Ces trois types de proposition representent, en meme te1 1 9 trois especes de rapports entre I’enonce et l’activite logique … __ l’homme, autrement… [603909]

36 Proposition ( ou phrase)
Ces trois types de proposition representent, en meme te1 1 9
trois especes de rapports entre I'enonce et l'activite logique … __
l'homme, autrement dit entre le contenu du communique et le juge.
ment. Car en transmettant un element de connaissance au de:;­
tina taire, on enonce un jugement; en interrogeant, on cherche a
C()mpleter un jugement inacheve ou a verifier un jugement probJe.
matique. Dans ces deux cas, la proposition est )'instrument meme
de former Ia pensee. Dans le cas de la proposition imperative , a11 contraire, il ne s'agit que d'une commande ne comportant aucun
jugcment quoiqu'elle se base sur une serie de jugements anterieurs
qui Jui fournissent son contenu conceptuel. Celui-ci ne sert qu'a
expliquer au sujet entendant ce qu'il doit faire: ii dirige seulement
son action.
Cependant ii faut eviter de confondre }'affirmation, l'interroga.
tion ct l'incitation, en tant que formes determinees de rapports
entre !es interlocuteurs, avec les proposition s assertives, interroga­
tives et imperatives, en tant que structures syntaxiques particu lie­
r es. Car Ia forme syntaxique de la proposition peut etre utilisee
de manieres differentes. Elle peut meme se trouver parfois en con­
tradiction eclatante avec son contenu reel, contraoiction dont l'usa­
ger se sert expres pour exprimer des valeurs supplementaires.
C'est ainsi que·, dans des conditions particulieres, on emploie !es
, interrogatives pour marquer une negation categorique visant a
produire une impression sur l'auditeur, etc (v. ci-apres).
PROPOSITION IMPERATIVE (INCITATIVE)
§ 20. La proposition imperative represente, comme nous l'avons
vu, une forme particuliere d'echange verbal. Contrairement aux
propositions affirmatives et interrogatives, elle n'est point faite
pour constater la presence ou !'absence de proprietes chez un objet
ou bien pour rechercher ces propriete s. La commande directe qu'elle
exprime ne contient ainsi ni affirmation, ni negation. Son contenu
conceptuel sert uniquement a fa ire comprendre au destinataire
comment celui-ci doit proceder.
Le fait que Jes propositions imperatives n'aient pas pour ob­
jectif d'exprimer !es jugcments se reflete dans leur structure syn­
taxique. Celle-ci, comme on le sait, est depourvue de sujet gram­
matical. Les mots mis en apostrophe, qui peuvent accompagner !es
propositions de ce type, ne font que preciser la personne a Iaquel!e
on s'adresse, si les protagonistes ne se trouvent pas face a face.
L'usager s'en sert egalement dans les cas ou ii veut faire a l'ad­
locute un signe avertisseur avant d'emettre sa priere ou s'il tie11l a Jui donner une caracteristique en cxprimant son attitude envers
lui. Ces mots, bien entendu, ne peuvent servir de point <le de Jnrt
(notion initiale) a aucun jugement. 11s ne relcvcnt quc

Proposition imperative (incitafive) 37 ,
– d'entrer en contact avec le destinataire et de •t' ou de \'effort VI e . x I 'influencer. . . mieu t 1 _ 8 e n a c se tourne violemment vers Suzy a-E Ca s e , . . C 20 x. nd courage: _ Oh! vous, taisez-vou~ , re vous pne
1.).. c
un gra . d si vous n'etes pas sa compltce. (Pa g no
me t~;~nf:ites-lui credit encore u11;e foist (idem)
Jon ~her, ne m'expliquez rien. (t de m)
C endant le contenu conceptuel d'une phrase imperative doit
. epairement etre prepare par le travail logique prealable du necess · 1 · I • f · t 1 t t 1 f
1 teur C'est ce trava1 qut u1 ourn1 es concep s e es ormes
d~~~pres~ion a employer toutes ~aites. 1 L'u~a~er co~st,~te d'abord
une contradiction en,tre deux fa1ts, c?ntradtcbon ~u1 I incommode
d'une maniere ou dune autre. II decouvre ensu1te le moyen de
l'en lever avec !'aide d'une autre personne. C'est a lors seu lement
qu'il incite cette personne –qui devient, de ce fa it, sujet en ten­
d ant -a rendre les choses conformes a l'idee qu'il s'est faite. 2
Ainsi Jes jugements precedant l'ordre Fermez la porte! pour­
raient etre formule.s comme suit: «II y a un courant d'air. C'est lrt
porte qui n'est pas fermee. Je pourrais prendre froid. Mais i1 est
possihle de l'eviter en fermant la porte. X est a meme de le faire».
La commande communiquee. son contenu explicite declenche a
son tour le travail de la pensee chez le destinataire. Il se formc
dans son e~prit des jugements analogues comme par exempl~:
«La porte nest pas fermee. Tl y a un courant d'air. Je dois la fer­
men>, etc.
Vue sous cet angle, la proposition imperative nous apparait
comme une sorte de chatnon intermedia ire (un certain «inter­
~~~!») a~n,~re deux ~eries de constatat ions paralleles , l'une effec­
ces c~n us~ger, 1 autre -par son partenaire. On comprend quc
n'en co~~t\autio~s ne so~t pas necessaireme nt exteriorisees. Elles
la command :n Cpai rno1ns_ le !ond conceptuel qui sert de base a
que Ies prop· •res ~e qui !att souvent dire a certains auteurs
tion, un OU ir~s\~~~s 1r:perat1ve s 3con:ipo_rt~nt, en plus de l'incit:i­
contiendrait le •u 1 gements. A,n;t 1 ordre Fermez la porte!
probahlement u~e gernent «la porte nest pas fermee». C'est la
se pretent pas a cetetrreur.1 La plupart des phrases imperatives ne
<~ e ana yse.
J Ex. le ne me doutais pa ''l . C' vais monter a reculons i qu L y ava_Lt ces mau·dites marches. (est moi qui vous d' . . ous me retrendrez. N'ayez pas peur
o ct ea u) inge… Prenez-moi les mains. En route!
'n 1 1· B 4ecH01< J1 h i d e O B, O~U'lec1ea11 ,1.. a V m. 'PPa3a u npedA0'1CeHue CTp 23_26 ., par exemple H , . .
' · H. )I( H u K H II op ·t
I • Cl •

38 Proposition ( ou phrase)
II serait saugrenu d'interpreter les phrases imperatives ern~
ployees dans ce passage comme des constatations meme sou~­
entendues. II est evident que Prenez-moi .Les mains e~ En rou
ne peuvent pas signifier «vous ne me Jes prenez pas» et «vous 2
vous mettez pas en route».
D'autre part, on doit se garder de confondre ce que le locu­
teur cherche a communiquer au destinataire et ce que celui-ci peut
en deduire de son propre chef. Car la capacite informative poten­
tie11e d'un message, quel qu'il soit, depasse generalement celle
prevue par le sujet parlant et depend de l'experience individuelle­
de l'auditeur. En entendant prononcer une commande, celui-d
peut toujours apprendre quelque chose de nouveau pour lui, n'em­
peche que ce)a n'entre pas dans le dessein de son interlocut eur.
Aussi la phrase Fermez la porte! peut-elle susciter des reactions
differentes. Tantot elle n'est pour l'adlocute qu'un simple sign;il
d'agir ( et c'est la )'intention de l'emetteur): i I s'execute sans
plus, parfois meme de fac;on purement mecanique. Tantot ii en
tire une information qui presente un certain interet pour lui:
«Tiens, la porte n'est pas fermee!» Une pareille replique serait
la preuve que le sujet entendant ne savait pas que la porte etait
ouverte, qu'il etait plut6t sur du contraire et qu'apparemment il
y attache de !'importance.
II va de soi que l'usager peut toujours introduire dans une
phrase imperative telle ou telle constatation en guise d'un supple­
ment d'information. Cette constatation y figure generalement sous
forme d'un «jugement contract{~» et s'exprime au moyen d'adver4
bes, de particules, etc. Quand on dit: «Grands dieux! Taisez-vous
done enfinl» cefa signifie (en plus de l'incitation): «Je vous al
deja demande de vous take, parce que cela m'incommo de, mais
vous vous obstinez a continuer» .
Jo caste …. Appelez le garde …
Tiresias : !v1ais, madame, puisque le contact de ce jeune
homme vous aff ecte …
Jo caste: … Obeissez au moins une fois a votre reine. (Co c­
t ea u)
lei Jocaste f ait remarquer a Tiresias que l'obeissance n'est pas
son fort et qu'il Jui arrive souvent de Ja contredire.
II faut convenir que la maniere d'exprimer les jugements ainsi
con~us est specifique. Toutefois, des adverbes et des particules,
introduits au bon moment dans n'importe quel enonce, sont s:..:s­
ceptibles de faire allusion aux choses bien connues du destinatairc
et d'evoquer dans son esprit te.l ou tel evenement. Ces mots
equivalent, de ce iait, aux constatations exprimees selon la
formule habituelle des jugements verbalises. lei nous sommes
en presence d'un procede, simple et efficace, dont le but est ,. ~0-

, ·ens d'expression. Ccs «jugemcnts par allusion»
nomiser 1~~ f o~ement dans le discours constituent un probleme
dont on_ u:,e. 3
/ ressant mais encore tres peu etudie, qui concerne
!inguist1<Iue ~1obale du' contenu semantique de la proposition. la structure b
21
h a ~e qui a la forme d'une proposition imperative p-..
Utne P~for r~ee en constatation impregnee d'affectivite par un -etre ran::> ,. . . le changement d mtonatton. s1mp · . ,. .
Ex. Halte! … Cherche-les! fl sufftra quits arnuent pour que It!
fan tome disparaisse . (Co c t e a u)
1 · Cherche-les ! signifie: «Ce serait une grande betise de ta
t cJ·e courir !cs chercher. C'est parf ai tement inutile».
par Cet exemple nous montre que I~ for1:1e de I~ propos}tion, ~~r~s
certaines modifications de son ,.schema 1ntonattf, p~ut _e~re uttlts~e
dans des fins differentes et meme entrer en confl1t evident avec
-son contenu. Les usagers en tirent parti, car la contradiction entre
la iorme et le contenu constitue un facteur puissant qui permet
de realiser toutes sortes de valeurs nouvelles. lei nous touchons
au probleme des rapports entre le signifie et le signifiant qui se
.ca racterisen t, com me on le sai t, par une asymetrie. 1
§ 21. Ainsi on distinguera I 'inc it at ion, en tant que type
particulicr de rapports_ cntre les interlocuteur s, et la prop o s i­
t i o n i n c i ta t i v e qui en est la forme d'expression, mais qui
,peut occasionnellement, on l'a vu, servir a marquer autre chose.
D'autre part, ii n'est pas rare que l'incitation soit exteriorisee
par l'interrnediaire de phrases ayant la forme syntaxique de la
p_roposition enonciative ou interrogative. Tout depend des inten­
tions de l'usager, de ses relations avec le destinataire, de son etat
emotif et des valeurs supplementaires qu'il tient a communiquer
avec le message principal (v. ci-apres).
Ch. Ba I ly ecrit: «Si vous desirez que quelqu'un vienne vers
vous,_ vous ne I~ _<lites pas toujours de la meme fa9on; votre ex­
pression s~ mod1f1era selon les rapports existant entre vous et la
~~rson~e rnte__rpellee et surtout selon le degre de resistance ou
a~quiescement que vous prevoyez de sa part· de la des formules Yartabl ' ,,. r· · ' e~ a 1n 1111: Venez! -Voulez-vous venir? -Ne uoulez-uous pas uenir? -Vous v1·end , t ? D ·t .
U • d · rez, n es -ce pas. -t es-mot que uous ten rez/ -Si uou . ? V d J ci, _ V .s ?eniez. -ous evriez venir! -Venez ici! -· oulez-vous bten venir! etc.». 2
1 Sur ce problem • · s v gne linguistique T e voir • '" a r c e vs k i, Du dualisme asymetrique du sl-
2 Ch. B a 1 ·1 « rlava, ux du Cercle linguistique de Prague», 1929, t.
Y, e angage et la uie.

IO Proposition ( ou phrase)
C'est pourquoi on distinguera les propositions imperatires
)roprement <lites et !es propositions non imperatives, quant a leur
iorme syntaxique, que l'on adapte pour marquer l'incitation.
La proposition imperative proprement <lite presente une str 2r
ure syntaxique specialernent amenagee pour exprimer la c\ ~
nande directe dont la marque essentiel le consiste, on l'a vu, da11~
'absence du sujct grammatical. C'est la forme linguistique la
,)!us immediate et la moins voilee d'agir sur le destinataire. LQs
)ropositions non imperatives qui expriment l'incitation c9nser-
1ent intacte leur structure syntaxique: i I n'y a de modi fie que leur
.,chema intonatif.
§ 22. On distingue ra egalement l'i n citation direct c ct
'i n Ci tat i O l1 i l1 dire Ct e. Cette derniere d'ailleurs f ait parti~
lu contei:iu d'un grand non1bre d'emissions qui, a premiere vue,
1'ont rien a voir avec !'expression de la volonte. C'est que l'ele­
nent volitif, si faible soit-il, s'insinue d'ordinaire dans le discours
~t caracterise surtout le langage parlf Ch. Bally ecrit a ce sujet:
:Dans la vie, toutes nos pensees se tendent vers l'action … Des qqe
leux etres humains entrent en contact, ils entrent en Jutte, ~1u
,ens psychologique du mot… ce conilit peut prendre des if or mes
iacifiques. La conversation la plus anodine en est !'image exacte.
)our un observateur superficiel, elle n'offre rien de particulier;
nais examinez ··de plus pres les procedes employes: la 1angue ap-
1araitra comme une arme que chaque interlocuteur 1nanie en Yue
le r•action, pour imposer sa pensee personnelle … En effet, pour
'enonce des 1noindres choses, il faut que la pensee devienne une
tdion et s'impose par le Ian gage; ii f aut que celui-ci se fas:-;e
ant6t penetrant, incisif, energique, volontaire, tant6t vibrant.
,assionne, tantot humble et suppliant, souvent me1ne hypocrite». 1
«C'est pour mieux agir sur l'ecouteur qu'on le prend a partie
ans raison logique; on dira par exemple: J e vous laisse a penser·
·i j'etais content! -Diles si ce n'est pas une folie! -Tout seul,
,ensez done, on s'ennuie! etc. C'est la raison d'etre du datif
:ethique»: Regardez-moi 9a! . . . On trouverait cette tendance a
'ori gine de bien des particu les que l'usa ge a i ntel lectu a Ii sees da ns
Joici, voila, russe vot, ved', nebos' … » 2
«Ainsi le contact avec les autres sujets donne au langage u11
louble caractere : tantot celui qui parlc concentre son effort sur
'action qu'il veut produire, et !'esprit de l'interlocuteur est comme
me place forte qu'il veut prendre d'assaut; tant6t c'est-la repre­
;entation d'un autre sujet qui determine la nature de l'exprcssion;
,n ne calcule plus les coups a donner, on songe a ceux qu'on
1 C h. B a I I y, Le langage et la vie.
2 I bi de m.

Proposition imperatfre (i,zcitative) 41
it recevoir. Dans le premier cas, poussee, elan, attaque;
pourrfe second, repHement et reserye pru?ente., ,
dan,s1 . touJ·ours une meme constatabon generale et profondP
1' ats 'f t· d' b t ' tt . d . ··m ose· ii s'agit de mob s pra 1ques, un u a a e1n re, Jam 22 5 1 p siderations purement intellectuelles … » 1
de ~~in moins interessantes sont les, vues d_e S. ~ a r c e v s k 1
ui ecrit: « … le dialogue est une espece de Joute s1non de duel
qntre ses deux protagonistes. Ill s'agit d'une r~ncontre de deux
~ lontes et a la ~se de phrase se trouve mo1ns une «commu­
~fcation» … qu'une «intention», residu de l'acte volitif primi •
tif». 2
• ·t ·11 t ·t· L' d Voila un dialogue qui pourra1 1 us rer ccs pos1 ions. un cs
interlocuteurs s'efforce a partir, l'autre le reticnt. Les precedes
verbaux qu'ils emploient pour imposer leur volonte presentent
toute une gamme de nuances ou les tentatives de raisonner ou
d'impressionner le. partenaire finissent souvent par un ordre di•
rect plus ou moins categorique. On aura egalement !'occasion
d'observer !'interaction des impulsions volitives et de l'affectivite
dont !'expression est d'ordinaire intimement liee dans le discours.
Le Sp hi n, x~· Ecoute . . . C'est la derniere sonnerie, nous
sommes libres.
Le ch a ca L A nub is: C'est La premiere sonnerie. fl en
reste encore deux avant la fermeture des portes de Thebes.
Le Sphinx: C'est La derniere, la derniere, j' en suis sure!
A nu b is: Vous en etes sure parce que vous desirez la f erme­
ti~re des portes, mais, helas! ma consigne m'oblige a vous contre­
dzre; nous ne sommes pas lib res. C' est la pre7 Attendons.
Le SP _hi n x: J e me trompe peut-etre… Note
An u b ts: fl n'y a pas l'ombre d'un doute; vous ( … ]
l Le SP hi n x: J'en ai assez de tuer. !'en ai as a mort.
A_n u bis: Obeissons. Le mystere a ses myste
posre:e;t leu_rs dieux. Nous avons les notres. [ … ]
pas ent ~ h ~ nt x: Tu vois,. Anubis, La seconde sonnJ Text
A n ~nb ~e,_ u te trompats, partons… . l
L S L/·. Vous voudrez que cette nuit s'achevJ Freehand A~ u P. it n x: Eh bien, oui! Oui! …
Le Sb ts.: Vous devenez sensible.
P h l n x: Ce/a me regarde … –-
1 ch Signature
z s j,. 8 a 11 Y, op. cit., p. 33.
S · ~arcevsk 1 aussure:. I G • Y, ntroduction a l'etude de l'inter1·ection • , ene\·e 1941, p. 69_ , __

42 Proposition ( ou phrase)
A nub is: Ne vous fachez pas.
L e Sp h in x: Pourquoi toujours agir sans but, sans terrne
sans comprendre … (Cocteau) '
§ 23. Quant a l'i n citation direct e, on l'exprime, a, 23
tout, au moyen de la proposition imperative proprement dite qui
se caracterise par une structure speciale. Ses indices formels
sont: !'absence du sujet grammatical, l'ordre des mots _specifique
( qui concerne la place des pronoms complements et des a.dverbes
3ronominaux), une intonation particulier e. Pour Jes formes <lites
formes de l'imperatif, on n'ignore pas qu'elles coincident , en
fran~ais moderne, _ avec !es formes du present de l'indicatif a
!'exception d'un petit nombre de verbes qui ont conserve la forme
ju subjonctif (heritiere de subiunctivus imperativus latin: sit > > soit, etc.). Ce qui cree vraiment «l'imperatif», c'est le milieu
;yntaxique ou les formes correspondan tes sont employees ainsi
lUe }'intonation qui Jes accompagne: cf. Tu les prends. -Prends­
'es!
Lorsque Jes indices syntaxiques precites manquent, c'est l'in­
_onation -tres peu etudiee jusqu'a present -qui prend sur clle
jc marquer qu'il s'agit de l'ordre et non d'une constatat ion.
Ex. L e sold a t: Pas de discours. Nous voulons le mot.
(Cocteau)
Le chef, il s'incline a distance respectueuse : Madame
J o ca s t e: Pas de protocole/ J e voudrais savoir qui est le:
5atde qui a vu le fant6me? (idem)
Dans la 1angue ecrite, on est guide par le contextc. Un autre
~ntourage contextuel designerait les phrases citees comme consta­
latives: cf. Pas de discoursl Pas de protocole! Rien! fl y a de
7uoi s'etonner .
Dans d'autres cas, l'incitation directe se materialise au moyen
l'une structure syntaxique qui est celle d'une proposition enon­
'iative. Cette fois la commande se presente sous forme d'un jugc­
nent. On denomme l'acte de I'incitation a l'aide de mots concep­
uels et on specifie le caractere de cet acte (attitude du locuteur
ace au destinataire) de fa-;on parfaitement explicite. 11 existe des
1erbes s.peciaux pour marquer l'ordre, la priere, I'imploratio n, la
.:onjuration, !'invitation, !'exhortation, le conseil, etc. On notera
1ue dans Ies phrases imperatives proprement <lites toutes ces
nodalites s~expriment par l'intonation.
Ex. Madame, je vous conjure de vous calmer et de vous e:i
-etourner. (Cocteau)
Done, fant6m~ ou pas f ant6me, je vous ordonne d' em
>asser le premier individu qui se presente ici … (idem)

• I vrv..,utV/t 1mperafiue (incita[iue)
43
Cependant , les phrases de ce type ne sont su r bl
111er l'incitation directe que lorsque le verbe ~~ep l es d'expri­
employe a la premiere personne du present Le~resptondant est
personnel les et temporel les des verbes en que.stion a~ res forrnes
Purement constatative et descriptive: cL ll la con?un udne valr · · d J re e se 23 n1er. I e vous con1urais e vous calmer, etc. Par co t 1 mi ere personne du present acquiert une valeur nette nrnere,t a 1, v . 11 -t , t t . , n pertor-rna.ive: e 1c ne ::ier pas a cons a er, ma1s a provoquer une r
Dire: j'ordonne …. formu\er cet acte pedorrnatif c'est 1,ac1,1ont. . d' d t t … t ' ' a ac e meme or C?nner, ac e, peu -e re, qu on ne pourrait guere accon1-
p li r. au mo1ns avec une telle precision, d'aucune autre [a~on. \
§ 24. I 1 arrive que la com1:1ande meme et la definition explicite
( conceptuellc ) de son caractere (attitude du locuteur vis-a-vis du
destinataire) soient exprimees separement a \'interieur d'une
phr~se con1plexe p:3r l'interm ediaire de dcux propositions a part.
L~une, d'elles represent~. une proposition imperative propremen t
d1te, l autre, une propos1llon ayant la forme dune phrase enoncia­
tivc (coordonnee ou incise): Calmez-vou s, je vous conjure (je vous
en prie, je vous en supplie, etc.). La partie enoncia tive de ces en­
sembles a tendance a se tiger et a former des locutions toutes
f aites comme par exemple s'il vous plait ou bien a se reduire a un
seu l mot: de grace, etc.
§ 25. L'incitation directe peut etre exprimee au rnoyen d'une
phrase enonciative depourvue de tout indi-ce exterieur qui ferail
penser a un ordre sauf \'intonation imperative. Dans la languc
ecrite, c'est le contexte qui determin e la vraie nature d'~ne tell~
phrase. Son predicat est generalement au futur ou au pr~sent qu1
apparaissent comme substituts de l'imperatit et s'emp\01ent sou­
Ycnt a cot~ de celui-ci.
Ex. J o ca s t e: Ecoute, nous allons revenir par la haute ville,
par !es petites rues, et nous visiterons Les boltes.
Tiresias: Madam e, vous n'y pensez pas! (Cocteau)
Vous m~ telephonerez le resultat a huit heures chez Maxim's.
(Pagnol)
Ccla arrive surtout dans les cas ou il y a une entente p~ealable
entre les interl~c uteurs dont l'un s'attend a recevoi.r leds tn5l~uc~
tions de l'autre. Alors celui-ci n'a qu'a tracer le p_lan _es t?pera ' . d' ·, d son tmagtna ton ce tions a effectue r, comrne s'il voya1t eJa ans
que ferait le sujet e-ntendan t.
' V Problem es de linguistique generale. . E. B e n v en i st e,
p 2G8-276.

rroposwon ( ou pnrv.se J
Ex …. pour ton musicien, moi je vais te donner un plan pour le
prendre sur le fait. la premiere fois que tu entendras la musique
reste impassible, continue ton cours comme si tu n'entendais rien'
laisse-le s' executer tout seul. Et, pet it a petit, tu te rapproches d;
la source du bruit a reettlons. Et quand tu sera a peu pres st
tu te retournes brusquenzent, tu sors le bonhomm e de son b 2-'
et tu glisses la main dans le pupitre. (Pa g no l)
Jo caste: Dieux! Que vous etes insupportable… Toujours,
vous arretez l' elan, vous empechez les miracles avec votre intelli­
gence et votre incredulite. Laissez-moi interroger ce garfon toute
seule, je vous prie. Vous precherez apres. (Cocteau)
On notera que Ies phrases de ce type n'expriment l'incitation
directe que lorsque leur verbe predicat est empl9ye a la deuxieme
personne ou bien a Ia premiere personne du pluriel.
§ 26. Pour exprimer I'incitation directe on use largemen t des
phrases inter r o g at iv es et, entre autres, d'une construction
speciale qui est introduite par la particule si, issue de la conjonc­
tion correspondante. 1
Ex. Eh bien, si nous passions tout de suite dans les bureaux
pour cette petite formalite? ( P a g n o l)
L'origine de ces constructions est evidente: elles proviennent
des subordonnees conditionnelles detachees de leur principale et
dotees d'une intonation interrogati ve, modifiee cependant en vue
d'indiquer une invitation. Car un leger changem ent de ton -de
concert avec les donnees de la situation et du contexte -trans•
f orme ces constructions tan tot en phrases incitatives, tan tot en
phrases interrogatives, tantot en affirmations problematiqu es.
Cf. I. Si on .f ermait la porte?
lei on est en presence d'une incitation attenuee.
2. Le Sphinx.: Vous etes extraordinaire. Dois-je rendre
compte a un et ranger du but de ma promenade? ,
CE dip e: Et si je le devinais, moi, ce but.
Le Sphinx : Vous m'amusez beaucoup. (Cocteau)
lei on constate un f ait -avec reserve -tout en guettant Ia
reaction du partcnaire (jugement problematique pourvu d'un ele·
ment volitif). ,.
3. CE dip e;. fl importe que je saute Les obstacles … que je ne
1n'attendrisse pas. D'abord mon etoile. [ … ]
1 Si dans ce cas n'est pas une conjonction parce qu'il ne sert plus a lier
les phrases ou leurs membres.

Proposition imperati ve (incitativ e)
. 4:
Le Sphinx: Et … si le Sphinx vous tuait? (idem)
lei on enonce unc supposition en vue de verifier son eHet sur
le destinat~ire qu'on _ invite_ a repond_re. La phrase possede
intonation interrogative qui est sens1blement plus marquee 2.t
dans la phrase preccd_en_te (ce ~ui ~st reflete _par la ponctuati '–
D'autres phrases a intonation interrogative -qui conserven1
en plus l_a structure_ d'un~. q~es~ion -peuv,ent etre employees
elles auss1, pour expnmer 1 1ncitation. Cela nest pas etonnant dt.:
nioment que celle-ci constitue un element necessaire de toute in­
terrocration. 11 suffit que l'element volitit devienne dominant pouI
que l~ pl?as~ interroga t~ve s~ tr~nsf or~e en phrase f ranchem e111
incitatiY e 1nY1tant le destinataire a produ1re une action.
Ex. Ce n'est pas a votre honneur que je m'adresse, c'est c.
r.,•otre cceur. Voyons, monsieur Roger de Berville, ne ferez-vous pat
u n pet it sacrifice pour adoucir le sort des balayeurs? ( P a g n o l)
Voulez-vous me preter votre enc re rouge? ( i d e m)
Cela ne te ferait rien de ne pas claquer des dents ainsi? J'a.
ce bruit en horreur. (Ca 1n us)
11 est e,·ident que l'on presente l'ordre ou la priere sou~
f orn1e d·une proposition interrog ative pour les attenuer et pout
an1ortir leur effet. lei, la structure -syntaxique et melodique –
employee d'habitude pour verifier un jugement problematiqw.
t ,·. § 28) ne conserve de sa valeur que cette nuance d'hesitatior
ct d'incertitude qui produit l'eff~t adoucissant. C'est pour la mernt
raison qu'on utilise la forme d'une proposition conditionnelle qu<
l'on combine avec l'intonation interrogative, etc.
Les exemples cites suffisent a demontrer que l'incitation peu
re\"etir des caractere s bien diiierents. Et pour chaque cas particu
lier l'enonc;ant choisit la forme d'expression la plus adequate i
ses intentions combinant quelquefois les moyens les plus divers
§ 27. Un type particulier de l'incitation est represente par 11
cas ou l'ordrc -plus ou moins categorique -vise une tiercc per
sonnc conc;ue comme executrice eventuelle de \'action correspon
dante. Le role de l'adlocute est alors celui d'un mediateur. L'adlo
cu~e rec;oit la commande d'agir sur quelqu'un d'autre e~ de l_u
f a1_re … accomplir l'acte en question (a moins qu'_il ne so1t tralt
lu1-meme comme une «tierce personne»: Sauve qui peut! Que J\1on
sieur ne s'inquiete de rien, etc.). Cette commande d'ailleu~s n_
rev_et pas le caractere immediat qu'elle a dans les phr~ses impc
ratives propremcnt <lites ou dans leurs substituls ionctionnel s 01
l'ad\ocute memc est con<;u comme executeur. Une telle co nd
ressort souvent d'une constatation sur l'opportunite ou
cessite de quelque chose. Elle s'exprime alors a l'aide d

46 Proposition ( ou phrase)
enonciativ.e qui lui prete sa forme et qui comporte un verbe a la valeur lex1cale appropri ee.
Ex. Pourquoi ce scandale, Zizi? ll faut que Creon donne d
ordres( IL Ja.ut empecher cette musique! ll faut que ce scanr p ..
cesse tmmedtafement . (Cocteau) 2
La structure syntaxique specialement amenagee pour marqLt
I, d d , . t. er or re, a resse a _une . 1er~e pers?nne, est celle ,d~ phrases inde.
pendantes au sub1onctif, 1ntrodu1tes par que (a I exception d'u
pet it nombre de constructions archaisantes). n
Ex. A/ors, qu'il reste. Qu'il reste lii! le l'appelerai si j'ai be­
soin de lui. (idem)
Dans certaines condition s, ii est vrai, Ia structure syntaxique
€n question peut marquer un simple souhait: Que le diable l'em­
portel etc. Cela est typique surtout des constructions archa1san­
tes, dont plusieurs sont figees, telles que Vive la France! Puisse­
t-il reussir! A dieu ne plaise! etc. Certaines de ces construct ions
re1event egalement d'autres valeurs volitives (et affectives) : Coate
que coute. Advienne que pourra. Soil, etc.
Les constructions examinee s ne peuvent de toute evidence mar­
quer l 'incita tion que Iorsque leur verbe predicat est emp!oye a la
3e personne. La l re personne n'y apparaH qu'exceptionnell ement,
<lans Jes conditions contextueJies specifiques: Que je ne le ooie
plus! [ = qu'il ne se montre plus!], etc. Ou bien elle sert a marquer
des valeurs affectives et volitives etrangeres a l'incitation : Que
j'y aille, 1noi! Jamais! Quant a Ia 2e personne , elle est pratique­
ment exclue de nos phrases, la commande directe, adressee au
destinataire meme coni;u comme executeur, ~tant marquee par
Jes phrases imperative s proprement <lites. II n'y_ a que la construc­
tion archaisante comportant le verbe pouvotr et marquant le
souhait qui admct l'emploi de la 2° personne: Puisses-tu reussir!
PROPOSITION INTERROGATIVE
§ 28. L 'interrogation, on I' a ~u au § 19, represen te un L}1pe ~a r:
ticulier de relations entre les 1nterlocuteurs et un ~ype part1~u
lier de rapports entre l'enonce et le jugemen_ t. L'1nterroga ti~n
constitue une etape importante dans la formation ?e Ia pe~see~
C'est ]'interrogation qui dir!g~ sa marche progressive e1~ dete~.
minant le sens dans Iequel s eftectue le proces de la conna,1ssan~ .
Car !'interrogation n'est rien d'a~tre qu_e la recherche _d _u_nc in
formation necessaire pour completer, developpc: ~u verifier
ju gernent. Tou tc phrase _in terroga ti ve c?mp~rte a In s1 u1: a completer ou bien un Juge1nent proble1nat1que. Cela I

Similar Posts