1A ma douce et tendre Maman. [613034]
1A ma douce et tendre Maman.
A mon père pour tout ce qu’il a fait pour moi.
A celle qui a partagé toutes mes souffrances, et qui n'a cessé de me
soutenir et de m'encourager, ma femme Karima .
A ma tendre et adorable fille Marya Sidra.
A toute ma famille en particulier mon frère Fouad et ma petite sœur
Hanène.
Amon cousin et grand frère Azzeddine , ainsi qu’à toute sa famille.
A mon beau-père , l’homme au grand cœur.
A mabelle-mère , pour tout ce qu’elle fait et apporte à ma fille.
Atous mes beaux-frères et belles-sœurs.
A tous mes amis en particulier Lakhdar, Elhadj, Zohir,Khaled, Ninou,
Farid et Mus pour avoir cru jusqu’au bout en moi.
AHfaïd, Farouk et Kada.
A tous mes collègues du lycée mixte de Barika.
A tous mes élèves.A la mémoire de Ahmed
Mouh-Elkheir , parti à la fleur de
l'âge et qui nous manque déjà!
2Je tiens à remercier mon directeur de recherche, le docteur
Metatha Mohamed Elkamel , l'homme dont j'ai toujours apprécié le sérieux et
l'éternelle droiture, et à qui j'exprime toute ma reconnaissance pour sa patience
et sa compréhension.
Je remercie le responsable de l’école doctorale, le docteur
Abdelhamid Samir , une personne que j’apprécie tout particulièrement, et ce
depuis ma première année de graduation, tant pour sa modestie que pour sa
générosité et à qui j’exprime toute ma considération et ma gratitude.
Je tiens aussi à remercier tous mes professeurs de l’école doctorale, en
particulier M.M Khadraoui et Manaâ .
Je remercie également Mlle Debbache Souâd pour son soutien.
Je remercie également les membres du jury pour avoir pris le soin de lire
notre modeste travail de recherche et de l'évaluer
Je remercie enfin mon maître M. Sriti , qui m'a beaucoup appris et à qui
je serai reconnaissant toute ma vie.
3Table des matières
Introduction générale ……………………………………………………………… 6
Partie théoriqu e…………………………………………………………………………………… 12
Chapitre I : La place du texte littéraire et le rapport
langue/ culture en classe de FLE ………………. 13
Introduction ………………………………………………………………………. 14
1-L'enseignement -apprentissage du FLE en Algérie ………………..……….… 15
1-1- Etat des lieux ……………………………………………..………..………..… 15
1-2- Le texte littéraire dans les programmes et manuels algériens de français …..… 17
2-La place du texte littéraire, du côté des méthodologies ……..…………….…… 20
3-Définition et caractéristiques du texte littéraire …………………………….…… 24
3-1- Définition de la littérature ……………………………..………………………. 24
3-2- Caractéristiques du texte littéraire et enjeux didactiques ……………..…….…. 27
3-2-1- Le texte littéraire et la polysémie ……………………………………..……. 28
3-2-2- Le texte littéraire et la notion de plaisir …………………………………….. 31
3-3-3- La fiction du texte littéraire …………………………………..….………….. 33
3-3-4- La communication littéraire ………..………………………………………. 35
3-3-5- Le texte littéraire et la dimension culturelle ………………..……………….. 37
4-Rapport langue/ culture en classe de FLE ………………………………………………… 39
4-1- Définition de la culture ………………….…………………..…………….…… 39
4-2- Rapport langue/ culture et enjeux didactiques en FLE ………………………… 43
Conclusion ………………………………………………………………….……… 46
Chapitre II : La dimension (inter) culturelle du text e
littéraire en classe du FLE ……………………… 47
Introduction ………………………………………………………………………… 48
1-L'interculturel et la classe de langue ………………………………………….. 49
2- Le texte littéraire vecteur culturel et interculturel en classe de FLE ……..…….. 51
2-1- Le texte littéraire et la prise de conscience d'une identité …..…..…..……..….. 53
2-2- Le texte littéraire et la découverte de l'autre …………………………………… 56
3-Les représentations dans l'enseignement -apprentissage du FLE …………… 60
3-1-Les représentations ………….………………………………..……….…….. 60
3-2- Les stéréotypes ……………………………………………………………… 62
3-3- Les représentations de la langue française …………………………………….. 62
43-3-1- La langue française et les représentations de l'institution et de la société ….. 62
3-3-2- Le texte littéraire et les représentations de l'institution et de la société ….…. 64
3-4- Les représentations des apprenants …………………………………………… 65
3-4-1- La langue française et les représentations des apprenants ………………….. 65
3-4-2- Le texte littéraire et les représentations des apprenants …………………….. 67
3-4-2-1- Difficultés liées à la compréhension du texte littéraire ……………….….. 68
3-5- Repenser et reconstruire les représentations des apprenants ……………..…… 69
4-Une compétence (inter) culturelle, via le texte littéraire ……………………. 73
5-Quelle culture enseigner? ………………………………………………..……. 76
6- Les enseignants, médiateurs culturels et garants de l'intégrité identitaire
des apprenants ……………………………………………………………………..77
Conclusion …………………………………………………………………………. 81
Partie pratique : ……………………………………………………………… 83
Chapitre III : L'expérimentation ………………………………..… 84
Introduction ……………………………………………………………………….. . 85
1-La démarche suivi e ………………………….………..………………………… 86
1-1- L'expérimentation ………………………..…………………………….……… 86
1-1-1- Lieu de l'expérimentation ………………………………………………..….. 86
1-1-2- Le groupe expérimental ………………………………………………….…. 86
2-L'expérimentation pr oprement dite …………………………………………… 88
3-Déroulement et compte -rendu de l'expérimentation ….……………………… 90
3-1- Pré-test ………………………………………………………………………… 90
3-2- Etude du texte littéraire n°1…………………………………………………… 92
3-2-1- Thème 1: Les amours en vacances (et le travail) …………………………… 92
3-2-2- Thème 2 : Les concours de beauté ………………………………………..… 94
3-3- Etude du texte littéraire n° 2 ………………………………………………….. 96
3-3-1- Thème 1: la famille et les rapports parents/enfants…………………………. 96
3-3-2- Thème 2 : La religion (les rites religieux) ………………………………….. 97
3-4- Etude du texte littéraire n° 3 ………………………………………………….. 99
3-4-1- Thème 1: Les fêtes religieuses ……………………………………………… 99
3-4-2- Thème 2: Les personnes âgées ………………………..…………………….. 100
3-5- Etude du texte littéraire n° 4 ………………………………………………….. 102
3-5-1- Thème: Les parisiens et la compagne……………………………………….. 102
3-6- Etude du texte littéraire n° 5 ………………………………………..………… 104
3-6-1-Thème : Le statut social de la femme ……………………………………….. 104
5Conclusion…………………………………………………………………………. 107
Chapitre IV : Interprétation et analyse des résultats du
questionnaire ……………………….……………… 108
Introduction ………………………………………………………………………. 109
1-Présentation du questionnaire (à l 'intention des enseignants) ………………. 110
1-1-Analyse et commentaire des résultats du questionnaire ………..…………. 111
Conclusion ………………….……………………………………..………….….… 127
Conclusion générale ………………….…………………………..………….….… 128
Bibliographie ……………………………………………………..………….….… 132
Annexes …………………………………………………………………………… 135
6
7L'enseignement-apprentissage du FLE a toujours été associé à
l'utilisation du texte littéraire en classe de FLE. En effet, considéré comme le
lieu où s'exerce la belle langue, avec son vocabulaire recherché et sa syntaxe
rigoureuse, le texte littéraire est, et demeure le garant par excellence d'une
qualité inégalée de la langue française.
Banni par les méthodes audio-visuelles au début des années 60, le texte
littéraire n'a pas tardé, avec l'approche communicative au début des années 80,
à retrouver la place qui lui revient de droit dans les méthodes d'enseignement
du FLE, et de s'y installer plus tard, comme support didactique incontournable
dans l'éclectisme actuel qui tend à se généraliser, et auquel nombre
d'enseignants semblent adhérer.
En Algérie, des réformes à répétition des programmes de français, ont
été engagées par l'institution scolaire, le plus souvent sans consultation
préalable des parties concernées (pédagogues, didacticiens, inspecteurs,
professeurs), dont le but déclaré est de faciliter l'apprentissage du français qui,
il faut le dire, est au plus mal et vit une crise sans précédent. Mais, force est de
reconnaître que ces réformes, si elles n'ont pas exclu le texte littéraire des
manuels scolaires de français, n'ont rien fait pour qu'il soit réhabilité à sa juste
valeur.
De plus, ces réformes ont continué à appliquer au texte littéraire les
mêmes démarches que celles appliquées aux autres documents non littéraires,
lui déniant ainsi toute spécificité. La priorité est donnée donc à l’enseignement
des rudiments linguistiques de la langue cible, loin devant l'exigence
culturelle, pourtant dictée par la conjoncture internationale (la mondialisation)
et recommandée par les nouvelles pédagogies.
8Il faut dire qu'on continue à croire qu'une éventuelle introduction des
textes littéraires à thématiques culturelles serait une sorte d'aliénation et un
renoncement à l'identité, car dit-on, ces textes contiennent en leur sein des
valeurs idéologiques, religieuses ou morales qui sont loin d'être universelles et
par conséquent difficilement partageables et enseignables. Ce qui nous renvoie
de plein fouet aux vieux démons de l'opposition identité/altérité.
En réalité, le débat sur le statut de la langue française n'a jamais été
vraiment ouvert et rien n'a été tranché, entre ceux qui considèrent la langue
française comme un butin de guerre qu'il faut à tout prix préserver et
développer, et ceux qui la voient plutôt comme la langue de l'ennemi qu'il faut
absolument éradiquer. Cependant, si officiellement on considère le français
comme une langue étrangère, il n'en demeure pas moins que la réalité est tout
autre, la langue française est bien présente dans de nombreux domaines, en
particulier à l'université, et ce même si l'arabe est en train de gagner du terrain.
Un état de fait que confirme Dj. KadiK: « Le rapport actuel avec la langue
française se poursuit sous forme de belligérance, chaque étape est marquée
par la reconquête pas toujours totale des lieux occupés par la langue
française dans l'administration, dans l'enseignement, les mass-médias »1.
Mais aujourd'hui l'urgence est telle, qu’il n'est plus permis à l'école
algérienne, qui a pourtant affirmé à maintes reprises vouloir former des
personnes qui pourraient communiquer en langues étrangères et entrer en
contact avec les locuteurs de ces langues, de priver la classe de FLE d'un
document culturel aussi riche et aussi stimulant que le texte littéraire. M-C.
Albert et M. Souchon parlent de son utilisation en classe de FLE comme
1- Kadik. Dj: " Le texte littéraire dans la communication didactique en contexte algérien ",
Université Franche-Comté, mai 2002, P65.
9vecteur de données: « On peut en faire un document culturel pour aborder
certains faits de société; ou un réservoir lexical pour élargir le vocabulaire
enseigné par l'introduction de lexèmes appartenant à des registres soutenus »1.
Par conséquent, ils estiment qu' « il n'est pas possible d'admettre que la
littérature soit mise à l'écart d'une problématique de la communication au
cours de cette démarche fondamentalement interculturelle qu'est
l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère .De ce point de vue, la
littérature a une place parfaitement légitime, "naturelle" même, dans une
approche communicative de l'enseignement des langues étrangères »2.
Il nous semble que derrière l'apprentissage d'une langue étrangère, il y a
l'éternel désir de connaître et d'accéder à d'autre(s) univers culturel(s), autre(s)
que celle(s) de l’apprenant. J-C Beacco rappelle que « la connaissance des
langues vivantes a été, depuis l'origine, valorisée non comme une fin en soi
mais en tant que moyen d'accès, privilégié sinon irremplaçable à d'autres
cultures »3. Une réalité que l'école tend parfois à oublier. En réalité, pour dire
les choses telles qu'elles sont, on veut bien de la langue française et on veut
bien que les apprenants l'apprennent et la maîtrisent même, mais on est,
semble-t-il, encore un peu réticent et moins enthousiaste à l'idée d'un éventuel
enseignement de la culture française. Et du coup, on tend à oublier qu'on ne
peut séparer l'une de l'autre, comme le confirme A. Thévenin « la réflexion sur
la langue entraîne presque immanquablement une réflexion sur la culture
correspondante et vice-versa »4.
1- Albert M-C et. Souchon M: "Les textes littéraires en classe de FLE" , Hachette Livre, 2000, P. 9
2- Albert M-C et. Souchon M: Op cit, P. 10.
3- J-C. Beacco: "Les dimensions culturelles des enseignements des langues" , Hachette Livre,
2000, P. 15.
4-A. Thévenin :"Enseigner les différences" Editions Etudes vivantes, 1980, P. 39.
10Il va sans dire donc, qu'enseigner une langue étrangère, le FLE en
l’occurrence, doit être nécessairement accompagné d’un éclairage culturel (de
la langue cible) dont le texte littéraire est le vecteur par excellence dans la
mesure où il est le produit de la société et de ses cultures.
Le texte littéraire nous apparaît ainsi comme un tremplin pas seulement
pour l'appropriation de la langue française, mais également pour la
connaissance de l'autre à travers sa culture qui y est largement présente,
comme le confirme M-A. Pretceille, pour qui « le texte littéraire apparaît
comme le médiateur essentiel avec autrui »1. Cependant, cette relation avec
l'autre n'est pas sans créer d'éventuels malentendus et conflits culturels. D'où la
nécessité pour l'apprenant d'acquérir une compétence (inter) culturelle pour
faire dissiper ces malentendus et avoir des rapports conviviaux avec l'autre.
Le texte littéraire favoriserait-il donc l'acquisition d'une compétence
culturelle voire interculturelle indispensable à une appropriation réelle du
FLE?
Notre hypothèse serait donc: Le texte littéraire, étant la manifestation et
la voie d'accès à la culture de l'autre, peut favoriser l'acquisition et le
développement d'une compétence (inter) culturelle indispensable à l'apprenant
dans l’apprentissage linguistique et culturel du FLE.
Le présent travail est réparti en deux parties:
Une partie théorique avec deux chapitres:
Dans le premier chapitre, nous tenterons de définir notre objet d'étude à
savoir le texte littéraire, mais aussi de le caractériser sur des éléments
consensuels avec à chaque fois le parti que la didactique peut en tirer.
1-Pretceille. M-A, cité par Collès. L: " Littérature comparée et reconnaissance interculturelle ", De
Boeck-Wesmael, S.A, Bruxeles, 1994, P. 18
11Nous parlerons également de la place du texte littéraire dans les
différentes méthodologies sans oublier au préalable de faire un état des
lieux de l'enseignement-apprentissage du FLE et de la présence ou non
du texte littéraire dans les manuels de français en Algérie. Nous ne
manquerons pas enfin, en parlant de la dimension culturelle du texte
littéraire en classe de FLE, de définir la notion de culture et de rendre
compte des rapports très étroits qu’elle entretient avec la langue.
Dans le deuxième chapitre, nous parlerons du texte littéraire comme
vecteur culturel dans l'enseignement-apprentissage du FLE sans
manquer d'aborder tout ce qui se rattacherait à une telle approche
(culturelle) à savoir: les représentations, les préjugés et les cruciales
questions de l'identité et de l'altérité. Nous parlerons également de
l'enseignant, élément central de la problématique de l'enseignement-
apprentissage du FLE, ainsi que de l'indispensable compétence (inter)
culturelle que l'apprenant doit acquérir et s'approprier dans tout
apprentissage linguistique et culturel d’une langue étrangère.
La partie pratique se subdivise également en deux chapitres:
Le premier chapitre est consacré à l'expérimentation proprement dite, à
savoir l'étude de cinq(05) textes littéraires traitant essentiellement des
thématiques culturelles qui permettront d'interroger les identités et
l'altérité des apprenants, et de développer leur compétence (inter)
culturelle.
Le deuxième chapitre est consacré à l'analyse des résultats du
questionnaire conçu à l'intention des enseignants.
Nous conclurons par le commentaire et l'analyse des résultats du présent
travail auxquels nous sommes parvenu.
12
13La place du texte littéraire et
le rapport langue/culture en classe
de FLE
14Introduction:
Toute étude sérieuse et digne de ce nom doit impérativement définir son
objet d'étude (le texte littéraire dans le présent travail), ou à défaut le
caractériser sur la base d'éléments consensuels qui ne feront objet d'aucune
contestation.
Cela dit, la littérature est une notion mutante, sujette selon l'époque et la
société dont elle est l'émanation et l'expression, à de moult interprétations. Par
conséquent, la définir n'est pas une entreprise des plus faciles. Cependant,
l'enjeu didactique en classe serait, à notre sens, de démontrer à travers les
caractéristiques qu'on disait consensuelles, que la littérature se prête à tous les
usages que ce soient linguistiques, communicatifs ou culturels.
D'autre part, nous ne manquerons pas, dans ce premier chapitre, de
parler de la présence du texte littéraire dans les manuels algériens de français,
et de sa dimension culturelle qui, semble-t-il, est minorée, et ce en dépit des
rapports fusionnels qu'entretiennent la langue, la littérature et la culture.
151- L'enseignement-apprentissage du FLE en Algérie
1- 1- Etat des lieux
Force est de reconnaître que l'enseignement apprentissage du FLE, en
Algérie, n'a pas eu les résultats escomptés, et ce depuis quelques années,
précisément depuis les réformes de 1976, qui en instaurant et en généralisant
l'usage de l'arabe, ont peut-être marqué un coup de frein à l'enseignement-
apprentissage du FLE qui, il faut le reconnaître, avait donné des résultats bien
meilleurs que ceux survenus après ces réformes. Mais ce n'est pas, convenons-
nous de dire, l'unique explication.
Les raisons de ce recul, lequel ne doit pas néanmoins nous faire perdre
de vue tout ce que l'école algérienne a fait pour l'apprentissage des langues
étrangères en particulier le FLE, sont multiples et diverses, et expliqueraient
en grande partie toutes les carences qu'on a pu observer ces dernières années
dans l'enseignement- apprentissage du FLE.
Des enseignants, produits, d'ailleurs de la dite réforme du système
éducatif de 1976, qui ne connaissent du français, dans les deux sens (locuteurs
et langue), que le nom, et qui, en plus, se débattent dans des conditions
socioprofessionnelles, pour le moins dramatiques. Ajoutées à cela, la
dévaluation et le discrédit qui ont frappé le métier d'enseignant dans un monde
qui ne jure que par le profit et le pouvoir de l'argent et auquel l'enseignant n'a,
semble-t-il, pas voie et droit d'accès.
Il a manqué aussi, à notre sens, une vision claire et réfléchie sur
un système éducatif qui donne parfois des signes d'essoufflement et de
tergiversation. Des réformes? Il y en avait eu, mais des réformes faites dans
l'urgence, sans daigner consulter les premiers et principaux concernés
16(professeurs didacticiens, pédagogues, inspecteurs…). Donc, une vision
stratégique, pourrait-on dire, autant qu'une capacité d'adaptation aux
changements provoqués par la mondialisation. Voilà le vrai défi de l'école
qu'elle n'a jamais vraiment voulu relever.
Et puis, une application aveugle et scrupuleuse des méthodes
d'enseignement, conçues ailleurs, qui ne sont pas en adéquation avec la réalité
algérienne. Louise Dabène écrit sur ce transfert de méthodes, devenu il faut le
dire, par la force de la réalité de la classe, obsolète: « On commence à
s'apercevoir (…) que les transferts de méthodologies d'un contexte
pédagogique à un autre se heurtent à des obstacles d'ordre culturel autant que
linguistique, difficultés essentiellement dues à la méconnaissance des univers
dans lesquels celles-ci sont appelées à s'insérer »1.
Et enfin, on a continué du coté de l'institution à entretenir le flou sur
l'enseignement culturel inhérent à tout apprentissage d'une langue étrangère.
En effet, on persiste à considérer le français non seulement comme une langue
étrangère, ce qui est vrai à plus forte raison, mais également à le considérer au
sens civilisationnel, pourrait-on dire, comme celle du colonisateur, avec qui on
a eu, par le passé des rapports qu'on qualifierait au moins de conflictuels.
Toutefois et aussi paradoxal que cela puisse paraître, la langue française est
perçue parfois comme « celle de l'étranger dépositaire du savoir-faire (la
technologie) et du savoir-être (l'organisation efficiente de la société).. »2
1- Dabène. L: " Repères sociolinguistiques pour l'enseignement des langues ", Hachette Livre,
1994, P. 5.
2- Kadik. Dj, op. cit, p 65.
17Cette ambivalence dans l'attitude de l'institution envers la langue
française, et surtout envers la culture qu'elle charrie, a fait réagir Dj. Kadik qui
indique « Cette attitude à l'égard du français a souvent amené les experts
algériens à neutraliser la culturalité de la langue française. Faudrait-il
signaler que le français n'est pas enseigné comme une langue véhiculant une
culture étrangère, une culture de l'autre comme c'est souvent le cas lorsqu'on
enseigne une langue étrangère? »1.
La langue française voit donc sa profondeur culturelle sensiblement
minorée. Or, on le sait maintenant, pour s'approprier et maîtriser une langue
étrangère, il faut impérativement prendre en charge sa dimension culturelle.
Aspect qui n'a jamais été vraiment abordé par la classe de FLE en Algérie.
1.2- le texte littéraire dans les programmes et manuels algériens de
français
Il faut admettre que le texte littéraire est bien présent, autant dans les
manuels que dans les progressions de français. Cette présence n’est pas
exclusive uniquement aux écrivains français. Elle s'étend également à ceux:
algériens, maghrébins et même africains, dont le but, du moins déclaré, de
l'institution scolaire, est d'être un support didactique au service d'objectifs
linguistique, culturel et autre communicatif.
Cependant, cette présence des textes littéraires, dans les manuels et
progressions algériens de français, ne rend pas compte de la culture française,
mais décrit plutôt la réalité culturelle algérienne « on apprend ici le français en
neutralisant toute culturalité de cette langue »2disait Dj. Kadik, qui n’oublie
1- Kadik. Dj, op. cit, p 65.
2- Kadik. Dj, op. cit, p 67.
18pas dans la foulée de rappeler « Il est curieux, par exemple, de constater que le
programme ancien de licence de français (toujours en vigueur) ne contient
aucun module de culture ou de civilisation française contrairement au
programme d’anglais »1.
Pourtant, l'ordonnance du 16 avril 1976 dont nous avons parlé avant,
portant organisation de l'éducation et de la formation, assigne à l'enseignement
de français, au titre de l'enseignement des langues étrangères, trois objectifs:
«- l'accès à une documentation simple, dans ses langues;
– la connaissance des civilisations étrangères;
– le développement de la compréhension mutuelle entre les peuples »2.
On voit donc bien que le ton était déjà donné: une tendance à l'ouverture
sur l'autre, et à priori cela ne pourrait se faire sans la connaissance de la culture
du pays de la langue enseignée, en l'occurrence la France, Mais ces
orientations, il faut le dire, sont restées lettres mortes, et la réalité de la classe
de FLE, en dépit des orientations "officielles", est à l'opposé des objectifs, du
moins déclarés, qui lui ont été assignés.
D'autre part, la connaissance et l’ouverture sur les civilisations
étrangères que recommandait l’ordonnance de 1976, ne se traduisent dans les
manuels algériens de français que par « une orientation idéologique qui insiste
sur les valeurs universelles comme la solidarité internationale, la préservation
de la nature au niveau planétaire, la paix internationale »3, mais pas sur la
culture française dont nous avons vu qu’elle est neutralisée dans
l’enseignement-apprentissage du FLE en Algérie.
Les textes littéraires présents dans les manuels de français, que ce soient
comme texte support de leçon, ou texte support d'exercices, ou enfin comme
texte récréatif: « ne sont pas interrogés dans leur altérité culturelle»4 disait
1-Kadik. Dj, op. cit, p 67.
2- M.E.N, Programme de français langue étrangère 2ème et 3ème cycle.
3- Kadik. DJ, Op. Cit, P. 72.
4-Kadik. Dj, Op. cit, P. 65.
19Dj. Kadik, avant d'ajouter: « le manuel algérien est ancré dans la réalité
culturelle algérienne »1, compte tenu de la présence, dans ces manuels, des
textes littéraires d’écrivains algériens d’expression française Ce qui est,
somme toute naturel et à fortiori légitime. Toute nation digne de ce nom et qui
se respecte, doit évidemment et absolument mettre en valeur son identité et ses
valeurs nationales qui lui sont propres. Tout cela est donc bien vrai et
fortement légitime.
Mais aujourd'hui, le dialogue avec l'autre par le truchement de sa culture,
et à travers l'approche interculturelle, est devenu un passage obligé « Tout
rapport avec le texte est dans son essence interculturel, en FLE mais
également en FLM, compte tenu évidemment de la "pluralité" culturelle, de la
multiplicité des croisements culturels caractéristiques de la civilisation
d'aujourd'hui »2 disait Amor Séoud.
D’autre part, et c'est là où probablement le bât blesse, le fait qu'on
continuait à appliquer au texte littéraire la même approche que celle(s)
appliquée(s) aux autres documents non littéraires pourrait éventuellement
déstabiliser l'apprenant qui, « risque d'en déduire que son statut (en parlant de
texte littéraire) et sa fonction sociale n'ont rien de spécifiques »3.
Apprendre le FLE, doit absolument allier et concilier les deux aspects
de la langue, à savoir l'aspect linguistique et l'aspect culturel dans une
didactique du FLE, qui tend peu à peu à se culturaliser en réponse aux grands
défis de la mondialisation.
1- Kadik. Dj , Op. cit, P. 67.
2- Séoud. A: " pour une didactique de la littérature ", Les Editions Didier, Paris, 1997, P. 137.
3-Albert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 149.
202- La place du texte littéraire, du coté des méthodologies
On l'a toujours su, les textes littéraires ont été associés à l'enseignement
des langues étrangères, en particulier le français. Désignés, à juste titre,
comme les représentants par excellence de la norme, et se prêtant parfaitement
à tous les usages, tant sur le plan linguistique que sur le plan culturel, les textes
littéraires, selon M-C. Albert et M.Souchon « apportent un supplément
appréciable de diversité par des activités de lecture et d'écriture auxquelles ils
se prêtent, ils contribuent au même titre que d'autres pratiques, à rendre la
classe plus "créative" et à accroître la part de plaisir dans l'apprentissage
d'une langue étrangère »1.
Cependant, le texte littéraire a connu dans les méthodologies
didactiques, des fortunes diverses et ce en fonction des besoins et des attentes,
du moment, de la société dont il est le produit et la manifestation.
Jusqu'au début du vingtième siècle, le texte littéraire constituait le
couronnement de l'apprentissage de la langue, puis et jusqu'à l'approche
communicative, on ne peut pas dire que le texte littéraire a été bien servi. Son
utilisation en classe de FLE s'est vue, en effet considérablement réduite, du
fait de la primauté de l'oral. Cependant, avec l'avènement de l'approche
communicative et, plus tard et surtout, avec la montée en puissance, ces
dernières années, d'un éclectisme qui tend à se généraliser et auquel nombre de
professeurs semblent adhérer, les textes littéraires ont de nouveau droit de cité
en classe de FLE.
L'enseignement de langues n'a cessé donc d'évoluer, les méthodes se
suivent mais ne se ressemblent pas : les unes venant contredire les
précédentes, et les autres s'adaptant non sans difficultés aux attentes et aux
exigences de l'époque.
1- Albert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 10.
21C'est avec la méthode traditionnelle, appelée aussi la méthode
grammaire traduction, et ce pendant des siècles, que le texte littéraire a connu
ses lettres de noblesse dans la mesure où l'apprentissage de la langue se faisait
par et pour sa littérature.
Dans cette méthode, le rôle du maître était prépondérant. C'était le
modèle à imiter parce qu'on le considérait comme le seul détenteur du savoir
et comme le symbole de l'autorité. Et l'erreur dans cette méthode, était bannie.
On est bien, comme dit P. Martinez, dans une pédagogie de modèle où
«les outils privilégiés seront les manuels ou recueils de textes, voire des
œuvres entières, la grammaire et le dictionnaire bilingue. La démarche
didactique est, dans ses grandes lignes, la suivante: un texte littéraire, suivi
des explications de vocabulaire et de grammaire, généralement avec recours
à la langue source de l'apprenant, traductions, exercices »1
Puis s'en est suivi, un net recul du texte littéraire dans les méthodes
directe et audio-orale, la première est venue répondre au désir d'ouverture sur
l'étranger, manifestée par la société, laquelle ne voulait plus d'une langue
exclusivement littéraire, et ce afin de favoriser le développement des échanges
économique, politique et culturel, devenus à cette époque-là une nécessité
absolue. On voulait, en fait, une langue qui soit un outil de communication
avec autrui. La deuxième méthode (audio-orale), née d'un mélange de la
psychologie behaviouriste et du structuralisme linguistique, avait pour but de
communiquer en langue étrangère. La priorité fut donc donnée à l'oral, et la
langue était conçue comme un ensemble d'habitudes et d'automatismes
linguistiques.
1- M a r t i n e z . P : " La didactique des langues étrangères ", Presse Universitaire de France, 1996,
P. 50.
22De plus, et contrairement à la méthode traditionnelle, la langue
maternelle souvent source d'interférences, était considérée comme un obstacle
à l'apprentissage d'une langue étrangère. Quant au texte littéraire, il avait peu
de place dans cette méthode.
Au début des années 60, ce fut le déclin annoncé du texte littéraire avec
l'avènement de la méthode structuro-globale audio-visuelle (SGAV) qui
« a banni la littérature de l'enseignement des langues vivantes et donc a
évincé le texte littéraire des supports d'apprentissages pour représenter la
parole en situation1». Cette méthode, pour laquelle l'image et le son étaient les
ingrédients de la compréhension, a néanmoins le mérite selon H. Besse de
tenir compte du contexte social d'une langue en vue d'une communication
orale qui tendait à s'améliorer avec cette méthode.
Avec l'approche communicative, survenue en réaction contre les
méthodes audio-orale et audio-visuelle, la priorité fut donnée à l’acquisition
d'une compétence de communication, et à la centration sur l'apprenant, qui est
l'un de ses principaux objectifs; l'enseignant devient du coup, non pas le
dépositaire du savoir, mais un facilitateur et un négociateur de l'apprentissage,
le tout en étroite collaboration avec l'apprenant. P. Martinez écrit, à ce sujet,
(sur le nouveau rôle de l'enseignant) « Il est surtout conscient du "paradigme"
général, de l'arrière plan de son enseignement : une théorie linguistique
fondée sur la communication et une théorie de l'apprentissage basée sur la
différence et l'autonomie. Il définit, organise et fait accepter, grâce à ses
interventions, les tâches et le mode de fonctionnement. Il instaure un climat de
travail et reste à l'écoute du groupe-classe lors des activités autonomes, et des
apprenants qui ont leurs styles et parcours d'apprentissage propres »2.
1- C u q . J – P e t G r u c a : " Cours de didactique du français langue étrangère et seconde ", Horizon
Groupe, Paris, 2002, P. 375.
2- Martinez. P, Op. cit, P. 77.
23Pour ce qui est du texte littéraire, il fut réintroduit confirmant ainsi le
regain d'intérêt manifesté pour ce type de textes. En effet, une fois les
rudiments linguistiques installés; l'apprenant sera confronté aux morceaux
choisis des anthologies traditionnelles ou de recueils de textes. Cependant, la
priorité est donnée aux documents authentiques. Il est à signaler toutefois, que
l'approche communicative est en perte de vitesse, au grand dam de ses adeptes.
Actuellement, on assiste à l'émergence d'un éclectisme méthodologique,
basé essentiellement sur la diversification des outils didactiques et des
approches, sans aucune contrainte méthodologique sur l'enseignant. En réalité,
c'est l'enseignant qui fait tout dans cet éclectisme. Et donc, sans surprise la
majorité des enseignants adhérent corps et âme à cette approche parce que, et
c'est un secret de polichinelle, les enseignants, on le sait, refusent toujours
toute imposition méthodologique. Quant au texte littéraire, sans surprise
également, il retrouve des couleurs et donc toute sa place.
De ce bref tour d'horizon qui est loin d'être exhaustif, il ressort donc que
la didactique des langues étrangères, doit élargir son champ de recherche à
d'autres disciplines pour faire appendre mieux ces langues étrangères, en
particulier le FLE, dans un monde marqué aujourd'hui par l'ascension
fulgurante des nouvelles technologies d'information et de communication
(NTIC) et dans un monde aussi et surtout qui tend à l'ouverture et au dialogue
entre les peuples.
On a pu constater également, et cela n'est pas pour nous déplaire, que la
didactique des langues, se remettait sans cesse en question, même si parfois le
désir de contredire l'autre (en parlant des méthodes) semblait l'emporter, pour
répondre aux attentes et aux exigences du moment.
En revanche, cette course effrénée, à l'assaut de nouvelles méthodes,
doit absolument, et c'est une question vitale pour la didactique des langues
24étrangères, tenir compte des mutations qu'ont connues les sociétés. On
n'enseigne pas le français en Chine comme on l'enseigne au Sénégal.
Ce foisonnement de méthodes a fait réagir un inspecteur de l'éducation
africain dont on peut penser que ses propos sont loin d'être dénués de bon sens
«Heureusement, nous n'avons pas les moyens d'acheter vos dernières
méthodes, vous les considérez déjà comme périmées. C'est un moindre mal si
nous passons directement aux suivantes, qui d'ailleurs font retour sur celles du
passé »1.
3- Définition et caractéristiques du texte littéraire
3-1- Définition de la littérature
Qu’est ce que la littérature? Voilà une question qui fait débat mais qui
ne fait guère unanimité, loin s’en faut. Par sa nature et par son caractère
complexe, la « littérature » divise mais passionne, intrigue mais sublime tous
ses adeptes et ses inconditionnels. Appelée autrefois « les belles lettres » et
présentée comme le lieu où s’exerce la « belle langue », domaine par
excellence du raffinement de l’expression, ses mots ont un pouvoir, sinon des
pouvoirs. Pouvoir de persuasion, mais aussi de perversion. Pouvoir
d’enthousiasmer les peuples pour critiquer un ordre établi, mais aussi pouvoir
de les endormir jusqu’à aduler et ne jurer que par ce même ordre établi.
La littérature est un art, comme la peinture, mais à la différence de cette
dernière, elle utilise non pas des couleurs, mais des mots.
1- Martinez. P, Op. cit, P. 120.
25Certains considèrent la littérature comme l’ensemble des productions
humaines, en référence à l’origine latine du mot: (littératura: « écriture »).
Autrement dit, tout ce qui relèverait de l'ordre scriptoral. Mais tout écrit,
dirions-nous, n’est pas de la littérature.
E l l e e s t , p o u r d ' a u t r e s , u n e i n s t i t u t i o n q u i f a i t u n t r i d e t o u t e s l e s
productions humaines, pour décider et décréter de ce qui est littéraire de ce qui
ne l’est pas. Du coup, elle favorisera l’éclosion de certains ouvrages et la
consécration, souvent par l’octroi de prix littératures (Prix Nobel, Goncourt,
Renaudot…) de leurs auteurs. La littérature serait donc, tout ce qui est
«Reconnu, répertorié, enseigné comme tel par des spécialistes (écrivains,
critiques, professeurs) ou qui se trouve dans des ouvrages présentant certaines
caractéristiques (telles le genre inscrit sur la couverture: roman, poésies,
contes, nouvelles, tragédie, etc, sont clairement littéraires, essais, discours,
histoire, le sont moins; dictionnaire, grammaire ne le sont pas) ».1
Toutefois cette représentation de la littérature a un caractère élitiste et
subjectif du fait qu'elle est tributaire du niveau d'études des individus.
J. Gracq dit à ce propos: « ce que chacun nomme littérature est à la fois
socio-culturellement situé et subjectif ».2
1-Peytard J: "Littérature et classe de langue" , Hatier, Paris, mai 1982, P. 22
2- Gracq, cité par Ibid, P. 22.
26La littérature serait, pour d’autres, rattachée à la notion de valeur
esthétique, du fait que depuis toujours, il y a des personnes, du reste peu
ordinaires, probablement très douées, appelées pour la circonstance, des
écrivains qui inventent et écrivent des histoires, lesquelles deviennent, pour la
plupart d'entre elles, des chef-d’œuvres. Cette reconnaissance est consécutive à
l'appréciation et au jugement des critiques littéraires, qui du coup deviennent
en quelque sorte, des garde-fous de la littérature: « Pour le dire très
schématiquement, ce qui est socialement reconnu est plutôt de l'ordre de
l'esthétique- lettré. Et cette légitimité est accrue en fonction des relations à
l'idéologie propre au champ littéraire qu'incarnent sans doute plus
exemplairement les lectures de professionnels qui conjuguent soit théorie et
esthétisme ,soit surtout pratique d’écriture et esthétisme comme peuvent le
faire les écrivains de la production restreinte ou les écrivains légitimés »1.
Cette représentation de la littérature, n’est pas non plus, sans soulever
des critiques, en se sens que les critères d'appréciation et de légitimation de tel
ou tel ouvrage pourraient relever de la subjectivité, mais également « de
l'humeur, du parti pris idéologique, parfois simplement de la stratégie
commerciale des éditeurs »2.
Les formalistes russes, quant à eux, comme pour distinguer le littéraire
du non littéraire, vont parler de " littérarité", terme qui se voit, à son tour,
rejeté tant par les linguistes que par les sociologues de la littérature, le jugeant
trop idéaliste. Toutefois cette supposée littérarité a le mérité de singulariser le
texte littéraire de toutes les autres productions linguistiques marquées par les
valeurs d'échanges et un usage utilitariste.
1- Reuter. Y, cité par Kadik. DJ, Op. cit, P. 106.
2- Milly. J: "Poétique des textes" , Edition Nathan, 1992, P. 30
27Roland Barthes indique que « l'art existe à partir du moment où un
regard a pour objet le signifiant »1, rejoignant ainsi la définition de la fonction
poétique chère à R. Jacobson, pour qui, elle est la caractéristique qui
prédomine dans les textes dits littéraires. L'attention est orientée vers la forme
du message, minorant du coup le fond du message. Toutefois, une telle
séparation entre le fond et la forme serait préjudiciable au texte littéraire.
De ce bref tour d'horizon, qui ne se veut nullement exhaustif sur la
notion de la littérature, et qu'on peut prolonger indéfiniment, apparaît
clairement la difficulté qu'il y a à définir le texte littéraire. En réalité, la
littérature n'a jamais été considérée comme un concept qu'il faut délimiter ou
définir. Elle est plutôt considérée comme un objet allant de soi, jamais mis ou
remis en cause.
En revanche, ce qui semble indiscutable, c'est que « nous étudions les
œuvres littéraires à l'école puis à l'université, nous trouvons ce type de livres
dans des magazines spécialisés, nous sommes habitués à citer les auteurs
"littéraires" dans la conversation courante. Une entité "littérature"
fonctionne dans les relations intersubjectives et sociales, voilà ce qui semble
incontestable »2 affirmait Todorov.
3-2- Caractéristiques du texte littéraire et enjeux didactiques
On a bien vu que définir la notion de "la littérature" et par voie de
conséquence le texte littéraire, est un exercice, pour le moins, délicat et
non sans embûches, et que vouloir trouver un consensus sur cette question, est
1-Barthes. R ,cité par Bergaz. D: "l'explication du texte littéraire ", Bordas, Paris, 1989, P. 12.
2- Todorov. T; cité par Kadik. DJ, op. cit, P. 109.
28pour le moment un leurre. Par contre, il y a des éléments qui, semble-t-il, font
l'objet de consensus, et qui « permettent de déterminer, sinon l' "être" de la
littérature (pour reprendre la formule de Barthes), du moins certaines de ses
caractéristiques linguistiques et sociales les plus importantes »1. Nous
essayerons à chacune de ses caractéristiques de rendre compte de ce que la
didactique des langues étrangères, en particulier celle du FLE, en pourrait tirer
parti.
3-2-1- Le texte littéraire et la polysémie
S'il y a bien une évidence avec laquelle tout le monde semble être
d'accord, et qui semble "incontestable" (pour reprendre l'expression de
Todorov), c'est bien le caractère polysémique du texte littéraire. En effet, le
discours littéraire opposé au discours quotidien réputé monosémique, est
constitué, comme l'affirme Barthes « de cet infini de langages»2, et permet non
pas une lecture univoque mais une lecture plurielle. Mireille Naturel dit à ce
propos:
«Il apparaît donc clairement que le texte non littéraire a un sens et un
seul alors que le texte littéraire permet une lecture plurielle; d'une part, il peut
être abordé sous différents angles d'analyse et, d'autre part, il se prête à de
multiples interprétation s»3.
1- Séoud. A, Op. cit , P. 47.
2- Barthes. R; cité par Séoud. A, op. cit, P. 47.
3- Naturel. M, cité par Séoud. A, op. cit, P. 47
29Amor Séoud va plus loin en soutenant que l'association "texte" et "littéraire"
ne pouvait se faire si le sens en été fixé. Autrement dit, c'est la charge
polysémique qui déterminerait la littérarité d'un texte: « Plus le texte est
polysémique, plus il est littéraire, et réciproquement, moins il est
polysémique »1 .
Abondant dans le même sens, Michel Benamou parlera de l'opacité et
l'ambiguïté spécifiques aux textes littéraires: « On peut même dire que plus
celle-ci (en parlant de l'opacité) est opaque, retenant l'attention du lecteur,
plus " littéraire " en est le résultat »2.
A la différence du journal qui, une fois lu, se voit jeté dans la seconde
même, le texte littéraire, par-delà le temps et l'espace, continue à raviver les
passions, à chaque fois qu'il est lu, non sans s'attirer, d'ailleurs, la fougue de
ses détracteurs. Cet état de fait est dû, en grande partie à sa polysémie comme
le fait remarquer, à juste titre Amor Séoud quand il parle du plaisir que le texte
littéraire procure à ses lecteurs: « cette qualité, le texte littéraire la doit à sa
polysémie, à sa richesse inépuisable de sens qui fait que, par-delà l'espace et
le temps, par-delà même parfois les frontières de la langue, il peut parler à
tout le monde »3.
La densité polysémique qui caractérise le texte littéraire ne doit pas être
pour autant, pour l'apprenant, un obstacle qui entravera la compréhension du
texte littéraire. Il reviendra à l'enseignant de lui apporter les éclairages
nécessaires, des éclairages qui sont souvent d'ordre culturel, renvoyant à des
référents situationnels ou historiques que l'élève ne pouvait pas forcément
connaître. Toutefois, il ne s'agit pas de tout lui dire mais seulement de lui
1- Séoud. A, op. cit, P. 47.
2- Benamou. M:" Pour une nouvelle pédagogie du texte littéraire ",Hachette- Larousse, 1971, P. 12.
3-Séoud. A, op. cit, P. 15.
30fournir ce dont il a besoin pour surmonter la difficulté devant laquelle il bute,
et dont l'enseignant est sûr qu'il ne pourra jamais la résoudre.
L'enseignant doit également veiller à ce que les élèves puissent avoir le
sentiment que c'est finalement eux qui vont donner sens au texte. Une manière
de leur signifier qu'ils vont s'approprier le texte et qu'il convient d'en faire bon
usage. Une appropriation qui se fera naturellement dans l'interaction de la
classe de FLE, et qui permettrait, à coup sûr, de sortir de l'explication du texte
où l'enseignant demandait souvent à ses élèves de retrouver le sens du texte, à
vrai dire "un sens", et dont nombre de didacticiens n'en veulent pas. Le sens
que l'apprenant s'efforcera de trouver, est celui inhérent au plaisir de la lecture
des textes littéraires, que H. Besse a appelé "le sens évoqué" pour le distinguer
du "sens littéral" et du "sens signifié", « Il nous semble qu'il n'y a pas plaisir
de lecture sans priorité au sens évoqué, cet évènement tout personnel qui naît
de ma rencontre avec le texte, le sens littéral et signifié ne prenant intérêt
qu'avec lui »1 disait H. Besse.
Travailler sur la polysémie des textes littéraires en classe de FLE s'avère
extrêmement avantageux pour les apprenants, à la fois, parce que cela créerait
une dynamique interactive entre l'enseignant et les élèves mais aussi, mettrait
l'apprenant dans une posture de dialogue direct avec le texte littéraire, et parce
qu'enfin elle permettrait à l'élève, dans sa quête de sens, un tant soit peu, de
clarifier et de dissiper les malentendus interprétatifs inhérents au texte
littéraire. Par conséquent nous pensons que la didactique du FLE, a tout à
gagner en introduisant en son sein le texte littéraire.
1- Besse. H: " Comment utiliser la littérature dans l'enseignement du FLE ", Ici et Là, N° 20, 1993, P. 55.
313-2-2- Le texte littéraire et la notion de plaisir
Nous ne pouvons pas parler de la notion de plaisir, inhérente au texte
littéraire sans évoquer Montesquieu1 qui disait un jour qu'il n'avait jamais eu
de chagrin qu'une heure de lecture ne lui ait ôté! Cette déclaration en dit long
sur les rapports fusionnels qui pourraient naître entre le lecteur et l'œuvre
littéraire. Des rapports que certains à l'image de Amor Séoud, n’hésitent pas à
qualifier de « rapports d'amour »2, ou de Pennac qui, lui, voit en cet amour « un
héritage infantile »3 du fait de l'audition des contes.
Dans sa théorie sur le plaisir du texte, Barthes établit la distinction entre
le plaisir et la jouissance. Pour lui "le texte de plaisir" serait « celui qui
contente, emplit, donne de l'euphorie; celui qui vient de la culture, ne rompt
pas avec elle, est lié à une pratique confortable de la lecture »4. Alors que "le
texte jouissance", celui-là, plus destructeur et moins sécurisant que le premier,
dans le sens où il pourrait faire vaciller les croyances et les convictions du
lecteur, serait « Celui qui met en état de perte, celui qui déconforte, fait
vaciller les assises historiques, culturelles, psychologiques du lecteur, la
consistance de ses goûts, de ses valeurs et de ses souvenirs, met en crise ses
rapports au langage »5.
Certains ont laissé entendre que l'art, et donc la littérature, était une
donnée bourgeoise qui se confondait avec l'idéologie de classe, dénonçant de
la sorte sa subjectivité et rejetant toute forme de plaisir. Une position qui a fait
réagir, contre toute attente, H. Mercuse, marxiste de son état, qui indiquait
1- Giasson. J: " Les textes littéraire à l'école ",Gaïtan Morin, Editeur ltée, 2000, P. 5.
2- Séoud. A, Op. cit, P. 67.
3-Pennac. D, cité par Séoud. A, op. cit, P. 67.
4- Barthes. R: " Le plaisir du texte ", Ed, du seuil. Coll. Tel Quel, 1973, P. 25.
5- Ibid, P. 25.
32«Le propre de l'art est d'interpeller la dimension humaine de l'individu
dans toute son étendue, d'alerter son imagination, son affect, le champ de sa
confiance et de son inconscient (…) qui ne peuvent se dissoudre dans des
problèmes de lutte des classes »1.
L'art, et par voie de conséquence la littérature, va de pair avec la
subjectivité, c'est un secret de polichinelle, dirions-nous, car ce qu'on cherche
dans un livre « C'est généralement ce que l'auteur y met: non pas une
information mais une émotion, non pas un sens mais une sensation »2.
De son côté, Proust n'hésite pas à parler de « merveilleux miracle de la
lecture »3. Dans la mesure où l'œuvre littéraire, contrairement à d'autres écrits
( tel, le journal qui voit son intérêt pour le lecteur s'estomper le jour même de
sa parution), traverse les ères et les civilisations sans que l'engouement et
l'effervescence qu'elle suscite ne faiblissent d'un iota.
Françoise Sagan, dans son parti pris en faveur de la lecture des livres, et
donc aussi du plaisir qu'elle procure, va parler de l'impact que peut avoir cette
dernière (la lecture des livres) sur la découverte de soi et sur la vie, en général
de l'homme en indiquant que « Les livres furent surtout une découverte de
moi- même, moi-même lecteur, bien sûr, mais surtout moi-même existant »4.
1- Mercuse. H, cité par Séoud. A, op. cit, P. 65.
2- Séoud. A, op. cit, P. 64.
3- Proust. M, cité par Séoud. A, Op. cit, P. 64.
4- Sagan. F, cité par Séoud. A, Op. cit, P. 65.
33On peut penser, pour conclure ce point, que les rapports textes
littéraires- lecteurs sont des rapports passionnels, fusionnels, voire intimes.
L'école se doit de prendre ses responsabilités dans ce domaine. Elle doit veiller
non seulement à déclencher l'envie de lire chez l'élève mais à ce que ce dernier
mette en marche son propre désir de lire. L'école à tout à gagner à ce que ses
élèves se mettent à lire, c'est un passage obligé vers la réussite. En tout cas,
Barthes, Pennac, Proust, Sagan en sont convaincus, les professeurs de français
le sont aussi, parce qu'ils savent très bien, pour l'avoir vécu, que les élèves sont
rarement motivés en classe de FLE et la seule fois où ils le sont réellement,
c'est la fois où le texte support est un texte littéraire, surtout si c'est un conte.
Par contre leur attitude est toute autre dès lors que le texte support n'est pas
littéraire (un texte scientifique par exemple). Une attitude nonchalante,
dirions-nous, qui frise parfois le dégoût.
La notion de plaisir est, on le sait, inhérente à la question de motivation,
indispensable à tout apprentissage, en particulier dans le cas qui nous
intéresse, celui du FLE. Par conséquent, priver la classe de FLE d'un
document aussi riche et aussi stimulant que le texte littéraire serait, à notre
sens, un acte contre nature.
3-3-3- La fiction du texte littéraire
Une autre caractéristique consensuelle du texte littéraire est la fiction
qui s’y trouve. Le texte littéraire, à sa lecture, procure, comme nous venons de
le voir, du plaisir et parfois même de la jouissance. Mais ce plaisir ne doit pas
nous faire perdre de vue que le texte littéraire n’est que pure fiction, à ne pas
confondre avec la réalité. Une réalité, à laquelle il devra curieusement
s’adapter sinon s’y conformer.
34Ce qu’on lit dans une œuvre littéraire n’est pas la réalité, même si elle
en a l’air. En fait ce qui est réel, ce serait plutôt
«Des conditions de production et de lecture du texte. L’auteur au moment de
l’écriture, pas plus que le lecteur au moment de sa réception ne peuvent
s’abstraire totalement de l’ensemble des conditions qui font qu’ils
appartiennent à une société donnée, à un moment donnée de son histoire »1.
Cependant, la fiction de l’œuvre littéraire peut, selon Th.Aaron,
renvoyer à des référents situationnels. Ainsi, pour lui « le texte n’est jamais
plus au moins coupé du référent situationnel »2. Tou tef oi s l ’écri v ai n , à qu i
nous devons concéder au moins ce pouvoir extraordinaire d’invention et de
création, en utilisant ces référents situationnels, n’aspire nullement à
reproduire la réalité telle qu’elle est, mais de « créer un monde possible »3, pas
forcément conforme au monde qui existe ou qui pourrait exister, mais « un
monde auquel le lecteur puisse adhérer »4. Evidemment, cette fiction se fera et
se construira à partir non pas du réel mais d’une représentation du réel.
1- Allbert. M-C et Souchon, Op. cit, P. 79.
2- Aaron. Th: cité par KadiK Dj, Op. cit, P. 114.
3- Allbert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 76.
4- Allbert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 76.
35Francis Ponge écrit, à juste titre, « Il ne s’agit pas de rendre, de
représenter le monde physique, si vous voulez mais de présenter dans le
monde verbal quelque chose d’analogue »1 H.Michaux, quant à lui n'oublie
pas de rappeler que « même si c’est vrai, c’est faux »2.
Pour ce qui est de l’apprenant du FLE, il serait intéressant de se pencher
sur la relation qui va se créer entre les mots du texte littéraire qu’il est en train
d’apprendre et le monde représenté par ces mêmes mots, lequel rappelons-le,
lui est étranger. Dans une seconde étape, et dans la perspective d’une approche
interculturelle du texte littéraire en classe de FLE, l’intérêt sera porté sur des
lieux référentiels du pays de la langue cible, à savoir la France.
3-3-4- La communication littéraire
Nous entendons par communication littéraire, tout le processus relatif au
transfert d’une œuvre littéraire entre un écrivain et les lecteurs. Ce transfert se
fait, et c’est là probablement la caractéristique majeure du texte littéraire, sans
que le cadre spatio-temporel immédiat n’y joue un quelconque rôle. Ce n’est
pas parce que l’environnement spatio-temporel ne renvoie à rien, mais parce
que l’écrivain, par le pouvoir des mots qu’il invente, dépasse toutes les
contingences spatio-temporelles, linguistiques, culturelles, etc.
L’écrivain produit « pour toujours »3 disait Peytard, et s’adressant du
coup, à tous les hommes, d’où l’idée de l’universalité de l’œuvre littéraire.
Quant au lecteur, par la magie de la littérature, et par-delà le temps et l’espace,
il se voit bien souvent persuader qu’il en est le principal sinon l’unique
1- Ponge. F, cité par Allbert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 77.
2- Michaux. H, cité par Allbert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 79.
3- Peytard. J, Op. cit, P. 27.
36destinataire, même s'il sait que ce type de communication est différé. C’est
probablement là, la force et la singularité du discours littéraire: sa capacité à
dépasser la situation de production de l’œuvre littéraire. Sartre, dans sa
philosophie de l’Homme en situation indique « l’auteur est en situation,
comme tous les autres hommes. Mais ses écrits comme tout projet humain
enferment à la fois, précisent et dépassent cette situation, l’expliquent même et
la fondent »1.
De son côte, H. Besse, cité par Amor Séoud, rappelle qu’« On ne lit pas
un journal vieux d’un an, mais on prend plaisir à lire tel écrivain de
l’antiquité »2, rejoignant ainsi A. Gide qui, faisant le parallèle entre la
littérature et le journalisme,définit ce dernier comme étant « tout ce qui sera
moins intéressant demain qu’aujourd’hui »3.
Force est de reconnaître donc que le texte littéraire, un objet largement
valorisé et consacré par la société dont il est souvent le reflet, par
l’engouement qu’il suscite et par la fascination dont il fait l’objet et par-delà la
situation de communication, immédiate fut-elle ou différée, devrait
légitimement prétendre à une place dans l’enseignement-apprentissage du
FLE. Son introduction en classe de FLE, du reste souhaitée par tout le
monde ( didacticiens, professeurs, élèves..) devrait, du moins concernant la
communication littéraire propre au discours littéraire, attribuer à l’élève un
rôle auquel l’école (nous parlons ici de la classe de FLE) ne l'a pas habitué,
celui d’interprétant, de donneur de sens. Et la difficulté dans ce cas, serait,
dans une certaine mesure, moindre puisque comme on vient de le voir le
« «ici » et « maintenant » ne compteraient plus sinon moins.
1- Sartre. J-P, cité par Allbert. M-C et Souchon. M, Op. cit, P. 38.
2- Besse. H; cité par Séoud. A, Op. cit, P. 15.
3- Gide. A, cité par Peytard. J, Op. cit, P. 27.
37On pourrait espérer enfin que l’enseignement-apprentissage du FLE qui,
aujourd’hui, se veut culturel, dans le cadre de la communication littéraire,
s’attelera à montrer que ces textes dits classiques sont "indémodables", comme
dit J.M Zakhartchouk « Ces textes servent toujours dans notre culture
contemporaine (…) imprègnent notre façon de raconter, y compris des
événements d’actualité »1 e t à e n f i n i r « avec la méthode universitaire
traditionnelle de l’explication de l’œuvre par l’homme et par sa vie ».2
3-3-5- Le texte littéraire et la dimension culturelle
Le lien entre la littérature et la culture n’est plus à démontrer.
C’est un lien du reste, très particulier. En effet, proclamée à raison, comme le
lieu par excellence de l’expression de l’univers culturel et social d’une
communauté et comme « la manifestation la plus intérieure de la culture d’un
pays et la voie royale pour accéder à une civilisation »3, la littérature nous
apparaît comme l'espace privilégié pour l'affirmation des valeurs et des mœurs
propres à une société, et permet donc la compréhension de tous les univers
socioculturels qu’elle véhicule. Valorisée et plébiscitée par la société dont
nous venons de dire qu'elle en est la représentation, la littérature apparaît
comme un fait culturel qui, reconnue comme tel, contribue ainsi à la
construction et à l’affirmation de l’identité nationale d’un pays. Et l’exemple
de la Belgique fédérale en est la parfaite illustration. En effet, et bien avant
la crise gouvernementale, qu’à connue la Belgique dernièrement, une crise due
essentiellement à un conflit institutionnel entre flamands et wallons, on a pu
1- Zakhartchouk. J-M: " L'enseignant, un passeur culturel ", ESF éditeur, 1999, P. 90
2- Simon. C, cité par; Peytard, Op. cit, P. 29.
3- Blancpain. M, cité parCuq. J-P et Gruca. I: " Cours de didactique du français langue étrangère
et seconde ", Horizon Groupe, Paris, 2002, P. 374.
38constater dans la communauté francophone (les wallons) « Une volonté
politique de valorisation du patrimoine culturel, par un soutien dynamique des
instances ministérielles: republication des auteurs dont nombre d’œuvres ne
sont plus disponibles, édition en collections de poche subventionnées par le
ministère de la culture (..), création d’un service de promotion des lettres.. »1.
Tous ces efforts montrent, si besoin est, l’importance et l’implication de la
littérature dans les questions relatives à l'identité culturelle d'un pays ou d'une
communauté. La littérature belge constitue pour Litz « le reflet d'un pays qui
n'a pas encore trouvé ses racines, qui n'a pas d'identité propre »2. E t l a
création des drapeaux et des fêtes nationales ont été crées justement pour que
les peuples puissent s'y identifier, mais toujours selon Litz, ils « n'auront pas
suffit à créer un sentiment d'appartenance à ce qu'on appelle la communauté
française de Belgique »3.
La littérature participe également à la diffusion des univers culturels
qu'elle renferme comme le confirme Henri Besse « Toute société développe,
par réflexion sur son expérience du monde et du langage, des savoirs où elle
codifie cette expression et qui concourent à sa transmission. La littérature
orale ou écrite, parce qu'elle résulte d'un travail sur son expérience, nous
parait être un de ces savoirs, peut-être le premier, car, que seraient la
Religion, le Droit, la Morale, ou même la Grammaire, sans les textes
littéraires qui les fondent, les représentent ou les exemplifient »4.
Il est primordial, enfin, que l'enseignement-apprentissage du FLE qui
est, lentement mais sûrement, en train de se culturaliser, puisse tirer profit de
l'espace que lui offre le texte littéraire afin que les élèves puissent interroger
les identités et les altérités qui sont en son sein en vue d'une réelle
appropriation de la langue française.
1- Litz. M, cité par Séoud. A, Op. cit. P. 62.
2-Litz. M, cité par Séoud. A, Op. cit. P. 61.
3- Litz. M, cité par Séoud. A, Op. cit. P. 61.
4- Besse. H, Op. cit, P. 53.
394- Rapport langue/ culture en classe de FLE
4-1- Définition de la culture
Définir la culture, n'en doutons pas un instant, n'est pas une mince
affaire, c'est plus complexe que l'on voudrait bien le croire, bien plus
complexe que de définir la littérature dont nous avions eu précédemment toute
la latitude d'en juger la difficulté et les embûches. La difficulté était telle que
même la caractériser, pourtant nous l'avons fait sur des paramètres à priori
consensuels, ne s'est pas avéré un exercice des plus faciles. Autant le dire
maintenant, nous avons galéré pour le faire. Et il en est de même pour la
culture.
Notre tentative de définir la notion de culture, ou du moins la cerner ou
l'analyser, ne se veut nullement encore une fois exhaustive. Quand bien même,
nous le voudrions, nous n'y arriverions pas, tant la notion de culture est
mutante et encline par essence à la mouvance, elle s'inscrit dans un processus
de dynamisme en perpétuelle évolution et de remise en question permanente.
Dans cet esprit M.A-Pretceille écrit en parlant de la culture « Elle s'inscrit dans
un mouvement diachronique »1, de même que R. Linton qui indique « des
cultures croissent et changent. Elles éliminent certains éléments et elles en
acquièrent d'autres au cours de l'histoire »2. Ce sont justement ces
changements et ces transformations en interaction qui finalement, façonnent et
forgent leurs formes et leurs contenus. Et c’est pour cela d’ailleurs que la
notion de culture est devenue, au fil du temps, polysémique se prêtant à toutes
les interprétations et à toutes les lectures.
1- Pretceille. M-A: " Vers une pédagogie interculturelle" Anthropos, 1996, P. 19.
2- Linton. R, cité par Ibid, P. 19.
40Pour revenir à la difficulté relative à la définition de la culture, notons le
fait qu’il n’y a pas une véritable science unifiée de la culture, ce qui est en soi
une difficulté de plus, et par conséquent « son étude est le bien commun de
plusieurs disciplines ethnologie, anthropologie, sociologie, littérature, histoire
de l’art.. »1. Ce qui est loin d’être un fait pour nous rendre la tâche facile. Mais
c’est un mal, pourrait-on dire, qui peut devenir bien souvent un bien.
Cependant ce qui semble indiscutable est que la culture ne saurait être
un concept lequel est par définition, une image close et arrêtée. Ce qui est loin
d’être le cas de la culture.
Toutes les disciplines citées précédemment, se sont prêtées à l’exercice
non sans plaisir d'ailleurs. Chacune d'elles y apportait sa touche personnelle,
rendant du coup, la notion de la culture plus plurielle que jamais que ce soit
dans le fond ou dans la forme.
Cela dit, au moment où les frontières s'élargissent et s'effacent, la
culture est devenue le bien commun de tous les êtres humains, et aussi
paradoxal que cela puisse paraître, c'est cette même culture qui, finalement les
différencient. Denis Cuche écrit à ce sujet « Si toutes les populations humaines
possèdent le même stock génétique, elles se différencient par leurs choix
culturels »2.
1- Cuq. J-P, Gruca. I, Op. cit, P. 83.
2- C u c h e . D : " La notion de culture dans les sciences sociales ", Editions La Découverte, Paris,
1996, P. 3.
41En effet, chaque groupe de personnes vivant dans une aire géographique
donnée qui lui est propre, possède une culture qui le caractérise et donc le
distingue des autres. Vue sous cet angle, la culture serait un héritage, « un don
des morts »1, t r a n s m i s p o u r a i n s i d i r e , d e g é n é r a t i o n e n g é n é r a t i o n , q u ' i l
convient de conserver et d'en faire le plus souvent possible l'éloge. Tout cela
est bien vrai, mais la culture ne saurait relever uniquement du domaine de
l'avoir. Ça serait trop réducteur. De même que, contrairement à une idée reçue
et répandue, elle ne saurait être seulement l'ensemble de connaissances et de
savoirs, ni encore réduite à une forme de spécialisation (culture littéraire,
artistique, religieuse…), c'est encore une fois trop réducteur. Elle ne peut être
non plus et uniquement « l'ensemble des productions et des activités
humaines »2. Une définition que C. Clanet trouve trop générale à son goût.
La culture ne peut donc être, comme nous venons de le voir, saisie
uniquement « de ce que l'on peut observer de l'extérieur »3 , ni encore se saisir
comme un objet. Elle ne peut être non plus quantifiée ni encore moins réifiée,
dans la mesure où ce ne sont pas les cultures qui entrent en contact mais les
h o m m e s . E l l e n e p e u t l ' ê t r e q u ' à p a r t i r d u m o m e n t o ù e l l e p e u t a v o i r d e
l'impact sur la personnalité des individus « La culture est essentiellement un
phénomène socio-psychologique. Elle est véhiculée par les entendements
individuels et ne peut s'exprimer que par l'intermédiaire des individus »4, disait
R. Linton. Autrement dit, ce sont les hommes qui entrent en contact, pas les
cultures. De cet état de fait, apparaît fortement la dimension plurielle de la
culture, en ce sens qu'on ne peut accéder à toutes les cultures. Le rapport à la
culture ne saurait être, donc, identique entre les humains.
1- Zakhartchouk. J-M, Op. cit, P. 31.
2- C l a n e t . C : " L'interculturel: Introduction aux approches interculturelles en Education et en
Sciences humaines ", Presses Universitaires Du Mirail, 1990, P. 15
3- Thévenin. A, Op. cit, P. 23.
4- Linton. R, Cité par Pretceille. M-A, Op. cit, P . 24.
42Oui, les hommes partagent un certain nombre de valeurs idéologiques,
religieuses, culturelles.., qui constituent, au fond, leur identité culturelle,
nationale, mais ils ont aussi, et heureusement d'ailleurs, des différences.
M. A-Pretceille pense que « la notion même de culture doit être relativisée par
rapport à l'existence de sous-groupes qui sécrètent des sub-cultures à
l'intérieur d'une société globale »1
Il en ressort donc que la culture ne saurait être ni quantifiée ni chosifiée,
ni encore moins décrite objectivement pour la simple raison qu'on ne pourra
jamais la recenser dès lors qu'elle est mouvante, et parce que aussi et surtout,
si c'était le cas, cela « Comporterait un risque de fixer un concept dont la
mouvance est une des caractéristiques »2et donc « l'individu devrait dans une
telle perspective, subir et donc se conformer à son appartenance culturelle.
Cela reviendrait à nier toute participation de l'individu dans l'élaboration
même de sa culture »3.
De toutes ces définitions qui tendent à objectiver la culture par
l'élaboration de structures organisatrices de la culture dont nous avons dit
qu'elles ne pourraient à elles seules la désigner, surgit la notion de culture
subjective, qui part de l'idée selon laquelle la culture relèverait plutôt de l'ordre
de l'être, autrement dit, qu'elle n'a de sens qu'a travers les significations que
construit l'individu en corrélation avec les membres de son groupe. J. M
ZAKHARTCHOUK considère que « La culture n'a de sens que dans la
manière dont elle se vit chez l'individu »4. Cette forme de culture instaure entre
la culture et les hommes qui la portent une relation de connivence. A vrai dire,
cela ne peut pas être autrement, du moment que c'est l'homme qui la produit.
1- Pretceille. M-A, Op. cit, P. 20.
2- Pretceille. M-A, Op. cit, P. 19.
3- Pretceille. M-A, Op. cit, P. 20.
4- Zakhartchouk. J-M, Op. cit, P. 31.
43Lévis Strauss admet que « les faits sociaux ne se réduisent pas à ces
fragments épars, ils sont vécus par des hommes, et cette conscience subjective,
autant que leurs caractères objectifs, est une forme de leur réalité »1 Abondant
dans le même sens, Louis Porcher, s'inspirant des travaux de Bourdieu, parle
de culture anthropologique, c'est peut-être celle-là qui doit nous intéresser en
didactique des langues étrangères, du fait qu'il rattache la culture aux hommes
à travers leurs manières de voir et de se comporter. Il indique « Une culture est
un ensemble de pratiques communes, de manières de voir, de penser et de
faire qui contribuent à définir les appartenances des individus, c'est-à-dire des
héritages partagés dont ceux-ci sont les produits et constituent une partie de
leur identité »2.
La problématique interculturelle est devenue dans le temps présent, une
notion en vogue, et l'école n'est pas en reste. Elle est au cœur de toutes les
mutations et se doit d'être au diapason de la mondialisation que connaît le
monde en ce début de nouveau millénaire. M. A-Preceille dit à ce propos « Le
domaine éducatif et pédagogique s'imbibe et se laisse imbiber de cette
atmosphère culturaliste et interculturaliste »3.
4-2- Rapport langue/culture et enjeux didactiques en FLE
Force est de bien reconnaître que le temps où l'on considérait que
l'apprentissage d'une langue (maternelle ou étrangère) ne pouvait se faire qu'à
partir de ses rudiments linguistiques est loin et bien révolu, et que c'est déjà un
passé qui ne reviendra pas.
1-Strauss. L, cité par Pretceille, Op. cit, P. 26
2- Porcher. L, cité par Cuq. J-P et Gruca. I; Op. cit, P. 83.
3- Pretceille, Op. cit, P. 1.
44La didactique des langues étrangères a pris conscience de l'enjeu
culturel dans l'appropriation de ces langues et des cultures qu'elles véhiculent,
et qu'elle ne « pourra sans doute plus très longtemps faire l'économie d'une
réflexion sur les savoir-faire culturels et leur acquisition »1 affirmait
P. Martinez. Au même titre que Louis Porcher qui l'a aussi compris bien avant,
et qui indique: « Il est clair que la langue ne peut être coupée, même
linguistiquement parlant, de ses constituants socio-historiques et
socioculturels. Il n'y a pas d'un côté "Où est la poste?" et de l'autre la tour
Eiffel, le Louvre… »2
Cette prise de conscience conforte ainsi tous les partenaires de la réalité
éducative dans leur logique, à savoir l'option interculturelle qui se précise et
s'affirme de jour en jour dans l'apprentissage d'une langue étrangère.
En effet, on ne peut plus considérer la langue, aujourd'hui sans ses
aspects socioculturels et sociohistoriques dont ils sont les produits, comme on
ne peut comprendre une culture sans ses données linguistiques dont elles sont
les aspects, tout comme aussi, on ne peut accéder à la culture sans la langue
qui en est la manifestation et la condition de sa diffusion et de sa pérennité
comme le confirme Levis Strauss « c'est surtout au moyen du langage que
l'individu acquiert la culture de son groupe et que cette dernière, devenue
ainsi transmissible, se voit assurée de permanence »3.
1- Martinez. P, Op. cit, P. 106.
2- P o r c h e r . L , c i t é p a r G a l i s s o n . R : " Lignes de force du renouveau actuel en didactique des
langues étrangères ", CLE International, Paris, 1980, P. 97.
3- Strauss. L, cité par Thévenin, Op. cit, P 40.
45La langue, parce qu'elle est un produit social et la manifestation de la
culture, se voit ainsi doublement investie, dans une problématique d'identité
culturelle, d'une entreprise à la fois identitaire, dans la mesure où elle est le
reflet des valeurs et des formes culturelles d'une société, et de ce fait, elle sert
à s'identifier: « une langue ça sert tout autant et peut-être surtout à
s'identifier »1 mais également investie d'une entreprise qui consisterait, dans
un travail de mémoire, à pérenniser et à assurer la perpétuité des valeurs
culturelles propres à une communauté ou à une nation, de génération en
génération.
On voit bien que les rapports étroits qu'entretiennent la culture et la
langue sont des rapports de complémentarité et d'interdépendance et donc on
ne peut appréhender et comprendre l'une sans l'autre. A. Thévenin affirme
«La réflexion sur la langue entraîne, presque immanquablement, une
réflexion sur la culture correspondance et vice-versa »2 .
Cependant, l'apprentissage du FLE et la culture qu'il véhicule , dans le
cas qui nous intéresse, ne veut nullement dire que l'apprenant, en s'inscrivant
dans une démarche résolument culturelle et corollairement interculturelle, va
épouser une autre identité culturelle au péril de la sienne. Certes un tel
apprentissage modifiera sensiblement son capital culturel « mais il ne s'agit
pas pour celui-ci d'intégrer totalement un groupe porteur de telles ou telles
valeurs définitoires. Il s'agit pour lui de maîtriser le réseau symbolique qui le
constitue en tant que langue étrangère pour être capable de produire et de
recevoir du sens en cette langue »3 disait Bourdieu.
1-Cuq. J-P et Gruca. I, Op. cit, P. 85.
2-Thévenin. A, Op. cit, P. 39.
3- Bourdieu. P, cité par Cuq. J-P et Gruca. I, Op. cit, P 84.
46Conclusion
L'enseignement-apprentissage du FLE ne peut plus se permettre de
priver l'apprenant d'un document aussi stimulant que le texte littéraire. On a
bien vu l'engouement et l'intérêt qu’il suscite chez l'élève à chaque fois qu'il
est mis en évidence en classe de FLE, et tout le parti que peut en tirer la
didactique du FLE, en particulier de ses caractéristiques qu’on disait
consensuelles.
Il est vrai qu'après la méthode traditionnelle, le texte littéraire a souvent
été relégué au second plan -du fait de la primauté de l'oral- ou même parfois
évincé carrément des supports d'apprentissage comme c’était le cas avec la
méthode SGAV au début des années soixante. Mais le texte littéraire n'a pas
tardé à faire son grand retour dans les méthodes d'enseignement du FLE.
D'abord avec l'approche communicative et plus tard et surtout avec
l'éclectisme et les nouvelles pédagogies actuelles.
Le texte littéraire, s'il est bien présent dans les manuels algériens de
français, il n'en reste pas moins qu'il est réduit à n'être qu'un document
récréatif ou un support d'exercices. De plus, il n'est considéré que comme un
simple document au même titre que les autres documents non littéraires.
Chose qui ne saurait se faire, du fait de sa spécificité dont nous avons
longuement parlé précédemment.
On a bien vu également à travers sa dimension culturelle qui est
probablement sa caractéristique majeure que le rapport qu’entretient le texte
littéraire avec la culture de la langue enseignée est un rapport privilégié et qu'il
convient donc, pour une didactique efficiente du FLE, de donner toute la
mesure à l'enseignement culturel du FLE par le truchement du texte littéraire.
47La dimension (inter) culturelle du
texte littéraire en classe de FLE
48Introduction
Nous venons de voir dans le chapitre précédent que l’apprentissage des
langues étrangères, en particulier celui du FLE dans le présent travail, passe
inéluctablement par la maîtrise du réseau symbolique propre à la langue cible
et à sa culture.
En effet pour pouvoir produire et recevoir de sens en cette langue. Bref
pour communiquer, qui est rappelons-le, le principal objectif de tout
apprentissage linguistique, il faut impérativement prendre en compte la
dimension culturelle de la langue enseignée, J-C. Beacco dit à ce propos:
«Enseigner la communication sans décrire aussi les protocoles sociaux qui
constituent la trame des échanges langagiers et qui en définissent les
conditions de succès… »1, tout comme enseigner une langue étrangère
décontextualisée géographiquement et économiquement du pays où elle est
parlée, ou encore faire abstraction des comportements et des attitudes de ses
locuteurs, serait à notre sens une entreprise vouée à l’échec.
L’apprentissage du FLE implique donc « la présence de quelques
éclairages culturels »2 pour pouvoir, non seulement s’approprier la langue
cible, mais aussi et surtout connaître le pays où elle est parlée, et entrer en
contact avec la culture de ses locuteurs.
Cela dit, les textes littéraires nous paraissent comme les plus
représentatifs de la culture de la langue enseignée. Par conséquent, ils sont le
support didactique le plus approprié à même d'apporter tous ces éclairages
culturels nécessaires pour une réelle appropriation de la langue cible.
1- Beacco. J-C, Op. cit, P. 17.
2- Clanet. C, Op. cit, P. 22.
491- L’interculturel et la classe de langue
Le regain d’intérêt pour la problématique interculturelle dans
la mondialisation actuelle, caractérisée par l’effondrement des frontières tous
azimuts, tant géographiques, économiques que culturelles, et par une tendance
palpable à l’universalité, et dans cette atmosphère culturaliste et
interculturaliste, dont parlait M. A-Pretceille, contraignent l’école, plus que
jamais, à se projeter et à penser l’avenir, pour être en phase avec les grands
défis et bouleversements du monde actuel.
C’est donc dans ce contexte mondialisé et globalisé, et c’est au cœur des
changements politiques, sociaux et culturels que s’est imposé, ces dernières
années, avec acuité la démarche interculturelle en classe de FLE.
L’interculturel en tant que processus est défini par C. Clanet comme:
«un mode particulier d’interactions et d’interrelations qui se produisent
lorsque des cultures différentes entrent en contact ainsi que l’ensemble des
changements et des transformations qui en résultent »1. Un état de fait qu’on
peut observer en classe de FLE entre la culture de l’apprenant, et celle de la
langue cible. Ce contact constituera, en quelque sorte, pour l’apprenant une
fenêtre sur d’autres sphères culturelles et une autre vision du monde possible,
qui est à la fois un enrichissement culturel en soi et un facteur d’objectivation
de sa culture maternelle. C’est là probablement l’un des enjeux actuels de
la démarche interculturelle en classe de FLE, à savoir, la reconnaissance de
l’existence d’un autre, différent de soi, un autre qu’on est pas obligé
1- Clanet. C, Op. cit, P. 22.
50pour autant de détester ou maudire. Ce qui est à la fois une prise de conscience
de notre propre identité culturelle dont tout ce qu’elle a de plus marquant et
de plus noble, et également un nouveau regard souvent critique sur elle. Il
s'agira pour M.A-Pretceille « deconsidérer
que la constitution d’une identité culturelle, nationale.. ne peut plus se faire
sur la négation de l’autre, mais par une prise de conscience réciproque et une
reconnaissance mutuelle »1.
Si d’aucuns disent que l’apprentissage d’une langue étrangère dans sa
dimension culturelle pourrait entraîner chez l'apprenant la perte de sa culture
maternelle sinon une forme d’acculturation jugée aliénante, et dont on n’en
veut pas, pour protéger « certains publics qui ne seraient pas en état de s’en
prémunir »2, il n’en demeure pas moins que « Comprendre l’autre dans son
altérité ne signifie pas en admettre nécessairement les principes et les
fondements. Encore moins s’identifier à l’autre par une sorte de mimétisme
culturel: toute morale a ses parodies et ses dérives d’inauthenticité. La
compréhension n’exclut pas la contestation: Elle en est la condition de
possibilité. Bref, l’éthique de la différence n’est pas celle du caméléon »3.
En tout état de cause, l’école se doit d’être un espace de solidarité, de
tolérance envers l’autre, mais également un lieu où l'on bannirait, la négation
de l’autre du vocabulaire scolaire. Par conséquent, l’enseignement-
apprentissage des langues étrangères qui se culturalise de plus en plus et
s'interculturalise même, doit être le tremplin de l'expression de toutes les
altérités et de toutes les identités.
1- Pretceille. M-A, Op. cit, P. 158.
2-Pretceille. M-A, Op. cit, P. 154.
3- Pretceille. M-A, Op. cit, P. 154.
512- Le texte littéraire vecteur culturel et interculturel en classe de FLE
Maintenant que la prise en compte de la dimension culturelle dans
l'enseignement-apprentissage du FLE, semble être acquise et voulue par
l'ensemble des partenaires de la réalité pédagogique et éducative,
principalement l'institution qui en a la charge, et que le rapport à la culture
n'est plus imprégné d'utilitarisme et de fonctionnalisme, lesquels ont
longtemps marqué l'enseignement du FLE. Il faudrait, au moment où l'on
observe, du moins à travers le discours officiel sur les orientations que doit
prendre l'école aujourd'hui, une volonté d'ouverture sur le monde par le
truchement des langues étrangères, reconsidérer le rapport à la culture pour
l'adapter aux nouvelles préoccupations des temps modernes.
Cela ne peut se faire si l'école ne s'interroge pas sur son devenir et sur sa
survie même. Et ce ne sont pas des velléités politiques, qui souvent ne sont
jamais suivies d'actes, qui pourraient changer la donne. L'école, on le sait
depuis toujours, n'est pas en phase ni avec la société, ni avec le monde
extérieur. Un monde qui change, un contexte mondialisé, complexe et
incertain. L'école se doit donc de réfléchir sur la société et le monde actuel,
dont nous avons dit qu'il est plein d'incertitudes.
Reconsidérer le rapport à la culture, passera , à notre sens dans le cadre
de l'enseignement-apprentissage du FLE, par la reconnaissance du rôle que
pourrait jouer la culture dans toutes les réflexions sur l'homme et sur les
grands questionnements du monde.
52Cela étant dit, l'un des moyens les plus sûrs, pouvons-nous dire, qui
pourrait rendre compte de la culture de l'autre, celui dont nous étudions la
langue depuis des lustres, est le texte littéraire. Nous pensons qu'il a le profil
idéal et les conditions requises à même de permettre à l'apprenant de se
confronter à d'autres modèles culturels et à en mesurer les différences.
Georges Mounin écrit à ce sujet « la littérature reste considérée souvent
comme la seule et toujours ethnographie de la culture d'un pays donné, au
sens propre du mot ethnographie, presque toutes les images et les idées les
plus tenaces et les plus concrètes que nous avons sur les Anglais, les Russes
ou les Grecs (…) sont venues (…) des oeuvres littéraires »1.
Etant le produit d'une société donnée et de ses cultures, le texte littéraire
parait, selon nous, le document par excellence à même de rendre compte des
pratiques culturelles et sociales d'une communauté ou d'une société à un
moment donné de l'histoire. Ceci a conduit H. Besse à parler de la « fonction
anthropologique»2 de la littérature en ce sens qui on y retrouve les attitudes et
les comportements des individus au sein d'un groupe social, leurs manières de
vivre, de s'habiller, de saluer, de plaisanter…, mais aussi leurs rapports avec le
livre, le travail, la religion … Bref, toutes les manifestations culturelles et
sociales sont racontées et décrites dans les œuvres littéraires qui deviennent,
du coup, des voies d'accès privilégiées aux différents modèles culturels, en
particulier celui de la France dans le cas qui nous intéresse.
1- Mounin. G, cité par Séoud. A, Op. cit, P. 57.
2- Besse. H, Op. cit, P. 53.
53Le texte littéraire, qui ne peut être, comme nous l'avons vu
précédemment le reflet de la réalité, même s'il en donne l'impression, mais, par
contre, il en est la représentation sinon la reproduction. Et les significations
qu'on peut trouver dans la littérature, parce qu'elle est la représentation du réel,
et à travers son imaginaire culturel et social, qui souvent se rapproche
étonnamment de la réalité, qui encore une fois ne l'est pas, peuvent apporter
certains éclairages culturels et sociaux sur la vie réelle des humains; et aider
l'apprenant à plus au moins comprendre le monde qui l'entoure, un monde qui,
i l f a u t l e d i r e , e s t d e m o i n s e n m o i n s r é d u c t i b l e à l ' h u m a i n , o u d u m o i n s l u i
servir de faire-valoir et d'expérience dans son vécu quotidien. Ceci sans
compter que le texte littéraire « ouvre des portes sur des modes de vie, des
rapports au monde, des valeurs, des conflits, des mythes, des images de soi et
de l'autre, mis en scène par des personnages fictifs dans une histoire
s'inspirant d'un contexte social et culturel dans lequel est ancré l'auteur »1.
2-1- Le texte littéraire et la prise de conscience d'une identité:
La présence des textes littéraires d'écrivains algériens d'expression
française dans les manuels de français algériens répond, à notre sens à un
double objectif: le premier consisterait à permettre aux apprenants de prendre
conscience de leur identité; de leur algérianité, pour ainsi dire. On le sait bien,
la littérature étant, comme on l’a vu, un fait culturel permet de développer
chez les apprenants le sentiment d'avoir une identité culturelle du fait qu'elle
( la littérature) est considérée comme « l'unique occasion d'accéder à un
univers imaginaire qui servira de fondement à la constitution de leur identité
propre en relation avec l'identité collective du groupe socio culturel auquel
ils appartiennent»2disait M. Litz. Cette prise de conscience et cette
1- Porcher. L, cité par Radenkovic. A-G: " Altérité et identités dans les littératures de la langue
française ", in Le Français dans le Monde, Clé International 2004, Numéro spécial. P. 8
2-Litz. M, cité par Séoud. A, P. 144.
54appropriation d'une identité culturelle ou nationale passeraient donc par «celle
du code culturel, des repères symboliques spécifiques de toute communauté »1.
Preuve en est: l'exemple de la communauté francophone belge, dont nous
avons parlé précédemment, où nous avons pu voir, à travers l'intérêt des
institutions belges pour la littérature, une quête d'une identité inespérée d'une
communauté en mal de repères culturelles. En classe de FLE, A. Séoud admet
que la littérature « est nécessaire à la constitution de l'identité personnelle et
collective des élèves »2.
D’autre part, force est de bien admettre enfin, que la dimension
culturelle des textes littéraires par le truchement de la langue est la
manifestation d’un engagement culturel envers soi et envers le groupe social
auquel appartient l’apprenant, car, en effet « le fait que participer à une
communauté linguistique implique plus au moins consciemment un
positionnement culturel »3.
Le second objectif est, en fait, consécutif au premier, parce que:
affirmer son identité et ses origines impliquerait, ipso facto, marquer sa (ou
ses) différence(s) avec l’autre. Ce qui ne veut pas dire nécessairement,
soulignons-le tout de suite, dénégation et dénigrement de l'autre. Ce n'est, en
réalité que l'expression des différences culturelles vis-à-vis de l’autre. J-C.
Beacco indique à ce propos « une identité est le produit d’un travail de
sélection sur la matière culturelle qui permet de catégoriser les différences
entre "nous" et "les autres" »4.
1-Litz. M, cité par Séoud. A, Op. cit, P 144
2-Séoud. A, Op. cit, P. 144.
3- Cuq. J-P et Gruca.. I, Op cit, P. 61.
4- Beacco, J-C, Op. cit, P. 25.
55Qu'en est il maintenant du texte littéraire d'écrivains français dans le
cadre de l'enseignement- apprentissage du FLE? Dans un contexte où on parle
d'un malaise de l'enseignement de la culture française. Une position qui est
loin d'être unanime, en particulier du côté des enseignants. Par contre du coté
des officiels dans des pays autocratiques ou dans des pays qui sont des
anciennes colonies françaises, il est vrai qu'il y a de fortes réticences quant à
l'introduction des textes littéraires en classe de FLE, parce que jugés et
considérés comme des phénomènes culturels. Un constat que confirme
A. Séoud « C'est que du côté de l'étranger, on manifeste moins d'engouement
pour la littérature que pour la langue. Il y a même parfois, y compris dans la
sphère des pays dits francophones; une certaine résistance à l'usage de cette
littérature, voire un rejet. A tort ou à raison, la littérature est, bien plus que la
langue, perçue comme un phénomène de culture, et est davantage liée à la
question des valeurs (..) On accepte volontiers la langue française (..) mais
pas la culture française, dont l'impact peut créer des problèmes
«idéologiques», «d'identité» et autres… »1. Qu'en est –il donc de la question de
l'identité avec les textes littéraires français comme supports didactiques et
surtout culturels? L'identité de l'apprenant se verrait-elle renforcée et
consolidée, du fait du contact avec un document perçu comme un phénomène
culturel? Ou au contraire mise à mal?
D'aucuns considèrent qu' « une pratique d'une littérature étrangère est
un facteur de renoncement à son identité culturelle, de déculturation voire
d'acculturation »2. Résultat: la langue se verrait ainsi enseignée sans son
versant culturel pour préserver l'identité culturelle de l'apprenant..
1- Séoud. A, Op. cit, P. 145.
2- Séoud. A, Op. cit, P.145.
56Une telle attitude, si elle est suivie d'actes, comme c'est le cas dans les
manuels et progressions algériens, n'est pas sans conséquence sur le
développement intellectuel et (inter) culturel des apprenants. Et une bonne
didactique du FLE, digne de ce nom ne saurait et ne devrait le faire.
Désormais on ne pourra plus ignorer l'urgence culturelle dans l'enseignement-
apprentissage du FLE comme on ne pourra pas se permettre de « priver le
lecteur-apprenant d'un pan entier de la langue et de la compréhension des
univers socioculturels qu'elle véhicule »1 disait A. Gohard. Radenkovic en
parlant de la littérature.
Prendre donc conscience de son identité, de ses valeurs et de ses
croyances ne pourrait se concrétiser que par la confrontation avec l'autre qui
nous est différent et étranger. Un état de fait confirmé par M. Litz: « Il n'est
pas possible pour des élèves, de percevoir ce qui constitue leur propre
environnement culturel sans terme de comparaison (..) ce n'est qu’après avoir
découvert la culture de l'autre que je puis m'apercevoir ce qui fonde mes
particularités culturelles»2.Abondant dans le même esprit, H. Besse affirme
sans détour qu' «on ne saisit ce qui nous singularise que par différence »3.
2-2- Le texte littéraire et la découverte de l’autre
Nous venons de voir que l’enseignement-apprentissage du FLE, a pris
comme il ne l’a jamais été, des airs de plus en plus culturels, en réponse à une
forte demande qui voulait que l’apprentissage d’une langue étrangère soit
davantage culturalisé. En effet, parce qu’on s’est rendu compte que
l’apprentissage linguistique, qui était essentiellement grammatical, devrait être
obligatoirement couronné par une formation culturelle où la littérature est
1- Radenkovic. A-G, Op. cit, P 6.
2- Litz. M, Cité par Séoud. A, Op. cit, P. 146.
3- Besse. H, Cité par Séoud. A, P. 146.
57considérée, en plus qu’elle est la représentation de la norme, comme « la
manifestation la plus intérieure de la culture du pays et la voie royale pour
accéder à une certaine civilisation »1.
Nous avons pu constater également que la littérature est, en quelque
sorte, une passerelle utile pour nous comprendre nous-même, dans notre
subjectivité. En un mot, pour prendre conscience de notre identité culturelle et
nationale. La littérature serait aussi, à notre sens, un tremplin qui nous
permettrait de partir à la découverte de l’autre.
Identité/Altérité deux maître mots d'une rencontre entre deux univers
culturels, qui faute de contact direct se fait par le truchement du texte
littéraire. En effet, c'est bien grâce à la médiation du texte littéraire que les
représentations de l'altérité, et des identités linguistiques et culturelles
pourraient être interrogées, comme l'affirme A. Séoud « Morale de l'histoire:
la littérature, le contact avec les textes, grâce à leur polysémie, est le terrain
le plus favorable, le plus propice à l'expression interculturelle »2.
Le rejet de l’autre, et le refus de tout contact de quelque nature que ce
soit, avec l’étranger, sa dénégation pour ainsi dire entraînerait inexorablement
le repli sur soi, et condamnerait l'apprenant au cloisonnement culturel dont on
sait qu'ils sont un terrain favorable aux extrémismes et aux chauvinismes. Ce
faisant, on empêcherait de la sorte toute distanciation par rapport à soi et
tout contact avec l'autre et donc on priverait l'apprenant de quoi objectiver sa
1-Blancpain.M,cité par Cuq.J-P et Gruca. I.Op.cit, P.374
2- Séoud. A, Op. cit, P. 45.
58culture maternelle pour éventuellement la réajuster mais également regarder
l'autre, peut-être, sous un nouveau jour! Cependant il est hors de question de
«rechercher une véritable acculturation (penser comme un natif) mais
Simplement de développer un certain savoir-faire permettant de comprendre
des manières de penser et d'agir étrangères et de parvenir aussi à
communiquer sa différence »1, disait H. Besse. Autrement dit se mettre à la
place de l'autre pour savoir pourquoi bien souvent on perçoit les choses
différemment.
Vouloir comprendre l’autre dans toute sa complexité et sa diversité pour
ensuite se comprendre soi même, pourrait dans l’interaction en classe de FLE,
propulser le texte littéraire au cœur de l’altérité, dont on sait qu'il (le texte
littéraire) s'y prête à condition que les apprenants et l'enseignant en soient
suffisamment armés pour le faire. A. G-Radenkovic affirme: « le texte
littéraire offre un lieu "interactif"entre le texte et le lecteur, entre l'enseignant
et les élèves et entre les apprenants eux- mêmes, en privilégiant la réflexion
sur cette diversité. Il invite à interroger et s'interroger sur les non-dits sociaux
et les "texte cachés", permettant d'identifier les stratégies et les relations à
l'autre. Et qui sait? De désamorcer les conflits latents existant dans toute
collectivité et dans toute relation de par sa pluralité même »2.
D'autre part, la lecture des textes littéraires permettrait, selon
Emmanuelle Burri, de connaître d'abord soi-même avant de découvrir l'Autre,
en ce sens que tout contact ou rencontre avec l'autre, ici à travers les textes
littéraires, nous ferait découvrir ce que nous sommes réellement. Elle dit à ce
1- Besse. A, cité par Séoud. A, Op. cit, P 148.
2- Radenkovic. A-G, Op. cit, P. 187.
59propos: « la recherche d'une voix narrative passe par le détour par l'Autre et
par la connaissance de l’Autre. Si à l'intérieur des romans, les personnages
effectuent une quête d'autrui et celle-ci s'avère être la quête de soi (..). En
partant à la découverte de l'Autre, on est amené à se découvrir Soi-même en
tant que cet Autre nous enrichit et nous confère une part de notre propre
identité »1.
L'école algérienne ne pourra plus se permettre de faire indéfiniment la
fine bouche à chaque fois que la question culturelle, inhérente à
l'enseignement-apprentissage du FLE, est soulevée, sous prétexte que s'ouvrir
sur l'autre, sur le monde serait synonyme de renoncement à l'identité et une
aliénation à l'étranger, comme on ne pourra plus brandir l'éternelle "main
étrangère" ou encore l'inusable "théorie de complot", concoctée à l'étranger, à
chaque fois que le pays traverse une crise. Camilleri, parlant de l'importance
de la présence et l'existence de l'autre, dans la prise de conscience des
individus d'avoir une identité qui leur est propre, indique: « Toute identité
requiert l'existence d'un autre et une relation dans laquelle s'actualise
l'identité de soi. Quand il y a dysfonction entre l'identité pour soi et l'identité
pour l'autre, le sujet réagira par l'angoisse, le sentiment de culpabilité, le
désespoir, l'indifférence »2.
Nous conclurons par les propos de M.A-Pretceille et L. Porcher, sur le
texte littéraire qu'ils considèrent comme le médiateur par excellence entre
soi-même et l'Autre: « Le texte littéraire, production de l’imaginaire,
représente un genre inépuisable pour l’exercice de la rencontre Avec l’Autre ;
rencontre par procuration, certes, mais rencontre tout de même. Produit de la
1- Burri. E, cité par Radenkovic. A-G, Op. cit, P. 187.
2- Camilleri. C, cité par Pretceille, Op. cit, P. 40.
60culture, dans les deux sens du terme («Culture cultivée » et « culture
anthropologique»), le texte littéraire retrouve progressivement ses titres de
noblesse. Réduit dans un premier temps à n’être qu’un support
d’apprentissage linguistique ou qu’une représentation factuelle des faits de
civilisation, il est actuellement redécouvert comme médiateur dans la
rencontre et la découverte de l’Autre. La littérature permet d’étudier l’homme
dans sa complexité et sa variabilité »¹.
3- Les représentations dans l’enseignement-apprentissage du FLE
3-1-Les représentations
Parler des représentations sociales consisterait, à notre, sens, à
s’interroger sur la nature des relations sociales qui s’interagissent entre les
membres d’une communauté ou d’un groupe social, et sur les images qu'ils se
font les uns des autres dans les échanges de la communication. M. Focault
considère qu’ « il n’y aura de science de l’homme que si on s’adresse à la
manière dont les individus et les groupes se représentant leurs partenaires,
dans la production et dans l’échange, le mode sur le lequel ils éclairent ou
ignorent ou masquent ce fonctionnement et la position qu’ils y occupent, la
façon dont ils se représentent la société où il a lieu, la manière dont ils se
sentent intégrés à elle ou isolés, dépendants, soumis ou libres »2.
Les représentations sociales, qui sont souvent partagées, déterminées
et préparées par une culture maternelle donnée, organisent donc, et structurent
1- Pretceille. M-A et Porcher, cité. Par A. G Radenkovic, Op. cit, P. 8.
2-Focault.M,cité par Pretceille.A-M, Op.cit.P.29
61les conduites et les pratiques sociales qui unissent les individus de la même
communauté. Les représentations sociales, à l'inverse des stéréotypes, sont
malléables, et par conséquent elles peuvent évoluer dans la mesure où elles
sont tributaires des comportements des individus ou des groupes sociaux qui
les portent, Ainsi, on peut penser que l’image que se faisaient les algériens, de
la France et des français, a sensiblement changé qu'il y a 40 ou 50 ans.
Quant à P.Moscovici1 plus précis, lui, parle de la formation et du
fonctionnement des représentations sociales qui, selon lui, se mettent en œuvre
selon deux processus :
– «Celui d’objectivation , qui rend compte de la manière dont un individu
sélectionne certaines informations plus expressives pour lui et les
transforme en images signifiantes, moins riches en informations mais
productives pour la compréhension.
– Et celui d’ancrage ensuite, qui permet d’adopter, pour l'incorporer,
l'élément moins familier au sein des catégories familières et fonctionnelles
que le sujet possède dé jà »1.
Il s’agira donc pour l’individu de confronter ce qui est nouveau ou
étranger à ce qui est supposé relever, dans son groupe social, des critères
d’objectivation qui en réalité sont, dans la pratique sociale, des représentations
mentales, pour porter en fin de compte, un jugement ou une appréciation.
L’enjeu didactique en classe de FLE serait en effet d’anticiper ces
représentations pour les repenser et les restructurer de sorte qu’elles
n’entravent pas ou plus l’apprentissage linguistique et culturel de la langue
cible.
1- Moscovici.P cité par Castepelloti.V et Moore.D « Représentations sociales ».OGIV, Conseil de
l’Europe, Strasbourg 2002,P.8
623-2- Les stéréotypes
Les stéréotypes seraient à notre sens un accord plus au moins verbalisé
d’habitudes entre les membres d’un groupe social, sur un certain nombre de
traits qui constituent leur identité et qui témoignent de leur cohésion. Ces traits
caractéristiques, une fois adoptés et validés leur serviront de juges de paix
pour décrire et représenter l’autre (l’étranger).
Ainsi devant l’autre et à travers tout ce qui pourrait le représenter
(langue, culture, littérature..), les membres du groupe social, par un processus
systématique de comparaison avec leurs traits spécifiques qui relèveraient bien
souvent de leurs perceptions identitaires (culturelles, linguistiques,
religieuses…), adoptent des attitudes discriminatoires vis-à-vis de l’étranger.
Les stéréotypes, contrairement aux représentations sociales, sont
souvent figés et tendent souvent à la stigmatisation systématique de l’autre.
3-3- Les représentations de la langue française
3-3-1- La langue française et les représentations de l'institution et de la
société
En dépit des instructions officielles; faisant de la maîtrise d’une langue
étrangère un atout pour la réussite professionnelle et le moyen de connaître
l’autre à travers une réflexion sur l’identité/altérité. Force est de bien admettre
que la réalité est tout autre, tant du côté des programmes et autres progressions
que du côté de la société elle-même.
63En réalité, ce qui est mis en question, ce n’est pas la langue française
que d'aucuns accusent d’avoir « usurpé son statut de langue officielle, aux
dépens de la langue arabe qu'elle a selon l'expression de M. Lacheraf
"déclassée", qui a bafoué, sinon ruiné, les valeurs culturelles algériennes »1.
Mais c’est bien le colonisateur français qui a généré cet état de fait. Ce qui est,
vu leur histoire commune, somme toute naturel et dans la logique des choses.
Ces représentations de l'autre qu'on considère comme l'envahisseur venu
accaparer les biens et les richesses de ce pays, qui a détruit, le temps d'une très
longue colonisation, tout ce que l'algérien avait, et a de plus cher et de plus
précieux, à savoir sa langue et sa culture, qui sont alimentées par l'histoire et
par un discours idéologique particulièrement virulents, et qui sont reprises par
la société, n'ont fait qu'accentuer un fossé déjà profondément creusé entre
algériens et français et perpétuer un conflit qui a trop duré.
Il est primordial de repenser et de reconstruire ces représentations, non
pas parce qu'elles sont erronées ou supposées l'être mais parce qu'elles ne font
que traumatiser un peuple, longtemps martyrisé par des siècles de guerre et des
années de terrorisme. Cette page doit être tournée définitivement pour en
écrire une autre sans préjugés ni stéréotypes.
1- Morsly. D, cité par Kadik.Dj,Op.cit ;P.65
64Ce rejet de la langue française et de sa culture, n'est pas une attitude,
pour ainsi dire exclusivement algérienne. D'autres pays ont réagi pareillement,
comme la Tunisie, qui une fois devenue indépendante, sa réaction ne s'était
pas fait attendre: on enseignait volontiers la langue française mais pas la
culture qu'elle véhicule. Pareille et même plus en Chine, le français est
enseigné pour parler de la réalité chinoise, une attitude, qui on ne s'en doute
pas, n'est pas loin d'être idéologique.
A. Séoud rend compte de ces attitudes qui sont, pour le moins
paradoxales, en indiquant qu' « on accepte volontiers la langue française, que
l'on considère ou que l'on s'efforce à considérer comme une simple "langue
véhiculaire, un simple" moyen de communication" et" d'accès à la science",
etc, mais pas la culture de la France, dont l'impact peut créer des problèmes
"idéologiques", "d'identité" et autres… »1.
Par conséquent, l'interculturel que tout le monde vante les bienfaits et
les qualités, ne peut se faire si ces représentations sociales de l'étranger
perdurent encore.
3-3-2- Le texte littéraire et les représentations de l'institution et de la
société
Perçu comme un fait culturel, le texte littéraire n'est pas mieux loti que
la langue française. En effet, considéré comme un phénomène de culture et lié
davantage à la question des valeurs qu'on a jugé subversives, le texte littéraire
se voit donc dévaluer et perdre de son aura, et réduit souvent à n'être qu'un
support récréatif ou d'exercices, et vidé de toutes les connotations culturelles
susceptibles de perturber un ordre déjà établi et une organisation sociale qu'on
veut à tout prix préserver.
1-Séoud.A,Op. cit,P.20
65On (l’institution et la société) reproche également au texte littéraire le
fait qu'il relève de l'irrationnel qui ne peut être expliqué et qui finalement ne
sert à rien. On le trouve également trop subjectif, manquant de rigueur, d'où la
volonté déclarée de l'objectiver ou de le scientifiser. En fait, on cherche à
l'apposer à la science, qui est réputée pour son caractère utilitaire pour les
êtres humains. Bref on pense que « la part de d'idéologie devrait être, si tant
que ce soit possible, réduite à Zéro »1.
3-4- Les représentations des apprenants
3-4-1- la langue française et les représentations des apprenants
Rien d'étonnant à ce que les représentations des apprenants soient les
mêmes que celles de leurs innés. Tout a été mis en œuvre, en effet, pour
valoriser la culture maternelle de l'apprenant au détriment de la culture
étrangère. En classe de FLE, le ton est vite donné, le décor se voit, ainsi planté
dans la réalité algérienne où « les personnages sont nommés par des noms
propres algériens, les événements sont situés dans des espaces toponymiques
algériens »2 disait Dj Kadik qui imputent cet état de fait à la présence des
textes littéraires, des écrivains algériens d'expression française dans les
manuels de français, ou encore comme on l'a vu avec l'exemple chinois où les
personnages de tel texte littéraire d'expression française, parlent d'une réalité
socioculturelle Chinoise, mais jamais française. Et « parfois, paradoxalement,
c'est souvent une vision occidentale du progrès qui est retenue pour décrire
les réalités locales: dans un souci de valorisation, le manuel pointe les
réalisations qui symbolisent la réussite aux yeux des pays développés en
matière d'urbanisme et d'architecture, de progrès social »3.
1-Schwartz.D,cité par Séoud.A,Op.cit,P24 .
2- Kadik. DJ, Op. cit, P. 67.
3-Zarate. G: " Représentations de l'étranger et la didactique des langues étrangères ", Didier, Coll
Grédif Essai, Paris, 1993, P. 15
66Force est d'admettre donc que la plupart des élèves ont des à priori
souvent négatifs sur la langue étrangère enseignée, ici le français, et ces
attitudes sont loin d'être le fruit du hasard, comme le confirme Thévenin « Tous
les élèves ont, vis-à-vis de telle culture étrangère une certaine attitude. Mais il
serait faux et illusoire de croire que cette attitude est une réaction isolée »1.
Ces représentations, souvent stéréotypées, sont dues essentiellement à des
facteurs historiques, culturels, religieux, etc, mais aussi à des images que les
apprenants ont construites à partir de la culture maternelle. H.Besse parle à ce
sujet « d'ensembles hétérogènes de préjugés langagiers, des stéréotypes
linguistiques, de connaissances grammaticales, des jugements idéologiques
acquis et appris avec la langue de départ »2. Ces représentations façonnent,
donc, l'apprentissage de la langue étrangère qu'elles peuvent à la fois valoriser
ou entraver.
Ainsi, on peut penser que ces représentations souvent négatives que se
font les apprenants de la langue française pourraient expliquer, en grande
partie, le rejet et le mépris dont elle est régulièrement la victime en classe de
FLE. L'enjeu didactique serait donc selon H. Besse de « savoir, puisqu'il n'est
pas possible que l'apprenant perçoive le monde autrement qu'à travers son
propre regard, comment tirer parti du déjà-là culturel de cet apprenant »3.
1-Thévenin, Op. cit, P. 184.
2-Besse. H, cité par Séoud. A, P. 14.
3-Besse. H, cité par Séoud. A, P16.
67On peut penser également, dans ce cas, que l'enseignant, parce qu'il
appartient à la même culture maternelle que l'apprenant, pourrait jouer un rôle
déterminant dans l'approche de ces représentations afin de les réajuster et de
les reconstruire de manière à ce qu'elles ne soient pas ou plus un obstacle pour
l'apprentissage d’une langue étrangère, ici le FLE.
3-4-2- Le texte littéraire et les représentations des apprenants
On peut penser que les élèves ont, en général, une attitude admirative et
respectueuse devant la littérature, en particulier arabe celle du moyen et
proche orient. Il faut dire que l’institution scolaire, dans ce domaine, a mis le
paquet: les manuels scolaires de la langue arabe foisonnent de ces écrivains.
Même constat pour la littérature française et la littérature algérienne
d’expression française, avec probablement moins d’intérêt et de révérence. En
tout cas, on admire particulièrement M. Feraoun, côté algérien, et on évoque
bien souvent V. Hugo pour son œuvre « les misérables », mais pas plus. On
peut noter également que les élèves sont fascinés par des contes tels que:
Blanche Neige, Cendrillon, le Petit Chaperon Rouge…
Cependant, si la littérature impressionne et fascine les élèves, du moins
ceux qui ont une certaine maîtrise de la langue française, il n’en demeure pas
moins que les mêmes élèves adoptent une attitude, à tout le moins, inattendue:
en effet, ils rechignent à lire tout ce qui est littéraire, du fait qu'ils trouvent la
littérature inutile et qu'elle ne leur servirait à rien dans leurs futures vies
professionnelles. En réalité, ils ne veulent que ce qui est rentable et productif.
Bref, tout ce qui leur sera utile et tout ce dont ils auront besoin dans leurs
carrières professionnelles.
68D’autre part, ils trouvent l’œuvre littéraire trop longue à leurs goûts et
qu'elle s'attarde exagérément et inutilement dans des descriptions ennuyeuses
et interminables au détriment des faits comme le confirment I. C – Mandroux
et A-M. Tauveron « En effet, les élèves précisent que la longueur vient du fait
qu’il y a trop de descriptions. Ce n’est pas nouveau ! Pourtant c’est cela qui
pèse : certains pensent même que c’est insupportable »1. C'est ce qui
expliquerait probablement leur engouement pour les contes (qui sont courts).
Ils trouvent également que la littérature classique, en dépit de la fascination
qu'ils manifestent à son égard, est déconnectée de leurs réalités quotidiennes,
et par conséquent, elle ne les intéresse pas. Une attitude observée même chez
les élèves qui déclarent aimer lire les œuvres littéraires. En effet ils
«identifient celles-ci (les œuvres littéraires) aux classiques. Ce sont de Ǝbelles
oeuvres Ǝécrites par des gens morts »2 disaient les mêmes I. C – Mandroux et
A-M. Tauveron.
Autres représentations du texte littéraire chez les élèves, celles relatives
aux difficultés qu'ils rencontrent dans la compréhension de ce type de textes.
3-4-2-1- Difficultés liées à la compréhension du texte littéraire
Nombre d’élèves trouvent le texte littéraire trop compliqué et donc
difficilement intelligible. Ces élèves se voient ainsi et bien souvent rebutés à
l'idée d'entreprendre une quelconque approche du texte littéraire pour
l'interpréter, bref, lui donner du sens. Ces difficultés de compréhension
constituent le principal obstacle qui taraude les élèves.
1- Mandroux-C. I et Tauveron. A- M: " Enseigner la lecture de l'œuvre littéraire au lycée ",
Armand Colin, Paris, 1998, P 24.
2- Ibid, P 24.
69Ces difficultés sont liées surtout à:
Un lexique souvent inaccessible et trop chargé connotativement.
Une syntaxe trop ambiguë.
L’opacité, spécifique aux textes dits littéraires, qui causent pas mal de
soucis aux élèves, surtout à ceux qui n’y sont pas habitués, du fait qu’ils
ne lisent que rarement ou jamais .
L’univers culturel du texte littéraire, qui est sensiblement différent de
celui des élèves: des évènements historiques que les élèves ignorent, des
modes de vie que parfois sinon souvent ils ont du mal à saisir, des
comportements sociaux que ne trouvent pas de répondant dans leur
culture, des personnalités politiques ou historiques qu’ils ne connaissent
pas…, sont autant d’exemples qui nécessitent des éclairages culturels de
la part de l’enseignant dont le rôle devient, du coup, primordial comme il
ne l’a jamais été.
3-5- Repenser et reconstruire les représentations des apprenants
L'impact des représentations sociales sur les apprenants vis-à-vis de la
langue étrangère enseignée est d'une telle ampleur qu’il peut conditionner
même la réussite ou l'échec de son apprentissage. En effet « ces images, très
fortement stéréotypées, recèlent un pouvoir valorisant ou, à contrario,
inhibant vis-à-vis de l'apprentissage lui-même. Elles prennent naissance et se
perpétuent dans le corps social au moyen de divers canaux (média, littérature,
dépliants, guides à l’usage de certaines professions »1.
Les représentations, à l'inverse des stéréotypes ou des préjugés, sont
comme nous l’avons vu de nature malléables et évolutives et donc
modifiables, d'où la possibilité pour la didactique des langues étrangères de les
identifier pour ensuite en déterminer l'action pédagogique appropriée.
1-Casteppotti.V et Moore.D,Op.cit, P.10
70Toutefois, il serait illusoire de croire que ces représentations, une fois
identifiées et analysées, s'estomperont pour autant, Elles sont tellement
ancrées dans la société qu’il est presque impossible de les faire disparaître.
L'enjeu didactique selon nous, consisterait à minimiser leur impact sur le
processus d'apprentissage linguistique ou en tout cas, faire en sorte qu'elles ne
prennent pas de proportions démesurées.
Français et algériens ont eu un destin commun, pas forcément celui que
l'on aurait pu souhaiter, qui a crée des liens historiques, culturels, linguistiques
etc. Certes, mais qui a engendré également beaucoup de blessures et de
douleurs, et il se trouve que ce sont les seconds, qui pour obtenir leur liberté,
ont payé un lourd tribut: des vies humaines envolées, une culture et des
valeurs bafouées, et une exploitation à outrance des richesses du pays, par la
faute des premiers. Ces représentations mentales que se font les algériens des
locuteurs de la langue enseignée, sont largement diffusées par tous les
appareils idéologiques de l'état, dont "l'unique" ( la télévision algérienne dans
le jargon journalistique algérien) qui en a probablement fait plus qu'il en fallait
dans ce domaine. Ce qui, du coup, n'à pas épargné les élèves , lesquels ont
hérité et adhéré à ces représentations.
L'idéal serait que l'école s'implique davantage dans la question des
représentations de l'autre, dont nous avons vu qu' elles étaient cruciales en ce
sens qu'elles sont des facteurs qui détermineraient la réussite ou non de
l'apprentissage du FLE, en tenant un discours conciliateur sur l'autre, du
genre: qu'on devrait faire table rase du passé, pour bâtir un avenir fait de
tolérance, de paix, de l'acceptation de l'autre.. Aller même jusqu'à inciter les
apprenants à adopter une attitude d'empathie et de fraternité vis-à-vis de
l'autre. G. Zarate pense qu'on doit « mettre l'accent sur la solidarité qui fonde
71la relation entre la culture de l'élève et celle qui est enseignée »1. Une
entreprise qui ne pourrait se faire si on n'arrivait pas à dépasser les rapports
conflictuels qu'il y'avait eu entre les deux peuples par le passé.
L'école se doit aussi de valoriser l'apprentissage des langues étrangères
en prônant l'ouverture sur l'autre. Une telle attitude ne peut que, dans la
différence, renforcer l'identité culturelle des apprenants tout en les mettant en
contact avec d'autres modèles culturels. Ce qui est en soi un enrichissement
culturel indéniable dont elle ne saurait se priver.
Cependant, une survalorisation de la culture maternelle entraînerait
immanquablement la dévalorisation de la culture étrangère, et c'est ce à quoi la
réflexion didactique devra s'y pencher pour analyser les éventuelles retombées
négatives sur l'apprentissage des langues étrangères, comme le confirme G.
Zarate: « C'est plutôt à travers les procédés de valorisation de la culture de
l'élève que les effets de dévalorisation de la culture étrangère sont à
appréhender »2.
Cela dit, si ces représentations sont souvent marquées de distanciation à
l'encontre du pays et des locuteurs de la langue enseignée, il n'en demeure pas
moins que nombre d'apprenants, et c'est assez rare pour être signalé, adoptent
une attitude de fascination pour la langue française, en particulier pour sa
culture et pour sa littérature. Une attitude qui est, pour le moins surprenante,
devons-nous dire, qui s'expliquerait à notre sens par le fait que leurs parents,
du reste francophones, ont des liens très particuliers avec la littérature
française, et par le fait que beaucoup d'apprenants, très certainement conseillés
par ces mêmes parents, adoptent une attitude objective et une vision utilitaire
de la langue française. Louise Dabène indique, dans ce sens, que:
1- Zarate. G, Op. cit, P.
2-Zarate. G, Op cit, P. 12.
72«l'attitude par rapport à une langue se fonde sur l'importance objective qu'on
lui reconnaît et qui est justifiée par son utilité réelle ou présumée. Ce sera,
dans ce cas, le reflet des attentes: en effet, la maîtrise d'une langue dotée d'un
certain prestige représente pour l'individu, un bien appréciable, dans la
mesure où il la considèrera comme un atout pour son image et sa position
sociale, et où il en attendra des bénéfices pour une éventuelle progression »1.
Agir donc sur les représentations des apprenants, les reconstruire pour
ainsi dire, consisterait à notre sens, pour une véritable réflexion didactique, de
ne pas hésiter à interroger tous les facteurs, sociaux; culturels; psychologiques
intra ou extrascolaires qui sont, convient-on, susceptibles d'influer sur les
enseignements linguistiques et culturels, dans un sens ou dans un autre, pour
ensuite confronter les deux systèmes linguistico-culturels, celui de la culture
maternelle et celui de la culture étrangère de sorte que les apprenants puissent
y déceler les ressemblances et les différences. Une manière, pour eux de
percevoir ce qui fonde leurs particularités culturelles comment nous l'avons vu
précédemment. Dans cet esprit M.Byram et G.Zarate indiquent que « les
attitudes vis-à-vis de la culture étrangère sont étroitement liées aux processus
d'affirmation identitaire. Elle ne peuvent donc être traitées pédagogiquement
comme des attitudes qu'il faut éradiquer (..) »2.
Reconstruire également les représentations des élèves vis-à-vis du texte
littéraire, en particulier celles relatives à ses difficultés tant lexicales que
syntaxiques. Ces difficultés, on le sait bien, sont souvent des facteurs qui
démotivent les élèves et les empêchent de progresser dans leur apprentissage
tant linguistique que culturel. C'est pourquoi il serait judicieux, à notre sens,
vu le capital de prestige et de respect dont jouit le texte littéraire, et
qu'il doit être préservé sinon augmenté, d'initier les apprenants, à un âge un
1- Dabène. L, Op cite, P. 82
2-Byram . M, Zarate . G: " Les jeunes confrontés à la différences, de propositions de formation ",
Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1996, P.9
73peu précoce, pourquoi pas dès les premières années de l'enseignement du FLE,
à la lecture des textes littéraires, qui convient-on, ne doivent pas être trop
difficiles, et évidement pas trop chargés culturellement, oserons-nous dire.
C'est de cette manière qu'on pourrait, non seulement, prévenir toutes ces
difficultés mais aussi et surtout, de développer leurs potentiels linguistiques et
culturels en langue française, comme le dit J.Caillaud « Quand peut-on , et
doit-on, lancer les élèves dans le texte littéraire ? Je répondrai sans hésiter
que le plus tôt est le mieux (…)en choisissant des textes à leur portée. Avec un
peu de patience,on peut trouver des textes accessibles aux débutants »1.
4- Une compétence (inter) culturelle, via le texte littéraire
La classe de FLE, est un lieu de rencontre entre deux cultures celle de
l'apprenant et celle de la langue enseignée. Une rencontre qui n'est pas sans
créer ce que certains ont appelé "le choc culturel" qui souvent résulterait de
l'incompréhension de l'autre du fait qu'on le perçoit qu'à travers notre propre
regard, à travers ce que H. Besse a appelé, le "crible culturel". Ce qui a créé
souvent tant de malentendus culturels et d'incompréhension et tant de préjugés
sur l' autre.
D’où l'importance et la nécessité pour l'apprenant, d'avoir une
compétence culturelle voire interculturelle qui lui permettrait non seulement
de se prémunir ou du moins limiter ces malentendus interprétatifs ou culturels
mais également d'avoir une attitude, qui en étant décentrée, lui permettrait
d'objectiver le regard qu'il a de l'autre, et de pouvoir percevoir ce qui fonde ses
particularités culturelles et sociales, et donc le mieux connaître.
1-Cauland. J, cité par Peytard. J, Op. cit, P. 14.
74G.Zarate voit dans la compétence culturelle « la capacité de situer socialement
une opinion donnée, mesurer le degré d'écart ou de conformité sociale d'une
pratique culturelle … »1 , alors que Luc Collès la définit comme ce qui permet
«d'anticiper les risques de malentendus culturels »2.
De son côté , A.F Sainte Marie ,définit la compétence interculturelle
Comme celle qui nous permet, comme c'est le cas de la classe de FLE de
maîtriser les éventuelles distorsions et incompréhensions culturelles,
consécutives au contact entre deux cultures venant de deux univers culturels
différents et même parfois opposés. Elle dit à ce propos « La compétence
interculturelle peut être définie comme la capacité qui permet à la fois de
savoir analyser et comprendre les situations de contact entre personnes et
entre groupes porteurs de cultures différentes, et de savoir gérer ces
situations, il s' agit de la capacité à rendre une distance suffisante par rapport
à la situation de confrontation culturelle dans laquelle on est impliqué, pour
être à même de repérer et de lire ce qui s'y joue comme processus, pour être
capable de maîtriser ces processus »3.
Le texte littéraire permet aux apprenants, à notre sens, dans une
approche anthropologique, à la fois de reconnaître, comme nous l'avons vu
précédemment, ce qui fonde leur identité, tout en la relativisant bien entendu,
mais également de remettre en cause les préjugés qu’ils ont sur l'autre, et par
conséquent, reconnaître l'existence et la légitimité d'autres modes culturels pas
forcément supérieurs, identiques ou inférieurs au nôtre. A. G-Radenkoirc
1- Zarate. G, cité par Séoud. A, Op. cit, P. 143.
2- Collès. L, Op. cit, P. 104.
3- Sainte Marie. A-F: " Lacompétence interculturelle dans le domaine de l'intervention éducative
et sociale ", In les cahier de l'actif, Paris, 1997, P. 57.
75indique « l'approche anthropologique des textes littéraires contribue à la
construction de compétences culturelles et sociales chez l'apprenant de la
langue (…) : par l'identification de ses propres valeurs, la remise en question
de ses représentations préconstruites, la relativisation de ses modèles
culturels, la compréhension des trajectoires sociales, les siennes et celles des
autres, le décodage des processus de prescriptions et d'enfermements
identitaires. Il s'agit donc d'élaborer au sein de sa classe , une interprétation
distanciée des textes, de développer un regard pluriel en croisant des
éclairages et des lieux différents … »1.
A. Séoud considère que toute approche du texte littéraire en classe de
FLE est , dans son essence culturelle, du fait qu'il est par définition pluriel et
donc « il en découlera (…) un processus de croisement de regards»2,qui
favorisera le dialogue entre deux visions du monde, deux regards culturels
différents , qui dans un mouvement de décentration et de distanciation, font
que le contact et la découverte d'une culture autre que la sienne (celle de
l'apprenant) ne font que renforcer le sentiment d'avoir une identité par rapport
à celle dont la langue est enseignée, Louis Porcher dit que « pour être
complète, une compétence culturelle doit inclure une compétence
interculturelle »3.
On peut penser pour conclure, que la compétence culturelle, voire
interculturelle, que l' apprenant doit absolument s'approprier, en maîtrisant son
1-Radenkovic. A-G, Op.cit, P.187
2- Séoud. A, Op. cit, P.138
3- Porcher. L, cité par Cuq. J-P et Gruca. I, Op. cit, P. 84.
76réseau symbolique, est nécessaire pour la compréhension de l'autre , sans
malentendus et sans préjugés. Et le texte littéraire, comme manifestation
culturelle où l'altérité se donne à voir, pourrait être un des espaces propices
pour acquérir cette compétence .
5- Quelle culture enseigner ?
On peut penser que c'est la culture anthropologique qui devrait être
enseignée, en priorité, aux élèves, du fait que, comme on l'a vu, elle est
souvent minorée dans l'enseignement-apprentissage du FLE, et dans la mesure
où c'est elle qui rend le mieux compte de l'autre dans toute sa complexité et sa
singularité.
Tout ce qui contribuerait à analyser et comprendre l'autre, le français, en
tant que sujet ,en tant qu'être humain, qui a ses manières de voir et de se
comporter. En un mot, tout ce qui est allusif à la culture de l'autre est, dirions-
nous, bon à prendre.
Cependant, on conviendra qu'il serait incongru voire immoral
d'enseigner à des adolescents tout ce qui pourrait choquer heur sensibilité ou
tout ce qui pourrait nuire aux valeurs fondatrices de l'identité algérienne.
Selon A. G-Radenkovic1, cette culture anthropologique serait :
Transversale, c'est-à-dire qu’elle appartient au plus grand nombre des
membres d'un groupe.
Tacite et implicite, c'est-à-dire qu'elle est acquise de manière
inconsciente et non volontaire.
Non valorisante puisque sa possession ne distingue pas les membres d'un
groupe.
1- Radentovic. A-G, Cité par Cuq. J-P et Gruca. I, Op. cit, P. 87.
776- Les enseignants, médiateurs culturels et garants de l’intégrité
identitaire des apprenants
L’intérêt grandissant des sociétés modernes pour l’école et pour
l’université n’est un secret pour personne. En effet ces sociétés ont très vite
compris que leur salut et celui de leurs enfants passeraient impérativement par
l’école et la recherche universitaire face aux exigences et aux contraintes de la
mondialisation.
Ainsi l’école algérienne devant les défis de la mondialisation et sous la
pression des parents souvent mécontents du type d’enseignement prodigué à
leurs progénitures, se doit à son tour, de revoir ses ambitions si elles existent, à
la hausse, en optant pour une politique éducative qui privilégierait l'efficience
mais également l’ouverture sur le monde. Une ouverture qui ne pourrait se
faire, pour le cas de l'école algérienne, que par le truchement de
l’enseignement-apprentissage des langues étrangères. Dans cette optique, le
professeur y jouera un rôle central dans la mesure où c’est à lui que revient la
lourde tâche d’initier ses élèves à l’ouverture sur les autres cultures et
civilisations.
Le métier de professeur, encore plus celui de langue étrangère dans un
contexte exolingue et de surcroît hostile, est un métier, on ne peut plus
difficile, car, en effet faire apprendre une langue étrangère, en l’occurrence le
français, laquelle, il faut le dire, n’est pas des plus faciles et des plus aimés en
Algérie (ancienne colonie française), loin s'en faut.
Etre professeur de français exige de véritables compétences tant
linguistiques, psychologiques que culturelles. Ainsi un perfectionnement
linguistique et culturel de la langue cible est plus qu’indispensable, vu que les
connaissances que les professeurs ont de la langue et de la culture enseignés,
78pour la majorité d’entre eux, sont livresques dans la mesure où ces enseignants
n’ont pas bénéficié de séjours à l’étranger. Une situation qui pourrait
s’expliquer non seulement par le manque de moyens financiers nécessaires
pour ce type de séjours linguistiques mais par la politique linguistique suivie
en Algérie qui, on le sait n'a pas eu les résultats attendus, en particulier après
les réformes de 1976. Même si une infime minorité de professeurs ont pu, dans
le cadre de voyages touristiques, avoir un contact direct avec les locuteurs et le
pays de la langue enseignée, à leurs frais personnels. Mais comme nous
l'avons dit, ce n'est qu'une infime minorité! Ce qui nous amène à dire que des
efforts doivent être consentis dans ce domaine (séjours linguistiques).
En revanche, être professeur de français en Algérie, présente un
avantage indéniable dans la mesure où il partage la même réalité
socioculturelle que ses élèves, et en a donc, une meilleure connaissance. Ce
qui lui permettrait, à coup sûr, d’anticiper et de résoudre les éventuelles
difficultés ou problèmes qui risqueraient d’apparaître en classe de FLE. Chose
que confirme A. Thévenin « ces professeurs présentent quant à la valeur et à
l’efficacité de leur enseignement, de multiples avantages. D'emblée, en effet,
parce qu’ils connaissent bien la mentalité de leurs élèves, l’ensemble de leurs
attitudes et de leurs motivations possibles, sinon réelles, ils se situent de plain-
pied au niveau des problèmes d'enseignement qu'ils doivent affronter et
résoudre »1. Ainsi que I. Gruca et J-P. Cuq qui abondent dans le même esprit «
l'enseignant non natif a le plus souvent pour lui l'avantage de partager la
langue de ses élèves et la même expérience d'apprentissage. Il sera donc
souvent plus sensible aux zones de la langue qui posent régulièrement des
problèmes d'appropriation et à la meilleure manière de les aborder »2.
1- Thévenin. A, Op. cit, P. 80.
2- Cuq. J-P et Gruca. I, Op. cit, P. 139.
79Ainsi, en neutralisant les représentations négatives de leurs élèves vis-à-
vis de la langue étrangère, les enseignants pourraient donc mener à bien leurs
enseignements linguistiques qui, rappelons-le, s'inscrivent désormais dans une
démarche résolument culturelle et interculturelle. Et du coup, devenant des
médiateurs culturels, l'espace d'une heure de cours, ces enseignants, dont on
peut penser sans grand risque de se tromper qu'ils ont pour la plupart d'entre
eux des représentations positives de la langue étrangère enseignée, devraient
transmettre à leurs élèves tout ce qui pourrait éveiller leur curiosité et leur
désir de connaître l'autre par le biais de la langue enseignée et de la culture
qu'elle véhicule, et parallèlement, veiller à ce que les élèves puissent prendre
plus au moins de distance par rapport à leur culture maternelle, non pas pour
s’en débarrasser définitivement, convenons-nous de dire, mais en quelque
sorte la suspendre l’espace d’un temps, pour pouvoir en connaître une autre.
Ce n’est que de cette manière qu'ils pourraient, dans la confrontation,
réaliser qu’ils appartiennent à une culture qui leur est propre et qui les
différencie de l’autre culture dont ils devraient non pas y adhérer mais au
moins en reconnaître l’existence. Sur ce sujet, G.Zarate et M.Byram indiquent
«le formateur qui adopte une démarche d’ouverture à l’autre se trouve au
cœur d’un dispositif contradictoire: apprendre à ses élèves en quoi ils sont les
membres d’une communauté donnée et donc décrire l’autre à travers les
représentations sociales qui circulent au sein de cette communauté, apprendre
à ses élèves à se distancier des valeurs de sa communauté d'appartenance et
découvrir un système de valeurs qui est potentiellement différent voire
contradictoire, avec celui dans lequel ils sont socialisés »1.
1- Byram. M et Zarate. G, Op. cit, P. 9.
80Toutefois, l’enseignant, dans son élan d’initier ses élèves à l’altérité
dont nous avons vu qu’elle était, et est le passage obligé à l’indispensable
interculturalité, ne doit en aucun cas perdre de vue les risques d’acculturation
et de déculturation dont nous avons dit que tout le monde n’en voulait pas et
qui peuvent s’avérer fatales à l’intouchable question identitaire de nos enfants.
Connaître l’autre ou plutôt et pourquoi pas tout de lui. Oui ! Mais pas au
détriment des valeurs et des principes qui fondent l’identité même de
l’algérien.
Le vent de l’interculturel qui souffle sur le monde, ces dernières années
et dont l’école algérienne ne semble pas pouvoir y échapper, doit l’astreindre à
sortir de la gabegie à laquelle, elle est coutumière, et à prendre la question de
l’interculturel à bras le corps, et à faire de la formation des enseignants,
devenus intercesseurs et passeurs culturels un peu malgré eux, une priorité. Il
y va de sa survie, si elle veut prendre le train de la modernité qui est déjà en
marche.
Les professeurs doivent également veiller à faire, dans le cas qui nous
intéresse, partager leur passion pour la langue française et en particulier leur
amour pour la littérature à leurs élèves.
81Conclusion
La didactique des langues étrangères en particulier celle du FLE, a plus
que jamais pris conscience de l' l'importance de l'enjeu culturel inhérent à tout
apprentissage linguistique d'une langue étrangère. En effet, on s'est rendu
compte que l'obstination à prodiguer un enseignement linguistique
essentiellement grammatical était une entreprise qui s'est avérée largement
déficiente, et par conséquent la didactique des langues étrangère s'est vue dans
l'obligation de se "culturaliser", non seulement pour répondre à une
quelconque urgence pédagogique ou didactique mais pour répondre aux
exigences d'un contexte de plus en plus mondialisé et plus que jamais enclin à
l'ouverture et au contact entre les peuples et les cultures.
Le texte littéraire est apparu, avec force, comme un vecteur culturel de
choix dans l'enseignement-apprentissage du FLE. Etant la manifestation et la
voix d'accès privilégiés à la culture d'un pays, le texte littéraire est considéré
comme l'espace propice où l'identité et surtout l'altérité se donnent à voir. En
effet, découvrir et connaître l'autre, dans tout ce qui pourrait le singulariser ou
le différencier, pourrait être d'une grande aide pour l'apprenant, qui pour
maîtriser et s'approprier une langue étrangère, doit impérativement connaître
le réseau symbolique et culturel qui lui est inhérent.
Ce passage obligé et inévitable par la culture ne pourrait se faire sans la
prise en compte des représentations et des préjugés qu'ont, à la fois la société
et les apprenants de la langue et de la culture françaises. Ces représentations,
on le sait bien, si elles sont négatives, et c'est le cas en Algérie, peuvent
constituer un obstacle pour tout enseignement linguistique ou culturel de la
langue française.
82Il s'agira pour l'école, où le rôle de l'enseignant est primordial, de
repenser et de reconstruire ces représentations, de manière à ce qu'elles
n'entravent pas ou plus l'enseignement-apprentissage du FLE, mais également
de déclencher le goût de lecture des textes littéraire chez les apprenants.
D'où l'importance pour l'élève, et il reviendra aussi à l'école de le faire,
d'acquérir, par le truchement des textes littéraires, une compétence
(inter)culturelle, nécessaire pour surmonter et déconstruire les préjugés et les
malentendus culturels qui sont, à vrai dire, inévitables dans tout apprentissage
linguistique ou culturel d'une langue étrangère.
83
84L’expérimentation
85Introduction
Nous avons plaidé, dans le présent travail, pour la réhabilitation de la
dimension culturelle du texte littéraire dans l'enseignement-apprentissage du
FLE. En effet, et on le dira jamais assez, apprendre une langue étrangère, en
l'occurrence le français, doit nécessairement allier l'aspect linguistique et
culturel.
On l'a bien vu, l'apprentissage et l'appropriation d'une langue étrangère a
toujours entraîné une réflexion sur la culture qu'elle véhicule et sur ses
locuteurs. Ainsi, des éclairages culturels (sur les locuteurs et sur le pays de la
langue enseignée) s'avèrent, indispensables pour l'acquisition d'une
compétence (inter) culturelle, et ce, en vue de réduire, un tant soit peu, les
représentations et les préjugés négatives qui risquent de surgir dans tout
processus d'apprentissage linguistique, et dont on sait qu'elles peuvent être
sources de malentendus culturels, et qui détermineraient la réussite ou non de
l'apprentissage d'une langue étrangère.
L'objectif de nos enseignements (expérimentation) consiste, à partir
d'une série de textes traitant des thématiques culturelles, à amener les
apprenants à repérer tous les traits culturels de l'autre pour ensuite les
comparer aux siens. Ce qui leur permettrait à notre sens, d'objectiver leur
culture maternelle mais également leur fera réaliser tout ce qui les singularise
des autres.
Une telle démarche, peut à notre sens favoriser le développement et
l'acquisition d'une compétence (inter) culturelle indispensable à l'apprenant
dans l'apprentissage linguistique et culturel du FLE.
861- La démarche suivie
1-1- L'expérimentation
1-1-1- Lieu de l'expérimentation
Par souci d'objectivité, nous avons décidé de mener notre
expérimentation dans un lycée, autre que celui où nous exerçons. Notre choix
s'est porté donc sur le lycée mille logements de Barika, un lycée réputé, il faut
le dire, par le sérieux et la rigueur de tout son personnel éducatif.
De plus, pour avoir exercé notre métier de professeur de français, il y a
quelques années, dans ce lycée, et donc tout le monde nous connaissait, nous
avons eu droit à toutes les facilités pour mener à bien notre expérimentation.
Enfin, pour ne pas perturber les enseignements en cours, nous avons
demandé au proviseur de ce lycée s'il nous était possible de faire venir notre
groupe expérimental les lundi et jeudi après-midi. Le proviseur en question n'a
pas hésité un instant à répondre favorablement à notre doléance.
1-1-2- Le groupe expérimental
Vu la nature et la complexité de notre objet de recherche à savoir le
texte littéraire, nous avons estimé qu’il était plus pertinent de prendre une
classe littéraire ( une classe de troisième année secondaire série lettres) qui,
nous semble-t-il, se prêtait le mieux aux fins de la présente expérimentation
parce qu'on peut penser que les élèves d' une classe littéraire ont à priori, plus
que les autres ( une classe scientifique par exemple) une certaine compétence
littéraire acquise dans leur langue maternelle, qui pourrait être éventuellement
exploitée et mise à contribution dans l'approche du texte littéraire. M-C Albert
et M. Souchon disent à ce propos « En participant, en tant que lecteurs, à la
communication littéraire, les lecteurs sont porteurs d'une expérience vécue
87dans leur langue maternelle; ils ont acquis une compétence de lecteurs de
textes littéraires en langue étrangère »1.
La classe groupe expérimental en question se compose de trente huit
(38) élèves : 26 filles et 12 garçons, dont la moyenne d'âge est de 18 ans. Un
âge où nous pouvons penser que les élèves ont déjà suffisamment de savoirs
socioculturels et une certaine vision du monde, comme nous pouvons penser
également que les contours de leur identité culturelle sont, à priori, largement
établies et enracinées et par conséquent, ces élèves sont, nous semble-t-il, en
mesure d'être interrogés par le biais du texte littéraire, sur leur identité et
surtout sur leurs rapports avec l'autre ( altérité ) qu'ils doivent absolument
découvrir et connaître pour pouvoir communiquer avec lui, dans sa langue,
sans préjugés et sans malentendus.
Il est à signaler que certains élèves ont émis le désir de ne pas assister à
nos enseignements pour cause de cours particuliers qu'ils devaient absolument
suivre. Chose qui nous a plutôt servi parce qu'au départ nous avons estimé que
le nombre d'élèves de notre groupe expérimental était trop élevé, et que
finalement cette défection de dernière minute était la bienvenue.
Notre groupe expérimental sera donc composé de 21 élèves: 12 filles et
09 garçons.
Notre expérimentation a duré presque deux mois avec un total d'heures
de vingt six, où nous avons pu observer chez ces élèves de l'enthousiasme et
beaucoup d'implication. Ces élèves, en fait, en plus de la curiosité qui les
animait, avaient le sentiment de participer à quelque chose non seulement de
nouveau mais d'inouïe et dont ils se sentaient privilégiés d’en faire parti.
1- Allbert. M-C et Souchon, Op. cit, P. 42.
882- L'expérimentation proprement dite
La dimension (inter) culturelle doit retrouver la place qui lui revient de
droit dans l’enseignement-apprentissage du FLE, et ce en vue d'une réelle
appropriation linguistique dont nous avons vu qu'elle ne pouvait se réaliser
sans la connaissance et la maîtrise du réseau symbolique ou culturel de la
langue cible. De ce fait, le texte littéraire nous apparaît comme le support
didactique propice à même de permettre aux apprenants, dans la comparaison
avec l'autre, d'interroger à la fois leur identité et surtout leur altérité, sans
toutefois mettre en péril leur identité et leur algérianité.
Nous avons donc dans le cadre de méthode expérimentale, soumis aux
élèves des textes littéraires dont nous avons dit qu'ils sont considérés comme
les plus représentatifs de la culture, et où l'altérité se fait voir, de manière à
leur permettre, dans l'interaction de la classe de FLE mais également dans
l'interaction entre le lecteur-apprenant et le texte littéraire, de faire ressortir et
de repérer les traits culturels de l'autre et de les comparer par la suite aux siens.
Chose qui pourrait, à notre sens, favoriser la construction ou l'acquisition d'une
compétence interculturelle qui permettrait, dans la sérénité de percevoir l'autre
à travers ses manières de voir et de se comporter mais aussi de réaliser qu'au-
delà des différences qui sont, dirions-nous, normales pour d'innombrables
raisons (langue, culture, religion…), il y a parfois, et c'est tant mieux, des
ressemblances qui peuvent dans l'interculturel qui nous imbibe, pour reprendre
l'expression de M. A-Pretceille, modifier, un tant soit peu, leur regard (celui
des élèves) souvent hostile sur l'autre.
Nous avons proposé, dans le cadre du cours de la compréhension de
l'écrit (du texte narratif) cinq textes à thématiques culturelles.
89Dans la production écrite, ultime étape de notre expérimentation, nous
avons demandé aux élèves, à partir de quelques thèmes à thématiques
culturelles, abordés dans les séances de la compréhension de l'écrit, de parler
brièvement de ce que font ou ce qui caractérisent algériens et français.
903- Déroulement et compte-rendu de l'expérimentation
3-1- Pré-test
Objectifs: – Evaluer la compétence linguistique des apprenants.
– connaître les représentations et les stéréotypes des apprenants de la
langue française.
– Evaluer leurs connaissances sur la culture et sur la littérature
françaises.
Commentaire
On ne pouvait pas se lancer dans cette aventure sans avoir pris au
préalable, connaissance des rapports que les apprenants ont à la fois avec la
culture et la littérature française mais également avec la langue française.
Il nous a semblé utile et judicieux de proposer une sorte de pré-test1 qui
pourrait nous apporter des indications sur les réelles capacités des élèves à
identifier et à reconnaître des faits culturels en rapport avec tout ce qui est
français. Ce pré-test ne se voulait nullement exhaustif, les phénomènes
culturels, on ne le sait, ne peuvent être ni mesurés ni recensés.
Ceci dit, de nombreux élèves ont déclaré avoir des représentations
positives de la langue française. En effet 13 élèves dont les 12 filles de notre
groupe expérimental disent apprécier la langue française pas seulement parce
qu'ils ont appris avec le temps à la connaître et finalement à l'apprécier, mais
également parce qu'a leurs yeux, elle est l'expression de tout ce qu'ils aiment
chez les français (mode, cuisine, chanson …).
Voir annexe N° 2 .
91Certains élèves, très réalistes du reste affirment vouloir apprendre et
maîtriser la langue française pour s'en servir dans leurs études supérieures. Il
faut dire que beaucoup d'entre eux déclarent vouloir suivre des études en
médecine ou encore en pharmacie où les enseignements sont dispensés en
français.
Les huit élèves restants, tous des garçons d'ailleurs, n'ont pas hésité à
fustiger la langue française qu'ils trouvent inintéressante et devant laquelle ils
disent éprouver des difficultés tant sur le plan sémantique que grammatical,
contrairement à l'anglais qu'ils trouvent à leur portée. Nous avons pu constater
également chez ces élèves de l'hostilité à l'endroit de la langue française, "celle
du colonisateur" disaient la plupart d'entre eux.
Pour le reste, nous avons noté les remarques suivantes:
certains élèves ont d'énormes difficultés à écrire et à parler en français.
Leurs représentations de la langue française et tout ce qu'elle charrie sont
variées.
Certains élèves ignorent tout ou presque de la culture française.
Certains élèves reconnaissent avoir beaucoup de mal à comprendre un
texte littéraire.
923-2- Etude du texte littéraire n°1
Compréhension de l'écrit
Support: " Les fiancés de la plage"
De Michel Tournier, In Petites proses, Gallimard, coll. « Folio »,
1986, pp. 120-121.
Objectifs: – savoir identifier un texte littéraire.
– Repérer et analyser des faits culturels dans un texte littéraire.
– découvrir des faits de société propres au français.
Déroulement de la leçon
3-2-1- Thème1 : les amours en vacances (et le travail)
Ce premier texte se voulait en quelque sorte un premier contact et un
éclairage sur certains comportements sociaux et culturels de la société
française.
Sans surprise, ce texte n'a pas tardé à faire réagir les élèves: en voulant
avoir leurs sentiments à propos du titre « Les fiancés de la plage», les élèves,
du moins ceux qui ont pris la parole, ont vite deviné le thème du texte à savoir
les amours de vacances qui se soldent bien souvent par des mariages ou des
vies de couples en France.
Sous notre impulsion, les élèves ont voulu explicité l'expression « vies
de couples» ou «concubinages» mais en vain. Certaines élèves riaient.
Dans la mesure où parler de relations amoureuses ou même de mariage
en Algérie est souvent un tabou mais heureusement pas un interdit. Alors
que le contraire, leur dirions-nous, serait pour les français quelque chose
qu'ils ne comprendraient pas forcément.
93Les élèves, par la suite, ont fini par comprendre que les français peuvent
vivre en couple en n'étant pas mariés. Ce qui leur a permis de voir un fait
de la culture française qui ne peut être toléré en Algérie.
De plus, les élèves n'ont pas mis beaucoup de temps pour réaliser que les
mariages ou les vies de couples (les amours en vacances) qui naissent
sur les plages ne sont pas des faits isolés ou des faits divers «le fait est
que c'est en vacances -sur les plages singulièrement- que la plupart des
futurs couples se forment», mais des faits qui concernent la majorité des
français, selon l'auteur.
Ces amours de vacances en cascade ont fait dire certains élèves à quel
point, parfois sinon souvent, français et algériens sont si différents. Il
faut dire qu'en Algérie, il y a bien des manières pour se marier: un élève
pensait aux lieux de travail, un autre à l'université et même à la rue.
Nous avons demandé aux élèves de réagir aux phrases « des jeunes gens
et des jeunes filles habitant la même ville-voire le même quartier- se
croisent, se côtoient onze mois sans se remarquer. Sans doute n'ont-il pas
la "tête à ça"». Nous avons profité des réponses des élèves qui étaient
variées pour leur parler du caractère polysémique du texte littéraire.
Cette remarque leur a fait réalisé que c'est peut-être eux les faiseurs de
sens dans un texte littéraire.
Cela dit, un élève commentant les deux phrases en question, en
particulier la deuxième «(…) n'ont-ils pas la tête à ça», disait que
peut-être les français, le reste de l'année, ne pensent qu'au travail. Là,
autocritique et honnêteté obligent, nous leur avons demandé si l'algérien
avait la même conception du travail que le français. Les réponses des
élèves étaient sans appel: tout le monde a dit non. Une manière pour eux
Peut-être, de concéder à l'autre (le français), une qualité que beaucoup
d'algériens n'ont pas.
943-2-2- Thème 2 : Les concours de beauté.
Le deuxième thème culturel est celui relatif aux concours de beauté très
souvent organisés en France. (Dans le texte, on parle de l'élection de "miss"
locale). Certains élèves ont reconnu avoir eu l'occasion de voir à la télévision
ce type de concours. Ces élèves qui devaient avoir des parents francophones
qui ne regardent probablement que les chaînes françaises, ont noté le caractère
festif et ô combien symbolique de l'élection de Miss France.
En effet, "Miss France", une fois élue, jouit d'un prestige et d'une aura
qui souvent fait grincer les dents des plus jalouses en France. Faire les
couvertures des magazines les plus connus et les plus lus en France ou
être l'invitée vedette des plateaux de télévisions françaises sont autant
d'opportunités pour une notoriété inespérée pour beaucoup de femmes,
leur avons-nous dit.
Nous leur avons parlé également de l'implication et de la participation de
Miss France dans des grandes manifestations culturelles ou à caractère
social, de même que dans les œuvres dites caritatives.
Ce deuxième fait de société à connotation largement culturelle a permis
aux apprenants de découvrir une autre facette de l'autre. Un fait qu'ils ne
trouvent pas dans leur univers culturel mais qui leur a permis néanmoins
de se rendre compte de tout ce qui pourrait les singulariser de l'autre.
Les apprenants ont enfin réalisé qu'avec l'autre, le français en
l'occurrence, il n'y pas que des différences ou des incompatibilités. En
fait, il y a des manifestations propres à tous les êtres humains: par
exemple l'amour que voue tout enfant à sa mère. Pour l'enfant de six ans
qui demandait, dans le texte de M. Tournier: « Mais, toi maman,
pourquoi tu ne te présentes pas au concours de beauté?» et pour qui
«C'est la plus belle femme du monde».
95Pour conclure, on peut penser que ce texte, s'il a permis aux apprenants
de percevoir chez le français, une autre manière de considérer certains
faits socioculturels, il a réussi néanmoins à les faire réfléchir sur leurs
rapports avec l'autre à travers la langue enseignée, et de réaliser que le
français a parfois des qualités (nous pensons à sa conception du travail
dans le texte) qu'on ne trouve pas chez leurs concitoyens.
963-3- Etude du texte littéraire n°2
Compréhension de l'écrit
Support :" Mère et fille "
De Simone de BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, Ed.
Gallimard.
Objectifs: – Repérer et analyser des faits culturels dans un texte littéraire.
-Faire découvrir aux apprenants les différences culturelles dans la
célébration de certains rites religieux.
– Faire voir une autre conception de la famille
Déroulement de la leçon
3-3-1- Thème 1 : La famille et les rapports parents/ enfants
Ce texte comme le précédent, n'a pas manqué lui aussi de faire réagir les
apprenants sur un sujet aussi sensible et aussi sacré, dirions-nous, pour les
musulmans qu'ils sont, que celui des relations familiales, en particulier celles
entre parents et enfants.
Pour un élève, les parents sont intouchables pas seulement parce que
Dieu a demandé à tous ses fidèles de les respecter et de les aimer, et là,
nombre d'élèves ont vite évoquer le verset coranique qui interdit
formellement à tous les musulmans de manifester le moindre reproche
de quelque nature que ce soit à leurs parents, mais parce que respecter et
aimer ses parents est quelque chose qui va de soi, qui relèverait de la
nature même des choses. L'intervention de cet élève était consécutive à
la lecture d'une réplique du personnage principal du texte « Et je croyais
que, en gros, Dieu l'exigeait de moi».
Même si certains élèves ont dit comprendre le désarroi et le
mécontentement de la fille devant le comportement de la mère dont les
élèves trouvaient qu'elle en faisait trop surtout dans le passage relatif à
97la tirelire « je protestai que l'argent de ma tirelire m'appartenait, elle
répondait qu'on ne doit pas dépenser vingt francs pour un objet qui peut n'en
coûter que quatorze», qui leur a rappelé leur enfance: nombre d'élèves ont
reconnu avoir eu de tirelire dans leur enfance, mais selon ces élèves, aller
jusqu'à se disputer avec sa mère, en parlant de la fille, était quelque chose
d'inconcevable et d'intolérable.
Pour les élèves, manquer de respect à ses parents est un fait qui n'arrive
que très rarement dans un pays musulman tel que l'Algérie alors qu'en
France cela doit arriver assez souvent. Pour eux, l'autorité parentale ne
pourrait en aucune manière être remise en question. En fait, ils n'y
pensent même pas.
En parlant des relations parents/ enfants, nous leur avons demandé si les
enfants français, à leur majorité, restaient dans le domicile parental. Un
élève, brillant du reste, nous disait que ces enfants devenus jeunes
adultes, quittaient systématiquement leurs parents. Là, nous n'avons pas
manqué de noter l'étonnement de la quasi-totalité des élèves, parce que
ces apprenants savent que, pour l'avoir vécu, les jeunes adultes même
mariés et ayant des enfants, restent le plus souvent chez leurs parents.
3-3-2- Thème 2 : La religion (les rites religieux)
Les élèves, en parlant de la tirelire de la fille nous ont demandé ce que
signifiait le mot "missel"1. Après l'explication de ce mot, moult questions nous
ont été posées sur le thème de la religion chez les français. Un thème qui
comme on pouvait s'y attendre, est à fortiori très important dans la vie des
élèves en particulier, et dans la société algérienne en général.
Missel, communion solennelle ou profession de foi et donc baptême
(parce que la communion solennelle est une cérémonie au cours de
laquelle le jeune catholique renouvelle les engagements du baptême par
98une profession de foi devant les fidèles) sont autant de pratiques
religieuses qui ont fait réfléchir les apprenants dont certains les
trouvaient absurdes. Un élève disait que cela n'avait pas de sens.
Cependant et après coup, ils ont réalisé que les français, contrairement à
ce qu'ils pensaient, croyaient en Dieu. C'est juste qu'ils avaient leurs
propres rites.
Cette découverte, si nous pouvons l'appeler ainsi, a eu au moins le mérite
de reconstruire certaines représentations erronées des apprenants vis-à-
vis des français et de la culture française, et leur a permis de réaliser que,
dans l'ignorance, on ne peut porter un quelconque jugement de valeur sur
un autre qu'on n'a jamais vraiment connu.
Ce deuxième texte a été très instructif à plus d'un titre. Il a révélé chez
nos élèves une aptitude à se remettre en question qu'on ne soupçonnait
pas: des préjugés qu'on disait du reste erronés et qu'on pensait
indélébiles, ont pu être après réflexion et par un processus de
comparaison systématique, réajustés et renouvelés.
Le plaisir de lire et d'apprendre en langue française était également au
rendez-vous.
993-4- Etude du texte littéraire n° 3
Compréhension de l'écrit
Support 3 : " Lettre à mon fils"
De Danièle Sallenave (prix Renaudot1980) un printemps froid. Ed, p. o. l.
1983
Objectifs: – découvrir un texte à thématique culturelle et très polémique.
– Repérer et analyser les thèmes de fêtes religieuses et celui des
personnes âgées chez les français dans un texte littéraire.
– Identifier les représentations mentales des apprenants.
Déroulement de la leçon
3-4-1- Thème 1: Les fêtes religieuses
Le texte, une lettre très émouvante, qui (après quelques clarifications
lexicales: Mousseux, pompettes de notre part) a suscité chez les apprenants de
vives réactions non sans émotion d'ailleurs.
D’emblée, c'est le mot noël qui a attiré l'attention des élèves. Beaucoup
d'élèves connaissaient le mot, mais pas vraiment sa signification. Certes,
ils savent que noël est une fête typiquement chrétienne mais ignorent à
quoi "noël" renvoie exactement. Très Peu d'élèves savaient que c'est la
fête de la nativité du christ, célébrée le 25 décembre.
Après cela, les élèves ont pensé au prophète Mahomet dont tous les
musulmans célèbrent la naissance chaque année.
Certains élèves ont reconnu que beaucoup d'algériens, y compris dans
leur région fêtaient noël. S'ils notent avec un certain soulagement pour
certains d'entre eux, l'absence de l'Arbre de noël sur les étals des
marchés, ces élèves reconnaissent que beaucoup d'algériens se ruent
chez les pâtissiers pour acheter les bûches le jour de l'an. Une attitude
100que certains élèves ont justifiée par la curiosité qui anime bon nombre de
familles.
Toutefois certains élèves, un peu révoltés, se demandaient pourquoi les
français ne fêtaient pas, comme les algériens, la naissance du prophète
Mahomet.
Nous leur avons demandé par la suite ce qu'ils savaient sur ses "sœurs",
femmes de religion. Tous les élèves ne savaient pas que dans la religion
chrétienne les femmes religieuses n'ont pas le droit de se marier. Ils
étaient tous très surpris et ne comprenaient pas pourquoi une telle chose
puisse arriver dans la religion chrétienne.
Cela dit, le thème des fêtes religieuses, a permis aux élèves de se rendre
compte que chaque peuple à ses propres mœurs et ses habitudes, ainsi
que ses propres fêtes religieuses, qu'il convient pour eux , apprenants
d'une langue étrangère, de connaître.
3-4-2- Thème 2 : Les personnes âgées
La stupéfaction et l'émotion des élèves étaient palpables quand ils ont
commencé à comprendre l'objet de la lettre envoyée par une mère très âgée à
son fils. Cette femme, les élèves l'avaient compris, a été placée contre son gré
par son fils dans un établissement religieux, une sorte de maison de retraite
pour les personnes âgées. Une attitude qu’on ne voit que très rarement en
Algérie.
Les élèves, en faisant le parallèle avec la réalité socioculturelle
algérienne, se sont rendus compte qu'en France, mettre son père ou sa
mère devenus par le poids de l'âge des personna non grata, était en fait
une pratique courante. Ce qui a provoqué chez les élèves un sentiment
de consternation et de colère.
101D'autres élèves, peu surpris, n’ont pas manqué de noter qu'il y a des
personnes âgées qui vivent dans nos rues sans que personne ne s'en
préoccupe.
Par la suite, nous leur avons demandé de relever du texte quelques
passages où la vieille dame exprime sa solitude. En relevant ces
passages (« J'ai pris l'habitude de regarder la télévision l'après-midi, il
n'y a personne au petit parloir», « Tu vois que je ne suis pas seule à être
seule»). Les élèves ont trouvé, encore une fois, le comportement de ce
fils ignoble.
En réponse à l'une de nos questions, les apprenants ont constaté la
délicatesse et la lucidité de cette vieille dame dans les reproches qu'elle
a d r e ssa i t à so n f i l s n o n sa n s u n e p o i n t e d ' i r o n i e ( « v o i s – t u , j e n e m ' y
attendais pas trop: c'est comme à noël dernier, vous avez si peu de
vacances!»). En fait, ces reproches sont souvent allusifs (« On se
demande pourquoi !», « Il est vrai que tu n'as jamais vu la chambre..», «
Si la fille de Mme Christian vient la semaine prochaine je lui dirai de
m'acheter du carton (…) »). Mais parfois elle ne pouvait s'empêcher de
lui dire ce qu'elle avait sur le cœur (« Sur mon étagère, c'est une
véritable exposition, j'en ai presque honte»). Les élèves en lisant cette
dernière phrase ont très vite compris que cette vieille dame en voulait
terriblement à son fils pour l'avoir mise dans cet établissement religieux
mais également de n'avoir jamais pris la peine comme les autres enfants
( La fille de Mme Christian) de venir prendre de ses nouvelles.
Les derniers échanges que nous avons eus avec les élèves, se sont
terminés par une note positive: un élève faisait la remarque que ce n'est
pas tous les français qui mettent leurs parents dans des maisons de
retraite.
1023-5- Etude du texte littéraire n°4
Compréhension de l'écrit
Support 4 : "Les parisiens et la campagne"
De Emile Zola. Le Messager de l'Europe, (1880).
Objectifs: – Repérer et analyser des faits culturels.
– Faire découvrir aux élèves les rapports qu'ont les français avec la
campagne.
– Inciter les élèves à s'interroger sur l'altérité dans un texte
littéraire.
Déroulement de la leçon
3-5-1- Thème: Les parisiens et la campagne
Ce texte comme les précédents, n'a pas laissé les apprenants
indifférents. D'emblée, en effet, à une question sur le titre, les élèves se sont
montrés un peu perplexes au sujet de l'association "les parisiens" et "la
campagne". Il faut dire que dans leur esprit, il ne saurait y avoir de rapport
dans la mesure où les parisiens habitent la plus belle ville du monde, et donc
comment pourraient-ils songer un instant à la campagne. Et puis disait un
élève, qu'il y a tout à Paris: les industries, les usines…
Les élèves étaient donc plutôt surpris de l'attitude des parisiens et
donc des français (« un goût immodéré pour la campagne»).
Sous notre impulsion, les élèves ont vite fait le parallèle avec leur
réalité algérienne où les gens fuient la campagne pour aller rejoindre
la ville (l'exode rural). Un élève avec un ton ironique disait que les
algériens préfèrent la plage!
Au fur et à mesure que nous avancions dans l'interprétation de ce
texte, les élèves commençaient à comprendre l'attitude de la
103population parisienne (« qui étouffe, en est réduite à faire plusieurs
kilomètres à pied, pour aller voir la campagne..»).
Dans la ruée des parisiens vers la compagne, les élèves n'ont pas tardé
à comprendre que c'était en fin de compte "une bouffée d'air" pour
tout ce qu'ils enduraient tout au long de l'année, et une mise au vert
qui leur est devenu indispensable pour oublier (« le chemin de fer de
ceinture siffle furieusement», « la chaleur de juillet»…).
Les élèves ont apprécié les kilomètres que faisaient les parisiens, pour
goûter, le temps d'un dimanche, au plaisir de la campagne.
Le thème de la ville et de la campagne a plutôt permis, un tant soit
peu, de modifier certaines représentations négatives qu'avaient les
élèves des français, et a contribué à leur faire prendre conscience de la
nécessité de la connaissance des pratiques culturelles et sociales des
français.
Le "dimanche" aussi du texte a éveillé la curiosité d'un élève
(« pourquoi le dimanche?»). Les élèves ont très rapidement compris
que contrairement à eux qui ont le vendredi comme jour férié, les
français ont le dimanche.
1043-6- Etude du texte littéraire n°5
Compréhension de l'écrit
Support 5 : "Je ne suis pas l'égale de mon frère"
De Gisèle Halimi (la cause de femmes).
Objectifs: – Faire découvrir des faits culturels à caractères polémiques.
– Parler de la situation des femmes en France et en Algérie.
– Inciter les élèves à s'interroger sur l'altérité dans un texte
littéraire.
Déroulement de la leçon
3-6-Thème: Le statut social de la femme
Nous avons voulu ce texte. Parce que nous avons pensé qu'il était
intéressant de voir comment une française d'origine tunisienne pourrait
percevoir ou appréhender certaines pratiques sociales et culturelles des
immigrés arabes en France. En fait, c'est parce qu'on connaît bien le dilemme
qu'ont ces immigrés entre leur culture d'origine et celle du pays où ils habitent
que nous avons proposé ce texte.
Le thème de l'égalité des sexes était un thème qui a fait beaucoup réagir
les élèves. Nous n'avons pas manqué, dans le débat que nous avons eu
avec eux, de leur demander de faire une comparaison sur le statut social
de la femme dans les deux pays à savoir l'Algérie et la France.
La plupart des élèves considèrent que les femmes en France jouissent de
tous leurs droits. Pour eux la femme est réellement l'égale de l'homme,
alors qu'en Algérie l'homme est largement supérieur à la femme.
Toutefois ils trouvent que les femmes en France sont trop indépendantes
à leur goût.
105Ces élèves n'ont pas manqué également de noter que la femme immigrée
est méprisée dans sa famille même. Ils ont relevé du texte tous les
passages qui confirment cet état de fait (« Il n'était pas question de le
demander à mon frère», « à la maison, l'homme n'avait jamais rien à
faire», « Pendant ce temps j'avais progressé. Mais ça n'a jamais intéressé
personne »).
Une élève disait que la femme, en Algérie, ne décide de rien alors qu'en
France, la femme est respectée, et a son mot à dire sur tous les sujets.
Nombre de garçons, pas tous, trouvent normal que la femme soit la
seconde de l'homme, celle qui élève les enfants, et qui doit faire tout
pour que son mari n'en manque de rien.
Les élèves ont longuement commenté les propos de la mère quand sa
fille avait dit qu'elle ne voulait pas se marier (« Elle ne tourne pas rond
cette fille! Elle est vraiment bizarre»). Certains élèves ont noté que la
femme en Algérie accepte la supériorité et la domination de l'homme en
citant les propos de la mère qui désapprouvait la décision de sa fille.
Une élève parlait du conflit de générations: la femme d'aujourd'hui n'est
plus la même que celle d'hier.
Ce dernier texte comme les précédents a révélé les progrès qu'ont fait
les élèves dans la perception des faits culturels à l'intérieur d'un texte
littéraire. Leur regard sur l'autre n'est plus aussi tranché qu'il était avant
nos enseignements.
Nous avons remarqué qu'à mesure que nous avancions dans les cours
que nous leur avons proposés, les élèves commençaient à changer de
regard sur l'autre.
Nous pouvons dire que la compréhension culturelle commençait à se
dessiner peu à peu, et les malentendus et les préjugés tendaient à
disparaître.
106Le retour systématique à leur culture maternelle a souvent été
déclencheur non pas du rejet radical de l'autre, mais d'une envie d'en
savoir un peu plus sur lui (le français).
107Conclusion
Les séances de la compréhension de l'écrit que nous avons eues avec les
élèves nous ont conforté dans ce que nous pensions déjà, à savoir que dans
l'interaction suscitée par les textes littéraires et les questionnements qu'ils
génèrent sur leur culture d'appartenance et sur la culture de la langue
enseignée n'ont apporté que du bien à l'élève tant sur le plan cognitif que sur
les plans linguistique et culturel.
Moult questions nous ont été posées sur les thématiques culturelles
présentes dans les textes proposés aux élèves , lesquelles dans la comparaison
avec leur culturelle maternelle, ont souvent rectifié, un tant soit peu, nombre
de représentations et de stéréotypes négatifs ou erronés. Ces élèves, face à des
visions et des types de réflexions nouveaux pour eux, ont progressivement
adhérer à notre démarche et ont même par la suite trouvé du répondant et de
l'intérêt dans nos enseignements. Ce qui leur a permis de développer une
compétence culturelle et interculturelle par la médiation du texte littéraire.
Nous n'avons pas manqué également de constater les progrès qu'ils ont
faits dans la perception de l'autre qu'ils voient maintenant sous un autre regard,
plus conciliant et plus tolérant. Dans leurs productions écrites, les élèves n'ont
pas hésité à parler de l'autre (le français) souvent dans des termes très corrects,
et à porter des critiques, assez acerbes, sur certains comportements de leurs
concitoyens, tout en manifestant de la fierté d'être algérien et musulman.
108Interprétation et analyse des
résultats du questionnaire
109Introduction
Conscient du rôle primordial que jouent les enseignants dans tout
apprentissage d’une langue étrangère dans la mesure où ils « sont les
intercesseurs, les médiateurs obligés et privilégiés entre la culture qu’ils ont
pour charge de faire connaître et leurs élèves »1, et sachant pertinemment que
toute réflexion didactique de quelque nature que ce soit, sur l’enseignement
d’une langue étrangère ne saurait être menée et mise en application, sans le
consentement et l'approbation des premiers concernés, en l'occurrence les
enseignants, les seuls à même de pouvoir juger de l'efficience ou de
l'adaptabilité de toute nouvelle démarche didactique.
En effet, c’est parce que ce sont les enseignants qui sont confrontés à la
réalité de la classe de FLE, et c'est parce que ce sont eux qui connaissent
mieux que quiconque les représentations mentales et le milieu socioculturel
des élèves, que nous avons jugé utile de recueillir leurs sentiments et leurs
appréciations sur toutes les questions relatives à l’enseignement-apprentissage
du FLE, et en particulier à celles relatives à la dimension culturelle du texte
littéraire dans cet apprentissage linguistique.
Signalons au passage qu’au cours de nos entretiens avec ces
enseignants, nous avons été touché par la passion et la détermination qui les
animent dans l’exercice de leur métier qu’ils trouvent d'ailleurs de plus en plus
difficile.
1- Thévenin. A, Op. cit, P. 76.
1101- Présentation du questionnaire (à l'intention des enseignants)
Nous avons donc proposé aux enseignants un questionnaire que nous
avons voulu le plus objectif et le plus pertinent possibles. On y trouvera
pratiquement toutes les questions qui ont fait notre problématique, laquelle,
rappelons-le, s’inscrit, par le truchement des textes littéraires, dans une
démarche résolument culturelle voire interculturelle de l'enseignement-
apprentissage du FLE, non sans évoquer d'ailleurs, la délicate question de
l'identité, brandie, à chaque fois comme contre argument par les opposants à
tout enseignement culturel de la langue française.
Les enseignants que nous avons approchés pour ce questionnaire sont au
nombre de onze (11), cinq d'entre eux exercent au lycée mille logements de
Barika (le lieu choisi pour notre expérimentation), et six (06) autres
enseignants exerçant au lycée mixte de Barika.
Les réponses des enseignants n'ont fait que nous conforter dans notre
démarche. En effet une majorité d'enseignants partagent nos analyses et
adhérent à notre réflexion. Ainsi, comme nous, ils pensent que l'enseignement-
apprentissage du FLE ne pourra plus être réduit à un enseignement
linguistique, et espèrent que la dimension culturelle soit réhabilitée, et dont le
texte littéraire est le vecteur par excellence.
1111-1- Analyse du commentaire des résultats du questionnaire
Q1: Pensez-vous avoir des représentations positives de la langue française?
Commentaire
Les réponses des enseignants ont confirmé ce que nous pensions déjà, à
savoir une bonne image de la langue française. Tous les enseignants ont noté
la richesse de cette langue. Les qualificatifs n'ont pas manqué dans leurs
réponses: "belle langue" ou encore textes éternels de grands écrivains,
Baudelaire, Hugo, Proust.
Bref, à en croire ces enseignants, le français est la plus belle langue du
monde.
Q2: Vous arrive-t-il de lire des ouvrages (œuvres littérature, livres
d'histoire…) qui parlent de la culture française?
Tableau n°:01
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 05 45.45 %
Non 06 54.55 %
Commentaire
Là, nous étions un peu surpris des réponses des enseignants. Six
enseignants reconnaissent n'avoir pas le temps pour lire quoi que ce soit, avec
tout ce qu'on leur demande de faire en classe (préparation de fiches
112pédagogiques, corrections des productions écrites des élèves…), ils ont du mal
à trouver du temps libre pour lire, ont-il justifié.
Cependant, ils déclarent suivre particulièrement les programmes des
chaînes de télévision françaises qu'ils trouvent, du reste, très instructifs.
Les Cinq enseignants restants affirment qu'ils lisent assez souvent, et
reprochent à leurs collègues le fait de ne pas lire. L'un de ces enseignants, le
plus âgé et le plus expérimenté, déclare qu'il ne se passe pas une semaine sans
qu'il ne lise un roman.
Q3: Vous arrive-t-il de parler de la culture française dans vos enseignements?
Tableau n°:02
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 07 63.64 %
Non 00 00
Parfois 04 36.36 %
Commentaire
Sept enseignants affirment le faire régulièrement et disent qu'il ne ratent
pas une occasion pour parler de la culture française. Ils pensent que c'est
quelque chose qui va de soi, et que le contraire serait, selon eux, aberrant et
saugrenu. Ils disent qu'ils sont avant tout, professeurs de français, pas d'arabe
ou d'anglais et par conséquent ils trouvent normal qu'ils fassent assez souvent
des détours du côté du français (locuteurs français, culture française…)
113Les quatre autres enseignants déclarent le faire quand cela est possible
et quand le cours de langue s'y prête. Mais ce n'est pas leur priorité première.
A vrai dire, ce qui compte à leurs yeux, c'est le programme officiel qu'ils
doivent appliquer et terminer à tout prix et dans les délais.
Q4 : Croyez-vous que l’enseignement-apprentissage du FLE, doit être
nécessairement accompagné d’un enseignement culturel ?
Commentaire
Nous avons proposé cette question après avoir attirer l’attention des
enseignants dans la question précédente sur la dimension culturelle de toute
langue. Et là, toutes les réponses des enseignants étaient affirmatives. Dix
professeurs estiment qu’il y a peu de références à la culture française dans les
manuels de français et trouvent cela plutôt dommageable pour l’apprentissage
du FLE.
L’un des dix enseignants, le plus âgé, s’est dit outré et ne comprenait
pas en quoi parler de Napoléon ou de Baudelaire serait choquant ou même
attentatoire à la question identitaire.
Le dernier enseignant était un peu hésitant sinon récalcitrant à cette
idée. Finalement, c'était un oui, mais ! Il redoutait les éventuelles influences
négatives sur les apprenants.
114Q5 :Quel (s) support (s) didactique (s) pensez-vous qu’il (s) se prête (ent) à un
tel enseignement (culturel) ?
Commentaire
Là, les réponses sont plutôt variées, avec toutefois une primauté aux
textes littéraires. Ils ont parlé, outre les textes littéraires, de documents
authentiques, de la poésie…etc.
Un enseignant a même parlé d'écrits historiques qui retraceraient les
grands événements que la France a connus à travers l'histoire.
Q6: Pensez-vous que le texte littéraire est le document le plus approprié, à
même de parler de la culture française?
Commentaire
Après un court instant de réflexion, tous les enseignants ont répondu
affirmativement, n’hésitant pas au passage à énumérer tout ce que le texte
littéraire pourrait apporter à l'enseignement du FLE, particulièrement à son
versant culturel. Pour eux, le texte littéraire se prête à tous les usages : on peut
en faire un document de langue (syntaxe, lexique…) comme on peut en faire
également un document culturel.
115Q7 : Les textes littéraires des manuels de français algériens parlent-ils de la
réalité (culturelle) française?
Commentaire
Tous les enseignants ont reconnu qu’on (l'institution scolaire) n'a jamais
voulu enseigner la culture française. L’enseignant qu’on disait expérimenté, a
noté le paradoxe qu’il y a entre le discours officiel qui prône l’ouverture sur
l’autre, et la réalité des manuels de français, qui est tout autre.
Il y a beaucoup de textes littéraires écrits par des écrivains français.
Certes, mais ces textes sont rarement allusifs à la culture française, ont-ils dit.
Ces enseignants, tout en regrettant cette situation, espèrent néanmoins,
que l’école algérienne puisse, un jour, donner toute la mesure à la dimension
culturelle de la langue française.
Q8 : Comment décririez-vous l’attitude de vos élèves lorsque le support
didactique est un texte littéraire? Vos élèves sont :
contents indifférents plus au moins contents.
Tableau n°:03
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Contents 08 72.73 %
indifférents 00 00
Plus au moins contents 03 27.27 %
116Commentaire
Huit enseignants affirment que les élèves se montrent très enthousiastes
quand le support didactique est un texte littéraire et qu’ils deviennent, du coup,
plus entreprenants que d’habitude. Ces huit enseignants expliquent l’attitude
des élèves par le fait, qu’avec les textes littéraires, ce qui est mis en avant, c'est
l'humain dans toute sa complexité et sa sensibilité. Ils disent que les élèves
sont particulièrement attentifs quand ils sentent que le texte leur parle, surtout
si c'est leur affectivité qui est interrogée. Ces enseignants trouvent également
que les élèves sont très impressionnés par les personnages du texte littéraire.
En fait, ils pensent que les élèves en question se reconnaissent aux
personnages du texte.
Les trois autres enseignants pensent que les élèves sont, certes, contents
mais sans passer la mesure.
Q9: Quelles seraient parmi ces difficultés, celles qui empêcheraient d’habitude
vos élèves à comprendre un texte littéraire?
Difficultés lexicales. Difficultés syntaxiques. Autres difficultés.
Tableau n°:04
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Difficultés lexicales 09 81.82 %
Difficultés syntaxiques 02 18.18 %
Autres difficultés 00 00
117Commentaire
Neuf enseignants affirment que c’est plutôt les difficultés d’ordre lexical
qui sont à incriminer. Ces enseignants parlent de l’ambiguïté spécifique à ce
type de textes. Ils ajoutent toutefois que si certains élèves arrivent non sans
efforts consentis d'ailleurs à s’en sortir, d’autres élèves, même avec le
dictionnaire, n'y arrivent pas.
C'est leurs interventions, notent-ils qui, souvent débloquent la situation.
Ces enseignants déplorent le fait qu'il n'y a que peu de textes littéraires à
connotations culturelles dans les manuels de français (surtout celui de la
deuxième année secondaire). Ce qui ne facilite guère leurs enseignements. Ils
souhaitent donc avoir plus de textes littéraires pour pouvoir travailler ces
difficultés lexicales.
Les deux enseignants restants pensent que les difficultés sont plutôt
syntaxiques. Les élèves, selon eux, n'aiment pas particulièrement les longues
phrases complexes avec parfois un sujet, pour trois ou quatre verbes et une
infinité de propositions relatives. Ces deux enseignants reconnaissent qu’il y a
parfois dans les textes littéraires des structures syntaxiques trop ambiguës qui
posent aux élèves beaucoup de difficultés.
Q10 : Ces difficultés ne sont-elles pas en rapport avec les référents culturels
qu’on trouve assez souvent dans le texte littéraire?
Commentaire
Tous les enseignants ont répondu par l’affirmative. Nous avons noté.
Par ailleurs, qu’ils étaient furieux contre eux-mêmes pour n’y avoir pas pensé.
118Cependant, ils disent que ce n'est pas l'unique difficulté que rencontrent les
élèves, non pas parce qu'ils ont une très grande connaissance de la culture
française mais parce qu'il y a peu de textes littéraires parlant de la culture
française.
Q11 : Comment vous y prenez-vous pour surmonter ces difficultés qui sont
d’ordre culturel?
Commentaire
Une enseignante disait, en parlant de ces difficultés qu’« avant qu’elles
existent, il faut bien qu’il y ait d’abord des textes littéraires qui parlent de la
culture française ». La réplique de cette enseignante, si elle en dit long sur les
orientations que l’école a prises en matière de l’enseignement des langues
étrangères, qui sont rappelons-le, essentiellement fonctionnelles et que cette
enseignante déplore, elle montre surtout à quel point les enseignants ont soif
de culture française. Même si, et ils le savent, cela demanderait, et ils en sont
conscients, davantage d’effort et d’implication dans la préparation de leurs
enseignements.
Cela dit, les enseignants disent recourir au dictionnaire et assez souvent
à l'Internet pour la collecte des informations dont ils ont besoin pour élucider
ces difficultés culturelles.
Q12: Croyez-vous qu'un enseignement culturel de la langue française pourrait
avoir des effets négatifs sur l'identité culturelle des apprenants?
Tableau n°: 05
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 03 27.27 %
Non 08 72.73 %
119Commentaire
Huit enseignants pensent que si cet enseignement culturel de la langue
française est bien contrôlé et maîtrisé, ils ne voient pas, par conséquent,
comment l'identité culturelle des apprenants pourrait être menacée.
Un enseignant dit même qu'on aurait tort de sous-estimer la fibre
patriotique de nos élèves. Ils sont plus attachés, ajoutent-ils, à nos valeurs
culturelles et nationales qu'on ne le croit. Toutefois ils pensent que la vigilance
doit être toujours de mise.
Les trois enseignants restants affirment que si l'enseignement culturel
inhérent à la langue française est devenu une nécessité aujourd'hui, il n'est rien
moins qu'un risque qu'on ferait mieux d'éviter. Ils disent qu'à force de jouer
avec le feu, on risquerait de s'en brûler les doigts.
Q13: Pensez-vous qu'un enseignement culturel de la langue française pourrait,
contrairement à ce que l'on en croit, contribuer à affirmer, dans la
différence, l'identité culturelle des apprenants?
Tableau n°: 06
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 08 72.73 %
Non 00 00
Parfois 03 27.27 %
120Commentaire
Huit enseignants confirment ce qu'ils ont dit dans la question
précédente. Ils disent qu'on ne se rend compte de ce que nous sommes
réellement que quand on est devant un autre, totalement ou presque différent
de nous. En fait, c'est lui qui nous fait prendre conscience de ce qui nous
singularise.
Les trois enseignants restants ont dit « Oui, mais pas toujours» ils ont
opté finalement pour la troisième réponse "Parfois".
Q14: Croyez-vous que les élèves ont une bonne image de la culture française?
Tableau n°: 07
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 05 45.45 %
Non 06 54.55 %
Commentaire
Cinq enseignants pensent que les élèves ont une bonne image de la
langue française. Preuve en est: ces élèves attendent avec impatience le cours
de français, ont-il dit. Ces élèves qui ont souvent des rapports très conviviaux
avec leurs enseignants, prennent souvent du plaisir à parler en français devant
leurs camarades de classe.
121Quant aux autres enseignants, eux pensent non sans conviction, que les
élèves n'aiment pas cette langue pour la simple raison qu'ils n'y comprennent
rien. Ces élèves, notent toujours ces enseignants, essayent de perturber le
cours de français. Toutefois ces enseignants, curieusement et c'est tout à leur
honneur, au lieu de manifester de la réprobation ou de la colère envers ces
élèves, se disent attristés pour eux, et qu'ils considèrent comme des victimes
de plus du système éducatif algérien.
Ces élèves, pensent ces enseignants, s'ils manifestent un tel rejet envers
le français, ce n'est pas seulement parce qu'ils ont eu une scolarité et une vie
des plus tourmentées et des plus difficiles à tous points de vues mais parce
qu'un certain discours du reste très vindicatif envers la langue française et la
culture qu'elle véhicule, très répandu, pas seulement dans la société ou dans
leur environnement immédiat mais dans l'enceinte même de l'école, tenu par
certains ou plutôt par beaucoup de professeurs arabophones qui rappellent sans
cesse à ces élèves que cette langue est celle du colonisateur qu'on a tendance à
oublier et que cette langue ne sert plus à rien aujourd'hui, et que c'est à
l'anglais qu'il faille se tourner. Ce discours qu'ils trouvent destructeur n'est pas,
disent l'un de ces enseignants sans provoquer l'ire de tous les enseignants de
français.
Q15:Pensez-vous qu'une éventuelle (et réelle) prise en compte de la dimension
culturelle, par l'école, dans l'enseignement-apprentissage du FLE puisse
modifier les attitudes des élèves vis-à-vis de la langue française (ainsi
que sa culture)?
Tableau n°: 07
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 09 81.82 %
Non 02 18.18 %
122Commentaire
Neuf enseignants pensent que cela pourrait modifier considérablement
les représentations négatives des élèves, y compris celles des plus
irréductibles. Parce que disent-ils, qu'on le veille au non, la France reste
néanmoins l'une des plus grandes démocraties et civilisations du monde. Ces
enseignants pensent qu'un enseignement culturel de la langue française ne peut
que redorer son image, et par conséquent cela pourrait très bien modifier les
représentations négatives qu'ont beaucoup d'élèves de la langue et de la culture
françaises
Les deux autres enseignants, un peu sceptiques, pensent que le mal est
déjà fait.
Q16:Pensez-vous que les textes littéraires pourraient être une sorte de
passerelle pour la découverte de l'autre.
Commentaire
Là, tous les enseignants étaient unanimement affirmatifs. Toutefois
deux d'entre eux ont jugé utile de rappeler que découvrir l'autre, ne voudrait
pas dire pour autant l'aimer ou l'apprécier.
Cela dit, ces enseignants affirment donc, que le texte littéraire (ou
l'œuvre littéraire) par le pouvoir des mots et par surtout le génie des écrivains,
reflète assez souvent, même si tout ce qu'on lit dans un texte littéraire relève
du fictif, avec parfois une impression de réel déconcertante, les
comportements sociaux et des manières de vivre, d'une société donnée à un
123moment donné de son histoire, et par conséquent ajoutent-ils lire les texte
littéraires ne peut qu'aider l'apprenant à connaître et à découvrir l'autre.
Q17:L'interculturel est devenu une exigence dans le monde d'aujourd'hui,
pensez-vous qu'avec le texte littéraire, on peut acquérir une compétence
culturelle voire interculturelle indispensable pour communiquer avec
l'autre sans malentendus culturels?
Commentaire
Tous les enseignants ont répondu par Oui. L'un des enseignants se
demandait qu'est-ce qu'un texte littéraire si ce n'est une tribune par laquelle, on
peut observer tout ce que fait l'autre.
Ces enseignants affirment que même s'ils n'ont jamais mis les pieds en
France, pensent néanmoins connaître tout des français pour les avoir vu (lu)
dans les œuvres littéraires qu'ils ont eu à lire.
Un des enseignants, qui avais admis au départ ne pas faire de lecture
n'en pense pas moins qu'une compétence culturelle nécessaire à toute
communication en langue étrangère peut être acquise à travers les textes
littéraires.
124Q18: Le texte littéraire se prête-il donc à interroger l'identité et l'altérité des
élèves?
Tableau n°: 08
Réponse Nombre de réponse s Pourcentage
Oui 08 72.73 %
Non 00 00
Parfois 03 27.27 %
Commentaire
Huit enseignants ont répondu par l'affirmative, toutefois, ils insistent sur
le rôle de l'enseignant pour accompagner les apprenants en vue de faire
ressortir du texte littéraire tout ce qui pourrait renvoyer à l'identité culturelle
de l'autre, parce que disent-ils, le texte littéraire est souvent décontextualisé.
Un enseignant, ne partageant visiblement pas cette opinion a dit d'un ton
ironique que de toutes les manières dans un texte littéraire, l'écrivain ne va pas
parler de Mustapha mais de Pierre et qu'il parlera de ce qu'a fait Pierre et pas
de ce qu'a fait Mustapha.
Les trois autres enseignants restants, qui faisaient partie des enseignants
qui ne lisaient que rarement des œuvres littéraires avaient émis quelques
doutes et avaient finalement opté pour la réponse "Parfois". En fait, ils
n'étaient pas sûrs de leurs réponses
125Q19: Quels aspects de la culture française doit-on enseigner (transmettre) à
nos élèves?
Commentaire
Certains enseignants ont dit préférer tout ce qui pourrait éclairer les
apprenants sur les manières de voir de l'autre, l'un deux ajoutait, tout ce qui
pourrait expliquer pourquoi cet autre agit de telle manière et pas d'une autre en
donnant des exemples qui ont fait l'actualité ces dernières années ( les
situations en IRAK, PALESTINE, AFGANISTAN…)
Les enseignants restants ont parlé de divers thèmes qui se rapporteraient
à la vie quotidienne des français. Ils ont parlé des fêtes religieuses, du cinéma,
de la mode, etc.
Q20: Entre textes littéraires, dits "anciens" et ceux dits "modernes", lesquels
préfèreriez-vous proposer à vos élèves?
Tableau n°: 09
Réponse Nombre de réponse sPourcentage
Textes littéraires anciens 05 45.45%
Textes littéraires modernes 04 36.36 %
Textes littéraires anciens et
modernes02 18.19 %
126Commentaire
Cinq enseignants ont affirmé clairement leur préférence pour les textes
littéraires anciens, arguant qu'ils représentent le patrimoine culturel français et
par conséquent ils ne pourront s'en passer.
Quatre enseignants trouvent que les textes littéraires modernes sont plus
réalistes que les textes dits "classiques" dans la mesure où ils parlent de la
réalité française contemporaine. Chose qui pourrait, selon eux, intéresser les
apprenants alors que les seconds (classiques) racontent un temps révolu qui
n'aura aucun impact sur eux et qui peut les rebuter.
Les deux derniers enseignants affirment que les deux textes classiques
et modernes appartiennent à la culture française et donc on ne pourra pas
prendre les uns et exclure les autres.
127Conclusion
Ce questionnaire a démontré que toute réflexion didactique sur
l'enseignement-apprentissage du FLE ne saurait être faite sans la consultation
des principaux acteurs de la réalité pédagogique et éducative, en particulier les
enseignants.
A travers leurs réponses, nous avons pu mesurer le degré de
connaissance et de maîtrise qu'ont ces enseignants de la réalité de la classe de
FLE. Tous reconnaissaient le manque d'imagination et de vision de l’école
algérienne, et l’urgence qu'il y a à redresser la situation qu'ils trouvent
intenable et insoutenable.
La majorité des enseignants ont constaté, avec regret, la minoration de
la dimension culturelle de l'enseignement-apprentissage du FLE, et donc
espèrent qu’elle soit intégrée dans leurs enseignements. Ils trouvent, dans leur
majorité, que le texte littéraire a toute sa place dans une éventuelle prise en
compte de la dimension culturelle dans l'enseignement-apprentissage du FLE,
et que l'élève a tout à gagner que ce soit dans l'affirmation de son identité ou
dans le dialogue avec la culture de la langue enseignée.
Ils pensent également que la compétence cultuelle voire interculturel
peut être acquise par le truchement des textes littéraires. Une compétence
qu’ils pensent être capable de dissiper et de corriger tous les malentendus
cultuels et les représentations négatives des apprenants .
128
129Au terme de la présente étude, un bilan s'impose: nous sommes parti
d'un constat, il est vrai un peu amer, d'un enseignement apprentissage du FLE
en difficulté. En effet, réduit à un apprentissage essentiellement linguistique,
l'enseignement du français langue étrangère n'a pas eu les résultats escomptés
à savoir la formation de personnes capables de communiquer en cette langue.
Une entreprise qui ne s'est pas et ne pouvait se faire, dès lors que
l'indispensable éclairage culturel n'y était pas.
On l'a bien vu dans notre expérimentation, les langues des élèves,
souvent, muettes, commençaient avec enchantement et sans surprise pour
nous, à se délier par le truchement des textes littéraires. Les apprenant ont, non
seulement, pris du plaisir à suivre nos enseignements mais également n'ont pas
hésité, parfois difficilement il est vrai, à prendre la parole et réussi ainsi tant
bien que mal, à communiquer en langue française.
Beaucoup de représentations et de préjugés souvent erronés ont pu être
corrigés et sont devenus du coup et paradoxalement, des facteurs motivants
pour les élèves.
Et la question identitaire, nous l'avons bien constaté, n'a jamais été mise
à mal, au contraire, elle s'est vue renforcer comme jamais. En fait c'est dans la
différence et dans la comparaison que souvent on se rend compte, de ce que
l'on est vraiment, et du coup, on s'y attache. De plus, et aussi paradoxal que
cela puisse paraître, les élèves devant les différences qu'ils ont pu observer
chez l'autre, n'ont pas été enclins au repli sur soi et au rejet de l'autre. Au
contraire, ils ont été pris, à sa découverte, de sympathie et de tolérance, encore
une fois par le truchement du texte littéraire.
130Le texte littéraire n'est pas seulement un passage obligé et
incontournable à la connaissance et à la découverte de l'autre , mais il permet
également à l'apprenant , comme nous l'avons vu, de se retrouver dans un
monde de plus en plus réductible à l'humain , comme le confirme J.Atler « En
apprenant à maîtriser l'œuvre littéraire, à s'orienter dans le monde différent
qu'elle propose, à formuler une vision qui en rende compte correctement , à
intégrer la multitude de phénomènes qui entrent en jeu, l'étudiant s'entraîne à
faire le même travail sur le monde qui l' entoure, se prépare à résoudre ce que
je conçois comme le problème principal d'aujourd'hui : l'adaptation de
l'homme à un milieu de moins en moins réductible à l'humain. Les
significations trouvées dans la littérature ne l'aideront guère car, à des
exceptions prés, ces mondes imaginaires ont peu de rapport avec le sien, mais
, en apprenant à chercher ces significations, il aura reçu les règles d'une
démarche qui le servira dans l'expérience vécue »1.
Dans la démarche interculturelle dont nous avons loué les qualités et les
bienfaits, l'enseignement-apprentissage du FLE se doit d'insuffler aux
apprenants toutes ces valeurs de tolérance, de l'acceptation de l'autre et
pourquoi pas de l'empathie vis-à-vis de l'étranger qu’ils doivent considérer
comme un être existant; qui a sa manière de voir et de se comporter, dont il
convient, non pas de les partager, mais au moins d’en tenir compte. Et le texte
littéraire on l'a vu, en est le médiateur propice.
1- Atler. J, Cité par séoud. A, Op. cit, P. 35.
131Tout au long de notre expérimentation, nous avons pu constater chez les
apprenants le développement progressif d'une compétence culturelle et même
interculturelle qui a pu, le temps de nos enseignements, dissiper pas mal de
malentendus culturels et leur a permis de parler et de produire en langue
étrangère. C'est pour cela d'ailleurs qui nous sommes convaincu que la
compétence communicative nécessaire à tout apprentissage linguistique, pour
être complète et efficiente, il faut impérativement une compétence culturelle
voire interculturelle.
Pour conclure, nous réaffirmons notre conviction de la nécessaire
réhabilitation du texte littéraire en classe de FLE, pour pouvoir en faire à la
fois, un document de langue, dont nous pouvons penser que c'est déjà fait,
mais également et surtout un document culturel pour une réelle appropriation
de la langue française qui, rappelons-le, passera par l'acquisition d'une
compétence culturelle et interculturelle inhérente à tout apprentissage
linguistique.
132
133Ouvrages
1- A l b e r t . M – C , S o u c h o n . M : « L e s t e x t e s l i t t é r a i r e s e n c l a s s e d e F L E »
Hachette Livre , 2000.
2- Barthes . R: « Le plaisir du texte » , Ed , du SEUIL . Coll ,Tel Quel , 1973
3- Beacco . J- c : « la dimension culturelle des enseignements des langues »
Hachette Livre 2000
4- Benamou . M. « pour une nouvelle pédagogie du texte littéraire», Hachette–
Larousse 1971
5- Bergaz . D. « L' explication du texte littéraire » Bordas . paris 1989
6- Clanet . C: « L'interculturel : Introduction aux approches interculturelles en
Education et en Sciences humaines». Presses Universitaires du Mirail 1990.
7- Collès . L: « Littérature comparée est reconnaissance interculturelle .» De
bock – Wesmael , s. a , Bruxelles .1994
8- Cuche . D: « La notion de culture dans les sciences sociales ». Editions La
Découverte paris 1996
9- Cuq . J-p , Gruca I: « Cours de didactique du français langue étrangère et
seconde» Horizon Groupe , paris 2002.
10- Dabéne . L " Repères sociolinguistiques pour l' enseignement des langue
Hachette livve , 1994
11- Galisson . R: " Lignes de force du renouveau en didactique des langues
étrangères". ClE, International 2004.
12- Giassan . T : "Les textes littéraires à l' école" Gaétan Morin , Editeur Ltee,
2000.
13- Mandroux – C.I et Tauvron. A-M: "Enseigné la lecture de l'œuvre littéraire
au lycée", Armand Colin, Paris, 1998.
14- Martinez. P: " La didactique des langues étrangères" Presses Universitaires
de France , 1996
15- Milly I: " Poétique des textes littéraires" , Edition Nathan , 1992.
13416- Peytard. T: " Littérature et classe de langue" . Ed , Hatier Crédif,
Paris.1982
17- Pretceille A.M: "Vers une pédagogue interculturelle»,Anthropos, 1996 ".
18- Thévenin.A :«Enseigner les différences » Editions Etudes Vivantes, 1980.
19-Séoud. A " Pour une didactique de la littérature " Les Editions Didier Paris
1997 .
20- Zakartcouk J-M : " L'enseignant , un passeur culturel" : ESf éditeur , 1999.
21- Zarate G. " Représentations de l'étranger et didactique des langues
étrangères" Didier, Coll, Crédif Essai . Paris 1993 .
Articles et revues
1- Besse . H "Comment utiliser la littérature dans l'enseignement du FLE". Ici
et Là . 1993 . N°= 20
2- Byram. M , Zarate . G, " Les jeunes confrontés à la différence, de
propositions de forrnation ", Conseil de l' Europe, Strasbourg , 1996 .
3- Casteppotti et Moore. D: "Représentations sociales des langues et
Enseignements ", conseil de l'Europe, Strasbourg, 2002
4- Radenkovic. R. A " Altérité et identités et dans les littératures de la langue
française ". in Le français dans le Monde, Clé International, Juillet 2004.
5- Sainte Marie.F. A, " La compétence culturelle dans le domaine de
l'interaction éducative et sociale" , un Les Cahiers de l'actif , 1997
Thèse
Kadik. Dj . " Le texte littéraire dans la communication didactique en
contexte algèrien" . Thèse de Doctorat , Université Franche-Compté,
mais 2002.
135
136Annexe N° 01:
Questionnaire à l'intention des enseignants
Q1: Pensez-vous avoir des représentations positives de la langue française?
Oui
Non
Justifiez.
Q2: Vous arrive-t-il de lire des ouvrages (œuvres littéraires, livres
d'histoire…) qui parlent de la culture française?
Oui
Non
Justifiez.
Q3: Vous arrive-t-il de parler de la culture française dans vos enseignements?
Oui
Non
Justifiez.
Q4: Croyez-vous que l'enseignement-apprentissage du FLE, doit être
nécessairement accompagné d' un enseignement culturel?
Oui
Non
Justifiez.
137Q5: Quel (s) support (s) didactique (s) pensez-vous qu’il (s) se prête (ent) à un
tel enseignement (culturel)?
Q6: Pensez-vous que le texte littéraire est le document le plus approprié, à
même de parler de la culture française ?
Oui
Non
Justifiez.
Q7 : Les textes littéraires des manuels de français algériens parlent-ils de la
réalité ( culturelle ) française ?
Oui
Non
Justifiez.
Q8 : Comment décririez-vous l'attitude de vos élèves lorsque le support
didactique est un texte littéraire? vos élèves sont:
Contents.
Indifférents.
Plus au moins contents.
Développez
Q9: Quelles seraient parmi ces difficultés, celles qui empêcheraient d'habitude
vos élèves de comprendre le texte littéraire ?
Difficultés syntaxiques.
Difficultés lexicales.
Autres difficultés.
Développez
138Q10: Ces difficultés ne sont-elles pas en rapport avec les référents culturels
qu'on trouve assez souvent dans le texte Littéraire?
Oui
Non
Justifiez.
Q11: Comment vous y prenez-vous pour surmonter ces difficultés qui sont
d'ordre culturel?
Q12: Croyez-vous qu'un enseignement culturel de la langue française pourrait
avoir des effets négatifs sur l'identité culturelle des apprenants ?
Oui
Non
Justifiez.
Q13: pensez-vous qu'un enseignement culturel de la langue français pourrait
contrairement à ce que l'on en croit contribuer à affirmer, dans la
différence , l'identité culturelle des apprenants?
Oui
Non
Justifiez.
Q14 :Croyez-vous que les élèves ont une bonne image de la culture française?
Oui
Non
Justifiez.
139Q15: Pensez-vous qu'une éventuelle ( et réelle ) prise en compte de la
dimension culturelle par l' école , dans l'enseignement-apprentissage du
FLE, puisse modifier les attitudes des élèves vis-à-vis de la langue
française ( ainsi que sa culture) ?
Oui
Non
Justifiez.
Q16: Pensez-vous que les textes littéraires pourraient être une sorte de
passerelle à la découverte de l' autre ?
Oui
Non
Justifiez.
Q17: l'interculturel est devenu une exigence dans le monde d'aujourd'hui.
Pensez-vous qu'avec le texte littéraire, on peut acquérir une compétence
culturelle voire interculturelle, indispensable pour pouvoir
communiquer avec l'autre, sans malentendus culturels?
Oui
Non
Justifiez.
Q18 : le texte littéraire se prête-il donc à interroger l'identité et l'altérité des
élèves?
Oui
Non
Justifiez.
140Q19: Quels aspects de la culture française doit-on enseigner ( transmettre) à
nos élèves ?
Q20: Entre textes littéraires, dits "anciens" et ceux dits "modernes", lesquels
préféreriez-vous proposer à vos élèves?
Textes littéraires anciens
Textes littéraires modernes
Textes littéraires anciens et modernes
141Annexe N° 02:
Pré-test à l'intention des apprenants
Q1: Aimez-vous la langue française?
Oui
Non
– Justifiez
Q2 : Parmi ces personnalités, lesquelles sont françaises?
Jean de la Fontaine.
Ronald Reagan.
François Mitterrand.
Christophe Colomb.
Louis 14.
Assia Djebbar.
Roger Federer.
Alain Prost.
Jean Ferrat.
Jacques Brel.
Q3 : Parmi ces propositions, lesquelles sont vraies?
Jacques Chirac est l'actuel président de la France.
Le statut de liberté se trouve à Paris.
La France est un pays exportateur de pétrole.
Victor Hugo a écrit Nedjma.
Tony Blair est l'actuel premier ministre de la France.
Robert de Niro est un acteur français.
François Mitterand est un ancien président de la France.
Charles Beaudelaire a écrit les Fleurs du Mal.
142 Lyon est une ville française.
Roger Hanin est un acteur de cinéma français.
4- Parmi ces propositions, lesquelles sont vraies?
La France est un membre permanant du conseil de sécurité.
La France a des troupes militaires en Afghanistain.
La France a participé à la première guerre contre L'Iraq.
C'est Jacques Chirac qui a dit « je vous ai compris» en s'adressant aux
algériens.
La France est membre de L'OTAN.
La France a participé à la dernière guerre contre l'IRAQ.
Les français ont rejeté le dernier traité européen.
La France est l'ancien colonisateur du Nigéria.
En France, il n'y a que 5 chaînes de télévision.
Q5: Parmi ces propositions, lesquelles sont vraies?
Paris est la capitale de la mode .
La France est réputée pour sa cuisine.
La société française est polygamique.
Les française sont tous, des protestants.
La durée actuelle du travail est de 35 heures.
Les élèves en France ne vont pas l'école, le jeudi et le vendredi.
Les chômeurs en France ont une prime mensuelle.
La durée actuelle du mandat présidentielle en France est de 7 ans.
Q6: Parmi ces écrivains, lesquels sont français?
Taher Bendjelloun.
Victor Hugo.
Honoré de Balzac.
143 Georges Simenon.
Jean D'ormesson.
Edgar Allan Poe.
Alexandre Pouchkine.
Jean Paul Sartre.
Hernest Hemingway.
Emile Zola.
Q7 : Lisez ces propositions puis cochez la bonne réponse.
Les texte littéraires sont des textes:
Monosémiques.
Polysémiques.
Qui racontent des événements réels.
Caractérisés par la langueur et la complexité des phrases.
Où le narrateur est toujours l'auteur.
Qui contiennent des éclairages culturels sur la langue française.
Réputés pour leur belle langue.
Qui ressemblent aux articles de presse.
144Annexe N° 03:
Texte: 1
Les Fiancés de la plage
C'était à villiers-sur-Mer, mais Plozévet, Mimizan ou le Lavandou
auraient aussi bien fait l'affaire. Je m'étais posé, curieux et solitaire, à
proximité d'un de ces groupes tribaux qui rassemblent sur le sable grands-
parents, parents, enfants, cousins, amis et amis des amis. Je songeais que les
plages estivales sont la dernière chance de la famille au sens large du mot, au
sens de la maison, maisonnée, alors que partout ailleurs la famille est réduite à
sa plus simple expression : papa-maman-enfant-l'automobile – et ses
dimensions – y est certainement pour quelque chose, et il faudrait dans une
sociologie moderne comparer la famille-plage et la famille-auto, comme
Marcel Mauss, dans un essai célèbre distinguait chez les Eskimos la vie
communautaire de l'hiver et la dispersion en groupes réduits de l'été.
Le fait est que c'est en vacances – sur les plages singulièrement – que la
plupart des futurs couples se forment. Des jeunes gens et des jeunes filles
habitant la même ville – voire le même quartier – se croisent, se côtoient onze
mois sans se remarquer. Sans doute n'ont-ils pas la "tête à ça". Pour qu'ils "se
regardent", comme on dit aux champs, il leur faut la plage, qui apparaît dès
lors comme un vaste champ de foire aux fiances.
Cependant que je me faisais ces réflexions, à quelques mètres de moi
le palabre allait bon train.
Au centre du groupe, la maman, plus toute jeune, un peu corpulente
déjà, serrait en silence sur ses genoux le plus jeune, six ans peut-être. Mais
autour d'eux les adolescents parlaient avec animation d'un concours de beauté
avec élection d'une "miss" locale organisé le soir même au casino. On lance
des prénoms de demoiselles ayant des chances de vaincre. Les filles se défient,
intimidées et envieuses, affichant un détachement apparent pour ce genre de
manifestation.
145Soudain, un ange passe, et on entend la voix du petit garçon :
-Mais toi, maman, pourquoi tu ne te présentes pas au concours de
beauté?
Stupeur d'un instant. Puit hurlements de rire des adolescents. Ce gosse,
quel idiot ! Non mais, tu vois ça, maman au concours de beauté !
Mais, au milieu de tout ce bruit, il y en a deux qui ne disent rien.
Le petit garçon qui ouvre de grands yeux et regarde passionnément sa
mère. Il ne comprend rien, mais vraiment rien du tout à ce déchaînement de
gaieté grossière. Il a beaux écarquiller les yeux, ce qu'il voit indiscutablement,
c'est la plus belle des femmes.
Et la maman, plus toute jeune, un peu corpulente déjà, qui regarde son
petit garçon. Non qui se regarde avec émerveillement dans les yeux de son
petit garçon.
Michel Tournier, -Les Fiances de la plages -, in petites proses,
Gallimard coll. "Folio", 1986,pp.120- 121.
146Annexe N° 04:
Texte:2 Lettre à un fils
Mon cher petit,
Cela ne fait rien, je comprends bien. Vois-tu, je ne m'y attendais pas
trop : c'est comme noël dernier, vous avez si peu de vacances ! Et je suis bien
ici, très bien même. Sais-tu que, pour mon anniversaire, les sœurs (je dit les
sœurs mais ce ne sont pas des religieuses, même pas des infirmières non plus,
ce sont "les jeunes filles" comme on les appelle ici, deux d'entre elles sont
mariées et la petite est fiancée, je l'ai rencontrée l'autre jours avec le jeune
homme, il est venu me dire. bonjour très poliment) donc les petites ont fait un
grand gâteau. Sans les bougies, heureusement, car à mon âge, il y en aurait,
hélas ! Trop. Et au dessert, le champagne, enfin, du mousseux c'est encore un
bon moment de passé.
Il y a plusieurs choses qu'il faudrait que je te demande, ça n'a d'ailleurs
pas beaucoup d'importance, ce sont des questions relatives à la maison de
saint- julien. Je ne sais plus bien s'il y avait des poiriers, au fond du jardin. Oui
n'est-ce pas ? Ou bien est-ce que ton père les avait fait arracher après la guerre
? Mais je ne vais pas t'ennuyer maintenant avec ça, j'ai tout noté sur un papier.
Depuis fin juin (ce n'est pas un reproche) la liste commence à être longue. Dis
aussi à Madeleine de m'envoyer les mesures exactes de Jean-François : sans
quoi je ne peux pas terminer son pull. Remarque, je ne m'y tiens guère, j'ai pris
l'habitude de regarder la télévision l'après-midi, il n'y a personne (elles
dorment!) au petit parloir. Le parloir ! Tu te souviens, quand tu nous attendais
au parloir, et si nous avions un peu de retard, comme tu étais nerveux. Dans la
voiture, je disais à ton père : doucement, ne va pas si vite, et lui : mais tu sais
bien qu'il va s'énerver. Ah oui, pour être nerveux, tu était nerveux.
Ta dernière lettre a mis neuf jours à me parvenir : il faut dire qu'elle était
d'abord allée à Nyons, on se demande pourquoi ! J'ai beaucoup lu ces temps
derniers, malgré mes pauvres yeux, et pourtant la bibliothèque laisse bien à
147désirer, aussi ton envoi a-t-il été le bienvenu. J'ai surtout aimé les nouvelles, et
le roman de Thomas Hardy, du fait qu'il se passe à la campagne, c'est tout à
fait les sentiments d'autrefois. Je le passerai à Mme Christian ; les autres, n'en
parlons pas.
Sais-tu qui m'a écrit ? Mme Larue ! Je n'en croyais pas mes yeux Elle ne
va pas fort, la pauvre, enfin elle est toujours chez elle. Pour combien de temps
encore ? m'écrit-elle. Ses deux fils sont aux Etats-Unis ; tu vois que je ne suis
pas seule à être seule, si j'ose dire. Je suis beaucoup mieux depuis que j'ai une
chambre pour moi, à l'étage. J'ai mis la table devant la fenêtre, j'ai repoussé le
lit de l'autre côté (il est vrai que tu n'as jamais vu la chambre, mais cela ne fait
rien, je t'explique), ce qui fait que, quand je suis dans mon fauteuil, j'ai vue sur
la Mayenne-quoiqu'en ce moment, la nature ne soit pas bien gaie. Il parait
qu'au printemps on va raccorder la route à celle de Laval: bien des tracas en
perspective, et pourvu qu'on ne coupe pas ma belle de rangée de peupliers!
Quand tu était petit et que nous t'emmenions à la pêche, je te faisais toujours
dormir à l'ombre des peupliers, c'est une ombre qui n'est pas dangereuse.
Si la fille de Mme Christian vient la semaine prochaine, je lui dirai de
m'acheter du carton, et une vitre pour encadrer la jolie gravure de Madeleine,
je n'ai pas le courage de prendre le car pour aller à Laval. Remercie Madeleine
pour moi, et dis-lui que j'ai coupé le titre : La maison aveugle, c'est trop triste
pour une vieille femme comme moi. Allez, je vous quitte. Soyez bien prudents
sur la route, et je ne veux pas que vous me rapportiez un cadeau, comme à
chaque fois. Sur mon étagère, c'est une véritable exposition, j'en ai presque
honte. "Vos enfants voyagent beaucoup " m'a dit la doctoresse. Des bonbons,à
la rigueur « Quality street», la boîte est bien pratique pour ma couture.
Je vous embrasse tous les trois.
Danièle Sallenave, Un printemps froid, Ed. P.O.L.
148Annexe N° 05:
Texte:3 Mère et fille
J'avais perdu la sécurité de l'enfance ; en échange je n'avais rien gagné.
L'autorité de mes parents n'avait pas fléchi et comme mon esprit critique
s'éveillait, je la supportais de plus en plus impatiemment. Visites, déjeuners de
famille, toutes ces corvées que mes parents tenaient pour obligatoires, je n'en
voyais pas l'utilité. Les réponses : "Ca se doit. Ca ne se fait pas", ne me
satisfaisaient plus du tout. La sollicitude de ma mère me pesait. Elle avait "ses
idées" qu'elle ne se souciait pas de justifier, aussi ses décisions me
paraissaient-elle souvent arbitraires. Nous nous disputâmes violemment à
propos d'un missel que j'offris à ma sœur pour sa communion solennelle ; je le
voulais relié de cuir fauve, comme celui que possédaient la plupart de mes
camarades ; maman estimait qu'une couverture de toile bleue serait bien assez
belle ; je protestai que l'argent de ma tirelire m'appartenait ; elle répondit qu'on
ne doit pas dépenser vingt francs pour un objet qui peut n'en coûter que
quatorze. Pendant que nous achetions du pain chez le boulanger, tout au long
de l'escalier et de retour à la maison, je lui tins tête. Je dus céder la rage au
cœur, me promettant de ne jamais lui pardonner ce que je considérais comme
un abus de pouvoir. Si elle m'avait souvent contrariée, je crois qu'elle m'eut
précipitée dans la révolte. Mais dans les choses importantes – mes études, le
choix de mes amies – elle intervenait peu ; elle respectait mon travail et même
mes loisirs, ne me demandant que de menus services : moudre le café,
descendre la caisse à ordures. J'avais l'habitude de la docilité, et je croyais que,
en gros, Dieu l'exigeait de moi ; le conflit qui m'opposait à ma mère n'éclata,
mais j'en avais sourdement conscience. Son éducation, son milieu, l'avaient
convaincue que pour une femme la maternité est le plus beau des rôles : elle ne
pouvait le jouer que si je tenais le mien, mais je refusais aussi farouchement
qu'à cinq ans d'entrer dans les comédies des adultes. Au cours Désir, la veille
de notre communion solennelle, on nous exhortait à aller nous jeter aux pieds
149de nos mamans en leur demandant pardon de nos fautes ; non seulement je ne
l'avais pas fait mais quand son tour fut venu, j'en dissuadai ma sœur. Ma mère
fut fâchée. Elle devinait en moi des réticences qui lui donnaient de l'humeur, et
elle me grondait souvent. Je lui en voulais de me maintenir dans la dépendance
et d'affirmer sur moi des droits.
Simone de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, Ed, Gallimard
150Annexe N° 06:
Texte:4 LES PARISIENS ET LA CAMPAGNE
Les parisiens montrent aujourd'hui un goût immodéré pour la campagne.
[…]. Le dimanche, la population, qui étouffe, en est réduite à faire plusieurs
kilomètres à pied, pour aller voir la compagne, du haut des fortifications.
Cette promenade aux fortifications est la promenade classique du peuple
ouvrier et des petits bourgeois. Je la trouve attendrissante, car les Parisiens ne
sauraient donner une preuve plus grande de leur passion malheureuse pour
l'herbe et les vastes horizons.
Ils ont suivi les rues encombrées, ils arrivent éreintés et suants, dans le
flot de poussière que leurs pieds soulèvent ; et il s'assoient en famille sur le
gazon brûlé du talus, en plein soleil, parfois à l'ombre grêle d'un arbre
souffreteux, rongé de chenilles, derrière eux, Paris gronde, écrasé sous la
chaleur de juillet; le chemin de fer de ceinture siffle furieusement, tandis que,
dans les terrains vagues, des industries louches empoissonnent l'air. Devant
eux, s'étend la zone militaire, nue, déserte, blanche de gravats, à peine égayée
de loin en loin par un cabaret de planches. Des usines dressent leurs hautes
cheminées de briques, qui coupent le paysage et le salissent de longs panaches
de fumée noire.
Mais, qu'importe ! par delà les cheminées, par delà les terrains dévastés,
les braves gens aperçoivent les coteaux lointains, des prés qui font des tables
vertes, grandes comme des nappes, des arbres nains qui ressemblent aux arbres
en papier frisé des ménageries d'enfant ; et cela leur suffit, ils sont enchantés,
ils regardent la nature, à deux ou trois lieues les hommes retirent leurs vestes ,
les femmes se couchent sur leurs mouchoirs étalés; tous restent là jusqu'au
soir, à s'emplir la poitrine du vent qui a passé sur les bois, puis, quand ils
rentrent dans la fournaise des rues, ils disent sans rire : "Nous revenons de la
campagne". Emile Zola ,
Le messager de l'Europe,(1880 ).
151Annexe N° 07:
Texte : 5
JE NE SUIS PAS L'EGALE DE MON FRERE
Aussi loin que peuvent remonter dans le temps mes souvenirs, je revois
d'une manière très précise les différences ressenties, le clivage filles-garçons:
je sais que très, très jeune, vers l'âge de huit ans , ma mère nous obligeait à
laver le sol de la maison. Il n'était pas question de le demander à mon frère
qui était pourtant plus âgé et beaucoup plus solide que nous, les filles. Je
devais ranger, faire. La vaisselle. A la maison, l'homme n'avait jamais rien a
faire. Nous, les filles, et ma mère étions là pour servir.
C'est quand nos études ont pris une certaine importance que j'ai ressenti
la discrimination. Après le certificat d'études, Il a été question que mon frère
continue. Dans la famille, on était prêt à se priver de tout pour qu'il ait un
diplôme. Pendant ce temps j'avais progressé toute seule. Mais ça n'a jamais
intéressé personne… A 10 ans je savais déjà qu'il ne fallait pas compter sur un
effort financier de mes parents pour m'aider à aller au lycée qui était payant…
j'obtenais de très bonnes notes, mais elles passaient toujours inaperçues.
J'arrivais pour dire : «je suis première en français…» C'était le moment ou se
déclenchait un drame parce que mon frère était le dernier en Mathématiques. Il
était homme et son avenir occupait toute la place. A en être asphyxié! Toute
l'attention était tournée Vers lui….
Vint le moment ou Il fallut me décider au mariage. En clair, me
marier, c'était arrêter mes études… Je ne voulais pas me marier. Je voulais
étudier. Je revois ma mère mettre son doigt sur sa tempe et dire : « Gisèle, elle
ne veut pas se marier, elle veut étudier… » Comme pour expliquer par ce geste
; " elle ne tourne pas rond, cette fille ! Elle est vraiment bizarre " On a pensé
que cela me passerait. Gisèle HALIMI
(LA CAUSE DES FEMMES)
152Annexe N° 08:
Quelques productions écrites des élèves1
1- les fêtes religieuses
– les fêtes religeuses ne sont pas les mêmes en Algérie ou en France. En
Algérie toutes les fêtes sont organisé pour aimé Dieu. Il y a aidelfitre et
aidelkebir et les musulmans achètent les moutons pour approché Dieu. Dans la
fête Mawlid les parents achètent les bougé pour les enfants. En France il y a
noel et tout les français achétent l'arbre pour le porté à la méson. Les français
achètent bocou de cadous au enfants. Le père noel aporte des cadous aussi au
enfants. Tout les français achètent des buches. Les algèriens aussi come les
français achètent les buches. Je pense que les algèriens et les français ont ses
fêtes.
2- les concours de beauté
Moi j'aime les concours de beautés on France les français choisis la
famme la plu belle et une grande taille je regarde tejour les concours de miss
France et miss Lebanon à la telivision en Algérie il ya pas des concours de
beautés de miss Algérie mai il ya des fammes belle en Algérie. Je comprent
pas pourquoi ya pas concour.
3- les week-ends
Les français voyage bocoup et ils aimes le voyage. Ils voyage en maroc et
en tunis mais pa Algérie. Les français les week-ends voyage ils va à la
campagne dimanche les algériens ne voyage pa a cause de salat de vendredi
j'aime voyagé en France pour voir paris et la tourifel et pour fair des conésons
avec des français. Je pense les algériens et les français doit oubli la guere et
fais amis.
1- Les fautes ont été maintenues, par souci d'authenticité.
1534- la femme en Algérie et en France
En Algérie les femmes travailles pas tous ce l'home qui travaille la plupar des
femmes restes a la méson. en France les femmes travailles et savoir lire a
cause de cultire qui né pas la même et sirtou la religion. En France la femme et
come l'home elle fé se quel veu. En Algérie si le père et frére qui control la
femme. Qui ne peu pas sortir come l'home. J'aime que la femme travaille come
la femme en France.
5- Relation parents / enfants :
Moi J'aime mes parents je fait ce qu'il veulent je revise mes leçons pour
avoir le bac et j'aide ma mère dans le ménage. Lorsquils sont grands j'abite
avec mes parents. En France les relations entre parents et enfants n'est pas la
même. Lorsque les enfants sont grands ils abite pas avec ses parents ils lésses
la maison. Tous le monde doit respecté les parents en Algérie et en France.
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Acest articol: 1A ma douce et tendre Maman. [613034] (ID: 613034)
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