir leurs attentes. Quatre réponses
leur étaient proposées et ils devaient les hiérarchiser. La question était libellée ainsi :
qu’attendez – vous de l’activité de lecture en classe ? Classez les réponses de 1 à 4 selon
l’importance que vous leur accordez ( 1 = le plus important ; 4 = le moins important ) .
– a- Comprendre un texte
-b- Apprendre à mieux lire soi –même.
-c- Déco uvrir sa personnalité.
-d- Mieux comprendre le monde et les hommes

Voici comment se répartissent les réponses classées
-a- – b- -c- -d-

57.92% 10.38 % 3.27 % 28.41 %

Massivement le premier choix des élèves s’est porté sur la réponse « a ». Ce sont
d’abord les enjeux immédiats de l’étude d’un texte particulier qui sont perçus. Vient
ensuite la réponse « d »: Pour les adolescents, la lecture a une vocation d’ouverture sur
le monde et les hommes mais il est probable que sous cette formulation soit envisagé le
contenu référentiel du texte. Les deux autres réponses ne recueillent que très peu de
suffrages. Ces résultats d isent clairement que pour l’immense majorité des élèves
interrogés en début d’année scolaire, les finalités liées à la formation personnelle et à la
quête identitaire du sujet ne sont pas perçus . Est -ce à dire que la dimension réflexive de
la lecture soit totalement étrangère à l’expérience des lycéens ? Sans doute pas , mais

263

leurs réponses prouvent à l’évidence qu’ils n’ont pas conscience d’expérimenter leur
intériorité dans l’acte de lecture .

Après avoir tenté d’identifier les effets escomptés de la le cture en classe, il a paru
intéressant d’interroger les élèves sur les effets vécus ou perçus comme réels1. A cette
fin, trois questions ont été posées en fin d’année scolaire. « La première portait sur la
nature du plaisir ressenti à la relecture d’un te xte étudié en classe , et les deux autres
sur les incidences de la lecture scolaire sur leur propre rhétorique de lecteur ,
notamment sur l’éventuelle modification de leur façon de lire et d’effectuer leurs choix
de lectures personnelles » .

La question posée aux élèves peut paraître surprenante, en décalage avec l’objet qu’on
se propose de cerner. En effet, le plaisir d’une relecture n’est pas tout à fait le même que
celui qui peut naitre des lectures successives dont se nourrit en classe l’ analyse du texte.
Mais il semblait difficile et peu pertinent d’interroger les élèves, a posteriori, sur le
plaisir qui se construit durant l’étude et dont souvent la conscience ne vient qu’après
coup.

Loin d’être une question annexe, un simple agrément du cours de français représente un
enjeu essentiel dans la formation. Il travaille la motivation et la mémoire construit la
sensibilité et la culture littéraire . Face à l’œuvre d’art verbale, un apprentissage de
l’émotion esthétique est parfois nécessa ire.
Mais les élèves en ont -ils conscience ? , à partir de leur expérience ; analysent –ils leur
plaisir du texte ? Au collège, le plaisir est principalement celui de la découverte. Les
jeunes élèves, dans leur grande majorité, épreuves un sentiment de pe rte à la relecture :
« perte du mystère» , « perte de l’intérêt » , même si certains conviennent d’une
meilleure compréhension du texte.
A l’inverse, au lycée, le plaisir de la relecture s’affirme très nettement. Ainsi, un élève
de seconde déclare –t-il : « je n’épreuve pas du tout le plaisir car je ne me laisse pas
guider seulement par l’histoire elle -même, je suis plus attentif au sens des mots, je
m’attache plus aux métaphores et / ou aux champs lexicaux …. Finalement je n’ai plus
la même lecture, je c omprends peut –être mieux, plus profondément le sens du texte » .

1 Toujours dans le cadre de la même étude citée préalablement

264

En revanche, la plupart des réponses confirment ces propos : le plaisir ressenti est
associé à « une compréhension en profondeur », à une plus grande « familiarité » avec
le texte , mais surtout à la découverte que la forme est signifiante . L’intérêt semble se
déplacer du contenu vers l’écriture . Certains élèves lient aussi le plaisir à un sentiment
de maitrise du texte , à la compréhension des implicites , à la perception de plusieurs
sens . D’autres , moins nombreux ,associent le plaisir à la possibilité de s’attarder dans
la solitude sur certains passages , d’adopter un rythme personnel de lecture .

Enfin , dans chaque classe , une petite proportion d’élèves opte pour des réponses
nuancées : un texte qui semblait ennuyeux à la première lecture peut , après l’analyse en
classe , devenir intéressant ; inversement , certains textes procurent moins de plaisir à la
relecture , « car un livre ou un texte peut perdre sa magie quand on l’a nalyse » .

Finalement, la plupart des adolescents de lycée connaissent cette expérience d’un plaisir
différent, plus intellectuelle, à la fois résultat de l’analyse et source d’une plus grande
acuité. Le plaisir est bien alors le cœur du processus de form ation. C’est ce qu’exprime
en termes simples un élève de terminale rajoute: « j’épro uve plus de plaisir car je me
remets en mémoire tout ce que j’ai étudié sur ce texte. Je pense que je réfléchis plus
maintenant quand je lis un texte, je me sens plus imp liqué et plus intéressé
qu’auparavant et je pense que cela m’est bénéfique ».L’intensité du plaisir
s’accompagne en effet bien souvent d’une transformation de la rhétorique du lecteur .

Autrement dit, chez une large majorité d’élèves de collège comme de lycée , la
lecture en classe a profondément modifié leur manière de lire. Dans ce cas précis, il sera
donc pertinent de parler de codification de la rhétorique du lecteur.Cependant, on l’a vu,
beaucoup d’élèves échappent à un entier conditionnement. S’ils reconnaissent
l’influence de l’école sur leur manière de lire, ils préservent et affirment leur liberté
dans leurs choix de textes. Pour une rhétorique de lecteur – ou encore pourrait –on
parler à leur propos d’une codification partielle.

Enfin, si ces enquêtes ont mis en lumière la conscience qu’ont les élèves de l’influence
de la lecture scolaire sur leur approche personnelle des text es et le plaisir qui en
découle , elles ont permis en revanche de pointer au moins trois grandes lacunes de
l’enseignemen t actuel : d’abord le fait que les élèves ne se situent pas en tant que

265

lecteurs actifs et créateurs de sens , ensuite la croyance majoritaire en une conception «
essentialiste » de la littérature constituée d’un corpus de beaux textes qui se prêtent en
classe à l’analyse « littérature » ; enfin le sentiment très consensuel de naitre, hormis
l’objectif immédiat de la réussite à l’examen . Il ya donc là tout un champ à investir
pour donner sens et perspective à l’activité de lecture en classe.

26.La littérature comme lieu de référence

Un autre pôle du modèle classique de l’enseignement de l’écriture à l’école renvoie à
l’étude des textes et des auteurs littéraires. Il renforce le poids de la littérature dans
l’enseignement de la rédaction (les tex tes modèles) et sans doute aussi les blocages de
certains élèves devant l’écriture . De fait , dans l’enseignement de la littérature ,
l’écriture est bien souvent présentée comme une activité mystérieuse devant laquelle on
s’incline , pratiquée par des Au teurs , pourvue d’un don , venu d’on ne sait où . Quatre
éléments principaux participent de cette construction :

-« L’absence , dans la présentation biographique des auteurs , de toute mention à leur apprentissage de
l’écriture ( Où ? Quand ? Comment ? ) ou même de la lecture alors que les autres dimensions de leur vie
sont abondamment commentées ;
-La construction de leur « personnalité » ( avec l’accent porté sur leurs traits extravagants , leurs
maladies ,leur ( hyper ) sensibilité ,leurs problèmes te ls l’alcoolisme , leur sexualité ) qui apparaît ainsi à
nombre d’élèves comme atypique ,ou du moins sans support avec eux mais explicative de leur activité ;
-La présentation de leur œuvre comme originale dés le début ;
-Le centrage sur leurs textes, ache vés et valorisés, qui occulte donc le travail d’écriture, les essais, les
brouillons, les problèmes rencontré, etc ». (Reuter.Y, 2002,p19)

Dés lors, l’enseignant risque de se trouver dans ce qui ressemble bien à des
contradictions, ainsi que l’élève prisonnier d’injonctions paradoxales. Par exemple,
comment enseigner ou apprendre ce qui justement ne s’apprend pas (puisque c’est un
don) ? Ou b ien, comment imiter ce qui est posé comme inimitable ? Ou encore, puisque
le travail sur ces textes repose sur une valorisation et une imprégnation – transformant
la référence en révérence – comment utiliser et s’approprier ce dont on a occulté la
fabriqu e ?

266

26.1.Qu’est –ce que la littérature ? En quoi nous concerne – t -elle ?

Il est vrai que produire la définition d’un objet aussi complexe que la littérature est un
exercice exigeant, difficile , qui requiert distance , abstraction et rigueur . Aussi n’est -il
pas étonnant que beaucoup d’élèves, interrogés sur ce qu’ « est » la littérature
recourent à des définitions de l’objet par sa fo nction : la littérature « sert» à
développer la culture générale , à comprendre le passé , le monde , à mieux
s’exprimer…

« Toutefois , pour la majorité des élèves de collège et de lycée qui tentent une définition , la littérature est
constituée d’un ensemble de textes ou d’écrivains célèbres , de « classiques » disent certains . Elle
forme une entit é fortement associée à l’idée de passé mais aussi de beau langage : « la littérature , c’est
l’ensemble des livres classiques écrits par des auteurs connus et talentueux . Elle sert à montrer les
belles tournures de notre langue. Elle développe la cultu re générale. Elle m’aide à mieux écrire et
m’aide pour le bac » Cette proposition d’une élève de première Lettre est assez représentative de celles
des adolescents interrogés. La littérature est perçue comme un vaste corpus de « styles différents », «
une forme d’écriture recherchée » , parfois comme « de l’art » . Cette sensibilité à la forme, au pouvoir
des mots, à l’activité imageante qu’ils déclenchent chez le lecteur est loin d’être partagée : le sentiment
d’altérité provoqué par l’écriture littérai re se traduit aussi par des formules de rejet qui font de la
littérature quelque chose d’appât, un domaine réservé aux gens cult ivés » (Rouxel.A,1996,p55)

Ce sentiment d’exclusion n’existe pas chez la minorité d’élèves qui conçoivent la
littérature comme une activité, comme un acte de communication. Curieusement
certains élèves l’appréhendent du point de vue de l’écrivain : « la littérature, c’est une
façon d’exprimer ses idées grâce à l’écriture , de raconter ses rêves . Cela sert à faire
partager ses o pinions aux autres. » ; « c’est mettre sur le papier un excès d’imagination,
de rêve, de cauchemar » ; c’est « un rêve que l’auteur veut faire partager aux autres » ;
« c’est l’art d’écrire ». Mais le plus souvent la littérature renvoie à l’activité sc olaire
d’explication dont on attend essentiellement une meilleure connaissance du passé.

En effet, les attentes s’expriment en termes de profit pour la culture générale, aire que la
littérature concerne les élèves. Très rares sont ceux qui spontanément dé clarent y
trouver du plaisir. Seules deux réponses, l’une en première scientifique , l’autre en
première littéraire , témoignent d’un goût profond pour la littérature . « c’est une
passion. » ; « elle me permet d’être , d’exister . »

267

Ce bilan met clairem ent en évidence le désarroi des élèves confrontés à une demande
qui, souvent, les surprend et les dépasse. Rien détonant à cela, mais leurs réponses -ou
leur silence – dénoncent dans une certaine mesure la routine absurde d’activités dont ils
perçoivent t rès mal la finalité, activités sans perspectives pour nombre d’entre eux ,
pour les plus jeunes notamment . Il ressort donc de cette enquête la nécessité de charger
du sens le mot littérature. C’est un des enjeux de la lecture.

Ainsi, peut -on réellement définir l’essence d’un texte littéraire ? La question n’est pas
nouvelle est plusieurs auteurs ont suggéré des pistes de définition. Par exemple , Turmel
– Jhon ( 1996 ) définit le texte littéraire comme étant tout texte relevant de la fiction
,écrit avec un souci d’esthétique et reconnu comme tel par une opinion comm une » .
Pour Bourque ( 1989) , le texte littéraire est ce type de texte qui s’emploie à prendre des
risques ,voire qu i s’amuse à provoquer la langue . De Konick ( 1998) , quant à elle ,
oppose texte littéraire et texte courant Le texte littéraire peut se permettre des
fantaisies , l aisser libre cours à la fiction , adopter une écriture sans restriction , par
exemple des poèmes sans ponctuation , des romans sans paragraphes . Son but est de
partager un univers imaginaire. Le texte courant se doit d’être clair de satisfaire le désir
de s’informer du lecteur. Il doit respecter les règles habituelles de l’écriture pour être
accessible et com préhensible .

Cependant ,d’après les travaux de Poslaniec ( 1995 a) , cette entreprise de définition n’a
jamais été vraiment menée à bien et il subsiste une « incapacité de dénoncer une
définition claire et nette de ce qui est littéraire et de ce qui ne l’est pas ». Noel –
Gaudreault ( 1997) abonde dans le même sens lorsqu’elle rappelle que plusieurs
conceptions s’affrontent à propos de la littérature : « Le débat se joue entre deux
tendances : la tendance ségrégationniste et la tendance intégrationniste , plus ouverte » .

26-2. Les rôles des textes littérair es

Quelle motivation pousse donc ainsi des gens à dépenser autant d’énergie pour pouvoir
lire ? Pourquoi choisit -on de lire plutôt que d’écouter de la musique ou de regarder un
film ? Pourquoi des gens écrivent -ils des romans ou des nouvelles et pourquoi d’autres
personnes lisent -elles ces livres ?

268

Plusieurs auteurs ont tenté de préciser les rôles de l a lecture de textes littéraires . Par
exemple, Thérien ( 1997 ) relève quatre finalités . Il place au premier rang la quête de
sens, puis viennent le rêve e ncyclopédique et le plaisir hédoniste ; finalement, il
considère l’apprentissage linguistique comme une finalité valable mais secondaire. Pour
Vandendorpe ( 1992 b ) , la lecture de textes littéraires permet d’atteindre trois grands
objectifs , qui sont d’ordres socio – affectif , esthético – culturel et intellectuel .
Guérette ( 1995 ) , quant à elle , attribue à la littérature d’enfance et de jeunesse un rôle
dans le développement intellectuel , affectif , social et culturel des jeunes . C’est à partir
de ces différentes perspectives que nous proposons ici la lecture comme source de
plaisir , comme quête de sens , comme contribution au développement social , cognitif
et affectif des élèves et , enfin , comme activité contribuant à l’acquisition des
connaissances , y compris , bien sur , celles de la langue écrite .

En outre, si l’on demande à des enfants ou à des adultes pourquoi ils lisent durant leurs
loisirs, la plupart du temps ils répondront : « Je lis pour me détendre » ou encore « Je
lis pour m’évader ». Un rôle non négligeable de la lecture est donc celui de procurer du
plaisir à celui qui s’y adonne . Qui ne souvient pas de la célèbre phrase de Montesquieu
qui déclarait qu’il n’avait jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture ne lui ait cot é !
Dans le même esprit ,

Enfin ,, dans son essai intitulé Une histoire de la lecture , M anguel (1998 ) donne une
très belle description du plaisir de lire : Nous lisons pour connaître la fin, pour l’histoire.
Nous lisons pour ne pas atteindre cette f in, pour le seul plaisir de lire. Nous lisons avec
un intérêt profond, tels des chausseurs sur une piste, oublieux de ce qui nous entoure
.Nous lisons distraitement, en sautant des pages. Nous lisons avec mépris, avec
admiration, avec négligence, avec c olère, avec passion, avec envie, avec nostalgie. Nous
lisons avec des bouffées de plaisir soudain, sans savoir ce qui a provoqué ce plaisir.

Le rôle le plus important de la littérature est probablement de permettre aux lecteurs de
comprendre le monde qui les entoure, de lui donner un sens. De tous les objets culturels
créés par l’homme, la littérature est encore la plus facilement accessible, la plus riche de
représentations variées dans le temps et dans l’espace, la plus susceptible de jeter un
pont entre les êtres, de nous livrer un message essentiel sur ce que nous sommes et sur
la fragilité de l’aventure humaine ( Vandendorphe , 1992 b) .

269

C’est avec un propos qu’Umbero Eco (1996 b) compare la lecture au jeu de l’enfant: Se
promener dans un monde narrati f à la même fonction que le jeu pour un enfant. Les
gamins jouent avec les chevaux de bois, des poupées ou des cerfs – volants , afin de se
familiariser avec les lois physique et les actions qu’ils devront un jour accomplir
vraiment .C’est dans le même esp rit que Kundera ( 1993) répond , lui aussi , à la
question du rôle du texte de fiction ; dans son essai intitulé les testaments trahis , il
cerne l’essence même du roman : Qu’est –ce qu’un individu ? Où réside son identité ?
Tous les romans cherchent une réponse à ces questions le romancier ne se déguise pas
en savant, en médecin, en historiographe, il analyse des situations humaines qui ne font
partie d’aucune discipline scientifique, qui font tout simplement partie de la vie.

En effet, dans l’esprit de Kundera , ni la philosophe ni les sciences humaines ne peuvent
fournir cette connaissance particulière sur l’existence que procure le roman . Parce que
la littérature est un art qui fait appel à l’intégralité de l’expérience que humaine, elle
permet de voir dans sa totalité, sa complexité ; cette ouverture invite à voir les choses
au-delà de la réalité quotidienne. Cette connaissance de l’identité humaine ne peut être
véhiculé qu’à travers le langage et que grâce à la liberté ac cordée par le langage dans les
textes de fiction.

27-La littérature comme lieu de formation : Quelle didactique de la littérature ?

Avant de définir les enjeux d’une formation par littérature, il est nécessaire de préciser
ce qu’on entend par didac tique puisque ce domaine nouveau suscite quant à sa
définition débats et contestation. Discipline en voie de constitution ou , comme le p ense
André Pétijean ( 1990 ) , un champ d’activités ouvert à la croisé e de plusieurs champs
théoriques de référence » – théorie de la littérature , théorie de l’apprentissage
notamment – telle est l’alternative actuellement en discussion . Cette seconde définition
décrit une didactique vivante qui construit « une intégration de ces théories dans un
rapport d’observation et d’actio n avec les pratiques de classe : retiendra t -on :

« En effet , la dimension paraxéologique de la didactique en fait sa richesse : elle exige une réflexion
constante sur les savoirs , leur transposition et leur appropriation . L’épreuve des faits invite en
permanence à un questionnement des théories. Dans sa conception dynamique, la didactique est un
ferment qui empêche que les choses ne figent . Elle permet, plus que par le passé, une adéquation entre la
recherche , l’histoire des idées et l ’évolution des pratiques . Elle est donc elle – même synonyme de

270

processus de recherche , interrogation de cette interaction qui s’actualise de manière unique dans la
classe ». (Rouxel.A,1996,p19)

Actuellement , reconnue par l’institution scolaire comme en témoigne la présence
d’épreuves « professionnelles » aux concours de recrutement , la didactique se
développe et donne lieu à de nombreuses recherches. Parfois certaines pratiques qui se
veulent innovantes donnent la priorité aux approches et à la mét hodologie sur la
réflexion et le sens . Il faut donc se poser le problème des finalités de l’enseignement de
la littérature au lycée . Pourquoi choisir la littérature comme lieu de formation et de
formation au savoir – lire ? Pourquoi aborder ces textes c omplexes ? Ne pourrait – on
construire les mêmes compétences à partir de textes plus simples, non littéraires ?
Hormis l’existence d’une longue tradition, quelles raisons motivent ce choix ?

En effet, c’est précisément parce qu’ils sont complexes que ce s textes sont riches de
potentialités formatrices . S’il est vrai qu’on ne saurait faire de la littérature le seul lieu
de formation au savoir – lire , on admettra que les textes qui la composent , par la
diversité et leur polysémie , favorisent chez l’en fant la lecture courante . C’est un fait
que la littérature cristallise et excède les potentialités des autres textes qu’elle absorbe,
mime ou détourne selon le cas. Ce phénomène d’intégration , décrit par Yves Reuter
(1990 ) sous le nom de « porosité » , autorise un approchement entre le littéraire et le
non-littéraire : « la littérature serait en quelque sorte une marmite de sorcière intégrant ,
mélangeant , expérimentant l’ensemble des discours sociaux et – en fin de compte – le
dicible et l’indicibl e d’une société . »

28-Le lieu du refoulé : les autres pratiques d’écriture

Le troisième pôle de l’enseignement traditionnel de l’écriture est constitué par les autres
pratiques scripturales et les autres textes utilisés ou réalisés en français et dans les autres
disciplines : prises de notes, résumés, dossiers, textes réflexifs, normatifs,
argumentatifs, injonctifs … Ces pratiques et ces textes , très diversifiés et omniprésents
, ont en commun de n’avoir longtemps pas été travaillés en tant que tels . Ce traitement
parait révélateur de l’absence d’enseignement d’une grande partie de l’écriture et des
textes possibles, symptomatique des représentations de l’institution scolaire et des
enseignants, confirmant la référence à la littérature. De fait, cela renforce la place du

271

récit fictionnel, littérature, en entretenant la confusion entre écriture (texte) « littéraire »
et écritures « textes ) . Cela empêche de concevoir l’écriture comme un instrument de
pensée et d’apprentissage alors que, dans notre s ystème scolaire, l’enseignement et
l’apprentissage sont fondamentalement liés à la lecture – écriture. Cela risque
d’accentuer une sélection fondée sur la connivence culturelle en ce qu’elle considère
comme également acquis par tous , en dehors de l’école , les modes de travail et
d’apprentissage qui passent par l’écriture : « Le modèle de la séquence narrative de
base que je vais exposer ici ,à pour but d’expliciter cette observation essentielle en
définissant ce qui assure le lien des propositions ainsi que leur empaquetage sous forme
de « macro propositions » constitutives d’une séquence elle -même constitutive d’un
texte ». (Adam.J.M,1992,p60)

En tant qu’unité textuelle, tout récit correspond certes idéalement à la définition qu’on
peut donner de la textualité : suite de propositions liées progressant vers une fin , mais
comment définir ce qui fait la spécificité de ce type de mise en texte ?

29-Convergences et interdisciplinarité : vers une didactique cognitive du traitement du
texte

Les implications didactiques et pédagogiques qui découlent de ces travaux sont
considérables. L’activité pédagogique, qui a pour but d’aider l’élève a construi re des
connaissances nouvelles, nécessite l’activation des différentes composantes de ses
représentations initiales. A une époque caractérisée, d’une part , par l’enseignement de
masse et les difficultés d’adaptation de l’école face à la mondialisation de la formation
et d’autre part , la généralisation des nouvelles technologies , les pratiques
pédagogiques ne peuvent plus se concevoir sans une prise en compte sérieuse des
structures cognitives et du fonctionnement cognitif de tous les élèves . Il est don c
indispensable d’étudier les représentations des connaissances en mémoire et leur rôle
dans les activités d’acquisition de connaissances, de production et de compréhension de
textes. Selon ce point de vue , partagé par la plupart des spécialistes ,ces ac tivités qui
mettent en jeu un traitement complexe constitué de processus intentionnels et
automatisés , en particulier les processus de production d’inférences , s’appuient à la
fois les connaissances de la langue et des textes et sur les connaissances du domaine
évoquées par le texte .

272

A l’heure d’Internet, de l’apprentissage collaboratif à distance et de la mondialisation de
la formation qui touche les pays du Nord comme les pays du Sud , il semble difficile de
concevoir la psychologie cognitive culturelle du traitement du texte. Cependant , pour
être efficace , sur le plan des retombées dans le domaine de l’apprentissage et de
l’enseignement ,et des nouvell es stratégies à mettre en place , ces recherches ne peuvent
s’envisager qu’en interaction ave c les recherches didactiq ues qu’elles impliquent (
Chiss, Reuter et David , 2005) .

En effet, les recherches sur l’imagerie cérébrale ,notamment , ont permis de décrire le
fonctionnement et l’activation des zones impliquées dans les traitements mis en œuvr e
par les différents processus de l’activité de lecture . Ces données ouvrent des
perspectives de réflexion pour la didactique. Les voies d’accès à la signification
diffèrent en fonction des stades de développement. A la fin du cycle des apprentissages
fondamentaux, les élèves sont censés recourir de manière privilégiée à la voie directe
qui permet d’identifier quasi instantanément des mots et de faciliter la compréhension
en soulageant la mémoire.

Des recherches récentes ont mis en évidence un certain nom bre de principes essentiels
pour l’enseignement / apprentissage de la lecture. Elles accordent une grande
importance au fait que le système d’activation automatique des représentations
orthographiques et phonologiques se constitue progressivement au cours de l’école
primaire. Ainsi, dés les premières étapes de l’apprentissage de la lecture, les élèves
peuvent –ils prendre en compte des unités plus large que la lettre, c’est –à-dire certains
graphèmes et certaines syllabes .

273

-Conclusion :

Jusque là, nous avons tenté d’éclaircir ce qu’est comprendre un texte et nous avons
essayé de cibler tous les critères qui favorisent l’exploitation d’un texte. Maintenant
que nous avons réussi1 à exposer tous les points relatif à cette compétence langagière
qui concerne la situation de réception à savoir la compréhension de l’écrit, nous passons
à la deuxième compétence avec laquelle s’assure et s’établit la notion de transfert de
compétence : il s’agit de la production écrite .

Rappelons ici que nous avons o pté pour ce choix théorique car dans le cadre de la
réforme éducative l’élève algérien passe d’une double situation de réception, à une
unique situation de production (production écrite) :

D’une part, l’apprenant est en contact avec le texte considéré com me modèle
d’écriture ; il le lit afin d’en produire un autre.

D’autre part, lors de l’activité de production écrite, il lit pour une deuxième fois, un
court texte réalisé par son enseignant et contenant le contexte situationnel, la tâche
rédactionnelle et la consigne. De ce fait, il se voit obligé d’exercer et de mobiliser tout
processus de compréhension afin de passer d’une situation de réception à une situation
de production assurant ainsi le transfert de compétence.

1 Nous le pensons bien

274

CHAPITRE III :

ECRIRE EN SITUATION/ PROCESSUS
COGNITIF ET ELABORATION DES
SAVOIRS : QUEL ROLE POUR LE
CONTEXTE ?

275

ECRIRE EN SITUATION/ PROCESSUS COGNITIF ET ELABORATION DES
SAVOIRS : QUEL ROLE POUR LE CONTEXTE ?

01.Pourquoi s’intéresser à la production verbale écrite ?

« Même si l’oral peut être considéré comme « prioritaire » par rapport à l’écrit en raison du fait qu’il
est premier aux plans phylogénétique et ontogénétique , et qu’il est plus souvent pratiqué dans la vie
quotidienne , il n’en reste pas moins que l’écrit revêt une importance capitale dans nos société
technologiques » (Bonin.P,2003,p1 5) .

En effet , de nombreux professeurs exigent une maitrise correcte de l’expression écrite
et cette maitrise s’avère souvent longue et difficile à ét ablir . Selon Kellogg ( 1989 ) , en
effet ,le personnel de bureau passe environ 30 % de son temps à écrire . Par ailleurs , de
nos jours , de plus en plus de personnes consacrent beaucoup de temps à rédiger des
messages électroniques .Mieux connaître les m écanismes impliqués dans l’activité de
production du langage écrit est fondamental si l’on s ouhaite aboutir, d’une part à une
conception « intégrée » de la production du langage à l’oral et à l’écrit ; d’autre part, si
on veut proposer des pistes d’inter vention pour l’enseignement de l’écrit ou pour la
remédiation lorsque cette modalité expressive est endommagée1.Justement , les
psycholinguistiques s’intéressent à la production du langage afin de comprendre les
mécanismes qui sont impliqués dans cette hab ileté cognitive .

2.Psycholinguistique textuelle : problème d’actualité

« Aujourd’hui, avant la télé, les gens ne lisent plus ! » ; et puis , « maintenant que tout le monde a le
téléphone , plus personne ne se donne la peine d’écrire ! » ; pour ne rien dire des « autoroutes de
l’information » , ou l’on naviguera sans contrainte . A quoi pourrait bien servir , alors ,l’étude des
opérations mentales , des processus cognitifs , qui permettent à la plupart des membres d’une société
moderne de communiquer e ntre eux au moyen du texte ? » (Gaonac’h.D,1996,p05)

Ces remarques ne sont pas dénuées de tout fondement, mais elles s’avèrent quelque peu
rapides. Si le nombre des bibliothèques publiques et privées diminue très sensiblement
depuis quelques dizaines d’a nnées, dans le même temps, le moindre supermarché offre

1 par exemple à la suite d’un dommage cérébral .

276

aux consommateurs un rayon de livres d’une surface notable1.

Dans un article récent, le Président du Conseil Supérieur des Bibliothèques note que ,
dans les années 70 , 500 000 titres se voyaient pub lier chaque année dans le monde ; ce
chiffre approche les 900 000 dans les années 90 ( Melot , 1995 ). Le livre a donc
encore un beau présent.

En effet ,la forme « Livre » , telle que nous la connaissons depuis Gutenberg , risque
de voir bientôt dép asser , si l’on ose dire , par les nouvelles technologies de la
communication . Là encore, toutefois, il convient de nuancer : comme le note également
Melot, « l’électronique ne dispense pas du livre, mais le remplace par des usages
nouveaux » .

D’ailleurs, ces usages nouveaux (hypertextes, multimédia) comportent toujours « du
texte » pour une part essentielle . Leur nouveauté, ce sont les traitements qu’ils
permettent sur et autour de ce texte, ou plus exactement les opérations qu’ils rendent
raisonnablement faisables : lecture non linéaire, écriture interactive, navigation dans les
systèmes documentaires …
Il convient alors de mieux comprendre les opérations textuelles « classiques » sur
lesquelles le nouveau prend son essor, sans cependant rendre caduc l’ancien.

Même s’il est amené à revêtir des formes différentes et à supporter des usages
nouveaux , le texte constitue plus que jamais l’outil privilégie d’accès à la culture et à la
mémoire collective des sociétés modernes . Les mécanismes fo ndamentaux qui en sous –
tendent la production et la compréhension représentent un domaine de recherche
particulièrement important pour la psychologie .Ainsi, la psycholinguistique « générale
» se définit comme l’étude de ces mécanismes cognitifs au moyen d esquels le sujet
humain met en œuvre le système de la langue. On peut alors concevoir la
psycholinguistique « textuelle, comme l’étude des mécanismes par lesquels le sujet
humain traite les dispositifs linguistiques, et plus largement les disponibilités
langagières , en vue de produire et / ou d’interpréter une suite cohérente dénoncés .
Il est , en effet , relativement rare que nous communiquions avec autrui au moyen

1au moins autant que celui des aliments pour chats et chiens

277

d’énoncés isolés. Ce qui caractérise généralement le discours, c’est bien plutôt
l’enchaine ment d’énoncés multiples, et ce, on y reviendra, dans un contexte déterminé,
où le discours représente avant tout le moyen choisi pour réaliser des objectifs
déterminés. Se demander ce qui caractérise l’expression, le produit effectif de ce niveau
fondamen tal des échanges langagières , revient alors à se demander , par exemple , ce
qui différencie un enchainement de phrases dans lequel tout le monde s’accorde à ne
voir qu’un enchainement de phrases … ( la ) capacité à reconnaître un texte d’un non –
texte … est constitutive de notre compétence langagière , plus généralement peut -être
de notre compétence à entrer en communication.

3. Le niveau « texte » :des opérations multiples avec des ressources limitées

Le statut de texte comme unité linguistique ne s’avère guère plus facile à définir que
celui de la phrase isolée . Sans entrer dans le détail des théories linguistiques sur la
question , rappelons seulement , avec Fayol (1985) , que la pertinence du niveau texte
apparaît clairement dans le fait que le statut et le fonctionnement de certaines unités
linguistiques ( pronoms , connecteurs , temps du verbe ) ne peuvent absolument pas
s’appréhender au niveau de la phrase . On peut même ajouter que l’analyse de certaines
de ces unités ( les déictiques ) renvo ie directement à la prise en compte du « contexte
énonciatif » , c’est -à-dire des conditions concrètes dans le squelles s’effectue le
discours .

Dans une perspective qui se réfère pour une part importante à l’exposé de Halliday et
Hasan (1976), le niveau texte n’est pas défini seulement (ni même nécessairement) par
l’enchainement des phrases , encore moins par une grammaire supraphrastique . Le
texte est plutôt envisagé comme « unité de langage en usage ». Les opérations liées à la
cohésion et à la cohér ence sont essentielles à la dimension textuelle ; mais aussi
l’articulation du discours à son contexte (contexte énonciatif, domaine de référence,
contraintes de l’activité engagée). Il en résulte plusieurs conséquences :
a. Le texte constitue un médium lang agier spécifique de construction de représentations
cognitives en vue de transmettre de l’information. La finalité du discours constitue donc
un paramètre central des traitements ;

278

b. Les représentations textuelles sont des représentations unitaires, cette un itarité reposant
sur trois bases, de nature différente :
 La continuité référentielle : « on parle du même objet » (continuité / la progression
assurée notamment par les dispositifs de cohésion, structures thème / rhème, systèmes
aspectuels et temporels … ) ;
 La continuité logique et argumentative (établissement de la cohérence, structures
rhétoriques , etc.) ;
 La continuité énonciative au plan de l’interlocution et de la finalité du discours .
Le texte est un objet structuré : soit par des relations intern es ( explicites ou implicites )
, entre ses constituants , soit parce que son traitement entraine l’intervention de
schémas cognitifs de connaissance ( ou d’opinions ) généraux ou spécifiques : scripts ,
superstructures textuelles ,relations rhétoriques ,modèles discursifs ,etc .On inclura alors
dans l’ensemble « TEXTE» des objets langagiers très divers : dialogues autant que
monologues , écrit et oral , énoncés uniques aussi bien que romans , hypertextes,
protocoles verbaux , notamment , pour autant que le traitement cognitif de ces objets
implique des processus relevant des caractéristiques précédentes .

En outre, comprendre ou produire une suite cohérente de phrases , un texte , demande
de mettre en œuvre , quasi simultanément , un grand nombre d’opérations : traiter la
ponctuation , les connecteurs , l’organisation thématique locale ou globale ,le temps des
verbes , pour ne citer que les plus évidentes ( sans même parler des opérations au niveau
de la phrase elle –même ) . Mais la compréhension et la production des textes requièrent
aussi tout un ensemble d’opérations « non linguistiques », sur le domaine de référence
du texte : récupérer, analyser, sélectionner et organiser les informations pertinentes, par
exemple ; convoquer des schémas cogni tifs prototypiques ; respecter un modèle
discursif … Cela suppose enfin de prendre en compte le contexte énonciatif, quel est le
but du producteur, quel est celui du lecteur.

Le traitement du texte devra s’analyser dans la perspective d’une interaction pe rmanente
entre les caractéristiques du texte, celles du contexte et cel les du lecteur -producteur .
Dans une perspective de psychologie cognitive, le troisième lieu de détermination
constitue un point tout à fait central. En effet, le lecteur -producteur doit réaliser des

279

opérations nombreuses et complexes dans le cadre de contraintes mnémoniques et
attentionnelles fortes, en particulier dans le cadre de ressources nécessairement limitées
à ce niveau : la mémoire n’est pas extensible à l’infini, et il est diff icile de maintenir une
attention soutenue sur plusieurs opérations à la fois.

4. Quatre grands niveaux de détermination

Les processus mis en jeu dans la compréhension et la production des textes relèvent,
selon les chercheurs, de quatre types différen ts de déterminations :
1. Des déterminations associées aux caractéristiques du système de la langue, et en
premier lieu aux instruments linguistiques qui interviennent dans la construction ou le
repérage de la structuration textuelle : explicitation de ce tte structure par les
connecteurs, des marques de ponctuation, délimitation des parties de textes par des
paragraphes …

2. Des déterminations fondées sur le traitement du domaine de référence : organisation
préalable de ce domaine, par exemple, au travers de représentations mentales, de
schémas cognitifs décrivant les propriétés du monde physique, social et subjectif ; ou
encore exploitation possible de schémas cognitifs généraux pour analyser le domaine
considéré : organisation causale, logique temporelle …

3. Des déterminations liées au contexte énonciatif, et plus largement au contexte de la
tâche : on attribue ici un rôle central à l’adéquation entre les opérations mises en œuvre
pour produire ou comprendre un texte et les objectifs de la tâche : final ité
communicative , objectifs de lecture .

4. Des déterminations tenant aux structures cognitives , mises en jeu : outre l’expertise
linguistique et textuelle des locuteurs , leur degré d’acquisition des mécanismes de
l’écriture et de la lecture , ou leur familiarité avec des modèles discursifs préétablis , ou
envisage surtout ici les contraintes très générales du système cognitif humain dans le
traitement de l’information symbolique , tout particulièrement les contraintes liées au
fonctionnements de la mé moire ou celles qui régulent l es ressources attentionnelles :

280

« Savoir lire et écrire sont des compétences essentielles pour fonctionner adéquatement dans la société et
les exigences concernant leur maîtrise ont tendance à devenir de plus en plus élev ées. Dans le monde
actuel , le simple décodage de textes n’est pas suffisant pour être considéré comme alphabétisé, il est
aussi nécessaire de comprendre plusieurs types de texte et d’utiliser efficacement les information . La
lecture et l’écriture constituent des outils de base nécessaire à la réussite, aussi bien personnelle,
scolaire que professionnelle. L’absence ou l’insuffisance de la maîtrise de ces compétences représente
des causes dramatiques d’inadaptation et de marginalisation auxque lles il est difficile de remédier
lorsque la personne est plus âgée » (Karsenti et al,2008,p304)

5.Une linguistique textuelle : La pertinence linguistique des facteurs situationnels

L’approche sociolinguistique de Labov (traduction française : 1976 , 1978 ) constitue
l’une des premières tentatives pour relier systématiquement les caractéristiques
formellement observables des discours , aux conditions , sociologiquement
déterminées , de production de ces discours . Il existe, selon Labov , des registres
discursifs spécifiques à certaines communautés , se traduisent en surface par des formes ,
des marques et des organisations spécifiques . Il y a des traits relatifs à la prononciation,
à la grammaire et au lexique si liés1 qu’ils permettent d’identifier à leur parler la grande
majorité des Noirs des grandes villes ( aux Etas –Unis ) » ( 1978) . C’est par exemple le
cas de la prononciation du conduit l’auteur à mettre en évidence « l’hypercorrection de
la petite bourgeoisie blanche l’exagèrent fortement, ce que Labov attribue à un désir de
démarcation socioculturelle dans ce second cas . Il y a donc , dans les deux cas , mise en
œuvre de modèles normatifs associés à un groupe social particulier .

Par ailleurs, s’agissant du fonctionnement du texte dans son c ontexte, la première
approche véritablement centrée sur l’aspect linguistique est celle développée par
Hilladay, 1985 ; Halliday et Hasan , 1976 ) . Pour Hilladay et Hasan , le concept de
situation doit être défini de façon restrictive . Il ne s’agit aucune ment d’envisager tous
les facteurs situationnels, ce qui constituerait un objectif et pratiquement injustifié,
mais seulement ceux des facteurs extralinguistiques produisant un effet
linguistiquement repérable, affectant de façon systématique les choix li nguistiques.
Nous en proposerons un exemple simple , pour un sociologue , les facteurs sociaux
conduisant à une relation hiérarchique de dominance entre le locuteur et l’interlocuteur

1 à la communauté noi re.

281

sont probablement ,très nombreux et divers ; mais cela importe peu au pl an envisagé
ici : il suffit qu’il y ait une relation hiérarchique , quelle qu’elle soit , pour que le
locuteur passe du « tu » au « vous » . Dans ce même domaine ,le sociologue
distinguerait probablement entre deux interlocuteurs ou une foule d’interlocu teurs ,mais
il suffit de deux pour que la forme « vous »soit requise :

« La notion de pertinence linguistique est capitale pour l’analyse de l’articulation du texte au contexte
.C’est en premier lieu le contexte langagier qui est visé, et non le contexte dans son ensemble. En second
lieu, ce contexte langagier devra être analysé non pas séparément dans chaque domaine, pour les
opérations cognitives que suppose cette interaction.
Les registres discursifs – les différentes situations discursives, ou registres , se définissent sur trois
dimensions :
-Le champ de l’activité langagière défini comme l’événement total dans lequel fonctionne le texte ,
l’activité finalisée du locuteur , et le domaine référentiel concerné . Quel est , en particulier ,le rôl e du
discours dans ce contexte ?
-Le « mode » de fonctionnement du texte dans cet événement total : canal écrit ou oral , genre narratif ,
didactique , ou persuasif , le type , enfin , d’interaction sociale» . (Gao nac’h.D,1996,p24)

A chaque registre , c’e st-à-dire à chaque comb inaison de ces trois dimensions , vont
alors correspondre des traits linguistiques caractéristiques .

6. Texture, structure et activité langagière

Sur le plan spécifiquement textuel, Halliday et Hasan distinguent deux plans :
-Le plan de la « texture » :c’est là ce qui différencie un texte d’un non -texte, à savoir
principalement les relations de cohésion, c’est -à-dire l’ensemble des unités du système
de la langue, comme les pronoms, les articles définis …, telles que d’une unité donnée
du discours dépend directement d’une autre unité.
-Le plan de la « structure »: cette notion de structure réfère ici à l’existence d’unités
supérieures à la phrase, comme le paragraphe ou l’épisode . C’est à ce plan de la
structure , également , qu e doivent être envisagées les unités thématiques.

En revanche, la problématique définie dans les travaux de H .Galliday est à l’origine du
développement , considérable aujourd’h ui ,des travaux sur la cohésion , c’est -à-dire sur
ce que l’on peut qualifier c omme la formation de segments linguistiques au niveau

282

supraphrastique , ainsi que l’établissement du caractère unitaire ,intégré du texte global ,
cette problématique est reprise et systématiquement développée dans la
conceptualisation des relations entre texte et contexte , avec les travaux de Bronkart et
al .( 1985 ) et Schneuwly ( 1988).

Ainsi, l’activité langagière est d’abord une activité sociale elle correspond à une
certaine tâche sociale et comporte donc certaines exigences objectives précises. Le
locuteur qui fait partie lui aussi d’un aspect de la réalité sociale, et la tâche
communicative, détermine l’intention de communication . C’est à cet endroit que la
production du texte devient un processus au niveau physique. A une intention
communicat ive correspond un plan de communication, une conception communicative
correspond à un plan de communication. Les procédures se réalisent dans un texte . Les
procédures de communication font partie du niveau psychique , tandis que le système
langagier , ba se instrumentale pour matérialiser les procédures ,les normes , sorte de
filtre sélectif ainsi par Schneuwly ( 1986 ), on doit analyser la compréhension et la
production des textes sous quatre aspects distincts :
-Le contexte social et matériel de la tâche langagière : l’énonciateur agit sur le
destinataire dans un certain but ;
-Les types de textes comme formes langagières de réalisation des tâches définies dans
ce contexte ;
-Les opérations cognitives sur les domaines extralinguistiques : l’extraction des traits
pertinents du contexte ,les connaissances à mettre en œuvre ;
-Les opérations psycholinguistiques de traduction des représentations cognitives en
unités linguistiques ( ou inversement pour la compréhension ) .
Les actions langagières présentent ég alement un aspect intégratif. Une action langagière
complexe comporte plusieurs stades : évaluation de la situation, motivation, but,
planification, réalisation et résultat . L’action langagière complexe suit alors un modèle
d’action dans lequel plusieurs actions langagières particulières sont articulées,
constituant une unité de comportement.

On notera enfin que dans la problématique développée par Bronckart et Schneuwly ,
tout comme d’ailleurs chez Halliday , on ne saurait dissocier la fonction de
repré sentation ( référentielle ) du langage , de sa fonction de communication : pour être
communicable ,la représentation doit porter sur des significations socialement élaborées

283

( ou à tout le moins ,selon nous , se construire à partir d’elles ) . Dans le même temps ,
la communication doit être située par rapport au contexte qui la suscite . La fusion des
deux fonctions se traduit donc par des représentations communicables ( socialement
élaborées / élaborables ) et des communications représentées ( contextuelle s situées ) .

7. Approche psychocognitive et psycholinguistique de l’écriture

La production d’écrit est une activité mentale qui suppose de la part du rédacteur des
compétences. Celui -ci doit en effet dispose des informations sur une contenu du texte à
produire et des connaissances sur la langue et les textes nécessaires à leur mise en mots.
Les connaissances activées et les processus de traitement de ces connaissances ont fait
l’objet de nombreuses recherches qui tentent de rendre compte de cette activi té
complexe . La présentation des principaux modèles permet de comprendre à la fois les
progrès dans l’analyse et la compréhension de cette activité , mais en même temps de
mesurer l’évolution des cadres théoriques et des méthodes de recherches qu’elles
mettent en jeu .

La rédaction de textes nécessite la mobilisation des connaissances référentielles , (
concernant le domaine évoqué par le texte ) ,linguistiques ( mettant en jeu la syntaxe et
l’orthographe ) et pragmatiques ( adaptées aux intentions du sc ripteur en fonction du
contexte et du destinataire ) . Cette activité met en œuvre de nombreux processus qui
permettent d’activer le contenu du texte à produire , d’adopter la forme linguistique la
plus adaptée au but de l’écriture et au destinataire . Par mi ces processus interviennent
aussi la relecture et la correction du texte. Ces modèles intègrent les différentes
opérations entrant dans la production de texte , les composantes contextuelles et les
caractéristiques du rédacteur .

7.1.Le modèle de Hayes et Flower ( 1980)

En effet, l’objectif des auteurs Hayes et Flower ( 1980) est de formaliser l’activité de
production de texte . Cette activité de mise en texte « consiste à exprimer les idées sous
forme linguistique. Ainsi, l’information écrite dans le texte doit traduire, en langage
écrit, l’information contenue dans le modèle de situation : les idées, mais aussi les
relation entre ces idées ». (Hayes et Flower, 1980, p25)

284

Ces auteurs rajoutent :

« La fonction de cette activité est d’évaluer la qualité du produit et d’y apporter d’éventuelles
modifications en vue de son amélioration. La révision inclut des relectures du texte, ainsi que les
corrections qui lu i sont apportées. Elle n’attend pas forcément la pose du point final pour être mise en
place, mais peut intervenir à n’importe quel moment de l’activité de production ».(Hayes et Flower,
1980, p30)

Ce modèle , élaboré à partir de l’analyse de protocole s verbaux recueillis au cours de
l’activité de rédacteurs experts , prend en compte trois composantes de statut différent .
Les deux premières concernant l’environnement de la tâche et le rôle de la mémoire à
long terme ( MLT) , et la troisième décrit préc isément les processus rédactionnels .La
première de ces composantes, liée à l’environnement de la tâche , inclut les contraintes
d’écriture . La deuxième composante du modèle est la MLT. En effet, pour être en
mesure de produire un texte, le rédacteur doit récupérer en MLT des informations afin
de les organiser ou de les réorganiser en élaborant des plans d’action : les informations
stockées en MLT concernent les connaissances référentielles , le type de texte à
produire , l’élaboration d’un plan de texte e t les connaissances pragmatiques .

La troisième composante englobe l’ensemble des processus rédactionnels . La
planification permet d’élaborer, à un niveau conceptuel , un message préverbales en un
message verbal . Enfin ,la révision, favorise l’évaluati on du texte ( en cours
d’élaboration ou achevé ) . La planification, la formulation et la révision sont
supervisées par une instance de contrôle qui permet l’interaction de ces trois processus
.Dans le modèle révisé de 1981 , Hayes et Flower décrivent préc isément les processus .
La planification comprend trois types de plans d’actions concernant les traitements et
les contenus . Le plan « pour faire » définit les buts rhétoriques et pragmatiques de la
rédaction en fonction des intentions , de la motivation du rédacteur et du texte ( narratif ,
argumentatif , explicatif …) . Le plan « pour dire » organise sous forme de notes, de
brouillon ou de schéma , le contenu général du texte à écrire . Le plan « pour rédiger »
est un plan procédural qui favorise la g estion des traitements conceptuels et
linguistiques nécessaires à la réalisation.

285

La planification comprend trois sous processus . Le premier, ou sous – processus de
génération permet de récupérer dans la MLT1 les contenus sémantiques du texte . Le
deuxi ème sous -processus, dit d’organisation, intervient dans la hiérarchisation de ces
informations . Ces deux sous – processus contribuent à l’élaboration du « plan pour
dire » . Le troisième sous -processus d’établissement de buts, a pour fonction d’ajuster
les traitements en fonction des objectifs de production du scripteur, en liaison avec le «
plan pour faire ».

En revanche, la formulation met en jeu plusieurs opérations de traitements qui assurent
deux fonctions. La première consiste à développer chaqu e partie du plan élaboré lors du
processus de planification. La seconde vise à traduire linguistiquement le contenu
sémantique .

De plus, la révision se subdivise en deux sous processus , la lecture et la correction . La
lecture permet au scripteur d’éva luer l’adéquation ou le décalage entre le texte écrit et
son but initial, entre le texte réaliser et le texte visé . L’activité de révision permet
d’analyser et de réduire les écarts entre l’intention du rédacteur et le texte produit .

Le modèle d’Hayes et Flower demeure une référence, toutefois il a fait l’objet de
critiques nombreuses telles que celles de Berning et Swanson ( 1994) ou celle de Hayes
lui –même ( 1996 ) . Ces critiques concernant d’une part le traitement des connaissances
stockées en mémo ire et les processus d’activation de ces connaissances en MLT sont
suffisamment pris en compte . D’autre part , ce modèle , qui envisage exclusivement le
fonctionnement cognitif de l’expert , ne rend pas compte de la construction progressive
des compétence s du scripteur novice et ignore l’aspect développemental .L’apport des
recherches ultérieures a consisté à répondre à ces critiques .Les nouveaux modèles se
sont alors donné pour objectif de préciser le rôle joué par la mémoire de travail (
MDT2), comme interface avec la MLT lors de l’activité de production de texte .

Par ailleurs, une activité aussi complexe que la production d’écrit sollicite fortement la
MDT qui joue un rôle essentiel dans la maitrise de cette activité . La rédaction suppose
en effet la gestion coordonnée de traitements dont le coût cognitif varie en fonction

1 Mémoire à long terme
2 Mémoire de travail

286

d’une multitude de facteurs. Ces traitements, très demandeurs en ressources
attentionnelles, peuvent être économiques lorsqu’ils sont automatisés. La MDT permet
de stoker t emporairement des informations prélevées en MLT et de les rendre
opérationnelles . Le rédacteur dispose de ressources attentionnelles et de capacités de
traitements limitées, et variables en fonction de son niveau de connaissances , de sa
motivation , de s on état d’éveil et de sa concentration . Un sujet ne peut donc conduire
en parallèle qu’un nombre d’opérations cognitives limité. En effet, le coût des
traitements ne peut dépasser les ressources attentionnelles disponibles .

7.2.Les travaux de Baddeley

Les limites du modèle de Flower et Hayes tenaient à l’évocation du rôle des contraintes
imposées par le faible empan de la mémoire à court terme dans la gestion de l’activité
de rédaction de texte . Récusant la mémoire à court terme , considérée comme un
module de faible capacité ,Baddeley accorde une grande importance à la MDT dont le
rôle est essentiel dans l’activité de production de texte . La MDT se situe en effet au
cœur de l’activité de production verbale , car elle est l’instance exécutive de la p ensée .
Elle se place entre l’intention du sujet et ses systèmes de transmission qui lui permettent
d’effectuer les gestes graphiques de l’écriture .

Le modèle de Baddeley ( 1992) auquel il est fait le plus souvent référence vise à décrire
le fonctionneme nt de la MDT . La mémoire de travail est constituée d’un administrateur
central et de deux systèmes « esclaves » : la boucle phonologique, qui gère le
traitement du matériel verbal et le calepin Visio -spatial , qui traite les composantes
visuelles et spa tiales des stimulations. L’administrateur central détermine l’activité des
systèmes « esclaves » , coordonne et hiérarchise leur intervention . Ainsi , lorsqu’un
individu effectue une tâche de production , il doit allouer ses ressources attentionnelles
de la manière la plus judicieuse possible afin d’éviter la s ituation de surcharge
cognitive . Le rôle de l’administrateur central est alors de répartir au mieux les
ressources dans les autres composantes du système.

287

Toutes les connaissances nécessaires à la réalisation de la tâche sont provisoirement
maintenues actives dans la mémoire tampon épisodique1 . L’administrateur central joue
un rôle d’interface entre la MDT et la MLT . Il mobilise des contenus sémantiques et les
processus sur lesquels ils opère nt, et maintient leur activation en mémoire de travail. Le
modèle de Baddeley a mis en évidence l’importance du rôle de la mémoire de travail
dans l’activité de production . Toutefois, sa description du fonctionnement de la
mémoire de travail est restée gl obale et peu explicite .

Par ailleurs, Kellog ( 1996 ) , s’appuyant sur les travaux de Baddeley ( 1986 ) , a
enrichi le modèle de composantes spécifiques à l’expression orale et écrite . Il a élaboré
un modèle des relations entre les différents processus réactionnels et les différents
registres de la MDT . Pour cela , il a ajouté trois instances superdonnées : la
formulation, l’exécution et le contrôle . Chacun de ces systèmes se décompose en deux
processus. Ainsi, la formulation envisagées dans la persp ective du modèle de Hayes et
Flower, comprend la planification et la traduction linguistique. L’exécution intègre la
programmation et l’exécution motrices du message. La représentation linguistique issue
de la phrase de formulation est programmée avant sa transcription en fonction de
l’écriture finale (manuscrite ou dactylographiée). Le contrôle suppose la lecture, produit
qui permet de relire et vérifier le message pendant et après son élaboration. Le second
processus, l’édition permet de détecter les pr oblèmes et selon la décision du scripteur ,
le résout en proposant une nouvelle édition de ce texte .

Lors de la formulation, la planification peut donner lieu à des représentations multiples ,
caractérisées par des propositions préverbales , des formes d ’abstractions , des images
ou des sensations . Le rédacteur doit ensuite traduire ces différents éléments sous forme
écrite en prenant en compte les éléments du contexte et en choisissant les unités
lexicales et les structures syntaxiques adéquates.

1 Système à capacité limité proposé par Baddeley (2000) pour compléter son modèle de la mémoire de
travail. Selon Baddeley, le tampon épisodique aurait pour rôle d'intégrer les informations issues des
systèmes esclaves (boucle phonologique et calepin visuo -spatial) et de la mémoire à long terme, serait
accessible à la conscience et pourrait organiser efficacement les informations en groupements ( chunks )
cohérents d'épisodes.

288

Lors de la programmation et de l’exécution, le système moteur est impliqué dans
l’écriture , qu’elle soit manuscrite ou dactylographique . Il est à l’origine de la
traduction des idées et il permet le passage du texte virtuel à un texte concret, en
assurant le contrôle des mouvements des doigts et de la main.
Toutefois, le processus d’exécution et de traduction des idées peut être interrompu par
le scripteur qui choisit de réviser son texte en cours de rédaction et de s’auto –réguler.
Le coût cognitif de ces sy stèmes de traitement diffère . Selon Kellog , la formulation est
la plus couteuse en MDT dans la mesure où elle mobilise les processus de planification
et de traduction linguistique , contrairement à la composante d’exécution qui est peu
couteuse . Mais ce coût varie en fonction du degré d’expertise . En effet , les traitements
graphomoteurs ont un coût , et de ce fait, rendent difficile la mise en œuvre des
traitements de planification ou de formulation .

De surcroît, Kellog décrit avec une grande précisi on les interactions entre les systèmes
et processus de production et les composantes de la MDT . Il insiste sur le rôle
fondamental de l’administrateur central qui interviendrait lors de la plupart des
processus rédactionnels. Chez le rédacteur expert , l e processus d’exécution largement
automatisé , n’est pas géré par l’administrateur central . La boucle phonologique ne
serait sollicitée que lors des processus à portée linguistique, tels que l’activité des
processus de traduction et de lecture. Le calepin visio -spatial interviendrait
exclusivement dans la planification .

En effet ,d’après Kellog , le fait de générer des idées et de les récupérer en MLT peut
nécessiter le recours à l’imagerie mentale. Chacun des processus décrits par Kellog
utilise des r essources en MDT . Or, en fonction de l’expertise du rédacteur et du type de
processus requis ,cette utilisation est plus ou moins importante . Selon Mc. Cutchen (
1996) , pendant le traitement , l’information provenant de la MLT est stockée en MDT
qui ass ure deux rôles complémentaires : le stockage et le traitement des informations .
Or, la production de texte impose des exigences de stockage et de traitement
d’informations considérables. Ces deux types d’opérations cognitives sont concurrentes,
et plus le s ressources allouées au traitement sont importantes, moins elles sont
disponibles pour leur stockage. La réussite du processus d’écriture tient à la répartition
judicieuse de la gestion des ressources cognitives entre traitement et stockage. Pour y
parven ir, le rédacteur doit être conscient des stratégies qu’il déploie et les déterminer en

289

fonction du coût cognitif qu’elles supposent , en fonction , notamment de ses
compétences d’écriture et de son degré d’expertise .

En décrivant le rôle de la MDT dans l ’élaboration d’un texte , Kellog ( 1996) apporte
une aide précieuse à la compréhension des mécanismes d e production écrite .
Cependant , il ne rend pas compte du rôle de la mémoire de travail dans le
développement des compétences rédactionnelles et ne four nit pas de propositions
concrètes pour accroitre les capacités de la MDT . Le modèle ne permet pas de rendre
compte des différences entre bons et moins bons scripteurs .

D’autres modèles sont proposés qui reposent sur une conception de la mémoire de
travail différente de celle postulée par Baddeley ( 1986) . Mc.Cutchen ( 1996) se base
sur les relations entre mémoire et maitrise rédactionnelle pour expliquer
l’argumentation de l’interactivité des processus rédactionnels pour expliquer
l’argumentation de l’ interactivité des processus rédactionnels avec l’expertise . Ainsi,
dans la production de l’expert, l’automatisation des processus graphomoteurs et d’accès
au lexique libère des ressources cognitives dés lors disponibles et allouables aux
processus de plus haut niveau . Ces processus , fortement contrôlés , sont susceptibles
de fonctionner en parallèle .

Ces chercheurs recourent à la conception de la MDT à long terme ( Ericsson et Kintsch ,
1995) pour rendre compte de l’activité du scripteur enfant et adulte . Ce registre
fortement stratégique de la MDT à long terme , intermédiaire entre la MDT et la MLT
permettrait au rédacteur d’encoder l’ensemble des connaissances impliquées dans
l’activité ,puis de les récupérer et de les utiliser avec un faible coût cognitif . Cependant,
si ces propositions fournissent des données théoriques sur la dynamique des traite ments,
le développement de l’expertise rédactionnelle et l’automatisation de certains processus ,
elles restent pour le moment spéculatives et n’envisagent pas l’aspect développemental
de la production en fonction de l’accroissement de l’âge et de l’exper tise du scripteur .

L’activité rédactionnelle est soumise aux compétences du scripteur qui évoluent en
fonction de son développement. Le fait que certaines opérations cognitives soient
automatisées libère des ressources en MDT pour d’autres opérations men tales . C’est le
cas de la transcription graphomotrice, très coûteuse en ressources cognitives chez le

290

jeune enfant . Le coût de certains traitements , comme l’exécution des lettres , diminue
en fonction de l’expertise du scripteur . Très élevé chez le je une enfant, il devient
négligeable chez l’adulte .

Pour mesurer l’importance du coût de la transcription chez le scripteur débutant, une
stratégie a été mise au point, celle de la double tâche . Elle consiste à mettre un adulte
dans une situation d’écriture complexe où il doit par exemple, écrire un texte en
n’utilisant que les majuscules . Les ressources attentionnelles mobilisées par cette
double tâche se soustraient à celles restées disponibles pour effectuer l’ensemble de la
rédaction .

7.3.Le s modéles de révision de Bereiter et Scardamalia ( 1983)

La procédure élaborée par Bereiter et Scardamalia est nommée CDO1
(compare,diagnose , operate ) envisage l’action du scripteur sur son texte . Il est supposé
comparer le texte écrit au texte qu’il a planifié mentalement en évaluant l’écart entre un
texte intentionnel, la représentation de ce texte et la version effectivement écrite. Le
processus de diagnostic le conduit à cerner l’origine des écarts entre le texte souhaité et
le texte écrit. Enfin, le processus de réalisation ( operate ) vise à mettre en œuvre les
modifications requises par les deux procédés antécédents . Cependant ,ce modèle
n’explicite pas les opérations cognitives engagées au cours de la révision de texte .

7.4.La complexifica tion du modèle : Flower , Hayes , Carey , Shriver et Stratman (
1986)

le modèle de Flower , Hayes , Crey , Shriver et Stratman ( 1986) a pour visée de
préciser le fonctionnement des processus et opérations mentales engagés lors de la

1 Ce modèle décrit les composants et l’organisation d’un sous -processus du processus de production
écrite qui, selon eux, est fréquemment impliqué dans la révision d’un texte. Scardamalia et Bereiter
(1983) ne considèrent pas leur modèle comme un modèle du processus de révision pour deux raisons. La
première est que ce modèle décrit un processus cognitif alors que, selon eux, pour qu’il y ait révision, il
est nécessaire que se produise une modification effective d’une partie du texte déjà écrit. La second e est
que ce processus peut opérer indépendamment d’une activité de retour sur le texte, par exemple pendant
la planification et la mise en texte . D’après ce modèle, le sous -processus CDO est comparable à une
boucle de rétroaction qui se déclenche lorsqu’u ne incompatibilité est détectée entre deux représentations
mentales stockées en mémoire à long terme : la représentation du texte déjà écrit et la représentation du
texte attendu.

291

révision . Il répertoire les connaissances impliquées dans le traitement de l’information.
La révision apparaît alors comme une activité délibérée que le scripteur peut ou non
mettre en œuvre en fonction de ses objectifs, de l’état d’avancement de son texte et de
ses compétences rédactionnelles . Le choix d’une stratégie de révision est lié à la
préhension du problème détecté par le scripteur à l’issue de la relecture de son texte. Il
s’agit pour lui de lire pour comprendre, évaluer, identifier et sérier les problèmes
essentiels . Plusieurs solutions s’offrent à lui : ignorer la difficulté, différer l’effort pour
la résoudre, rechercher des informations en mémoire ou dans le texte pour mieux
comprendre ce problème, réécrire un fragment du texte ou le réviser en préserv ant la
première strate d’écriture.

Le modèle de Flower (et al) prend en compte la diversité des modifications opérées par
un scripteur se livrant à la réécriture de certains aspects de son texte initial. Ces
modifications concernent le type d’opérations r éalisées po ur parvenir à ce but ( addition ,
suppression ou substitution de mots , de groupes de mots , de groupes de mots de
phrases ,modification d’une partie du texte ,etc .) . Elles interviennent à un niveau
textuel donné , soit en surface du texte , so it en profondeur ,se situent à un endroit
déterminé du texte ( début ,milieu ou fin ) et dans une phrase de sa composition (
élaboration du plan , du brouillon , de la version finale ou lors d’une étape
spécifiquement révisionnelle ) . Le modèle de révisio n de Flower (et al) marque une
avancée importante des recherches. Il étudie le processus de révision dans sa spécificité
et indépendamment de ses interactions avec les autres processus de production écrite.

7.5. L’activité de production des scripteurs ex perts : Les travaux de Bereiter et
Scardamalia ( 1987 )

Le modèle de Bereiter et Scardamalia ( 1987) décrit deux stratégies d’utilisation des
connaissances qui rendent compte des traitements opérés par des scripteurs âgés de 9 à
16 ans et par des scripteurs adultes .
Les jeunes scripteurs utilisent la « stratégie des connaissances rapportées ». Cette
stratégie consiste à récupérer dans la MLT des connaissances et à les transcrire
directement en mots, sans réorganisation de la forme linguistique ni du contenu
conceptuel . Les textes ainsi produits sont constitués de juxtapositions de phrases qui
reflètent la structuration des connaissances du rédacteur.

292

En revanche, les rédacteurs plus experts ne se satisfont pas d’une simple transcription
de ces co nnaissances. Ils ont recours à la « stratégie des connaissances transformées »
qui suppose la capacité de réorganiser ces connaissances afin de les rendre compatibles
avec les contraintes thématiques et rhétoriques liées à une intention spécifique . Cette
transformation du contenu et de la mise en forme linguistique suppose le
développement des compétences de planification du contenu du texte pour atteindre des
buts de plus en plus complexes. Elle s’apparente à une activité de résolution de
problèmes au co ut cognitif important qui nécessite d’augmenter l’empan de la mémoire
de travail pour maintenir actives les contraintes liées à la tâche. La « stratégie des
connaissances transformées » s’acquiert progressivement et devient efficace vers l’âge
de 16 ans. Les rédacteurs, devenus capables de prendre en compte des contraintes
supplémentaires novices. De surcroit, l’analyse que les scripteurs experts font de la
situation de communication et la réorganisation des connaissances à laquelle ils
procèdent leur fait acquérir des compétences supplémentaires lors de l’activité
d’écriture.

Ce modèle constitue une avancée considérable dans la compréhension de l’activité
rédactionnelle dans son ensemble, mais il reste d’une portée générale. D’autres modèles
développent d es analyses plus fines et plus spécifiques en approfondissant l’étude de
processus rédactionnels en les développant chez le rédacteur novice .

7.6. Le modèle développemental de Berninger et Swanson

Le modèle développemental de Berninger et Swanson ( 1994) concerne la mise en place
des processus rédactionnels chez les scripteurs novices . Il décrit la mise en place
progressive des compétences rédactionnelles chez l’enfant de 5 à 10 ans. Ces auteurs
distinguent trois phases de développement liées à tro is processus de production du texte
que Hayes et Flower les avaient modélisées : planification, formulation et révision.
Toutefois, la focalisation des recherches de Berninger et Sawanson sur les jeunes
scripteurs les conduisent à un infléchissement du mod èle en modifiant l’ordre des
processus mis en œuvre dans l’activité rédactionnelle novice. Le premier processus
auquel ils s’intéressent concerne alors la formulation, qu’ils décomposent en deux sous –
processus, l’exécution et la génération de texte.

293

En effet , dans l’accès à la production de texte , le jeune enfant met d’abord en œuvre le
sous-processus d’exécution , plus facilement accessible :il est capable de recopier
mécaniquement un mot alors même qu’il ne dispose encore d’aucune compétence de
généra tion de mot ou de texte , ce qui intervient progressivement , une fois le processus
d’exécution entièrement automatisée . Le deuxième processus mis en œuvre est la
révision , fort peu mobilisée chez le très jeune scripteur ;elle se limite à des corrections
de surface engageant essentiellement l’orthographe et la ponctuation .Le troisième
processus , la planification du texte à produire ,intervient plus tardivement dans le
développement des compétences en production et se complexifie progressivement en
fonct ion de l’âge de l’enfant.

Le modèle développemental s’intéresse essentiellement à l’activité de formulation et
accorde une moindre importante à la planification et à la révision. Ces processus sont
modélisés plus spécifiquement à partir de la production d e texte de rédacteurs experts .
L’analyse du processus de planification, initialement défini par Hayes et Flower ( 1980)
et Flower et Hayes ( 1980) a été approfondie dans les modèles ultérieurs . Flower ,
Shrivey , Carey , Haas et Hayes ( 1989) s’intéresse nt à l’activité de scripteurs adultes et
distinguent plusieurs stratégies de planification concernant les traitement et les
contenus . Selon ces auteurs , les rédacteurs experts ont la possibilité de combiner le «
plan pour faire » et le « plan pour dire » décrit par Hayes et Flower ( 1980) pour établir
une stratégie de planification « constructive », de plus haut niveau . Ce plan contrôlerait
l’ensemble du processus rédactionnel ainsi que chacune de ses étapes. La planification
« constructive » constitu erait un « réseau de buts du travail » permettant de planifier
toutes les composantes de rédaction (le contenu, la manière de développer en fonction
de son destinataire , etc .).

Toutefois ,le mode de « planification constructiviste » est d’un cout cogn itif élevé.
C’est pourquoi les auteurs envisagent la possibilité de rédiger un texte en mettant en
œuvre des traitements plus économiques et plus locaux où l’élaboration du contenu du
texte peut -être, par exemple , guidée par l’application d’un plan ou d’u n schéma de
texte, ou encore par les connaissances du rédacteur sur le domaine .

294

7.7. Le modèle de Hayes et Nash ( 1996)

Hayes et Nash ( 1996) ont proposé une définition analytique de la planification
rédactionnelle après avoir effectué le bilan de l’ ensemble des définitions associées à ce
processus parmi les différents modèles . Ils décomposent cette planification qu’ils
nomment « planning in writing » en un ensemble hiérarchisé d’activités de planification
concernant différents types de compétences. Ils opposent la planification des processus
focalisée sur les connaissances procédurales du rédacteur à la planification textuelle
centrée sur le contenu du texte élaboré et son influence sur destinataire .

La planification textuelle se décompose en une planification abstraite, qui génère des
idées sans spécification linguistique, et une planification langagière qui permet de
produire un texte conforme aux règles de la syntaxe . La planification langagière
équivaut à l’étape de la formulation du modèle de production de texte de Hayes et
Flower ( 1980) . La planification abstraite se subdivise en deux types de planification ,
une planification hors et une planification du contenu qui renvoient pour la première ,
au « plan pour faire » et pour la seconde , au « plan pour dire » du modèle principes de
Hayes et Flower .

Ces différentes planifications se caractérisent par la nature des traitements et des
opérations mentales auxquelles les scripteurs sont supposés procéder. Ainsi, ces auteurs
distinguent au se in de cette hiérarchie trois types de « méthodes de planification ». La
première de ces méthodes, la planification par abstraction intervient au moment de la
génération et de l’organisation des idées qu’elle conduit à structurer sans prendre en
compte la traduction linguistique des contenus . La deuxième méthode ou planification
par analogie permet de transposer des connaissances stockées en mémoire en les
réactivant.

Par exemple, la connaissance des étapes du schéma narratif permet au rédacteur de
conv oquer une structuration préétablie et de l’activer pour produire son propre texte. La
troisième méthode ou planification par modélisation porte sur tous les éléments
nécessaires à la formalisation linguistique de la rédaction, tels qu’ils apparaissent, pa r
exemple, dans le processus de formulation. Produire une phrase suppose en effet de
planifier mentalement toutes ses composantes en établissant le modèle de cette phrase.

295

La revue de Hayes et Nash ( 1996) fait apparaître le caractère extrêmement complexe et
stratégique de la planification dans l’activité de production de texte . La diversité des
modes de traitement mis en jeu explique l’hétérogénéité des définitions proposées par
les auteurs. Les sous – processus de récupération et d’organisation des conna issances
référentielles ne présentent qu’une partie minime des traitements impliquées lors de la
planification qui doivent faire dés lors l’objet d’une exploration plus approfondie .

Par ailleurs les opérations mentales analysées dans le modèle de Hayes e t Nash
correspondent à des processus dépassant le cadre strict de la planification. Elles relèvent
en effet de domaines plus vastes et plus généraux tels que la réflexion, le raisonnement
,la construction de connaissances et la résolution de problèmes . C’ est pourquoi il
importe d’aborder la planification de manière plus spécifique et plus différenciée en la
déconnectant des modèles de production de texte .

La production de texte n’est pas toujours achevée à l’issue de la rédaction. Le scripteur
dispose de la possibilité de revenir sur son texte pour l’améliorer. Cette procédure,
nommée révision consiste à apporter d’éventuelles modifications à un texte rédigé ou en
cours de rédaction . Plusieurs modèles correspondant à des conceptions différentes de la
révision ont été élaborés. Ils sont présentés chronologiquement en fonction de leur degré
de complexification croissante.

7.8. Le modèle de Butterfiled ,Hacker et Alberston ( 1996)

Ce modèle de révision fait intervenir deux composantes. D’une part ,il inclut
l’environnement du scripteur ou de la tâche qui englobe les dimensions rhétoriques et
pragmatiques de la production , comme dans le modèle de Hayes et Flower ( 1980) (
consignes ,thèmes , isolée communicative , enjeux de révision, etc ) .D’autre part ,il
prend en compte le système de traitement en distinguant la MDT de la MLT où ont lieu
les traitements contrôlés . Ces traitements assurent l’établissement d’une représentation
des textes et des textes et des problèmes rhétoriques qui leur sont associés, la détection
et le diagnostic des problèmes textuels et l’établissement de stratégies destinées à les
résoudre. En revanche, le registre de MLT permet de libérer des ressources en m émoire
de travail en assurant le stockage du matériel textuel déjà révisé . La MLT est caractérisée
par un double niveau de fonctionnement, le niveau cognitif et le niveau métacognitif .

296

En définitive, nous avons tenté de citer les différents modèles trai tant le domaine de la
production écrite et ce afin de mieux connaître ses processus et comprendre son
fonctionnement. Donc comme nous l’avons dit sans cesse, le scripteur ainsi que son
produit « le texte » ont constitué les objets d’étude de plusieurs che rcheurs. En espérant
donner au « scripteur » assez de place et de temps pour la présentation, nous
consacrons maintenant notre attention au texte que nous tentons de traiter avec plus de
précision ci -après .

8-Les types de texte, discours, genre, sphère

« Lorsqu’on parle d’un type de texte ou de message, on se réfère à un modèle abstrait qui condense des
traits linguistiques qui le distinguent des autres types. La notion de « type » de texte ou de message , doit
être mise en relation avec ce lle de « genre » de texte ou de message . « Le genre » s’est constitué
historiquement à partir de formes conventionnelles d’écrits où domine « un type » particulier. Par
exemple, le conte, la nouvelle, littéraire, le récit et le roman sont des « genres » de textes où domine le
« type » narratif. Le texte de type informatif caractérise un genre comme le portrait, mais se trouve aussi
dans le fait -divers et la nouvelle journalistique » (Programme d’études français, langue
d’enseignement, 1996, p11)

8.1.Les types de textes

Les travaux sur les types de textes sont à la mode. Ils ont engendré une littérature
abondante et , en matière didactique, des dérives applicationnistes certaines : l’objectif
assigné aux enfants devient de reconnaître et de nomm er les types et non de s’en servir
pour mieux lire et mieux écrire . De surcroit, pour certains, les types sont fondés sur les
catégories d’unités linguistiques , pour d’autres sur des « super – structures » , des
formes d’organisation globale des textes . Cette perspective n’est cependant pas
intéressante car elle permet, de ( discursivement ) faire en sorte qu’une petite fille ne
mette plus ses doigts dans les prises électriques , on a le choix de recourir à un type de
texte injonctif ( sur le mode de l’i nterdiction ) , à un type de texte narratif ( on lit,
raconte l’histoire d’une petite fille qui mettait ses doigts dans les prises malgré
l’interdiction de ses parents , qui a reçu une décharge , qui a eu très mal , etc .) , à un
type de texte explicatif ( on tente de lui expliquer en quoi consistent les prises
électriques , le courant et les décharges …) , à un type de texte argumentatif ( on tente ,
à l’aide d’arguments , de modifier son intention, de mettre les doigts dans la prise … ) .

297

Dans ce cadre , on a tendance à distinguer q uelques grands types : narratif , descriptif ,
explicatif , argumentatif et dialogal :
a). Le narratif ; type à l’architecture la plus codée , se caractérise notamment par une
succession d’événements , organisée en une intrigue ( avec un état initial , une
transformation comprenant un événement déclencheur ou une complication , la
dynamique et la résolution ou force équilibrante , et un état final ) , autour d’au moins
un acteur humain ou anthromorphosé , susceptible d’être compri se et évaluée
globalement .

b.Le descriptif ; à l’architecture moins codée , peut se définir comme la mise en scène
d’un lieu ,d’un personnage , un objet … Elle se caractérise notamment par l’expansion
d’un thème ( ce dont on parle ) à l’aide de p rocédures d’aspectualisation ( les
propriétés et les parties du thème ) et de mise en relation ( soit sa situation dans l’espace
et le temps , soit sa mise en relation avec d’autres catégories sous forme de
comparaisons , de négations …). Son thème est ind iqué soit initialement ( ancrage ) ,
soit en cours ( reformulation ), soit à la fin ( affectation ).Son organisation comprend
des plans énumératifs, temporels ou spatiaux ( devant / de rrière , à gauche / à droite …) .

c).L’explicatif , type à codification plus floue , fondée sur le « comment ? » ou le «
pourquoi ?» , se caractérise notamment par le passage d’une schématisation initiale à un
problème ( question ) , à une explication ( réponse en « parce que ») et à une
conclusion – évaluation .

d).L’argu mentatif , type dont l’architecture est aussi plus souple que celle du récit ,
consiste en la construction d’un texte visant à modifier les représentations ou les
opinions du destinataire à propos d’un projet du discours . Démontrant ou réfutant une
thèse , il passe de données ( prémisses ) à une conclusion , à l’aide d’arguments et de
leur étayage , avec des procédures de réfutation , justification , concession et l’appui de
connecteurs logiques .
e).Le dialogal est sans doute encore moins structuré . Il consiste en une co -construction ,
en une succession d’échanges hiérarchisés , avec des phrases conventionnelles
d’ouverture et de clôture marquées par des formules rituelles et des phrases «
transactionnelles » au centre des interactions . Il est composé d’unités dialogales ( des
échanges ) comprenant plusieurs interventions thématiquement homogènes .

298

Cette trop rapide présentation est à lire, en n’oubliant pas que ces « prototypes» sont
des abstractions , des modèles reconstruits . Dans la réalité des éc rits , les phrases
peuvent être mélangées ou présentes dans des ordres différents . Ainsi, l’énonciation et
la mise en texte ( syntaxique , lexicale ,rhétorique ) peuvent compliquer la saisie de ce
qui n’est qu’une formalisation heuristique . De surcroit, il ne s’agit que d’une
présentation parmi bien d’autres possibles. De plus, y compris dans ce cadre, il faut
prendre garde au fait que les types sont à prendre dans deux sens très différents :

-Dans le premier sens , il s’agit d’organisation dominante d es genres et , en
conséquence , des textes appartenant à ces genres ( les romans , les contes , les faits
divers) sont plutôt de l’ordre du narratif ; les éditoriaux , les essais sont plutôt de l’ordre
de l’argumentatif …) ;
-Dans le second sens ,il s’agit de séquences d’écrits réalisés ( tout écrit étant
polytypologique ) : ainsi ,dans un roman , à coté de séquences narratives existent des
séquences descriptives , dialogales ou explicatives ; ainsi , dans une lettre , existent des
séquences explicatives , narratives , argumentatives ,etc .

Ces précisions apportées, il convient de cerner les intérêts des usages didactiques des
types de textes . L’enjeu ne saurait être, dans une perspective applicationniste , de s’en
servir comme des instruments d’étiquetage , variante moderne et plus globale des
habitudes de la grammaire scolaire . Leur grand intérêt est de mettre en lumière des
régularités organisationnelles dans la formation des textes , qui peuvent guider aussi
bien la lecture que l’écriture et concerner les écrits les plus divers : sociaux quelque soit
le genre , scolaires quelque soit la discipline .

Dans cette optique , l’analyse des écrits à partir de ces régularités ( ou à l’aide de celle –
ci ) va servir de pont entre la lecture de textes ( qu’on démonte ) et l’écriture de textes
(qu’on remonte ) ; cela va permettre de construire une image plus claire du produit final
qu’on cherche à écrire et de guider les opérations de planification , de textualisation et
de révision ; cela va favoriser l’analy se de dysfonctionnements liés au type de texte ;
cela va aussi s’avérer intéressant pour construire des situations d’exercices accentuant
telle ou telle variable en relation avec tel ou tel type .

299

Par ailleurs, il est possible , en classe , de travailler à partir des types de textes à l’aide
de multiples exercices qui participent de la diversification des situations . Ils sont
maintenant bien connus, même s’ils sont inégalement pratiqués :
-Les collectes de textes par les élèves ( ce qui les oblige à des lectures multiples et
sélectives et permet à l’enseignant de mieux connaître les écrits qu’ils pratiquent ) ;
-L’observation -analyse, guidée ou non par l’enseignant , instrumentée ou non , à l’aide
de critères préalablement définis ;
-Les compléments de t extes, qui consistent à faire écrire aux apprenants la partie
manquante d’un texte fourni (en son début, en son milieu ou à sa fin ) ;
-Les tris de textes, qui consistent à classer un corpus de textes ( sur un même thème ou
non , dans leur mise en pages in itiale ou non ) pour se rendre compte des critères
empiriques des élèves puis élaborer progressivement des critères opératoires ;
-Les chasses aux intrus, qui consistent à rechercher un texte hétérogène aux autres dans
un corpus donné ( là aussi pour const ruire des critères et observer ceux initialement
utilisés par les élèves ) ;
-Les textes puzzles, qui consistent à découper un texte, à le fournir en désordre aux
élèves et à leur demander de le reconstituer explicitant les critères employés ;
-Les texte s « farcés » ,qui consistent à introduire dans un texte des séquences
typologiquement hétérogènes en demandant aux élèves de les répéter et de justifier leur
décision ;
-Les consignes d’écriture ,qui portent – en dehors des contenus – sur une « phase » de
la structure ou sur un mécanisme ( ancrage / affectation po ur le descriptif ,par exemple) ,
ou sur l’emploi d’unités ,afin d’isoler un problème, d’alléger la charge de travail ,voire
d’automatiser telle ou telle procédure .

On conclurait ce point en pr écisant que les types de textes n’éclairent qu’une catégorie
de fonctionnement et que leur usage ne saurait donc être exclusif , que leur intérêt est
heuristique et qu’il faut se garder en conséquence des dériv es applicationnistes et ,
enfin , qu’ils cons tituent des modélisations très abstraites .

8.2. Les discours

L’entrée par les discours est intéressante en matière d’écriture. L’accent est porté ici sur
l’énonciation, les fonctions, les dime nsions pragmatiques des écrits. Les dimensions

300

prises en compte sont celles qui structurent les interactions et la communication. Qui
parle ? A qui ? Dans quelle intention ? Pour produire quel (s) effet (s) , Dans quels
cadres spatio – temporel et situationnel ? Cela permet d’explorer de façon pertinente des
phénomènes d’organisation textuelle aussi importants que le choix du récit ou du
discours, la gestion des implicites , les marques de la subjectivité , les marques de
l’axiologisation ( la distribution des valeurs dans le texte ) , la progression de
l’informa tion .

En matière didactique, les intérêts ne sont pas négligeables. On insistera simplement sur
trois d’entre eux : cela favorise le travail selon des projets de communication ou des
interactions dépassant le cadre purement scolaire ; cela permet de mett re au jour les
dimensions communicationnelles de l’écriture et des écrits, y compris dans les
situations les plus scolaires et , conséquemment , de motiver des exigences ou
d’expliciter des fonctionnements .

Ainsi, tout ce qui concerne la mise en pages o u la graphie , à tous les niveaux de l’école ,
peut être justifié non comme une « lubie »du professeur mais comme une condition de
lisibilité et de facilitation dans une situation de réception où l’enseignant doit corriger
dans le temps donné et des condi tions souvent peu favorables tout un paquet de copies .

En outre, l’interaction réelle professeur – élève dans la rédaction ou la dissertation , peut
être précise . Par exemple , nombre d’élèves du lycée , confrontés à la dissertation ,
pensent que l’enj eu est de convaincre le correcteur ( et non de mettre en scène un
raisonnement ) et oublient que celui – ci avant tout un lecteur dont il convient de
faciliter la lecture tout en construisant et en ménageant son intérêt ( système d’annonces
et des synthèse s partielles ; enchainement de sous questions et de réponses provisoires ;
déplacements de point de vue …) .

En conséquence , cela facilite sans doute la planification en précisant le contrat de
communication , les attentes du destinataire et les stratég ies adéquates . On peut penser
que les opérations de recadrage , de textualisation et de révision vont en tirer profit .
Complémentairement, l’enseignant peut proposer des consignes qui accentuent ces
dimensions. Le troisième avantage est que cette entrée correspond sans doute plus à
façon courante d’entrer – en production comme en réception – dans les énoncés oraux et

301

écrits où l’on se situe par rapport aux intentions , aux effets , aux valeurs . Cela
« déformalise » les écrits scolaires et permet de jus tifier les techniques , non en soi ou
parce que cela « fait beau » ,mais comme réponses à des problèmes de communication
pour optimaliser les effets qu’on souhaite obtenir ,bien se faire comprendre , etc . Bref,
cela participe de la prise en compte de l’a utre et de la décentration dont on sait qu’elle
pose des problèmes importants aux jeunes scripteur s et aux scripteurs non experts .

Mais cette entrée, qui ne saurait non plus être exclusive , présente aussi divers
inconvénients à ne pas sous – estimer . D’abord parce que dans la typologie des discours
qui n’est pas non plus consensuelle . On inclut parfois le narratif ou le descriptif dont les
fonctions sont variables selon les contextes . Ensuite , parce que les homologies ne sont
pas toujours évidentes entre l’intention ,l’effet souhaite et l’effet obtenu et que
,généralement ,plusieurs fonctions sont imbriquées ( par exemple, expliquer et
convaincre , raconter et argumenter…)

Enfin , parce que les catégories d’intentions et d’effets sont très hétérogènes . On ajoute
que , d’un point de vue didactique , des dérives inverses à celles des types de textes sont
possibles : à trop mettre l’accent sur le niveau global de l’interaction
commu nicationnelle , on sous -estime parfois l’organisation super -structurelle , voire le
travail sur les unités inférieurs . Et certains élèves ont déjà tendance à penser que ,
pourvu que leur texte soit « globalement» compris , le reste est très secondaire . On
complète cet ensemble de remarques en notant que , de surcroit , la maitrise de cette
entrée est compliquée par le fait que la fonctionnalisation des écrits peut être envisagée ,
comme pour les types , au niveau séquentiel . Ainsi , dans un récit , une séquence
dialogale peut avoir comme fonction une pause dans l’action , alors que le récit dans sa
globalité peut , par exemple , viser à faire peur. En d’autres termes, l’analyse doit
souvent être menée à un double niveau : séquentiel et global .

Par aill eurs, certains emploient indifféremment genre de discours et type de discours .
Mais on tend plutôt à employer genre de discours pour des dispositifs de
communication socio – historiquement définis :
Le fait divers, l’éditorial, la consultation médicale , l’interrogatoire policier , les petites
annonces , la conférence universitaire , le rapport de stage , etc . L’analyse du discours,
en tant qu’elle rapporte des paroles à des lieux ( Analyse du discours) , leur accorde un

302

rôle central . La diversité des ge nres de discours est très grande : à coté de genres qui
peuvent paraître très stables comme la recette de cuisine ou la prière, il en est de plus
fugaces ( le journal télévisé ) . Le point le plus délicat est d’arrêter la prolifération des
genres : on peut distinguer une immense variété de sous -genres .

Dans la conception traditionnelle on considérait les genres comme des sortes de cadres
dans lesquels on glissait un « contenu » qui en était indépendant . Avec l’influence des
courants pragmatiques, on y voit plutôt des activités plus ou moins ritualisées qui ne
peuvent se déployer légitimement et être « réussies » que si elles sont conformes aux
règles qui les constituent ( Contrat , Contexte , Rituel ) . Ces contraintes définitoires
d’un genre portent sur :
 La statut respectif des énonciateurs et des c o-énonciateurs ;
 Les circonstances temporelles et locales de l’énonciation ;
 Le support et les modes de diffusion ;
 Les thèmes qui peuvent être introduits ;
 La longueur , le mode d’organisation , etc .

Le support joue un rôle fondamental dans l’émergence et la stabilisation d’un genre :
(l’apparition du microphone a profondément modifié le dispositif du sermon , le
téléphone à modifié la définition de la conversation , l’épopée est inséparable de la
récitation orale , etc. De façon très schématique, on peut dégager deux grandes
composantes de la lecture / compréhension : le texte et le lecteur. Le premier peut varier
quant à sa forme et à son contenu ; le deuxième quant à ses connaissances et aux
opérations cognitives qu’il met en jeu. Ces deux composantes s ont évidemment
étroitement liées ; pour ne donner qu’un exemple, disons que le degré de familiarité du
texte dépend des connaissances que le lecteur a du domaine abordé par le texte .

8.3.Les genres

Les genres constituent une entrée typologique encore plus hétérogène si c’est possible
que les précédentes . Ils se définissent , en effet , par une conjonction , plus ou moins
lâche , de dimensions telles que les contenus thématiques , la dominante textuelle , les
fonctionnements discursifs dominants ( le c ontrat de communication notamment ) , le

303

fonctionnement éditorial ( collections types de supports ) ,le public … Ils appartiennent
à une tradition très ancienne de réflexion sur les écrits mais ont connu, récemment , une
période de suspicion due , notammen t , à trois causes : leur définition floue ,leur
insertion dans une tradition essentiellement littéraire et dans ce cadre , une
délégitimation tributaire du fait que nombre de théoriciens de la littérature considèrent
que l’œuvre réussie , originale , est justement celle qui rompt avec les lois du genre .

Mais les genres connaissent , à l’heure actuelle , une région d’intérêt . D’abord parce
qu’il semble possible de s’en passer théoriquement et pratiquement : ils appartiennent
aux représentations et aux désignations courantes de tout un chacun lorsqu’il veut parler
de ce qu’il a lu ou de ce qu’ il souhaite écrire . A ce titre , cette notion est constitutive
d’« existant » dont il faut tenir compte . De même, sur le terrain didactique, elle est
constamment utilisée par l’enseignant et les instruments scolaires. Karl Canvat parle à
son propos de « notion protodidactique » , « constamment utilisée, jamais définie et
rarement utilisée en tant que telle » . A ce titre , il est sans doute important de clarifie r
son usage pour éviter les effets scolairement sélectifs des implicites et de connivence
culturelle .

Ce regain d’intérêt et aussi dû à la puissance régulatrice des échanges
communicationnels ,oraux et écrits , des genres , sur laquelle les travaux de Ba khtine
avaient , depuis longtemps , attiré l’attention.
Bakhtine distingue , en effet , les genres premiers qui se constituent dans les échanges
verbaux spontanés ,dans le langage « ordinaire » ( conversation, récit d’événement
vécu …) ,et des genres sec onds qui se constituent dans le cadre , essentiellement écrit ,
des échanges culturels ,artistiques , sociopolitiques , scientifiques ( essais , romans ,
comptes rendus , éditoriaux …) . Les premiers se caractérisent plutôt par un contrôle
manuel dans la s ituation , un fonctionnement global et peu de contrôle métalangagier de
l’action en cours . Les seconds seraient non contrôlés directement en situation ,
fonctionnant par entités plus séparées , avec un contrôle métalangagier plus fort et plus
constant . D ans cette optique, les genres constitueraient des outils linguistiques et
cognitifs.
C’est ainsi un point de départ intéressant pour montrer , à partir d’un texte « réel» ,
comment s’interpénètrent des contraintes thématiques , discursives , textuelles ,
éditoriales , etc ., dont il faut , en retour ,s’assurer la maitrise en production .

304

8. 4.les sphères

La distinction – descriptive et non normative – entre sphère de l a production restreinte
et sphère de la production élargie est due à Pierre Bourdieu . Elle a été jusqu’alors peu
prise en compte par les didacticiens de la lecture et de l’écriture , sans doute en raison
du cloisonnement entre les disciplines ,en raison a ussi du fait que cette typologie a été
principalement explicitée par rapport au champ littéraire , en raison encore des
interrogations qu’elle suscite quant aux pratiques de chacun . C’est regrettable car elle
s’avère particulièrement intéressante en mett ant au jour d’autres formes régularités en
relation aux pratiques culturelles .

Très schématiquement , dans la sphère de production élargie , la production est soumise
aux nécessités économiques . On est dans un cycle court où il s’agit de minimiser les
risques et de tirer le plus rapidement possible le maximum de profits . Pour atteindre ce
but , on vise – dés le part – soit le public le plus vaste possible , soit une frange
déterminée , généralement dans les fractions les moins cultivées . On tente de s’a juster à
une demande préexistante , on se soumet aux normes do minantes ( thèmes , stéréotypes ,
modes d’écriture … )

Le livre est soutenu par les techniques de marketing, souvent tapageuses, identiques à
d’autres produits. L’auteur, parfois payé au forfai t, est soumis à l’éditeur et tous deux
reconnaissent comme valeur dominante le public et le succès. Dans la sphère de
production restreinte, en revanche, la production prend ses distances avec les nécessités
économiques. On est dans un cycle long où les ri sques sont importants et où les profits
immédiats sont très limités. Les « classiques » symbolisent la reconnaissance de la
postérité. Pour atteindre ce but, on déclare viser les fractions les plus « éclairées » des
couches intellectuelles et le public f utur. On tente de reproduire la demande, on conteste
et on met à mal les normes en vigueur, on pratique des recherches formelles et on
travaille autour de thèmes « brulan ts » ( sexualité , politique …) . Le livre offre une
forme discrète et ne fait l’objet de spécialistes. L’auteur se présente comme libre et
novateur , et l’éditeu r comme un découvreur audacieux . Tous deux stigmatisent les
succès à la mode auprès du grand public .

305

Cette distinction entr e les sphères est en fait valable , quels que soient les produits
culturels et les écrits . Ainsi , les textes de presse , les écrits scientifiqu es mais aussi les
œuvres musicales , cinématographiques , théâtrales sont susceptibles des mêmes
analyses .

Ainsi , les genres paralittéraires , peu légitimes mais très lus , favorisent la construction
de compétences textuelles et , de surcroit , angoissent sans doute moins lorsque l’on
commence à écrire de la fiction , en raison de l’image moins sacralisée qu’i ls
présentent . Cela permet aussi de ne pas figer les catégories vues précédemment – types,
discours , genres – dans des images purement abstraites . Il existe des différences
importantes entre les romans d’avant – garde et les récits paralittératures , en tre un
roman « policier » signé d’Umberto Eco et des romans policiers de série …On
n’argumente pas de la même façon ( longueur du texte , types d’arguments ,
organisation , références et cautions choisies , gestion des implicites ) dans l’éditorial
d’un hebdomadaire pour un public intellectuel et dans celui d’un quotidien destiné au
grand public .

On n’explique ou on ne décrit pas de la même façon dans un article d’une revue
scientifique et dans une encyclopédie destinée à la jeunesse. Ainsi, cette entré e précise
des variations organisationnelles affectant les types, les discours et les genres et elle
peut faciliter la construction de ces typologies et des critères à partir de ce qui est
pratiqué par les élèves .

Sur deux point encore, cette distinction entre sphère de production restreinte et de
production élargie peut s’avérer précieuse. Le premier concerne la lisibilité, dont on
sait qu’il s’agit d’un enjeu essentiel dans les écrits, notamment scolaires, et d’une
difficulté importante pour les non – experts qui ont des problèmes pour s’excentrer et
prendre en compte le destinataire. Or, dans la sphère de production élargie, on s’efforce
en général d’élaborer des produits qui facilitent au maximum la lisibilité : typographie
aérée, intertitres nombreux et cadrant le passage à venir, réduction des implicites et
réponses rapides aux incertitudes posées , reformulations multiples ,lexique courant ou
immédiatement expliqué , syntaxe simple ,etc . Dés lors, l’étude de ces textes qui
exacerbent la lisibilité o u de textes de la production restreinte qui y contreviennent peut
faciliter la compréhension et la maitrise , chez les élèves , de mécanismes nécessaires .

306

Sur un autre point encore en écriture , le recours aux écrits de la sphère de production
élargie peu t s’avérer utile . Il s’agit de la plus grande explication des mécanismes de
productions chez les auteurs de cette sphère qui euphorisent moins les techniques
d’écriture dont ils se servent ainsi que les contraintes de l’économie et du public qui est
prése nt sur eux . On ajoute , dans cette optique ,qu’on peut ajouter de certaines
homologies ( même utilisées de façon un peu déviée ) pour faire écrire aux apprenants
des textes à destination d’élèves plus jeunes ou d’un large public extra – scolaire (
règles de jeux , par exemple ) ou des textes à destination d’élèves plus âgés ou de
spécialistes d’un domaine.

8.5. Varier les modalités textuelles

Après avoir vu les variations selon les types de textes , de discours ,de genres , de
sphères de production – auxquelles il faudrait sans doute ajouter les variations selon les
sphères socio – institutionnelles , le codage plus ou moins important , la longueur et les
contenus – dont on a exposé l’importance dans les pratiques et les représentations des
sujets et l es intérêts didactiques , on souhaite s’arrêter quelque peu sur d’autres
variations qu’on appellera des modalités textuelles .

En effet , quel que soit le type de texte , de discours , de genre ou de sphère de
production dans lequel s’inscrit un écrit , i l est encore susceptible d’être spécifié par
d’autres systèmes de régulations qui pèsent sur les unités linguistiques et leur
organisation . Ces modalités – on en distinguera ici quatre – participent à notre sens de
la planification ( construction des buts et du destinataire , activation des idées
,organisation , hiérarchisation …, ) , guident la textualisation et spécifient révision et
réécriture .

8.5.1. Investissement / prise de distance

La première modalité de fonctionnement s’organise sur un axe oppo sant
l’investissement marqué et l’investissement non marqué ( distance ) . On peut y
rattacher – de façon souple – des phénomènes tels que le marquage important ou non de
la subjectivité et des valeurs , l’oppositio n entre le récit et le discours , le choix des
temps , les choix énonciatifs et de point de vue ,etc .

307

Ainsi , dans une étude menée sur un corpus de rédactions dont le sujet était « C’est
l’histoire d’un enfant perdu …» , les récits des bons élèves sont banals , sans trace
d’investissement ou d’ imaginaire et ceux des mouvais élèves sont , au contraire
,majoritairement plus originaux , plus investis , mais présentent plus de
dysfonctionnements en surface . Selon lui , les mauvais élèves , moins attentifs aux
attentes scolaires ( ou les ayant moins bien appréhendées ) , sauraient moins se
distancier . Cela rencontre d’ailleurs de nombreux constats empiriques des enseignants.
Ensuite , cela permettrait de passer de l’analyse des problèmes aux tentatives de
remédiation selon quatre voies au moins :
 Une analyse plus précise des attentes de l’institution ;
 Une variation de consignes sollicitant plus ou moins l’imaginaire et l’investissement ;
 Un travail affiné sur les moyens de s’investir tout en gardant certaines distances (
second degré , fiction ,modalisation ) ;
 Un travail poussé en révision – réécriture pour éviter les dysfonctionnements textuels (
structure , syntaxe , orthographe …) particulièrement fréquents lorsque l’investissement
du scripteur est à l’œuvre .

D’un point de vue didactique, cette entrée permet aussi de travailler autour de difficultés
importantes et de représentations – obstacles en relation avec l’angoisse d’écrire , due
pour nombre de personnes à la peur de trop se livrer , de se mettre à nu, d’être jugées
négativement en tant qu’individus . On peut ici , en production , construire les moyens
de se dire sans le faire explicitement , soit à l’aide d’essais de différents moyens
textuels , soit sous forme d’élaboration progressive : dans un premier temps , le texte
écrit , qui restera privé , sera investi le plus explicitement possible ,puis , selon plusieurs
étapes , différents moyens seront appliqués ( récit , second degré , transformation des
noms , des lieux , des temps , etc .) jusqu’au moment où le scripteur estimera que son
texte peut être socialisé ,la « façade » étant suffisamment concrète formellement tout en
assumant de façon acceptable son rôle de protection . Mais, il est aussi évident que ce
type de difficultés doit être traité complémentairement à l’aide de l’é valuation et de la
construction du climat de travail .

Cette entrée permet encore d’élaborer l’écriture théorico – réflexive qui réclame un
contrôle du sujet (même si l’investissement peut être fort dans le thème choisi , la

308

démarche ou la polémique ) , l es mécanismes de distanciation pratiqués dans certains
écrits théâtraux, romanesques ou réflexifs ( l’usage des récits ou de l’observation
participante en histoire ou en ethnologie ) . Dans cette optique, il s’agit d’un travail
fondamental sur la décentrat ion et la prise en compte du récepteur . De fait , en jouant
sur ces deux pôles , on effectue aussi un travail sur les deux pôles fondamentaux de la
scription – que l’école ne distingue sans doute pas suffisamment – celui de l’expression
et celui de la com munication .

8.5.2.Fiction / non – fiction

La seconde modalité de fonctionnement s’organise sur un axe opposant la fiction et la
non – fiction. On prend ici la notion de fiction dans le sens de construction d’un écrit
qui ne se situe pas dans une relation « directe » à la réalité que ce soit sous forme de
texte utilitaire dans les sphères professionnelles ou privées , que ce soit sous forme de
réflexion théorique ou de com pte-rendu ou encore témoignage…..

En d’autres termes, le texte de fiction ,quel que soit son type ,son genre , sa sphère ou
son réalisme apparent ou non , se caractérise par son positionnement hors de catégories
de jugement telles que la simplicité du contrat de communication ou le vrai et le faux .
Même si , dans notre culture , il s’agit majoritairement de textes littéraires ( réalistes ou
non ) , on peut aussi y adjoindre nombre d’écrits sauvages , de parodies ou de pastiches
à vocation ludique , d’écrits scolaires ( rédactions ou dissertation lorsqu’on simule sa
position et / ou de la démarche qui l’a construite ) ,etc .

A ce titre, on peut être écrit sous forme très investie ou très distanciée . On peut
également retrouver les intérêts didactiques évoqués précédemment , auxquels il faut
sans doute en ajouter deux autres : un e approches du fonctionnement des écrits
littéraires et une aide à la construction des catégories des enfants . Pierre Clanché,
notamment, a bien montré comment, à l’école primaire , les clivages entre « vraie
histoire » et « fausse histoire » ou « histoire inventée » sont forts dans la tète des
enfants . Du coup , ce qui leur est demandé sur le mode de la fiction romanesque leur
pose problème : c’est une « fausse histoire vraie » , » trompeuse ». Ils auraient en
quelque sorte des scriptuels moraux : « inventer du vraisemblable équivaut pour eux à
mentir » . Avec ce type de difficultés on est , comme bie n souvent en matière d’écriture ,

309

à l’articulation entre dimension psychologique .

8.5.3.Sérieux / non sérieux

La troisième modalité de fonctionnement textuel s’organise sur un axe opposant
l’énonciation sérieuse ou non sérieuse . Pour le dire vite , là encore , on oppose un mode
« courant » et un mode plus ludique , ou parfois à vocation critique ,regroupant certains
écrits sauvages fonct ionnant sur le détournement des écrits officiels ,des parodies , des
pastiches , des histoires drôles , des sketchs comiques , des articles de presse du type du
Canard enchainé , etc . On peut y attacher divers procédés , de l’ironie aux hyperboles ,
en pa ssant par l’antiphrase , l’opposition entre les personnages , le ton employé et les
actions ( voir les épopées burlesques ou les parodies dans les bandes dessinées ) .

Outre les avantages didactiques évoqués dans le cas des modalités précédentes , on en
verra encore trois autres , le ludisme qui participe de la construction du climat et de la
lutte contre l’angoisse ; la distances critique vis –à-vis de nombre d’écrits qui nous
régissent et un mode d’appropriation régi par le détournement ; un moyen
compl émentaire d’envisager l’apprentissage d’exercices aussi canoniques que la
dissertation .

08.5.4. Explicite / implicite

La dernière modalité de fonctionnement textuel qu’on distingue s’organise sur un axe
opposant l’explication et l’implication . On peut y rattacher ce qui concerne la
progression de l’information, la gestion des implicites ,les ellipses , les anaphores
explicatives ,les définitions ,les reformulations , etc . Il s’agit d’une dimension
particulièrement importante des textes – quel que soit leur type – dans la mesure où elle
est directement référée au destinataire , à la construction de ses savoirs et de ses
attentes , à l’élaboration de l’effet à produire … . On peut aussi observer que cette
dimension participe de la monosémie ( sens tendanc iellement univoque ) ou de la
polysémie des écrits mais que cela s’effectue et est jugé de façon différente selon les
domaines.

310

Ainsi , on considère , en matière romanesque , que la monosémie appartient plutôt au
passé ( épopée ) ou , à notre époque , plutôt à la sphère de grande consommation. En
revanche , elle est exigée et valorisée dans les écrits théorico – scientifiques … Cette
dimension participe aussi des mécanismes de défense dans le texte . D’un point de vue
didactique , on retrouve sans doute les intérêts mentionnés pour les modalités
précédentes :varier les formes textuelles maitriser le maximum d’écrits , se protéger en
tant que personne en sachant euphémiser ou impliciter , savoir se décentrer pour
sélectionner les contenus et les organiser en fonction du récepteur ( planification ) , pour
textualiser et réviser toujours en fonction du destinataire ( mieux expliquer tel passage ,
préciser des implicites , expliciter ses références , mieux étayer tel argument ou , au
contraire ,alléger ces di mensions si l’on estime le récepteur au fait des questions
exposées ) .

8.5.5.Retour vers des invariants de l’écriture

La diversification des écrits ( types , genres ,sphères ,modalités …) n’est intéressante
que si elle n’étude pas la question de la transférabilité , si elle ne sombre pas dans
l’éclatement des textes dans l’esprit des élèves . En outre , un discours n’est presque
jamais homogène : il mêle divers types de séquences, il passe du plan embrayé au plan
non embrayé , laisse transparaitre de manière très variable la subjectivité de
l’énonciateur , etc . Parmi les facteurs d’hétérogénéité, on doit accorder un rôle
privilégié à la présence de discours « autres » dans un discours . Sur ce point Authier –
Revuz ( 1982 ) a introduit une distinctio n largement utilisée entre hétérogénéité montrée
( représentée ) et hétérogénéité constitutive :

A-L’hétérogénéité montrée : elle correspond à une présence localisable d’un discours
autre dans le fil du texte . Mais on doit distinguer entre les formes no n marquées de
cette hétérogénéité et ses formes marquées ( ou explicites ) . Les formes non marquées
sont identifiables sur la base d’indices textuels divers ou grâce à la culture du co –
énonciateur ( discours indirect libre , allusions , ironie , pastiche …) . Les formes
marquées sont signalées de manière univoque . Il peut s’agir de discours direct ou
indirect , de guillemets , de gloses qui indiquent une non coïncidence de l’énonciateur
avec ce qu’il dit .

311

-B. L’hétérogénéité constitutive : le discours est dominé par l’interdiscours. Ainsi le
discours est non seulement un espace où vient s’introduire du discours autre , il est
constitué à travers un débat avec l’altérité , indépendamment de toute trace visible de
citation , allusion , etc .

8.6.La génét ique textuelle

Issue de transformations du courant philologique très ancien et longtemps cartonnée
dans des sphères littéraires et érudites , la génétique textuelle connaît un nouvel essor et
présente des ouvertures passionnantes . E lle étudie la genèse des textes , les œuvres
littéraires en devenir , en suivant minutieusement les transformations qui affectent leur
différents états ( bro uillons , « avant – textes » ) . Si la définition des opérations
scripturales est bien à l’horizon de ces travaux , les « généticiens » se montrent
prudents quant aux extrapolations et aux intérêts des modèles précédemment
mentionnés.

En quoi l’observation du processus de mise en éno nciation, sur un "brouillon"
manuscrits permet -il de comprendre quelque chose à la production de sens, à
l’émergence sémantique au cours de la textualisation ? Telle est la question à laquelle
nous tenterons de répondre. En effet, le manuscrit est l’arrêté d’une série de
métamorphoses : hésitations, reprises, repentirs, etc… Ces métamorphoses sont le fruit
d’un travail psychique, cognitif et gestuel de la part de l’écrivant qui laisse des traces
matérialisées graphiques sur le manuscrit.

En outre, le broui llon est cet ensemble de traces, portées sur divers matériaux que le
généticien du texte va pouvoir observer et analyser. En revanche, le texte final -c’est -à-
dire fini et publiable sinon publié – n’est pas le produit d’une intention continue et
homogène, il n’est pas le produit d’une stratégie d’élaboration linguistique. Il est le
résultat de divers élans d’inscription qui, dès qu’ils sont perçus par le scripteur comme
énoncés sont soumis à d’éventuelles ratures, reprises, reformulations…
Le linguiste, fa ce à ce matériau complexe de traces graphiques, s’attache à analyser la
façon dont un désordre apparent est imposé au discours, voire à la langue, dans l’énoncé
en cours de réalisation et s’efforce d’y retrouver le processus d’énonciation. Il relève
tous l es détails linguistiques qui lui permettront de comprendre le fonctionnement

312

processuel de l’écriture en acte, et les procédures énonciatives du texte en train de se
faire.
09.Les univers de l’écrit

Une autre piste importante pour nous consiste en la saisie des univers de l’écrit. Ce
concept, inscrit dans le cadre d’une approche matérialiste des phénomènes scolaires,
s’appuie sur trois principes complémentaires :

– Les activités des apprenants : en l’occurrence la lecture et l’écriture gagnent à être
analysées au plan des pratiques , ce qui implique en compte de six
caractéristiques :l’articulation entre les différentes dimensions impliquées ( langagières ,
cognitives , psycho – affectives , socioculturelles … ) les modalités d’actualisation (
contexte , espace –temps , postures , gestes , outils ,supports … ) , l’insertion dans une
sphère socio – institutionnelle de pratiques ( ici l’école ) , l’inscription dans une
historicité individuelle et collective , les relations avec les autres pratiques du suje t ( de
son groupe et des institutions concernées ) , les significations que leur attribuent ;

– Ces pratiques sont médialisantes : elles donnent forme aux activités, structurent leur
sens, les représentations des acteurs, les relations établies entre écri ts et savoirs ainsi
que nombre d’effets (de résistance, d’investisse ment, d’appropriation …) ;

– Ces pratiques sont elles – mêmes structurées par des univers – en l’occurrence de
l’écrit – entendus comme des systèmes articulant, dans un espace socio -instit utionnel
donnée (école, classe…), les composantes de l’écrit et organisant leur fonctionnement au
travers d’un ensemble de situations :

« En ce qui concerne les activités, nous avons encore précisé les modalités (ouvertes ou fermées,
imposées ou choisie s, collectives ou individuelles, coopérative ou compétitives, brèves ou longues …)
ainsi que les fonctions. Ces fonctions sont , à l’heure actuelle ,réparties en dix – huit catégories : punir ,
passer le temps ( par exemple , quand on à fini le trava il col lectif avant les autres) , répondre à ses
intérêts , développer l’imaginaire ( le gout et la culture ) , réguler la vie collective , réguler le travail , le
valoriser , le socialiser , l’inscrire dans une histoire , s’exprime / communiquer , mettre en place le
savoir, l’institutionnaliser , appliquer / s’entrainer , corriger , améliorer, évaluer , réfléchir sur son
travail , servir de recours … »(Falardeau.E et al,2007,p34)
Cette description est complétée par celle des articulations et des normes. L’analyse des

313

articulations porte sur les relations existant entre les différentes pratiques de l’écrit,
entre pratiques de l’écrit et pratiques de l’oral, entre pratiques de l’écri t et pratiques
extrascolaires. L’analyse des normes concerne notamment leur caractère imposé ou
construit , rigide ou modifiable , général ou spécifique .

Ainsi, ce concept est l’outil méthodologique que nous avons forgé nous fournit des
cadres pour l’ana lyse de l’écrit dans les espaces scolaires. Il nous a permis
d’appréhender des univers fortement différenciés selon les classes et les types de
pédagogie. Il permet aussi de spécifier certaines analyses, par exemple celle des outils et
supports (Giguére et Reuter, 2003), voire des mises en relations plus précises entre
dispositifs d’enseignement et modalité d’appropriation (ou non) de l’écrit et des
contenus mis en jeu au travers de l’écrit.

10-Les écrits scolaires entre innovation et tradition

Écrire a de multiples sens dans notre langue. On désigne sous ce même mot l’activité
manuelle qui, autrefois, était le propre de copistes, mais aussi l’activité mentale
produisant des énoncés fixés par l’écriture sur un support. Ces énoncés peuvent être de
multiple s natures : un simple mot sur un ami sur une étiquette, une liste de courses, un
message laissé pour un ami, le texte d’une missive, le manuscrit d’un roman, un devoir
d’écolier, etc. Ces objets constitués par un acte d’écriture appartiennent à des registr es
forts divers dont la typologie n’est pas évidente à construire. On peut , en effet ,
distinguer les objets matériels proprement dits ( une fiche de paye , un carnet d’adresses
, un livre , une stèle , etc. .) mais aussi des formes verbales fort différen tes les unes des
autres et pourtant saisies par le même acte d’écriture ( une liste ,un texte ,une phrase ,
un mot ,etc. .) ou encore des genres culturels que leur histoire a individualisés comme le
roman , la chanson , le théâtre ,l’essai , etc. . La prin cipale difficulté provient du fait que
l’écriture est une activité matérielle qui met en jeu le langage dans toutes ses
dimensions mais aussi, du fait de ses contraintes propres, transforme le langage.

Les grammairiens et les linguistes nous l’ont d’abord appris à décrire des langues à
partir de leurs caractéristiques (lexicales, syntaxiques, pho nologiques, prosodiques,
etc..) . Ils se sont longtemps centrés sur l’unité qui leur paraissait rassembler tous les
phénomènes de structuration en les intégrant da ns le cadre d’une fonction sémantique

314

forte : la phrase. Ils se sont ensuite demandés comment s’agençaient entre elles des
phrases dans des ensembles beaucoup plus vastes possédant pourtant une organisation
efficace et évidente : les textes.

Parallèlement , ils ont perçu qu’il était impossible de décrire les phénomènes langagières
en négligeant la manière dont lettre parlant articule sa parole avec le monde dont il parle
(le référent), la situation de communication dans laquelle cette même parole s’inscrit
(situation d’énonciation) et les effets qu’elle y produit (pragmatique). Une linguistique
du discours (comme processus d’énonciation) est ainsi venu compléter une linguistique
des énoncés. Le texte, d’abord perçu comme énoncé, a pris dans cette nouvelle
perspective, une dimension énonciative. Selon la modalité de discours dans laquelle il
s’inscrit (narrative, argumentative, etc. . .), il ne « fonctionne » pas de la même manière,
n’utilise pas les mêmes matériaux verbaux ou les agence selon d’autres règles. Le
passage à l’écrit de ces diverses modalités du discours humain ou, dans certains cas,
l’invention de modalités discursives propres à l’écriture (comme dans la liste ou le
tableau) créent encore des phénomènes nouveaux.

Dans le langage pédagogique des années 1980 -1900, les mots « textes » et « discours »
qui, jusque – là désignaient des réalités nettement contrastées (un écrit d’un coté, une
production orale de l’autre) ont souvent été utilisés l’un pour l’autre afin de désigner
l’unité sémantique verb ale d’ordre supérieur à l’énoncé oral ou à la phrase écrite. On a
pu ainsi parler de « texte » pour désigner indifféremment le produit d’un acte de parole
oral ou écrit. De même, le terme « discours » a été utilisé pour distinguer les
caractéristiques énon ciatives d’actes de paroles réalisés aussi bien dans l’oral dans
l’écrit (par exemple le récit d’un événement relève d’un discours narratif qui peut
donner lieu à une production orale ou à une production écrite).

De nombreuses typologies ont été construit es , dans cette perspective , pour distinguer
les différents types de « textes» ( oraux ou écrits ) en fonction des types de discours mis
en jeu ( narratif , descriptif , argumentatif , injonctif ,etc. . ) . Souvent, d’ailleurs, ces
typologies utilisent d es critères hétérogènes comme le genre littéraire concerné (le récit,
par exemple, est une unité qui n’a pas de statut très net) ou comme l’objet scripturaire
proprement dit (le mode d’emploi).
Ici, nous nous intéresserons aux « textes » d’ordre supérieur à la phrase possédant une

315

cohérence spécifique et visant à un effet défini (informer, faire agir, etc. . .). Ces textes
utilisent, bien évidemment, des formes discursives identifiables (le discours narratif,
sera le plus souvent utilisé, mais nous pourrons en rencontrer d’autres comme la
description ou l’argumentation). Ils peuvent être produits sous des formes variées ( à
l’oral ou à l’écrit ) et s’inscrire dans de nombreuses situations sociales de
communication ( échange de correspondance , production d’u n album pour les parents ,
rédaction, d’un exercice scolaire , etc. . ) qui leur donneront un aspect spécifique ( mise
en texte à l’écrit ,mise en parole à l’oral) .

C’est seulement depuis vingt ans qu’une autre acception s’est progressivement mise à
conc urrencer la première , faisant pénétrer dans l’école l’usage lexical des collèges et
lycées : « écrire » , pour un professeur de collège ou de lycée , c’est « composer » ,
« rédiger » , » développer » un argument ou « disserter » sur un sujet . On retr ouve
ainsi le vocabulaire désignant les écrits scolaires (composition, rédaction,
développement, dissertation), dont certaines formes sont présentes depuis longtemps dés
les grandes classes de l’école élémentaire.

11.Lire et écrire : de la réception à la production

Parfois, on se trouve incapable d’écrire la plupart des textes qu’on lit, pourtant sans
trop de peine (articles de journaux, romans) et la banalité de cette asymétrie suffit à
rappeler qu’en apprenant à écrire, on affronte d’autres p roblèmes qu’en apprenant à
lire : « Confrontés à la production, en même temps qu’à la réception d’écrits, les enfants vont découvrir
qu’un texte n’est pas une chose facile à « fabriquer » : pour parvenir à un produit achevé, tout une série
d’opérations préparatoire s sont nécessaires, selon des règles qu’aucune lecture ne peut laisser
soupçonner ». (Chartier.A.M, 1998, P07)

Les enseignants savent intuitivement que la découverte de ces « arts de faire» a souvent
de puissants effets en retour sur l’apprentissage de la lecture. Elle peut changer
l’attitude de l’apprenti lecteur à l’égard des écrits, attirer l’attention sur des marques
formelles que celui quillait enregistre sans y prendre garde (typographie, ponctuation,
alinéas, etc.), renforcer certaines acquisition s , transformer la mémoire de ce qu’on a lu .
Cette compétence dans la réception ne suffit pourtant pas pour écrire seul la petite fille
ou a autant de fois qu’on en a besoin , pour mettre le pluriel requis ou savoir qu’il suffit

316

de dire Il était une fois …pour faire comprendre à tout le monde qu’on commence une
histoire inventée. Etre capable non seulement de reconnaître les formes qui se
présentent (ce qui suffit pour entrer en lecture) mais de se les rappeler en leur absence,
c’est là le pas à franchir quand on va de la lecture à la production d’écrit. Celui qui
produit un texte manifeste qu’il a en permanence à sa disposition des savoir -faire
permettant de régler le geste graphique, la ponctuation, l’orthographe lexicale et
grammaticale, les tournures d e l’écrit, le type particulier du texte, etc. . . en fonction du
destinataire , du sujet , des supports et du temps dont il dispose pour écrire . Le véritable
obstacle à une pédagogie de la production écrite n’est donc pas du coté d’une méfiance
ou d’une r ésistance des enseignants quant au bien – fondé de telles pratiques ,il est tout
simplement de réalité : comment organiser , dans le temps de la classe et dans un grand
groupe , des activités si difficiles , si couteuses en temps , qui demandent une aide e t
une correction forcément infidèles et devant lesquelles les écarts de performance entre
enfants sont tels qu’on ne sait comment fixer ce qui ser ait « raisonnablement
exigible » ?

12-L’acquisition de la langue écrite : enjeux interdisciplinaires

« Trois disciplines principales interviennent dans le champ de l’acquisition de la langue écrite : la
pédagogie, la linguistique et la psycholinguistique .L’acquisition de la langue écrite constitue donc un
champ interdisciplinaire. En termes clairs, ‘’ interd isciplinaire ‘’ signifie conflit entre les trois
disciplines, c’est -à-dire compétition entre chacune d’elles pour assurer sa prééminence. C ’est le vrai
sens de « interdisciplinaire » dans ce domaine, comme dans l’autre. Chaque discipline s’efforce
d’assurer suprématie. « L’interdisciplinaire » au sens de coopération, c’est –à-dire de conjonction de
compétences distinctes et d’intersection entre apports d’origines différentes, est une vue de l’esprit, un
idéal qu’il ne faut pas confondre à la réalit é sous peine de ne pas comprendre. En ce qui concerne donc
l’acquisition de la langue écrite, trois disciplines distinctes se disputent la suprématie, chacune tenant
d’imposer sa façon de voir. » (Filjalkow.J, 1993, p11)

12.1. La pédagogie

La discipline majeure est la pédagogie puisque c’est à elle que revient, au jour le jour, le
soin de transformer les analphabètes en lecteurs et scripteurs. Pour bien situer les
choses, pédagogie renvoie ici à deux types d’acteurs du système éducatif : les
formateurs et les praticiens. Le premier trait qui définit la pédagogie est donc son

317

engagement dans l’action. Cette responsabilité pratique la distingue des deux autres
disciplines évoquées dont la responsabilité se situe essentiellement au plan théorique.

De cet engagement praxique, résulte une démarche qui ressort essentiellement du
pragmatisme. C’est le second trait. Le pédagogue, en effet, se préoccupe essentiellement
de « ce qui marche c’est -à-dire de ce qui permet d’apprendre. Dans sa bouche, le mot
‘’théori e ‘’ est péjoratif. Homme de terrain plutôt que de cabinet, procède
essentiellement par essais et erreurs : si ce qu’il a fait marché, il conserve pour le
refaire, si ça n’a pas marché, il rejette. Le pédagogue adopte une démarche de recherche
empirique, p ar essais et erreurs.

La pédagogie est donc quelque chose qui s’apprend essentiellement sur le tas, par
l’expérience. La plus belle preuve en est le résultat concordant auquel arrivent toutes les
recherches : les meilleurs maitres sont les plus expériment és, ceux qui ont eu le temps
d’apprendre leur métier. Alors que le mot ‘’ théorie ‘’ est péjoratif, le mot ‘’ avoir de
l’expérience ‘ est laudatif. Le troisième trait, qui permet de définir la pédagogie, est son
caractère normatif. Discipline soumise aux exigences de l’action – il faut que les enfants
sachent ceci ou cela à tel ou tel moment –la pédagogie fonctionne sur un mode
impératif, comme toutes les actions que l’on juge à leurs résultats, qu’il s’agisse de
l’activité économique, de la médecine ou d e l’armée .

Les formateurs sont donc des gens d’autorité. L’analyse de leur discours ne laisse doute
à ce sujet. Ils énoncent sur un ton péremptoire ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il
faut faire et ce qu’il ne faut pas faire …quitte à dire le con traire quelques temps après.
Par exemple, l’évaluation, thème majeur depuis peu, n’existe absolument pas dans le
monde scolaire sur un mode scientifique. La seule évaluation existante est celles
qu’effectue au jour le jour le maitre dans sa classe ou une é valuation bâtie sur ce modèle
(évaluation des connaissances effectuées).

A ces caractéristiques de la pédagogie correspond une institution ayant un mode de
fonctionnement particulier, un fonctionnement hiérarchique. Action, pragmatisme,
norme et idéologi e vont de pair, en fait sinon, en droit, avec un fonctionnement de
nature hiérarchique. En particulier, pour que la norme soit appliquée, il faut que
l’institution chargée de son application fonctionne de manière efficace. L’Education

318

Nationale est donc un système hautement hiérarchisé qui, pour être bien compris,
devrait être comparé à d’autres grands appareils étatiques de l’Etat comme l’Armée ou
la police, ou non étatiques comme le clergé. Un corrélat de cet état de l’Institution est
son caractère de cha mp clos.

12.2. La psycholinguistique et la linguistique

La psycholinguistique, comme la linguistique, est une discipline scientifique. Elle
repose donc sur la réflexion et non sur l’action, à des objectifs de connaissance
théorique, précédée par descr iption et explication articulées à des faits objectifs.Le point
important est alors de savoir ce qui fait la différence entre linguistique et
psycholinguistique. La réponse ici est extrêmement claire : alors que la linguistique se
préoccupe de l’objet, la langue, la psycholinguistique se préoccupe du sujet , le locuteur
et l’interlocuteur à l’oral , le lecteur et le scripteur à l’écrit . Il existe donc trois
disciplines : la pédagogie, la linguistique et la psycholinguistique. Il est important ici de
bien comprendre que leur statut épistémologique n’est pas le même : la première
renvoie à la pratique et les deux autres à la recherche scientifique.

13. Écrire pour apprendre : où le rapport à l’écriture est évoqué.

« Si il est communément admis que l’écriture est un outil de travail intellectuel , s’il va de soi pour nous ,
enseignants de français ,que c’est en écrivant que l’on apprend à écrire , s’il va de soi pour tout
enseignant qu’un jeu subtil d’alternance entre des phrases orales et des phras es écrites permet de garder
trace du cheminement réussit , parler et écrire pour apprendre semble aller de soi . Mais comment s’y
prendre ? » (Falardeau.E,2007, p165)

Dans ce domaine , les expérimentations didactiques se développent depuis les travaux
précurseuses des didacticiens des sciences ( Astolfi , Peterfalvi et Vérin , 1991 ; Aster ,
1988 ). Le regain d’intérêt pour les thèses de Vygotski , l’insistance de ce de rnier sur le
caractère abstrait du langage et sur la transformation profonde du rapport de l’enfant à
son processus de production langagière liée à l’apprentissage de l’écrit , les fils
didactiques tirés de ces thèses ( Schneuwly , 2000 ) , sont autant d’a rguments qui
renforcent cette conviction de la nécessité de penser l’écrit pour les apprentissages ainsi
que la possibilité de le faire .

319

Les didacticiens se retrouvent donc maintenant en demeure non, seulement
d’opérationnaliser , sur le plan du travail d idactique , cette possibilité d’optimiser
l’usage de l’écrit à des fins d’apprentissages , mais aussi , au plan de la recherche
didactique , de retrouver des concepts utiles pour dépasser le stade des essais
empiriques et saisir la nature des processus sol licités lors de ces expérimentations sur le
terrain .

La notion de rapport à l’écriture , telle que nous avons proposé de la définir comme une
composante de la littéracie , est un outil théorique pouvant servir de fil directeur dans
l’analyse d’expériment ation didactiques sur les liens entre l’écriture et les
apprentissages disciplinaires . C’est ce que nous voudrions démontrer dans cette partie
de la réflexion ,car nous pensons que cette notion a des potentialités non encore
suffisamment exploitées .

320

14. La Production écrite et son développement :

Tout d’abord, la notion de texte telle qu’elle a été traitée par Barthes, et Bathtine
postule une relation dialectique entre un discours et son contexte « culturel » : une
intertextualité entre le texte et son contexte. Mr Bak htine distingue des textes
monologiques et des textes dialogique s. Pour Kristeva .J (1969, p146) :

« Tout texte se construit comme une mosaïque de citations ; tout texte est absorption et transformation
d’un autre texte. La notion d’intertextualité écarte les idées de reflet, d’i mitation, d’influence unilatérale.
Un texte n’est pas la copie d’un autre ; c’est un acte « polémique », une « transgression », un travail de
« réécriture », de « déconstruction -restructuration »

En outre la signifiance est le sans fin des opérations possibles dans un champ discursif ;
la productivité opère à la fois dans l’écriture et dans la lecture ; un texte n’en finit pas de
produire des sens ; c’est un discours qui n’a pas épuisé son entropie . Les modèles
classique de la production écrite déco mposent l’activité en trois processus :
l’élaboration conceptuelle qui concerne le niveau des idées, la traduction linguistique
qui s’attache à traduire ces idées en langage écrit, et la révision, censée ajuster le produit
de l’activité.

La production écr ite est une activité complexe qui se met en place tout au long des
cycles du primaire, dont l'évolution n'aboutira que dans les années du collège voire du
lycée .Produire un texte sur un thème donné consiste à récupérer en mémoire les
connaissances en rap port avec ce thème, à les activer1, puis à les organiser pour le
destinataire en un plan de texte .En effet, les idées qui précédent l’écriture sont, en
grande partie, issues des connaissances stockées en mémoire à long terme .Les théories
de la psycholo gie cognitive modélisent généralement ces connaissances sous forme d'un
réseau hiérarchique . Ce réseau est composé d'idée mises en relation entre elles .Au
sommet de la hiérarchie se trouvent les idées principales .Au fur et à mesure qu'on
descend dans la hiérarchie, les idées sont subordonnées les unes aux autres.

Plus la connaissance est stabilisée en mémoire, plus la structure du réseau sera
hiérarchisée et organisée et les idées fortement reliées .Ces idées seront ainsi plus

1 Les rendre disponibles pour l’activité.

321

facilement disponibles « Il sera donc plus confortable pour l'enfant de produire un texte
d'un genre qu'il connaît bien et sur un thème qui lui est familier ».(Gaonac’h, Golden,
2001, P 145) . Une fois les connaissances récupérées, elles entrent dans « le modèle de
situation » .Cette notion est importante dans la production écrite, puisque cette structure
va piloter l’activité tout au long de son déroulement .Le modèle de situation peut être
défini comme : « La représentation mentale de la situation qui sera évoquée dans le
texte : les personnages, leurs actions et les événements qui vont se produire » (Van
Dijk.TA et Kintsh .W, 1983, p 145) .

Ainsi , Le modèle de situation est établi à partir :
– des connaissances liées au thème du texte à produire : cet ensemble de connaissances
est encore appelé « espace des contenus ».Si l’enfant doit produire un texte sur la vie en
classe, les contenus sur ce thème conserveront l’espace physique, le professeur, les
élèves, etc.
– de l’environnement de l’activité, encore appelé « espace rhétor ique ». Il inclut
plusieurs paramètres :dans un premier lieu,la prise en compte du destinataire : l’enfant
n’évoquera pas de la même façon la vie en classe selon qu’il s’adresse à un camarade ou
rédige un devoir pour le professeur ;dans un deuxième lieu, l a structure textuelle à
produire : elle diffère selon qu’il s’agit du récit d’une journée en cours, d’une
description de la salle de classe ou d’un texte argumentatif portant sur les méthodes
pédagogiques ;enfin la représentation active du texte déjà produ it : elle est maintenue,
disponible en mémoire et peut être assortie d’une relecture en cours de production.

Comme le réseau de connaissances, le modèle de situation est une structure
hiérarchique au sommet de laquelle se trouvera le thème principal abordé dans le texte
.Mais à l’inverse du réseau, cette structure est épisodique et active. Elle pourra donc
sans cesse être remodelée, ajustée au cours de la production en fonction du déroulement
de l’activité. En effet, elle tient compte à la fois du texte déjà produit et de l’évolution
des objectifs du scripteur. Le modèle de situation correspond donc à l’ensemble des
connaissances qui vont être utiles et indispensables à chaque moment de la production
écrite.

322

15. Comment peut -on procéder à l’étude de la production écrite ?

Les méthodes d’études utilisées dans la recherche sur la production écrite sont
générale ment divisées en deux grandes catégories :

15.1. Les méthodes on -line :

Ces méthodes étudient l’activité au cours de son déroulement, c'est -à-dire les processus
mis en jeu lors de cette activité, et les méthodes off -line, qui étudient le texte une fois
qu’il est rédigé, comme produit de cette activité. Parmi les méthodes on -line, on
distingue principalement :
-la méthode des protocoles verbaux (PV). C’est sur la base de cette méthode que Hayes
et Flower ont établi leur premier modèle de la productio n écrite. Il s’agit de demander
au sujet, lors d’une verbalisation concomitante à l’activité, de transmettre ses actions et
penser au cours de la production écrite .Les protocoles verbaux étant censés refléter
l’activité dans laquelle le sujet est engagé à un moment donné de la production1.

Il est possible, à l’heure actuelle, de réaliser un enregistrement très fin des paramètres
temporels de la production écrite grâce à une « tablette à digitaliser » : réalisation
graphique, pauses en cours de production (intervalles entre la réalisation graphique de
deux unités). « Le sujet produit son texte sur un dispositif électronique piloté par
ordinateur qui lui permet d’enregistrer son activité graphique au 7/1000e de secondes
près et de catégoriser les pauses en f onction de leur durée » (Chesnet et al, 1994, p 94) .

C’est grâce à l’étude des pauses que les chercheurs ont pu établir certains résultats
importants concernant la planification ; avec l’accroissement de l’expertise en
production écrite, il a été observ é un allongement des pauses reflétant une planification
globale2 . Ces résultats reflètent avec l’acquisition de l’expertise, l’élaboration
croissante d’un plan hiérarchisé par regroupement d’idées. Chez les enfants, qui
utilisent la stratégie de transmis sion des connaissances3, les pauses sont plus
nombreuses, plus courtes et plus distribuées dans le texte, cette répartition temporelle

1 Planification, révision, re cherche en mémoire d’unités linguistiques pour la traduction.
2 Pause de pré -écriture, c'est -à-dire avant l’écriture du premier mot du texte : pause se situant entre les
constituants de la superstructure textuelle.
3 De l’anglais « Knowmedge -telling ».

323

reflétant la récupération des idées une à une.

L’étude de la vitesse d’écriture qui permet d’apprécier l’automatisation de la
transcription, l’augmentation moyenne de cette vitesse avec l’âge peut être interprétée
comme une baisse de la charge cognitive allouée aux processus grapho -moteurs.

15.2. Les méthodes off -line :

Les méthodes off -line consistent à étudier le texte comme un produit fini « Cet examen
approfondi des textes écrits a pour but d’identifier les opérations cognitives sous –
jacentes à l’activité, et d’en caractériser l’évolution avec l’âge. Il faut porter sur les
caractéristiques syntaxiques et/ou séman tiques des textes ». (Gaonac’h et al 1996, p15)

Nous prendrons pour exemple :
– L’étude de la production des marques de cohésions en fonction de la structure textuelle
produite et aux deux niveaux de la planification du texte1. Cette étude nous permet
d’illustrer la théorie de l’acquisition du savoir et le développement de la production
écrite.
– L’analyse des unités d’idées produites sur un thème et dans un type de texte donné :
nombre de thèmes abordés, degré de développement des idées relatives à ces t hèmes :

« Par exemple, lors de la production de textes argumentatifs demandant de prendre position pour ou
contre l’interdiction de la circulation des véhicules à moteur en ville, les thèmes abordés peuvent être les
suivants : « Bus, voiture, vélo, à pie ds, …. " Les idées relatives à ces thèmes peuvent concerner : le
bruit, la pollution, la société et ces idées peuvent être plus ou moins développées, exemples : Le bus c’est
pratique ; le bus c’est pratique/pour les écoliers ; le bus c’est pratique/pour les scolaires/et les
étudiants ». (Fayol, 1997, p35) .
En effet, écrire consiste à établir une représentation, le modèle de situation, et à traduire
du mieux possible cette représentation dans le texte. De nombreux paramètres
conceptuels2 et situationnels3 sont à prendre en compte afin d’établir ce modèle de
situation. Le type de texte en particulier, selon qu’il possède une structure plus ou moins
bien déterminée, influencera la qualité de la production.

1 Global et local.
2Comme le thème et le type de texte.
3 Le destinataire, le moment de la production et la représentation de la situation.

324

Mais il faut compter aussi chez l’enfant sur une c onnaissance linguistique en cours
d’acquisition .L’exemple des marques de cohésions, outils d’importance dans la
structuration du texte mais acquis tardivement comme systèmes, montre que cette
connaissance ne peut être mise en place qu’au fil des ans car e lle doit passer par un
remodelage de la représentation linguistique. Dans certaines situations, l’expertise ne
peut être atteinte qu’en fin de scolarité. L’évolution sera donc présente tout au long des
cycles de l’école primaire, collège, voire lycée.

Ainsi faut -il laisser le temps à l’enfant « retardataire » de passer par les différentes
étapes de l’acquisition de la connaissance, tant linguistique que conceptuelle, avant de
pouvoir accéder à la production écrite « experte » ? Afin de gérer au mieux sa
production écrite, l’enfant planifie d’abord son texte pas à pas, pour lui -même, en
focalisant son attention sur les contenus à produire : il récupère les idées une à une en
mémoire et les écrit sans les relier. La référence est assurée par des répétit ions
nominales ou des pronoms personnels, et les idées séparées par des points ou des « et ».

Puis, avec l’apprentissage, la transcription et l’accès à la connaissance linguistique
deviennent de plus en plus automatiques. Cette automatisation permet, d’une part,
d’utiliser des unités linguistiques1 de plus en plus adéquates et diversifiées ; d’autre
part, d’allouer les ressources cognitives ainsi libérées à d’autres activités : la
planification, donc l’organisation des idées, et la révision du texte : « Au cours du
développement, le produit écrit sera progressivement de plus en plus ajusté au destinataire et à la
structure textuelle à produire. Cette dernière est cependant un facteur déterminant dans l’acquisition de
l’écrit : la production écrite du ré cit sera plus précoce que celle de la description ou de
l’argumentation ». (Gaonac’h et Golder, 2001, p159)

15.3. Progression et organisation du travail en séquence (s):

Travailler en séquence reviendra à regrouper un certain nombre d’activités et
d’exercices autour d’un objectif majeur, et à les accomplir en un temps limité . La
nature des activités comme celles des objets d’apprentissage peuvent varier d’une
séquence à l’autre .L’uniformité ne constitue pas une règle à appliquer
impérativem ent . On peut penser au contraire que les contenus de la séquence

1 Exemple : les marques de cohésion.

325

pourront évoluer tout au long de l’année scolaire, au fur et à mesure des progrès
accomplis par les élèves.

Ainsi , on peut considérer qu’en début d’année scolaire , quand les élèv es reprennent
contact avec le français , des activités de pratique de la langue occupent une place très
importante dans les séquences , mais que , au fur et à mesure que l’on avance dans
l’année , le travail d’analyse et de réflexion , sous des f ormes variées , prend une place
très importante . Trop de manuels, en proposant une organisation uniforme de la
première à la dernière leçon, ne prennent pas suffisamment en compte la nature des
progrès accomplis par les élèves, donc la nature de la relation à la langue, et ne
pondèrent pas en conséquence le choix des activités proposées.

Par ailleurs, il n’existe pas une progression universelle qui puisse convenir à tous les
publics, même celle que l’on trouve proposée dans les manuels ne fait que traduire des
choix éditoriaux, qui d’ailleurs ne sont pas toujours explicités. L’agencement des
séquences et leur organisation interne dépendent d’abord de l’analyse que les
enseignants font de leurs élèves, de leurs performances et de leurs besoins. U ne
progression est donc une construction originale qui tient compte du niveau de
scolarisation des élèves, de leur environnement social et culturel, de leurs conditions
matérielles et institutionnelles de travail. Entre les programmes qui définissent des
contenus d’apprentissage et le manuel qui propose une progression toute faite, doit
subsister un espace d’initiative pour l’enseignant.

L’objectif est simplement de montrer ici quelles solutions il est possible d’adopter,
sans entrer cependant dans le détail de tous les niveaux. L’essentiel est d’en saisir la
logique d’organisation. Une séquence est d’abord constituée d’un certains nombre
d’éléments. Parmi les plus fréquemment cités, on peut relever :
a)-Les compétences de base: l’oral, la le cture, l’écriture ;
b)-Les formes du discours : la narration, la description, l’explication, l’argumentation ;
c)-Les formes de l’échange : le dialogue, le monologue ;
d)-Les visées : informer, distraire, faire connaître, faire faire, persuader/convaincre,
faire partager des sentiments, une réaction, représenter selon un point de vue
particulier, etc.
e)- Les genres : conversation, débat, récits, contes, romans, poèmes, théâtre, articles

326

scientifiques, encyclopédiques, de presse, etc.
f)- Les thèmes, les motifs : les animaux, la maison, le voyage, etc.
g)-Les interactions entre domaines de compétence : parler/écouter pour écrire,
parler/écouter pour lire, lire pour écrire, écrire pour lire, lire/écrire pour parler
h)-Les outils de la langue et du discou rs : les situations de communication,
l’énonciation, les typologies textuelles, la cohérence/cohésion textuelle, la structure et
éléments de la phrase, etc.

Mais de telles progressions se révèlent difficiles à mettre en œuvre .Ne travailler que
sur l’oral, sans définir pour chaque séquence son organisation interne , ou
exclusivement sur la description , peut se révéler trop uniforme et peu motivant pour
les élèves . En revanche, il est possible de combiner ces constituants. On place en
dominante de séquence une des composantes, ici la forme du discours, et en
constituants subordonnés les autres éléments (ici les compétences de base), ou on place
en domi nante une composante particulière, celle relevant des formes de discours, et en
constituants subordonnés les autres constituants.

15.4. La progression et/ou l’organisation des séquences et des leçons :

On distingue, généralement, deux types d’organisation : une entrée par les contenus
(appelée aussi grammaticale) et une entrée par les discours. C’est la deuxième qui
caractérise les nouvelles approches. En effet, les contenus de la langue peuvent être
présentés soit sous forme d’un découpage grammatical soit suivant une répartition
discursive. La première manière, qui est abandonnée avec l’abandon de la méthode
grammaire traduction, consiste à mettre en évidence la structure de la langue en l'ayant
préalablement découpée en mini -énoncés , alors que la deuxième manière implique
l’exposition de l’étudiant à un certain volume de discours d'une complexité donnée
pour qu'il puisse l'observer et en comprendre l'organisation .

De ce fait, Une séquence didactique, présente un parcours d’apprentissage dont la visée
est fixée par des objectifs définis d’abord en termes de compétences (orale/ écrite), puis
en termes langagiers (actes de parole), linguistiques, culturels et dont l es contenus et
les activités obéissent, le plus souvent, à la logique d’un schéma ternaire :
compréhension, systématisation (lexicale et syntaxique), et production.

327

En outre, les activités doivent entretenir entre elles un rapport de « cohérence
méthodo logique » qualifié, par Courtillon .J (2006, P 53) de « logique -cogniti ve». Un
rapport qui implique que le choix des activités se fait en fonction de l’objectif de
production visé : opter, par exemple, pour les moyens permettant d’exposer un point de
vue, de s’opposer, ou d’approuver le point de vue de l’autre, si l’on travaille un débat,
sans cette cohérence on risque de déboucher sur ce que Courtillon .J (2006 ,p 56) appelle
« le "zapping pédagogique", ou enchaînement d'activités qui n'ont d'autres finali tés que
de répondre au plaisir de l'apprenant sans viser un réel apprentissage » ; on estime
enfin qu’une séquence ne doit être ni trop courte, pour permettre l’acquisition, ni trop
longue pour que les objectifs fixés ne se perdent pas.

Le recours à la démarche de la séquence didactique est très conseillé. Ainsi, à titre
d’exemple, Courtillon .J (2006, p 54) juge qu’il est primordial « d’avoir à l’esprit la
notion d’unité d’enseignement, ou unité didactique », car avec l’éclectisme qui
s’installe, on court « le risque d’oublier que tout apprentissage suppose une méthode ».
Par ailleurs, si l’apprentissage obéit à la logique de la séquence didactique, il est clair
que les contenus seront, alors, choisis en fonc tion de leur pertinence dans le discours
travaillé, et à veiller notamment à ce qu’il y ait une cohérence, c’est -à-dire un lien entre
ses cours successifs ». Cela ne laisse, donc, pas de place à l’opinion, largement
répandue, selon laquelle les contenus d evraient être sélectionnés conformément au
principe "du simple vers le complexe".

D’ailleurs, comme le pense Vigner .G (1982, p43 ), « aucune forme linguistique n’est
plus simple qu’une autre, dans l’absolu. Elle ne peut l’être que par rapport à un degré
de familiarité qu’elle revêt pour l’élève ». Nous rejoignons, cependant, le même auteur
qui suggère que « les activités de pratique de la langue occupe une place importante
dans les séquences » au début de l’année, et qu’elles laissent progressivement place à
celles visant l’analyse et la réflexion, qui domineront vers la fin de l’année. On peut, par
contre, opérer des choix en fonction de la difficulté et de la nature des supports. En
effet, il est clair, que quand on a affaire à des débutants ou à des int ermédiaires faibles,
un monologue est plus facile à suivre qu’une conversation à laquelle participent
plusieurs personnes, à l’exception, bien entendu des conférences ou des discours
politiques . L’objectif est donc tout simplement de montrer comment il est possible

328

d’organiser un jeu de variations qui ait du sens par rapport aux élèves .L’organisation
de la séquence, une organisation interne satisfaisante de la séquence constitue l’autre
condition d’une meilleure réussite des élèves dans leurs appr entissages.

En effet, il ne suffit pas de faire succéder les séances de français un peu au hasard des
enchaînements pour que l’on soit en présence d’une séquence. Celle -ci ne revêt pas
de sens que dans la mesure où elle favorise le travail d e structuration entrepris par
l’élève. Les activités donc doivent être organisées en conséquence. Or dans très
nombreux manuels de français on est souvent en présence d’activités qui présentent
de façon dissociée des éléments tels que des formes d e la langue , des situations
d’usage , des dispositifs énonciatifs , etc.

15.5. Quelques principes à respecter :

a)- Fixer des objectifs en fonction de la dominante retenue constitue la première des
précautions à prendre.
b)-Définir les comportements cognitifs attendus : comprendre, répéter, mémoriser,
reproduire, produire, créer, de façon que la forme et la reprise des activités
correspondent aux comportements attendus ;
c)-Choisir des supports d’activités qui correspondent aux objectifs visés ;
d)-S’assurer que la compétence attendue soit préparée de façon suffisamment explicite
pour que les élèves en acquiert les capacités correspondantes .La production d’une
description écrite exige peut -être un vocabulaire important. Cet apprentissage a -t-il été
prévu à un moment ou à un autre dans la séquence ?
e)- Veiller à ce que les séances, dans leur nature, soient en rapport avec les objectifs
visés ; une séquence consacrée à la production écrite devra certainement accorder une
place plus impor tante à ce type d’activité ainsi qu’à l’orthographe. En revanche, une
séance consacrée à la lecture d’une œuvre comprendra forcément plus de séances
consacrées à la reconnaissance de la compréhension. L’organisation interne des
séquences n’est pas for cément uniforme tout au long de l’année.

En effet, Une séquence se déroule dans le temps : elle a un début et une fin. La première

329

séance1, séance d’ouverture, a pour fonction de présenter la dominante, d’établir avec
les élèves, le rappel des connaissan ces disponibles, de présenter le plan du travail .La
dernière séance est une séance de bilan, de synthèse, qui récapitule l’ensemble des
acquis, fait état des difficultés rencontrées et des explorations à poursuivre ;
-Les différentes séances doivent êtr e placées en contexte, c’est – à dire situer le travail
que l’on va entreprendre par rapport à ce qui a déjà été engagé;
-un certain nombre d’activités ou de bilans ne trouvent pas forcément leur place à
l’intérieur d’une séquence. On peut donc en treprendre des synthèses, des bilans hors
séquence, notamment sur des points d’orthographe, de syntaxe dans la phrase ou de
morphologie c’est -à dire le lexique.

16. Entrée lexicale à la production écrite :

« En psychologie cognitive , le lexique mental correspond à l’ensemble des représentations formelles
qui permettent de relier les entrées sensorielles d’une séquence de traits graphiques au x représentations
phonologiques , sémantiques et conceptuelles de la mémoire ». (Banin.P,1998,p02)

On distingue la notion de lexique de celle de dictionnaire et d’encyclopédie. Pour les
chercheurs qui ont construit des modèles d’accès au lexique ou de ressource du mot, le
lexique regroupe les unités caractérisables par un certain nombre de paramètres fo rmels
dépendant de la modalité sensorielle stimulée ( auditive ou visuelle ) : longueur ,
fréquence , régularité orthographique , homophonie , similarité phonétique , visuelle ou
orthographique, etc . Le dictionnaire contient les représentations syntaxique s et
sémantiques , indépendantes de la modalité , qui caractérisent ces unités .
L’encyclopédie renvoie à l’ensemble des différents niveaux sont organisés
hiérarchiquement .
Le lexique mental représente donc le système de stockage central qui sert à conse rver
les différentes informations (phonologiques et orthographiques, aussi bien que
sémantiques et syntaxiques ) dans une mémoire à long terme . Comme le fait remarquer
Frauenfelder ( 1991 ) en disant qu’en stockant la forme et l’information significative
ensemble , le lexique résout le difficile problème de la correspondance arbitraire entre la
forme et la signification ».

1 En général c’est une séance d’expression orale.

330

Dans une perspective un peu moins générale , celle concernant le rôle de la morphologie
lexicale , le lexique peut être envisagé comme comportant d’autres éléments . Ainsi ,
Champagnol ( 1989 b ) , s’inspirant de la théorisation de Selkirk ( 1982) , suppose que
le lexique mental doit être constitué de deux composantes : plusieurs dictionnaires et
des règles morphologiques . Un dictionnai re principal est requis qui contient tous les
mots ,morphologiquement simples et morphologiquement complexes ainsi que leur
signification . Un deuxième dictionnaire qui semble nécessaire est celui des affixes (
morphèmes ) , notamment les morphèmes de déri vation .
Ce dictionnaire permet d’attribuer une signification aux affixes et rend possible les
compositions avec lexèmes ( dans la compréhension de mots nouveaux voire dans leur
création ) . le troisième dictionnaire contient les radicaux – racines auxque ls les affixes
attesté et une base qui n’a pas valeur de mot . Par exemple, un membre de ce
dictionnaire des radicaux racines pourrait être « product » qui n’a pas de sens établi
mais qui se trouve être un élément commun ( voire la base ) de mots attestés comme
production , productif , produire …etc . Les règles morphologiques de ce lexique ont
pour rôle de générer ou d’interpréter des séquences constituées de plusieurs morphèmes
( affixes et racines ) .

Dans la littérature, de façon générale, la distinct ion dictionnaire / lexique est peut
utilisée , seul le terme de lexique mental ,qui englobe ces deux concepts ,est
couramment mentionné . En effet, le lexique interne représente donc le constituant du
système de traitement du langage dans lequel des conna issances relatives aux mots sont
stockées. L’analogie la plus courante est celle d’un dictionnaire usuel dans lequel
figurerait toutes les informations relatives à un mot donné notamment son orthographe,
son sens et sa prononciation : « Selon une première conception ,le lexique mental peut
être considéré comme une sorte de fichier , analogue ou un dictionnaire où l’accès à un
mot donné s’effectue par la recherche active de la localisation d’une forme lexicale
adéquate parmi un ensemble d’entrées lexicales » . (Banin.P,1998,p57)

Les entrées ou plus exactement leurs adresses , sont organisées en listes .La
reconnaissance lexicale consiste en une recherche séquentielle à travers ces listes , avec
l’évaluation de l’ajustement des entrées et des données l’une ap rès l’autre . Le temps
nécessaire pour identifier une entrée lexicale est supposé dépendre du nombre de
comparaisons séquentielles qui doivent être faites avant que l’entrée appropriée ne soit

331

rencontrée . Les informations sont donc extraites du stimulus e t comparées aux
informations stockées dans le lexique en plusieurs étapes .

Selon une deuxième conception , les mots sont représentés par des unités internes ou
détecteurs , qui peuvent être activées par l’information sensorielle provenant du
stimulus . Le mot est identifié lorsque la résultante de toutes ces informations atteint un
certain seuil sans phrase intermédiaire. Ainsi, le mot sera reconnu lorsque la quantité
d’information aura atteint un certain critère, un certain seuil.

La conception interactive la plus élaborée est cell e de Dell et ses collaborateurs .
Différentes va riantes de cette conception existent . Nous exposons ici les aspects
centraux de ce type de modèle . Le modèle de Dell a été conçu essentiellement pour
rendre compte des erreurs compte des erreurs de production ch ez des normaux et des
patients :

« deux hypothèses représentationnelles alternatives ( qui seront détaillées ultérieurement ) , appelées
généralement hypothèses des entrées indépendantes et hypothèses dérivationnelle , correspondent , en
général ,les hypothèses procédurales dites à « accès direct » aux représentations lexicales et celles dites
« décompositionnelles ». Ces deux conceptions vont souvent de pair , mais pas toujours .En effet ,dans
les théorisations ou la forme complète du mot complexe est représentée dans le lexique , les procédures
d’accès sont généralement identiques à celles concernant les mots simples » (Banin,1998. P123)

Cependant dans certains cas, même si la représentation du mot complexe est considérée
comme globale, des mécanismes agissant sur les unités morph ologiques lors de l’accès
sont envisagés.

332

17. Les niveaux en production du langage : Planification des contenus et réalisation
linguistique

La caractérisation des nouveaux de traitement impliqués dans la production du langage
est plus délicate qu’ en compréhension cela tient pour une large part au fait qu’une telle
caractérisation ne peut s’accommoder comme en compréhension d’une description « de
bas en haut » partant d’un stimulus physique être tenté ici de refaire le chemin dans
l’autre sens ce qui caractérise en effet en premier lieu la description des niveaux de
traitement en production c’est choix stratégiques (van Dijk et kintsch 1983) qui
impliquant que le point de niveaux de traitement en production est lié à des traitement
de ha ut niveau les niveaux de traitement en production peuvent donc correspondre assez
strictement à des déterminations progressives (mais non nécessairement séquentielles
dans le déroulement de l’activité) dont l’objectif final est l’expression sous une forme
linguistique d’un projet de communication nous verrons cependant qu’ une telle
démarche a sans doute ses limites.

17.1. Le niveau cognitif ou niveau de planification des contenus

ce niveau correspond à l’activation et à la sélection en mémoire à long ter me des
contenus à communiquer et à l’organisation de ces contenus sous la forme d’un plan
l’input de ce niveau est caractérisé par la structure cognitive(le modelé mental ) à
communiquer , ainsi que par les buts et intentions du locuteur.

Les traitements appliqués fournissent aux niveaux suivants une représentation ou
l’information n’est pas encore traduite linguistiquement ,mais peut être cependant déjà
partiellement linéarisée .La planification consiste donc à produire des idées , et à les
organiser dans un plan qui puisse satisfaire les objectifs . Cette étape de (ré)
organisation des contenus , ou de linéarisation , constitue une étape nécessaire et
essentielle de l’activité de production , dans la mesure où il est peu probable que les
informations à c ommuniquer soient organisées de façon linéaire en mémoire à long
terme.

333

17.2.Le niveau lexico – grammatical

Ce niveau reçoit comme input les plans élaborés au niveau précédent , et sélectionne la
structure grammaticale des phrases . A ce niveau s’opèrent les choix relatifs à la
position des différentes unités ( sujet , objet ..) : ici , cependant , les unités lexicales sont
sélectionnées sous une forme sémantique , et non encore spécifiée en séquence sonore
ou graphique . On peut considérer aus si que c’est à ce niveau que sont mises en œuvre
les stratégies d’établissement de la cohérence local décrites par van Dijk et Kintsch
ainsi que les stratégies propositionnelles (opérations liées à la prédication) .Ce niveau
est défini par Levelt sous l e terme d’encodeur grammatical ;il correspond au niveau
fonctionnel chez Garrett c’est aussi une des composantes du processus de « sentence
génération » dans la conception de Hayes et Flower .

17.3. Le niveau lexico -phonologique

Il utilise les données issues du niveau précèdent et construit une séquence sonore c’est à
ce niveau que seraient déterminés les morphèmes fonctionnels , il dispose pour ce faire
d’un certain nombre de marques linguistiques lui permettant de signaler la nature des
relations en tre les différentes informations(anaphores, connecteurs, ponctuation…). Ce
niveau correspond semble –t-il assez bien chez van Dijk et Kintsch aux stratégies de
composition des phrases il est décrit par Levelt comme l’encodeur phonologique et par
Garrett comme le niveau propositionnel. La distinction entre les niveaux lexico –
grammatical et lexico -phonologique peut être étayée par l’analyse d’ un certain nombre
d’erreurs spontanées.Les échanges de mots concernent des mots appartenant à une
même catégorie grammaticale et portent sur des distances dépassant le syntagme à
l’intérieur d’une même proposition .

Notons que Garrett distingue deux étapes à l’intérieur du niveau lexico –
phonologique :la sélection des morphèmes – racines et la sélection des inflexion s. Une
telle distinction s’appuie sur le fait qu’ on peut observer à l’intérieur d’une phrase des
commutations de la racine de deux mots alors que les inflexions restent à la « bonne »
place.

334

17.4. Le niveau articulatoire ou grapho -moteur

Il correspond à l’étape ultime de la production il transforme les plans du niveau
précèdent en séquences motrices articulatoires ou graphiques :un accumulateur de la
mémoire à court terme stockerait la représentation de surface de l’énoncé sur laquelle
seraient appliqué s les programmes moteurs articulatoires ou graphiques . Les quatre
niveaux proposés ici constituent une tentative de synthèse de plusieurs modèles pour ce
qui concerne le niveau de la planification. En revanche cette synthèse correspond
davantage aux conc eptions des auteurs qui se sont intéressés à la production orale cela
tient à la priorité accordée dans les travaux sur l’écrit aux processus de planification de
haut niveau à l’inverse les travaux sur l’oral se sont plus intéressés aux niveaux de
planific ation .

Ce qui rassemble les conceptions de l’oral et l’écrit c’est la notion de hiérarchie entre
les différents niveaux. Ils donnent lieu, chacun, à la construction d’une représentation
de telle sorte qu’un niveau sous -ordonné puisse utiliser les repré sentations issues du
niveau qui lui est subordonné. Les niveaux subordonnés étant donc « en avance » sur
les niveaux de base, c’est en ce sens qu’on peut considérer qu’il s’agit de niveaux de
base, c’est en ce sens qu’on peut considérer qu’ il s’agit de niveaux de planification.

La hiérarchie envisagée entre les différents niveaux de traitement n’implique pas
cependant une mise en œuvre séquentielle outre les possibles effets d’interaction entre
niveaux, la séquentialitè se trouve nécessairement cont rainte par la dimension du
message sur lequel peuvent s’opérer les traitements. Contrairement au locuteur qui ne
planifie pas du tout son texte au niveau sémantique puis au niveau articulatoire, il est
sans doute nécessaire de définir des unités c’est -à dire un empan sur lequel s’appliquent
les différents niveaux en particulier les niveaux inférieurs, cette analyse conduit à
concevoir des cycles de planification, la mise en texte s’effectuerait par « blocs » , selon
Flower et Hayes ces blocs de planif ication apparaissent plus étendus chez les scripteurs
experts(11 , 2 mots en moyenne) que chez les scripteurs moyens(7,3 mots)

335

17.5 .L’agencement des différents niveaux dans les activités de langage
Les différentes représentations citées jusqu’ici sont de natures très diverses . certaines
sont construites à partir des données textuelles ( et sont donc contraintes par les
caractéristique du système de la langue ) , d’autres sont activées sur la base d es
connaissances disponibles en mémoire ( et dépendent donc des propriétés du système de
mémoire ) . certaines sont transitoires , ne constituant qu’une étape dans la construction
de représentations de niveau plus élevé ; d’autres relèvent de niveaux qui constituent
plus ou moins l’objectif de l’activité de compréhension . ces distinctions renvoient dans
tous les cas aux problèmes majeurs de la nature des relations qui peuvent exister entre
ces représentations , autrement dit d’une éventuelle interactivité des traitements dans les
activités de langage :
« Deux conceptions peuvent ici être envisagées . On peut considérer chaque niveau comme un «
module » fonctionnant de manière autonome , sans que les caractéristiques et le fonctionnement des
autres module s n’interviennent dans le fonctionnement du module considéré . on peut au contraire
envisager que le fonctionnement de chaque niveau puisse dépendre , en partie tout au moins , du
fonctionnement d’autres niveaux situés en amont ou en aval : on parle alors d’interactivité entre les
niveaux de traitement » . (Gaonac’h.D et al,1996,p141)

Pour présenter ce problème , nous utiliserons le plus souvent , comme c’est
fréquemment l’usage, la distinction simplifiée entre traitement de bas niveau
(phonologique , lexical , syntaxique ) , et traitements de haut niveaux , sémantiques
(microstructural , macrostructural , modèle de situation ).

18. De la réalisation textuelle à la pragmatique du discours : enjeux d’une nouvelle
discipline :

Depuis u ne vingtaine d'années, l'usage du terme de pragmatique s'est peu à peu affirmé,
au point qu'il n'est pas inconvenant de parler de la pragmatique comme d'une branche
des sciences du langage, voire de la linguistique. Cependant, les rapports entre la
pragmat ique et la linguistique ne sont pas simples pour autant ; nous allons tenter de
présenter quelque peu le "domaine" de façon à comprendre dans quel cadre théorique
sont situées les différentes études que nous aborderons.

D'un point de vue général, on pour rait dire que l'attitude pragmatique semble

336

correspondre au déplacement de l'intérêt vers un aspect négligé : après les points de vue
historique et structural qui ont marqué les sciences du langage depuis le XIX° siècle, on
se met à étudier les systèmes de signes comme des phénomènes de communication.

L'avènement de la pragmatique s'inscrit donc logiquement dans le cycle de progression
des études linguistiques. Il est tout naturel qu'après le développement de la syntaxe, puis
celui de la sémantique, soit survenu l'essor de la pragmatique. Une autre explication se
trouve dans son contenu ; la pragmatique représente en effet un cadre théorique plus
large et permet de rompre avec la dichotomie langue/parole (Saussure).

Ainsi, l'histoire de la pragmatique n' est pas inexistante, mais elle est très peu étendue
dans le temps. Paradoxalement, la pragmatique n'est pas une discipline qui est née d'un
programme de recherche formulé abstraitement, comme c'est le cas pour la sémiologie,
par exemple. Presque tous les l inguistes s'accordent pour définir la pragmatique comme
l'étude de l'utilisation, du langage, comme la description du langage en action, du
langage "en contexte"1 par opposition à l'étude du système linguistique, qui concerne à
proprement parler la linguis tique. À cette définition apparemment claire répond
paradoxalement une diversité troublante de conceptions qui a pour conséquence des
différences considérables dans le domaine d'application de la pragmatique. Ces
divergences semblent avoir deux origines :

À la source directe des écarts enregistrés se trouvent la notion centrale d'utilisation du
langage, son statut linguistique mal délimité et l'immensité du domaine qu'elle conduit à
explorer. La notion d'utilisation du langage s'avère être un concept t héorique et
méthodologique aux frontières imprécises et mouvantes, – ce qui autorise des
interprétations discordantes -, et qui, par ailleurs, recouvre un champ d'investigation si
large et si varié que l'on peut s'interroger sérieusement sur la possibilité même d'arriver
à décrire un domaine aussi vaste et aussi complexe. Comme les questions suivantes à
l'aide desquelles on peut tenter de cerner l'objet d'étude de la pragmatique. : Que fait -on
lorsqu'on parle ? ; Quelle est l'effet du langage ou son utilité ? ; Que vise un locuteur
lorsqu'il s'adresse à son interlocuteur ?…La pragmatique relève en fait non seulement de
la linguistique, mais aussi de la sociologie, de la philosophie du langage, de

1 Écrire en contexte ou inté grer les acquis en rédigeant, c’est là tout l’enjeu de notre problématique

337

l'éthique…On comprend mieux que le cadre théorique et méth odologique capable de
dominer une telle interdisciplinarité manque encore de cohérence.

À cette première source de divergence s'ajoute une deuxième raison, celle des
différentes branches "généalogiques" du développement de la pragmatique. La
pragmatique s'est en effet développée dans trois lieux différents : chez les logiciens,
avec comme pro blème central la détermination de la valeur de vérité des phrases ; chez
les philosophes (Austin et Searle), avec la notion d'acte de discours, et chez les
linguistes, lors du débat sémantique interprétative/sémantique générative.
Dans cette conception hé ritée de C. S Pierce, la pragmatique n'est pas une composante
de la linguistique, comme la phonologie, la syntaxe et la sémantique, mais constitue une
théorie d'accueil unifiée pour toutes les branches de la linguistique.

On peut comparer cette conceptio n à l'hypothèse saussurienne : Saussure avait postulé
en effet l'existence de la sémiologie ("science qui étudie(rait) la vie des signes au sein
de la vie sociale") qui recouvrirait le champ de la linguistique. Ainsi, dans un autre
domaine, Peirce avait po stulé une théorie maximaliste à l'intérieur de laquelle tout fait
linguistique devient finalement pragmatique. La pragmatique se définit ainsi, pour D.
Wunderliche (1972) comme la théorie de la totalité du domaine de la compétence
linguistique.

Le danger d'une telle conception, c'est finalement de courcircuiter les autres domaines
linguistiques, et de faire, en particulier, l'économie du sens (Révélateur est par exemple
l'article de Searle (1979) sur le sens littéral, dans lequel l'auteur conclut que la notion de
sens ne s'applique que relativement à une situation de discours.

En revanche , nous pouvons distinguer deux grandes options. Il y a d'une part, ceux qui
conçoivent la pragmatique comme une composante de la linguistique qui s'opposent au x
autres composantes que sont la syntaxe et la sémantique. Et il y a d'autre part ceux qui
refusant cette séparation, font intervenir la pragmatique à des niveaux différents de
l'analyse linguistique (pragmatique intégrée).

338

Par ailleurs, certains linguis tes comme Y. Bar -Hillel réduisent explicitement la
pragmatique à la seule étude des déictiques (ou embrayeurs, ou symboles -indexicaux),
c'est-à-dire à l'analyse des expressions linguistiques comme je, tu, ici, maintenant, le
temps des verbes… dont le sen s implique le recours à la situation d'énonciation.

Néanmoins, la délimitation de la pragmatique comme domaine spécifique de l'étude du
langage est communément attribuée non à un linguiste mais au philosophe et
sémioticien américain, C. Morris, qui dans le cadre d'une théorie générale de la
"sémiosis", de la signification, divisait l'appréhension de tout langage (formel ou
naturel) en trois domaines : la syntaxe, la s émantique, et La pragmatique qui
correspondent aux trois relations fondamentales qu'entr etiennent les signes : avec
d'autres signes (syntaxe), avec ce qu'ils désignent (sémantique), avec leurs utilisateurs
(pragmatique).

Ainsi, de quelque langage qu'il s'agisse (formel aussi bien), toute expression possède
telle propriété syntaxique (est bi en ou mal formée) ou sémantique (est vraie ou fausse)
uniquement pour les utilisateurs virtuels ou actuels de ce langage. Prenant en vue et ne
perdant pas de vue la question classique de la vérité, elle s'intéressera d'abord à la vérité
d'une énonciation e u égard à une interprétation fixe et à un contexte donné .

Dans cette conception, la pragmatique regroupe ainsi l'étude des actes du discours
L'impulsion décisive de la pragmatique est d'ailleurs venue de la réflexion sur les actes
de langage du philosophe britannique John Austin. Austin introduit une notion centrale
pour la pragmatique, la notion d'acte de langage, défendant par là l'idée selon laquelle le
langage dans la communication n'a pas principalement une fonction descriptive, mais
une fonction acti onnelle. Cette conception de la pragmatique comme composante non
sémantique autonome, que beaucoup de linguistes partagent ou ont partagé à un
moment donné, est théoriquement défendable, à condition toutefois d'éviter les excès
auxquels elle a pu donner l ieu.

De surcroit, la pragmatique s'est principalement développée dans la tradition
intellectuelle anglo -saxonne. Les travaux d'Austin mais aussi ceux de Grice, ont donné
lieu, en très peu de temps, à une explosion de travaux d'origine scientifique
d'orie ntations très différentes : philosophie du langage, linguistique, logique,

339

psychologie cognitive, psycholinguistique, sociolinguistique, intelligence artificielle. Il
faut noter l'exception notoire, dans le domaine francophone, représentée par les travaux
de Ducrot, que l'on étiquette commodément sous le label de pragmatique intégrée, en
signifiant par là que la pragmatique est intégrée à la linguistique.

Ce dernier niveau concerne les mécanismes de dérivation du sens situationnel global
(ou sens contextu el), ici, les valeurs pragmatiques ne sont pas liées aux expressions
elles-mêmes, mais obéissent à des principes généraux qui gouvernent le code langagier :
d'où le nom d'implications conversationnelles donné par Grice (nous énoncerons
brièvement la théori e de Grice parallèlement à celle d'Austin). Selon la situation
d'énonciation, la phrase aussi simple que " il fait chaud ici " peut en effet exprimer des
effets de sens conversationnels tout à fait différents comme "j'ai soif", "je ne vais pas
faire du vél o aujourd'hui"…

Afin de conclure cette partie de la recherche, nous pouvons dire que la pragmatique se
présente aujourd'hui comme une science en mouvement, un domaine en pleine
ébullition, largement ouvert. On peut s'en plaindre, on peut s'en félici ter. On peut
regretter l'existence de diverses conceptions concurrentes, qui rend difficile une
approche sereine de la pragmatique, on peut déplorer l'absence cruciale d'une définition
unitaire et le flou de certains concepts opératoires, mais on ne peut n ier que ce
bouillonnement théorique et méthodologique, qui conduit, comme nous l'avons vu (tout
au moins "aperçu"), à la multiplication du nombre de niveaux d'analyse pragmatique,
constitue, pour la pragmatique, le facteur principal de son développement.

19. Le paramétrage contextuel de la production : la théorie des trois aspects

Le modèle de production du discours (ou du texte) avancé par Bronckart et al (1985) et
développé par Schneuwly(1988) (en particulier pour ce qui concerne la spécification des
opérations de mise en texte) s’inscrit directement dans la perspective ci – dessus qui se
réfère l’argument aux thèses de l’interactionnisme social de Vygotsky (traduction
française 1985) selon Bronckart et al (1985) les activistes humaines dans leur diversités
délimitent des catégories de contextes qu’ il convient de paramétrer c’es t-à-dire de
réfère à une série limitée de variables « pertinentes »(au sens défini précédemment par
Halliday) a ces catégories de contextes vont s’articuler en termes d’opérations

340

langagières sous -ensemble particulier des opérations cognitives au sens larg e ;rapports
par exemple entre l’organisation cognitive de l’espace et la mise en œuvre des
marqueurs linguistiques qui leur correspondrai des configurations spécifiques d’unités
linguistiques caractérisant tel ou type de texte on peut donc décrire sommaire ment cette
articulation par la séquence suivante ;situation extralangagier extraction cognitive des
traits pertinents sur les paramètres de cette situation opérations langagières de
communication -représentation y requises unités linguistiques produites(don t la
configuration permettra d’identifier tel ou type de textes)

La situation extralangagière se subdivise en deux espaces distincts ;l’espace
référentiel d’un côté l’espace de la production de l’autre cote ce seconde espace est lui
même subdivisé en deu x sous -espaces ;l’espace physique de la production(nous dirons
par la suite espace de la production) et l’espace de l’interaction sociale (en
abrégeant ;espace physique et espace social)

19.1. L’espace référentiel

L’activité langagière découpe l’espace extalangagier : une zone de pertinence ce dont il
est question à un moment et dans un lieu un espace référentiel délimité sont ici
mobilisées l’ensemble des représentations cognitives extralangagières que l’individu a
construites sur son milieu physique et social représentations présentes par conséquent en
mémoires à long terme ;notions relations schématisations…Les notions sont des
ensembles prèconceptuels ou conceptuels figurant des états codifiant la connaissance
empirique du monde chacune peut être agentive ou non agentive au sens de grammaire
des cas de Fillmore (1968) qui conduit à distinguer le cas agent du cas instrument dans
une expression comme : Xavier/ le ballon a cassé la vitre . Les relations , ou prédi cats (
localisation , description , possession , propriété … ) , sont transitives ou non transitives
selon l’éventail des cas qu’elles admettent ( par exemple vendre / marcher ) ; elles sont
en outre perfectives ou non selon qu’elles impliquent ou non une transformation (
s’endormire / dormire … ) . Les schématisations , enfin sur le modèle des schémas
piagétiens , expriment des relations de type logico -mathématique : identification ,
classification , repérage , quantité …

Bronckart ( 1987) repend égaleme nt les propositions d’ A potheloz ( 1985 ) pour qui :

341

« il semble acquis aujourd’hui que l’on ne peut postuler aucune org anisation a priori ,
stable et logique , des représentations du référent . celles -ci se présenteraient comme
des agrégats partiellement structurés et plus ou moins délimités ; ces agrégats d’objets
de pensée seraient organisés autour de noyaux de cohérence : scripts , causalité ,
réseaux de dépendance notionnelle … il y aurait de ce point de vue deux types de
représentations référentielle s : d’un coté des représentations fondées sur l’expérience
pratiqué et logique du monde mais non associées à des expressions linguistiques , par
exemple des images mentales , essentiellement subjectives ; de l’autre coté des
représentations verbalisées , l exicalisées »

19.2.L’espace physique de l’acte de production

Cet espace définit les conditions matérielles précises dans lesquelles se déroule l’action
langagière . il comporte trois paramètres :
-Le repérage physique de l’activité dans l’espace et dans le temps . les valeurs de ce
paramètre sont donc toujours ponctuelles .
-Les relations d’interlocution : ya-t-il un ou plusieurs interlocuteurs ? on aura ici
essentiellement l’opposition dialogue / monologue , ou encore l’opposition discours
monogéré / discours polygéré .
-L’instance physique d’où émane la production , avec en particulier l’opposition oral /
écrit .

Ces trois paramètres sont la source de l’ancrage déictique du discours , de sa mi se en
relation ( ou non ) avec les caractéristiques de la situation énonciative , relation soit
indiscursive : l’interprétation des marqueurs déictique comme : je/tu , ici/ là ,
aujourd’hui/hier …n’est possible qu’en référence au contexte ; soit au contrai re
extradiscursive : « en 1995 » , « à droite de » …

19.3.L’espace de l’interaction sociale

Il comprend quatre paramètres :
-Le lieu social , ou institutionnel . en référence aux travaux de Bakhtine (1981) , il peut
prendre différentes valeurs : l’écol e , l’usine , le magasine , le bistrot …
-L’ intention communicative. Schenuwly (1986) rapport e les travaux de schmidt ( 1979 ,

342

1982) qui distingue quatre catégories fondamentales : informer ( transmettre une
connaissance , des impressions ) , activer ( fai re agir ) , cl arifier ( rendre
compréhensible ) , crées un contact ( les catégories proposées ici semblent cependant
insuffisamment précises pour prendre compte des différentes finalités communicatives ,
si on les compare notamment aux propositions de Werli ch , 1975 .
-L’énonciateur . il s’agit de la représentation de l’instance énonciative construite par le
locuteur dans son discours . le même locuteur peut en effet se présenter comme porteur
de tel ou tel statut , définissant au nom de qui ou de quoi il s ’exprime ( à ce propos les
exemples très illustratifs proposés par Lucas , 1985 , sur les diverses façons dont les
hommes politiques définissent ce statut en fonction des auditoires auxquels ils
s’adressent : je / notre parti /la gauche / les français …)
– Le destinataire. c’est la représentation construit e discursivement de l’auditoire : vous ,
collègues / étudiants / maitres … énonciateur et destinataire constituent un couple
indissociable , un paramètre complexe , mais unique , qui peut prendre trois valeurs
dépendant de facteurs tels le statut socio -écon omique des interlocuteurs , l’âge et le
niveau cognitif , l’appartenance idéologique , la compétence , les relations socio –
économiques , la familiarité , l’opposition universel / particulier …

Le traitement cognitif de ces paramètres , c’est -à-dire le c hoix des valeurs qu’ils
prennent dans une situation donnée , détermine les opérations langagières spécifiques
qui seront mises en œuvre dans cette situation . c’est au travers de cette articulation que
se distingueront les différents types de texte et ce en fonction de deux types de
contextes ;à savoir le contexte universel de l’utilisation des langues étrangères et du
français en particulier puis le contexte linguistique dans lequel se trouve la langue
française et qui détermine nos productions écrite s .

20. Le terme : un mot en contexte ?
Une des problématiques devenues dominantes aujourd’hui en lexicologie, en
terminologie et en traduction est de celle des contextes. La linguistique de corpus, née
de la capacité actuelle de traiter de grandes quantités des documents, remet en cause les
frontières entre disciplines. Tout se joue dans l’analyse de corpus textuels et non plus
simplement dans la pragmatique d’une phraséologie. Le contexte cesse d’avoir valeur
d’illustration et représente l’élément fondamental de la construction du sens, notamment
dans le tra itement automatique des langues :

343

« Le lexicologue et le lexicographe doivent analyser les implications de cette linguistiques textuelle ,
redéfinir la notion de proximité dans l’utilisation de leurs outils informatiques et reposer , selon de
nouveaux principes , le mot , l’exemple , la citation .La priorité accordée au contexte donne naissance à
de nouvelles procédures et à de nouvelles considérations théoriques, au carrefour des différentes
disciplines ». (Blampain.D et al,2006,p11)

Nous utiliserons dans cette partie de la recherche le terme contexte dans deux
acceptions : celui de « contexte textuel » , ou « cotexte » , et celui de « contexte
pragmatique » . Nous étudierons dans quelle mesure le premier détermine le
sémantisme du terme et de quelle façon le second garantit le processus de
référenciation , et ceci , en nous limitant au cas des textes qui nous intéressent , ceux
relevant de la vulgarisati on scientifique .

Les recherches r écentes en terminologie ont montré que l’on peut plus opposer sans
nuances mots et termes ; la critique de la monoréférentialité et l’univocité renvoient à
un moment révolu. Aux commencements de la terminologie , ces deux notions – terme
et mot – ont été constamment mises en opposition par certains chercheurs; d’une part ,
parce que la terminologie devait être délimitée de la lexicologie , d’autre part , parce
que le terme était envisagé comme un outil de communication , idéalement univoque et
monoréférent iel , et dont le sens unique était établi par rapport à un domaine . Cette
étape correspondait aux efforts épistémologiques d’un nouveau champ de recherche
pour affirmer des fondements qui lui soient propres . Dans ce nouveau cadre , le
contexte discursif a repris ses droits , longtemps mis de coté par la primauté du domaine
. En admettant la polysémie du terme et la nécessité d’un contexte pour la
désambigüisation du sens , se pose désormais la question des nouvelles formes de
détermination de la référenc e , et des nouveaux critères pour identifier ces mots dont le
sens spécialisé est activé par et dans le contexte .

21. Terme et contexte : deux notions qui ne s’excluent plus

Pour peu que son usage gagne fréquence, tout monoséme est en danger de polysémi e ,
et dés que nous parlons de polysémie , nous avons besoin de contextes pour actualiser le
sens pertinent d’un mot ou d’un terme …. Polysémique . Hors du domaine , le terme a
peut-être perdu son statut immuable , son sens unique en dehors du contexte , mais il a

344

surement gagné en richesse sémantique , devenant aussi caméléon que « simple »mot .
Sa polysémie n’est plus à fuir car c’st un état de fait attribuable à l’entrecroisement des
domaines , au mixage avec les discours quotidiens , à la dynamiqu e de l’évolution de la
science..

C’est en dehors du domaine – domaine pensé comme régularité macrosémantique – que
le terme a besoin pour être actualisé par le locuteur d’un microcontexte linguistique ;
celui – ci est composé en général d’autres termes qui ensemble forment d’un domaine
de référence , un champ conceptuel qui aide à situer du point de vue sémantique tous les
composants .

Or, justement cet ensemble terminologique pertinent se forme dans un contexte qui
fournit le cadre de référence . Dans nos exemples , nous avons sélecti onné des cas ou le
cotexte , c’est –à –dire les mots situés dans la proximité immédiate d’un terme , forme
un champ conceptuel qui permet d’établir correctement le sens des mots et de construire
une impression référentielle . Le terme se retrouve entouré d ’autres unités
terminologiques , et cet ensemble dessine un champ sémantique qui nous indique le
domaine d’activité vers lequel nous diriger pour actualiser correctement le référent
extralinguistique d’un terme en même temps que son sens par rapport à son entourage
linguistique .
Dans cette optique, nous nous sommes intéressés à des termes dont l’usage fréquent
dans la langue a conduit à l’acculturation des terminologies , phénomène qui
s’accompagne naturellement d’une banalisation des termes (Galisson 197 8 ) . C’est le
cas des mots provenant pour la plupart de l’univers technologique , tels caméscope ,
imprimante , micro – ondes , photocopieuse ; ; et de la médecine , tels appendice ,
aspirine , cancer ,etc. . De même , nous observons des mots polysémiques appartenant à
la langue générale qui , dans un domaine scientifique , développent d’emploi spécialisé
pour la géologie .

22. Contextes et situation

Les définitions qui tentent de cerner la notion de contexte sont nombreuses . Parmi les
plus évidentes , on peut citer les variantes historiques , géographiques , sociales ,
culturelles , professionnelles , religieuse s , générationnelles , de genre , etc . , la liste à

345

partir de laquelle on va opérer une sélection n’est évidemment jamais finie. Elles
mènent d’autres notions voisines , en particulier celles de situation , d’environnement
ou de domaine (voir en particulier Coste , 2005 et 2006 ) .

Dans le dictionnaire de didactique des langues ( Galisson et Coste , 1976 ) , le terme de
contexte est défini d’un point de vue linguistique ( au nive au de la parole et de la
langue ), situationnel ( en prenant en compte le sens anglo – saxon de contexte ) et
référentiel ( avec les travaux de Jakobson ).La notion de situation est discutée en un peu
plus d’espace, s elon qu’on considère la situation :

a). Du point de vue linguistique, comme décrivant l’ensemble des conditions de
production de l’énoncé , extérieures à l’énoncé lui – même, y inclus les aspects
socioculturels , psychologiques ou de connivence ;
b). Du point de vue didactique , où l’on apprend que la notion de situation constitue un
principe fondamental des méthodes audio – visuelles , incluant le film fixe ou le tableau
de feutre , et ou on nous indique « dans la phrase d’explication , il appartie nt au
professeur de partir des supports techniques dont il dispose pour mettre en valeur les
aspects pertinents de la situation susceptibles d’éclairer le contenu et les valeurs du
message.

Prés de trente ans plus tard , le dictionnaire de didactique du français langue étrangère et
seconde ( Cuq , 2004 ) consacre trois entées pour situations , en distinguant :
a).La situation d’apprentissage , qui en décrit les conditions de déroulement ; autant
externes ( le lieu , le moment , etc ) qu’ internes ( tels que l’« état physique de
l’apprenant , sa motivation , son passé scolaire , ses représentations sur la langue et
l’apprentissage ) ;
b).La situation de classe , qui réfère à la triple relation enseignant / apprenant /
contenus ;
c).La situation de communi cation, qui rebondit sur les apports de Hymes et de Goffman
à la description minutieuse des événements et des actes de communication de la
conversation ordinaire , et sur la transposition de ces travaux dans les méthodes de
langues , pour « faciliter les activités de compréhension et d’expression orales et
écrites .

346

Le contexte s’y trouve alors défini comme l’ensemble des déterminations
extralinguistiques des situations de communication où le s productions verbales ( ou
non) prennent place, tout en ins istant sur le rôle des représentations des participants et
dans la configuration de ce constitue le contexte d’appropriation : Si la notion de
contexte est une notion importante de didactique des langues , c’est qu’elle s’identifie
principalement à l’ense mble des représentations que les apprenants ont du contexte,
introduisant par là même des variables culturelles et interculturelles dont la prise en
compte est alors féconde. Par contexte, on désigne également l’ensemble des facteurs
situationnels qui se relèvent pertinents pour la compréhension d’un comportement
langagier .
En retenant le contexte comme l’ensemble structuré des traits d’une situation sociale
qui peuvent être pertinents pour la production et l’interprétions d’un événement
communicatif e t du discours produit. D’autres chercheurs soulignent son caractère
dynamique, construit, interactif, défini et négocié par les participants qui doivent se
mettre d’accord sur les objectifs , les intentions , les rôles , autant de composantes du
contexte.
La description des cultures des classes , alors entrevues dans leurs croisements et
entrecroisements , laisse toutes leur place à des perspectives qui recentrent la réflexion
sur les participants ( l’apprenant ; l’enseignant , le chercheur ) , conçus co mme des
acteurs sociaux , dont ce sont , aussi , les perceptions négociées de ce qui constitue le
contexte qui lui en donne ses pertinen ces et ses aspects configurant .

Ainsi, selon Chiss et Cicurel (2005) il faut donc apprendre à décrire les contextes, à
savoir en dégager les traits constitutifs , à mieux connaître l’évolution des pratiques
pédagogiques à travers les époques , à les relier à une culture nationale . Une dimension
ethnographique dans la mesure ou les usages de la classe et de l’enseignement des
langues sont autant de ressources pour qui veut connaître et comprendre un certain
fonctionnement social.

23.Du cotexte au contexte :l’unité lexicale entre langue et discours

« Une recherche qui s’inscrit dans une perspective lexicologique fondée sur l’analyse des mots en
discours – plus particulièrement sur l’introduction de nouvelles désignations au sein d’un sociolecte
déterminé – afin de cerner les acceptions des vocables et leur influence sur les lexèmes amène

347

inéluctablement à confronter aux données pragmatiques les résultats de la description sémantique
immanente » . (Cusin -Berche.F, 2003,p17)

Nous envisageons donc , à titre d’hypothèse , que l’approche pragmatique per met de
prendre en considération l’ensemble des éléments implicites qui reposent sur un ( des )
savoir (s) supposé (s) partagé (s) et qui , en définitive , conditionnent le sens des
constituants linguistiques du message . Si la prise en compte de ces donnée s cognitives
ou situationnelles semble incontournable pour interpréter le sens d’un énoncé et par
conséquent des vocables qui le constituent – rechercher son ascendant ne signifie pas la
même chose pour l’astrologue et pour le généalogiste – on peut s’int erroger sur l’effet
exercé par ces données sur la langue.

Par ailleurs, le sémantisme d’un vocable n’est en effet accessible qu’en contexte ;ce
n’est qu’ au regard de l’insertion du mot dans une phrase que l’on peut envisager par
exemple qu’un lexème tel que « femme » a deux valeurs ou deux acceptions : celle d’ «
épouse » dans « Ma femme est une sorcière » et celle d’ « être humain de sexe féminin
». Aussi estimons -nous , à la suite d’E. Benveniste ( 1966) , que «le sens » d’une forme
linguistique se d éfinit par la totalité de ses emplois , par leur distribution et par les types
de liaison qui en résultant.

La tentative de distinguer les effets de sens produits par le cotexte des effets induits par
le contexte convie à adopter une démarche pragmatique , à se préoccuper de
l’interprétation situationnelle des énoncés et à évaluer sa pertinence dans une
perspective sémantique , puisque la finalité est de déterminer le sens en langue des
unités lexicales constitutives de l’énoncé et d’évaluer l’incidence de s environnements
sur la construction du sémème associé au lexème .
En définitive, réfléchir sur le statut du texte est de plus en plus d’actualité entre ceux
qui ont des inquiétudes concernant les théories et les méthodologies en terminologie, car
le text e est indubitablement un objet auquel l’on à recours dans quasiment tout travai l
de recherche en terminologie :

« Que le but de la recherche terminologique soit la modélisation des connaissances ou encore la
description et l’organisation des éléments qui permettent la construction du sens , le texte , en tant
qu’objet d’analyse , joue un rôle primordial .L’existence de grands corpus , l’augmentation de la
capacité du matériel informatique , la mondialisation amènent les terminologues à se concentrer sur la

348

gestion des donnés multilingues , à penser au développement des métadonnées afin de rendre
l’intercommunication de spécialité plus efficace » (Blampain.D et al,2006,p79)

Nous n’allons pas nous pencher sur l’importance et la pertinence de la différenciation
entre texte et discours ; nous avons eu l’occasion de l’exposer ailleurs. Toutefois, nous
assumons pour notre propos , que Le discours est conçu comme l’association d’un
texte et de son contexte et que le texte est le lieu de rencontre e ntre le contexte et
l’intertexte.

24. Contexte linguistique et contexte extralinguistique

Ainsi , le texte de spécialité peut , simultanément , être compris comme la production et
le produit d’une communauté de communication restreinte (Maingueneau 1992 ) ou
nucléaire ( Beacco 1995 ) . Dans le texte se concentrent tous les éléments linguistiques
et extralinguistiques qui résultent de l’interaction du langage avec la vie sociale , ce qui
fait que le texte peut être analysé en même temps comme un processu s et comme un
résultat .L’importance des paramètres extralinguistiques , perceptibles dans l’analyse du
texte en tant que produit d’une activité intellectuelle et sociale d’un individu ou d’un
groupe d’individus , est au moment de la production textuelle u n fait indéniable .

Diverses sont les désignations proposées pour référer de façon non ambiguë à la réalité
qui n’appartient pas à la sphère de la linguistique , mais qui appartient aux sphères
sociales , psychologiques , pragmatiques et / ou physique et qui interfère dans la
production textuelle en ayant des conséquences sur le produit final , le texte .

A priori , nous désignerons comme contexte les réalités , linguistiques ou non , qui
entourent le texte et sa production . Rastier (1998) introduit le c oncept de contexte
comme élément indispensable à l’interprétation d’un texte. Pour lui, le contexte peut
être compris de diverses manières : il est utilisé soit pour réintroduire une de forme
limitée de globalité dans l’interprétation soit pour lier la la ngue à une extériorité en
conditionnant la construction du sens à la connaissance de cette extériorité .

De cette façon , le contexte peut assumer plusieurs significations , pouvant évidement
gérer des ambigües d’interprétation et par conséquent d’usages . Bronckart est un des

349

auteurs qui évite l’utilisation du terme contexte , ne l’estimant pas assez ample . Il
préfère recourir au concept d’ « extra – langage » , qu’ il présente comme un opératoire .
Il le définit comme l’ensemble théoriquement infini de toutes les entités « mondaines »
en dehors du langage. Mais quand ,par besoin ,il se rapporte au contexte , il le fait en
l’utilisant comme synonyme d « extra – langage » , en distinguant , ce dernier du
concept de cotexte qui recouvre d’après lui , de fa çon inéquivoque , les questions qui
sont du niveau de la linguistique ; le concept de contexte s’adresse à l’extra – langage ,
et qu’il faut éviter de le confondre avec l’environnement linguistique d’un énoncé .

Pour que le texte soit appréhendé comme un tout, il est nécessaire que l’on ait en
compte tous les paramètres linguistiques et extra -verbaux qui intervi ennent dans l’acte
de la «parole». Bronckart (1997) utilise l’expression « situation d’action langagière »
pour se référer aux paramètres qui ont de l’influence sur l’analyse de texte , entendu
comme un objet référentiel . Il nous dit que cette expression générale désigne les
propriétés des mondes formels ( physiques , sociaux et subjectifs ) qui sont susceptibles
d’exercer une influence sur la pro duction textuelle. De tels paramètres peuvent être
sous- divisés en « situation d’action langagière externe » et « situation d’action
langagière interne ».

En effet, la première concerne les caractéristiques du monde formel , c’est -à –dire le
monde obser vable , la deuxième se rapporte à l’ac tion intériorisée des individus , tant de
l’auteur que du destinataire .Selon Rastier (1998), le contexte linguistique, entendu
comme une zone d’extension, permet l’élargir l’information conceptuelle, sémantique et
syntactique de l’unité de signification à travers son analyse. Le contexte linguistique,
compris une zone de restrictions, se définit comme une zone de localité, étant donné
qu’un contexte n’est plus le contexte d’un mot , mais un passage du texte . Un mot peu t
certes servir à choisir un passage dans une recherche ; mais ensuite, c’est le passage qui
devient l’unité étudiée.

En conclusion, nous pensons que pour appréhender le terme dans ses multiples facettes ,
il faut observer dans son contexte extralinguistique et dans son contexte linguistique .
Nous distinguons quatre grands types de contexte , que nous considérons comme é tant
une bonne base de travail pour la « linguistique de spécialité » et qui peuvent être

350

présentés comme suit :

Contextes de spécialité

Contexte circonstanciel , factuel , ou
référentiel Identité des locuteurs ,environnements physique
,lieu et temps ou les propres sont tenus ( contexte
qui content les individus dans le monde réel )
Contexte situationnel ou para – Contexte qui détermine des rôles illocutionnaires
plus ou moins institutionnalisés ( p.ex : une
communication dans un congrès )
Contexte interactionnel Enchainement des actes de langage dans une
séquence interdiscursive .
Les interlocuteurs tiennent des rôles
proprement : proposer , objecter , rétracter .
Contexte présuppositionnel Contexte constitué par tout ce qui est égalemen t
présumé par les interlocuteurs , leus
présuppositions ou leurs croyances ,ainsi que
leurs attentes et leurs intenetions

Tableau n°02 :Types de contextes de spécialité (Blampain.D et al,2006,p240)
La société actuelle a fait de la maitrise de l’informa tion un enjeu de savoir autant que
de pouvoir . Cependant face à la profusion des sources d’information , face à
l’enchevêtrement ingérable des donnés elles -mêmes , personne n’est plus capable de
fournir un accès rapide à un élément d’information précis . Les initiatives qui visent à
élaborer une méthode automatique de gestion de l’information capable d’ordonner des
masses de donnés sont dès lors bienvenues . Dans les champs de recherche liés à
l’information textuelle électronique, et notamment la tâche de question – réponse ,
plusieurs méthodes ont vu le jour , qui permettent de confronter les donnés de la
question avec celles contenues dans un texte.

351

25. Pourquoi s’interroger sur les contextes en didactique des langues ?

L’objectif direct est ainsi de contribuer à stimuler à l’international la recherche en
didactique des langues dans les départements et unités de recherches universitaires se
préoccupant du français et du plurilinguisme ( l’ensemble des structures
d’enseignements supérieur où l’on fo rme de futurs enseignants ) . Pour cela , on cherche
notamment à monter la pertinence sociale et scientifique de quelques questionnements ,
à fournir des repères en matières de cadre épistémologique , d’orientation théorique , de
méthodologie de la recherc he , tout en tenant compte la aussi , évidemment , des
contextualisations nécessaires .

En outre, le plan le plus englobant de notre problématique est son cadre
épistémologique, au sens de l’idée que l’on fait de l’élaboration d’une connaissance (en
l’occ urrence de type scientifique ) , de son statut , de ses enjeux , de sa diffusion et de
son exploitation . Si nous envisageons la question des contextes , et d’avantage encore ,
des contex -tualisations , c’est d’abord parce que dans notre domaine se dévelop pe une
recherche de connaissance qualitative , c’est -à-dire orientée vers la compréhension des
significations que les acteurs attribuent à l’ensemble du monde social et de ses
éléments , significations par lesquelles ils interprètent les attitudes d’autrui ( leurs
pratiques et leurs représentations ) et ajustent leurs propres attitudes aux autres , à
l’environnement , en fonction de leurs objectifs de relati ons à eux – même et aux autres ,
d’action sur eux -mêmes , sur l’autre et sur le monde .

S’interroger sur les contextes en didactique des langues , c’est développer une
didactique contextualisée. C’est en somme envisager les phénomènes didactiques non
pas en eux et pour eux -mêmes ( encore faudrait –il pouvoir les identifier ainsi de façon
claire ) mais com me participants à des dynamiques humaines et sociales qui les
engendrent et qu’elles engendrent .

Ainsi, la politique de diffusion du français langue dans l’immédiat après les guerres
(Coste , 1984 ) accompagne le mouvement plus général de décolonisatio n, donc de
pertes relatives d’influence ( y compris linguistique ) pour la puissance occidentales ,.
Stéphane Hessel rappelle notamment qu’il s’agissait de retrouver notre influence
culturelle et linguistique, qui avait toujours été pensée de façon homog ène .

352

Cette homogénéité va perdurer , en grande partie grâce à ( ou à cause de ) la
centralisation en France ( même si , parallèlement les institutions de francophonie se
développent ) du « français langue étrangère » ( FLE ) et d’une politique
essentiel lement pensée à partir d’une logique de l’off re et non de la ( ou plutôt les )
demande (s) . En outre l’affirmation , des cette période , d’une mise en exergue de la
dimension communicative ne fait que renforcer le primât d’un point de vue «
occidental » ( donc peu marqué par l’hétérogénéité ) sur la construction de ce champ.

A partir de cette analyse de départ , on peut distinguer , de notre point de vue et très
grossièrement , des moments , dont il nous semble qu’ils font apparaître quatre focales
différents en ce qui regarde la mobilisation d’un élément ( ou ensemble d’éléments )
contextuel , celles – ci carac térisant la période en question , du point de vue des
orientations dominantes en didactique des langues en Europe , tout au moins pour ce
qui co ncerne le français.

La transformation progressive de la linguistique en « sciences du langage » et
l’inclusion dans leur champ de secteurs comme les analyses de discours et la
pragmatique modifient les rapports à l’apprentissage des langues ; c’est la p ériode ou se
développent notamment les réflexions sur l’analyse des besoins
( Richterich et Chancerel , 1977 ) ; où apparaissent des formulations comme « français
fonctionnel » ou « français sur objectifs spécifiques »….

Ce glissement de la primauté d u contexte linguistique à la prise en compte du sujet –
apprenant , socialement situé entraine aussi des modifications du contexte disciplinaire :
la didactique des langues succède à la linguistique appliquée , sur le terrain français tout
au moins et se c onstitué peu à peu comme un secteur à la conquête de son autonomie
.La relativisation de la dimension linguistique , au sens étroit du terme , entraine aussi
une forme de « dilution » , d’assouplissement de la cohérence méthodologique forte qui
prévala it dans la période précédente , ce qui se traduit notamment par un glissement de
dénomination , du terme « méthode » contraignante à laquelle il convient de se
conformer , au terme « approche » qui se définit didactiques présentées comme
d’avantage sit uées du point de vue des usages ( les « apprenants » de langues ) .

C’est ce déplacement vers celui / celle qui apprend qui conduit à interroger de manière

353

plus effective, en complément, les dimensions psychosociales des processus
d’appropriation des lan gues.

25.1. Les dimensions cognitives et le contexte ( inter ) culturel

Les années quatre – vingt et le début des années quatre – vingt –dix se caractérisent ;
du point de vue qui nous occupe , par une centration des préoccupations sur l’apprenant ,
en tant que sujet c ognitif ( dans un premier temps ) puis dans ses inscriptions et les
aspirations identitaires . Les facteurs contextuels principalement mobilisés, en
cohérence avec ces tendances , ont donc trait principalement à la construction des
connaissance et aux dimensions culturelles et interculturelles qui les accompagnent .
C’est la période ou on ( re ) découvre Vigotsky ( voir par exemple Bronkart et al .,
1985 ) et ou le terme « culture » se substitue peu à peu à celui de « civilisation » ( voir
notamment Porcher , 1986 ; Zarate , 1986 ) , ce qui se traduit notamment , en France ,
par l’introduction d’un module d’anthropologie culturelle dans des formations
universitaires de français langue étrangère qui voient également le jour à ce mome nt ,
contribuant fortement à disciplinariser le domaine de didactique du français langue
étrangère .

Les approches constructives apparaissent , dans ce mouvement , comme les plus
susceptibles de mettre en œuvre les orientations définies par ces choix con textuels :
elles mettent l’accent sur le rôle fondamental de l’apprenant de son action
d’appropriation contextualisée par son inscription culturelle , qui entraine en particulier
l’affirmation de la dimension interactionnelle comme élément incontournable des
phénomènes d’appropriation .

En effet , l’insistance sur l’interaction permet de mettre l’accent sur le développement
de l’activité cognitive de l’apprenant , de son engagement , tout en inscrivant la
responsabilité de la communication dans une dyna mique partagée avec ses
interlocuteurs. Il apparait donc cohérent que , de cette évolution , naisse une
interrogation plus précise sur la place et le rôle de la rencontre et des contacts ; contacts
d’interactants et , à travers eux , contacts de langues e t cultures , qui vont conduire à
mettre au premier plan d’autres facteurs contextuels .

354

25.2. Entre compétences plurilingues, références sociolinguistiques et didactiques
contextualisées

L’une des orientations principales , voire d’orientation majeure , qui se dessine de façon
de plus en plus affirmée en didactique des langues depuis une dizaine d’années , est
celle visant la notion de compétence plurilingue et pluri – ou interculturelle à laquelle
ont été consacrés de nombreux travaux. L’ élaboration de l’approche communicative ,
d’abord dans le domaine du FLE il ya une trentaine d’année , a commencé à modifier
fondamentalement les référents théoriques de la didactique des langues . On y a
abandonné progressivement la linguistique interne d’inspirati on structuraliste –
généraliste , qui aurait succédé pour partie à la grammaire traditionnelle d’inspiration
latine , toutes deux étayant un enseignement apprentissage mécaniste hypernormatif
dont l’objectif était la maitrise que d’un code décontextualis é sur le modèle
fantasmatique d’un locuteur natif monolingue . La notion de compétence à
communiquer a alors convoqué les travaux de Hymes ( traduit en français en 1982) ,
Austin et Searle sur les objectifs pragmatiques de la communication ( respectivemen t
traduit en français en 1970 et 1982 ) , ainsi que les premières grandes études sur les
variations des usages de diverses langues et les compétences linguistiques
variationnistes , notamment à l’instar de Labov ( traduit en français en 1976 et 1978 ) .
L’émergence de la sociolinguistique en France au cours des années soixante – dix et
quatre – vingt à accompagné ce mouvement . On y a élaboré notamment les premiers
transferts vers l’enseignement des langues de la notion de compétence variationniste , à
travers celle de didactique plurinormaliste de l’école de Rouen ( Marcellesi et H .
Romian ) . Dans un deuxième temps , a été développée au cours des années quatre –
vingt et surtout quatre – vingt -dix , l’étude approfondie des compétences plurilingues
et de s répertoires verbaux en situations sociales « spontanées » ( hors enseignement ) ,
souvent en situation de migration , avec les travaux de références de Ludi et PV de L
.Dabéne et J. Billiez , et bien sur ceux de Gumperz ( traduit en français en 1989 su r les
compétences des bi – plurilingues et PY , 2002 pour des synthéses ). Parallèlement , la
sociolinguistique s’affirme , non plus comme la seule étude des usages des langues ,
mais comme un cadre théorique renouvelé posant pour « objet » prioritaire de s sciences
du langage, les pratiques linguistiques comme pratiques sociales hétérogènes
contextualisées ( Blanchet et de Robillard , 2003 ; Blanchet , Calvet et de Robillard ,
2007 pour une synthèse ) .

355

Dès lors, selon Coste (2005) la relation entre di dactique de plurilinguisme en contexte
et sociolinguistique semble de plus en plus évidente et de plus en plus nécessaire pour la
prise en compte de la pluralité des langues, pour l’étude de leurs rapports , des
représentations auxquelles elles donnent lie u , des pratiques langagières effectives en
dehors de l’école , l’étude sociolinguistique est incontournable.

En revanche, ce basculement de la didactique du code vers celle des usages des codes ,
pour le dire de façon schématique , a produit un basculem ent du cadre théorique
principal de référence vers la sociolinguistique et , par voie de conséquence , placé la
question des contextes en première ligne . Chez Gumperz notamment , la notion de
contextualisation est primordiale , puisqu’elle revoie , d’une part , à une théorie de la
signification comme construction contextuelle ( pour un modèle global , Blanchet ,
2000 ) , et d’autre part , à la notion d’indice de contextualisation comme facteur clé de
pertinence des alternances de langues chez les bi – plurilingues . Si l’on ajoute à cela les
apports des sciences de l’éducation et de la psychologie de l’éducation sur la question
du sens des apprentissages, des tâches d’apprentissages et des compétences , c’est
l’évidence ; tout un faisceau qui converge vers la problématique de la contextualisation .
Outre les travaux se développant autour de la didactique du plurilinguisme depuis la fin
des années 1990 , ceux sur la contextualisation en didactique émergent alors (
Castellotti et Chalabi , 2006 ) , et d’abord autour de la question des cultures
d’enseignements et d’apprentissages ( Beacco et Coll ., 2005 ) .

25.3. Demandes sociales et enquêtes de terrain : Conception et enjeux en Algérie

Les enquêtes de terrain , les demandes sociales qui s’y sont perçues , constituent un
autre facteur qui a attiré notre attention sur la nécessité de développer des perspectives
de recherches , puis des transpositions didactiques , sur la contextualisation de
l’enseignement – apprentissage des compétences plurilingue s ( plutôt que « des
langues » ) .

En effet, la situation linguistique algérienne , avec toutes ses ambigüités autour de
l’identification , du statut et des fonctions des variétés linguistiques présentes , constitue
en réalité une source exemplaire de r echerches d’interrogations . La question de la prise

356

en compte des contextes institutionnels , sociolinguistiques et culturels en didactique
des langues y a fait l’objet d’une recherche qui a été dirigée dans double cadre
didactique et , sociolinguistique s , et sur les effe ts du plurilinguisme algérien
(notamment la place qu’y occupe le français ) dans l’enseignement – apprentissage des
langues dites étrangères ( anglais , espagnol , allemand ) en milieu sco laire algérien
(Blanchet et Asselah Rahal , 2007 ).

Dans le cadre théorique et pratique et de l’émergence de la problématique scientifique
de la « didactisation » du purilinguisme, les principales questions que notre
connaissance et d’autres études préalables de cette situation sociolinguistique ont été les
suivants . En situation d’interaction en classe d’une langue Lettre , y a t – il recours à
d’autres langues ? Lesquelles ? s’agit – il d’une langue première et / ou d’une langue
référence , et plus précisément de quelle ( s) variété ( s) ? Quell es sont leurs fonctions
et leurs perceptions, leurs statuts ? Y a –t- il recours au français ? quel rôle joue – t- il à
ce moment – là ? Pour quoi et comment l’enseignant bascule – t-il entre les langues ?
Comment gère – t – il ce passage d’une langue à l ’autre, y compris les formes
interlectales ? Dans quelle (s) langue (s) se font les explications et se donnent
différentes consignes ? le niveau d’apprentissage et de compétence a -t-il une réelle
influence sur le processus d’alternance en classe ?

Y – a- t-il « didactisation » du plurilinguisme algérien et de l’alternance des langues en
classe ? Ainsi, une étude a montré que ce plurilinguisme est inévitablement présent
dans la classe , même dans un contexte institutionnel qui peut lui être peu favorable ( les
programmes de l’époque fonctionnaient sur le pr incipe de la « méthode directe » .

Or , dans le contexte éducatif algérien , il apparaît que la dimension plurilingue et
pluriculturelle locale , nationale et internationale , ont été , jusqu’à cette période , mis à
l’écart , créant ainsi une sorte de co ntradiction voire de double contrainte pour les
acteurs concernés ( élèves, enseignants , inspecteurs formateurs d’enseignants , auteurs
de manuels , parents , agents du ministère ..). Cette recherche a ainsi des
recommandations de meilleure contextuali sation , d’ailleurs convergentes avec les
nouveaux programmes de langues qui étaient en cours d’élaboration pour la rentrée

357

20031 , mais plus ambitieuses et plus globales. .

Afin de mieux cerner cette contextualisation L’AUF2 a souvent lancé des appel s à
contributions dans ce sens en précisant que les études sollicitées dans cette recherche
devaient porter sur des situations diverses où la langue française est en jeu , sans se
limiter ni aux situations globalement francophones à divers degrés , ni au français lui –
même : l’étude de contexte la pluralité linguistique individuelle ou collective , l’étude
de l’enseignement – apprentissage – acquisition d’autres langues ( nationales ,
régionales , minoritaires , etc . ) , l’étude de différentes modalités i nscrites sur un
continuum entre langue objet , langue de référence , langue moyen d’enseignement –
apprentissage , s ont utiles . De la même manière , ont été bienvenues des études sur les
pratiques pédagogiques , les divers supports utilisées ( notamment les manuels ) , les
programmes et référentiels , les dispositifs institutionne ls et pédagogiques de formation ,
dés lors qu’elles posent la question des interaction entre enseignement , appropriation et
contextes dans lesquelles ils ont lieu et sont perçus . Un point important pour nous est
l’étude des représentations sociales de ces situations didactiques , de leurs contextes
des éléments qui y sont en jeu , observables chez les apprenants , les enseignants et les
divers acteurs sociaux concernés à divers titres par ces situations .

Pour mettre en évidence le rôle du contexte , nous avons jusqu’ici privilégié des
exemples neutralisant le cotexte , ce qui pourrait laisser entendre que ce dernier
n’exerce que peu d’influence sur le sémantisme de l’unité lex icale ,alors qu’au sein d’un
discours le cotexte sert le plus souvent de révélateur sémantique et d’indicateur
contextuel .

Les expériences sociales ordinaires des apprenants – et donc les rencontres , les
échanges , les occasions de communiquer qui les c onstituent – sont ancrées dans une
pluralité de contextes souvent fortement discontinus , mais aussi imbriqués entre eux ,
marqués par des façons de faire et de dire différentes . Les apprenants sont donc
confrontés d’emblée à des compétences communicatio nnelles et discursives , des
registres , des modes d’interaction pluriel . L’enjeu pour eux est de les exploiter dans
l’action communicative pour construire leur propre compétence , mais aussi de les

1 Année du lancement de la réforme éducative en Algérie
2 Agence Universitaire de Francophonie

358

identifier dans leur spécificité pour pouvoir s’y ajuste r de façon adéquate . Les activités
des apprenants, comme toute activité en société, sont localement situées : ceci a des
conséquences pour l’analyste , en l’invitant à prendre en compte le contexte dans la
description des processus acquisitionnels qui pre nnent place dans ces activités :
« Indice de contextualisation, ce terme qui traduit l’anglais contextualisation et réfère aux signes qui
permettent aux participants d’une interaction d’identifier le contexte de celle – ci , de déterminer avec qui
ils parlent et dans quel genre de discours ils vont être ou sont impliqués »
(Maingueneau.D ,1996,P48)

Certains indices ont une présence massive : le décor de l’interaction, le sexe , l’âge , les
gestes , l’habillement ( un uniforme d’officier , des haillo ns , un costume élégant …) ,
les signes d’apparence ( alli ance , médailles , badges …).
Mais il peut aussi s’agir de traits verbaux ( lexicaux , phonétiques , morphosyntaxiques ,
pragmatiques ) qui indiquent une région d’origine , un groupe social , une profession …
Seule une bonne interprétation de ces indices donne aux sujets la possibilité de se
comporter adéquatement dans les interactions . Mais la plupart du temps cette
interprétation ne s’opère pas d’entrée et en bloc , elle se construit , et parfoi s à coups de
réajustements .

On comprend dés lors en quoi une telle conception de la façon dont appréhender le
contexte est solidaire d’une conception interactionnelle de l’acquisition . Une telle
conception insiste sur le fait que :

– l’apprenant n’est pas un individu isolé mais un acteur social, membre d’un ou de
plusieurs groupes , constamment engagé dans des actions collectives : il est un être
incarné , ancré dans des contingences historiques et sociales ;
-L’acquisition n’est pas définie par des pro cessus qui s’ajustent, s’adaptent
constamment peut être le plus adéquat possible aux situations sociales où ils se
déroulent : ils sont donc situés ;
-Les processus d’acquisition ne se manifestent pas seulement dans l’interaction (qui est
donc un lieu d’ob servabilité pour les décrire ) mais se développent aussi grâce à
l’interaction ( qui est donc un moyen d’acquisition ) : ces processus ne sont donc pas
seulement situés , ils sont aussi distribués , ayant immédiatement une dimension
collective , intersubje ctive .

359

Nous insisterons donc tout au long de cette recherche sur le lien constitutif existant
entre le contexte, l’interaction et l’acquisition . A utrement dit et pour reprendre la
terminologie pédagogique1 ; « le rôle de la situation d’intégration dans l’acquisition du
langage » .

25.4. Situer le rôle du contexte

La question du contexte a fait une entrée relativement tardive dans la description des
processus d’acquisition et on peut dire qu’elle reste une d imension négligée . En effet,
tant qu’on con sidérait que le processus d’acquisition dépendaient d’une structure innée ,
se développant selon un ordre cognitif propre et autonome , que l’apprentissage (
opposé à l’acquisition ) ne pouvait qu’au mieux renforcer , le contexte ne pouvait pas
être pris e n considération comme une dimension constitutive de l’acquisition .

Par ailleurs, une série de constats a toutefois contribué à la reconsidération du
contexte : parmi eux , on peut relever la diversité des parcours d’apprenants ,
notamment l’hétérogénéi té des modalités , des comportements et des résultats de
l’acquisition d’apprenants qui auraient dû se trouver au même stade acquisitionnel . Ces
constats ont porté à s’interroger sur la façon dont le contexte pouvait intervenir dans
l’acquisition : son rô le s’en est trouvé accru , tout en restant souvent confiné à celui de
facteur « externe » intervenant davantage sur les performances que sur les processus
d’acquisition proprement dits ( Ellis , 1994) , dont les principes restaient décrits par une
approch e « interne » . Cette dichotomie rendait difficile une conception du contexte
comme constitutif des processus en jeu. Un changement de paradigme était donc
nécessaire pour que le contexte ne soit pas simplement une dimension « ajoutée » à
d’autres consi dérées comme plus fondamentales : la diffusion importante des approches
ethnographiques dans années 70 , appliquées notamment à la classe , l’attention de plus
en plus marquée envers les populations migrantes ou minoritaires et leurs profils
particuliers d ’apprenants , ainsi que le développement d’une approche internationnelle
de l’acquisition dés le début des années 80 aux Etats – Unis et en France ont contribué

1 Représentée dans notre thème de recherche et notre probléma tique

360

à la redéfinition des enjeux et des pertinences permettant de partir de prémisses
théoriques r adicalement opposées par rapport au modèle chomskyen .

En effet, la reconnaissance du rôle joué par le contexte, toutefois, s’est faite de
différentes façons, qui ne sont pas équivalentes du point de vue des postures théoriques
et méthodologiques sur lesq uelles elle repose et qui n’autorisent pas les mêmes
analyses. Il est donc important de les différencier.

Néanmoins, lorsqu’on s’interroge sur le détail des pratiques quotidiennes de tels acteurs
sociaux , on se rend compte qu’elles sont beaucoup plus co mplexes que certaines
oppositions qui ne laissent croire. Les contextes ne sont donc pas des « domaines » bien
délimités caractérisés par des relations sociales et des répertoires propres (Fishman,
1972). La question qui se pose donc , encore une fois , es t de savoir comment
appréhender cette complexité contextuelle , que ces études ne font que souligner .

Les démarches que nous venons d’esquisser sont emblématiques à la fois de la manière
dont le contexte a pu être invoqué pour rendre compte de phénomène s discontinus,
imprévus, hétérogènes et de comment la conception même du contexte peut varier .
Nous allons donc reprendre cet aspect pour expliciter et situer notre propre approche.

En outre, le contexte, au contraire, est d’abord une dimension à problématiser et à
décrire telle qu’elle apparaît dans la singularité des rencontres, des expériences sociales,
des situations particulières. Cette tâche est certes plus complexe ; mais nous faisons
l’hypothèse qu’elle est riche d’enseignements sur la faço n dont les acteurs sociaux
gèrent leur acquisition dans leur vie ordinaire.

26.Processus de contextualisation : effet de scolarisation et de déscolarisation

L’espace de l’école ,et tout particulièrement de la classe , fonctionne en tant que
contexte1 pertinent pour les activités qui y ont lieu dans la mesure où les participants
adoptent des conduites qui s’orientent vers lui et qui ainsi le configurent . A partir de ce
point de vue dynamique et constitutif , il est intéressant d’observer la façon don t l’action

1 extralangagier

361

dans un espace scolaire donne comme contexte pertinent un contexte scolaire ou un
contexte autre . Il est donc un acteur social qui est présent dans la classe , qui le
reconnaît comme se consacrant à toutes sortes d’activités scolaires ,mais qui se livre
aussi à des activités ( d’enregistrement , de prise de notes , d’observation ) qui ne
relèvent pas de l’école mais son enquête . la question se pose donc de savoir comment
les participants de la classe gèrent cette présence .

Une autre démarche est toutefois possible, elle consiste à reconnaître que l’observateur
est un participant à l’événement et que donc l’analyse doit l’intégrer comme un acteur
social parmi les autres . Il ne s’agit plus, dés lors, d’essayer de « camoufler »
l’observateur ma is de rendre compte du caractère observable , descriptible , de ses effets
configurant sur l’action . En d’autres termes , il s’agit de considérer que le chercheur est
un participant comme un autre à l’activité qu’il observe ou enregistre et qu’il doit donc
être considéré comme co –constituant l’événement avec les autres.

En outre, si la vie de classe voit se succède une foule de contextes différentes ou
d’interactions particulières, il semble bien qu’elle se déploie sur un territoire limité , qui
pourrait recevoir la définition suivante :
la classe de langue est un lieu de communication vraie mais spécifique , régie par un
contrat didactique largement implicite , qui débouche sur l’attribution de certains rôles
et une asymétrie dans la distribution et l’év aluation de la parole .
Après ces considérations générales, nous aimerions cibler plus précisément les zones de
contraintes ou de figements dictées par l’instruction scolaire à toute interaction qui s’y
déroule . De ce fait, on peut envisager les spécificités de la communication scolarité à
trois niveaux ( Gajo , 1999 ) :

-Au niveau des pôles : les activités aussi bien que les formes d’interaction semblent être
nombre limité en milieu scolaire ; en outre seront parfois spécifiques. Ceci à pour
conséquence une limitation des contextes possibles ou des structurations possibles du
contexte. Par ailleurs , au sein des formes interactionnelles , on trouve une configuration
probablement commune à toutes les options , la double énonciation ,sur laquelle nous
avons insisté abondamment. Notons encore que le terme d’activité pourrait aisément
céder sa place au terme de tâche , plus pertinent dans la vie scolaire en tant qu’unité de
base entrant dans la structuration du curriculum :

362

-Au niveau d es associations entre paroles : l’école privilégie certaines associations entre
les pôles, que nous souvent individuel que collectif. Ces cadres sont liés à des projets
didactiques qui, une fois établies, créent des attentes et pilotent l’évaluation. Toute fois,
il n’est pas sûr que les enseignants perçoivent la différence entre activité et forme
interactionnelle et , dans tous le cas ,le projet didactique semble s’attacher davantage à
la première qu’à la seconde , certainement moins facile à évaluer .
-Au niveau de la rigidité des associations entre pôles : l’école pose souvent quelque
résistance au recadrage ou au changement de contextualisation ( quand il est proposé
par les élèves ) , là aussi pour des questions d’évaluation et de programmation . Les
cadres étant largement prédéfinis, les changer signifie d’abord déconstruire et non
simplement co – construire . Quand il y a néanmoins recadrage , on assiste souvent à
une perte de projet didactique .

Cette description nous aide à mieux comprendre la façon dont nous envisageons de
saisir, de l’intérieur et dans l’interaction , la spécificité et les pressions de l’institution
scolaire . Bien souvent, nous restons au niveau de l’hypothèse ou de l’observation non
pas quantifiée mais élargie. Il nous semble tout efois devoir et pouvoir rendre compte
des mouvements allant du domaine vers le contexte, de l’institution vers l’interaction,
car ils permettent, d’une part , de mieux interpréter la localité ou la contingence des
événements scolaires et , d’autre part , d e mieux comprendre l’école en tant
qu’institution .

27. Les processus mentaux sont – ils des modules indépendants ?
27.1. Formatage de l’information : focus , contexte et interprétation

« La plupart des théories grammaticales contemporaines postulent un niveau de description des énoncés
qui renvoie au transfert d’informations en contexte. Ce niveau articule des notions telles que focus, fond,
topique ou contraste. Le recours à de telles notions est justifié par la nécessité de rendre compte de
phénomèn es d’appropriations contextuelles. On entend par appropriation contextuelle le fait que deux (
ou plusieurs ) énoncés qui partagent un même contenu et qui , chacun , présentent une forme différente ,
au plan morpho –syntaxique ou au plan prosodique , soie nt appropriés dans des contextes distincts »
(Corbin.Fet Gardent.C,2005,p15).

En psychologie cognitive, le débat sur la reconnaissance des mots est traversé par un

363

débat théorique fondamental sur la modularité de l’esprit. Les théories modulaires
conduisent à rejeter de manière radicale le rôle du contexte. Nous allons conclure notre
recherche par les présenter, peut être de manière un peu brutale compte tenu de l’aspect
provocateur qu’elles peuvent avoir pour l’intuition de lecteur expert, mais ce passage
nous semble obligatoire pour comprendre ensuite la signification des donnés que nous
présenterons au sujet du rôle du contexte.

Pour les tenant de la modularité, l’activité cognitive est assurée par des modules
spécialisés, qui ont pour rôle d’effectuer un traitement à un niveau donné (pour ce qui
concerne le langage : traitements lexicaux , traitements syntaxiques ) , sans que ce
traitement soit en quoi que ce soit influencé par les autres traitements . Un module
prend en compte le résultat d es traitements réalisés en amont pour le lexique :
traitements visuels, identification des lettres) ; il rend le résultat de ses propres
traitements au module situé en aval ( pour le lexique : après l’identification d’un mot ,
interprétation sémantique du mot ainsi reconnu ) .

Mais il n y a pas possibilité de retour, c’est – à- dire , pour continuer l’exemple du
lexique ,d’influence d’une interprétation sémantique ( une hypothèse ) sur les
mécanismes de reconnaissance du mot .Les tenants de ces théories c onsidèrent ainsi la
compréhension du langage comme une activité modulaire : les traitements réalisés à
partir de l’entrée perceptive aboutissent à l’élaboration du sens littéral , qui constitue la
sortie du module , le sens littéral servant alors d’entrée aux processus centraux qui
effectuent , quant à eux , l’ajustement contextuel ( l’interprétation du sens global ) .

Ces théories attribuent aux modules impliqués dans une activité cognitive plusieurs
propriétés centrales :
-Ils sont encapsulés, c’est -à- dire qu’ils n’ont pas accès aux informations en cours de
traitement dans les autres modules ;
-Ils sont imperméables à l’action des processus centraux, qui ne peuvent donc agir de
manière stratégique sur leur mise en œuvre , en fonction des objectifs de l a tâche par
exemple ;
-Ils sont irrépressibles : le sujet ne peut exercer de contrôle sur leur mise en œuvre, ne
peut donc empêcher leur réalisation (face à une suite constituant un mot , il est
impossible pour un sujet –lecteur de ne pas reconnaître ce m ot ) .

364

27.2. La reconnaissance des mots fonctionne parfois de manière tout à fait autonome

Il ya donc bien dans cette perspective indépendance entre les différents traitements en
jeu dans la compréhension. Il y a des interactions possibles au niveau du r ésultat des
traitements ( les entrées -sorties ) , pas au niveau des traitements eux -mêmes .
Notamment, le contexte est supposé n’agir qu’au niveau de l’interprétation , et pas de
tout au niveau de la reconnaissance des éléments du langage . S’agissant du lexique
,nous allons voir que , dans une perspective modulariste ,le module accès lexical :
-prend en compte le résultat des niveaux inférieurs ( traits visuels ,lettres ) ;
-réalise des traitements sur la base des propriétés formelles du lexique : proprié tés
orthographiques ,fréquence des mots dans la langue ;
-mais que ces traitements sont réalisés indépendamment des significations impliquées.

On peut ainsi dire que , dans ce cadre théorique , un mot est une suite de lettres, et non
une unité de signifi cation lorsque le sujet le traite pour en reconnaître la nature , c’est à –
dire pour déterminer à quel élément de son lexique mental cette suite de lettres
correspond . Ce sur quoi se fonde le module accès lexical pour effectuer un tel
traitement , ce so nt les propriétés internes ( permanentes ) du lexique, son organisation
,et non pas des propriétés transitoires , qui seraient une sélection effectuée , parmi les
propriétés permanentes ,sur la base des données contextuelles .

Un tel point de vue apparaît ra certainement comme extrême, voire extrémiste . Il
apparaitra aussi certainement comme totalement irréel à tout lecteur sensé qui analyse
un tant soit peu ce qui se passe lorsqu’il lit un texte . Pourtant , les données qui
permettent d’étayer cette thé orie existent , et sont souvent convaincantes .

27.3. Les associations verbales

Pour rendre compte des liens permanents entre les mots, la technique utilisée consiste à
présenter au sujet un mot inducteur , et à lui demander d’énoncer ,le plus rapidement
possible ,tous les mots qu’il lui viennent à l’esprit ( mots induits ) à partir d e cet
inducteur . On répète cette opération pour un grand nombre de mots indicateurs chez un
même sujet, et pour un grand nombre de sujets, et on aboutit ainsi , pour chaque mot
inducteur , à une liste des mots induits , avec la fréquence avec laquelle ils ont été

365

produits pour cet inducteur . Les tables de fréquence associative ainsi construites
peuvent aussi présenter les données sur la latence d’induction, c’est –à-dire le rang
moyen de production d’un induit pour chaque inducteur . Ces deux indices, fré quence et
latence , constituent une mesure de la face de la relation entre mot inducteur et mot
induit . Les tables de fréquence associative, ou de normes associatives, visent donc à
rendre compte des liaisons privilégiées ente les éléments du lexique. Le recueil de ces
normes a permis de montrer que ces liaisons sont très stables à travers les différents
individus, pour une langue et une culture données , mais aussi pour un même individu
lorsqu’on répète la mesure .

La théorie sous – jacente à cette techn ique est la suivante : l’accès à une unité lexicale
(un mot ) à partir d’une autre unité lexicale ( un autre mot ) rend compte d’une liaison
permanente , établie ente ces unités au cours des expériences antérieures du sujet : elle
est fortement marquée par des courants classiques en psychologie de l’apprentissage :
associationnisme et béhaviorisme . Les mots induits pouvant également avoir des
liaisons entre eux, on peut tenter d’établir, à partir des données fréquentielles, un réseau
sémantique. La représe ntation d’un tel réseau devient cependant très rapidement
difficile à gérer, compte tenu des multiples relations qui peuvent exister dans un
ensemble de mots appartenant au même champ sémantique. Une telle représentation est
également rendue difficile par le fait que les relations entre deux mots ne sont pas
forcément symétriques (un mot induit n’est pas nécessairement inducteur de son
inducteur, ou tout au moins pas nécessairement avec la même force ) , et qu’on ne
dispose d’aucune indication sur la natur e de la liaison entre deux mots .

Le contexte est une notion qui recouvre en réalité des niveaux très différents
d’opérations cognitives : une lettre dans une suite de lettres est située en contexte, et
nous avons vu que les propriétés de ce contexte , en rapport avec les règles habituel les
de composition des mots , jouent un rôle sur l’identif ication des lettres et des
mots .L’idée générale d’un texte , qu’il s’agisse d’un article de journal ou de tout un
roman, est également un contexte , dont on peut admettre intuitivement qu’il peut ai der,
s’il est bien maitrisé par le lecteur , à accélérer la lecture à certains moments, etc . Entre
ces deux extrêmes existent d’autres niveaux de contextes, relevant des relations
sémantiques et syntaxiques à l’intérieur des phrases ou entre phrases.

366

 Conclusion de la partie théorique :

Rappelons ici que nous avons proposé trois chapitres théoriques et ce afin de mieux
cerner notre problématique de départ :
1. Langues et représentations identitaires en Algérie: Histoire, évolution et
reconstitution pédagogi que
2. Le langage écrit: de la réception à la production : quel processus cognitif de la
compréhension de l’écrit et quels transferts de compétence ?
3. Écrire en situation: processus cognitif et élaboration des savoirs: quel rôle pour
le contexte?

A priori, cette liste s’ est avérée exhaustive. En effet, tout au long de cette partie
théorique nous avons essayé de cibler les points épistémologiques qui concernent le
thème de notre thèse. Néanmoins, lors de notre recherche documentaire nous avons
constaté qu’il y a d’autres aspects sous –jacents au domaine de l’acquisition du FLE et
qui nécessitent d’autre s occasions pour pouvoir effectuer d’autres types de recherches.

Ainsi nous avon s voulu démonter que notre problématique , étant nouvelle dans les
pratique d’enseignement / apprentissage en Algérie , elle détient ses origines et elle
s’appuie sur des principes qui font que cette situation d’intégration peut être un espoir
pour promouvoir l’appropriation des savoirs de manière générale et l’acquisi tion du
français langue étrangère de façon plus précise.

367

PARTIE PRATIQUE :

LA SITUATION D‟INTEGRATION DANS
L‟ACTIVITE
D‟ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE

368

LA SITUATION D‟INTEGRATION DANS L‟ACTIVITE
D‟ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE

I. Présentation générale

01.Description de l’enquête

L’objectif de notre recherche, rappelons -le, consiste à analyser l’intérêt de l’utilisation
des situations d’intégration pour l’acquisition du langage écrit et plus particulièrement
dans l’enseignement de la production écrite en français langue étrangère chez les élèves
de 03ème année secondaire série lettres et langues étrangères.

Ainsi, nous rappelons nos hypothèses :

1.Les élèves n'écrivent pas en français car ils ne comprennent pas certaines pratiques
sociales ou contextuelles représentées dans la situation d'intégration (en essayant de
représenter le monde extérieur, on propose à l'élève des situations complexes).1

2.Certains n'écrivent pas car la situation d'intégration constitue une entrave dans leur
activité d'écriture ; l’enseignant ne respecte pas les éléments constitutifs de la situation
d’intégration ce qui rend son sujet plus complexe et de ce fait cela a un impact sur la
productivité des apprenants2

3.D'autres produisent mieux à l'écrit car ils perçoivent l'importance de l'enseignement
qu'ils subissent en classe.

1 On lui dit par exemple, « tu es journaliste dans le journal de ton lycée et l’apprenant n’a jamais connu
ce genre d’activité rédactionnelle
2 Un ou plusieurs éléments sont absents du sujet d’expression écrite proposé par l’enseignant «1. Le
contexte qui décrit l'environnement dans lequel se déroule la situation. Ou 2. Les supports
d'information sur la base de cette information l'apprenant va agir. Ou 3. La fonction qui précise dans
quel but la production doit être réal isée. Ou 4. La tâche : c'est l'image de ce que l'on attend de l'élève
quand il résout une situation. Ou 05. La consigne : c'est l'ensemble des instructions de travail qui sont
données à l'apprenant de façon explicite »

369

Dans le cadre de la partie pratique de notre recherc he, et afin d’effectuer notre enquête,
nous avons rencontré le direct eur de l’éducation de AIN DEFLA et ce afin de pouvoir
réaliser plusieurs objectifs :

1. Connaître l’établissement scolaire (lycée) qui a eu les premiers résultats en français au
baccalauréat 2011 au niveau de la wilaya de AIN DEFLA ;
2. Connaître l’établissement scolaire (lycée) qui a eu les derniers résultats en français au
baccalauréat 2011 au niveau de la wilaya de AIN DEFLA ;
3. Vérifier les documents ministériels qui traitent la réforme du système éducatif
algérien depuis 2005(date de sa mise en place) ;
4. Avoir une autorisation de consultation documentaire au niveau des établissements cités
ci-haut (Annexe B) dans le but de vérifier des documents officiels dont dispose chaque
lycée concerné. De plus, cette autorisation nous permet de consulter les sujets
d’examens proposés au cours de l’année scolaire 2010 -20111
Chaque vérification doc umentaire nous permet de cerner plusieurs constats en matière
de formulation des sujets de production écrite dans des situations d’intégration.
Ainsi, nous allons établir une grille d’évaluation selon les critères officiels de
l’évaluation de l’écrit. De plus, un commentaire des résultats obtenus sera fourni afin
de proposer une vue d’ensemble pour pouvoir décrire les facteurs de réussite et les
facteurs d’échec attribués à chaque établissement.

 Pourquoi des copies d’examen qui contiennent des rédactions déjà réalisées ?

Nombreux sont les facteurs qui peuvent justifier notre choix méthodologique. En effet,
les copies d’examens représentent pour notre recherche des documents authentiques,
c’est -à dire , elles n’ont pas été conçues pour des fins d’enseignement, De plus, nous
citons les facteurs ci -dessous :

1 Y a-t-il une coordination entre la direction de l’éducation et les établissements scolaires ?

370

a). Facteur de motivation :
Comme ces copies re présentent des épreuves destinées à être évaluées, l’apprenant
tente de mobiliser toutes ses connaissances dans le but de mener au mieux sa rédaction ;

b).Facteur de mobilisation :
Autrement dit, c’est la phase pré -pédagogique pour l’élève, c’est là où il a eu le temps
de se préparer pour l’examen, il s’attend à des questions qui déclenchent son
raisonnement et ses acquis ;

c).Facteur situationnel :
C’est ce qu’on appelle les conditions1 de la réalisation de la tâche rédactionnelle à
savoir : la durée de l’épreuve, les éléments perturbateurs représentés par les enseignants
surveillants ainsi que la présence de l’apprenant – scripteur dans le groupe de classe sans
oublier l’objectif rédacti onnel (rédiger pour être évalué).

Dans cette partie de la recherche nous expliquons, d’abord, les raisons qui ont motivé
notre choix méthodologique, nous présentons également notre dispositif de recherche.

02. Justification du choix méthodologiques :

La recherche que nous avons menée s’inscrit dans la méthodologie de la recherche
« action » où le travail se fait à partir de situations professionnelles réelles2. En effet,
l’observation de classe semble être la meilleure situation didactique qui nou s permet de
mener notre recherche . Cela dans le but d’améliorer les pratiques d’enseignement3.

3.Présentation du corpus : deux établissements scolaires

3.1.Lycée Mohamed BOUDHIAF : Un ancien technicum converti en lycée
d'enseignement général . En matière de FLE, il a été classé le dernier dans la liste des
établissements second aires au niveau de la wilaya de Ain Defla

1 En plus de la consigne
2 Ici c’est l’enseignement du français langue étrangère au cycle secondaire
3 Ici c’est l’acquisition du langage écrit dans des s ituations d’intégration

371

Lors de notre visite dans ce lycée, nous avons rencontré et interrogé le directeur de cet
établissement sur plusieurs questions qui conce rnent les ressources documentaires, les
apprenants et leurs résultats, les enseignants et leur formation.

Nous avons été surpris quand on a appris que ce lycée ne dispose pas d’une
bibliothèque : en effet, aucune référence sur le FLE n’est disponible . Pour ce qui est
des apprenants, chaque année le directeur enregistre environ 45 à 48 élèves inscrits en
classe de langues étrangères. Cet effectif plét horique ne favorise guère une harmonie
dans le déroulement de l’activité d’enseignement / apprentissage dans cet
établissement.

En ce qui concerne les enseignants et leur formation, nous avons appris que parmi les
07 professeurs de cet établissement, il n’y a qu’un seul enseignant qui est licencié en
français langue étrangère, les autres sont des ingéni eurs et des techniciens. Alors
quand on a évoqué le sujet de la formation, le directeur a ajouté que rarement qu’il note
la visite pédagogique d’un inspecteur de FLE , c’est en moyenne d’une visite par 04 ou
05 ans . En revanche, comme nous le remarquo ns d’emblée, nombreux sont les facteurs
qui étaient à l’o rigine de cet échec scolaire, en matière de FLE, rappelons -le.

372

Afin d’aller plus loin dans notre recherche, nous avons demandé aux responsables de
cet établissement, de nous faire part des documents archivés ( copies d’examen
classées) qui concernent notre corpus1.

Notons ici que l’autoris ation du directeur de l’éducation nous a permis de découvrir des
faits catastrophiques. En analysant les copies d’examen de ces apprenants, nous avons
pu constater qu’il y avait des problèmes majeurs.

D’une part, les enseignants n’accordent pas d’importance à la notion de barème de
notation2 , ni celle de critère d’évaluation. Autrement dit, ces professeurs n’appliquent
pas les mêmes barèmes et critère s fournis par l’institution3.

D’autre part, il y avait même des lacunes voire des anomalies4 au niveau de la
formulation des sujets d’expression écrite : des sujets qui peuvent induire les pauvres
élèves en erreur ; il s’agit des parties de sujets de production écrite : l’enseignant
propose directement un thème5 sans qu’il y ait ni contexte situationnel, ni tâche
rédactionnelle, ni une consigne bien déterminée .

Ainsi, ce sont les raisons qui justifient l’existence des résultats catastrophique que
l’académie enregistre chaque année sans jamais vouloir détecter les facteurs qui étaient
à l’origine de cet échec abusif.

En l’occurrence, nous citons un exemple inverse, un autre établissement qui enregistre
souvent les meilleurs résultats concernan t la langue française au niveau de la même
Wilaya « AIN DEFLA).

3.2.Lycée Mohamed Abdou : Historique d’une École Normale d'Institutrices

En 1876, 11 ans après la création d'une école normale de garçons, le gouvernement
Français décide d'implanter en Algérie l'école normale pour les jeunes filles. Il a choisi

1 Les élèves d’une classe de langues étrangères .
2 Ils accordent 15 points à la CE et 05 points à l’EE .
3 12 points pour la compréhension écrite et 08 points pour l’expression écrite (document officiel) .
4 Que nous allons trai ter avec plus de précision dans une partie ultérieure de notre recherche .
5 Qui peut même être traité en expression orale .

373

comme lieu d'implantation la petite ville de Miliana. Le décret N°3893 fût signé en
1874 par Mac Mahon, ministre de l'instruction publique, des Cultes et des Beaux Arts.
Cette école va former des institutrices pour toute l'Algérie jusqu'à la création des écoles
normales d'institutrices de Constantine et d'Oran. En 1946 ,cette école deviendra le
lycée des filles et après l'indépendance , il sera baptisé le lycée des filles Moh amed
Abdou, c'est le nom qu'il porte à ce jour.

L’École Normale du département d’Alger avait été construite à Miliana, choisi pour son
site et son climat. Vers la fin du XIX° siècle, à sa construction, les bâtiments
correspondaient alors au mieux aux crit ères d’hygiène, de confort, de bonne marche,
d’études et d’agrément. Mais depuis, bien des conceptions avaient changé.

Miliana, petite sous -préfecture de province, bâtie au flanc de la montagne, gardait
encore ses massives fortifications et ses portes, do nt celle de Levacher et la double porte
du Zaccar.

374

375

La cour du lycée

376

En 1946, l'école Normale fait place à un lycée ouvert aux jeunes filles, sous le nom d'
*Alphonse Daudet*, c'est après l'indépendance qu'il sera baptisé le lycée de filles
Mohamed ABDOU.

Le lycée Mohamed Abdou était aussi collège de la 6ème à la terminale, il était dirigé
par Mme KASDALI Fettouma (première Directrice de l'Algérie indépendante"), des
professeurs en majorité Français – Egyptiens et Russes, des maîtresses et deux
surveillantes Générales d'internat et d'externat, en 1973/1974 l'établissement a connu un
changement de structures (suppression du cycle moyen ) pour ne conserver que le
secondaire en internat.1
Actuellement il est dirigé par Monsieur Mokkadem Moha med , homme âgée de 48,
francophone, licencié en lettre arabe, ce responsable nous a fait part de l’historique de
ce monument éducatif au niveau de la wilaya de Ain Defla.

1 www.algermiliana.com . Consulté le 16.05.2013 à 12h30mn

377

En effet, les nouvelles générations de dirigeants administratifs ainsi que le res ponsable
de ce lycée prennent la relève et ce en veillant sur le bon déroulement de l’activité
d’enseignement/apprentissage.
Par conséquent, il s’agit d’un facteur psychopédago gique qui est à l’origine de cette
réussite scolaire. En revanche, le savoir e t le savoir -faire est au cœur de toute activité
notamment celle de l’enseignement/apprentissage. C’est l’objectif de départ de tout
enseignant. Et comme ce directeur est à la tête de l’établissement (ensemble des
matériaux pédagogiques) y compris les acte urs Apprenants/Enseignants qui sont au
cœur de l’acte pédagogique, il ne s’agit plus d’une centration sur l’apprenant
uniquement mais sur l’enseignant aussi, a confirmé le directeur de cet établissement.

Par ailleurs, souvent dans les discours pédagogiqu es, on a tendance à évoquer la
centration sur l’apprenant sans, pour autant, prendre en considération l’aspect
psychologique du formateur qui, sans lui, tout l’acte pédagogique, ne pourra être
réalisé. D’après Monsieur Mokadem, être à l’écoute des ense ignants, partager avec eux
leurs préoccupations est une prise en charge indispensable et constitue un élément
crucial dans la réussite de cet établissement.

En outre, les enseignants quant à eux, ont accueilli avec satisfaction la démarche de leur
supérieur hiérarchique, ce qui a engendré chez eux une prise en compte de conscience
professionnelle ce qui les a incités à mieux appliquer les directives officielles de la
refonte de la péda gogie à savoir la mise en place de l’approche par compétence s. C’est
ce que nous avons pu confirmer lors de notre analyse des copies d’examen archivés au
sein de l’établissement : un bon respect des critères de notation1 et notamment ceux
d’évaluation. Nous avons enregistré également de très bons sujets d’expres sion écrite
bien formulés et pertinents comportant ; un contexte situationnel, une tâche
rédactionnelle et une consigne précise.
Par ailleurs, à ce sujet2, nous avons interrogé le directeur de l’établissement3. Il a
donc rajouté que son lycée bénéfici e de 05 visites pédagogiques annuelles de la part des

1 Les barèmes officiels
2 Le secret de la rentabilité des enseignants
3 nous avons adopté cet historique et cet entretien avec le proviseur car ce lycée, depuis son existence
dans la wilaya de Ain Defla , est toujours classé en tête de liste au baccalaurét, en matière de frança is.
Donc , il nous semble indispensable de connaitre les facteurs sous -jacents.

378

inspecteurs de français. Ainsi, les parents jouent également un rôle majeur dans le suivi
de leurs enfants. De ce fait, la qualité des enseignements fournis est la finalité de tout
enseignant.
Cette visite/enquête nous a permis de nous interroger sur de multiples points ; sur les
représentations des enseignants et des apprenants, sur les pratiques de classe de ces
deux acteurs.
Pour cette raison, nous avons décidé de proposer deux questionnaires destinés aux
enseignants et aux apprenants et que nous présentons ci -dessous. Ce qui nous a
conduits à entamer une deuxième phase dans cette partie méthodologique.

II . Présentation du questionnaire destiné aux enseignants (Voir Annexe C)

L’objectif principal de ce questionnaire est de vérifier la place qu’occupe l’écrit, dans
des situations d’intégration, dans l’enseignement du français au secondaire algérien.
Ainsi, il nous permet de cerner les facteurs qui entravent l’écrit dans les classes
terminales notamment ceux qui sont dus à la formation des enseignants au sein de la
pédagogie de projet.

01.Présentation des questions

Nous avons réparti les questions destinées aux enseignants en deux catégories :
-Des questions sur les représentations qu ’ont les enseignants vis -à vis l’apport des la
pédagogie de projet. Quelle différence perçoivent -ils par rapport à la pédagogie par
objectifs ?
-Des questions sur les pratiques de classe. Cette partie vise à cerner la place qu’occupe
l’écrit dans l’évalu ation et dans l’enseignement effectué.

A-Établissement : IL importe de mentionner le nom de l’établissement pour vérifier si
on a affaire à des enseignants qui viennent de différentes destinations de la wilaya de
Ain Defla (villes et régions rurales)
B-Age :, c’est ce qui fait la différence entre le novice et l’expert
C-Expérience professionnelle : C’est une composante qui a un impact sur la

379

compétence de l’enseignant à savoir la maîtrise de l’acte d’enseignement

 1.1.Questions sur les représentations :
01-Que pensez -vous de l’enseignement du français en Algérie
-nécessaire
-progresse
-régresse
-autres

01. Les enseignants doivent exprimer leurs avis quant à l’enseignement du français en
Algérie. En effet, en fonction des changements pédagogiques que subit l’acte
d’enseignement , dans le cadre de la réforme du système éducatif algérien, il doit y
avoir un impact sur cette activité. Donc par cette question, on porte un jugement sur la
qualité de l’e nseignement

02-Quel est votre avis à propos de l’enseignement du français avant la réforme du
système éducatif ?
-aléatoire ;
– sans objectifs ;
-autres
02. Les enseignants sont censés j uger, en quelque sorte, la pédagogie par objectifs.
Même si, certains d’entre eux, n’ont pas eu l’occasion d’exercer les deux types
d’enseignement différents (par objectifs et pédagogie de projet), ils étaient,
certainement, l’objet d’une formation. Autrem ent dit, ces enseignants étaient au passé
des élèves qui ont appris des savoirs dans la pédagogie par objectifs, donc ils peuvent
établir une comparaison entre les deux démarches pédagogiques1

03- Quel est l’apport de cette réforme pour l’enseignement d u français langue
étrangère ?

1 Certes, ces deux actions ne sont pas les mêmes : « apprendre » n’est guère et en cas « enseigner ». Mais,
l’enseignant d’aujourd’hui est l’apprenant d’hier. Et comme nous l e savons tous, les deux activités se
font au sein de l’établissement scolaire : ce même individu est toujours acteur dans cette école : il a
changé de position, il a changé de rôle, d’objectif, de démarche, de dispositif….. or l’institution demeure
la mêm e. A notre avis, nous semble t -il, les enseignants, sont les seules personnes qui puissent vivre ce
processus de transformation. Et de ce fait , ils puissent comparer ce qu’ils accomplissent comme tâche
avec ce qui a été exercé par leurs enseignants lors qu’ils étaient apprenants.

380

03. Les enseignants doivent cerner l’apport de la réforme éducative en matière
d’enseignement. Comment l’enseignant se perçoit -il dans son exercice de l’acte
d’enseignement ?, plus libre ?, prend en compte les besoins de se s apprenants ?.
éclectique ?, varie les supports didactiques et les situations pédagogiques ?.

4-Que pensez -vous des sujets de production écrite proposés au baccalauréat ?
-Ils facilitent la tâche rédactionnelle
-Ils répondent aux critères de la pédagog ie de projet
-Autres
04. Dans cette question, il y a deux réponses proposées, l’enseignant doit opérer un
choix ou exprimer son avis personnel libre.

 1.2.Questions sur les pratiques de classe :

05-Quelles sont les parties que comporte une épreuve de français au secondaire
algérien ?
05. Les enseignants doivent cibler et déterminer les parties que comporte une épreuve
écrite de français langue étrangère au cycle secondaire : à savoir la partie de la
compréhension de l’écrit et la partie de l’expressi on écrite

06-Pour l’enseignement de l’écrit, décrivez votre activité en classe (comment vous
faites) ?
06.Cette question concerne la compréhension et l’expression de l’écrit car ces deux
composantes constituent l’ensemble du langage écrit. Cette ques tion vise deux objectifs.

D’une part, cert ains enseignants croient que quand on traite l’écrit on vise uniquement
l’activité de rédaction. C ela est jugé faux, à notre avis, à partir du moment où dans la
compréhension de l’écrit , l’enseignant propos e toujours un modèle d’écriture, c’est une
phase très importante voire cruciale dans le processus d’acquisition du langage écrit.

D’autre part, cette question consiste à décrire l’activité d’enseignement de l’écrit.
Chaque enseignant est censé proposer un texte qui représente un type textuel déterminé.
Certes l’objectif d’enseignement/apprentissage de la séance est de comprendre ce texte

381

mais il s’agit également de découvrir les moyens linguistiques qui le caractér isent par
rapport aux autres types de textes, qui sont des moyens à exploiter ultérieurement dans
des rédactions. Quant à l’expression écrite proprement dite, il y a souvent un sujet
comportant une consigne d’écriture qui incite à reproduire un texte dé jà étudié en classe
en compréhension de l’écrit

07-Quand est -ce que vous procédez à l’écrit ? (Les moments dans le projet)
07.Il s’agit de déterminer les moments dans lesquels l’enseignant aborde le domaine
de l’écrit avec ses apprenants :
-La séanc e de compréhension de l’écrit : moment de découverte linguistique
-Les différents sujets d’expression écrite : en fin de chaque séquence qu’on appelle les
productions écrites intermédiaires. A la fin de chaque projet (évidemment dans la
dernière séquence), il y a ce qu’on appelle l’expression écrite finale.

08-Comment concevez – vous une séance de production écrite ?
08. La conception d’une séance de production écrite nécessite, comme toute activité
d’enseignement, un travail pré -pédagogique, l’enseignant doit très bien cerner le sujet
de cette production qui doit être proposé aux apprenants et ce afin d’atteindre son
objectif rédactionnel . Cette séance commence souvent par une phase orale dans
laquelle les apprenants discutent le sujet avec leur enseign ant, ils en cernent les mots
clés, propose un plan…

Par ailleurs, l’apprenant doit écrire en classe en essayant de répondre à la consigne et en
exploitant la même durée qui va lui être accordée le jour d’un examen officiel. Il est à
noter que certains enseignants demandent à leurs élèves de rédiger à la maison afin
d’avoir plus de temps consacré à la réflexion. Certes, cette méthode1 permet à
l’apprenant d’exploiter différents moyens pédagogiques tel que le dictionnaire,
interroger une tierce pers onne (parents, camarades…), mais l’inconvénient de cette
méthode réside au niveau de l’habitude que va acquérir l’apprenant dans ses activités
d’écriture ; il s’habitue aux aides extérieures qu’on appelle les auxiliaires pédagogiques.
De ce fait, le jo ur d’une épreuve officielle, dépourvu de ses auxiliaires, de ses aides, il
se sent handicapé, incapable de rédiger. Par conséque nt, il doit interpeler ses

1 Nous utilisons ce mot au sens le plus large

382

connaissances antérieures.
09-Comment préparez -vous une épreuve écrite conçue pour un examen ? (Qu els critères
à prendre en considération)
09. Les enseignants doivent proposer leur conception personnelle quant à la préparation
d’une épreuve écrite évaluée en examen. Donc, on vise les critères de formulation et
non pas les critères d’évaluation. Il s’agit, selon les textes officiels, de cibler les points
suivants :
-intentionnalité qui doit guider la réalisation de l'écrit;
– les éléments de la situation de communication;
-l'objet du discours .

Autrement dit : le contexte thèmatique, la tâche rédactionnelle et la consigne .

10-Proposez un sujet personnel pour une production écrite d’un examen.
10.Chaque enseignant doit proposer un sujet d’expression écrite , notons ici qu’on n’a
pas déterminé le niveau, le projet et la séquence . L’objectif est de formuler un sujet
d’expression écrite pertinent (peu importe sa place dans les enseignements et les
apprentissages).

11. D’après votre expérience d’enseignement, est -ce que vous pensez que tous les
apprenants répondent au sujet d’une épreuve écr ite au baccalauréat ?
-oui
-non
11.Dans cette question l’enseignant doit opérer un choix en optant pour « oui » ou
« non », il doi t donc infirmer ou confirmer une affirmation qui est : Tous les apprenants
répondent au sujet d’une épreuve écrite au baccalauréat.

12- Comment expliquez -vous :
-l’absence de rédaction ? (les apprenants ne rédigent pas)
-la rédaction « o » zéro ? (Rédaction hors sujet ne répondant pas aux critères de cette
épreuve)
12.Les enseignants doivent expliquer l’absence de rédaction et la rédaction « 0 » zéro :
– pour ce qui est de la première, l’apprenant se trouve face à un sujet pour lequel il fait
preuve de compréhension mais il ne possède pas les moy ens linguistiques

383

indispensables à la rédaction
-En ce qui concerne la rédaction zéro, l’élève ne comprend pas le sujet et son contexte
mais il a des moyens linguistiques autres que ceux indispensables et nécessaires à la
rédaction demandée . Alors, af in de faire preuve de maîtrise et de compétence
langagière, l’apprenant réalise un panorama de paragraphes mais qui sont hors sujet

02.Conditions de passation :

Dans le cadre de cette « recherche action », nous avons eu l’occasion de visiter le
service de formation des ense ignants au niveau de la direction de l’éducation de AIN
DEFLA. Le chef de service responsable de la formation nous a fourni des
renseignements quant au nombre de jours de formation consacrés pour le français
durant l’année scolaire .

En effet, les enseignants du secondaire ont droit à six jours de formation annuelle : deux
jours dans chaque trimestre. Nous pouvons donc jugé cela très insuffisant , notamment
dans les premières années de la mise en place de la réforme éducative . En outre, dans le
cadre de la passation du questionnaire, nous avons veillé à ce que l’échantill on soit
représentatif : nous n’avons pas voulu le distribue r dans un seul éta blissement car nous
trouvons, en général, 04 à 06 enseignants d e français par lycée q ui constituent ce qu’on
appelle l’équipe pédagogique.

C’est la raison pour laquelle nous avons contacté l’inspecteur de français du cycle
secondaire, p ar l’intermédiaire de la direction de l’éducation , qui nous a promis de nous
inviter lors d’un sémin aire programmé pour pouvoir effectuer notre enquête. Cette
occasion nous permettrait de rencontrer plus de 30 enseignants du cycle secondaire .
En effet, ce séminaire a eu lieu le 05 février 2013 au ly cée Malek Ibn Enabi à AIN
DEFLA

384

03.Présentation du public n° 01 :

Les plus grandes villes de la wilaya sont Khemis Miliana , Aïn Defla et Miliana , la
population d'origine zénète1 a connu de nombreux brassages: Romains , Turcs , Andalous
et Arabes . L'arabe algérien est la principale langue parlée, les dialectes berbères
subsistent dans le Dahra et dans quelques villages de l' Ouarsenis .
Notre public « enseignants » est constitué de 38 personnes repré sentant des
établissements scolaires du secondaire algérien de 08 villes de la région « Ouest » de la
wilaya de AIN DEFLA à savoir : Rouina, Bathia, Zeddine, El Amra, Ain Defla,
Bourached, Mkhatria, El Attaf .

Pour ce qui est du sexe de ces enseignants, nous avons 24 femmes et 14 hommes. 73%
de l’ensemble représente une tranche d’âge de (22 ans à 25 ans) : il s’agit de 28
enseignants. De plus, six (06) du total, soit 15,78% ont de 26 ans à 35 ans. Les 04
enseignants qui restent de l’ensemble , soit 10,52% ont un âge de 36 à 54 ans.

En revanche, nous avons 20 en seignants titulaires, soit 52,63%. Par ailleurs, 18
enseignants, soit 47,36% sont des stagiaires2

1 Les Zénètes, également appelés Zenata ou Iznaten ou Igzenaten ou Ituzinaten ou Iznassen, forment un
groupe de diverses populations amazighes au Maghreb et sont les fondateurs de plusieurs États berbères
au Maghreb , en Europe et en Afrique . Ils sont nomades et sédentaires à la fois, et ces derniers sont les
bâtisseurs des villes1. Rachid Bellil déclare « qu'il serait une erreur de dire que les Zénètes sont
uniquement nomades, car ils sont les fondateurs des villes » propos que confirment les écrits d' Ibn
Khaldoun . Ce peuple a opéré le plus grand changement du Maghreb, une grande partie des Zénètes
s'identifie aux Arabes comme le déclare Poitiron , « Les Zénètes disparaîtront vers le VIIIe siècle et qui
couvraien t le quart de l'Afrique du Nord, est un des faits les plus extraordinaires qu'ait connus le
Maghreb. La similitude de vie et de domaine amène une arabisation rapide, accélérée par le désir des
Zenata de s’anoblir, de paraître Arabes ». Ils sont arabophones et berbérophones , ces derniers ont comme
langue mère le Zénète.( www.wikipédia.org . Consulté le 16.05.2013 à 15h30mn)
2 Notons ici qu’il arrive des périodes où l’inspecteur ne titularise personne pendant 03 ans (Ce cas est
enregistré au niveau de la wilaya de AIN DEFLA , selon des sources officielles) .

385

04.Analyse et commentaires des résultats

 Q01 Que pensez -vous de l’enseignement du français en Algérie ?
Nécessaire Progresse Régresse
24 réponses 05 réponses 09 réponses
63,15% 13 ,15% 23,68 %
Il s’agit d’une première question sur les r eprésentations qu’ont les enseignants
algériens vis -à vis du français langue étrangère. Ces enseignants sont censés exprimer
leurs points de vue en choisissant une réponse de celles qui sont proposées, ou
proposer eux -mêmes leurs propres informations. En effet, 63,15% pensent que
l’enseignement de cette langue est « nécessaire », ce qui exprime le rôle crucial que
joue le français dans notre société. Ce résultat reflète une certaine prise de conscience
du rôle des langues étrangères dans notre pays. En outre, 13,15% croient que
l’enseignement de cette langue s’épanouit et son état progresse. Enfin, 23,68% du total
de notre échantillon estiment qu’ils y a une régression de cet enseignement
 Q02/ Quel est votre avis à propos de l’enseignement du français avant la réforme du
système éducatif?
Aléatoire Sans objectifs
22 réponses 16 réponses
57,89 % 42,10 %
Les enseignants sont invités à exprimer leurs points de vue vis -à vis l’enseignement du
français avant la réforme du système éducatif. En effet, 57,89% du total pensent que
l’enseignement du français est « aléatoire » voire anarchique, se fait sans planification
ou sans qu’il y ait une étude établie à ce sujet . Rappelons ici que la grande
majorité de nos enseignants a vécu le transfert des deux périodes (avant et après la
réforme de 2003 )1. En revanche , 42,10% des enseignants éprouvent une
représentation négative et croient que l’enseignement de cette langue se faisait sans
qu’il y ait une cohérence , c’est -à dire s ans qu ’il y ait une séquentialisation

1 c’est même enseignants étaient apprenants, rappelons -le , ils ont subi des enseignement selon un
modèle pédagogique différent (pédagogie par objectifs). Lorsqu’ils deviennent enseignants, ils adoptent
une autre démarche péd agogique ( celle du projet) . C’est de cet angle , que nous disons que cette mjorité
jeune a vécu les deux époques.

386

 Q03/ Quel est l’apport de cette réforme pour l’enseignement du français langue étrangère?
Tout dépend de
la région Réadaptation
des méthodes
d’enseignement
des contenus Apprendre en
définissant des
objectifs Il y a des
insuffisan
ces Socialiser
l’apprenant dans
des situations
d’intégration L’approche par
compétences Faire travailler les
élèves Autonomie dans
les
apprentissages
03 réponses 07 réponses 03 réponses 05
réponses 05 réponses 04 réponses 05 réponses 06 réponses

07,89% 18,42 % 07,89 % 13,15 % 13,15% 10,52 % 13,15 % 15,78 %

Comme nous le remarquons d’emblée, nous avons obtenu plusieurs réponses qui ont enrichi notre enquête. En effet, l’apport de la réforme
éducative dépend, selon les enseignants, de nombreux facteurs d’ordre :

1- géographique : « Tout dépend de la région » , soit 7,89%
2- méthodologique : « réadaptation des méthodes d’enseignement et des contenus »18,42% , « approche par compétences » 10,52%,
« apprendre en définissant des objectifs » soit 7,89% .

387

3- social : « socialiser l’apprenti ssage dans des situations d’intégration » , soit 13,15 %
4- pédagogique : « faire travailler les élèves » 13,15%, « favoriser l’autonomie des
apprentissages » soit 15,78%.
Ainsi les apports des cette réforme sont jugés insuffisants par certains enseignants soit
13.15 %

 Q04 / Que pensez -vous des sujets de production écrite proposés au baccalauréat?
Facilitent la tâche rédactionnelle Ils répondent aux critères de la
pédagogie de projet et d’intégration
10 réponses 28 réponses
26,31 % 73,68 %

Dans cette dernière question sur les représentations des enseignants, notre échantillon
doit exprimer son avis concernant les sujets des productions écrites proposés au
baccalauréat. En effet, 26,31% pensent que les sujets facilitent la tâche rédactionnelle,
c’est -à dire ils favorisent l’expression personnelle de l’apprenant . De ce fait, c’est le
critère thématique qui prime. Par ailleurs, 73,68% croient que ces sujets qui concernent
l’épreuve écrite répondent aux critères de la pédagogie de projet (notons ici que le
pédagogie d’intégration est au service de la pédagogie de projet) . Autrement dit, il s’agit
des sujets qui relèvent de la pédagogie de l’intégration des acquis scolaires , contenant
les éléments constitutifs suivant : une situation contextuelle, u ne tâche rédactionnelle et
une consigne bien déterminée .

 Q05/ Quelles sont les parties que comporte une épreuve de français au secondaire
algérien ?

02 parties : Compréhension de
l’écrit /Production écrite 03 parties : Compréhension de l’écrit /
Fonctionnement de la langue /
Expression écrite
28 réponses 10 réponses
73,68 % 26,31 %

388

Il s’agit de la première question dans la deuxième partie de notre questionnaire à savoir
« les pratiques de classe ». Tout d’abord, nous avons enregistré 73,68% des enseignants
qui ont affirmé qu’une épreuve de français au secondaire algérien comporte d eux
parties : la première partie : « la compréhension de l’écrit, la deuxième partie :
Production écrite » ; c’est la nouvelle conception de l’épreuve de français en Algérie.
Par contre, 26,31% de l’ensemble croient toujours qu’il y a trois parties, à s avoir : « la
compréhension écrite, le fonctionnement de la langue et la production écrite ». Cette
dernière répartition concerne les pratiques de classe avant la mise en place de la
réforme du système éducatif algérien.
En revanche, comme nous le rema rquons d’emblée, en dépit de tous les efforts fournis
par l’institution afin de promouvoir cette réforme, nous enregistrons toujours des cas
défaillants qui ont certainement des répercussions sur l’activité
d’enseignement/apprentissage et par conséquent s ur les résultats scolaires.
 Q06/ ?Pour l’enseignement de l’écrit, décrivez votre activité en classe (comment vous
faites)?
Exploitation textuelle /
Entraînement à l’écrit/
Rédaction à la maison Sujet / Etude des mots
clés /Rédaction en classe Sujet/Plan/ Rédaction à
la maison.
05 réponses 05 réponses 28 réponses
13,15% 13,15% 73,68 %

Dans cette question , nous avons demandé à nos enseignant s de décrire leur activité de
classe en matière d’écrit. Notons ici que peu d’entre eux se sont rendu -compte que la
compréhension écrite fait partie des activités qui constituent la compétence langagière
écrite à effectuer en classe ; certains enseignants ont nié la compréhensi on écrite de
leurs pratiques écrites.

Néanmoins, 13,15% ont affirmé qu’ils proposent une exploitation textuelle, ils
élaborent une séance d’entraînement à l’écrit puis ils passent à la rédaction.

Par ailleurs, un autre groupe soit 13,15% conçoit l ’activité d’écriture comme étant une

389

activité qui se base sur la proposition d’un sujet en étudiant les mots clés et en
élaborant un plan . Enfin, l’élève est appelé à rédiger en classe .

De plus, une autre catégorie d’enseignant soit 73,68% pense qu e l’enseignement de
l’écrit contient nécessairement un sujet, exige un plan puis une rédaction à la maison.

Comme nous le remarquons, a priori, peu d’enseignants intègre « la compréhension de
l’écrit » dans leur enseignement de l’écrit. Autrement di t, nombreux sont les
enseignants qui proposent un texte dans une séance de compréhension de l’écrit mais de
manière séparée comme activité détachée et non pas intégrée dans une séquence
d’enseignement/apprentissage . C’est -à dire, ils proposent ce texte car il faut effectuer
une séance de compréhension écrite ; séance qui fait partie du programme mais sans
qu’il y ait la moindre relation avec les activités de l’écrit . Autrement dit, sans qu’il y ait
une séquencialisation (opération que doit réaliser le d idacticien) .

Donc ils choisissent un texte pour le type de cette activité uniquement 1sans prendre
en considération la notion de transfert de compétences. Donc ce n’est pas un texte
considéré comme modèle linguistique à imiter ou à reproduire dans les séances de
l’écrit.

De ce fait nous pouvons constater que peu d’en seignant assimilen t l’aspect linguistique
et cognitif qui existe nt entre les compétences langagières d’où la notion de transfert de
compétences.
Par conséquent, nos apprenants ne peuvent pas acquérir malheureusement les moyens
linguistiques indispensables à la rédaction de leurs textes . Ils produisent un modèle
pour lequel ils n’ont pas eu la moindre idée , à savoir les matériaux linguistiques .

1 C’est -à dire la compréhension de l’écrit

390

 Q07/ Quand est -ce que vous procédez à l’écrit (Les moments dans le projet)?
03 moments dans le
projet :Évaluation
diagnostique /
Compréhension écrite/
Production écrite 03 moments
dans le projet :
à la fin de
chaque
séquence Évaluation diagnostique/
compréhension de l’écrit : 1er
jet, production intermédiaire,
production finale dans la
séquence : trois (03) fois dans
le projet = 15 moments dans le
projet A la fin du
projet
(01
moment)
12 réponses 08 réponses 08 réponses 10 réponses
31,57% 21,05 % 21,05% 26,31 %

Enseigner /Apprendre une langue nécessite obligatoirement
l’enseignement/apprentissage des quatre compétences. Dans un système qui se base
sur l’écrit, on traite toujours toutes les compétences langagières sans se rendre compte.
Mais quand -est ce que l’enseignant doit -il se rendre compte qu’il fait de l’écrit avec
ses apprenants ? Est -ce uniquement dans les séances consacrées pour cette tâche ? Où
d’autres activités sont prises en compte dans l’élabo ration d’un processus d’écriture. Ce
sont les questions majeures sur lesquelles se base la question n°07. En effet, 31,57%
disent qu’il font de l’écrit dans la séance de l’évaluation diagnostique(test écrit), la
compréhension écrite et l’expression écrite. En revanche,21,05 %affirment avoir
effectué cette séance à la fin de chaque séquence, 26,31% à la fin du projet et enfin un
autre groupe soit 21,05% ajoute qu’il fait de l’écrit dans les moments suivants :
évaluation diagnostique, la compréhension écri te, dans la séquence(01er jet, 02ème jet,
03èmr jet) puis 03 productions séquentielles dans le projet .

391

 Q08 / Comment concevez -vous une séance de production écrite?
Proposer un
sujet en
situation
d’intégration Entraînement à
l’écrit/Producti
on écrite/
Compte -rendu
de la
production
écrite Activité à faire
à la maison Présentation
du
sujet/Explicati
on des mots
difficiles/
Rédaction à la
maison Proposer un
texte modèle
en
compréhension
de l’écrit
(séance de
découverte) /E
ntraînement à
l’écrit /
Rédaction en
classe Proposer un
01er jet qui sera
amélioré au fur
et à mesure des
progressions
dans les
apprentissages Texte modèle
en CE/
Production
progressive :
les 03 jets de la
séquence/Réda
ction en classe/
Comte –rendu
de la PE/
Amélioration
collective
d’une
production
écrite Abstention
05 réponses 03 réponses 07 réponses 04 réponses 05 réponses 06 réponses 05 réponses 03 absences de
réponses
12,50 % 07,50% 17,50% 10 % 12,50% 15 % 12,50 % 07,50%

392

A partir de cette question , nous avons pu obtenir plusieurs réponses. Les enseignants
étaient invités à présenter leur propre conception pour une séance de production écrite.
En effet, 12,50% pensent qu’il faut proposer un sujet en situation d’intégratio n.

En revanche, 7,50% conçoivent l’écrit comme étant une étape d’un entraînement à
l’écrit, une production écrite puis un compte -rendu d’expression écrite.

Par ailleurs, un autre groupe soit 17,50% pensent qu’il faut écrire à la maison pour
avoir plus de temps. Un autre groupe, soit 10% croient qu’il faut présenter un sujet en
expliquant les mots difficiles puis une rédaction à effectuer en classe.
Ainsi, 12,50% des enseignants préfèrent proposer un texte modèle en compréhension
écrite qui s erait considéré e comme une séance de découverte linguistique du modèle à
imiter en production écrite.
En outre, 15,78% pensent qu’il faut proposer un 1er jet qui sera it amélioré par les
apprenants au fur et à mesure des apprentissages et de la progressio n dans le
programme.

De surcroit , 07,89% affirment avoir proposé un texte modèle en compréhension écrite
puis il y a une production progressive (les 03 jets de la séquence) qui engendre une
rédaction finale en classe suivie d’un compte -rendu d’expres sion écrite et une
amélioration collective d’un production écrite .

Une autre catégorie d’enseignants, soit 07,50%., s’abstient et n’arrive pas à avoir une
conception claire pour cette séance et préfère ne pas proposer une réponse afin de
joindre une position de neutralité selon eux. Si ce n’est pas la compétence qui leur
manque .

Comme nous le remarquons d’emblée, la conception pédagogique d’une séance
d’expression écrite est différente et change d’un enseignant à autre car l’objectif de
l’écrit n’est pas bien assimilé de la part des enseignants ; faut -il écrire pour remplir,
réécrire, rédiger pour être corrigé et de ce fait progressé ; apprendre à écrire,
communiquer, transmettre ses id ées ou encore être pragmatique…

393

 Q09/ Comment préparez -vous une épreuve écrite conçue pour examen (quels critères à
prendre en considération ?)

Un bon thème actuel
(Un critère thématique) Contexte /
Tâche/
Consigne L’apprenant doit rédiger en
suivant le modèle étudié en
classe en Compréhension de
l’écrit
06 réponses 22 réponses 10 réponses
15,78 % 57,89 % 26,31 %

Notons ici qu’il s’agit des critères d’élaboration qui vont devenir des critères
d’évaluation à la fin de l’activité de rédaction après la réalisation de la tâche
rédactionnelle. Les enseignants doivent mentionner les critères à prendre en
considération lors de la préparation d’une épreuve écrite conçue pour une épreuve
d’examen. Pour certains enseignants soit 15, 78% une épreuve pertinente est celle qui
comporte un thème act uel (critère thématique).

En revanche, 57,89% de l’ensemble pensent qu’il faut se baser sur trois points dans la
formulation de ce sujet, à savoir : le contexte, la tâche rédactionnelle et la consigne.

Par ailleurs, 26,31% croient que les élèves doivent rédiger en suivant le modèle textuel
étudié en classe dans la séance de la compréhension de l’écrit (critère textuel ,
typologique).

 Q10/ Proposez un sujet personnel pour une production écrite d’un ex amen?
Nous avons obtenu 34 réponses, c’est -à dire 34 propositions de sujets personnels de
production écrite. Par ailleurs, nous avons enregistré 04 abstentions (absences de
réponses)
Grille n° 0 1:Analyse des citères d ’élaboration d’un sujet d’expression écrite
( Les sujets proposés dans la colonne gauche relèvent des réponses données par les
enseigants interrogés : Voir annexe G/ question n° 10 ).

394

Le sujet A un lien avec
la thématique
du
programme
de la 03ème
année
secondaire Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme Est précis et
clairement
formulé Élaboré dans
une langue
correcte Favorise
l‟expre ssion
personnelle
du candidat
(thème
motivant) Comporte une
situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne
1.Certains
pensent que le
progrès
scientifique et
technologique
ne possèdent
que des
avantages.
Rédigez un
texte
argumentatif
dans lequel
vous présentez
votre point de
vue à l’aide des
arguments.

Oui Oui Oui Oui Oui oui Oui

395

2.Vous êtes
membre dans la
société de la
défense de
l’apprentissage des
langues étrangères.
Vous essayez de
sensibiliser vos
camarades sur la
nécessité et
l’importance de
ces langues.
Rédigez un texte
dans lequel vous
utilisez des
arguments
convaincants .

A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire
-non

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui
A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme
– oui :
argumenter
pour
convaincre
Est précis
et
clairement
formulé

-non

Élaboré dans
une langue
correcte

-non :
« société »
Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

Non
Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de ;
tâche ,
contexte et
consigne

396

03. L’internet est
un moyen de
lecture. Dans un
court paragraphe,
rédigez un court
texte argumentatif
dont lequel vous
parlerez des
avantages de
l’internet. A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui
Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-non :
paragraphe
ou texte ? Élaboré dans
une langue
correcte
-non : parler
ou écrire
-L‟internet –
« Internet » Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte
-consigne
incomplète
04. La lecture
participe à la
formation des
esprits et au
développement de
la personnalité
chez l’enfant.
Écrivez un court
texte argumentatif
dans lequel vous
présentez votre
point de vue.
A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire
-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

Oui Élaboré dans
une langue
correcte

-non :
contribue au
lieu de
participe

Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte

397

05.Le sport est
activité physique
qui permet à
l’homme d’avoir
une bonne mine.
Que pensez -vous
de la pratique
régulière du
sport ?
A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui
Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

Non : « une
bonne
mine » : oral Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte
06. Auriez -vous
aimé la vie au
passé sans science
ou celle
d’aujourd’hui, la
vie actuelle avec la
technologie
A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui
Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence du
contexte et de
la tâche

398

07.Le portable est
un moyen de
communication
qui a révolutionné
le monde.
Rédigez un texte
argumentatif dans
lequel vous
défendez cette
thèse. A un lien avec la
thématique du
programme de
la 03ème année
secondaire

-oui
Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non :
dépassé Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte
08. Vous êtes
pour la protection
de la nature.
Rédigez un court
texte dans lequel
vous présentez
votre point de vue
en respectant les
consignes
suivantes :
-donnez des
arguments ;
-employez les
articulateurs
logiques ;
-utilisez les
verbes d’opinion
A un lien avec la
thématique du
programme de
la 03ème année
secondaire

-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

-non : le
mot « court » Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-plus ou
moins Comporte
une situ ation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte

399

09. Votre lycée a
été choisi pour
faire une
compétition
intellectuelle avec
un autre lycée.
Rédigez un texte
narratif d’où vous
racontez le
déroulement de
cette compétition
en utilisant des
verbes à
l’imparfait et un
verbe d’opinion A un lien avec la
thématique du
programme de
la 03ème année
secondaire

-Plus ou moins Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non : rédiger
pour qui ? A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

Non :
confusion Est précis et
clairement
formulé

-non :
narratif puis
verbe
d‟opinion (
argumentatif) Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne


contradiction
entre la tâche
« texte
narratif », et
la consigne
« verbe
d‟opinion »
10. Dans le cadre
de votre
établissement
faites le compte –
rendu objectif du
texte étudié A un lien avec la
thématique du
programme de
la 03ème année
secondaire

-non
Comporte
toutes les
composantes
de la situations
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-non Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-non

400

11.Que pensez –
vous de
l’internet ?.
Utilisez des
arguments
convaincants
illustrés par des
exemples au seine
de votre société. A un lien avec la
thématique du
programme de
la 03ème année
secondaire

-non Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

« Internet »

-seine Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-Absence du
contexte et de
la tâche
12.Rédigez un
court texte dont
lequel vous
présentez les
deux points du
moyen de
transport A un lien avec la
thématique du
programme de
la 03ème année
secondaire

-non
Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-non Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence du
contexte et de
la consigne

401

13. Les difficultés
de la langue
française A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-non

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-non Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-non
14 .L’internet est
le moyen le plus
utilisé dans notre
époque mais ce
moyens peut avoir
beaucoup
d’inconvénients.
Rédigez un texte
argumentatif dans
lequel vous
donnez votre point
de vue. A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-non : moyen
de quoi ? Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-dépassé Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte

402

15. Faut -il
interdire la
commercialisation
du tabac dans le
monde ? Rédigez
un texte
argumentatif dans
lequel vous
débattez deux
positions
différentes sur ce
sujet. A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-non : plutôt
« consommation »

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-non :
débattre
deux
positions Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-dépassé Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de
contexte
-consigne
incomplète
16.Résumez le
texte en respectant
le plan et les idées
de l’auteur A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-non Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication
-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme
-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant) :
non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-Néant

403

17. Les livres, les
revues, les
journaux sont
disponibles
partout. Cependant
les gens ne lisent
que dans des
moments bien
rares. Rédigez un
texte argumentatif
dans lequel tu
incites les gens à
lire d’avantage A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte


« d‟avantage »

Favorise
l‟exp ression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-dépassé Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence du
contexte et
consigne
incomplète
18.L’internet est
omniprésent dans
la vie quotidienne
de l’homme.
Rédigez un texte
informatif dans
lequel vous
présentez ce
phénomène A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui
Est précis
et
clairement
formulé
-oui Élaboré dans
une langue
correcte
-l‟internet est
un
phénomène Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-dépassé Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expr ession
et une
consigne
-consigne
incomplète

404

19. La technologie
a apporté un
élément d’aventure
dans notre vue.
Réfutez cette thèse
en donnant des
arguments A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non ; pour
qui ? A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-non : élément
d‟aventure ?
-Vue ou vie ?

Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de la
tâche et la
consigne est
incomplèt
20.En feuilletant
un magazine et
vous êtes tombés
dans une annonce :
un adolescent de
votre âge cherche
un correspondant.
Rédigez une lettre
dans laquelle vous
entaminez une
correspondance A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-non (sauf la
lettre) Comporte
toutes les
composantes
des situations
de
communication

-Non : pour
qui ? A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

Non : « et
vous êtes
tombée dans
une annonce »
-entaminez ? Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

– Consigne ???

405

21. Vous être
journaliste, rédigez
une interview de
dix questions au
maximum en vue
de faire connaître
une célébrité
(savant, sportif,
acteur) A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-non :
programme de
01ère AS Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non : à qui ?
pour qui ? Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non (dix
question
au
maximum) Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-contexte et
consigne
incomplets
22. Vous avez fait
une expérience
dans la matière de
science. Rédigez
un texte
démonstratif dans
lequel vous
présentez les
étapes de cette
expérience.
A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-Non : le
démonstratif c‟est
l‟ancien
programme avant
2003, 2ème AS Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non : à
qui ?POUR
QUI, A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis
et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-oui Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-oui

406

23. La situation
des langues
étrangères en
Algérie se dégrade
de plus en plus et
en particulier la
langue française.
Comment peut -on
expliquer cette
situation ? A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte

-non : se
dégrade de
plus en plus !!
ou de moins
en moins ? Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟express ion
et une
consigne
-contexte et
consigne
incomplets
-Absence de
la tâche
24. La violence
dans les
établissements
scolaires (au lycée)
par les élèves
envers les
enseignants.
Rédigez un texte
argumentatif en
donnant les causes
qui ont poussé les
élèves à prendre
cette attitude. A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

-la violence
« oui » Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
prog ramme
Non :
argumenter
pour donner
les
causes ???!!! Est précis
et
clairement
formulé Élaboré dans
une langue
correcte

-non : les
causes qui ont
poussé ??
OU inciter !! Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-oui Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne
-Absence de
contexte
– Consigne
ambigüe

407

25.La sécheresse
est un phénomène
naturel qui menace
notre planète .
Rédigez un court
paragraphe dans
lequel vous
présentez les
inconvénients de la
sécheresse. A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire
-oui

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication
-non : pour
qui ? A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme Est précis
et
clairement
formulé

-non : Élaboré dans
une langue
correcte

-non : les
inconvénients
de la
sécheresse Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-non : un
court
paragraphe
(primaire) situation
contextuelle,
tâche et une
consigne
-La tâche au
lycée :
rédigez un
texte

-consigne
ambigüe
26. Vous êtes
membre d’une
association de la
protection de la
nature. Faire appel
pour protéger la
nature de la
pollution
(diminuer les
échappements de
CO2, planter des
arbres) A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire
-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication
-non :pour
qui ? A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme
-oui Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte
-non :
Faire un
appel ?? ou
lancez un
appel Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-dépassé Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-Absence de
la tâche et la
consigne

408

27.La pollution de
la terre et la
dégradation de la
nature inquiètent
les dirigeants des
pays . Rédigez un
texte argumentatif
dans lequel vous
dénoncez cette
cause. A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire
-non : 02ème AS Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-Absence de
contexte
-consigne
incomplète
28.Vous êtes
journaliste, votre
employeur vous
demande
d’interviewer un
célèbre écrivain.
Rédigez une
interview avec une
célébrité de votre
choix A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire

– Non : 1ère AS
Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme
-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte
-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-non Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-absence de la
consigne

409

29. Êtes -vous pour ou
contre l’internet ?
Argumentez.

A un lien avec
la thématique
du programme
de la 03ème
année
secondaire

-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme
-Non :
argumenter
pour ??? Est précis
et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non situation
contextuelle,
tâche et
consigne :-
absence
Totale
30.D’après les
statistiques faites par
l’UNESCO, on
constate que la lecture
diminue d’une année à
une autre . Rédigez un
texte exhortatif dans
lequel vous incitez vos
camarades sur
l’importance de la
lecture. A un lien avec
la thématique
du programme
de la 03ème
année
secondaire

-oui

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

-non : incitez
vos
camarades
sur…. Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-non Compo rte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-consigne
incomplète

410

31.Dans un texte
argumentatif, vous
défendez la réaction
de l’armée algérienne
face au kidnapping
des travailleurs à
Tiguintourine(ILLIZI )
par les terroristes et en
employant des
arguments pertinent A un lien avec la
thématique du
programme de la
03ème année
secondaire
-non
« terrorisme » Comporte toutes
les composantes
de la situation
de
communication

-non A une intention
et une visée
conformes au
programme
-oui mais au lieu
de « défendre »
plutôt« décrir» Est précis et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte

-oui Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

Oui Comporte une
situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne -la
tâche : rédigez
32. Surfer sur le net
devient un moyen vital
pour les adolescents.
Rédigez un texte
argumentatif dans
lequel tu essayes de
convaincre tes
camarades des méfaits
de ce dernier. A un lien avec
la thématique
du programme
de la 03ème
année
secondaire

-oui Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui Est précis
et
clairement
formulé

-oui Élaboré dans
une langue
correcte
-non :
anaphore
« ce
dernier » est
loin du
« net » Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)
-oui Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-oui

411

33.Tu as lu ou regardé
une pièce théâtrale .
Réécris cette pièce où
tu as transformé en
dialogue A un lien avec
la thématique
du programme
de la 03ème
année
secondaire

-non : 02ème AS Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication
-non A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme
-non Est précis
et
clairement
formulé

-non Élaboré dans
une langue
correcte
-non : où tu
as
transformé
en dialogue Favorise
l‟expre ssion
personnelle
du candidat
-non

Absence de
la consigne

34. Le Mali est un pays
voisin dont l’histoire
est liée au notre donc
impérativement
l’avenir. Aujourd’hui,
il est menacé par une
crise interne qui risque
d’avoir des
conséquences néfastes
pour notre pays
(terrorisme, trafic de
drogue). Rédigez un
texte argumentatif dan s
lequel vous défendez
votre point de vue à
l’égard d’une
intervention militaire
étrangère

A un lien avec
la thématique
du programme
de la 03ème
année
secondaire

-non :
terrorisme

Comporte
toutes les
composantes
de la situation
de
communication

-oui

A une intention
de
communication
et une visée
conformes au
programme

-oui

Est précis
et
clairement
formulé

-oui

Élaboré dans
une langue
correcte

-oui

Favorise
l‟expression
personnelle
du candidat
(thème
motivant)

-oui

Comporte
une situation
contextuelle,
une tâche
d‟expression
et une
consigne

-consigne
incomplète
 Absence de réponse 04.

412

04. Q10. Commentaire de la grille n°01 : Comment un enseignant conçoit -il l’activité
d’écriture :Est- il facile d’écrire pour lui?
Telle est la question que nous avons posée à un grand nombre de participants au
séminaire de « formation » que nous avons animé. Pour la plupart d’entre eux ,
stagiaires et titulaires , la réponse était négative .

Nous avons alors proposé à ces mêmes participants d’écrire « pour eux » ce qui leur
passait dans la tête à un moment donné, ou d’écrire sur un thème tout ce qu’ils
sentaient , pensaient , en essayant de ne pas s’arrêter mais dé crire en continu .
Dans cette écriture , adressée à soi -même ou , en tout cas , non soumise à un jugement
critique de la part des autres , nous avons pu constater avec surprise qu’au bout de
quelques minutes chacun ( e) écrivait avec facilité . Cela nous amène , aujourd’hui , à
une évidence : chacun ( e ) a une pensée intérieure qui s’exprime avec les mots ; son
expérience passée , accumulée dans sa mémoire , ressurgit souvent sous forme de
phrases qu’il se dit à lui – même et retranscrira aisément sur un e feuille de papier .

D’où vient donc la difficulté, si écrire se révèle un acte facile dans le contexte évoqué
précédemment ? Retranscrire, par des mots, ce qui vient à l’esprit est effectivement à la
portée de tout scripteur. En revanche, au fond ce n’est pas « écrire » qui est difficile,
c’est -à dire l’acte, mais c’est dans la relation avec autrui qu’il y aurait , à notre sens , à
savoir les conditions de la réalisation de la tâche rédactionnelle . Dans cette relation
avec le lecteur, nous avons dé gagé une difficulté majeure, il s’agit de « la crainte du
jugement ». . Et pour échapper à ce désagrément, le refus d’écrire s’avère la solution la
plus radicale. Car écrire à autrui serait prendre le risque de susciter les mêmes
jugements critiques.

Pour se dégager de cette peur , il convient donc de transmettre son message écrit sans
imaginer derrière le lecteur ce « juge , enseignant, parent, correcteur » prêt à repérer et
sanctionner les fautes éventuelles .Car le lecteur n’est pas obligatoirement un juge ; il a
probablement lui -même ses propres inhibitions , craintes , lacunes et ses difficultés
d’écriture .Il s’agit de se situer dans un échange d’adulte à adulte .

413

En effet, nous n’avons pas de méthode rigoureuse pour faire disparaître cette crainte du
jugement de l’autre. C’est pour toutes ces raisons que nous avons enregistré les fautes1
commises dans les sujets d’expression écrite proposés par nos enseignants, de manière
spontanée et sans révision. Et comme nous l’avons remarqué, les « abstentions de
réponses » ne révèlent que le reflet de cette peur du jugement.

Rappelons ici que nous avons effectué une analyse du discours qui nous a permis d’en
tirer toutes ces conclusions.

 Q11/ D’après votre expérience d’enseignement , est -ce que vous pensez que tous les
apprenants répondent au sujet d’une épreuve écrite au baccalauréat?
Oui Non
08 réponses 30 réponses
21,05 % 78,94 %

Tout d’abord, 21,05% de l’ensemble des enseignants pensent que tous les candidats du
baccalauréat répondent aux sujets d’une épreuve écrite et rédigent leur texte. Nous
pouvons dire que ces enseignants considèrent les apprenants comme étant un public
homogène qui ne manifeste guère des différences.

En revanche, 78,94% croient qu’il y a quand même des apprenants qui ne rédigent pas
et ils ne réagissent pas par rapport aux sujets proposés par les concepteurs des épreuves
officielles. En effet, cette c atégorie d’enseignants soulève un point important voire
crucial en pédagogie et en didactique et qu’il faut toujours prendre en considération
dans les activités d’enseignement/apprentissage et qui a un impact sur la réussite
scolaire : il s’agit de l’hé térogénéité ou les différences individuelles qu’on enregistre
depuis toujours dans nos classes.

 Q12/ Comment expliquez -vous :1. l’absence de rédaction (les apprenants ne rédigent
pas)/2.la rédaction « 0 » zéro (Rédaction hors sujet ne répondant pas aux critères de
cette épreuve ?

1 Que nous avons représentées par des rubriques

414

 Q12.1. Justification de l’absence de rédaction :
01.L’élève ne sait pas rédiger 07 réponses 18,42 %
02.L’élève est faible 09 réponses 23,68 %
03.Manque de lexique 06 réponses 15,78 %
04.Absence de l’intérêt
personnel 06 réponses 15,78 %
05.Le français est une langue
difficile pour l’élève
(Représentation négative sur
la langue 04 réponses 10,52 %
06.Incapacité de rédiger dans
une langue correcte (l’élève
ne maîtrise pas la
compétence grammaticale) 06 réponses 15 ,78 %

 Q12.2. Justification de la rédaction « 0 » : Hors sujet
01.La consigne est difficile 08 réponses 21,05 %
02.L’élève sait rédiger mais
il n’a pas compris la
consigne 12 réponses 31,57 %
03.Sujet ambigu comprenant
des mots difficiles qui
bloquent l’expression de
l’élève 10 réponses 26,31 %
04. L’élève veut faire
preuve de compétence
rédactionnelle en dépit du
thème qui n’est pas motivant
et ne favorise pas son
expression personnelle. 08 réponses 21,05 %

415

Nous avons interrogé nos enseigna nts sur leur justification de « l’absence de
rédaction » dans les copies des élèves lorsqu’il s’agit d’une épreuve représentant une
évaluation sommative ou certificative. Nous avons obtenu des réponses variées, ce qui a
enrichi notre enquête.

Tout d’abord, en commençant l’analyse des résultats concernant l’absence de rédaction,
nous avons enregistré 18,42% des enseignants qui pensent que l’élève « ne sait pas
rédiger » ; c’est -à dire l’exclusion de l’existence d’un processus d’écriture chez
l’enfant. Cela est jugé invraisemblable car tout enfant scolarisé a appris les normes de
la langue écrite.

En outre, 23,68% des enseignants qualifient l’élève de « faible » ; ce lexique péjoratif,
du moins de notre point de vue, pourra it entraver l’a ctivité de l’apprenant qui
éprouvera it un sentiment de stigmatisation et de ce fait on détruit la motivation de cet
enfant.

De plus, 15,78% pensent que « l’absence de rédaction » est due à « un manque de
lexique » ; l’enfant ne possède pas les mots qui pourraient construire son texte lors de
la production textuelle. Cela arrive souvent quand il s’agit d’un thème de rédaction
étrange pour l’enfant pour lequel il n’a pas assez de vocabulaire . Donc, réellement le
référent pourra it const ituer un obstacle dans le processus d’écriture chez l’individu
lorsqu’il n’est pas familier pour l’enfant.

En revanche, 15,78% des enseignants pensent que certains élèves rendent la copie
blanche car ils sont « désintéressés » , il n’est pas important pour eux d’avoir une note
dans la matière ; donc il s’agit d’une certaine indifférence1 de la part de l’enfant vis -à
vis de l’apprentissage des langues étrangères .

Par ailleurs, 15,78% des enseignants pensent que les élèves ne rédigent pas car ils son t
« incapables de produire un texte dans une langue correcte ». Autrement dit, ces élèves
possèdent un lexique mais ils ne maîtrisent pas le fonctionnement de la langue ou le
rôle d’un vocabulaire donné. Bref, ils ne savent pas combiner les éléme nts lexicaux

1 Il n’a jamais eu une bonne note dans la ma tière, il s’est habitué ou il a échoué dans sa scolarité et il va
quitter l’école

416

afin d’obtenir une phrase grammaticalement jugée correcte.

De surcroît, d’autres enseignants, soit 10,50 % pensent que les élèves ne rédigent pas
à cause « d’une représentation négative » qu’ils ont sur le français.

En effet, nombreux sont les élèves qui ont peur d’apprendre cette langue en raison
d’une idée négative ou d’une conviction personnelle .

D’ailleurs, l’Algérie représentée par son système éducatif a déjà effectué une
expérience concernant ce suje t pendant les années 90 où de nombreux élèves ont
choisi l’anglais en croyant que c’est la langue étrangère la plus facile à apprendre.

Ainsi, les politiques linguistiques sont arrivées à imposer, en 1993, la langue anglaise
comme première lan gue étrangère enseignée en concurrence avec le français dès la
04ème année primaire, le choix étant laissé aux parents.

Cette mesure n’a pas duré longtemps ; elle a été appliquée de 1994 à 1998 dans des
établissements pilotes et à partir de 1998 elle a été généralisée dans toutes les écoles
primaires pour être abandonnée deux ans plus tard. Selon Asselah Rehal (et al , 2007) ,
l’échec de cette mesure a été prévisible même avant le début de son application : une
enquête du ministre de l’éducation na tionale a révélé que 71,07% des parents
souhaitent que leurs enfants apprennent en premier le français alors que 28,72% des
parents sont plutôt favorables à l’anglais.

D’autre part, nous allons entamer la deuxième partie de cette question à savoir l a
justification de la rédaction « 0 », c’est -à dire la présence d’une rédaction ne répondant
pas aux critères de production.

Alors, nous avons enregistré 21,05% d’enseignants qui pensent que cela est dû à « une
consigne difficile » proposée par l’ens eignant / acteur, c’est -à dire ce qu’on demande à
l’élève est jugé difficile voire impossible1 à réaliser .

1 Parfois on interroge les apprenants sur des points pour lesquels il n’y avait pas un savoir fourni en
classe durant l’année scolaire

417

En effet, 31,57 % pensent que l’élève « sait rédiger mais il n’a pas compris ce qu’on
lui demande de faire » : ici, la consigne est jugée ambigü e et imprécise1. Alors ce sont
les anaphores, ou toutes sortes de procédés de reprise employées par l’enseignant, qui
constitue un véritable obstacle dans la compréhension de la consigne.

Par ailleurs, 26,31% des enseignants pensent que l’élève es t hors sujet car ce dernier
comporte « des mots qui bloquent » l’apprenant. Alors l’enfant fournit un effort afin
de résoudre ce problème en dépit de la fausse interprétation qu’il fait autour du sens
d’un mot clé.

En revanche, 21,05% des enseignants pensent que l’élève fait preuve de « compétence
rédactionnelle » . Il veut montrer à son maître que ce n’est pas l’enfant qui ne sait pas
rédiger mais c’est l’enseignant qui s’est trompé dans son choix du thème qu i ne
motive pas l’apprenant et ne favorise pas son expression personnelle.

Afin de rendre notre étude plus représentative et dans le cadre de notre enquête, nous
allons passer maintenant au deuxième ques tionnaire que nous avons adressé aux
apprenants .

1 Parfois, on trouve dans un sujet « tu me rédiges,…. Plus loin, tu rédiges à tes camarades » / « rédige un
texte, rédige ce paragraphe »

418

III. Présentation du questionnaire destiné aux apprenants (Voir Annexe D)

01.Le choix du public :

Nous travaillons avec un public lycéen . Ce sont des apprenants de 03ème année
secondaire série lettres et langues étrangères car c’est à ce niveau que l’écrit est évalué
dans des situations d’intégration (en évaluation sommative voire certificative )

02.Justification du choix du support :

Notre projet de recherche se donne d ’emblée une tâche rédactionnelle : les épreuves
écrites au baccalauréat. En effet, ce type d’épreuve est généralement étudié en classe
dans des moments du projet pédagogique (une séance dans la séquence sous forme de
production écrite intermédiaire). Don c le choix du support est justifié par les raisons
suivantes :

-L’intérêt que porte notre public apprenant pour l’amélioration de leur niveau à l’écrit ;
-L’intérêt que porte nos enseignants qui veulent comprendre au mieux le
fonctionnement de la pédago gie d’intégration ;
-L’intérêt que porte les responsables notamment les directeurs qui espèrent que cette
recherche contribue dans la réussite de leurs apprenants. Cette réussite a urait un impact
sur les taux de réussite au baccalauréat.

03.Présentation des questions :

Nous avons réparti les questions en deux catégories :
– celles qui concernent les représentations des élèves quant à la langue française et son
enseignement en ALGÉRIE ;
-celles qui représentent les pratiques de classe, c’ est-à dire sur la manière par laquelle
les apprenants perçoivent une séance de français présentée par un enseignant en classe .

419

I- Questions sur les représentations :

1-Que pensez -vous des langues étrangères en Algérie ?
1-L’objectif de la première question est de connaître l’importance de l’apprentissage
d’une langue étrangère par rapport à la langue maternelle ;

2-Quelles sont les langues étrangères enseignées dans votre lycée ?
2-L’objectif de cette question est de citer les différentes langues étrangères enseignées à
l’école algérienne afin de montrer l’importance qu’accorde l’État algérien à
l’enseignement des langues étrangères ;

3-Selon vous, quelle est la langue étrangère la plus pratiquée en Algérie ?
3-Par cette question , on voudrait montrer la place qu’occupe le français par rapport
aux autres langues étrangères ;

4-Aimez -vous apprendre cette langue ?
4- Il s’agit d’une question fermée par laquelle on voudrait cibler la motivation des
apprenants quant à l’apprentissage du franç ais langue étrangère ;

5-Si oui, dites pourquoi ?
5-L’objectif de cette question est de citer les différents facteurs de motivation ; qu’ils
soient sociaux(le français langue de prestige), affectifs(l’amour qu’on éprouve pour une
langue), professionnels( car étudier le français fournit plus de chance dans la vie
professionnelle) ;

6- Si non, dites pourquoi ?
6-Parfois on trouve quelques apprenants qui ne sont pas motivés pour l’apprentissage
du FLE. Alors cette question révèle les différents facteurs qui constituent des
obstacles dans cet apprentissage ;

7-Que pensez -vous des enseignants de français en général ?
7- Dans cette question, les élèves vont pouvoir exprimer leur point de vue quant aux
enseignants de français : leur esprit, caractère…car souvent l’apprenant se trouve
influencé par un enseignant dès son enfance , c’est ce qu’on appelle l’enseignant

420

modèle ;

08-Que pensez -vous des enseignants de votre lycée ?
8- Cette question vise à savoir si l’enfant continue à trouver son modèle ou il est déçu
dès son arrivée au lycée car cela pourra it constituer un facteur de motivation quant à
l’apprentissage du français ;

9-Exprimez votre avis vis -à vis le programme du français en classe terminale.
9-L’élève est invité à exprimer son avis en c e qui concerne le programme de terminale
(03ème année secondaire) à savoir la quantité (nombre des séances) ou la qualité
(l’efficacité de l’enseignement qu’il subit) ;

II- Questions sur les pratiques de classes :
10-Citez les différentes activités (séances) effectuées en classe.
10-L’objectif de cette question vise à vérifier l’enseignement effectué c ’est-à dire les
types d’activité (compréhension, production, oral, écrit, lexique, syntaxe…..) par
rapport au programme officiel. Donc on tente de v érifier la conformité entre
l’enseignement prévu et l’enseignement réel ;

11-Pour les séances consacrées à l’écrit, sont -elles suffisantes ?
12-Quel est le nombre de ces séances dans le projet ?
11-12. Dans la norme pédagogique, le projet est constitué de 03 à 04 séquences, dans
chaque séquence, l’enseignant propose une séance d’expression écrite. Alors, les
premières séances de production écrite dans le projet représentent des productions
intermédiaires, et la dernière c’est la production finale.

Néanmo ins, vu la densité des programmes de français chez nous en ALGERIE,
l’enseignant n’en propose qu’une seule dans tout le projet1.
Ainsi, cela est jugé très insuffisant pour l’acquisition du langage écrit. Donc, par le biais
de la question n°11 et n°12 nous pouvons démontrer ce que nous avons expliqué ci –
haut ;

1 Certes la réponse nous semble évidente car dans les années passées, nous étions enseignante au
secondaire : pratici enne dans le domaine. Cependant, par le biais de ces questions , nous avons voulu
confirmer cette évidence : sorte d’objectivité de notre part.

421

13- Quand vous êtes face à un sujet d’examen, quelle est la tâche qui vous semble
difficile à accomplir ?
– Est-ce la compréhension de l’écrit ?
-Est-ce la production de l’écrit ?
13-L’épreuve de français est constitué de deux parties : au début, il ya un texte proposé
autour duquel l’enseignant propose des questions qui visent à vérifier la compréhension
des apprenants quant à ce t ype textuel.

En outre, il y a une deuxième partie dans laquelle on propose un sujet d’expression
écrite. En effet, les apprenants peuvent répondre aux questions de compréhension
puisque le support à interroger est le texte proposé, déjà étudié en c lasse abordant une
autre thématique1.

Or, la production écrite nécessite la mobilisation de tout un ensemble de connaissances
antérieures notamment procédurales à savoir le fonctionnement de la langue (syntaxe,
concordance de temps …) et ce afin de pouvoir a tteindre l’objectif communicatif de la
rédaction : il doit donc maîtriser la composante linguistique, sociolinguistique,
pragmatique, discursive, stratégique et encyclopédique. C’est les raisons pour
lesquelles l’apprenant se trouve dans une situation complexe qui bloque sa tâche
rédactionnelle car il doit tenir compte de l’absence de son destinataire (l’enseignant)2.

Ainsi, L’élève devient incapable de rédiger3 . Certes, cette situation ne concerne pas
tous les apprenants mais elle représente le constat que nous avons soulevé et qui nous a
incités à mener cette recherche.

En outre, rédiger en dehors d’un contexte et rédiger dans des situations d’intégration n e
nécessite pas forcément la même mobilisation de connaissances.

1 Le même type de texte, par exemple, argumentatif est étudié deux ou trois fois dans le projet et à
chaque fois on traite un nouvau sous – thème dans le but d’enrichir le bagage linguistique de l’apprenant ,
tout en restant dans le champ thématique général .
2 L’apprenant écrit pour être évalué
3 Par le biais de cette question, nous avons voulu confirmer ce rtaires représentations

422

14-Si vous avez des difficultés en production écrite, cela est dû à quoi ?
-à la compréhension du sujet ?
-à la situation d’intégration ?1

14-Parfois l’élève ne rédige pas sa production écrite car le sujet proposé par
l’enseignant est malformulé, il est donc équivoque. D’autre part, l’apprenant arrive
parfois à comprendr e le sujet (ça parle de quoi) mais il ne perçoit pas les dimensions de
l’aspect communicatif car l’enseignant a du mal à représenter certaines situations
complexes. Par exemple, l’enseignant en s’adressant aux élèves, il dit : « vous êtes
journalistes … » et l’apprenant n’a jamais fait partie d’un comité de rédaction au sein du
lycée, « vous êtes avocats… » et l’apprenant n’a jamais pris la défense de quelqu’un ….

15-Que proposez -vous pour faciliter la tâche rédactionnelle ?
15-Parfois les apprenants j ugent facile une situation d’apprentissage déjà rencontrée.
Par exemple, en expression orale ils traitent l’explication du cycle de l’eau dans la
nature. Alors, le jour de l’examen quand l’enseignant demande à ses élèves de rédiger
un texte traitant ce p hénomène naturel, les apprenants se rendent compte que les
matériaux linguistiques sont déjà acquis et il reste à respecter les éléments de la
situation de communication écrite, autrement dit, la prise en compte du destinataire
absent, l’objectif communi catif, la dimension esthétique de la langue (écrire dans une
langue correcte) .

1 Compréhension du sujet : c’est quand le sujet est univoque, ne présente aucune ambiguïté, tout est clair
pour l’élève, il n’y a pas un élément qui bloque cette compréhension.
La situation d’intégration : est le rôle que doit jouer l’apprenant dans sa rédaction en tant qu’énonciateur
qui a une intention communicative et comme acteur qui veut agir sur l’autre…, quelle tâche va -t-il
accomplir ?, quel changement, va -t-il apporter au monde qui l’entoure.. ?……

423

04.Analyse des résultats et commentaire : (Voir annexe H questionnaire des élèves)

 Q01 Que pensez -vous des langues étrangères en Algérie?
Très important Très important pour la culture
35 réponses 05 réponses
87,50 % 12,50 %

Il s’agit de la première question concernant les représentations des apprenants sur les
langues étrangères en Algérie. En effet, 87,50% du total pensent que les langues
étrangè res sont jugées « importantes », 12,50% considère ces langues comme
« importantes vis -à vis de la culture de l’individu algérien » . De ce fait nous pouvons
remarquer qu’il y a une catégorie d’enfants qui assimilent le rôle de la langue
considérée co mme moyen de communication ; élément culturel indispensable pour la
construction de la personnalité de l’être humain.

 Q02/ Quelles sont les langues étrangères enseignées dans votre établissement ?
Français /Anglais /Espagnol
40 réponses
100 %

Notre public, soit 100% affirment avoir reçu un enseignement de trois langues
étrangères à savoir ; le français, l’anglais, et l’espagnol. Donc il peut facilement
effectuer la différence entre les trois systèmes linguistiques .

 Q03/ Selon vous quelle est l a langue étrangère la plus pratiquée en Algérie?
Le français
40 réponses
100 %

Notre public, soit 100% affirment que le français est considéré comme la langue la
« plus pratiquée en Algérie » ; Ce en dépit de la coexistence des autres langues et ce en

424

raison de différents facteurs d’ordre historique1, géographique2 qui sont à l’origine de
cette place qu’occupe le français langue étrangère en Algérie .

 Q04/ Aimez -vous apprendre cette langue?
Oui
40 réponses
100 %

Les apprenants qui constituent notre public indique nt une certaine volonté voire
motivation vis -à vis de l’apprentissage de cette langue étrangère qui est le français.
Cela peut être justifié par l’omniprésence de cette langue dans tous les domaines en
Algérie à savoir : l’enseignement supérieur, la pres se francophone, le domaine socio –
professionnel qui nécessite, au minimum, une certaine connaissance et pratique de
cette langue. Pour toutes ces raisons , ils sont censés apprendre cette langue .

 Q05/ Si oui dites pourquoi,,, ?
Le travail Un rêve Signe de
culture Langue
étrangère la
plus
pratiquée en
Algérie Pour partir
en France Langue de
l’université
16 réponses 07 réponses 03 réponses 10 réponses 02 réponses 02 réponses
40 % 17,50 % 07,50 % 25 % 05 % 05 %

S’ils préfèrent apprendre le français langue étrangère, nos apprenants doivent justifier
leur choix. En effet, 40% jugent « nécessaire » l’apprentissage du FLE et ce en raison
de certaine pratique dans le milieu socio -professionnel où le citoyen algér ien se trouve
obligé de pratiquer cette langue (CV, demande , rapport de stage, compte -rendu…).

1 La colonisation fra nçaise
2 La région méditerranéenne

425

Par ailleurs, 17,50 % du total des apprenants rêvent d’apprendre cette langue en la
considérant comme langue de « prestige et de courtoisie ». En revanche, 07,50%
considèrent le FLE comme étant « un signe de civilisation et modernisation ». En outre
25% des élèves aiment apprendre cette langue car c’est la langue « la plus pratiquée en
Algérie », langue qui a laissé ses empreintes dans tous l es domaines .

Néanmoins, 05% des apprenants souhaitent « partir en France », c’est la raison pour
laquelle ils espèrent apprendre cette langue qui sera it leur unique moyen de
communication en France.

Finalement, nous avons enregistré 05% des apprenan ts qui éprouvent une certaine
prise de conscience vis -à vis le rôle que joue le FLE en Algérie, donc ils veulent
apprendre cette langue car ils se rendent compte de l’importance de cette langue qui
est pour eux « la clé d’accès aux savoirs sci entifiques et techniques à l’université ».

 Q06/ Si non dites pourquoi?
Oui
40 réponses
100 %

On n’a pas enregistré un seul cas qui ne veut pas apprendre cette langue

 Q07 / Que pensez -vous des enseignants de français en général?
Sympathique Doux Élégant Très ouvert Honnête Compréhensif
04 réponses 07 réponses 06 réponses 10 réponses 04 réponses 09 réponses
10 % 17,50 % 15 % 25 % 10 % 22,50 %

A priori , les réponses obtenues semblent être simples voire inutiles mais rappelons ici
que les élèves sont invités à exprimer leur pensée vis -à vis les enseignants de français
en général ; c’est -à dire l’idée qu’ils ont sur les enseignants comme personnes. Alors,
10% des apprenants qualifient les acteurs de l’activité d’enseignement de
« sympathiques », 17, 50 % pensent que ces enseignants sont « doux », 15% les

426

qualifient d’ « élégants », 25% des apprenants pensent que ces enseignants sont « très
ouverts», 10% d’ « honnêtes » et finalemen t 22,50% de notre public pensent que les
enseignants du français langue étrangère sont « compréhensifs ».

Comme nous le remarquons d’emblée, toutes les qualifications enregistrées et relevées
auprès des apprenants représentent un lexique mélioratif ; c’est -à dire ce sont des
qualifications qui représentent une idée positiv e sur les enseignants du FLE.

Par conséquent cette idée qu’ont les apprenants sur ces enseignants a un impact sur les
apprentissages et de ce fait on pourra it dire qu’il s’agit d’un facteur psychologique qui
est à l’origine de cet amour éprouvé pour cette matière.

Donc, nous pouvons confirmer que les élèves aiment apprendre le français langue
étrangère car ils sont motivés psychologiquement pour cet apprentissage ; la motivation
est considérée dans ce cas comme moteur des apprentissages.

 Q 08 / Que pensez -vous des enseignants de votre lycée?
Beau Compréhensif Sérieux
11 réponses 20 réponses 09 réponses
27,50 % 50 % 22,50 %

Nos apprenants trouvent que même les enseignants de leur établissement n’échappent
pas à la règle ; ils sont « beaux » (27,50%), « compréhensifs » (50%) et « sérieux »
(22,50%). Donc, nous pouvons dire que notre public est motivé pour l’apprentissage
du FLE.

 Q09 / Exprimez votre avis vis-à vis du programme du français en classe terminale?
Trop chargé Difficile Facile Abstention
15 réponses 15 réponses 06 réponses 04 Absences de
réponse
37,50 % 37,50 % 15% 10 %

427

Il s’agit de la dernière question concernant les représentations des apprenants . Mais
cette fois -ci cela concerne le programme du FLE en classe terminale. Nous avons
enregistré deux types de représentations :
a. Représentation positive représentée par un l exique mélioratif : « programme facile , soit
15% du total de notre public.
b. Représentation négative représentée par un lexique péjoratif , soit 85% :
« difficile 37,50%, trop chargé 37 ,50 %, abstention1 de réponses 10 % ».

De ce fait, nous pouvons di re que les idées des apprenants varient en ce qui concerne
le savoir académique qu’ils subissent dans les établissements scolaires dans le cadre de
la réforme éducative en Algérie.

Donc comme nous pouvons le remarquer d’après notre analyse, 85% des ap prenants
manifestent des représentations négatives vis -à vis le programme du FLE, ce qui
pourra it avoir des répercussions sur les apprentissages en matière de langue et sur leur
réussite scolaire en matière d’évaluation sommative et certificative.

 Q10 / Citez les différentes activités (séances ) effectuées en classe ?
Toutes les activités de langue : Compréhension écrite/Production
écrite/Compréhension orale/Expression orale / Lexique/
Syntaxe /Exercices /Activités
40 réponses
100%

On passe maintenant à la première question concernant « les pratiques de classe ».
Nos élèves étaient invités à citer les différentes activités effectuées en classe dans le
cadre de l’enseignement/apprentissage du FLE. Alors, tous les élèves qui constitu ent
notre public , soit 100% affirment qu’ils effectuent, en classe de français langue
étrangère, toutes les activités de langue à savoir : la compréhension de l’écrit, la
production écrite, la compréhension orale, , l’expression orale, le lexique, la syntaxe,
exercices, activités…

1 Nous considérons l’abstention comme représentation négative

428

 Q11 / Pour les séances consacrées à l’écrit, sont -elles suffisantes?
Non Oui
30 réponses 10 réponses
75 % 25 %

Nous avons enregistré 25% des apprenants qui disent que les séances consacrées à
l’écrit sont jugées suffisantes . Nous pouvons peut -être justifier cette idée par le fait
qu’il s’agit des élèves qui ont un bon niveau en Français écrit, et de ce fait ils n’ont
pas besoin d’un enseignement intensif en matière d’écrit.

En revanche, nous avons enregistré 75% de notre public qui jugent insuffisant
l’enseignement de l’écrit qu’ils subissent dans leur établissement.

 Q12 / Quel est le nombre de ce s séances dans le projet ?
Une séance dans le projet
40 réponses
100 %

L’ensemble des élèves soit 100% affirment avoir effectué « une séance consacrée à la
production écrite dans le projet pédagogique ».

Certes dans le cadre d’une recherche, notamment doctorale, nous ne pouvons sans
aucun doute généraliser un phénomène étudié dans une région, sur un pays entier.
Mais cette recherche demeure représentative ou du moins approximative , Pourquoi ?
Car dans le cas de cette question nous pouvons dire qu’en Algérie nombreux sont les
enseignants qui n’arrivent pas à effectuer plus de deux séances de production écrite
dans le projet et ce peut être justifié par la surcharge des programmes, le volume
horaire insuffisant et l’effectif pléthorique des élèves en classe .

De ce fait, les facteurs qu’on vient de citer rendent l’activité de l’enseignant difficile à
accomplir.

429

Rappelons ici que si l’élève ne bénéficie pas d’une séance consacrée à l’ap prentissage
de la langue française , il est en train de rater, par conséquent, la seule occasion, l’école,
où il est invité à pratiquer cette langue étrangère 1 .

 Q13/ Quand vous êtes face à un sujet d’examen, quelle est la tâche qui vous semble
difficile à accomplir : est-ce la Compréhension écrite ou la production écrite ?
Production écrite Compréhension de l’écrit
32 réponses 08 réponses
80 % 20 %

Nous avons interrogé nos apprenants sur la tâche qui semble être la plus difficile à
accompli r face à un sujet d’examen. Alors, nous avons enregistré 20% qui considèrent
que la partie consacrée à « la compréhension écrite » entrave leur examen : ces élèves
ne peuvent surement pas construire un sens global sur le texte lu pourtant la
construct ion d’un sens ou d’un savoir se base toujours sur les connaissances antérieures
qu’ont déjà les apprenants mais qui n’ont pas été exploitées afin d’obtenir un nouveau
sens.

Par conte, 80% d’entre eux éprouvent des difficultés en production écrite ; c’est -à dire
ils comprennent le texte lu mais ils n’arrivent pas à e n produire un autre. Souvent,
dans les examens officiels tel que le baccalauréat , on rencontre des élèves qui se
trouvent bloqués, incapables d’entamer les réponses au sujet .

Mais à la fin de la durée de l’examen, ils se débrouillent quand même afin de ne pas
remettre la copie d’examen blanche, ils fournissent peu d’effort avec le texte afin de
proposer quelque réponses de compréhension. Cependant, ils ne remettent pas leurs
productions écrites car ils éprouvent un handicap ; leur processus d’écriture ne
fonctionne plus , cela est dû, sans aucun doute, à des facteurs que nous essayons de
découvrir dans le cadre de notre recherche.

1 N’oublions pas que les élèves algériens dès qu’ils sortent de l’école, ils ne pratiquent plus le français
même si ce dernier est présent dans le paysage s ocioculturel algérien.

430

 Q14 / Si vous a vez des difficultés en production écrite, cela est dû à quoi : à la
compréhension du sujet , à la situation d’intégration ?
La compréhension du sujet La situation d’intégration
03 réponses 37 réponses
07,50 % 92,50 %

Nous avons interrogé nos apprenants sur la nature de la difficulté éprouvée lors de
l’activité de production écrite. Est -ce qu’ils n’ont pas compris « ce qu’il faut faire du
thème » (position descriptive/ narrative : le récit) ou bien ils n’ont pas a ssimilé le rôle
qu’ils jouent par rapport au thème et de ce fait la situation d’intégration (position
énonciative/ argumentative : un discours).

Rappelons ici que l’expression « situation d’intégration » relève du domaine scolaire
dont le référent est pédagogique, mais en sciences du langage nous l’appelons « la
pragmatique du discours ». Donc, afin de ne pas entamer des thèmes qui relèvent d’une
autre spécialité , nous avons voulu garder l’expression « situation d’intégration » afin de
traiter notre problématique d’un point de vue pédagogique/didactique sans nier pour
autant l’analyse du discours que nous allons effectuer dans la dernière question.

De ce fait, nous avons pu enregistrer 07,50% qui ne comprennent pas « le thème » , ce
sont des él èves qui n’ont pas peut -être des pré -requis dans le domaine de référence .

En revanche, 92,50 % affirment avoir compris les sujet proposés par leurs enseignants
mais ce qui pose problème est « l’identification du rôle que ces élèves doivent jouer
par rapport au thème » : c’est leur intégration dans le sujet d’expression écrite qui
entrave leurs productions écrites ; comment peuvent -ils se voir dans un sujet
d’expression écrite ? Sorte de p etit texte formulé par leur enseignant .

431

 Q15 / Que proposez -vous pour faciliter la tâche rédactionnelle ?
Nous avons pu répartir les réponses des élèves en deux catégories1 de réponses
 Proposition pour l’apprenant / 29 réponses soit 72,50 %

Lecture
diversifiée pour
enrichir le
lexique Rédiger en classe
et non pas à la
maison pour que
l’activité soit
contrôlée Regarder des
chaînes télévisées
françaises Utiliser un
dictionnaire
monolingue2 et non
pas bilingue3
06 réponses 11 réponses 02 réponses 10 réponses
15% 27,50% 05 % 25%

 Proposition pour l’enseignant / 11 réponses soit 27,50 %

Formuler et proposer un
sujet pertinent Ne pas utiliser un
lexique difficile dans les
sujets de production
écrite, ce qui constitue
un blocage Proposer des situations
d’intégration réelles et
non pas imaginaires
02 réponses 07 réponses 02 réponses
05 % 17,50 % 05 %

Nous avons demandé à nos apprenants de proposer des solutions afin de faciliter la
tâche rédactionnelle . Alors, nous avons en registré 29 réponses soit 72,50% destiné
aux apprenants et 11 réponses soit 27,50% destiné aux enseignants.

D’emblée, nous avons été étonnée car nous avons remarqué que les élèves se rendent
compte d’un constat : la réussite de l’activité d’apprentissage et la réussite scolaire de
manière générale incombent aux deux acteurs : enseignant et apprenant.

1 Celle des apprenants et celle des enseignants constituent le total des réponses
2 Français /Français
3 Français /Arabe

432

Pour ce qui est des propositions destinées aux apprenants, nous avons enregistré quatre
« recommandations » :

1. Lecture diversifiée pour enrichir le bagage linguistique : 15%

L’élève doit fournir plus d’efforts afin d’acquérir de nouvelles informations , c’est ce
qu’on appelle la richesse lexicale. Cette dernière ne pourra it jamais exister ou apparaître
si l’e nfant ne diversifie pas ses lectures : romans, journaux francophones,
magazine….cela permet à l’enfant de visionner plusieurs prises de position par rapport
aux auteurs de ces écrits , de détecter différents registres, différentes modalisations,
différent s styles…

2. Rédiger en classe et non pas à la maison pour que l’activité de rédaction soit contrôlée :
27,50%

Souvent, les apprenants sollicitent les enseignants afin de ne pas rédiger en classe sous
prétexte d’avoir p lus de temps pour la rédaction. C ela pourra it nuire à l’activité car
l’apprenant va produire dans d’autres conditions de réalisation qui sont absentes voire
interdites le jour d’un examen officiel tels que consulter un dictionnaire, interroger une
tierce personne….

Par conséquent, les élèves doivent s’habituer aux vraies conditions de réalisations afin
d’être objectifs dans la réalisation de leurs textes et pour qu’ils acquièrent plus de
mécanismes qui facilitent le fonctionnement du processus d’écriture.

3. Regarder les chaînes de tél évision française : 05%

En effet, avec l’expansion des nouvelles technologies de l’information et de la
communication , la conception de l’activité d’enseignement/apprentissage a
radicalement changée . Les élèves algériens se rendent compte de cette réal ité et ils
savent qu’en plus de l’enseignant, il existe d’autres moyens qui fournissent le savoir1
tels que les didacticiels, les chaînes télévisées.

1 Rôle traditionnel de l’enseignant

433

Ce dernier moyen constitue un véritable outil d’enseignement en matière d’écrit et cela
se fait de man ière1 inductive/implicite, où on apprend indirectement la langue.

De ce fait, l’élève qui s’habitue à ce genre d’auxiliaire pédagogique peut apprendre
l’écrit et l’oral du FLE. Par exemple, nombreuses sont les chaînes de télévisions
Françaises qui pr ésentent la langue de manière facile à accéder. Afin d’illustrer nous
pouvons citer : « les Frances télévisions » 2 qui présentent l a langue écrite du discours
oral présenté dans les documentaires, le journal télévisé, les films et ce afin que toute
personne qu’elle soit native ou étrangère puisse identifier les deux aspects de la langue
à savoir l’oral et l’écrit, ce qui contribue dans la formation l inguistique des
téléspectateurs par le biais des sous -titrages

Par ailleurs, le lancement officiel du site « parlons français, c’est facile » fait suite aux
célébrations du 130e anniversaire des Alliances françaises dont la mission est
l’enseignement du français et la diffusion de la culture française dans le monde. Lors
des cérémonies3, François Hollande avait évoqué la méthode d’apprentissage originale
qu’employait son grand -père instituteur « qui lui enseignait la langue, à l’aide d’un
dictionnaire ». Un dictionnaire c’est bien ! Le Web c’est beaucoup mieux !

4. Utiliser un dictionnaire monolingue et non pas bilingue :25%

Nombreux sont les élèves algériens qui utilisent un dictionnaire afin de faciliter la
compréhension, l’identification des mots voire l’apprentissage du FLE. Cette activité
s’avère indispensable pour tout apprentissage linguist ique. Or, la chose qui a attiré
notre attention, lors d’un entretien auprès des apprenants, est que la majorité d’entre
eux préfère consulter un dictionnaire bilingue : français /arabe .

Certe s, au départ cet usage semble pouvoir faciliter la com préhension , l’enfant perçoit
directement le sens mais rapidement et au fur et à mesure de la progression dans les
apprentissages, l’élève finira it par oublier le sens construit en langue maternelle.

1 Plutôt méthode dans la méthodologie audio -visuelle
2 Et bien d’autres chaînes
3 Durant le mois de juillet 2013

434

De plus, même si ce sens est mémorisé1, l’enfant ne pourra it pas l’employer dans ses
productions écrites car il s’agit de deux systèmes2 linguistiques différents. Donc,
comme nous le constatons d’emblée, cet état de fait entrave l’activité de
l’apprentissage et constitue un véritable handicap lexica l qui ne favorise guère la
production d’un texte . Mais le fait d’utiliser un dictionnaire monolingue ;
français/français facilite la tâche rédactionnelle.

Ainsi, dans le cadre de cette modeste recherche, nous allons passer à une autre étape,
dans cett e partie méthodologique. Après :

1. notre visite pédagogique à deux établissements scolaires ;
2. la distribution du premier questionnaire destiné aux enseignants ;
3. La distribution du deuxième questionnaire destiné aux apprenants ;
4. Nous passons à l’expérimentation d’une situation d’intégration que nous présentons, ci –
dessous ;

1 Dans la mémoire à long terme
2 L’arabe et le français

435

IV.Expérimentation d’une situation d’intégration

1.Présentation et déroulement de l’activité

Nous avons proposé à nos apprenants deux sujets de production écrite. L’enfant, doit
opter pour un choix en répondant aux questions qui accompagnent son sujet choisi.
Rappelons ici, que l’objectif de cette petite expérimentation est de démontrer qu’ un
sujet d’expression écrite comportant les éléments d’une situation d’intégration, à
savoir : le contexte situationnel, la tâche rédactionnelle et la consigne, favorise
l’expression personnelle de l’apprenant.

Comme nous l’avons dit plus haut 1 , nous av ons proposé deux sujets d’expression
écrite : le premier ne prend pas en considération les critères de la formulation de ce
sujet, par contre, dans le deuxième sujet, on a essayé , dans la mesure du possible, de
respecter ce qu’on appelle une activité de production écrite dans une situation
d’intégration. Ci- après , nous présentons l’activité :

 Sujet 01: (Annexe E)
« Le mariage précoce est une pratique sociale connue dans les pays du tiers -monde.
Qu’en pensez -vous ? ».

 Questions :
1. Avez -vous compris le contenu du sujet ? oui non
2. Avez -vous compris ce qu’il faut faire ? oui non
3. Dites ce que l’enseignant vous demande de faire
4. Votre rédaction ………………………………………………..

1 Dans la présentation de cette activité

436

 Sujet 02 : (Annexe F):
« Le mariage précoce était une tradition au passé. Aujourd’hui, les jeunes ne se marient
plus à un âge très jeune.Vous faites partie d’une association qui lutte contre cette
pratique sociale. Et en réponse à une fille victime d’un père autoritaire, rédigez votre
texte dans lequel vous lancez un appel à tous les parents pour les inviter à comprendre
les exigences actuelles »

 Questions :
1. Avez -vous compris le contenu du sujet ? oui non
2. Avez -vous compris ce qu’il faut faire ? oui non
3. Dites ce que l’enseignant vous demande de faire
4. Votre rédaction :……. ………. ……………………………………………………………………

2. L'élaboration d'une épreuve d'évaluation : Les qualités d'une épreuve d'évaluation à
travers une situation complexe

Dans une optique d'évaluation des compétences de l'élève, on appelle « épreuve
d'évaluation » une ou plusieurs situations d'intégration 1 à travers lesquelles l'élève
démontre sa compétence.

Ces situations répondent à plus ieurs conditions, les trois principales étant les sui vantes :
-« correspondre à la compétence à évaluer ;
-être significatives pour l'élève, c'est -à-dire lui donner l'envie de se mettre au travail ;
-véhiculer des valeurs positives ; en effet, comme elles sont des fenêtres ouvertes sur la vie quotidienne de
l'élève, elles doivent intégrer les valeurs sur lesquelles repose le système éducatif : citoyenneté, respect de
l'environnement etc » (Roegiers.X, 2003,P86) .2

2.1.Les étapes de l'élaboration d'une épreuve d'évaluation
On peut résumer par les étapes suivantes la démarche de construction d'une situation à
des fins d'évaluation :
 préciser la compétence à évaluer ;

1 Des situations complexes
2 Certes , nous sommes dans une partie pratique de la recherche. Mais, c’est à la base de cette définition
que nous avons proposé par la suite les étapes de l’ébaboration d’une épreuve d’évaluation.

437

 construire une ou deux situations nouvelles correspondant à la compétence ;
 veiller à ce que chaque critère puisse être vérifié à plusieurs reprises, de façon
indépendante (au moins trois fois, selon la règle des 2/3) ;
 rédiger soigneusement les supports et les consignes pour que la tâche à exécuter
apparaisse clairement à l'élève ;
 préciser les indicateurs que l'enseignant relèvera it lorsqu'il corrigera it la copie ;
 rédiger la grille de correction.
Voici quelques questions qui sont habituellement posées lorsqu'il s'agit de construire
une épreuve d'évaluation.
2.2.Choisir une ou deux ou trois situations ?
Nous avons vu que, l'important, c'est que chaque critère puisse être évalué à plusieurs
reprises, de façon indépendante. Trois occasions apparaissent comme un point de repère
intéressant. Dans certains cas, une situation unique suffit po ur que chaque critère puisse
être évalué à trois reprises différentes. Dans d'autres cas, il faudra recourir à deux, voire
à trois situations pour permettre d'évaluer chaque critère à trois reprises au moins.
2.3.Travailler sur une consigne unique, ou la d étailler en plusieurs consignes, ou en
plusieurs questions ?

Une consigne unique garantit que l'on a le niveau de complexité requis. On ne réduit pas
cette complexité. L'inconvénient majeur est qu'une consigne unique peut provoquer du «
tout ou rien », et handicaper les élèves qui pourraient exécuter une partie de la tâche
seulement.

Les avantages d'un ensemble de questions est de répondre à cet inconvénient, en
multipl iant les chances pour l'élève afin de pouvoir effectuer des productions
indépendantes, c'est-à-dire qui ne soient pas liées à des réponses ou à des productions
antérieures.

Il faut toutefois que chaque question garde toujours un niveau de complexité suffisant :
décomposer une question complexe en plusieurs questions revient à évaluer une suite de
savoir -faire.

438

Un autre avantage est de pouvoir orienter ces questions d'une ma nière telle que chaque
question soit davantage orientée vers un critère particulier, ce qui facilite la correction.
2.4.Faut -il garder les mêmes types de consignes que les situations travaillées
antérieurement ?
Dans les petites classes, introduire une no uvelle consigne est une chose compliquée, et
on peut reprendre la même consigne. L'important est que le contexte de la situation,
ainsi que la production attendue, soient entièrement nouveaux.

439

03.Analyse des résultats et commentaire (Voir annexe I : rédactions pour le sujet n°01)

 Sujet 01 :
 Q01/ Avez -vous compris le contenu du sujet ?
Non Abstention
60 réponses 14 absences de réponses
81,08 % 18 ,91 %

Comme nous le constatons d’emblée, 81,08% des apprenants déclarent ne pas pouvoir
comprendre le contenu du sujet car ce dernier ne contient pas une précision par rapport
au thème proposé : est-ce le mariage précoce ? les pays du tiers -monde ? ou les deux à
la fois ?

Nous traitons cette question de cet angle car les information s proposées dans cet
énoncé « le mariage précoce est une pratique sociale connue dans les pays du tiers –
monde » sont présentées de manière équilibrée ; on ne voit pas qu’il y une certaine
focalisation sur un élément par rapport à l’autre. Cet état de fait pourra induire les
apprenants en erreur voire confusion, ce qui engendre une mauvaise interprétation du
contenu.

En revanche, 18,91% des élèves n’ont pas répondu à cette question.

 Q02 : Avez -vous compris ce qu’il faut faire ?
Non Abstention
70 réponses 04 absences de réponses
94,59 % 05,40 %

En effet, 94,59% des apprenants ne perçoivent pas leur rôle par rapport au thème de ce
sujet. L’absence du « contexte » dans ce sujet d’expression écrite est à l’origine de cette
incapacité de détermin er le rôle que doit jouer l’appren ant par rapport à ce thème .

440

De ce fait il ne pourra it pas accomplir la tâche rédactionnelle qui, à son tour, ne figure
pas dans ce sujet (ce même sujet peut être proposé dans une activité orale). Les autres
apprenants soit 05,40% n’ont pas répondu à cette question.

 Q 03 : Dites ce que l’enseignant vous dem ande de faire
Abstention
74 absences de réponses
100%

La totalité des apprenants, soit 100%, ne sait pas reprendre ce qui est demandé par
l’enseignant car le fait de dire « Qu’en pensez -vous ? » nécessite une réponse positive
ou négative, donc une prise de position sans entamer, pour autant, la justification de
cette prise de position puisque l’enseignant ne demande pas à ses apprenants
« d’argumenter par écrit »,

 Q04 / Votre rédaction :1
Abstention de rédaction Rédactions réalisées
60 absences de réponses 14 réponses
81,08 % 18,91%

Notons ici que nous avons expliqué verbalement à nos app renants qu’il faut écrire
pour répondre au sujet et non pas pour remplir la copie. Alors, nous avons enregistré
81,08 % des apprenants qui n’ont pas rédigé et qui démontré une certaine absence de
motivation quant à ce sujet en disant qu’il ne favorise pas leur expression personnelle.

En rev anche, 14 apprenants, soit 18,91% ont tenté quand même de rédiger mais ils ne
sont pas allés trop loin 2: après avoir analysé leur copies, nous avons constaté que l’un a
produit un paragraphe de 15 mots, l’autre a réalisé un paragraphe de dix mots.

1 On n’a pas utilisé le verbe « rédiger » dans sa forme conjuguée « rédigez, ou rédige », pour ne pas faire
allusion à la tâche rédactionnelle
2 Nous analysons ce point avec plus de précision dans une partie ultérieure

441

 Sujet n°02 : (Voir annexe J : rédactions pour le sujet n°02)

 Q0/1 Avez -vous compris le contenu du sujet ?
Oui
74 réponses
100%

D’emblée, on voit que ce sujet est plus riche en matière d’information par rapport au
premier, ce qui a permis aux élèves de mieux cerner la thématique proposée. Par
conséquent, nous avons enregistré 100% soit la totalité de notre public qui déclare avoir
compris le sujet et ce grâce aux informations proposées. Il y a quand même une
progression qui a rendu le sujet plus ac cessible.

 Q02/ Avez -vous compris ce qu’il faut faire ?
Oui
74 réponses
100%

La totalité des apprenants, soit 100% disent qu’ils ont compris ce qu’il faut faire, c’est –
à dire le rôle qu’ils doivent jouer par rapport au thème et ce grâce au « contexte
situationnel » explicite présenté dans ce sujet, exemple : «1. Vous faites partie d’une
association,2. Les pays du tiers -monde…. »

Tous ces éléments favorisent l’expression personnelle de l’apprenant car il se sent
intégré dans le sujet, il est concerné par le thème, alors il faut qu’il réagisse en
rédigeant.

442

 Q03/ Dites ce que l’enseignant vous demande de faire
 L’enseignant me demande de
rédiger un texte
dans lequel je lance
un appel destiné aux
parents autoritaires rédiger un texte
exhortatif réaliser un texte
exhortatif qui sera
destiné aux pays
tiers-monde pour
inviter les parents à
comprendre les
exigences actuelles. Écrire et lancer un
appel aux parents
40 réponses 14 réponses 10 réponses 10 réponses
54,05 % 18,91 % 13,51% 13,51%

Notons ici que le verbe « demander » regroupe à la fois « la consigne » et « la tâche
rédactionnelle ». En ce qui concerne cette question, nous avons enregistré des réponses
variées, ce qui a permis d’enrichir notre enquête :

Tout apprenant a introduit sa réponse par un verbe représentant « la tâche
rédactionnelle » : « je rédige, je réalise, j’écris un texte … » puis les apprenants rajoutent
les éléments de « la consigne » :

1. je lance un appel destiné aux parents autorit aires ;
2. rédiger un texte exhortatif
3. qui sera destiné aux pays tiers -monde pour inviter les parents à comprendre les
exigences actuelles.
4. lancer un appel aux parents

En effet, cette variété dans les réponses, nous a permis de comprendre que les
apprenants ont tenté de reformuler la consigne de l’enseignant par d’autres termes qui
présentent la même idée. Cette activité de « reformulation » est un indicateur de bonne
compréhension de ce q u’on demande à l’élève . De ce fait, nous pouvons dire q ue
l’apprenant est capable de comprendre une consigne lorsqu’il pourra reprendre la
même idée en utilisant ses propres propos.

443

 Q04 /Votre rédaction :
Réalisation de rédaction
60 productions écrites
81,08 %

Nous avons enregistré 81,08 % des apprena nts qui ont rédigé leurs textes. Notons ici
que nous prenons en considération la dimension pragmatique de l’analyse du discours,
c’est la raison pour laquelle on n’a pas opté pour une analyse linguistique (analyse des
erreurs …) car ce n’est pas l’objet de notre recherche.

En revanche, en analysant ces productions écrites, nous avons veillé à ce que les
apprenants « réalisent la tâche rédactionnelle et respectent la consigne »1.

En effet, les 60 apprenants, soit 81,08% ont réalisé des textes exhortatif, ce qui indique
qu’ils ont compris ce qu’il faut faire ; il ne s’agit plus d’une prise de position, mais
plutôt d’une justification d’un point de vue afin de lancer un appel qui pourra it inviter
les parents à comprendre les exigences actuelles .

1 Dans cette étape de l’analyse, on n’a pas pris en considération les critères suivants : l’orthographe, la
conjugaison, la concordance des temps…..

444

4. Interprétation des résultats et élaboration des paramètres d’évaluation des rédactions
réalisées par les apprenants

Nous avons proposé « en même temps » deux sujets de production écrite : le premier
manque de quelques critères : « Le mariage précoce est une pratique sociale connue
dans les pays du tiers -monde 1: Qu’en pensez -vous ? » (Il n’y pas la tâche
rédactionnelle, la consigne, le contexte)

Nous voudrions détecter l’effet de ce dysfonctionnement sur la production écrite elle-
même (en matière de quantité: les élèves ne produisent pas) et en matière de qualité
même quand ils produisent quelques textes, on arrive difficilement à les définir voire
les catégoriser2.

En revanche, le deuxième sujet : « Le mariage précoce é tait une tradition au passé.
Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus se marier à un âge très jeune. Vous faites partie
d’une association qui lutte contre cette pratique sociale. Et en réponse à une fille
victime d’un père autoritaire, rédigez un texte da ns lequel vous lancez un appel à tous
les parents pour les inviter à comprendre les exigences actuelles. »3

Nous pouvons remarquer d’emblée, que les deux sujets abordent le même thème qui
est « le mariage précoce », mais ils sont différemment formulé s. Nous avons opté pour
ce thème car il représente un contenu thématique en relation avec les thèmes inscrits
dans le programme de 03ème année secondaire :
« L’homme contemporain, les défis du troisième millénaire, la mondialisation des
échanges, la solidarité, la justice, les droits de l’homme, les ONG, réflexions sur les
arts : théâtre, , cinéma, musique, peinture »(Guide d’élaboration d’une épreu ve de
français au baccalauréat , 2008, P13)

1 Cette pratique sociale est très répandue dans les pays sous -développés. L’Algérie, faisant partie de cette
région, n’échappe pas à la règle. De ce fait, nous avons voulu dire qu’on n’est pas les seuls concernés par
cette mauvaise pratique qui piétine les droits de l’être humain contemporain.
2 Il s’agit de petites productions qui, généralement, ne répondent pas à des objectifs scripturaux et qui ne
véhiculent pas de sens en raison de l’absence de cohérence et de cohésion.
3 L’élève a un statut d’enfant qui a des parents qui peuvent être injustes envers lui. De ce fait en étant à
la place d’une victime, il pourrait prendre une position qui le concerne. Cet enfant a pour tâche de
rédiger un appel, lancer une exhortation. Certes, cette association pourr ait ne pas avoir une crédibilité
réelle. Mais pour une situation d’enseignement/ apprentissage tout ce sujet d’expression écrite n’est
qu’une sorte de simulation qui prépare l’enfant, citoyen de demain pour une personne responsable.

445

Un sujet d’expression écrite doit être pertinent :

«la sélection des contenus jugés indispensable, ,utiles, pertinents obéit à un certains nombre de critère :
la nature des objectifs éducatifs, traduits en terme de compétences, de connaissances, d’attitudes et de
valeurs ; la qualité objective des contenus c ’est-à dire qu’ils doivent contribuer à la formation
intellectuelles des personnes et à l’acquisition de comportements sociaux favorisant une meilleure
intégration de l’école au milieu ; la fréquence d’utilisation des contenus dans la vie individue lle et
sociale » (Référe ntiel général des programmes, janvier 2006, P26)

En revanche, pour ce qui est de notre sujet d’expression écrite proposé, nous avons
choisi le texte exhortatif car il a « une fonction persuasive » où l’émetteur cherche à
convaincre le lecteur, à lui faire partager ses vues en faisant appel à ses sentiments
(persuader) ou sa raison (convaincre)..

Ainsi, nous avons tenté de « développer chez l’apprenant sa compétence à rédiger » un
texte exhor tatif.

En outre, nous avons décidé de proposer une situation d’intégration car :
« tout sujet doit être formulé de manière à inciter le candidat à respecter les
paramètres de toute situation de communication ( statut du récepteur, objet de la
communic ation et visée communicative). C’est -à dire qu’il faut mettre l’élève en
situation d’intégration ».(Guide d’élaboration d’une épreuve de français au
baccalauréat . Octobre 2008.P10 )

En effet, la proposition de notre sujet d’expression écrite nous a permis d’atteindre les
trois compétences majeures ciblées dans Le Cadre européen commun de références, à
savoir les :

1- compétences communicatives : communiquer en français dans des con textes et des
conditions variés en fonction de différentes contraintes :(matérielles (bonne ou
mauvaise réception), sociales (rapport émetteur / récepteur),de temps, psychologiques
(angoisse, courant de pensée…)
-compétences communicatives / fonctionnelle s : traiter en réception ou production toute
production discursive, écrite ou orale (demander ou donner des informations, expliquer,

446

exprimer son opinion, raconter…)

2-compétences linguistiques : lexicales , grammaticales (comprendre et exprimer du sens
par la reconnaissance et la production de phrases bien formées) , sociolinguistiques :
registres de langue, clichés… , sémantiques : connotation / dénotation… ,
phonologiques : accentuation, phonétique articulatoire, intonation, élision… ,
orthographiques

3- compétences culturelles : Culture générale : connaissances des lieux, des institutions,
des personnes, des événements du pays… , Savoirs socioculturels : connaissance de la
société et de la culture locale (vie quotidienne, conditions de vie, valeurs et cro yances,
cultures régionales, langage de corps, politesse (conventions pour l’accueil et le départ),
comportements rituels (naissance, mort, festivals…) . Prise de conscience interculturelle
entre le monde d’où l’on vient et le monde de la communauté cible.

En effet, l’acquisition de toutes ces compétences citées ci -dessus permet à l’apprenant
algérien de forger sa personnalité, de former son esprit intellectuel. Cet état de fait
serait traduit, avec le temps, par le fait de devenir « un citoyen responsabl e et
autonome » . Cela constitue « le comportement social » voulu et souhaité dans une
communauté algérienne libre et contemporaine.

En effet, notre expérimentation se donne d’emblée une tâche rédactionnelle . c’est la
raison pour laquelle elle s’inscrit dans le protocole de « recherche action ».
Nous voudrions, dans cette partie de la recherche démontrer, par le biais d’un mode
d’investigation mixte (qualitatif et quantitatif), que la formulation d’un sujet
d’expression écrite au cycle seconda ire nécessite la présence de plusieurs paramètres
qui jouent un rôle crucial en matière de réussite d’un enseignement de l’écrit.

Alors, nous avons distribué cette activité à deux classes de 03ème langues étrangères de
deux établissements différents . En ayant les deux sujets d’expression écrite, traitant à la

447

fois le même thème , l’apprenant avait le choix entre les deux1. De ce fait la première
chose à laquelle pense un élève est le sujet qui favorise son expression personnelle.

 Les rédactions réalisées pour le premier sujet :(ce sujet ne respecte pas les cirières du
contexte , la consigne et de la tâ che rédactionnelle) avaient démontré que ce genre de
sujet ne pourrait pas inciter les apprenants à produire des discours)
(Voir annexe H : Rédac tions des élèves pour le sujet n°01)
Sujet n°01 :

 Le mariage précoce est une pratique sociale connue dans les pays du tiers -monde :
Qu’en pensez -vous ?2

1 Nous avons dema ndé à nos élèves de choisir entre les deux sujets qui traitent le même thème mais qui
sont énoncés différemment, c’est cette façon de faire ou cette forme de l’énonciation qui a un impact sur
la productivité des élèves
2 Certes, ce tableau ne montre pa s que les élèves n’ont pas rédigé; les apprenants ont écrit , mais comme
on l’a dit plus haut, il s’agit de petits écrits incohérents, c’est la raison pour laquelle on n’a pas consacré
une colonne pour la visée communicative ; ce n’était pas par oubli ou par méconnaissance, mais cela a
été voulu : en lisant ces petits écrit o n n’a pas pu repérer l’enjeu visé : ils écrivent dans quels buts ???.
De plus, on n’a pas consacré une grande partie pour ce tableau car, rappelons -le, nous nous sommes
focalisés sur le rôle et l’apport de la pédagogie d’intégration sur la production écrite des élèves.

448

Rédaction Qui parle ? À qui ? Message
(réponse à la
question) TYPE/ But Contexte
01 À mon avis / C’est un acte non
culturel argumentation Sociale – tiers
monde
02 / / Les conditions
d’un mariage
réussi explication Tiers monde – sous
développés –
africain
03 Je( à mon
avis) / Dénoncer le
mariage précoce argumentation Société
04 On- je – / Dénoncer le
mariage précoce argumentation Algérie – tiers
monde – société
05 Je / D énoncer le
mariage précoce argumentation Sociale
06 Je / Les causes du
mariage précoce explication Social -tiers monde
07 Je / Les origines du
mariage précoce explication Tiers monde

08 À mon avis / Dénoncer le
mariage précoce argumentation Sociale
09 Moi / Inconvénients du
mariage précoce argumentation Tiers monde
10 / / Les vertus du
mariage précoce Explication Tiers monde
11 Je / Dénoncer le
mariage précoce Explication Sociale
12 / / Les vertus du
mariage précoce Explication Sociale
13 / / Dénoncer le
mariage précoce argumentation Tiers monde –
sociale
14 Je / Dénoncer le
mariage précoce argumentation Sociale – tiers
monde

Par ailleurs , par la suite, nous avons proposé une activité d’intégration afin de prouver
que quand il y a un sujet d’expression écrite pertinent, il y a , par conséquent, des

449

rédactions qui peuvent représenter des textes cohér ent.

450

Nous avons enregistré les résultats suivants :

Total Sujet n°1 Sujet n°02

74 élèves
Groupe 1 :
14 élèves soit 20% Groupe 2 :
60 élèves soit 80 %

1. « Le mariage précoce est une pratique sociale connue dans les pays du tiers -monde :
Qu’en pensez -vous ? »
2. « Le mariage précoce était une tradition au passé. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent
plus se marier à un âge très jeune. Vous faites partie d’une association qui lutte contre
cette pratique sociale. Et en réponse à une fille victime d’un père autoritaire, rédigez
un texte dans lequel vous lancez un appel à tous les parents pour les inviter à
comprendre les exigences actuelles. »

 Pourquoi le deuxième groupe 1 a-t-il choisi le deuxième sujet ? (Pourtant le premier est
plus simple)2

Nous allons tenter de répondre à cette question en étudiant les résultats obtenus pour le
sujet n°1. En effet, 20% des apprenants ont décidé de choisir ce sujet. Cela indique que
si nous avons un sujet pareil le jour d’une épreuve de français, une minorité d’élève
sera motivée pour rédiger. Et comme nous le savons tous , la motivation est le moteur
des apprentissages.

En revanche, nous avons tous eu l’occasion de corriger au baccalauréat, en passant
d’une copie à l’autre, on tombe sur des copies où il y a de bonnes réponses de
compréhension de l’écrit , mais pour ce qui est de la production écrite, on se trouve soit
avec une rédaction « hors sujet », ou on se rend compte qu’il n’y a nullement la
rédaction3. La majorité des élèves s’est abstenue car ell e n’a pas compris le sujet : On ne
comprend pas un sujet quand on ne connaît pas son statut par rapport à la situation de
communication.

1 Le deuxième groupe est celui qui concerne les 60 élèves soit 80% de l’ensemble
2 Nous avons vérifié ce choix en faisant un dépouillement à partir duquel nous avo ns réparti le total
des copies en fonction des sujets proposés
3Ce n’est pas la seule raison qui justifie cette abstention mais il constitue le principal facteur

451

Le deuxième sujet , nous a permis de sauver la situation, l’apprenant l’ a choisi car il
connait sont statut ainsi que le statut de son interlocuteur.

En outre, en analysant les copies du premier groupe ( 14 élèves soit 20% des copie s),
on n’a pas su comment pourri ons- nous les appeler : récit ou discours !!
Ce ne sont pas des récits1 car ils ne sont pas toujours racontés à la troisième personne
( 04 rédactions uniquement, soit 28,58%). Les autres rédactions (10 rédactions, soit
(71,43%) contiennent les pronoms (je/moi) .

En revanche, les 14 productions écrites, soit 100% ne conti ennent pas des pronoms ou
indices qui re nvoient à l’interlocuteur : l’élève rédige, remplit sa feuille, propose une
idée, mais il le fait pour qui, dans quel but ? On ne sait pas !! C’est la raison pour
laquelle, nous avons constaté qu’il est impossible de déterminer l’objectif rédactionnel
ou la visée communicative .

Généralement , les rédactions réalisées par les apprenants étaient une sorte de réponse à
la question posée dans le sujet n°1 : « qu’en pensez -vous ? »
Pour ce faire, on n’a pas trouvé des indices spatiotemporels ( circonstances) qui
constituent le plan de l’énonciation.

Pour ce qui est du contexte, les scripteurs des 14 rédactions, soit 100%, ont indiqué des
indices contextuels , ce qui signifie que ces apprenants savent qu’ils fon t partie d’un
groupe, ils marquent une appartenance socioculturelle. Mais, malheureusement ils
ignorent leurs statuts quant à ce groupe.

Ainsi, ils n’arrivent pas à adopter un rôle précis pour lequel ils doivent accomplir des
tâches en définissant de s objectifs d’où la pragmatique du discours : « La situation –
problème est une situation d’apprentissage permettant la construction des savoirs ayant
un contexte et un but et pouvant servir de situation d’intégration »(Guide
méthodologique des programmes, février 2009, P24)2

1 Un texte lorsqu’il est produit par un énonciateur, soit il relève du récit, soit du discours. Pour chaque
type d’énonciation, il y a des indices qui nous permettent de catégoriser l’un de l’autre. Notons ici que
l’institution veille à ce les élèves produisent des discours.
2 Nous avons voulu démontrer que l’État Algérien accorde une grande importance à la mise en place
des enseignements dans le cadre de la pédagogie d’intégration

452

Ainsi, plusieurs chercheurs et auteurs ont proposé d’intégrer la notion de « situation –
problème » dans l’enseignement , les premiers sont Gérard de Vecchi e t Nicole
Carmona -Magnaldi (2002 , P247)

« Enseigner en utilisant de s situations -problèmes , c’est donner du sens aux apprentissages quand ceux –
ci n’en ont pas. C’est permettre un autre type de communication entre enseignants et enseigné. C’est
créer un nouvel élan chez le maître, une dynamique qui porte les élèves et qui modifie en profondeur
l’état d’esprit du travail de classe. C’est aussi faire intégrer à chaque apprenant un ensemble de
compétences transversales de haut niveau intellectuel. C’est enfin, et même surtout, renvoyer une image
de l’école et du monde plus ouverte, plus apte à produire de futurs citoyens responsables et autonomes.
Plus qu’une somme de techniques, c’est donc un nouvel état d’esprit, une culture qu’il s’agit de mettre en
œuvre dans les établissements scolaires » .

453

Grille n°02 :Paramètres d‟évaluation des rédactions réalisées par les apprenants : (Sujet n°02 ): ( voir annexe J : Rédactions des
élèves pour le sujet n°02). Le mariage précoce était une tradition au passé. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus se marier à un âge très
jeune. Vous faites partie d’une association qui lutte contre cette pratique sociale. Et en réponse à une fille victime d’un père autoritaire,
rédigez un texte dans lequel vous lancez un appel à tous les parents pour les inviter à comprend re les exigences actuelles.

Rédaction
(Récit /
Discours) L‟énonciateur
(indices des idées) L‟énonciataire
(indices des idées) Message produit
(quoi ?) But du message
(visée communicative) Circonstances
Spatio -temporelles Indices
contextuels
socioculturels
1. Notre -aimer –
construire –
tendresse – droit –
étude – carrière Vous – parents –
enfer –
Éliminer Avis à tous les
parents un appel : argumenter
pour inciter à
agir(arrêtez,veuillez
(modalité,/performatif Pays(lieu)
Aujourd’hui
(temps) – tard Tradition -religion –
société
2. Je-me-Vraiment –
changement –
avancer –étudier –
responsabilité –
avancer Vous – parent – mal-
injuste – tort- Appel à tous les
parents un appel argumenter
pour inciter à
agir(inviter) Epoque – passé –
jours – le temps –
aujourd’hui Sociét é-notre
temps – – membre
3. Nous – croire – Votre -vous – les
parents – ignorer –
violence – crime –
détruire -enfer –
conséquence –
échec – désastreux –
problème -drame

À tous les parents un appel : argumenter
pour inciter à agir ( –
Demander -prier) (de
faire de ne pas faire)
(ne détruisez pas, ne
renforcez pas, ne croyez
pas, unissons nous) Avenir – avant La vie – membre –
association – sociale

454

Rédaction
(Récit /
Discours) L‟énonciateur
(indices des
idées) L‟énonciataire
(indices des idées) Message produit
(quoi ?) But du message
(visée communicative) Circonstances
Spatio -temporelles Indices
contextuels
socioculturels
4. Je- penser –
conscient –
sensible – liberté –
choix – Vous –
conséquences
préjudiciables –
force – mal-
marchandise – Conséquences
préjudiciables du
mariag e précoce un appel : argumenter
pour inciter à
agir(Demander – prier
(de faire, de ne pas
faire) (Évitez – soyez –
arrêtez – aimez Époque actuelle
5. Je –nous – choix –
respecter Les parents –
renoncer –
difficilement –
inquiet – déranger –
impasse – chantage Choix des
conjoints Informer pour
sensibiliser
(il faut : modalité) Le présent de
l’énonciation La vie – voie
6. Nous – droit –
Jouer – étudier –
s’assurer –
travailler –
s’ouvrire – vivre –
interjection ( !!!) Vos- parents –
vendre -obliger – A tous les parents un appel : argumenter
pour inciter à agir (Prier
(s’il vous plaît) doivent
(modalité Tôt La vie – monde
7. Je- choix –
respecter – Vous – les parents –
pères – autoritaire –
victime -problème Respect du choix
personnel un appel : argumenter
pour inciter à agir
(demander) Passé Tradition

455

Rédaction
(Récit /
Discours) L‟énonciateur
(indices des idées) L‟énonciataire
(indices des idées) Message produit
(quoi ?) But du message
(visée communicative) Circonstances
Spatio -temporelles Indices
contextuels
socioculturels
8. Nous -je-notre
Manque -exigence
de vie – problème –
pauvreté Parents – gens Les causes du
mariage précoce Informer pour
sensibiliser Quotidien –
situations – actuelle Vie –exigences
– familiale –
sociale
9. Notre -je – membre
efficace – pas de
personnalité -pas
responsable –
manque
d’expérience Vous -parents Inconvénients du
mariage précoce un appel : argumenter
pour inciter à agir Algérie – sud Société –
entourage
10. On- nous –
protection – droit –
devoir —innocents –
Interjection ( !!!) Parents – Menac er-
victime -criminel –
blessure -divorce –
orphelin –
dangereux – choc –
blâmer – tuer-tabac –
alcool Appel à tous les
parents un appel : argumenter
pour inciter à agir
Prière (pitié les
parents !!!!) Époque Social –
paternité –
entourage
11. Moi- je –
changement –
études – travail –
avenir – vivre –
situation
confortable Un père autoritaire Les exigences
actuelles Informer pour
sensibiliser Aujourd’hui – avenir –
passé – présent –
situation – actuelle –
hier Tradition – vie
– association –
chemin
12. Tout le monde
(implication /engag
ement) -respecter –
rêve- choix –
changer – accepte Parents – Intérêt –
force – blâmer
Les causes du
mariage précoce un appel : argumenter
pour faire agir (il faut ;
modalité) Aujourd’hui – passé –
temps Histoire
Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

456

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
13. Je –notre
Obliger – force Parents Droit de décision Un appel : argumenter
pour inciter à
agir(Conseiller –
exhorter) Pays -avenir Tradition – vie
personnelle
14. Je-Comprendre –
vivre – étudier –
travailler – choisir Tous les parents Appel à tous les
parents Un appel : argumenter
pour inciter à agir
Inviter(Il faut :
modalité) Passé Tradition –
relation – vie
15. Je- s’exprimer –
liberté – personnel Vos-Gens -parents –
péjoratif –
malheureusement –
problème – tuer Appel aux parents
autoritaires Un appel : argumenter
pour inciter à agir
Inviter : (il faut :
modalité) Aujourd’h ui- avant –
avenir Tradition – vie
16. Notre -nous
– construire – Vous – vos- parents –
Danger – divorce –
négatif Mariage
précoce comme
facteur de divorce Injonctif ( n’oubliez
pas, laissez, soyez,
pensez…) Circonstances –
avenir Association –
Sociales –
17. Nous – notre –
accepter –
Responsable Parents – interdire –
problème L’avis des filles Injonctif (comprenez)
(Modalité ; il faut) Période Musulmans –
religion – vie
18. Je – moi- notre –
nos-croire —
choisir –
Principe –
interessant –
construire – Votre – Les
parents –
malheureusement Le droit de choisir Argumenter pour
convaincre ou
persuader
(verbe d’opinion :
croire) Période – tard- avant Vie- société
19. Nous – -être vivant –
droit – sauver –
Interjection( !!!)
Parents – vous –
pères – piège –
Suicide -exploiter –
outils Sauvez les filles
(souhait) un appel : argumenter
pour inciter à agir
(demander) Période Vie-
association

Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

457

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
20. Je-Notre -Victime –
grave – Construire –
bonheur -réussite Parents – tous- votre La responsabilité
du mariage Informer pour
sensibiliser Enfance Vie
21. Je- Mon avis
personnel -éviter
Parents – père
autoritaire – Forcer –
résultats négatifs –
victime -problème Comment éviter
cette pratique
sociale (le
mariage précoce) un appel : argumenter
pour inciter à agir :
Inciter au changement Les années passées –
pays Traditions –
sociét é-
Tiers – monde
22. Je-Construire –
responsabilité – –
gérer – travail
assuré – éviter Vous – les parents –
problème Les conditions
d’un mariage
réussi Informer pour
sensibiliser Actuellement – avant Association –
vie- sociale
23. Je –nos- penser –
préparer –
responsable –
conseils – c’est vrai
que….mais –
meilleurs conseils Vos-Tous les
parents – chers
pères – perdre – dur-
difficile -tomber – Demande à tous
les parents Un appel : argumenter
pour inciter à agir
Demander
(pensez, laissez :
impératif(il faut :
modalité ) Situations vie
24. Je- Nous –notre –
nos– vivre – perdre –
avis Tous les parents –
vos- perdre Le développement
social un appel : argumenter
pour inciter à agir Passé – aujourd’hui Tradition –
société –
conditions
25. Je- nous
responsabilité –
comprendre -éviter Vous -Pères –
autorité – lourd – Le mariage est
une responsabilité Un appel : argumenter
pour inciter à agir
Inviter
(il faut : modalité) Aujourd’hui – passé Pratique
sociale

Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

458

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
26. Je-nous – notre –
conscience – -rêve-
développer –
éducation –
travailler -droit –
protéger -vivre Tous les parents –
votre –
violence – crime –
cruel Le rêve des filles un appel :argumenter
pour inciter à agir
(laisser -respecter :
impératif) Pays – aujourd’hui –
temps – passé Le monde
27. Je – volonté-
études – obligation –
intérêt – autonome –
respnsables – santé –
éducation -avenir Vous –votre -Les
parents – Quelques
villageois -Pire- Le droit à une vie
normale Argumenter pour
convaincre Décennies passées –
pays –aujourd’hui –
temps -avenir Tradition –
société –
religion –
peuple – tiers
monde – vie
28. Je-Responsabilité –
conséquence -effort Vous -Parents –
inconvénients –
victime -mal-
divorce – mal
construire Les inconvénients
du mariage
précoce Argumenter pour
dénoncer Passé -pays- Tradition –
société
29.

Je-penser
Droit -études –
liberté –découvrir –
choisir Parents autoritaires
Inconvénients –
victime – Le droit des filles un appel : argumenter
pour inciter à agir
(il faut : modalité) Aujourd’hui Social – la vie
30.

Je-Construire –
responsabilité –
respecter – avis
personnel Tous les parents –
Père- autoritaire –
victime – obliger –
cage- ignorance –
difficiles -lourd Appel à tous les
parents un appel : argumenter
pour inciter à agir(
j’appelle) Passé – aujourd’hui –
mois Monde –
conditions

Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

459

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
31.

Je- mon- chance –
vivre – liberté – le
droit – choisir -rêve-
joie – bonheur –
amour Parents – père-
autoritaire -juger –
victime Conseils aux
parents Argumenter pour
convaincre La préhistoire – pays-
avenir – place –
moderne La vie – pays
développés
32.

Je –mon avis –
croire -protéger –
étudier – protéger – Vous -ta – Parents –
gens- injuste –
gâcher – victime Appel à tous les
parents un appel : argumenter
pour inciter à agir
(j’appelle),( Laissez,
aidez : injonction) Passé – aujourd’hui Associations
Tradition –
coutume
33.

Notre -on- Aider –
respecter -les parents –
Énormes
problèmes -forcer Aides aux enfants Un appel ; argumenter
pour inciter à agir Autrefois société
34.
Notre – responsable –
droit – respecter –
choix Le père – décision Le choix d’une
vie Informer pour
sensibiliser Depuis longtemps Société – vie

35.

Je- contre –
empêcher

Parents –sévères –
Affaire – louche –
marginalisation –
problèmes – soucis –
crime – victime

Contre le mariage
précoce

Argumenter pour
dénoncer

Pays – maintenant

Sous
développés
Association –
membre –
social
36.

Je- me- mon-
personne – droit –
choisir -joie Les parents – pères –
vos-vous – votre –
Victimes – autorité –
maudite – cesser –
gâcher – Le droit au choix
du partenaire un appel : argumenter
pour inciter à agir
(prier) Aujourd’hui – passé –
temps – Vie – tradition

Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

460

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
37.

On(nous) -espérer –
sentiments –
souhaits Tous les parents –
Père- souffrance –
douloureuse –
effets –
conséquences –
désagréables Témoignage
d’une fille un appel : argumenter
pour inciter à agir – actuelle Pratique social
38.

Nous Mes – mon-
penser – rêve-
avenir –
responsabilité –
choisir –
participer —choix – Les parents – vous –
Dommage –
victime -mal vécu –
écraser – Comment définir
le mariage ? Argumenter pour
convaincre Aujourd’hui –
maintenant – Association
nationale –
phénomène
social – (tiers –
monde) – vie-
39.
Notre – vivre – libre-
choisir – droit –
liberté -respecter Tous les parents –
Monsieur le père –
l’homme Le droit au choix un appel : argumenter
pour inciter à agir
(appeler), (il faut :
modalité) Temps – journée
mondiale Association –
08 Mars –
société
40.
Moi –notre –
Responsabilité –
apprendre – les
différences Parents – votre –
obliger – Le mariage d’hier
à aujourd’hui Argumenter pour
convaincre Aujourd’hui –
actuelle – passé –
présente – avenir –
avant Tradition –
pratique
sociale – la vie
41.
Je- responsabilité –
stop- message —
attention Les parents – vous –
votre – Négative –
conséquence –
manque –
problèmerésutat Le mariage
précoce : source
de problèmes
un appel : argumenter
pour inciter à agir Passé – futur Pratique
sociale –
tradition – vie

Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

461

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
42.

Notre -nos- ancêtre –
Incontestablement –
liberté -statut – droit –
participer – étudier –
pratiquer – apport
positif – saine –
civilisé -diriger –
respecter – valeur –
liberté – Contredire –
Interdire – blâmer –
insulter – encercler –
empêcher Les doits de la
femme Argumenter pour
convaincre Passé – circonstance –
Époque –
actuellement
-situation – Coutumes –
traditions
algériennes –
social –
historique –
culturelle –
mode -vie –
Islam
43.

Je –responsabilité Les parents –
conséquence –
mauvaise – éviter les
problèmes Appel à tous les
parents un appel : argumenter
pour inciter à agir
Demander : performatif Passé – époque Tradition –
social –
homme –
relation
familiale
44.

Je –penser – moi-
liberté – choisir –
droit – aimer –
laisser – Tous les parents Le droit au choix Argumenter pour
convaincre Passé – maintenant –
modern Tradition –
société – monde
45.

Je- défendre –
conter – éducation –
droit – aimer –
enseignement – –
conseiller Parents –
Conséquences
graves –mal-
divorce – soucis –
difficultés Conseils aux
parents Argumenter pour
convaincre Présent énonciatif Association –
vie
46.
On (nous) –
travailler -améliorer Père autoritaire –
Manque -Difficulté –
problèmes Le mariage
d’aujourd’hui Argumenter pour
dénoncer Pays -aujourd’hui Tiers monde –
tradition –
société

Rédaction L‟énonciateur L‟énonciataire Message produit But du message Circonstances Indices

462

(Récit /
Discours) (indices des idées) (indices des idées) (quoi ?) (visée communicative) spatiotemporelles contextuels
socioculturels
47.

Nos- éviter –
solution Problèmes –
obstacle –
différence – risque –
mauvaise –
conséquence Les styles de
mariage Argumenter pour
dénoncer Nos jours – village –
toujours Société – style –
association
48.
Je-droit – étudier –
réaliser des rêves –
participer – travail –
réussite –
compréhensif Tous les parents –
votre -gâcher Les droits de la
femme Informer pour
sensibiliser Passé – époque
actuelle Tradition –
association –
sociale –
société – la vie
49. Nous – disparaître –
comprendre Vous – les parents –
Conséquences
affreuse – s’imposer Le mariage d’hier
à aujourd’hui Argu menter pour
convaincre Époque passée –
aujourd’hui – place Société –
tradition –
association –
membre
« ELAMAL »
50.
Nous –
Responsabilité –
patience Vous – Chers
parents – vous –
Éduquer –former –
obliger Les exigences
actuelles Informer pour faire
comprendre Années –
aujourd’hui – passé –
actuelle – temps –
avant Tradition
51.
Nous -notre –
motiver –
poursuivre – études –
0construire –
assurer –
personnalité – se
fortifier – découvrir Vos-Parents –
mères – victimes –
mauvaise – détruire –
difficulté Le rôle des
parents Argumenter pour
convaincre Dernières années –
années précédentes –
aujourd’hui Tradition –
association –
sociale –
société –
coutume – vie-
monde

463

Rédaction
(Récit /
Discours) L‟énonciateur
(indices des idées) L‟énonciataire
(indices des idées) Message produit
(quoi ?) But du message
(visée communicative) Circonstances
spatiotemporelles Indices
contextuels
socioculturels
52.
Nous – éviter –
formuler – éduquer Les parents – Vos-
Mal- divorce –
problème À tous les parents Argumenter pour
dénoncer Aujourd’hui Pratique
sociale –
tradition –
société
53.
Je- penser –
construire Chers parents et
mères – vous –
détruire Prière aux
parents un appel : argumenter
pour inciter à agir
Prière (SVP) Actuel Société –
pratique
sociale
54.
Nous – comprendre Vous – parents –
autoritaire – obliger Invitation pour
comprendre les
exigences
actuelles Informer pour faire
comprendre Actuelle – région –
temps – avenir Association
55.
Je-notre – respecter Vous – souffrir –
drame Le mariage
précoce :
tradition au
monde arabe un appel : argumenter
pour inciter à agir Pays – aujourd’hui Pratique sociale –
tiers monde –
monde arabe –
société –
association –
tradition
56.
Nous – gérer –
éducation –
construire –
satisfaction Parents – imposer –
inconvénients –
divorce – problème Les
inconvénients du
mariage précoce Argumenter pour
dénoncer Plus tard Islam –
tradition – vie
57. Notre – je- éviter Tous les parents Appel à tous les
parents un appel : argumenter
pour inciter à agir Actualité – passé –
aujourd’hui –
champagne Pratique
sociale –
tradition –
société

464

Rédaction
(Récit /
Discours) L‟énonciateur
(indices des idées) L‟énonciataire
(indices des idées) Message produit
(quoi ?) But du message
(visée communicative) Circonstances
spatiotemporelles Indices
contextuels
socioculturels
58. Je –nous –
Formuler – vivre –
sacrifice -penser Mme – monsieur –
Parents -vous -votre –
ignorants – pleurer –
conséquences –
problème –
souffrance Les
inconvénients du
mariage précoce un appel : argumenter
pour inciter à agir Quotidien – moment
actuel – aujourd’hui –
autour – chaque nuit La vie- l’être
humain -Dieu
59. Nous – Notre –
apprendre –
travailler – diplôme –
responsabilité –
enseigner – cultiver Chers parents – vos-
vous – victimes
Appel pour la
liberté des
femmes un appel : argumenter
pour inciter à agir Passé – – nos jours –
frontières –
aujourd’hui –
actuelles Tradition – vie-
mondialisation
– les domaines
de la vie –
association –
pratique
sociale
60. Je –conjurer –
Ornée – joie-
bonheur –
complicité – mature
– responsable –
interjection( !!!) Vous -vos-les parents
–progéniture –
Gouffre – usurper –
fantôme – imposer –
jeter- risquer –
précipiter – abîmer Les droits de
l’être humain un appel : argumenter
pour inciter à agir
Il faut : modalité Le temps Être humain –
vie

465

4.1. Présentation des paramètres ( Voir annexe J : rédaction des élèves pour le sujet n°02)
4.1.1.L’énonciateur (indices d’énonciation) :

C’est l’ensemble des pronoms qui renvoient à la personne qui parle dans le texte, à
savoir les pronoms personnels, pos sessifs . Ce que nous avons cité après, c’est le
lexique, généralement « mélioratif, qui renvoie à la pr ise de position de l’énonciateur 1».

Nous avons enregistré 80 % des apprenants qui ont adopté une position négative par
rapport au thème « le mariage précoce »2. De ce fait , ils ont cité tout ce dont a besoin
un être humain avant de parvenir au mariage : « les rêves, l’éducation, le travail, la
responsabilité, la construction de la personnalité, les droits, les devoirs, la préparation,
la protection… »3..

4.1.2.L’énonciataire4 ( les indices de l’énonciation)5

C’est l’ensemble des pronoms et adjectifs personnels qui renvoient à la personne qui
reçoit le message du texte produit par l’énonciateur, à savoir les pronoms personnels,
possessifs….. Ce que nous avons cité par la suite, c’est le lexique6, généralement
« péjoratif qui a été attribué par le locuteur à son interlocuteur »
Les mêmes énonciateurs cités ci -haut, soit 80% des apprenants ont attribué des
qualificatifs, actions, … qui peuvent être engendré de la réalisation de l’acte du
« mariage précoce » : « violence, risque, mal, injustice, destruction… … »7
D’une part, ces apprenants accusent ces parents autoritaires d’avoir adopté ce mariage.
De ce fait , « ils lancent des appels dans le but d’inciter à l’action »8

1 En effet les énonciateurs ont pris une position négative par rapport au thème et ont tenté pa r la suite
d’adopter une vision positive qui explique leurs attentes vis -à-vis d’un avenir radieux
2Contre cette pratique sociale
3 Nous avons réalisé une synthèse des idées positives représentées par les élèves
4 Il s’agit de la personne physique qui reçoit l’énoncé
5 Sont les traces qui renvoient à cette personne dans le message
6 Généralement l’ensemble des modalisateurs qui font intervenir un jugement dans l’énoncé, porte trace
de l’opinion, marque certaine distance (noms, adjectif, adverbe, int erjection, temps, mode , ponctuation..
7 Rappelons ici que nous avons réalisé également une synthèse des idées négatives représentées par les
apprenants
8 Celle qui concerne la lutte contre la pratique et la propagation du mariage précoce au sein de la s ociété
algérienne

466

D’autre part, ils sensibilisent les parents qui veulent prendre la même position1. Donc
avant de commettre cet acte inhumain, nos apprenants donnent des informations autour
du thème afin de clarifier les causes et les conséquences de cette mauvaise pratique
sociale. Exemples : « copie 04 :les conséquences préjudiciables du mariage précoce,..
copie 08 et 12 :les causes du mariage précoce, copie 22 les conditions d’un mariage
réussi, ….. copie31 : conseils aux parents,. .copie 24 : le développement social, …copie
38 : comment définir le mariage ?,…copie 40 : le mariage d’hier à aujourd’hui… …. »

En outre, les apprenants ont tenté d’informer les parents dans le but de les sensibiliser
et même, argumenter pour convaincre ou dénoncer . Exemple : « copie 09 : les
inconvénients du mariage précoce,…copie 16 : le mariage précoce comme facteur de
divorce,…copie 25 : le mariage précoce est une responsabilité,…copie 35 : contre le
mariage précoce, ….copie 41 : le mariage précoce ; source de problèmes, ….copie
…… »
4.1.3.Le message produit :

Après avoir lu les productions écrites des apprenants, nous avons tenté de repérer l’idée
principale abordée dans chaque rédaction : « appel aux parents : copies
2,3,6,10,14,,15,30,32, ,43,,52, conseils aux parents : copies :31,45, , les causes du
mariage précoce : copies 08,12,, les conséquences du mariage précoce : copies : 04,les
inconvénients du mariage précoce ; copies 09, 28,41, 56, 58, des idées positives ;choix
des conjoints cop ie 05, respect du choix personnel ; copie :07, les exigences actuelles ;
copie 11, droit de décision ; copie 13, le droit de choisir ;copie 18, la responsabilité du
mariage copie 20 les condition d’un mariage réussi copie 22,, le rêve des filles ;
copie :26…….. …. ».

4.1.4. Le but du message ou la visée communicative :

Cette partie de la recherche concerne l’aspect pragmatique du discours. Si l’apprenant
décide d’accomplir une tâche rédactionnelle, cette dernière n’a aucun sens s’il ne la
réalise pas dans un but précis..

1 C’est -à dire de ceux qui adoptent le mariage précoce

467

« L’enseignement du français dans le secondaire algérien s’inscrit dans le cadre de la méthodologie de
l’approche communicative. Dans les instructions officielles, les objectifs du français visent à faire de
l’élève un utilisateur au tonome du français [….]. L’organisation de l’enseignement du français se
présente sous la forme d’un plan de formation prévu pour chacune des trois années du secondaire, avec
en fin de parcours, l’examen du baccalauréat. Dès lors que l’on se situe dans le c adre de l’approche
communicative et que l’on vise le profil de sortie de l’élève avec des compétences terminales à installer,
la démarche enseignement/ apprentissage, est de ce fait axée sur le développement de la compétence de
communication . Nous estimons qu’il convient de proposer les activités d’expression écrite sous forme de
savoir -faire de type communicatif . Un savoir -faire doit d’abord être lié à un objectif afin de faciliter
l’apprentissage visé » (Benhouhou.N, 2001,p14 -15)
Ainsi , la définition de l’objectif d’écriture « pourquoi doit -on écrire ? »1 nait lorsque
« le sujet parlant » « l’énonciateur » connait son statut par rapport à la situation
d’énonciation : « je suis…….tu es= pragmatique du discours ».2
« Les contenus ont été sélectionnés, et leur progression sur l’année a été établie sur la
base de la prise en compte des types d’ancrage énonciatif : énonciation du discours
écrit, celui -ci étant ancré dans une situation explicitée par le contexte et dont le
référent text uel est le « je , ici, maintenant (ex :l’appel) » (Document
d’accompagnem ent du programme de français, 03ème année secondaire. Juin 2011. P06 )

En effet, dans un texte exhortatif, l’émetteur lance un appel à des destinataires pour les
pousser à agir. C’est un type de texte qui contient en général :

1. « Une partie expositive contenant un constat négatif et insatisfaisant
2. Une partie argumentative contenant l’idée de la nécessité de changement avec
indications sur l’action à entreprendre
3. L’appel proprement dit qui sera la partie exhortative. »(Document d’accompagnement
du programme de français , 2011, P10)

1 Certes l’appel est par essence « oral », et ici on le demande par écrit , c’est le verbe de la tâche
rédactionnelle qui indique qu’il s’agit de produire par écrit « Rédige un texte dans lequel tu lances un
appel »
2 Dans les pratiques de classes, on demande aux élèves d e rédiger des écrits qui seraient publiés dans le
journal du lycée. Nous avons démontré dans une recherche antérieure (dans le cadre du magister) que cet
espace de publication a beaucoup d’avantages en matière d’acquisition du langage écrit. N éanmoins il est
absent du paysage médiatique scolaire. Certes, c’est bien de le citer dans les sujets des productions écrites
mais à quoi ça sert, si ce n’est pas une pratiqu e réelle dans la vie scolaire des enfants !!!!!

468

4.1.5. Les circonstances ou le cadre spatiotemporel :

C’est l’ensemble des mots ou expressions qu’a choisis l’énonciateur pour déterminer le
lieu et le temps o ù se déroule la parole humaine pour qu’elle devienne un acte de
parole. C’est le plan de l’énonciation qui réfère à l’instance de l’énonciation.

Afin d’illustrer nous citons par exemple : copie 1 : « pays , aujourd’hui, tard, copie 2 :
époque, passé, jo ur, temps, aujourd’hui, copie 03 : avenir, avant, copie 04 : époque
actuelle, copie 05 : le présent de l’énonciation, copie …………. Copie 08 : quotidien,
situation actuelle, ….copie 21 les années passées, pays, copie 22 : actuellement,
avant…. Copie 51 : dernières années, années précédentes, aujourd’hui…. »
( voir annexe I : Rédaction des élèves pour le sujet n° 02 )

4.1.6. Les indices contextuels socioculturels :

C’est l’ensemble des éléments qui indiquent que l’énonciateur appartient à une région
déterminée, adopte une culture précise, pratique une religion donnée , fait partie d’un
groupe social. Ainsi, nous citons les exemples suivants :

« copie 01 : tradition, religion, société, …… copie 08 : vie, exigences familiales,
sociales, … copie 10 : social, paternité, entourage, … copie 17 :musulman, religion,
vie, … copie 21 : tiers -monde, ….copie 32 : association, tradition, coutume…..copie
39 : association, 08 mars, société…..copie 42 : coutume, traditions algériennes, social,
historique, cul turelle, mode , vie, Islam……. »

C’est également tout élément qui indique que l’énonciateur est un acteur social qui fait
partie d’un groupe, qui agit en fonction des membres de ce groupe et pour l’intérêt de ce
même groupe, c’est ce que nous appelons l’intégration sociale :

« La situation –problème a un lien avec la réalité de l’élève l’interpellant en faisant naître chez lui un
questionnement :
 elle fait appel à des connaissances de type déclaratif, procédural et conditionnel ;
 elle a un sens pour l’élève parce qu’elle fait appel à quelque chose qu’il connaît, elle est en lien avec sa
réalité ;

469

 Elle est « macro », par sa dimension globale, car elle permet d’intégrer un grand nombre de savoirs de
toutes natures acquis par des élèves dans une pério de de temps d’au moins un trimestre ;
 Elle est concrète parce qu’elle a un but( un produit), qu’elle sollicite une action réelle et qu’elle requiert
l’utilisation de connaissance, de technique, de stratégies ou d’algorithmes ;
 Une situation -problème est o rganisée autour du franchissement d’un obstacle par l’élève ou la classe,
obstacle préalablement bien défini ;
 L’étude s’organise autour d’une situation à caractère concret, qui permet effectivement à l’élève de
formuler hypothèses et conjectures ;
 Les élèves perçoivent la situation qui leur est proposée comme un véritable défi à affronter, dans lequel
il sont en mesure de s’investir »(guide méthodologique des programmes, février 2009, P25)1
Étant donné que la production écrite est considérée comme u ne compétence
langagière et son enseignement/apprentissage est défini comme un moment d’évaluation
formative2 ou sommative3, elle ne doit être proposée qu’en situation d’intégration :
« L’évaluation de la compétence ne peut se faire qu’à l’intérieur d’un e situation
d’intégration » (Guide méthod ologique des programmes, 2009, P34)

4.2.Synthèse récapitulative :La correction des copies : Des indicateurs pour
opérationnaliser les critères

Définir des critères ne suffit pas pour fournir la garantie que deux copies d'élèves soient
corrigées de la même façon. Prenons par exemple un critère comme « correction
syntaxique de la production », ce critère étant noté sur 5 points. Comment apprécier c e
critère pour un élève qui a produit 10 phrases, et dont 4 phrases sont mal construites ? Si
on ne précise pas le critère, un enseignant peut donner à l'élève 1 point sur 5,
argumentant qu'il retire un point par phrase mal construire. Un autre peut par co ntre lui
donner 3 points sur 5, argumentant que trois cinquièmes des phrases sont bien
construites. C'est le rôle des indicateurs.

Un indicateur est un signe concret, un indice précis que l'on recueille, pour se prononcer
sur la maîtrise d'un critère par les élèves. Les indicateurs sont de l'ordre de l'observable

1 Dans cette partie de la recherche nous nous sommes référés au guide méthodologique afin de révéler
que l’État algérien accorde une grande importance à la mise en place des enseignements dans le cadre de
la pédagogie d’intégration sachant qu’il y a d’autr e recherches qui ont traité ces concepts . Ainsi dans une
partie antérieure de notre thèse (partie théorique) nous avons cité les pionniers du domaine .
2Au cours d’une séquence d’apprentissage dans les rédactions intermédiaires
3 A la fin d’un trimestre ou d’un cycle , dans une épreuve officielle

470

en situation, et ont une valence positive ou négative. Ils précisent un critère, ils
permettent d'opérationnaliser un critère. On peut distinguer deux types d'indicateurs.

De plus, u n indicateur peut être qualitatif, quand il précise une facette du critère. Il
reflète alors soit la présence / l'absence d'un élément, soit un degré d'une qualité donnée.
Par exemple, le critère « correction syntaxique d'une production » peut être
opérationnalisé de manière qualitative par les indicateurs suivants : présence d'un verbe
dans une phrase, agencement correct des mots dans la phrase, utilis ation correcte des
substituts… Utilisé dans une optique descriptive, un indicateur qualitatif est intéressant
dans la mesure où il aide à repérer les sources d'erreur, et à y remédier.

Un indicateur peut être également quantitatif, quand il fournit des précisions sur des
seuils de réussite du critère. Il s'exprime alors par un nombre, un pourcentage, une
grandeur. Par ex emple, le critère « correction syntaxique d'une production » peut être
opérationnalisé de manière quantitative par des indicateurs du type « l'élève obtient 2
points sur 3 lorsque deux tiers des phrases sont construites correctement ».
Cette utilisation de l'indicateur est plus simple, mais elle est moins descriptive, et dès
lors moins formative, c'est -à-dire qu'elle aide moins à la remédiation.
4.2.1 .Le recours à une grille de correction
Une grille de correction est un outil d'appréciation d'un critère à t ravers des indicateurs
précis. En termes stratégiques, la grille de correction répond à un souci de
standardisation de la correction. En termes pédagogiques, elle constitue un outil d'aide
à la correction des productions des élèves, utilisé essentiellemen t dans deux buts :
 garantir un maximum d'objectivité dans la correction, permettre un accord
intercorrecteurs le plus élevé possible, grâce aux indicateurs ; en effet, un correcteur est
souvent influencé par une erreur, en rapport avec un critère, qui con tamine tout le reste
de la correction ; l'exemple le plus frappant est donné par ces corrections en
mathématiques pour lesquelles on attribue zéro d'office à l'élève si la première partie de
la réponse est erronée ;

471

 procurer un appui aux enseignants début ants, ou à ceux qui veulent (doivent) changer
leurs pratiques d'évaluation : la grille est en quelque sorte un outil de formation. Il ne
s'agit pas de déresponsabiliser l'enseignant par rapport à la correction qu'il mène, mais
de lui fournir des outils pou r l'amener à changer son regard sur la production de l'élève.
4.2.2.. Des indicateurs formulés de façon rigoureuse
Un critère peut être opérationnalisé par plusieurs indicateurs qui se complètent, et qui
donnent un tableau assez complet de la maîtrise du critère. Dans la pratique, on limite
souvent le nombre d'indicateurs pour ne pas alourdir le travail de l'enseignant.
Dans ce dernier cas, il faut être particulièrement rigoureux dans la formulation de
l'indicateur. Il faut notamment que cette formulation ne couvre pas deux critères
différents. L'enjeu est le même que celui de l'indépendance des critères : comment
garantir que l'élève ne soit pénalisé deux fois pour une erreur qu'il a commise ?
4.2.3. Des indicateurs formulés de façon concrète, précise et si mple
Il s'agit ensuite de les exprimer de façon concrète, précise et simple. L'enjeu est que le
correcteur puisse associer de façon rapide et fiable la réponse de l'élève à un nombre de
points le plus juste possible.
Le recours aux situations complexes es t sans doute la seule voie qui peut assurer que
l'école évalue des compétences de l'élève, et non des savoirs ou des savoir -faire isolés.
Ce recours à des situations complexes dans l'évaluation garantit que les élèves qui
passent d'un niveau à l'autre poss èdent des bases solides pour poursuivre leur scolarité.

A plus long terme, il garantit que l'école arrête de produire des analphabètes
fonctionnels. L'enjeu du changement de système d'évaluation n'est donc pas seulement
un enjeu technique de changement de dispositif, mais aussi et surtout un enjeu social,
auque l l'Algérie est tellement attachée dans ses valeurs les plus profondes.

472

Toutefois, il y a un prix à payer : un changement de pratiques d'enseignement, et un
changement de pratiques d'évaluation, qui impliquent que l'enseignant accepte de porter
sur une production de l'élève regard pluriel, à travers des critères de correction. Cela
implique également que, en tout cas pour l'évaluateur débutant, il construise des outils
de correction précis, à savoir une grille de correction constituée d'indicateurs
observables.

Pour le système algérien et pour tout système éducatif qui veut évoluer dans ce sens, le
défi est de trouver un équilibre entre un dispositif d'évaluation suffisamment significatif
et pertinent, mais aussi suffisamment simple pour ne pas déco urager l'enseignant.
Comme dans toute innovation, pour qu'elle réussisse, il faut être à la fois exigeant et
modeste. Exigeant dans les visées à long terme, mais modeste dans les pas progressifs
que l'on demande aux enseignants de franchir, tenant compte de leur capacité
d'absorption de l'innovation. Une réforme qui exige trop des enseignants en une fois est
une réforme qui conduit souvent au non -changement. Toute génération ultérieure de
programmes et de manuels scolaires algériens en termes de compétence s devr a donc
agir sur les deux fronts : à la fois affirmer clairement ces ambitions en termes de visée,
mais aussi proposer des changements réalistes et progressifs, pour garantir que ces
derniers soient effectifs dans les écoles.

Les responsables du système éducatif algérien ont également bien compris les trois
implications principales à leur niveau :
– outiller les enseignants par des documents qui proposent des situations complexes à titre
d'exemples de ce qui est attendu des élèv es à chaque niveau, dans les manuels scolaires
ou dans des banques de situations
– former les enseignants à construire des situations d'évaluation, à corriger des copies
d'élèves de manière critériée, et à exploiter les résultats des élèves à des fins form atives
– assurer un accompagnement de ces enseignants dans leurs classes.
Responsables, inspecteurs, chefs d'établissements, chercheurs, enseignants, chaque
catégorie d'acteurs a donc un rôle clé à jouer dans cette réforme ambitieuse mais
nécessaire pour to ut système éducatif qui veut rester à la fois efficace et démocratique.

473

05.Comment peut -on justifier les difficultés éprouvées dans le processus d’écriture chez
l’enfant ou l’adolescent ?

Certains pensent que la crainte du jugement constitue un facteur majeur dans les
difficultés éprouvées par les apprenants. En revanche, une grande partie de nos élèves1
affirment que ce n’est pas le jugement critique , considéré comme phase indispensable
dans le processus d’enseignement/ apprentissage, qui leur fait p eur mais il s’agit d’un
certains nombre de facteur, beaucoup plus rédactionnels ou relatifs à cette tâche, qui
entravent l’activité d’écriture.

5.1.Tenir compte du lecteur

Tous les écrits dont nous verrons les particularités sont des outils de commu nication
entre un expéditeur – qu’il soit ou non le rédacteur – et un ( des ) destinataire ( s) .
Administrations , entreprises , individus , sont tour à tour émetteurs et récepteurs de ces
messages écrits qui transmettent :
 Des informations ,
 Des conseils ,
 Des consignes .
Pour que ces documents atteignent leur (s) objectif (s) , il est indispensable qu’ils
tiennent compte de leur ( s) destinataire ( s) et soient compris par lui ( eux) .

5.2.L’impression de ne pas savoir les mots , la syntaxe des phrase et la présentation
esthétique

C’est au moment de présenter les idées , informations , conseils …que se pose le
problème du « comment le dire » ? Ainsi, nous reconnaissons là que le niveau de
vocabulaire, l’expérience des différents acteurs , … s ont très variables selon la
formation des individus .
Nous nous bornerons donc à donner des conseils permettant à chacun , à partir des
ressources qu’il à déjà , de pouvoir varier et adapter son langage : il s’agit de choisir
comment écrire d’une façon per sonnelle , en fonction du contexte , de l’objectif et des

1 D’après un petit entretien oral effectué auprès d’eux

474

relations qui existent entre le « rédacteur » et le destinataire. Notons ici que les aspects
concrets de présentation tels que : graphiques , schémas , aération , lisibilité ,
disposition sont in dispensable dans la rédaction d’un texte.

5.3..L’impression de ne pas savoir trouver et ordonner les idées , faits , exemples :

De nombreux participants dans notre expérimentation d’expression écrite se plaignent
de manque d’idées .« Que dire ? » ,« Que faut -il mettre dans sa rédaction , dans son
texte ? », « Quels arguments faut -il développer ? » Telles sont les questions qui se
répètent .

Toutefois, les gens ont été formés pendant plusieurs années dans le primaire , dans le
secondaire , en form ation supérieure ou continue …et il arrive encore qu’ils se heurtent
à la difficulté de « produire des idées ».

Or, nous avons constaté, à l’aide de quelques méthodes simples , que les mêmes
participants pouvaient avoir recours :
 A leur mémoire ,
 A une documentation extérieure ,
 A tout leur savoir acquis , pour « nourrir » le document devant lequel ils étaient
bloqués . Par quoi commencer ? Comment continuer ? Quel ordre suivre pour présenter
les différentes idées ? Comment conclure ?
Il n’ya pas une seule manière d’ordonner un écrit . Les plans possibles sont nombreux .

Il arrive très fréquemment que , à la lecture d’un document , on ne comprenne pas
pourquoi la personne qui l’a écrit dit :
 Ce qu’elle dit .
 A ce moment -là ,
 Dans cet ordre – là .
Une telle difficulté de compréhension d’un texte peut avoir des effets négatifs sur la
réception du message . Ce qui peut être expliqué par les points ci -dessous :

475

 Ou bien le « message » apparaît difficile à comprendre et n’a pas été traduit en des
termes accessibles au lecteur ( c’est le cas de textes dits « de vulgarisation » qui ne sont
pas exempts de termes techniques , spécialisés) .
 Ou bien les informations ne sont pas présentées dans une succession significatives .
C’est face à ce problème que surgit la nécessité de proposer un PLAN.
Tout document rédigé , destiné à remplir une fonction précise ; information ,
argumentation, transmission d’un savoir -faire ne sera reçu par son destinataire -lecteur
1, que si ce dernier en perçoit la logique , e n suit le raisonnement .
Il y a certes de multiples situations de communications écrites , mais il n y a pas de
plan- type . Cependant , un certain nombre de constantes traversent le travail
d’élaboration d’un texte .
-Pourquoi un plan ? Le fait d’élaborer un plan , schéma , à partir duquel sera rédigé le
texte ,quel qu’ il soit ;présente un certain nombre d’avantages pour soi et pour le
destinataire.

 Pour soi, le plan aide à :

 Choisir les informations : il faut savoir renoncer à tout dire et tirer parmi tous les
éléments qui viennent à l’esprit, ceux qui sont pertinents par rapport au contexte (
situation –-destinataire , …) .
 Choisir une progression des informations : il s’a git de les classer de telle sorte que
chaque élément de l’écrit prenne un sens par rapport à ce qui précède et à ce qui suit .
 Prendre une distance par rapport aux détails , sans s’y perdre : pour faire un plan , il faut
s’imposer de dégager les grandes li gnes , les informations pertinentes .
 Maitriser la totalité du document du début à la fin : avant de rédiger à proprement parler
, il importe de savoir d’où l’on part , ou l’on arrive et par quelles étapes l’on passe .
Cela permet de choisir une organisati on du texte qui élimine les redites , les
informations inutiles.
Tout le travail préalable que représente l’élaboration d’un plan n‘est pas, contrairement
à ce que l’on croit souvent , du temps perdu ; c’est un gain de temps dans la mesure où

1 Ici il s’agit de l’enseignant , c’est lui qui reçoit, juge puis évalue

476

la phase de rédaction est planifiée et se fait sans surprise .

 Pour le (s) destinataire (s) Un plan aide à :

 Comprendre « immédiatement » la démarche .Dans le cas d’un document long ,
l’annonce du plan permettra au lecteur de s’y retrouver et de situer dans les différentes
étapes de la rédaction .
 Comprendre la logique de cette trame pour rester attentif au texte écrit .
 Comprendre la raison d’être (nécessité) de chacune des étapes1 .
Compte tenu de la diversité des écrits que nous envisagerons dans le parcours scolaire
algérien dès le primaire au lycée. Toutefois , l’élaboration d’un plan répond toujours à
certaines contraintes que nous allons analyser maintenant .

 Pourquoi une introduction et comment ?
Comme le terme lui -même l’indique , l’introduction « introduit » le lecteur -enseignant
dans le produit du scripteur -élève. Elle situe le contexte , le sujet et centre dés le début
le lecteur sur la situation qui le motive .
Ainsi , dés le premier contact avec le document écrit , le destinataire saura avec
précision :
 De quoi on parle ,
 Pourquoi on en parle ,
 Comment on va en parler2 ,

 Pourquoi des transitions entre les parties et comment ?

La transition est ce qui permet d’identifier le passage d’une partie à une autre partie ,
d’une étape de la pensée à une autre étape . Dans le cas d’écrits de plus grande
importance ( compte rendu , rapport , écrits universitaires de type surtout argumenta tif) ,
la transition est rédigée de telle sorte qu’ elle permette , à chaque étape , de faire le
point :

1 par le plan , le destinataire va s’intéresser ou non à ce qui est dit ou écrit .
2 Ici le verbe « parler » est introduit dans l’acte de production écrite.

477

 Elle fait apparaître , par une synthèse , l’essentiel de la partie que l’on vient de
terminer ;
 Elle annonce l’étape dans laquelle on s’engage .En eff et , le lecteur qui n’est pas « plein
du sujet » comme celui qui le traite , a besoin de points de repère dans la progression .
Cette identification des étapes imprime celles –ci dans la mémoire du lecteur et l’aide à
suivre .
La méthode de l’ « Entrainement Mental » annonce cette démarche avec la formule
suivante :« je dis que je vais le dire ,Je le dis ,Je dis que je l’ai dit … »
Les transitions peuvent être aussi des « conclusions partielles » des différentes étapes
que l’on traverse .

 Une conclusion générale; Pourquoi Comment ?

On peut se demander sur ce qui reste dans la mémoire d’un lecteur lorsqu’il a fini de
prendre connaissance des informations ou arguments qui lui étaient destinés .
Dans le cas d’écrits , la conclusion est la plupa rt du temps le rappel de l’objectif et de ce
que l’on attend éventuellement d u destinataire comme action. Bien entendu, le lecteur
devra trouver dans le texte , avant la conclusion , tous les éléments permettant de
justifier et de comprendre cette conclusi on .

En résumé, la conclusion permet de fixer l’essentiel du « message » qu’on voulait
transmettre et qui déterminera les actions futures .

478

6. Quelle s compétence s développée s par notre activité d’intégration ?

6.1. présentations et spécificités

Dans le cadre de notre recherche documentaire, nombreux sont les documents officiels
que nous avons consultés dans le but d’étudier et d’analyser l’aspect langagier central
sur lequel se base l’enseignement du français langue étrangère dan s notre pays.

Certes, Enseigner /apprendre le FLE constitue un objectif pédagogique, mais quelle
compétence communicative -pragmatique veut -on installer1 ou développer 2chez
l’apprenant algérien ? Telle est la question pour laquelle nous envisageons u ne réponse
dans la partie ci -dessous.
Apprendre à produire un texte devient central et décisif dans la carrière scolaire. Il ne
suffit pas d'ajouter les mots les uns aux autres pour créer une phrase. De même, une
simple addition de phrases ne constitue pas un texte. Et le produire demande la mise en
œuvre d'opérations multiples et interdépendantes. Pour simplifier, disons que la
production d'un texte se déroule selon trois phases.
Au départ, l’élève -auteur possède une représentation prélinguistique du suje t qu’il va
traiter. C’est -à dire un ensemble plus ou moins vaste de connaissances non encore
verbalisées, qui se présentent à l’esprit de manière plutôt globale. Ensuite l’auteur se
présente la situation de communication où il va inscrire son texte. Dan s une troisième
étape, il utilise les ressources du langage pour transformer la représentation
prélinguistique en texte organisé et cohérent, formulé dans une disposition linéaire.
Cette dernière étape exige une élaboration plus ou moins longue et dif ficile.
Pour peu qu'on se souvienne des multiples éléments constituant le système -texte, on
comprend qu'il serait vain de proposer une démarche unique pour produire un
texte. Chaque texte est différent et son élaboration est toujours une aventure singulière,
non répétable.

1 Au cycle primaire, il s’agit des premiers acquis scolaires à installer
2 Les acquis du cycle primaire vont être développés dans les autres cycles : Moyen et Secondaire

479

Nous avons choisi de nous limiter aux textes dits "de reproduction" tel que « le résumé" ,
c'est-à-dire correspondant à des modèles relativement précis, ce sont les devoirs
habituellement proposés à nos élèves algériens. Par ail leurs, on serait tous aussi
amenés à composer des textes "de production" , c’est là où s’inscrit notre activité
d’intégration, où notre imagination peut se déployer en toute liberté. Ces lieux
d'épanouissement ne se plient pas nécessairement à toutes les contraintes de la
grammaire du texte. Et leur apprentissage passe par d'autres voies.
6.2.Objectifs généraux de la production de textes scolaires en Algérie
6.2.1.S'exprimer dans une langue correcte .

A l'école, mais aussi dans la vie professionnelle, la maîtrise de la langue orale ou écrite
est un critère majeur d'évaluation, parfois même éliminatoire. Il s'agit de respecter les
différentes normes : lexicales, morphologiques, syntaxiques. Les erreurs les plus
visibles concernent les accords, les homophones, l'orthographe lexicale, l'emploi des
temps.

6.2.2. Adapter son texte aux circonstances de la communication.

Selon les consignes imposées, le texte dessinera une certaine relation entre l'auteur et le
lecteur ( énonciation ). L'élève -auteur s'adresse à son destinataire différemment dans une
dissertation, dans un exposé pour la classe ou dans un article pour le journal de l'école.
Cela concerne le niveau de langue, la présence ou l'absence de l'énonciateur et/ou de
l'énonciataire, l'importance de la redondance, la mise en pages ou l'articu lation vocale
notamment.
Si le texte est fonctionnel, c'est -à-dire s'il consiste à rendre compte d'un autre texte, il est
impératif de produire des références précises et de respecter les consignes dans leur
intégralité.

6.2.3.Produire un texte personnel.

Il sera difficile pour l’élève surtout s’il a pris la peine de se documenter, de ne
formuler dans son texte que ses propres idées. Il est d'ailleurs conseillé de puiser des
avis et des informations à différentes sources. A la condition toutefois de tou jours

480

signaler ses emprunts et sa retouche personnelle.Ce texte sera évalué positivement s'il
dépasse les banalités, les "clichés", les idées raccourcies, les répétitions interminables.

Il s'agit donc, par exemple, de préciser les idées générales, de les appuyer sur des faits
établis, de traiter l'intégralité d'un sujet ou de prendre en compte la thèse adverse..

6.2.4.Construire un texte cohérent.

Précisons d'emblée qu'ils s'agit, entre autres, d'ordonner les parties du texte, de les
hiérarchiser, de le s articuler les unes aux autres; d'assurer la répétition des thèmes
essentiels mais aussi l'apport d'éléments nouveaux.

Ainsi, voici les différentes étapes par lesquelles passe celui qui produit un texte oral
ou écrit.
1. Prendre en compte la situation de communication : l’usage auquel le texte est destiné, le
rapport entre l’auteur et le destinataire, le support du texte et l’intention que le texte
doit réaliser.
2. Définir (délimiter e détailler) avec précision le « référent » du texte, élaborer des
signif ications consistantes.
3. Organiser le texte en références à des modèles généraux (genres et types).
4. Assurer la cohérence du texte.
5. Exploiter les ressources lexicales, morphologiques et syntaxiques.
6. Maîtriser les conventions phoniques (discours oral) ou gra phiques (texte écrit).
7. Intégrer la dimension non -verbale pour construire du sens .

Ces savoir -faire sont ici traités successivement , comment faire autrement si dans la
réalité ils doivent être mis en œuvre, ensemble, durant toute la conception du texte.

6.2.5.Prendre en compte la situation de communication .
 A. L'adaptation à l'usage

Tout texte est proposé à un destinataire, il en reçoit ou non l' approbation, il est lu
complètement ou rejeté. Dans certains cas, le rejet du texte n'entraîne guère de

481

conséquences graves pour l'auteur déçu. Il y a d'autres occasions où l'échec du texte
peut peser lourd. C'est le cas en milieu scolaire notamment où les textes d'élèves
donnent lieu à une évaluation. Si cette évaluation est négative cela se répercute parf ois
de façon très sévère sur l'avenir des adolescents.

 B. Le rapport auteur -destinataire (énonciation)

L'énonciation est l'acte par lequel un énoncé est produit. Pour que cet acte ait lieu, il faut
un émetteur (destinateur), un récepteur (destinataire), des circonstances (de temps et de
lieu notamment) qui rendent possible le contact entre ces deux agents et, bien sûr, un
langage commun. (J. -L. Dumortier) .

Chaque texte s'inscrit dans une énonciation particulière "historique" ou "discursive".
Pour certain s types de textes les manières de concrétiser cette relation sont fixées par
l'usage,. Dans les autres cas, l'important est que l'auteur se soit posé les questions que
nous proposons ci -dessous, y réponde adéquatement et garde cette réponse en mémoire
durant tout son travail de production.

 C. L'énonciateur n'est pas l'auteur.

L'auteur d'un texte, personne physique, ne doit pas toujours apparaître comme tel dans
le texte. Il semble d'ailleurs qu'il ne puisse jamais le faire et que sa personne, quels que
soient son talent et les efforts qu'il mette en œuvre, sera toujours plus riche que ce qu'en
dira son discours. Le terme énonciateur désigne la représentation, l'image que donne le
texte de son émetteur.

 D. Faut-il manifester l'émetteur ?

Il n'y a pas de réponse définitive à cette question. L'énonciateur peut apparaître comme
image fidèle de l'auteur (témoignage, mémoires…); comme un portrait retouché pour
produire un effet (roman écrit à la première personne, discours électoral, confessions…);
comme un personnage fictif (publicité, science -fiction…); voire ne pas apparaître du tout
(texte historique, résumé de texte). L'option retenue influencera évidemment
l'aspect objectif ou subjectif du texte.

482

 E. Identifier le destinataire.
Le destinataire du texte n'en est pas nécessairement le lecteur, et vice -versa. Mais
l'identification correcte du destinataire est indispensable pour que le texte soit recevable,
qu'il atteigne son objectif : être lu.
En conséquence, il faut adapter le ton, le niveau de lan gue mais aussi la façon de
rapporter les informations et l'importance des redondances (images, exemples,
paraphrases…). Bref, se représenter le savoir du destinataire, prévoir ses attentes, ses
façons de réagir aux affirmations, aux exemples.
Selon J -P Laurent, il est toujours intéressant, pour l’auteur d’un texte, d’avoir présent à
l’esprit, au moment d’écrire, la question suivante : « ne suis -je pas trop resté dans mon
langage à moi dans mes mots à moi, bien familiers mais peut -être pas assez assimi lés
par les autres ? Ai -je bien traduit ce qui serait trop abstrait, trop formel, trop
technique ? »
En effet, le texte persuasif s'adresse à un destinataire censé ne pas partager les opinions
de l'auteur; le texte informatif, par contre, s'adresse à un d estinataire ni opposé ni
favorable.

 F. Comment représenter le destinataire ?

Ici aussi les réponses varient d'un texte à l'autre. Il est parfois utile d'effacer
l'énonciataire. Parfois il convient de lui donner des traits avantageux ou désavantageux.
Certains textes s'adressent même à un destinataire fictif (Lettres persanes).

 G. Les caractéristiques du support

Le texte sera bien sûr différent selon qu'il sera transmis par voie orale ou écrite.
Cependant celui qui veut atteindre son objectif doit savoir dès le début de quelle façon il
sera transmis. De même il doit en connaître le format (le volume du texte écrit, la durée
de l'exposé) et certains élèves le savent bien : « Combien de page s vous faut -il ? »
question destinée aux enseignants. C'est essentiel parce que le format détermine
l'ampleur du sujet et le niveau de redondance. Cette question des élèves que les

483

professeurs soupçonnent de vouloir en faire le moins possible est donc parf aitement
légitime et témoigne même d'une réelle maturité. Il faut enfin savoir sous quelle forme
apparaîtra le texte écrit (manuscrit, dactylographié, imprimé) pour l'organiser en
conséquence. Les possibilités de titrage ou de variantes typographiques, par exemple, en
dépendent.

 H. L'intention du texte

Parfois les consignes indiquent explicitement l'objectif du texte : informer ou expliquer,
convaincre ou enjoindre, divertir… Dans d'autres cas, à partir d'un même sujet, l'élève
peut choisir l'orientat ion qu'il donne à son texte.
L’élève -auteur doit toujours se poser les questions suivantes :
 Comment se présentera la forme définitive du text e ? Quel est le format envisagé ?
 De combien de temps puis -je disposer ?
 S’agit-il d'un essai ou d'un te st ? , quels sont les critères d'évaluation?
 Toutes les consignes sont -elles clairement énoncées, comprises ?
 Compte tenu des aptitudes, quelles précautions particulières sont à prendre pour assurer
une bonne lisibilité (présentation, orthographe) ?
 Les connaissances, mots et concepts, qu’il veut transmettre ne sont -ils pas trop simples
ou trop compliqué s pour son destinataire ?
 Doit-il, l’élève -auteur :émetteur, apparaître dans son texte ? Ou doit -il adopter
l'énonciation "historique" ?
 Quel récepteur doit-il viser ? Doit -il apparaître dans son texte ?
 Au cas où l'émetteur réel et le récepteur visé ne doivent pas apparaître dans le texte,
faut-il créer un énonciateur (éventuellement, un énonciataire) fictifs ?
 Quelle est son intention dominante?
 Quel d osage doit -il réaliser entre information, plaisir, persuasion ?

 I. Déterminer le sujet du texte. (le référent )
Plus la représentation prélinguistique est riche, plus la production d'un texte organisé et
cohérent sera aisée. Une part importante du temps doit donc être consacrée à nourrir,
clarifier, préciser les connaissances. Du dictionnaire à la volumineuse encycl opédie; du
manuel scolaire à la farde de documentation. Il ne suffit d'ailleurs pas de trouver les

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informations, encore faut -il les trier. La difficulté se présente surtout pour produire les
textes à référent réel.
Quel sujet principal et quels points seco ndaires font l'objet du texte à produire ?
Quelques notes griffonnées sur une feuille de brouillon balisent le travail. Amorce d'un
plan qui sera sans doute évolutif, ce préliminaire prend peu de temps et offre l'avantage
considérable de soutenir l'inspira tion.
Réfléchir soigneusement avant de commencer, en parler autour de soi quand c'est
possible, permet d'éviter de répéter des idées reçues (clichés ) ou de jongle r avec des
mots abstraits, des généralités en oubliant la réalité que ces mots devraient recouvrir.
Mais il ne faut pas se faire d'illusions, impossible d'écrire son texte dans sa tête,
l'aventure du texte conduit toujours à des découvertes imprévisibles.
Du reste, lorsque le sujet est bien préparé, l'élève -auteur éprouve plus de mal à
sélectionner les informations qu'il a recueillies et à les adapter au destinataire, qu'à
diluer son texte pour lui faire atteindre le format voulu.
 Le sujet du texte est -il délimité avec précision ?
 Les informations disponibles sur le sujet et provenant de sources diverses, sont -elles
étoffées, suffisamment pour ne pas devoir délayer mon texte ?
 Ces connaissances sont -elles suffisamment adaptées à mon destinataire ?
 Les infor mations recueillies pourront -elles supporter les limites du texte demandé ? Si
non, quelles sont celles qui sont essentielles ?

 J. Organiser le texte
Il nous semble que ce point, que nous avons évoqué plus haut, nécessite plus
d’explicitation vu le rôle cucial qu’il joue par rapport à la cohérence textuelle.

Le plan de développement « La créativité naît de l’ordre et de
l’organisation ».(A.Delcampe)

Deux manières très différentes d'organiser le texte coexistent: le plan linéaire : début,
développement, fin et le plan de l’hypertexte. Dans le plan traditionnel, le lecteur suit
un cheminement immuable imposé par l'auteur. Dans un hypertexte, c'est le lecteur qui

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organise lui -même sa circulation dans des cellules textuelles plus ou moins nombreuses
: les "hypotextes".
 K. Le plan traditionnel du texte :

Entre les premier et dernier paragraphes, ce qu'on appelle le corps du texte est disposé
selon un ordre significatif. Le plan, représentation schématique de cette organisation,
sera pour le lecteur, une aide appréciable. Il donne une structure aux informations et aux
éléments du discours, il sert également de guide au cours de la rédaction évitant à
l'auteur, pris dans le travail d'écriture, d'omettre des éléments importants.
L'élabor ation préalable du plan est conseillée, même s'il arrive souvent qu'il se modifie
en cours de rédaction. L'objectif sera surtout de classer, proportionner, hiérarchiser les
informations et les éléments du discours, de rechercher l'ordre qui leur convient (A quel
endroit de mon texte ce paragr aphe sera -t-il le plus efficace ?).
Il existe en réalité trois ordres différents :

-L’ordre dans lequel on trouve ses idées sur un sujet donné : il est aléatoire, zigzagant,
imprévisible
-L’ordre dans lequel il faut p lacer ses idées pour les exposer : il y a une chance sur deux
pour que nous soyons amenés à le modifier au cours de la rédaction.
-L’ordre dans lequel il faut rédiger, il est souvent meilleur, selon le conseil de Pascal, de
rédiger sur brouillon dans l’ ordre suivant : corps du sujet, conclusion, introduction en
dernier.

En outre, le plan se présente sous des formes très visuelles : plan à tiroirs (chaque idée
secondaire est placée sous la principale et décalée vers la droite) ou plan -tableau (à
partir d 'une proposition complexe sont alignées des colonnes où figureront les
développements). ….

En revanche, la structure du texte peut se concevoir de façon continue lorsque les
éléments sont organisés selon un enchaînement chronologique (les idées, les épiso des,
sont disposés selon leur rapport au temps; d'avant à maintenant ou de l'état actuel à des
états antérieurs); ou un enchaînement logique (les idées, les épisodes, s'articulent les uns
aux autres, l'un entraîne l'autre). On va de la totalité au détail o u, à l'inverse, du détail à

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l'ensemble. Cette composition enchaînée est proche du langage spontané, elle en a la
richesse (simplicité) et les inconvénients (manque de relief).

Par ailleurs, lorsque la structure est discontinue, on parle d'enchâssement (la progression
est interrompue par des ruptures temporelles (flash -back, anticipations) ou spatiales
(éventuellement disposées en montage parallèle). Les ruptures dans la progression sont
tout à fait acceptables pour autant que le lecteur soit averti et aidé .
-Faut-il manifester son plan ?
Dans certains types de textes c'est nécessaire. Plus le texte est explicatif, plus il est long
aussi, plus le lecteur attend ce métadiscours. En règle générale : dénombrer, énumérer
les points à expliciter donne d'emblée un aspect de clarté. Ensuite baliser le texte pour
rappeler (reprises) ce plan et aider le lecteur à s'orienter dans le système -texte.

En effet, chaque texte a un plan particulier : dans un texte d'argumentation, par
exemple, il vaut mieux disposer ses arg uments dans un ordre croissant afin de
convaincre progressivement le lecteur, quand on décrit on dirige le regard, d'emblée ou
par étapes, vers l'objet important, un article de presse demande que les éléments soient
disposés de manière à susciter l'envie d e lire d'un lecteur pressé et distrait, d'où la
présence d' intertitres courts et accrocheurs qui constituent autant d'étapes dans la
progression du texte et qui, seuls, en constituent un résumé (plus ou moins fidèle).

De plus, au niveau du plan, l’introduction n'est pas toujours nécessaire, bien souvent il
est plus indiqué d'entrer d'emblée dans le vif du sujet. On trouve plus de précisions à
propos du paragraphe initial en général ou de l'introduction proprement dite dans les
parties relatives à la dissertation . Il en va de même pour la finale (la conclusion).
Quand le texte est bien construit, la conclusion s'impose, il n'est pas besoin de la
formuler. Ceci dit, il est utile au moment où le plan de développement se construit, de
prévoir la f inale, la clôture du texte.

 L. L'organisation textuelle ou phrastique

L'organisation du texte exige toujours des relations entre les phrases, ces "articulations",
comme celles du corps humain, relient entre eux les membres d'un texte, elles font

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passer le lecteur d'une idée à l'autre. Articuler ses idées revient en quelque sorte à les
assortir, pour donner plus d'unité, de cohérence au paragraphe, au texte.

 L.1.. L 'organisation des phrases :

L'organisation de la phrase complexe, longuement étudiée au cycle inférieur ne devrait
plus poser de difficultés. Relier les compléments, mots, groupes ou propositions, au mot
ou à la principale se fait assez naturellement par juxtaposition, coordination o u
enchâssement. Rappelons simplement ici le conseil de variété : sauf effet voulu (qui doit
être perçu comme tel par le destinataire), l'utilisation sans raison valable de conjonctions
et de prépositions identiques enfreint le principe de la progression et réduit la cohérence
du texte.

 L.2.L'organisation des paragraphes .

La constitution de paragraphes et leur organisation sont quant à elles plus
problématiques. Les débutants négligent souvent d'aérer leur texte par des paragraphes
clairement délimités po urtant très importants dans la mesure où ils indiquent
visuellement ce qu'il faut lire sans s'interrompre, et à partir d'où le lecteur distrait doit
reprendre si le contenu n'a pas été bien perçu. C'est que cet ensemble d'énoncés n'est pas
constitué de man ière immuable. Les informations se transmettent mieux lorsqu'elles
sont groupées par paquets. Et pour constituer un paquet, il faut, c'est ce que montre
l'observation des textes, rassembler les informations autour d'un thème central (idée,
argument, épisod e…) Ce paquet c'est, habituellement, le paragraphe dont le signe
distinctif est l'alinéa ou la "ligne sautée".

Dans la pratique on reconnaît qu'un paragraphe est constitué lorsqu'il permet de
répondre par un seul élément à la question : de quoi parle c e paragraphe ? S'il est
nécessaire de répondre par plusieurs compléments c'est qu'il y a matière à constituer
plusieurs paragraphes. On le voit, il s'agit plus d'un critère de contenu que de longueur.
En cas d'hésitation on choisit la solution qui assure l e maximum de confort au lecteur.

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Dans les textes persuasifs ou informatifs, on trouve souvent cette structure :
1. articulation avec le paragraphe précédent,
2. annonce de l'essentiel du paragraphe : thème + rhème,
3. développement, énoncé détaillé de l'idée privilégiée,
4. illustration par des faits,
5. affirmation définitive
6. transition vers le paragraphe suivant.

Mais ce modèle n'est pas absolu. On peut s'écarter des sentiers battus pour autant que
l'on reste attentif à son lecteur et à son confort, sans cela le texte sera inefficace.

 L.3.-L'organisation du texte :

A l'intérieur du paragraphe, les informations, les phrases, sont reliées, articulées entre
elles sous peine de voir le texte ressembler à un dictionnaire ou un annuaire de
téléphone. Entre eux, les pa ragraphes sont aussi articulés pour assurer la cohésion, que
le lecteur attend, du système -texte. Et pour que cette organisation lui apparaisse, l'auteur
installe des signaux, des balises. Chaque paragraphe est donc, en principe, encadré d'une
ou plusieurs unités de signification (connecteurs) le mettant en relation avec le
précédent et le suivant.
En outre, la langue offre à celui qui écrit une grande réserve de procédés, le talent de
l'écrivain se reconnaît d'ailleurs, entre autres, à sa façon d'installer des transitions entre
les parties de son texte. Il existe trois catégories d'organisateurs du texte : la mise en
pages (titrage et division en paragraphes), les mots -outils et les connecteurs
sémantiques.

En revanche, les divisions du texte constituent u ne macro -organisation du texte. Elles
indiquent au lecteur les paquets d'informations à lire en une seule fois. Cela lui permet
d'interrompre sa lecture pour réfléchir à ce qu'il vient de lire, l'évaluer ou de relire si
besoin est. Cette division en alinéa s est donc un facteur d'interactivité entre le lecteur et
l'auteur. La division en paragraphes visualise le plan du texte et le titrage éventuel en
précise et en hiérarchise les sous -ensembles. La ponctuation permet aussi parfois de
manifester les relation s entre séquences.

489

Il est à noter que le titre ne crée pas la structure, il l'appuie, la signale. Il ne vous
dispense jamais d'articuler le corps du texte. Il faut produire chaque fois un titre adapté
aux paragraphes qu'il annonce.

A l'intérieur des phrases agissent en outre des mots -outils. Ce sont des mots ou des
expressions servant exclusivement à énoncer quatre types de relations : chronologique,
logique, d'énonciation, d'adaptation.

Ainsi, le rôle des mots -outils est essentiellement d'indiquer quel type de relation unit des
ensembles ou sous -ensembles d'informations. D'autres mots, les connecteurs
sémantiques cumulent ce rôle avec celui qu'ils jouent au sein de la phrase.

 M. Assurer la cohérence Pour qu'un texte soit cohérent, il faut :

1. qu'il comporte dans son développement des informations qui se répètent ;
2. qu'il comporte dans son développement des informations nouvelles ;
3. qu'il n'y ait aucune contradiction entre les informations présentées ;
4. que les informations puissent être reliées.

Avant d'aller plus loin, il convient de préciser que ces règles, comme souvent dans le
domaine linguistique, peuvent être transgressées. On trouve des textes parfaitement
lisibles qui enfreignent délibérément l'un ou l'autre de ces principes. La cohérence est en
effet relative aux autres constituants du texte. Les audaces peuvent enrichir un texte,
elles peuvent aussi le gâcher. Pour que la cohérence soit maintenue, il faut que le
destinataire soit bien conscient que tel effet est déviant et qu'il en apprécie l'intention
poétique ou ludique. Sinon les écarts de langue seront interprétés comme des f autes. Il
importe de citer quelque règles considérées comme un guide précieux .

La redondance assure l'efficacité de la communication. Plus une idée e st importante,
plus souvent elle doit apparaître dans le corps du texte (les reprises). Le lecteur,
l'auditoire, est nécessairement plus attentif à une information donnée à plusieurs
reprises. Pour compenser sa prévisible distraction, il faut s'assurer que si le lecteur est
passé à côté d'une information, il la rencontre forcément à nouveau. Il faut aussi prévoir
qu'il n'ait pas parfaitement compris un énoncé et donc le reformuler plusieurs fois. Plus

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le texte est long, mieux il supporte la répétition, le d iscours oral davantage que le texte
écrit.

De plus, la deuxième règle de cohérence ne contredit pas la première.
Un texte qui répéterait invariablement la même phrase découragerait pas mal de lecteurs
.Il faut donc que le texte apporte sans cesse des él éments nouveaux, c’est ce que nous
appelons la progression.

Sauf quand elle répond à une nécessité ou crée un effet, la répétition des mêmes mots ou
des mêmes structures dénote la pauvreté de la langue de celui qui écrit. Pour assurer la
variété de l'expr ession, on recherche des substituts : hyperonymes, synonymes,
périphrases ou on modifie la construction pour exprimer l'idée de façon différente, plus
précise de préférence. Évidemment plus son savoir verbal est important, plus celui qui
écrit dispose d'ou tils pour varier son expression.

En ce qui concerne le contenu, le deuxième énoncé d'une information est, de préférence,
légèrement différent du premier (plus précis, plus dramatique, autre situation spatio –
temporelle…) . Voici quelques procédés classiqu es de reprises ((Dupont et al, 1994) :
 reprise pure et simple d'une unité lexicale (par un nom propre, un substantif et son
déterminant, des marques de la personne).
 reprise de l'unité lexicale avec changement de déterminant.
 substitution (pronominalisation, synonyme; hyperonyme / hyponyme, transfert autorisé
par le contexte, paraphrase descriptive, généralisation…)
 reprise morphosyntaxique (nominalisation, relativisation…)

Deux autres moyens permettent des répétitions discrètes : la paraphrase et l'exemple : la
paraphrase exprime en d'autres mots une information déjà donnée;
l'exemple précise, illustre une information jugée trop abstraite pour le destinataire.

Ainsi, la contradiction peut disqualifier le texte à plusieurs niveaux : i ncompatibilité
entre plusieurs informations mais aussi variation injustifiée du mode d’énonciation.
Sauf à produire un effet particulier, on n'exprime pas à quelques lignes d'intervalles des
énoncés incompatibles. Citer un proverbe, par exemple, et quelqu es lignes plus loin

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mettre en doute la valeur de ce type d'énoncés est contradictoire. Le mécanisme de
l'erreur est le suivant. L'auteur commence à rédiger sans prendre le temps suffisant pour
cerner le sujet, la démarche linéaire d'écriture le conduit à a ffiner sa pensée, à
rechercher d'autres informations, bref sa représentation du sujet. Son savoir
prélinguistique évolue et comme il est dans le train en marche, il ne perçoit plus l'écart
entre l'expression qu'il vient d'écrire et celle qui subsiste d'un état antérieur de sa
réflexion.

Pour éviter de telles erreurs, on ne conseillera jamais assez le brouillon ainsi que
l'écriture différée. Relire son texte quelque temps après sa première rédaction permet
plus aisément d'en corriger les incohérences.

Le texte assure aussi sa cohérence (conformité ou originalité) avec une culture donnée
par intertextualité externe (c'est -à-dire par son rapport avec un ensemble très large et
très complexe d'autres textes (citations, allusions, réécritures, remaniements). Il est donc
recommandé de relier son texte à d'autres tout en gardant sa trace personnelle.

 N. Exploiter les ressources du langage
 N.1.-Aspects lexicaux

Une production écrite est soumise à plus d'exigence que celle de la production d’une
conversation. Pour être naturel il n'est donc pas indiqué d'écrire comme on parle.
Cependant, la recherche du vocabulaire précis ne doit pas aller jusqu'à vous faire utiliser
un jargon obscur. L'emphase des mots, la trop grande recherche dans le choix des
termes sont de mauvais goût.

Au contraire, l'expression la plus simple et la plus naturelle est souvent celle qui rend le
mieux la pensée. En effet, il faut choisir l'expression qui traduit l'idée le plus
exactement. Tenir compte de ces recherches linguistiques pour choisir à bon escient la
nature des mots que vous utiliserez. Le choix prioritaire des substantifs s'impose plutôt
quand votre texte vise à donner des informations. Par contre les verbes portent plus de
marques grammaticales (personnes, modes, temps, voix , aspect et modalité); ils
conviennent mieux à l’énonciation discursive, lorsque l'objectif est surtout
communicationnel.

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Certains noms, certains verbes sont utilisés dans une multitude de situations différentes.
Leur champ sémantique est tellement vaste qu'ils n'enrichissent que très peu le texte.
L’apprenant doit éviter les termes comme chose, faire. De même : être, avoir, devoir,
falloir, par exemple, seront avantageusement remplacés par d'autres tournures moi ns
usées. Il ne faut pas hésiter , par contre, à se servir de mots colorés qui expriment l'idée
et créent une image , et de substantifs qui se passent d'épithètes.

 N.2.-Aspects syntaxiques

Une idée, si vraie soit -elle, lorsqu'elle est exprimée de façon trop absolue et trop brutale
risque de devenir fausse. Il ne faut pas étaler le savoir d'une façon prétentieuse et
appuyée : il faut savoir pratiquer l'art de l'allusion discrète.

Les tournures impersonnelles comme « il y a, il faut, il vaut mieux que, e tc ». gagnent à
être formulées de mani ère personnelle. De même, un complément prépositionnel, un
nom ou un participe passé remplacent avantageusement la subordonnée.

En revanche, certains procédés ont pour effet d'augmenter la densité d'informations d'un
énoncé ( le rapport entre la quantité d'informations et le nombre de mots). La
condensation est l'inverse de la dilution où l'on trouve un niveau élevé de redondances,
de reprises. La communication se transmet mieux si sa condensation est adaptée à
certains facteurs. En effet, les procédés su ivants augmentent la condensation :
 nominalisations (une phrase entière est parfois transformée en groupe nominal)
 constructions détachées (groupe de l'adjectif) :
Fatigué, Paul s'assit. = 1. P. s'est assis. + 2 . Parce qu'il était fatigué.
 appositions (groupes nominaux) : Conducteur débutant, il est néanmoins parvenu à
éviter le danger. = 1. Il est un conducteur débutant.+ 2. Il est néanmoins parvenu à
éviter le danger.

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Inversement d'autres procédés réduisent la condensation et conviennent à des
circonst ances où l'attention du destinataire est moins forte : subordination, répétitions,
paraphrases, exemples…

En français, la phrase est rarement trop courte, ou trop claire. Lorsque l’apprenant
éprouve des difficultés de rédaction, il doit savoir si son i dée est achevée, si sa pensée
est nette. La concision ne consiste pas tant à faire des phrases courtes plutôt que des
longues, mais à ramasser, à condenser, à épurer l'idée dans une forme de plus en plus
serrée. Elle convient particulièrement aux textes de nses destinés à un lecteur instruit et
attentif. Sauf quand cette extension répond à une nécessité ou crée un effet, la répétition
des mêmes mots ou des mêmes structures dénote la pauvreté de la langue de celui qui
écrit. Pour l'éviter, il faut rechercher des synonymes ou modifier la construction de la
phrase pour exprimer son idée de façon plus précise et ce en variant les constructions
(passer de la monotonie de la structure : Sujet + Verbe + Complément, aux inversions,
aux phrases nominales, aux que stions) .

 N.4.-La question du style :

Style lourd, écrivent les professeurs en marge des devoirs. Qu'est -ce donc que ce style
qui laisse tant d'étudiants perplexes quand la seule évocation de ce terme ne les paralyse
pas totalement, ignorant qu'ils sont de ce que recouvre ce concept.
Le style peut se définir comme la résultante plus ou moins adéquate de l'interaction de
plusieurs facteurs, situationnels (les circonstances de la communication), d'une part;
linguistiques, d'autre part, ce sont la phonétique , la morphologie, le lexique, la syntaxe,
la sémantique et la grammaire du texte. Le travail langagier les met en accord avec les
circonstances.
A l'écrit même, plusieurs variantes coexistent : l'écriture qui convient à la lettre, par
exemple, supporte plu tôt mal une publication sans retouche. Il ne s'agit ici, évidemment,
que d'indications très générales. Si tout le monde écrivait de la même façon, ce serait
bien triste. L'originalité, la personnalité sont de réels critères de qualité.
Le style "communica tionnel" se reconnaît à quelques caractéristiques :

494

 phrases courtes (12 à 15 mots en moyenne, éviter l'accumulation de chiffres ou de
sigles).
 mots précis et accessibles ( expliquer les mots techniques);
 formulation nerveuse (pub') et orale (B.D.)
 sens du concret;
 recours à l'image;
 style direct ("guillemets", présent, voix active) sans pour autant écrire comme on parle.

 N.5.Conventions orthographiques

Un des problèmes les plus fréquents dans l'évaluation des travaux écrits de français est
certainement la présence d'erreurs orthographiques plus visibles. Comment limiter ces
erreurs et, si possible, les éliminer totalement ?
L'orthographe n'est pas un luxe. D'un point de vue strictement utilitaire, corriger ses
erreurs permet à l’apprenant de montrer qu’il a une bonne connaissance de la langue
utilisée; dans une lettre de demande d'emploi, c'est un atout certain. En outre, même si
le texte que l’apprenant -auteur écrit n'est destiné ni à être coté, ni à se procurer un
emploi, il ne faut pas oublier qu'il rep résente l’image de cet élève.
Nous supposons que, parvenus au cycle supérieur, les étudiants ont tous été initiés aux
règles de l'orthographe française plus compliquée que l'espagnole mais plus simple, à
certains égards, que l'anglaise.
La difficulté maje ure est donc, dans la plupart des cas, de reconnaître son erreur et non
de la corriger. Il s'agit somme toute d'une question de lecture. En effet, celui qui relit un
texte qu'il a récemment écrit de sa propre main a tendance à ne décoder que les
premières lettres d'un mot; il saute les derniers éléments, inutiles pour son esprit qui a
presque instantanément recomposé le mot entier sur base des premiers caractères
déchiffrés.

De là, sans doute, le fait que la majorité des erreurs d'orthographe se situent à la fin des
mots là où, malheureusement, se placent les morphèmes d'accord. Ainsi, il est conseillé
de s’exercer à reconnaître les racines , préfixes et suffixes. Il ne faut pas hésiter
également à utiliser un dictionnaire ou un mémento orthographique (trè s pratique, ce

495

type d'ouvrage présente des listes alphabétiques de mots sans leurs significations, il
suffit pour 70 % des difficultés rencontrées) , selon des études effectuées en ce sens.

6.3. Produire des textes en situation d'épreuve

En ce qui concerne la production de textes en situation d'examen, nous renvoyons à
l'ouvrage de Romainville.M,Gentile.C (1990, P46) , on y trouvera de judicieux
conseils. Voici, établie à partir d’une liste des termes les plus couramment utilisés dans
les questions.
Ainsi, cette illustration s’adresse aussi bien aux apprenants qu’aux enseignants.
Autrement dit , cette liste constitue une terminologie propre à la situation
d’enseignement/apprentissage :
-Apprécier : attribuer une valeur à un jugement, à une œuvre.
-Caractériser : mettre en évidence les traits distinctifs ou dominants.
-Commenter : examiner les différents aspects de la question, les développer en faisant
usage d'observations, de réflexions, de comparaisons, d'illustrations. Si le sujet s'y prê te,
on peut en exposer le pour et le contre, éventuellement démontrer la vérité ou le bien –
fondé de l'un ou de l'autre pour finalement prendre position et formuler une conclusion.
-Comparer : consiste à examiner plusieurs objets sous un même rapport pour e n faire
ressortir les différences et les similitudes. Il ne suffit pas de disposer en colonnes les
éléments comparables; comparer, c'est mettre en lumière, expliciter les rapports entre
ces éléments.
-Critiquer : prendre du recul et donner son jugement sur un objet; faire ressortir le vrai,
le faux, les qualités, les défauts.
-Décrire : énumérer les caractéristiques de quelque chose, en donner une idée à l'aide de
traits observables.
-Définir : préciser le contenu d'un concept, ses attributs essentiels.
-Démontrer : arriver à une conclusion, souvent imposée, de manière rigoureuse, par des
faits ou des raisonnements. Répondre au pourquoi.
-Discuter : procéder à l'examen contradictoire d'une question, dire le pour et le contre,
mentionner les avantages et les inconvénients.
-Étudier : analyser, sans qu'aucune limite, ni restriction soit imposée.

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-Examiner : est comparable à discuter.
-Expliquer : rendre compte analytiquement du sens.
-Illustrer : éclaircir le sens d'un texte, d'une proposition, d'une citation à l'aide d'un
exemple, d'un graphique ou d'un dessin.
-Justifier : est comparable à démontrer.

Rappelons ici que le texte est évalué d'après ce qui est écrit ou dit et non sur base de ce
que le correcteur suppose être ce que l'élève a "voulu dire" ou "voulu écrire".

En effet, on ne saurait trop insister sur la nécessité qu'il y a de se faire une idée correcte
des consignes qui sont proposées. Et pour cela, au lieu de foncer tête baissée,
s'accorder un temps de réflexion, esquisser mentalement un schéma de texte, lire et
relire les instructions, décomposer la question en ses parties, souligner, -sur le
questionnaire même, si cela est possible -, les différents points à traiter.

Lire chaque mot, sans se contenter d'une lecture rapide et approximative : "ah oui, je
m'en souviens, c'est dans le chapitre trois ! " Se dire cela lorsqu'on en est au troisième
mot d'une question qui en comprend vingt risques de produire bien des déconvenues !
Comprendre la question, c'est être capable de la reformuler avec ses propres mots, c'est
aussi la lire du point de vue d'un autre cours. C’est ce que nous avons essayé de prouver
par la propositi on de notre activité d’intégration

Une fois les consignes comprises, il faut encore en respecter toutes les exigences :
concision, complétude, cohérence, vue globale, synthèse, originalité… Et limiter sa
réponse à ce qui est demandé; l'excès nuit. Une bo nne habitude : il faut délimiter
explicitement dans la réponse, sous la forme d'un petit plan, les différentes parties en
rapport avec la question.

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7.Les types des écris scolaires en Algérie

Il est à noter que certains textes concernent tous les cycles et ils ne sont pas relatifs
uniquement au secondaire .

Il s’agit d es textes fonctionnels sont des textes basés sur une lecture et destinés à
manifester le savoir de l’apprenant.

7.1.La contraction de texte

Réduire à l'essentiel une conversation, une lecture, un cours; en donner une image
réduite mais fidèle est une opération courante. Mais si la contraction de texte reçoit en
classe une place de choix, c'est qu'elle développe l'agilité de l'intelligence, le goût du
style, le respect de la pensée d 'autrui. L'élève y apprend à distinguer l'essentiel de
l'accessoire, l'influence réciproque du fond et de la forme, l'importance du moindre mot
et les nuances de la langue. Aussi le résumé de texte, qui révèle les aptitudes à la lecture
et à la production de texte, est -il souvent proposé dans les concours d'admission.

7.2.Le résumé : De quoi s'agit -il ?

Le résumé exprime de façon condensée, les idées et leurs relations. Ni plan, ni schéma,
il doit être rédigé dans un texte organisé et cohérent et pouvoir être lu sans rupture,
immédiatement compréhensible par le destinataire. Texte -substitut, s'il oblige à recourir
à la source parce qu'il n'est pas assez explicite, il perd tout intérêt. Même si l'élève sait
que le professeur connaît le texte, il doit néanmo ins adapter son contracté à un
destinataire fictif censé l'ignorer.
La caractéristique première du résumé est sa forme brève. Sans détails superflus, il se
doit de reprendre les informations importantes, les grands traits de l'action ou les
différents stad es du raisonnement permettant de passer d'une hypothèse à une
conclusion. Autant le dire tout de suite, au risque d'une lapalissade, résumer un texte en
le conservant intact est une mission impossible. Rien d'étonnant donc à ce qu'un même
texte donne lieu à de nombreux résumés différents et néanmoins recevables.

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Alors que le condensé se réduit à un simple collage d'éléments du texte, le résumé
demande un important travail de reformulation. Le résumé suppose deux
apprentissages: d'une part, la lecture corre cte du texte à contracter; d'autre part, la
production d'un texte contracté cohérent et organisé. Il s'agit par conséquent d'un
exercice très exigeant.
Trois éléments essentiels apparaissent donc reliés au résumé:
1. « Le maintien de l'équivalence informative. Le résumé doit représenter la pensée de l'auteur et contenir
l'essentiel des informations livrées par le texte.
2. L'économie de moyens. Le résumé doit présenter, en diminuant le nombre de mots utilisés, la même
information que celle paraissant d ans le texte original. Certaines informations doivent, de ce fait, être
éliminées : ce sont les informations redondantes et les informations secondaires.
3. L'adaptation à une situation nouvelle de communication. Un résumé est toujours écrit en fonction d'un
auditoire particulier; il faut tenir compte de ce facteur dans la façon de présenter les informations. Ainsi,
un texte ne sera pas résumé de la même façon s'il s'adresse à des gérants de banque ou s'il vise des
clients potentiels. » (Giasson,J, 1990, P84)

7.3.La synthèse de textes et les synthèses dans l'enseignement secondaire.

Le mot synthèse est formé d'un préfixe et d'un radical grecs. Le radical (thèse) signifie
"action de poser, de mettre"; le préfixe (syn -) veut dire "avec, ensemble". La synthèse
est donc, étymologiquement, l'action de mettre ensemble, l'assemblage, la réunion.
Une synthèse de textes (au pluriel) est le travail -ou le produit d'un travail – consistant à
assembler plusieurs textes. Plus exactement, à réunir en un seul texte des informations
issues de plusieurs autres. Une synthès e ne consiste pas à recopier, à rabouter des
fragments hétérogènes, elle implique la production d'un texte dont la formulation est
originale (au sens de : personnelle à l'auteur), mais véhiculant de s informations qui,
elles, ne le sont pas. Il peut arriver que la synthèse ne porte pas exclusivement sur des
textes; d'autres types de documents entrent parfois en jeu : graphiques, cartes, calculs,
etc. L'aptitude à synthétiser est très importante pour l a réussite scolaire. Par synthèse,
les professeurs peuvent désigner plus ieurs types d'écrits différents :
1. Il faut, dit -on, faire des synthèses pour se préparer aux examens ou à des contrôles
importants. En pareille occasion, il ne convient pas, en effet , d'étudier les leçons "par

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cœur", les unes après les autres; il faut avoir une vue d'ensemble de la matière, des
différents chapitres qui la composent, et une vue plus détaillée de chacun de ces
chapitres. Ce type de synthèse prend généralement l'aspect d 'un plan, non celui d'un
texte suivi.

2. Autre sorte de synthèses : celles qui figurent à la fin d'un travail de composition
argumentatif ou, parfois, informatif. Cette synthèse -là porte sur les divers paragraphes
du développement, considérés comme autant de micro -textes, et se présente, elle, sous
forme d'un texte suivi.

3. La troisième espèce de synthèses concerne un dossier qu'il s'agit de présenter,
oralement ou par écrit. S'il s'agit d'une synthèse écrite, elle prendra la forme d'un texte
suivi. S'il s'agit d'une synthèse orale, elle aura soit la forme de notes pour
l'improvisation, soit celle d'un texte à dire (d'un texte suivi mais conçu pour l'oreille).
S'agissant de la synthèse d'un dossier, la consigne de travail peut être, tout simplement…
de synthétiser le dossier. Mais il arrivera qu'elle soit plus précise, il arrivera qu'il faille,
par exemple, répondre à une ou des question(s) précise(s) en utilisant les pièces du
dossier. Dans ce dernier cas, il s'agit de pratiquer une lecture sélective, d e distinguer les
informations relatives à la question posée et de ne synthétiser que celles -là ; ce qui se
fait dans la synthèse des documents d’histoire en 03ème AS.

Par ailleurs, dans de nombreuses professions, l'on est amené à élaborer des synthèses :
dans la recherche scientifique, dans les carrières juridiques, pédagogiques, médicales,
entre autres, on constitue des dossiers et on les synthétise.
Plus généralement, la plupart des activités professionnelles qui ne relèvent pas de la
stricte exécution f ont appel à l'esprit de synthèse, à la capacité de rassembler des
données éparses, de les embrasser d'un seul coup d'œil et d'en tirer des indications utiles
pour entreprendre une action. (D’après J -L Dumortier)

500

Certes toutes ces situations d’écrits que n ous venons de citer s’inscrivent dans le
programme officiel des classes terminales : elles représentent des techniques
rédactionnelles.

Néanmoins, dans le cadre de la présente recherche , nous nous intéressons beaucoup
plus à la production écrite libre : à « la production d’un texte argumenté », ce qui fait
l’objet de notre expérimentation , nous tentons de répondre à la question « Qu'est -ce que
convaincre ? » Nous allons nous inscrire donc dans les nouvelles r echerches menées en
linguistique et en sciences du langage à savoir « la pragmatique » qui a bouleversé
toutes les théories depuis son émergence dans les années soixante -dix

Rappelons -le, notre thème de recherche se base sur le rôle de la situation d’ intégration
dans l’acquisition du langage écrit en compréhensi on et en production , toutefois , il est
à noter que les termes « situation d’intégration » relèvent d’un discours purement
scolaire qui reprend, entre autre, l’idée de la pragmatique du disco urs, un concept qui
a ses origines épistémologiques

En revanche, défendre par la parole une idée ou quelqu'un, promouvoir un produit,
chercher à influencer une personne ou un groupe de personnes à prendre ou à ne pas
prendre telle décision sont autant d 'opérations d'argumentation. L'apprentissage en
classe , de ce type de texte , prépare aussi les élèves à satisfaire aux exigences de
concours d'admission.
Les travaux théoriques sur l'argumentation ont coutume de distinguer trois finalités de
l'argumentation:

 L'argumentation rhétorique (au sens de la rhétorique antique) a pour visée de convaincre
un auditoire donné du bien fondé d'une position. Elle est orientée vers l'action ou la
prise de décision.
 L'argumentation spéculative , mise en œuvre par exemple dans les essais ou les
dissertations scolaires, a pour enjeu de prouver qu'on sait raisonner sur un sujet donné.
Relèvent de l'argumentation spéculative les épreuves d'examen.
 Quant à l'argumentation heuristique , particulièremen t fréquente dans la démarche
scientifique, elle a pour but de chercher à se persuader du bien fondé d'une position.

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